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Hier encore, <strong>je</strong> suis passée à la gendarmerie. Le commandant Peyrot m’a reçue<br />
toujours aussi aimablement, calme et rassurant. Au début, Antonio venait ici tous<br />
les <strong>je</strong>udis, mais ses visites se sont raréfiées et j’ai pris le relais en sortant de<br />
l’hôpital. J’y passe une fois par semaine, mais jamais le <strong>je</strong>udi pour ne pas croiser<br />
Antonio. D’ailleurs, il ne sait même pas que <strong>je</strong> viens. Le commandant me reçoit<br />
toujours en personne, quitte à ce que j’attende des heures, assise sur l’une des<br />
chaises en plastique blanc de l’entrée.<br />
Jamais, jusqu’à présent, <strong>je</strong> n’ai tenté de lui parler de mes interrogations, de ces<br />
doutes qui m’angoissent chaque jour un peu plus. Pourtant, Demay est rapidement<br />
revenu sur ses aveux, et j’ai lu qu’ils lui avaient été extorqués par la force. « J’ai été<br />
torturé », a-t-il même osé dire dans Le Parisien. Le commandant est resté serein.<br />
– C’est bidon. <strong>Ce</strong> type essaie de semer le doute, madame Rodriguez. Vous l’avez<br />
vu comme nous tous. A-t-il donné l’impression d’un homme martyrisé ? Il a avoué<br />
quand il a été confronté à la puissance des faits.<br />
Son avocat a multiplié les déclarations dans la presse, allant jusqu’à affirmer que<br />
son « client ne serait jamais jugé ».<br />
– Il ne serait pas en prison s’il était innocent, m’a assuré le commandant. Son<br />
alibi ne tient pas.<br />
Son alibi, c’était sa compagne, une certaine Valérie Lartigue. Elle soutenait que<br />
Demay et elle n’avaient pas quitté l’appartement ce jour-là.<br />
– C’est la parole d’une ivrogne face à la réalité des faits, a dit le commandant, qui<br />
répétait avec une assurance satisfaite : Les preuves sont dans le dossier. Si cette<br />
femme continue à tenter de le couvrir, elle sera inculpée de faux témoignage.<br />
La semaine suivante, le commandant a pu fanfaronner :<br />
– Il a fallu qu’on mette les choses au point avec elle, et il semble qu’elle ait<br />
compris le message car depuis on ne l’entend plus.<br />
Le commandant Peyrot n’a pas paru troublé quand Demay a été remis en liberté.<br />
J’étais venue avec Antonio pour nous plaindre de la clémence de la justice dont<br />
profitait l’<strong>assassin</strong> de notre fils, et pour essayer de comprendre. De nouveau, il<br />
s’était montré rassurant :<br />
– C’est malheureusement l’application stricte de la loi. Dans des affaires<br />
similaires, les individus ne restent que quelques jours en prison. <strong>Ce</strong>la ne veut pas<br />
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