3 e DÉFI 3 questions à Bernard Ramanantsoa, directeur général honoraire d’HEC Il y a quelques semaines vous vous êtes interrogé sur Xerfi Canal sur la santé financière des écoles de management. Vous pensez toujours qu’elles sont au « bord <strong>du</strong> gouffre » ? Soyons précis : je maintiens que si les écoles veulent pouvoir investir pour être aux standards internationaux, et notamment en recherche, elles vont cruellement manquer de moyens. Je souhaitais tirer la sonnette d’alarme, notamment vis-à-vis des tutelles : avec les moyens qu’ont aujourd'hui nos écoles il va leur être de plus en plus difficile d’être ce qu’on appelle des research institutions. Bien sûr, elles vont continuer à dire qu’« elles font de la recherche » mais cela ne compte que si cette recherche répond aux standards internationaux. Et vouloir changer les critères pour prétendre rester une research school est un vœu pieux qui ne trompe pas grand monde dans le secteur ; malgré quelques interventions au sein de l’EFMD ou de l’AACSB, on ne change pas comme ça des règles <strong>du</strong> jeu mondiales ! Faute de moyens, on va forcément vers une segmentation entre des « research institutions » et des « teaching institutions » ? Oui, et ça n’a rien de gênant en soi. Ce n’est pas une honte d’être une teaching school et je ne comprends pas pourquoi il y a un embarras à assumer ce statut. Pourquoi, les écoles de « milieu de tableau » ne revendiquent-elles pas plus d’être des vecteurs <strong>du</strong> développement de leurs régions, de leurs métropoles ? Elles pourraient même solliciter plus de subventions de ces collectivités. Et puis, on peut gagner beaucoup d’argent en étant une teaching school, ne serait-ce qu’en n’ayant pas à rémunérer des enseignants-chercheurs aux standards internationaux. Regardez d’ailleurs le nombre croissant des écoles qui intéressent les fonds d’investissement ! Non, ce qui est beaucoup plus embarrassant, c’est le nombre très limité de vraies research schools en France. Faut-il rappeler qu’on n‘est une research institution que si, et seulement si, on peut revendiquer des publications reconnues mondialement et si la culture de l’Institution est une culture « orientée recherche » ? Tout le monde en convient : il n’y a, en France, aujourd’hui, en comptant l’Insead, que deux/trois institutions, qui peuvent revendiquer ce statut ! Je trouve cela très ennuyeux. C’est la recherche pro<strong>du</strong>ite qui fait © HEC la notoriété internationale d’une école. Une école gagne beaucoup en réputation quand les professeurs <strong>du</strong> monde entier en disent <strong>du</strong> bien : et ils en disent <strong>du</strong> bien quand ils connaissent les publications de cette école. Si on connaît aussi bien HEC dans le monde aujourd'hui c’est grâce à sa recherche. Plus globalement, il est navrant que notre pays n’investisse pas plus en recherche : je continue à dire que nous obérons notre compétitivité future ! D’où mon cri d’alarme : il faut plus de research institutions et donc beaucoup plus de moyens. Toutes les business schools vous diront manquer de moyens, mais c’est une question d’échelle. Vous constaterez que, quel que soit le continent, les meilleures, les research schools, continuent à recruter les meilleurs chercheurs, parfois à prix d’or. La recherche reste à leurs yeux « la mère de toutes les batailles » ! Les entreprises françaises financent-elles assez les écoles de management ? Il y a toute une gamme de liens possibles avec les entreprises : prendre des stagiaires, financer des bourses, permettre aux enseignants d’écrire des cas, entretenir des relations très privilégiées de counseling avec des professeurs, la participation à des comités d’orientation, et puis, bien sûr le financement de la recherche. Sur ce dernier point, le modèle idéal, pour moi, c’est celui qui existe dans les grandes business schools américaines où les entreprises financent de manière désintéressée la recherche sans jamais demander si cela va leur faire gagner des parts de marché. Si on excepte l’Insead, HEC, au travers de sa Fondation, il n’y a pas beaucoup d’autres écoles françaises ni beaucoup d’entreprises qui arrivent à appliquer ce modèle. Aux États-Unis les entreprises qui fondent des chaires apportent <strong>du</strong> capital et ne peuvent donc plus se retirer ensuite. C’est incontestablement le meilleur moyen, sur le long terme, de financer de la recherche. En France, cette pratique est beaucoup plus rare. Quelques entreprises offrent ce que les Anglo-Saxons appellent des fellowships, c’est-à-dire des financements limités dans le temps et nombreuses sont celles qui attendent un retour plus immédiat, en espérant, par exemple, <strong>du</strong> counselling en échange ; c’est inconcevable pour un professeur dans la culture anglo-saxonne. n >>> partie de grands groupes qu’être indépendantes. C’est le cas de l’ISC Paris comme l’explique son directeur, Henry Buzy-Cazaux : « Nous sommes une association indépendante de tout groupe, qui doit s’attacher à développer ses pro<strong>du</strong>its d’exploitation. Nous ne bénéfi cions d’aucun soutien vis-à-vis <strong>du</strong>quel nous serions dépendants ». Comme d’autres écoles associatives, l’ISC Paris tient à cette indépendance qui ne veut pas dire splendide isolement assure encore Henry Buzy-Cazaux : « Ce que je souhaite c’est que nous gardions notre indépendance tout en concluant des alliances avec d’autres écoles comparables à la nôtre ». L’Inseec Business School fait quant à elle partie d’un large groupe, Inseec U., qui compte également une école d'ingénieurs, l’ECE, ou encore une école spécialisée dans la création, le digital et la communication, CREA GENEVE. Autant de synergies possibles explique son directeur, Rémy Challe : « Inseec U. est un formidable écosystème pour créer des passerelles entre les écoles et les disciplines. Nous avons ainsi créé un parcours dédié à l’entrepreneuriat digital, la "Start-up Factory", en partenariat avec l’ECE ». Chaque année une trentaine d’étudiants de l’Inseec BS et de l’école d’ingénieurs ECE suivent ainsi un programme commun pour concrétiser leur projet de création de start-up, en profi tant des campus internationaux <strong>du</strong> groupe. Des synergies bienvenues alors qu’on parle de plus en plus d’interdisciplinarité. n O. R ESCP Europe possède des statuts différents pour chacune de ses implantations en Europe. Ici Londres. © DR 22 L’ESSENTIEL DU SUP | NUMÉRO SPÉCIAL | SEMAINE DU MANAGEMENT E 14659 Magazine LEssentiel-<strong>Semaine</strong><strong>Management</strong>-DI-V3.indd 22 03/05/2018 11:01
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