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Sylvia<br />
Je n’ai cessé d’y penser pendant les vacances, puis tout au long de la route, mais<br />
j’ai attendu que nous soyons arrivés pour le lui dire. Antonio n’a pas répondu, ou<br />
plutôt il n’a pas voulu répondre. Je sais cependant qu’il a compris que seule la mort<br />
de l’<strong>assassin</strong> de mon enfant pourra m’apaiser. <strong>Ce</strong>s journées passées chez nous n’ont<br />
été qu’une brève parenthèse, rarement apaisante, souvent douloureuse. Accablée à<br />
la seule pensée que l’<strong>assassin</strong> de mon Victor chéri soit quelque part, libre, peut-être<br />
heureux, cela me devient chaque jour un peu plus insupportable. J’ai laissé la haine<br />
à l’égard de cet homme m’envahir.<br />
Antonio s’est garé devant l’entrée de l’immeuble. Je déteste cet instant où il faut<br />
que <strong>je</strong> descende de la voiture, que <strong>je</strong> monte l’escalier dans les pas d’Antonio,<br />
agressée par les souvenirs des jours heureux. Je voudrais que nous ne soyons pas<br />
revenus, que nous soyons restés là-bas, au village. Pendant le voyage,<br />
l’insupportable ennui de l’autoroute où nous avons avancé sans parler, j’ai même<br />
espéré que nous mourrions là, fauchés par un camion fou. Mais la haine a repris le<br />
dessus : <strong>je</strong> ne ferai pas ce cadeau à l’<strong>assassin</strong> de mon enfant. Je refuse d’oublier<br />
qu’il vit quelque part, <strong>je</strong> refuse que ma haine disparaisse avec le temps. <strong>Ce</strong>tte haine,<br />
<strong>je</strong> la garderai, <strong>je</strong> la cultiverai, elle sera ma seule raison de survivre, mon énergie. Je<br />
veux qu’il meure. Antonio doit me venger, et <strong>je</strong> ne veux pas savoir comment il va<br />
s’y prendre pour le retrouver. Peu importe, il faut que celui qui nous a détruits<br />
disparaisse à son tour. Antonio va apaiser cette haine, que <strong>je</strong> ne dissimulerai plus<br />
tant que le responsable de notre malheur restera en vie.<br />
Je veux qu’il m’apporte la tête de l’<strong>assassin</strong> de mon fils.<br />
Je le lui ai dit dans la voiture, juste avant d’arriver, comme une évidence. Il n’a<br />
pas répondu, mais <strong>je</strong> sais qu’il a compris que rien ne sera plus possible s’il laisse<br />
tomber. J’ai bien vu ces dernières semaines qu’il s’était résigné à ce que l’<strong>assassin</strong><br />
de son fils ne soit jamais retrouvé, qu’il était prêt à accepter le destin. Ah ! ce mot<br />
insupportable à entendre et que l’on m’a si souvent répété ces mois derniers,<br />
pensant apaiser mon désespoir. Je refuse aussi le destin. <strong>Ce</strong> serait trop facile.<br />
Pendant les vacances, j’ai tant souffert de voir Antonio heureux ou presque. Il<br />
s’amusait, riait avec ses amis, accompagnait son père à la pêche, alors que son fils<br />
aurait dû être avec lui. Antonio était si fier des poissons que prenait Victor,<br />
comment a-t-il pu y retourner ? Il n’a pas le droit de m’abandonner et de sortir de<br />
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