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Aussi, pour le seul plaisir de la voir s’impatienter, <strong>je</strong> demande :<br />
– Qu’est-ce que vous avez fait de beau aujourd’hui, les petits ?<br />
– Je suis allée à la danse, commence Amandine.<br />
– Raconte. C’est quand, au fait, le spectacle de fin d’année ?<br />
Là, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! Un pur moment de plaisir...<br />
<strong>Ce</strong>tte fois, Christine ne peut pas se retenir et elle s’énerve. C’est tellement jouissif.<br />
– Tu raconteras ça une autre fois, Amandine. Il faut aller se coucher maintenant.<br />
Je caresse la main de ma petite en murmurant « dommage », puis, j’ajoute avec<br />
autorité :<br />
– Votre mère a raison. Allez, au dodo. Mais avant on va faire un gros câlin à son<br />
papa chéri.<br />
Les trois petits viennent se coller à moi. Christine, <strong>je</strong> le sais, déteste ça, surtout<br />
quand ils se contentent, comme ce <strong>soir</strong>, de souhaiter de loin une bonne nuit à leur<br />
mère. J’interviens :<br />
– Et votre maman, elle n’a pas droit à un petit baiser ?<br />
Ils reviennent sur leurs pas et déposent une bise rapide sur la joue sèche de leur<br />
mère. Elle n’attire vraiment pas l’affection, cette femme. En les regardant faire, <strong>je</strong><br />
me demande depuis combien de temps <strong>je</strong> ne l’ai pas embrassée. Des mois ? Des<br />
années plutôt. Je n’en éprouve aucun sentiment de frustration, ni de gâchis, mais<br />
l’agréable impression de n’en avoir rien à foutre.<br />
Tandis que <strong>je</strong> nettoie la poêle dans l’évier, <strong>je</strong> l’entends terminer la bouteille et la<br />
<strong>je</strong>ter dans la poubelle. J’attaque le premier :<br />
– J’ai parlé avec Rodriguez, aujourd’hui.<br />
– Et alors ?<br />
– Et alors ? Tu n’imagines pas à quel point il est bouleversé par la libération de<br />
l’<strong>assassin</strong> de son fils. Il est venu se confier à moi, le pauvre garçon.<br />
Je fais durer mon plaisir. Mais il en faudrait plus pour déstabiliser cette femme.<br />
C’est une coriace et <strong>je</strong> l’attaque par petites frappes assez perfides, <strong>je</strong> l’avoue.<br />
– Je crois que <strong>je</strong> suis son seul ami.<br />
– Toi, son seul ami ?<br />
– Le seul, en tout cas, à qui il ait envie de se confier.<br />
Je me retourne pour voir sa gueule. Je n’en attends pas mieux que ce mélange<br />
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