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Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

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Et il ajoute, content de lui :<br />

– On ne baise pas assez souvent, Christine.<br />

Je ne réponds pas, à quoi bon ? Je suis déjà debout et <strong>je</strong> gagne la salle de bains où<br />

<strong>je</strong> m’essuie longuement, le laissant reprendre ses esprits. Quand il descend, une<br />

dizaine de minutes plus tard, son café est déjà prêt. Il apparaît, les cheveux<br />

parfaitement coiffés pour dissimuler une calvitie naissante qu’il ne supporte pas.<br />

Régulièrement, pour mon seul plaisir, car <strong>je</strong> sais à quel point ça l’agace, <strong>je</strong> lui<br />

montre les cheveux ramassés sur l’oreiller et <strong>je</strong> me moque de lui : « Bientôt, tu<br />

n’auras plus un poil sur le caillou, mon pauvre chéri. » Et j’ajoute, histoire de<br />

l’irriter encore plus : « Ta lotion à 65 euros n’a pas l’air bien efficace. » Il encaisse<br />

sans répondre, mais <strong>je</strong> sais que j’ai fait mouche, et <strong>je</strong> poursuis : « C’est de famille.<br />

Ton père est chauve, lui aussi. On ne peut pas lutter contre les gènes, Jean-Pierre. »<br />

Il se frictionne pourtant consciencieusement le crâne deux fois par jour et, lorsque <strong>je</strong><br />

le surprends dans la salle de bains, <strong>je</strong> lui conseille d’économiser son argent « car on<br />

ne peut rien contre la nature. Et toi, Jean-Pierre, tu as une nature de chauve ». Ma<br />

vie est ainsi faite de petites et jouissives vengeances.<br />

Les enfants, plantés comme toujours devant la télé dont j’ai immédiatement<br />

baissé le son, lui réclament une bise dès qu’ils l’aperçoivent. Il s’empresse de les<br />

satisfaire l’un après l’autre avec affection. On peut reprocher bien des choses à cet<br />

homme, mais pas de ne pas aimer ses gosses. Pourquoi m’ont-ils presque ignorée<br />

quand <strong>je</strong> suis passée devant eux ? C’est à peine s’ils m’ont dit : « Bonjour,<br />

maman. »<br />

Ils ont laissé leurs bols de chocolat et de céréales sur la table, et il a fallu que <strong>je</strong><br />

les menace d’éteindre la télé pour qu’ils débarrassent. Les gosses, si on leur donne<br />

le doigt, ils vous bouffent le bras.<br />

Jean-Pierre porte le jogging bleu que <strong>je</strong> lui ai offert pour Noël. Il ne le quitte pas<br />

du week-end. « Ça me repose du costume-cravate que <strong>je</strong> suis obligé de porter toute<br />

la semaine », plaisante-t-il quand nous avons des invités à dé<strong>je</strong>uner, expliquant<br />

pourquoi il tient à porter ce qu’il nomme son « uniforme de week-end ». Je<br />

préférerais qu’il soit un peu plus chic pour recevoir, mais Jean-Pierre dit que,<br />

« même pour la reine d’Angleterre, il garderait son jogging ».<br />

Jean-Pierre adore recevoir. Je m’en passerais bien, car <strong>je</strong> me tape tout le boulot<br />

pendant que monsieur n’arrête pas de faire le beau en jogging...<br />

Le pire, c’est quand, aux beaux jours, il sort sa table de ping-pong du garage et<br />

entraîne tout le monde à jouer dans le jardin, tandis que <strong>je</strong> ne suis bonne qu’à finir<br />

de ranger le bordel. Il est rare que l’une de nos « chères amies » me donne un coup<br />

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