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Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

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qui suit tout ça de loin. Elle passe à autre chose, mais <strong>je</strong> sais que c’est pour y revenir<br />

plus tard, encore et encore. Je n’aime pas beaucoup cette expression « jouer au chat<br />

et à la souris », mais c’est pourtant ce que nous faisons tous les deux, sans avoir, ne<br />

serait-ce qu’une seule fois, évoqué ce qu’elle a osé me dire cette nuit-là, avec son<br />

insupportable voix geignarde. Pleurnicharde en plus de ça ! Ensuite, j’ai eu beau<br />

tenter de me raisonner, j’ai été incapable de trouver le sommeil. Quand elle m’a<br />

demandé si j’a<strong>vais</strong> bien dormi, j’ai répondu « comme un bébé », <strong>je</strong> n’allais quand<br />

même pas lui avouer que ses paroles m’avaient bouleversé. Mais il y a cette<br />

interrogation dont <strong>je</strong> n’arrive plus à me défaire : comment a-t-elle pu savoir et,<br />

maintenant, que va-t-elle faire ? Pour l’heure, <strong>je</strong> ne vois qu’une solution : laisser<br />

faire le temps. Quand Rodriguez éliminera Demay, <strong>je</strong> serai à l’abri de tous.<br />

« Chacun a sa part de malheur », lui ai-<strong>je</strong> balancé un jour où elle s’apitoyait sur le<br />

sort de la petite sœur du gamin. J’ai ajouté, histoire de la remettre à sa place :<br />

« Dans la vie, il faut parfois penser d’abord à soi. » <strong>Ce</strong> jour-là <strong>je</strong> l’ai bien mouchée<br />

et elle m’a foutu la paix avec cette histoire pendant une bonne semaine !<br />

Je me prépare à ses attaques sournoises et, avec le temps, j’ai appris à répondre à<br />

tout. Au fil des semaines j’ai bien progressé : <strong>je</strong> maîtrise beaucoup mieux mes<br />

émotions. Si elle croit qu’elle va me surprendre ou m’impressionner en me<br />

balançant la libération de Demay, c’est mal me connaître, car désormais il en<br />

faudrait davantage pour me coincer. Aussi, <strong>je</strong> réponds sur le même ton, à la fois<br />

ferme et dégagé, qui l’agace tant, un ton qui veut dire : « Bien sûr, <strong>je</strong> suis intéressé<br />

par l’affaire (qui ne le serait pas, elle concerne un gars de la boîte), mais <strong>je</strong> ne me<br />

sens pas vraiment concerné. »<br />

– Tout le monde dans la boîte est révolté. Loizeau, un gars des services généraux,<br />

fait passer une pétition.<br />

– Une pétition pour quoi ?<br />

– Pour que le mec qui a tué le petit de Rodriguez soit renvoyé en taule. Tu<br />

avoueras avec moi que ce n’est pas normal qu’on ait relâché ce fumier.<br />

– Ça, <strong>je</strong> suis d’accord. Le tueur du gamin doit être en prison. Et tu as signé ?<br />

– Tout le monde a signé !<br />

– Et qu’est-ce qu’il dit, Rodriguez ?<br />

– Tu sais, Rodriguez, c’est pas un mec qui parle beaucoup, maintenant. D’après<br />

ce que j’ai appris, il a seulement informé les gars et il a repris le boulot. Je crois<br />

quand même qu’il a remercié Loizeau pour avoir lancé la pétition. Mlle Irène m’a<br />

dit qu’il avait ajouté que ça ne servirait probablement à rien et qu’il fallait attendre<br />

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