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Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

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<strong>Ce</strong>tte fin de journée de décembre, <strong>je</strong> ne suis pas près de l’oublier. À son souvenir,<br />

j’en ai encore des sueurs froides ! <strong>Ce</strong> <strong>soir</strong>-là, j’ai appelé Christine avant de partir et<br />

<strong>je</strong> rentrais tranquillement à la maison en écoutant RMC. La journée avait été<br />

glaciale, il y avait quelques plaques de verglas, et <strong>je</strong> ne voulais pas finir dans le<br />

décor. Je n’a<strong>vais</strong> pas envie d’avoir encore affaire à l’assurance, au risque de perdre<br />

mon bonus...<br />

Je l’ai aperçu de loin, dans les phares, debout devant le champ. Je l’ai reconnu<br />

aussitôt : c’était la même silhouette raide que le jour des funérailles de son fils, qui<br />

a tant marqué les esprits. Qui d’autre que lui pouvait être là, dans le froid ? Je me<br />

suis dit que Rodriguez n’habitait pas loin et qu’il avait dû venir à pied. Je l’ai<br />

dépassé, puis <strong>je</strong> me suis ravisé et j’ai reculé. J’aurais pu continuer sans qu’il me<br />

voie, mais ma curiosité a été la plus forte. Et puis, qu’est-ce que <strong>je</strong> risquais ? Rien.<br />

Il n’a pas entendu la voiture approcher, et <strong>je</strong> l’ai interpellé par la vitre ouverte :<br />

– Rodriguez !<br />

Il s’est retourné, surpris, et il a marché dans ma direction. Il était presque<br />

guilleret alors que <strong>je</strong> m’attendais à découvrir un homme accablé. Il a souri, comme<br />

s’il était content de me voir :<br />

– Monsieur Boulard ! Vous habitez dans le coin ?<br />

– Oui, à une dizaine de bornes. À Rennemoulin.<br />

– C’est joli, par là-bas.<br />

– Oui... Mais qu’est-ce que vous faites là, Rodriguez ?<br />

– J’a<strong>vais</strong> besoin de marcher. Le froid, c’est vivifiant.<br />

J’étais le plus étonné des deux. Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit aussi amical,<br />

car, après tout, nous nous connaissions si peu. Toujours « bonjour-bon<strong>soir</strong> » à la<br />

boîte, rien de plus. Je ne l’évitais pas mais, comme on dit, « nous ne jouions pas<br />

dans la même division ». Je n’ai rien trouvé à dire que :<br />

– Attention à ne pas prendre froid. Le thermomètre est en dessous de zéro. On a<br />

besoin de vous au boulot.<br />

– C’est vrai que ça tourne bien en ce moment. La crise, on la sent pas vraiment à<br />

la boîte.<br />

Ça, <strong>je</strong> m’en souviendrai : ce type se trouvait à l’endroit où son gamin était mort et<br />

il me parlait de la crise ! Je suis descendu de la voiture et <strong>je</strong> lui ai demandé s’il<br />

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