26.03.2018 Views

Ce soir je vais tuer l'assassin - Jacques Expert

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

notre malheur. <strong>Ce</strong>tte douleur nous appartient à tous les deux. Je ne le laisserai pas<br />

s’échapper, et <strong>je</strong> le lui rappellerai tous les jours s’il le faut. Qu’il sache qu’il doit<br />

<strong>tuer</strong> cet homme, qu’il n’a pas le droit d’abandonner s’il veut, un jour, me retrouver.<br />

Alors seulement nous avancerons, nous partirons d’ici et nous reconstruirons notre<br />

vie. Il faut qu’il comprenne que rien ne sera possible avant qu’il n’ait tué l’<strong>assassin</strong><br />

de mon fils. Tant qu’il ne l’aura pas vengé, <strong>je</strong> ne vivrai que dans le passé, dans le<br />

souvenir de mon enfant. Et dans la haine.<br />

Antonio ouvre les volets de l’appartement, porte Priscilla jusque dans sa<br />

chambre, car la petite s’est endormie à l’arrière de la voiture. J’ai vu qu’elle avait<br />

ouvert les yeux un instant dans les bras de son père, mais la fatigue est trop forte et<br />

elle réclame son doudou pour s’endormir. J’entends Antonio déposer de délicats<br />

baisers sur ses joues, dire : « Dors, ma chérie », et refermer la porte. Je n’ai pas la<br />

force d’aller embrasser ma petite, <strong>je</strong> n’ai aucun courage et <strong>je</strong> m’assieds dans le<br />

salon, face à la photo de Victor.<br />

Avant, qu’ils étaient joyeux nos retours de vacances, quand les petits<br />

redécouvraient leurs chambres, leurs jouets, se chamaillaient comme d’habitude,<br />

tandis que j’aidais Antonio à décharger la voiture. Les enfants réclamaient à<br />

manger, mais <strong>je</strong> ne me mettais à la cuisine que lorsque tout était rangé. Alors, <strong>je</strong><br />

sortais deux pizzas du congélateur et nous dînions, heureux d’être de retour.<br />

Antonio ouvrait une bouteille de vin, et nous la finissions dans le salon en discutant<br />

de tout et de rien, surtout de l’envie que nous partagions tous les deux de retourner<br />

vivre un jour dans notre pays, quand les enfants seraient grands. C’est pour cela que<br />

nous faisions construire cette grande et belle maison neuve qui occupait nos rêves.<br />

Puis, nous montions nous coucher. Après nous être assurés que les petits dormaient,<br />

Antonio m’attirait contre lui et nous nous aimions. Nous vivions ces moments<br />

comme un rituel, certains que rien ne pourrait nous arriver désormais et que cette<br />

vie simple et heureuse était faite pour nous.<br />

Antonio a été le seul homme de ma vie. Je l’ai rencontré à dix-neuf ans, toute<br />

contente de découvrir qu’il était d’origine portugaise, comme moi. Nous nous<br />

sommes mariés au pays l’été suivant et c’est seulement après qu’il m’a possédée<br />

pour la première fois. Je me souviens qu’il a pleuré cette nuit-là. « Nous serons<br />

heureux », m’avait-il promis. Se souvient-il encore de sa promesse, aujourd’hui ?<br />

Je n’ai pas la force de l’aider et <strong>je</strong> ne bouge pas, tandis qu’il monte les valises et<br />

range dans le frigo tout ce que sa mère a préparé pour nous, des aliments qu’on ne<br />

trouve que là-bas et qui nous faisaient une semaine, avant. Je sais que <strong>je</strong> n’y<br />

toucherai pas.<br />

– Ça va ? me demande-t-il. Tu veux manger quelque chose ?<br />

44

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!