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Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

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Je n’ai aucune intention d’aller travailler ce matin. J’ai seulement envie de rester<br />

seule, de me promener à mon gré. Je n’ai surtout pas envie de montrer à Antonio<br />

que <strong>je</strong> me sens libérée de tout le poids qui pesait sur moi ces derniers mois, presque<br />

heureuse d’avoir craché à la face de l’<strong>assassin</strong> de mon fils qu’il allait mourir.<br />

Antonio va nous venger et c’est la seule chose qui importe, la seule capable de me<br />

guérir.<br />

J’ai bien vu que mon mari chancelait, qu’il était prêt à l’épargner, à attendre son<br />

procès. Je ne veux pas de ce procès, <strong>je</strong> veux que l’<strong>assassin</strong> de mon fils disparaisse,<br />

qu’il n’existe plus. J’aurais pu dire à Antonio que, s’il ne le faisait pas, <strong>je</strong> m’en<br />

chargerais moi-même, et il aurait protesté, assuré que c’était à lui de le faire. Mais<br />

<strong>je</strong> ne voulais pas l’entendre dire qu’il allait <strong>tuer</strong> ce type pour moi. Non, Antonio, ce<br />

n’est pas ma vengeance, elle doit être la nôtre, ce sera la démonstration de notre<br />

amour.<br />

Je surveille sa voiture depuis le hall et il s’éloigne enfin. Peut-être va-t-il aller<br />

chez Gaboriaud, puisque son travail est son refuge.<br />

Je m’apprête à sortir quand j’entends : « Sylvia ! » Je me retourne. C’est Eugénie,<br />

une aide-soignante du service pédiatrique à laquelle, un jour, j’ai fait l’erreur de<br />

confier mon désespoir. Depuis, elle croit être mon amie et elle est toujours avide de<br />

mes confidences.<br />

– Qu’est-ce que tu fais là ? Je croyais que tu a<strong>vais</strong> posé ta journée.<br />

Elle m’entraîne à sa suite et dit :<br />

– Tu viens ? Je <strong>vais</strong> m’en griller une dehors.<br />

Je ne lui échapperai pas, alors <strong>je</strong> l’embrasse et <strong>je</strong> la suis. Je lâche aussitôt, d’une<br />

voix la plus neutre possible :<br />

– Les gendarmes ont arrêté l’<strong>assassin</strong> de Victor.<br />

Elle marque un instant de surprise, puis elle ajoute ce que tout le monde pensait<br />

sans oser me le dire :<br />

– Je n’y croyais plus, ça fait si longtemps que ton petit est mort.<br />

Je frémis à ces mots : « Ton petit est mort. » Elle le lit dans mon regard et,<br />

désolée, elle se sent obligée de s’excuser.<br />

– Pardonne-moi, ça m’a échappé. Mais nous avons toutes été tellement<br />

bouleversées, moi la première. Je sais que tu as beaucoup souffert.<br />

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