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Elle a bien vu, cette petite garce, que <strong>je</strong> bous d’impatience. Perverse comme elle<br />
est, <strong>je</strong> suis sûre qu’elle le fait exprès rien que pour m’énerver. C’est bien la fille de<br />
son père. Autant avec mes garçons ça devrait aller, autant avec celle-là, <strong>je</strong> n’ai pas<br />
fini d’en baver. <strong>Ce</strong>tte gamine me prépare une adolescence difficile.<br />
Je réponds que papa a été retardé au travail et qu’il va arriver et j’ordonne d’un<br />
ton sans appel :<br />
– Débarrassez, maintenant.<br />
– Il est où, papa ? répète Amandine.<br />
Je n’ai qu’une envie, qu’ils déguerpissent. Je ne veux pas qu’ils soient là à<br />
l’arrivée de Jean-Pierre, et, surtout, <strong>je</strong> ne veux pas les voir se <strong>je</strong>ter dans ses bras ni<br />
les entendre lui demander : « T’étais où, papa ? » Ne pas l’entendre mentir alors que<br />
<strong>je</strong> commence à me dire qu’il a passé la <strong>soir</strong>ée à roucouler avec une femme. S’il m’a<br />
fait ça, <strong>je</strong> jure qu’il va le regretter. Je réponds sur un ton sans réplique :<br />
– Allez vous coucher. Je finirai.<br />
– Je laisse l’assiette de papa ? insiste Amandine, le verre de son père en main.<br />
– Montez, j’ai dit. Disparaissez !<br />
Quelques minutes plus tard, <strong>je</strong> les entends chahuter dans leur chambre. Il va<br />
falloir que <strong>je</strong> monte les calmer, ces saligauds, ils ont bien vu que le retard de leur<br />
père m’avait mise dans tous mes états et ils en profitent. Je déboule à l’étage et <strong>je</strong><br />
crie : « Au lit, maintenant ! » Ils comprennent que ma colère n’est pas feinte et<br />
qu’ils ont intérêt à obéir, sinon, ils auront droit à une bonne fessée. Je suis de ces<br />
mères qui ont la main leste ! Soudain, nous entendons la porte d’entrée s’ouvrir et<br />
Jean-Pierre demander à la cantonade d’une voix forte :<br />
– Y a quelqu’un ?<br />
– Papa ! s’écrie Amandine la première.<br />
Elle m’échappe, entraînant ses frères dans l’escalier, et ils se précipitent dans ses<br />
bras. Calmement, <strong>je</strong> me dirige vers le palier et, du haut des marches, j’aperçois<br />
Amandine en train d’embrasser Jean-Pierre dans le cou.<br />
– Maman était si inquiète, murmure Kévin, me désignant en train de les observer,<br />
les mains sur les hanches.<br />
Je n’aime pas ces effusions. Que diraient ces gosses si maintenant <strong>je</strong> leur avouais<br />
la vérité, que leur père chéri avait écrasé un petit enfant et qu’il s’était sauvé comme<br />
un lâche ? En un instant, <strong>je</strong> pourrais détruire cette harmonie familiale insupportable,<br />
mais <strong>je</strong> me contente d’ordonner :<br />
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