Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
3<br />
DUMAS<br />
de DEMAIN<br />
The French Literary Magazine<br />
Fall 2017<br />
ENTRETIEN<br />
Aly “Webster” Ndiaye<br />
POEMES ET PROSE<br />
O. Elliott<br />
I. Grinberg<br />
V. Radhakeeson<br />
M. Robiquet<br />
M. Hamed<br />
V. Trapp<br />
A. Boudreaux<br />
C. R. Katsion<br />
E. Petropolou<br />
H. Masour<br />
S. Kioroglou C. Koukos<br />
Y. Hongri A.R. El-Nadim<br />
M. Belcourt L. Nevo
DANS CETTE PUBLICATION<br />
Note de l’éditeur 2<br />
Entretien avec Aly Ndiaye ( Webster ) 4<br />
POÉSIE<br />
45 ; Bleu Gonflé ; Dans Repose ; Entre les vitesses ;<br />
Nous allons tous vivre enfin 11<br />
La pluie timide 25<br />
Louis 28<br />
Une tirette coincée à mi-chemin 30<br />
La dernière journée d’école 32<br />
Chère Madame Antoinette 34<br />
Le Pistolet 36<br />
Brise Marine ; Elle ; POUR UN AMOUR ! 38<br />
La cité de Platine 42<br />
Mon cœur est un arbre d’une des baies 51<br />
L’aurore 55<br />
Mon paradis perdu 57<br />
PROSE<br />
Entre les deux mondes 64<br />
Elle ne l’a pas voulu 70<br />
L’égalité pour l’égalité 83<br />
L’âme indomptée 87<br />
1
Note de l’éditeur<br />
C’est avec une fierté profonde que j’annonce la<br />
troisième édition du magazine littéraire <strong>Dumas</strong> de<br />
Demain. En contraposée avec l’année dernière, je trouve<br />
que cette année a vu plusieurs événements à la fois<br />
choquants mais aussi révélateurs de l’espoir pour les<br />
femmes et l’égalité. C’est pour cette raison que les<br />
œuvres de cette issue se concentrent principalement sur<br />
la passion et la souffrance de l’Homme ainsi que la<br />
perception de l’image féminine. Cela dit, mon but était<br />
de rassembler des œuvres qui évoquaient ces notions.<br />
Comme toujours, je cherchais également des auteurs qui<br />
exprimaient une adoration pour la langue française à<br />
travers la belle manipulation de leurs œuvres.<br />
—Phillip Michalak<br />
2
3<br />
2
Entretien avec Aly Ndiaye,<br />
alias Webster
Aly Ndiaye<br />
Ce printemps, l'artiste et haut-parleur hip-hop, Aly Ndiaye<br />
(également connu sous le nom de Webster), a accueilli un atelier<br />
d'écriture au Lycée Français de Chicago. Aly Ndiaye est un pionnier<br />
du mouvement hip-hop au Québec. Avec sept albums sous sa<br />
ceinture, il connaît très bien la dynamique de l'écriture créative. Il<br />
est francophone, poète et rappeur très pensif. Depuis plusieurs<br />
années, il offre des ateliers partout dans le monde.<br />
Présenté comme un atelier dans le programme de français,<br />
Webster a partagé avec les étudiants sa vision de la composition d'un<br />
texte hip-hop et a abordé les thèmes enseignés dans l'unité sur la<br />
poésie (rimes, métaphores, comparaisons, méthodes d'inspiration).<br />
Le but était de stimuler la créativité des élèves en<br />
fournissant des outils pour exprimer poétiquement leurs émotions.<br />
Comme le hip-hop est un style musical populaire, il est important de<br />
comprendre ses aspects littéraires et éducatifs. Cette introduction a<br />
permis aux étudiants d'avoir une appréciation différente de la langue<br />
française, tout en faisant appel aux étudiants comme une manière<br />
amusante et moderne d'enseigner les bases de l'écriture créative.<br />
Nous avons pris l’occasion de lui prendre en entretien pour<br />
en savoir plus.<br />
J’ai vraiment apprécié votre atelier, je l’ai trouvé très<br />
informatif. Vous l’avez déjà dit dans votre présentation,<br />
mais quel est votre processus d’écriture et<br />
quels sont les défis rencontrés lors du processus?<br />
Pour le processus, premièrement, j’écoute beaucoup<br />
[la musique de l'instrument] sur lequel je vais<br />
écrire. J’écris toujours avec de la musique, donc j’écoute<br />
beaucoup et j’essaye de voir ce que l’instrument<br />
m’inspire. Avant d’écrire même, je pense à mes premiers<br />
jeux de mots, mes premières métaphores, mes premières<br />
comparaisons et met premières rimes. J’en construis<br />
5<br />
2
Entretien avec un artiste<br />
dans ma tête, et quand j’ai trouvé les quatre premières<br />
lignes du rap, et bien là j’écris, et je répète ce que j’ai<br />
écrit jusqu’à ce que la suite arrive.<br />
Je m’inspire de toutes les choses, tout ce qui<br />
existe et qui n’existe pas que je rencontre à travers mes<br />
lectures et à travers la vie, que ce soit en train de<br />
marcher dans la rue ou de — bref, toute chose peut<br />
m’inspirer. Souvent c’est soit un concept ou un mot.<br />
Quand un mot capte mon attention, je le … je le<br />
décortique. Admettons, comme dans l’exercice qu’on<br />
vient de faire aujourd’hui, que j’ai commencé avec le<br />
terme ‘déplacer’. Là, je dis “Ah, je vais écrire avec<br />
déplacer. Quel mot puis-je aller chercher qui rime avec<br />
déplacer, et pas nécessairement le mot le plus évident?”<br />
Donc je pense : déplacer, déplacer… et j’arrive enfin à<br />
“des lacets” ce qui me plaît. Je me demande ensuite<br />
comment je peux associer les deux mots ensemble. Au<br />
final, j’ai écrit quelque chose comme “attention,<br />
toujours, quand tu veux te déplacer, ils veulent te faire<br />
trébucher. Ce sont des choses sur des lacets”. Et donc<br />
quand j’ai construit ça dans ma tête, j’ai continué par la<br />
suite.<br />
Parmi les connaissances que vous avez aujourd’hui,<br />
qu’est-ce que vous auriez aimé savoir quand vous<br />
étiez plus jeune?<br />
La discipline. Ça sert à travailler plus fort et<br />
aussi […] d’être plus ouvert, d’avoir plus d’ouverture<br />
face au travail que je fais et face à l’extérieur, c’est-àdire<br />
de garder vraiment un esprit encore plus ouvert<br />
même que j’avais à l’époque.<br />
6<br />
1
Aly Ndiaye<br />
Prévoyez-vous écrire plus de poésies dans le futur?<br />
Oui, en ce moment je travaille sur un nouvel<br />
album, et autrement j’ai toujours continué à écrire—là,<br />
que se soit pour des albums ou pas, c’est après ce que<br />
j’aime beaucoup.<br />
Croyez-vous que le rôle et le traitement des noirs au<br />
Canada ont évolués depuis le 17eme siècle?<br />
Oui, manifestement, parce qu’au 17eme siècle<br />
on parlait d’esclavage. Déjà qu’il y ait plus d’esclavage,<br />
c’est déjà une bonne chose! Oui, ça change et je crois<br />
que ça peut changer davantage mais déjà, même à<br />
travers l’histoire, le Canada a toujours joué un rôle<br />
différent, entre autre face aux États-Unis. Le Canada, ses<br />
enjeux tout de même, face à la diversité, face à la<br />
présence des noirs, mais ce sont des enjeux de société, ce<br />
sont des enjeux humains où—et on doit avancer tous en<br />
tant qu’êtres humains, en tant que faisant parti prenant<br />
d’une société.<br />
Constatez-vous beaucoup de différences entre le rap<br />
américain et le rap français?<br />
Oui, quand-même, oui. Je pense que la musique<br />
est le reflet de la société dans laquelle elle est conçue.<br />
Dans le cas du rap, c’est exactement la même chose, où<br />
le rap conçu en France, conçu au Québec, conçu au<br />
Canada diffère de ce qui est fait aux États-Unis. C’est la<br />
même chose pour le Sénégal ou le Brésil aussi. Chaque<br />
7<br />
2
Entretien avec un artiste<br />
univers et peuple reflète, en fait, les enjeux de société<br />
propres. Donc aux Etats-Unis, le rap—du moins le rap<br />
qui est commercialisé—laisse beaucoup de place au<br />
matérialisme, entre autre, ce qui est quelque chose qu’on<br />
trouve parfois moins dans différentes déclinaisons de rap<br />
à l’extérieur. Mais, oui, chaque rap a une particularité<br />
nationale, tout à fait.<br />
Aly Ndiaye<br />
8<br />
2
Aly Ndiaye<br />
Son 7ème album “À l’ombre des feuilles” en 2013.<br />
Il est en train de faire son 8ème album.<br />
9<br />
2
POÉSIE
Sélection de cinq poèmes<br />
45<br />
Bleu Gonflé<br />
Dans Repose<br />
Entre les vitesses<br />
Nous allons tous vivre enfin<br />
Otis Elliott
Sélection de cinq poèmes<br />
45<br />
A l’arrivée de l’aube,<br />
Je suis de nouveau parmi la menthe poivrée,<br />
Entièrement vêtu et sans soucis -<br />
Quelqu'un, un jour,<br />
A voulue se mettre à ma place.<br />
Faire du vélo pendant cinq minutes jusqu’à la boutique,<br />
N'ayant jamais fui une guerre -<br />
Je range mon vélo à l'avant,<br />
Je fais demi-confiance à mon quartier.<br />
Je n'ai jamais vu un homme mourir,<br />
Encore moins un enfant -<br />
Jamais entendu une bombe,<br />
Jamais perdu une maison,<br />
N'a jamais supplié le repos,<br />
Épuisé comme l'est l'infirmière,<br />
Quatorze heures dans son lundi.<br />
En septembre dernier, j'ai grimpé le plafond de l'Est,<br />
Et même alors -<br />
La carte avait l'air bien,<br />
Je n'ai vu aucun incendie,<br />
N'entendit aucun cri, ni pleurait,<br />
Seulement le petit garçon gémissant quelques rangées en<br />
arrière,<br />
Glace à la vanille sur son visage -<br />
Imitant Marcel Marceau,<br />
Ressentir un meurtre<br />
Sans entretien et charbon,<br />
Quarante-cinq mille pieds au-dessous de nous sur la<br />
surface brûlante de<br />
12
Otis Elliott<br />
planète Terre.<br />
Pourtant, je me plains de maladie -<br />
Apparente seulement dans la pensée,<br />
Freudien, irréel -<br />
Ne m'appelle pas malade<br />
Seulement la moitié, le<br />
Le regard d'un funéraire partagé entre les deux yeux.<br />
Moi, n'ayant jamais vu mourir un homme,<br />
Mes préoccupations,<br />
secondaire.<br />
Parce que la vérité est:<br />
Il n'y a pas de temps pour le canapé des médecins<br />
lorsque vous traitez votre<br />
La vie par un fil,<br />
Pas de place pour ton café du matin,<br />
Une fois la ville qui a enveloppé le bâtiment,<br />
Qui abritait cette table basse,<br />
Et toutes ces tasses tachées -<br />
A explosé dans la poussière,<br />
Laissant une dernière relique,<br />
Pour une espèce qui brûle,<br />
Trempettes<br />
Complice en tant que rétrécissement de Marlborough,<br />
Éteint dans son marécage -<br />
Cendrier de l'eau de pluie,<br />
Quarante-cinq mille pieds de la maison.<br />
13
Sélection de cinq poèmes<br />
Bleu Gonflé<br />
Les regarder tomber<br />
Des portes collantes d'orphelinat,<br />
Trembler comme une victime,<br />
ma tête,<br />
Vissé en arrière -<br />
Et le vôtre, obstinément simple.<br />
(Je n'ai rien traversé),<br />
immobile,<br />
Ma position de ciment.<br />
Ma maison - certaine,<br />
Ma diligence, inébranlable -<br />
Distrait par le sifflet,<br />
Battu par le passé,<br />
Mes oreilles pourries se tournent vers l'echo - détectant<br />
faiblement sa chambre.<br />
Tout comme un capitaine de la mer,<br />
Mon œil est long -<br />
S'inclinant dans le lit de plumes des histoires,<br />
Se demandant des contrats à terme,<br />
Sculpture de sable -<br />
Orphelin à moi,<br />
certain,<br />
Promiscuité -<br />
Penché, éternel comme le pont du village,<br />
Toujours prêt à travailler.<br />
Encadré dans son contexte,<br />
Vous devenez l'un des nombreux -<br />
Une liste désolée - s'étendant avec le temps,<br />
Moi et mes plans,<br />
14
Otis Elliott<br />
Se souvenait à l'intérieur de ces crânes -<br />
Chaque souvenir,<br />
en sourdine,<br />
Un autre culot<br />
Où une voix était autrefois.<br />
Ce qui avait déjà semblé féroce et convaincant,<br />
Maintenant - rien d'autre qu'une blague étouffé -<br />
La pièce s'illumine comme un ensemble de films.<br />
De ce côté de l'eau,<br />
Dans ce corps,<br />
rien ne change -<br />
Le cerveau saigne,<br />
tous les mêmes,<br />
Je suis témoin de tout d'un seul public confronté -<br />
Applaudissant chaque goutte tiède alors qu'elle coule sur<br />
cette colonne vertébrale d'ivoire,<br />
Vers cette fosse familière,<br />
Où tous et chacun d'entre vous s'était quelque fois<br />
agenouillé -<br />
Paternel priant, pour<br />
Un chevalier en armure brillante,<br />
un père,<br />
Un véritable amoureux -<br />
Tout sauf le sac sans sang dont vous êtes tombé une fois,<br />
un accident<br />
Vous avez finalement été fait pour sucer à sec,<br />
De vin, de sperme et de cires,<br />
Trahi à la perfection absolue,<br />
Dégonflé et flasque - un cœur de plus coincé sur le mur.<br />
Bien que pas aussi lugubre que précédemment -<br />
Le ventre de sang,<br />
15
Sélection de cinq poèmes<br />
Bleu gonflé, basique -<br />
Habiter sur le passé, veuf,<br />
Affamé - berçant une boîte à chaussures de polaroïd<br />
poussiéreux comme une nouvelle<br />
Né bébé -<br />
Je, maintenant, dans des scènes de spéculation,<br />
Envisageant la porte de l'orphelinat,<br />
Laissé à sa barricade -<br />
et toi,<br />
Ou l'un des autres -<br />
Agenouillée au milieu de cette salle de conseil -<br />
Gorge pleine de colle,<br />
Laissé là pour sécher -<br />
Allumer comme un ensemble de films,<br />
Petit orphelin<br />
Où une voix était autrefois.<br />
16
Otis Elliott<br />
Dans Repose<br />
Réjouis-toi, ta marée soleil est là,<br />
Né dans la ville - encore une fois,<br />
Exactement comme vous étiez,<br />
Dans un an,<br />
À l'envers dans le temps.<br />
Maybachufer<br />
Vous revient,<br />
Fluide et vert -<br />
Il secoue son traumatisme, comme vous,<br />
Les banques dégelent devant tes yeux -<br />
La toute première fois,<br />
Bateaux en caoutchouc gonflés et gonflés par les ventres<br />
et les gorges de<br />
le brave,<br />
et toi -<br />
Petit spectateur,<br />
Cinq pas en arrière du bord de l'eau,<br />
Cidre à la main,<br />
Je dans l'autre -<br />
Plat et abandonné,<br />
Envisageant la mort de la nuit,<br />
La queue du matin -<br />
En ordre, en bavardage,<br />
Voyant le bourreau à la tête de la ligne, il -<br />
Épinglant avec précaution les poignets de chaque figure<br />
ternie<br />
Passe par la porte.<br />
Réjouissez-vous - Londres est fini, votre<br />
17
Sélection de cinq poèmes<br />
Maison allemande - un chat bronzant, langue d'eau,<br />
accroché<br />
La queue de la jungle.<br />
Café, prêt et noir, chaud à la gorge - épuisé,<br />
Poncé par des fleurs et des peluches,<br />
Ennemis atmosphériques -<br />
Alliés médicinaux, les<br />
Pilules bénies / poudres,<br />
Équilibrer les humeurs des villes comme un écolier<br />
distrait qui a<br />
Encore pour maîtriser l'art de l'écoute.<br />
Réjouissez-vous - il n'y a pas besoin maintenant pour<br />
votre hémisphère sud -<br />
Ni Victoria Park -<br />
Durdle Door,<br />
Lulworth,<br />
La jetée de Brighton - rouillée dans ses eaux peu<br />
profondes.<br />
Nous devrons bientôt être avalés en vert,<br />
Görlitzer,<br />
Hasenheide et<br />
Treptower -<br />
Ceux-ci, nos espaces de repos -<br />
Laissez ce canal de suie être nouveau - réformé par la<br />
lumière,<br />
Brûlée d'ici août.<br />
Permettez-moi de laisser respirer à l'unisson, nos tâches<br />
sont maintenant les nôtres -<br />
Battu par le commerce,<br />
Secoué sur l'opinion -<br />
Le jugement existe maintenant gratuitement<br />
18
Otis Elliott<br />
Évaporé de ta joue,<br />
Mon tour d'applaudissements,<br />
Plus fort que l'Amérique -<br />
Diminuant maintenant<br />
Dans l'herbe non coupée,<br />
où nous -<br />
Dans le câlin de notre modeste famille,<br />
repos.<br />
19
Sélection de cinq poèmes<br />
Entre les vitesses<br />
Un quart de siècle plus tard,<br />
Tête pendante lourde,<br />
mes yeux,<br />
Usées des villes de sel,<br />
Jambes aussi rigides qu'un garçon adolescent<br />
Découvrant son premier magazine<br />
Coeur, cadavre d'un raisin,<br />
Le ventre s'habille à son ennui, son pneu -<br />
Je ne travaille plus,<br />
Autre que mot,<br />
Et livre -<br />
Mon corps pressé contre ses courants,<br />
La rue principale n'est plus un pari,<br />
La barre recueille la poussière<br />
Seulement nettoyé,<br />
Profond, sporadique -<br />
Attitude d'un grenier,<br />
Rarement habité, puis<br />
Seulement en faveur.<br />
Une fois déplacé comme une peste,<br />
Je t'ai battu là-bas,<br />
Pour chaque personne vivant une misère, il y en a un<br />
Dans la voie rapide,<br />
Caoutchouc brûlant<br />
Leurs proches en marge,<br />
Les poings serrés contre leur volonté -<br />
Pas un mendier dans l'enfer.<br />
J'étais une voiture de course<br />
Au milieu du paquet -<br />
20
Otis Elliott<br />
Un cheval déchu ou<br />
Jockey fracturé,<br />
Petit ouvrier meurtrier, bâtiment<br />
Un penchant quotidien, en bois<br />
Amie ou amoureuse<br />
La plate-forme de marbre où une conversation a déjà été<br />
interrompue,<br />
Le meilleur du travail, et<br />
Tous les grognements terrestres du guichetier.<br />
Brûlé finalement à une simple coque,<br />
Toux de petites tasses de lait prière de sédation -<br />
Le pécheur rose<br />
Fondre à temps avec le tarmac,<br />
Sous la boule d'or qui gronde.<br />
En me trouvant profondément dans la pension,<br />
Mon visage, dont la peau se cache et les grappes<br />
Comme les tapis mélangés d'un appartement<br />
Gouverné uniquement par les chiens.<br />
Il n'y a pas d'hommes ici,<br />
Les femmes n'arrivaient jamais,<br />
J'ai attendu pour toujours, mais<br />
Les personnes ne sont jamais arrivés, et<br />
Avant que je le saches, j'étais une fois de plus floral et<br />
pissy,<br />
Comptant mes gains de bingo avec les morts en dehors<br />
de mon<br />
fenêtre,<br />
En félicitant<br />
Louant mon rythme,<br />
Ajusté aux dessins particuliers de nous, l'humanité -<br />
Endurci par la circulation,<br />
21
Sélection de cinq poèmes<br />
Accélérer le désir -<br />
Ou bien, ralentissant notre adéquation, chaque cellule de<br />
Sang fini, se déplaçant tout au long de son climat,<br />
Un mouvement après l'autre.<br />
22
Otis Elliott<br />
Nous allons tous vivre enfin<br />
Maintenant que je suis officiellement classe moyenne,<br />
Je réalise rapidement mes droits;<br />
Blanc face et ouest,<br />
Pénis entre mes cuisses,<br />
Je suis assis sur un canapé toute la matinée et je parle de<br />
choses qui peuvent ou<br />
Peut-être pas arrivé à moi il y a quelques années -<br />
et ultimement,<br />
Ces incidents peuvent,<br />
Ou peut ne pas,<br />
M'ont affecté de la manière dont je peux,<br />
Ou peut ne pas,<br />
Pensent qu'ils ont,<br />
Bien sûr,<br />
comment suis-je censé savoir?<br />
Je ne suis qu'un médecin formé.<br />
Sans intérêt,<br />
Et diplôme -<br />
Marchant et vacillant comme nous le faisons,<br />
Les fruits amers de la mobilité sociale auxquels les deux<br />
parties ne se soucient pas<br />
approuver.<br />
Il me pose des questions,<br />
Je parle de mes parents,<br />
Je ne sais pas pourquoi,<br />
Mes parents innocents -<br />
Un homme charmant, une belle femme,<br />
Qui ne sont pas ici sur le canapé,<br />
Qui n'a pas besoin d'aide -<br />
23
Sélection de cinq poèmes<br />
Je parle de mes parents,<br />
Qui ne sont pas ici sur le canapé qui ont besoin d'aide,<br />
Je ne sais pas pourquoi,<br />
Je parle de mon travail,<br />
Tout sauf moi -<br />
Parle de mes poèmes,<br />
Je vois que les médecins font face à un changement -<br />
Il veut lire mes poèmes -<br />
Mais il ne s'arrête pas si facilement,<br />
Pas de siree,<br />
À la différence de moi, il est tout ce qu'un médecin<br />
formé est -<br />
Et je veux le voir travailler comme un chien pour son<br />
argent.<br />
Sweat pour moi Monsieur,<br />
non non,<br />
Je vais bien ici, pour l'instant,<br />
sur le canapé,<br />
En attendant que vous me corrigez.<br />
Ils disent que cela pourrait prendre des années et des<br />
années pour annuler le changement,<br />
cela peut,<br />
Ou peut ne pas,<br />
A été fait à ma tête.<br />
Ce qui est drôle,<br />
Parce que la bière prend des minutes,<br />
Whisky secondes -<br />
Et je suppose que c'est pourquoi chaque tabouret de bar<br />
vacant<br />
Est le lieu de repos désolé d'un autre homme<br />
24
La Pluie Timide<br />
Manal Hamed
La Pluie Timide<br />
La pluie timide<br />
Comme les filles avec leurs parapluies<br />
Belle<br />
Avec générosité<br />
Tombe sur les arbres<br />
Verts<br />
Les murs<br />
Les rues !<br />
Sans attendre<br />
Sans frai!<br />
La pluie est audacieuse<br />
passant par des jupes<br />
Des femmes<br />
Inattendue<br />
Avec patience<br />
Pas de colère<br />
Si les sables des<br />
Pays la touchait<br />
La pluie<br />
À de plusieurs types<br />
Celle de village<br />
Pure… spontanée<br />
La pluie urbaine<br />
Est justement comme<br />
Un tableau<br />
Plastique<br />
De “Photoshop”<br />
Se dissipe sûr ;’asphalte<br />
Inaperçue<br />
La pluie voleuse<br />
Qui se tappe sur les fenêtres<br />
26
Manal Hamed<br />
Comme des oiseaux<br />
Vagabonds<br />
Pour chercher les amoureux!<br />
27
Louis<br />
Claire Rose Katsion
Claire Rose Katsion<br />
Pendant les nuits,<br />
Je crie<br />
La souffrance parmi<br />
Les mots de poésie<br />
Et, germeant de l’agonie,<br />
Les sentiments tendres fleuries<br />
Et, déprimé, je suis<br />
Comme la fumée qui s’ennuie<br />
Pendant mes nuits,<br />
J’écris<br />
29
"Une tirette coincée à michemin"<br />
Sofia Kioroglou
Sofia Kioroglou<br />
Marchant dans la vieille ville de Jérusalem<br />
Sur les pavés calés de pluie,<br />
Je bois dans la précipitation sensorielle<br />
Dans ses tumultes, je lève et roule comme un navire<br />
Les échos du vent se répercutent<br />
Comme une sorcière suisse plutôt qu'un chat étranglé<br />
Le tambour de pluie hivernale<br />
Cet accord profond de familiarité<br />
Ébranlant des émotions indéfinissables<br />
Pris entre le passé et le présent,<br />
Comme une fermeture à glissière coincé à mi-chemin,<br />
avec des dents métalliques<br />
Un arrêt, la paix plante ses talons<br />
Pour l'obtenir, il faut parfois le libérer<br />
En saisissant la langue bloquée et en la tirant avec force<br />
Le frottement, un camp de quotière de tertium.<br />
31
La dernière journée d’école<br />
Cyn Koukos
Cyn Koukos<br />
Le silence abonde dans les couloirs;<br />
c’est assourdissant et irrépressible.<br />
Les bouches ouvertes des casiers,<br />
comme des enfants affamés,<br />
implorent l’attention:<br />
“Où est mon propriétaire, quand<br />
rentrera-t-il ?”<br />
Le silence abonde dans les couloirs;<br />
des papiers éparpillés dorment<br />
sur le sol comme des soldats tombés:<br />
Un nom est un nom de personne, d’endroit,<br />
de chose ou d’idée<br />
Deux et trois font cinq . . .<br />
Comme les connaissances<br />
disparaissent rapidement<br />
comme l'enfant !<br />
Le silence abonde dans les couloirs;<br />
l’esprit de l’école dérive comme la brume du matin—<br />
Une minute il y avait de l’énergie,<br />
maintenant il y a seulement les échos de la vie.<br />
Le silence abonde et<br />
un seul professeur voit et écoute<br />
les fantômes de ses élèves.<br />
Tous ses efforts, tous ses actes sont abandonnés<br />
parmi les cahiers jetés, les textes et les corbeilles et<br />
le silence abonde.<br />
33
Chère Madame Antoinette<br />
Irina Grinberg
Irina Grinberg<br />
Et l’écriture de l’amour<br />
C’est-à-dire de la mort<br />
Et à lire comme un cynique<br />
Je vous adore en tant que mère,<br />
mais pas en tant que reine.<br />
Vous avez délaissé le peuple.<br />
Je vous plains car vous vous êtes<br />
marié qu’à l’âge de quinze ans.<br />
Vous avez essayé de protéger vos enfants,<br />
mais vous avez déçu votre pays.<br />
Vous avez eu soif d’élégance<br />
tandis que votre peuple mourait de faim.<br />
Madame Déficit, reine élite<br />
vous êtes une pauvre mère.<br />
Je vous compare à Fantine plutôt qu’à une reine.<br />
Madame, vous êtes ma reine<br />
préférée de l’histoire française<br />
35
Le Pistolet<br />
Valerie Trapp
Valerie Trapp<br />
Je ne sais pas si c’est moi, ou si c’est lui.<br />
Je ne sais pas si c’est la main qui me touche,<br />
Qui caresse ma gâchette et qui appuie sur elle,<br />
Quand les gens tombent comme des mouches.<br />
Je ne veux plus être votre démon de bataille<br />
Si on doit me reprocher le sang sur la terre.<br />
J'étais destiné à faire des ruines à Paris<br />
Parce que les seuls paradis sont l’enfer et la guerre.<br />
37
Sélection de trois poèmes<br />
Brise Marine<br />
Elle<br />
POUR UN AMOUR !<br />
Evie Petropoulou
Evie Petropoulou<br />
Brise Marine<br />
J’écoutai attentivement les vagues<br />
Je relevai les yeux vers le ciel pour voir les traces dues<br />
aux blessures<br />
que même le Créateur avait à ses Extrémités chaque fois<br />
qu’un homme<br />
se perd du sang coule et tombe comme les lourdes<br />
gouttes de pluie à la création<br />
en Toi<br />
en Moi<br />
à ce qui est perdu<br />
et qui s’appelait Amour<br />
39
Sélection de trois poèmes<br />
Elle<br />
Elle partit, Tu restas à soutenir Les fondements, en<br />
appuyant ton corps vieilli Ton cœur déchiré Elle, que tu<br />
l’adoras, que tu l’aimas Tu supportas l’esprit borné<br />
d’une nuit Elle glissa, comme une anguille dans l’eau Et<br />
elle demanda des émeraudes Pour t’annoncer L’autre<br />
jour Trêve de plaisanterie Tu cessas de s’interroger sur<br />
Qui éteignit les lumières Qui était l’instigateur qui força<br />
son âme A tuer la tienne Tu restas, plongé dans les<br />
pensées Une figure indolente à la fenêtre regardant la<br />
pluie en dehors, des ruisseaux coulants aux égouts<br />
bouchés.<br />
40
Evie Petropoulou<br />
POUR UN AMOUR !<br />
Ces marques-là résonnaient dans mes seins comme les<br />
tambours de guerre, mon cœur pleurait silencieusement<br />
en gémissant et moi aussi je pleurais car je n’étais plus<br />
elle … elle pour le prince !<br />
41
La Cité de platine<br />
Yuan Hongri
Yuan Hongri<br />
Ah, le temps des pierres de couleur !<br />
Vous avez pavé la route de la lumière<br />
Dans le royaume d'une étoile<br />
Où j'ai trouvé ma maison.<br />
J'ai ouvert la porte du soleil<br />
Dans des cités d'or,<br />
J’y ai vu des géants divins<br />
Dans le Palais Royal du joyau.<br />
J’ai lu les merveilleux poèmes préhistoriques<br />
Dans d’énormes livres anciens et magnifiques,<br />
On y avait ciselé les mots d'or<br />
Des histoires magnifiques, étranges et mystérieuses.<br />
Avaient enchanté mes yeux,<br />
Je me suis rendu dans un univers tout neuf,<br />
En voyant un royaume saint<br />
Avant que la terre fût née,<br />
Il avait été le foyer préhistorique des humains.<br />
Ah, le temps du cristal rayonnait,<br />
Une cité de platine se dressait devant moi,<br />
Des nefs dérivaient paresseusement<br />
Comme des oiseaux qui resplendissaient de mille<br />
couleurs.<br />
J’ai vu un groupe de jeunes géants<br />
Aux corps nimbés d’une aura lumineuse,<br />
Leurs yeux étaient brillants.<br />
Ils fêtaient la fête dans le jardin du cristal.<br />
Ils chantaient des chants joyeux<br />
Et dansaient une danse merveilleuse,<br />
Des couples de garçons et de filles élancés<br />
Semblaient d’être en train de célébrer une grande fête.<br />
J’ai vu un édifice circulaire<br />
43
La Cité de platine<br />
Bien haut au-dessus de la cité.<br />
Il émettait des éclairs blancs<br />
Qui semblaient vouloir s’envoler dans l'espace calme.<br />
Un corps de bâtiment tout en platine<br />
Servait de magnifiques modèles,<br />
Toute la ville était un cercle<br />
Jouissant d’une architecture élégante.<br />
Je suis entré dans une salle lumineuse,<br />
Où j’ai vu une variété d’objets étranges<br />
Un immense écran accroché au mur<br />
Affichait son espace d'or.<br />
Il reflétait les villes de diverses couleurs<br />
Pareil à des morceaux d’un cristal coloré,<br />
De beaux immeubles de haute taille qu’il montrait<br />
Surpassaient ceux dont parlent tous les mythes du<br />
monde.<br />
J’ai vu des suites de lettres étranges<br />
Apparaissaient précipitamment sur un écran,<br />
Plusieurs forts et jeunes géants,<br />
S’adonnaient à regarder les images mouvantes.<br />
Leurs regards étaient calmes et paisibles,<br />
Brillant d’une lumière de sagesse.<br />
Ils mettaient des vêtements éclatants,<br />
Et cela constituait un ensemble.<br />
Leurs corps étaient tellement grands,<br />
Chacun faisait sept mètres de haut.<br />
Les hommes et les femmes avaient un port très digne,<br />
Et semblaient tout le monde avoir le même âge.<br />
Leurs peaux étaient blanches comme neige<br />
44
Yuan Hongri<br />
Luisaient discrètement un éclat brillant.<br />
Les yeux clairs comme ceux d’enfants<br />
Brillant d’une étrange flamme.<br />
Ils manipulaient des instruments magiques<br />
Et changeaient des spectacles d’un espace mouvant.<br />
Leur langage était simple et fluide,<br />
Agréable comme le tintement d’une clochette.<br />
Je scrutait cette salle claire<br />
Et me sentait une énergie puissante,<br />
Mon corps et esprit étaient pleins de bonheur<br />
Semblant devenir un géant.<br />
Il me semblait comprendre leur langage.<br />
Ils cherchaient à explorer les mystères de l'univers<br />
Dans les villes des planètes<br />
Habitaient de nombreux copains.<br />
Ils utilisaient leur esprit pour manipuler les instruments<br />
Et pour transmettre toutes sortes d’informations<br />
Bien que la distance soit si loin,<br />
On pouvait discuter tout simplement par cœur.<br />
Voici des lignes de textes sur l'écran,<br />
C’étaient les messages venant de loin.<br />
Entier univers était leur foyer,<br />
Ils avaient bâti des cités dans l’espace.<br />
Ils prenaient des navettes spatiales<br />
Avec lesquelles ils pouvaient aborder partout,<br />
En un moment, en un éclair,<br />
Ils devenaient de simples traces dans l'air.<br />
Je sentait une nouvelle civilisation,<br />
Ils avaient des yeux magnifiques,<br />
45
La Cité de platine<br />
Semblant capables de voir l'avenir<br />
Et de pénétrer dans divers espaces.<br />
Hommes et femmes y étaient sains et pleins d’amour,<br />
Un amour meilleur qui surpassait celui qu’on<br />
connaissait,<br />
Ils ne connaissaient pas la vieillesse,<br />
Et ne connaissaient non plus la guerre.<br />
Le temps semblait n’exister pas chez eux,<br />
La science était un art merveilleux,<br />
Leur bonheur prenait sa source dans la création<br />
Qui était remplie des amours divins pour univers.<br />
J’ai vu un jeune géant<br />
Ouvrir une porte de platine<br />
Une salle magnifique en rotonde<br />
Remplie des rangées d’hommes et de femmes.<br />
J’ai vu une scène de cristal<br />
Au centre de la salle.<br />
Une jeune fille belle et digne<br />
Jouait un énorme instrument.<br />
Des bouquets de rayons d’or<br />
Dessinaient mille images merveilleuses.<br />
Une musique résonnait, émouvante et abstraite<br />
Comme le chant tranquille de phénix ou de dragon.<br />
J’ai vu un géant vigoureux qui<br />
Dansait une danse bizarre.<br />
Ses mains tenaient une balle énorme<br />
Qui brillait de mille couleurs.<br />
J’ai vu un groupe de jeunes filles<br />
Qui étaient vêtues des robes blanches,<br />
46
Yuan Hongri<br />
Elles semblaient voler dans l’air<br />
Comme des cigognes géantes.<br />
La salle circulaire était si splendide<br />
Et claire et transparente comme cristal.<br />
Elle était comme les pierreries incrustées de fantastiques<br />
Et répandait une lumière aveuglante.<br />
J’ai vu un jeune chanteur<br />
Tournant autour d’une flamme d’or,<br />
Sa voix était étrange et belle<br />
En chantant et en psalmodiant.<br />
Leurs chansons joyeuses<br />
Éclataient subitement comme un éclair<br />
Et comme des planètes de l’univers<br />
Voguant dans l’espace et répandant une vive lumière.<br />
Que cette ville transparente et magique<br />
Flottant dans l'air<br />
D'innombrables merveilleuses fleurs d'or<br />
Découpaient un clair espace de cristal.<br />
J’ai vu des visages translucides en souriant<br />
Comme s'il était un jardin plein de couleur<br />
Les lumières dorées venant du ciel<br />
Baignait la cité dans des reflets d’or.<br />
Je suis sorti de cette salle<br />
Arrivé dans une large avenue,<br />
Sa chaussée lisse était recouverte de pierres précieuses<br />
Et bordée d’édifices de platine.<br />
On n’y voyait pas les arbres,<br />
Mais de diverses fleurs fantastiques<br />
Des arômes riches et pétillants<br />
Formaient les limites des jardins.<br />
47
La Cité de platine<br />
C’étaient des fleurs bien étranges<br />
Des tiges transparentes comme les cristaux,<br />
Luisant de toutes sortes de couleurs,<br />
Il y avait aussi une profusion de beaux fruits d’or.<br />
J’ai vu une immense statue<br />
Semblable à un vaisseau spatial.<br />
Elle se dressait en haut, au milieu de l’avenue,<br />
On dirait des étoiles qui brillaient.<br />
J'ai vu des fontaines en forme de colonne<br />
Au centre d’une place ronde et immense ,<br />
De magnifiques statues<br />
Représentaient des saints géants.<br />
Des édifices imposants<br />
Entouraient ce cercle.<br />
Il y avait au-dessus quelques jardins<br />
Et des tours fléchées de platine.<br />
J’ai vu une grande rivière<br />
Qui enlaçait cette immense cité,<br />
Son lit reflétait les limpides sables d’or<br />
Et ses gemmes colorées.<br />
Les arbres s’y alignaient<br />
Et une longue allée du cristal,<br />
Des groupes de trois ou cinq oiseaux bigarrés<br />
S'abattaient sur la surface de l’eau.<br />
J’ai vu une vaste forêt<br />
Les feuilles d’or oscillaient<br />
Au milieu se dressaient des tours fléchées<br />
Comme les dômes de certains pavillons de platine.<br />
48
Yuan Hongri<br />
J'ai vu quelques géants se promener,<br />
Hommes et femmes étaient élégants<br />
Marchant au bord de l'eau ou dans la forêt<br />
Tels des oiseaux, tranquilles et sans soucis.<br />
Un espace merveilleux brillant comme cristal<br />
Entourait cette cité de platine<br />
Des sphères blanches et lumineuses<br />
Inondait l’air par ses rayons.<br />
Comme de grands soleils<br />
Ou comme des planètes artificielles,<br />
Toute la cité brillait<br />
Engendrant une sorte de magie.<br />
Un étrange train à grande vitesse<br />
Faisait continuellement le tour sur la ville,<br />
On dirait une sorte de piste dans le ciel<br />
Comme une faucille d’argent brillant.<br />
Des bâtiments de blancs corps<br />
Se dressaient dans des labyrinthes magiques<br />
Cette vaste architecture était calme<br />
On n’y entendait même pas le bruit du vent !<br />
J’ai dit au revoir à la cité de platine<br />
Pour me diriger vers un autre espace d'or<br />
Où s’élevait une autre cité,<br />
Une immense cité d’or.<br />
Les bâtiments d’ici étaient aussi énormes,<br />
Mais ayant une forme différente<br />
Toute la cité scintillait<br />
Les édifices d’or étaient élégants comme sculptures.<br />
49
La Cité de platine<br />
D'autres géants vivaient dans cette cité,<br />
Semblant venir d’une autre nation.<br />
Ils possédaient une grande sagesse<br />
Et une civilisation sacrée comme or.<br />
50
Mon cœur est l'arbre<br />
d'une des baies<br />
Ahmed Rayan El-Nadim
Mon cœur est l'arbre d'une des baies<br />
Moi—comme mon amour chéri, la lumière adorante et<br />
les gamètes-vitrines—j’adore marcher pour regarder les<br />
vitrines occupées par de fausses couleurs, je les aime<br />
trempées<br />
Par l'hiver qui donne vie aux racines<br />
Je me promène toujours autour d'un millier de murs,<br />
mais je tombe dans mes chaussures et, brisé, les rochers<br />
entravent ma vue et sortent mon Encens; mon dos est<br />
percé d'une période<br />
La ville se réveille sur une somnolence, la somnolence<br />
de la léthargie, des aboiements et jappements de la nuit<br />
Portes ouvertes<br />
Les portes muettes des années de brouillard lourd<br />
Tous les numéros de cumulus et marais dans le<br />
balbutiement<br />
Des comptes<br />
Toutes les chaussures de fer avec frapper et battre<br />
Tous sont jetés par le vent<br />
Il y a encore un soleil et une inondation dans le cœur des<br />
maisons<br />
Nous sommes dans le Tippers ', Platoon de, les préjugés<br />
», et l'âge de Somersault<br />
Mon amour chéri vient de supprimer, au large, DIN de<br />
fogginess ', Perfidy'S, Falsity'S, et l'extrémisme Âges de<br />
la Perplexité<br />
Nous tremblons dans le corps des tours exotiques avec<br />
ses coups, l'électricité, frissonnant et vibrations<br />
Mon cœur est une étoile cubique<br />
Mon amour chéri vient avec le cœur de ses merveilleuses<br />
icônes<br />
Nos cœurs sont des ballons<br />
52
Ahmed Rayan El-Nadim<br />
vent noir est écopage du nord<br />
rêves faibles sont le tressage dans les tresses des filles<br />
Les vieux rêves sont suspendus dans les balcons<br />
Les pièges sont sous nos pieds<br />
Les gens étourdit dans les tonneaux, l'étain, et les<br />
réservoirs<br />
Les soleils se noient dans le cœur du Nil que les bombes<br />
Je suis comme vous aimez mon chéri plein<br />
d'enthousiasme<br />
Je jetai mon cœur dans les mers<br />
Et passer ma vie dans l'espoir et la pétition<br />
Mon amour chéri vient à l'hiver le psy, la contraction, et<br />
frisson<br />
me plantation sur les jardins<br />
Comme une lune mille aile<br />
Comme une lune éloquente rurale<br />
Je suis l'étoile du matin,<br />
Je suis la bougie de la lanterne<br />
Je suis le rêve de la roominess<br />
Je vivais à l'époque pharaonique<br />
Embalmed dans un cercueil<br />
Vivre dans les branches des arbres<br />
Mon coeur est un morceau de rubis<br />
Errant depuis deux mille ans<br />
Un trou de la douleur dans mon coeur<br />
Tracteurs ont été me traînent<br />
Un mur sculpté me crucifient<br />
Le ventre de la baleine me avale<br />
Il y a un énorme Groove creusé<br />
53
Mon cœur est l'arbre d'une des baies<br />
J'embrasse maisons<br />
Mon cœur est l'arbre d'une des baies<br />
54
L’aurore<br />
Vatsala Radhakeesoon
L’aurore<br />
L’aurore est là,<br />
Elle dit :<br />
Les idées noires ,<br />
les mots sombres sont<br />
du passé<br />
Mais moi,<br />
je suis sceptique ,<br />
je veux bien m’évader<br />
dans ma bulle de solitude<br />
Et toi , mon amour<br />
tu me retiens par ton regard,<br />
Tes bras autour de moi<br />
comme dans une valse,<br />
Tout doucement ,<br />
Tu me dis :<br />
Regarde !<br />
L’aurore attend le soleil,<br />
Ne crois-tu pas qu’ils<br />
s’aiment pour l’éternité ?<br />
56
“Mon paradis perdu”<br />
Cahier d’un retour pays natal<br />
Un poème mimique influencé par Aimé Césaire<br />
Mary Belcourt
“Mon paradis perdu”<br />
Au bout du petit matin…<br />
Le son d’un balai gratte le sol en béton, râle sur<br />
ma conscience, l'humanité éveillée. Les figures<br />
maternelles crient des ordres pour leur descendance:<br />
pour se réveiller, nettoyer, cuisiner, prier, s’habiller,<br />
apprendre.<br />
Ces enfants, qui grandiront, partiront, et ne reviendront<br />
jamais. Ces enfants qui vont saisir des opportunités en or<br />
loin de leur mère de l'île, la Dormeuse, la femme dont le<br />
sommeil n'est pas perturbé par cet exode.<br />
Cet exode d’intelligence et d’ambitions.<br />
Cet exode d’espoir et de raison.<br />
Poussé par l’amour d’une mère.<br />
Poussé par la maladie et le besoin.<br />
Poussé par le désir d’avoir peur de ne rien avoir.<br />
Au bout du petit matin…<br />
La Dormeuse continue de dormir, les contours, les creux<br />
et les courbes de son corps, formant les montagnes de<br />
l'île. Les profondeurs de la jungle qui l’entourent comme<br />
un nid d’oreillers.<br />
58
Mary Belcourt<br />
La Dormeuse continue de dormir, cette déesse qui a<br />
convoqué son corps pour donner vie à l'île et à ses<br />
habitants. Une déesse dont l’amour maternel continue<br />
d’exister dans la terre fertile qui nourrit son peuple. Une<br />
déesse dont le pouvoir a été dépouillé par un dieu<br />
étranger, un dieu dont les enseignements ont effacé<br />
l’histoire, un dieu qui a effacé la tradition.<br />
Au bout du petit matin…<br />
L'île, jonchée des ordures en plastique, de styromousse<br />
et d'étain – tachés flagrantes de la mondialisation. Des<br />
boutiques “pop-up” de la rue, possédées localement,<br />
mais fournies par des importations étrangères, remplies à<br />
ras bord avec des emballages colorés d'Amérique, de<br />
Chine, du Japon, de la Corée. Les couleurs qui polluent<br />
le vert de l'île, le bleu de la ciel et de la mer.<br />
Le sable perdu, englouti par la mer. La mer qui empêche<br />
sur les êtres de la terre. Des murs maritimes sont<br />
construits pour protéger les terres de la violence et de la<br />
colère de la mer, remparts qui s'élèvent de façon<br />
menaçante. Sa colère mal placée, la colère d’un premier<br />
monde qui place la vanite sur la durabilité, les richesses<br />
matérielles sur les richesses terrestres, alimentant sa<br />
violence.<br />
Les vagues se répandent avec constance et entêtement,<br />
les marées comme un répit ou une comme le ravissement<br />
cannibal de la nature sur la nature.<br />
Au bout du petit matin…<br />
59
“Mon paradis perdu”<br />
Les coqs chantent, réveillent l'île, ils me rappellent des<br />
Allemands qui snt atterris sur les plages. Le bus de<br />
l'école privée traverse le village, embarque les<br />
privilégiés qui peuvent s’inscrire dans la seule école<br />
privée sur l'île – véhicules “Courtesy of Japan” et<br />
professeurs “Courtesy of the Seventh Day Adventist<br />
Churches of America”.<br />
Les voitures mesurent la vitesse en kilomètres, des<br />
milliers de panneaux routiers , un carrefour entre la<br />
technologie japonaise et les codes juridiques américains.<br />
Au bout du petit matin…<br />
La lumière illumine les murs et les fondations de la<br />
vieillesse des écoles, des églises, des maisons éprouvées,<br />
par la pluie, le soleil, les éléments - l'île est un corps<br />
dont les anticorps rejettent les objets étrangers qui<br />
cherchent à s’implanter.<br />
L'école secondaire que les chinois ont construit, il y a<br />
seulement trois ans, est rouillée et écaillée, comme un<br />
enfant qui mourait de varicelle, tacheté et traitable, mais<br />
aucun traitement n’est disponible.<br />
Le regard malade des maisons abandonnées, énigme de<br />
l'île. Dalles de béton délaissées à les plantes parasites<br />
poussent à travers ses fissures. Murs tendus, en couches<br />
minces avec tabisses d’un vert maladif.<br />
60
Mary Belcourt<br />
Les toits effondrés, par la pluie ou le vent, l'étain rouillé<br />
qui dégouline, en teintes rougeâtres. Les familles<br />
construisent d’autre maisons, juste à côté des restes de<br />
leur dernière maison, comme un crabe abandonnant sa<br />
coquille précédente, sous-dimensionnée ou pourrissante.<br />
L'hôpital où je suis née, où maman est née, où mon frère<br />
et ma soeur sont nés, demeure encore avec vingt ans de<br />
retard. Pas d’air conditionné, pas de dialyse pour les<br />
diabétiques, manque d’exigences en matière de santé et<br />
de sécurité. Les malades qui aident les malades. Les<br />
aveugles conduisant les aveugles.<br />
Au bout du matin…<br />
Je me réveille dans un monde si différent de celui dans<br />
lequel je suis née. Je suis née dans un monde où l’air<br />
résonnait avec de rires d’enfants et de leurs mères. Où<br />
j’ai vécu aveugle et heureusement inconsciente de<br />
l’injustice de toutes ces morts si facilement évitable dans<br />
d’autres pays. Je suis née là où la race n’existait pas, où<br />
l’amour était familier et pur, où ma maison et la nature<br />
coexistaient paisiblement et magnifiquement.<br />
Ce monde que j’ai quitté pour ce que mon père appelait<br />
«de meilleures opportunités», ces mots me renvoyaient à<br />
quelque chose d’introuvable loin de l'île.<br />
Dans ce nouveau monde…<br />
Où j'ai grandi et où j'ai commencé à oublier ma tristesse<br />
et mes naissances.<br />
61
“Mon paradis perdu”<br />
Où j'ai appris une conscience du monde au-delà de ma<br />
porte.<br />
Où le voile retiré de mes yeux.<br />
C'est ce nouveau monde, dans lequel j'existe maintenant,<br />
celui qui a infligé des coups et blessures au refuge<br />
auquel j'ai appartenu autrefois.<br />
Au bout du matin…<br />
Quand je suis encore entre la conscience et le sommeil,<br />
la nostalgie me frappe, s’oppose à la réalité et pourtant,<br />
la beauté est là détérioration, la maladie, les faiblesses,<br />
elle persiste – et m’appelle plus fort que jamais.<br />
62
PROSE
Entre les Deux Mondes<br />
Ashley Boudreaux
Ashley Boudreaux<br />
Le monde est cruel même s’il paraît de ne pas<br />
l’être. La vie joue avec nos émotions comme s’ils sont<br />
ses jouets. Le bon chemin peut sembler si évident à<br />
choisir. Mais il y a plusieurs obstacles et du travail à<br />
faire.. En revanche, le mauvais chemin semble si facile<br />
et rapide, mais il mène une personne à un cul-de-sac.<br />
Je pensais qu’un équilibre se ferait, mais je ne<br />
suis payé pour le savoir. J’étais à mi-chemin entre la vie<br />
et la mort. J’ai failli perdre tout que j’aimais,<br />
particulièrement l’amour de ma vie. Sans ma chérie, je<br />
n’aurais rien.<br />
Je ne tournerai pas autour du pot avec ma<br />
histoire. Tout mes paroles seront vraies. Je ne suis pas<br />
fière des événements. J’ai honte de la personne que<br />
j’étais. Mon histoire sera une leçon- un avertissement..<br />
J’ai suivis le mauvais chemin et j’ai de la chance d’être<br />
en vie. Je m'appelle Alexandre et voilà mon histoire.<br />
J’habitais dans un immeuble avec ma fiancée—<br />
mon amour. Elle s’appelle Marion. Je travaillais des<br />
heures supplémentaires pour payer le mariage parce<br />
qu’elle voulait se marier à la plage. Mais donc, le travail<br />
était trop stressant. Parfois je travaillais jusqu’à vingt<br />
heures.<br />
J’aurais pu dormir au bureau si je me suis servi<br />
de mon petit secret. Je le cachais au bureau et chez moi.<br />
C’était un secret dégoûtant- un horreur. Je la désirais à<br />
tout propos. La dépendance avait commencé un soir<br />
quand je travaillais tard au bureau. Antoine, un autre<br />
employé, m’a vu à mon bureau.<br />
–Encore un soir au bureau? Antoine a posé.<br />
65
Entre les Deux Mondes<br />
–Ouais, je peux plus de l’argent, j’ai répondu.<br />
Ma fiancée veut faire un grand mariage à la plage.<br />
–Ahhh, je comprend. Je travaille à un autre lieu<br />
depuis deux heures chaque nuit. Je veux l’argent aussi.<br />
L’autre travail m’aide vraiment. Alors, félicitations.<br />
–Attends. Comment est-ce que ça possible?<br />
–Voici mon secret, Il a chuchoté.<br />
Il plongea sa main dans sa poche et il me montra<br />
un sac avec un objet ressemblant à des flocons de neige<br />
— ou peut-être de la cocaïne.<br />
–Qu’est-ce que c’est? J’ai posé maladroitement<br />
–Tu n’es pas au courant? Il a répliqué en riant.<br />
Du sucre! J’ai du sucre!<br />
J’ai jeté un coup d’œil affolé autour de lui. J’ai<br />
dû rapidement vérifier ses alentours. Si quelqu’un aurait<br />
vu son sac du sucre, nous aurions des ennuis…. Et peutêtre<br />
en état d’arrestation.<br />
–DU SUCRE?! J’ai crié. POURQUOI DU<br />
SUC…<br />
Soudain, Antoine cacha ma bouche avec sa<br />
main. J’étais toujours en panique.<br />
–Sois calme! dit-il à voix basse à travers ses<br />
dents. J’enlève ma main si tu me promets de rester calme<br />
et de bon esprit. D’accord?<br />
J’ai hoché ma tête et il a libéré ma bouche. Nous<br />
étions debout en silence. Enfin j’ai osé parler.<br />
–Pourquoi du sucre? J’ai cru que ça était la<br />
cocaïne.<br />
–De la cocaïne?! répliqua Antoine, étonné et<br />
irrité. Bien sûr que je consomme de la cocaïne dans mon<br />
café et mes fruits…<br />
66
Ashley Boudreaux<br />
–Mais le sucre … c’est carrément une drogue<br />
insalubre avec des risques pour la santé.<br />
–La cocaïne possède aussi des risques pour la<br />
santé, mais tout le monde en consomme. Je vends et<br />
mange de la confiserie tous les jours et je suis toujours<br />
bien. Si tu es vendu du sucre and de la confiserie avec<br />
moi, tu rouleras sur l’or.<br />
J’avais peu d’options. Je voulais l’argent vite.<br />
Enfin, nous étions d’accord. J’ai passé des semaines<br />
avec Antoine et nous vendions et mangions de la<br />
confiserie. J’essayais à retourner chez moi en silence<br />
quand je suis arrivé tard.<br />
Une nuit, je suis retourné chez moi. J’ai regardé<br />
ma montre. 3h45. J’ai pensé, peut être Marion ne<br />
remarquait pas que j’étais en retard si je faisait comme si<br />
j’étais endormis sur le canapé. J’ouvris la porte et<br />
doucement, la ferma sans bruit. Quand je tournais le<br />
coin, mon cœur a gelé.<br />
–Bonsoir, Alex, dit Marion tranquillement.<br />
Je suis tombé des nues. Elle asseyait dans le canapé avec<br />
une tasse de thé dans la main et une bouteille sur le<br />
table. Elle souriait, mais je l’ai connu bien- elle était en<br />
boule.<br />
–J’ai trouvé cette bouteille la taie d’oreiller, elle<br />
commençait. Je travaille à l’hôpital et je voit de première<br />
main des gens comme toi qui y viennent à cause d’une<br />
overdose.<br />
–Je suis au courant, repondis-je, mais je les veux<br />
Marion lit la étiquette de la bouteille dans la<br />
main.<br />
–Que ce-que c’est? Elle m’a posée<br />
67
Entre les Deux Mondes<br />
Je n’ai pas desserré les dents. J’étais paralysé par<br />
la peur. Cependant, Marion m’a attendu á parler. Elle<br />
était tout á fait conscient des composants de la liquide<br />
dans la bouteille .<br />
–Et alors? Demanda Marion impatiemment.<br />
–Ils sont des oursons en gélatines, je lui ai<br />
répondu avec inquiétude.<br />
–DES GÉLATINES?! EST-CE QUE TU FOU?!<br />
TU DOIS JETER TOUTES DES CONFISERIES<br />
MAINTENANT!! C’EST DANGEREUX!<br />
J’ai réalisé que c’était la cart forcée. Elle allait<br />
jeter mes confiseries. J’ai couru à la chambre et ouvert le<br />
tiroir. J’ai enlevé des confiseries tels que des chocolats,<br />
des fleur de sel caramels, des macarons, des cookies et<br />
des guimauves. Je les mangeai tous . Je suis allé dans un<br />
coma du sucre.<br />
Je me suis reveillé dans un lit au cimetière. La<br />
tête se semblait pris de vertiges. J’avais oublié qui se<br />
passé. J’ai vu une silhouette d’une personne et il<br />
marchait au lit. Mon lit de mort? Quand il était tout près,<br />
j’ai vu que la silhouette était un corps osseux. Il avait<br />
une faux et portait une cape noir. La main grêle a touché<br />
ma figure doucement. Je m’ai semblé la chaleur de mon<br />
corps évitait. M’âme a gelé. Mon corps fallit mourir de<br />
froid avant que un hurlement répercuté à travers le<br />
cimetiére. La silhouette a etendue le hurlement et tout a<br />
disparu.<br />
J’ai ouvert les yeuxs doucement. Des lumières<br />
en haut la tête m’aveuglait donc j’ai tourné la tête au<br />
côte et j’ai vu Marion.<br />
–Oú sommes-nous? demandais-je.<br />
68
Ashley Boudreaux<br />
–A l'hôpital , répliqua-t-elle doucement. Tu as<br />
mangé beaucoup de sucre ensuite tu est tombé les quatre<br />
pieds en l’air à cause d’un arrêt du cœur. Tu arrivait à<br />
l’article de la mort, mais ensuite tu as réveillé après que<br />
j’ai hurlé de peur. Après tu t’es récupéré, nous avons<br />
t’envoyé au troisième étage pour la réhabilitation.<br />
Et c’est pourquoi je suis debout ici aujourd’hui.<br />
Le centre de désintoxication m’aide tourner la page de la<br />
dépendance du sucre. En deux semaines je serai libéré et<br />
en dix mois, marié àMarion.<br />
69
Elle ne l’a pas voulu<br />
Yelena Mazour-Matusevich
Yelena Mazour-Matusevich<br />
Elle ne le voulait pas. L’année 1937, vous<br />
rigolez? Qui peut en vouloir? Il faut être fou. La misère,<br />
la promiscuité et surtout la peur, elle crevait de peur tous<br />
les jours. Et puis, elle en avait déjà un, tout beau, tout<br />
mignon, tout rose.<br />
Et pourquoi ces choses-là n’arrivent qu’à elle?<br />
Les autres, elles se débrouillent tandis qu’elle se fait<br />
avoir comme une imbécile. Elle est foutue maintenant,<br />
foutue ! Elle aurait avorté sans hésiter une seconde, elle<br />
l’aurait expulsé, chassé, piétiné, ce maudit morceau de<br />
chair conçu à l’époque maudite. Mais le Père des<br />
peuples, pressentant le peu d'enthousiasme que ses sujets<br />
aient à la procréation, a interdit les avortements sous<br />
peine de prison. Il fallait repeupler les camps du Goulag<br />
avec de nouveaux petits esclaves qui étaient ainsi bien<br />
obligés de naître.<br />
Mais elle n’y pensait pas, à tout cela. Elle ne<br />
savait qu’une seule chose: on l’eut, on l’eut comme une<br />
conne, on abusa d’elle. En sortant du gynéco, elle<br />
marchait dans la rue, remplie de haine et de désespoir.<br />
Elle ne rencontrait pas une seule femme enceinte, ce qui<br />
lui prouvait encore et encore qu’il n’y avait qu’elle<br />
qu’on avait attrapée, piégée, forcée à porter dans son<br />
ventre ce bout de misère et de honte qu’elle détestait. Il<br />
lui paraissait particulièrement injuste que, malgré sa<br />
révolte et son refus, « le fœtus se développait<br />
normalement», selon les dires du gynéco. Elle n’y<br />
pouvait rien, rien, contre cette vie indésirable devenue<br />
aussi inévitable que la mort.<br />
Et pourtant ne raconte-t-on pas qu’il y a des<br />
moyens, enfin, qu’il y a, paraît-il, des femmes qui font<br />
71
Elle ne l’a pas voulu<br />
ça. Comment les trouver? Où ? Et puis, on dit aussi que<br />
c’est dangereux, on peut y crever, et il paraît qu’il y en a<br />
plein qui y ont déjà laissé leur peau. Tout comme celleci...<br />
comment s’appelait-elle déjà? Il paraît qu’elle en est<br />
morte. Le mari a prétendu autrement, mais elle est<br />
certainement morte de ça. Comme en train de se disputer<br />
avec quelqu’un qui la traquait pour l’achever coûte que<br />
coûte, elle bredouillait, furieuse: « Non, non, tu ne<br />
m'auras pas, va te faire foutre, non ! » Non, elle ne<br />
mourra pas, elle, si jeune, si belle, si forte. Non, crever<br />
pour ce petit salaud qui s’est installé dans son ventre, ah,<br />
non, cela serait lui faire trop plaisir!<br />
Quand elle pleurait de rage en se mordant les<br />
lèvres, son mari la regardait, silencieux. Il comprenait, il<br />
comprenait tout, il la plaignait en se rappelant comment,<br />
après l’accouchement de leur premier enfant, elle<br />
répétait en sanglotant: « Jamais plus, jamais plus ».<br />
–Mais dis-moi quelque chose, toi ! Comme si ça<br />
ne te concerne pas peut-être ? - criait-elle. Et il se noyait<br />
dans la haine de ses yeux. Qu’est-ce qu’il pouvait lui<br />
dire? Comme la plupart des hommes, il n’a jamais toutà-fait<br />
saisi ce lien mystérieux entre son plaisir à lui et ses<br />
grossesses à elle. Ainsi, malgré le fait qu’ils voulurent<br />
bien le premier, à sa naissance ce fils lui apparut comme<br />
une surprise, un choc, une révélation. Ils décidèrent alors<br />
qu’ils n’en auraient pas d’autres, et il croyait, malgré<br />
toutes les évidences, que puisqu’ils n’en voulaient plus,<br />
il n’y en aurait pas.<br />
« Puisque Dieu nous le donne … », dit-il enfin.<br />
Quand il vit qu’elle ne se calmait pas, il se leva et partit<br />
à la cuisine. La nuit, la cuisine était enfin vide et il<br />
73
Yelena Mazour-Matusevich<br />
pouvait y fumer seul sur son tabouret près de la fenêtre.<br />
Au moins celui-là, contrairement à son frère, se<br />
tenait tranquille. Il causa à sa mère, une abominable<br />
toxicose au début mais au moins maintenant il se tenait<br />
tranquille. Si tranquille qu’elle eut, quand il ne bougea<br />
pas en elle au moment où l’enfant devrait bouger, un<br />
bref espoir… Elle n’alla même pas chez le gynéco par<br />
peur de perdre cet espoir, l’espoir qu’il a enfin compris<br />
et n’insistera plus... Elle voulait attendre le plus<br />
longtemps possible pour qu’aucun miracle de la<br />
médecine moderne, qu’on pourrait utiliser contre elle, ne<br />
parvienne plus à le réanimer. Mais un jour, quand elle<br />
racontait à une voisine, en cachant sa joie, qu’il ne<br />
bougeait jamais, cette dernière lâcha qu’en cas de mort,<br />
le petit corps se désintégrerait dans son utérus et<br />
l’empoisonnerait d’une infection générale. Encore la<br />
mort et encore à cause de lui, de ce petit ver qui la<br />
rongeait inlassablement de l’intérieur. Mais, encore une<br />
fois, « le fœtus se développait normalement », il avait,<br />
paraît-il, juste un caractère timide, selon l’expression du<br />
gynéco qui essayait de la rassurer.<br />
« Peut-être que c’est une fille, ah? Elle pourra<br />
t’aider à la maison et puis les filles sont toujours plus<br />
proches de leurs mères, c’est bien d’avoir une fille », lui<br />
disait-il en cherchant à l’apaiser. « Je ne veux pas, tu<br />
entends, je ne veux pas ! », répétait-elle en serrant les<br />
dents, mais au fond d’elle, l’idée d’une fille, de sa<br />
semblable, faisait son chemin pacificateur. Lui, en<br />
sentant qu’il trouva juste, répétait, aux moments de<br />
tendresse, ce mot doux à son oreille: une fille, une fille.<br />
Ce fût un garçon. À cette nouvelle, elle poussa<br />
73
Elle ne l’a pas voulu<br />
un cri si effrayant que le docteur se pencha<br />
involontairement au-dessus du nouveau-né : qu’avait-il<br />
donc? Il ne vit qu’un petit corps chétif et inerte.<br />
« Il ne vivra pas », constata généreusement la<br />
meme voisine après l’avoir examiné. En effet, il tétait<br />
mal et ne pleurait jamais. Il ouvrait à peine les yeux mais<br />
quand il les ouvrait, il n’y avait que ces yeux-là : grands,<br />
lucides et transparents yeux d’un petit vieillard.<br />
Le nouveau-né était sans illusion, il ne<br />
demandait rien, ne voulait rien. Il fallait le réveiller en le<br />
pinçant, histoire de le nourrir. Si elle en avait marre, il<br />
n’insistait jamais et arrêtait de téter tout de suite, comme<br />
effrayé de l’embêter. Elle le méprisait pour ça. Pâle,<br />
maigre et trop petit, il faisait la caricature de son frère, la<br />
honte de sa famille, l’embarras de leur quartier. Tout<br />
aurait pu finir en douceur si ce n’avait pas été le regard<br />
soupçonneux du père et les visites quotidiennes de la<br />
jeune pédiatre trop consciencieuse. L’enfant survécut,<br />
sans hâte, sans joie, sans une lutte vulgaire et basse de<br />
gros nourrissons, sans insister sur son droit de vivre.<br />
Mais il était décidé une fois pour toutes qu’aucun de ses<br />
efforts ne lui gagnera jamais une goutte d’amour<br />
maternel.<br />
Le premier fils s’appelait Eugène, un nom<br />
ordinaire, neutre, pour ne pas lui attirer des ennuis, pour<br />
qu’il puisse se perdre, un espoir ridicule, parmi d’autres<br />
Eugène avec des origines acceptables. Celui-là, elle<br />
appela Samuel. Même leur voisine antisémite<br />
désapprouva un tel choix : « À quoi bon faire porter une<br />
telle croix à un enfant? Vos gueules, ne vous suffisentelles<br />
pas? »<br />
74
Yelena Mazour-Matusevich<br />
Il était pourtant heureux, ce petit. Il adorait ses<br />
parents, sa mère lui paraissait si belle qu’il se gonflait de<br />
fierté en marchant à côté d’elle sur le boulevard quand<br />
elle le tenait par la main. Il ne se posait jamais de<br />
questions sur sa préférence ouverte pour son frère aîné<br />
car tout ce qu’elle faisait lui paraissait juste. Son père<br />
l’aimait. Il en avait la preuve : une grosse poupée molle,<br />
presque aussi grande que lui. On se moquait de lui dans<br />
l’appartement, un garçon avec une poupée, mais cela lui<br />
était égal. Papa lui offrit la poupée et il l’aimait de tout<br />
son petit cœur. Et puis, il y avait une autre preuve. Un<br />
jour, quand papa était assis sur son tabouret de cuisine et<br />
la fumée entourait sa tête, il appela Samuel. Le petit<br />
s’approcha en souriant, traînant derrière lui sa poupée.<br />
Le père le serra contre sa poitrine, le regarda longtemps<br />
dans les yeux et l’embrassa. C’était bien et c’était<br />
bizarre. Samuel ne le revit plus jamais. Ce fut la guerre.<br />
La guerre qui accorda à son père l’avantage de ne pas<br />
être tuée en tant que Juif. Dans l’horreur de la défaite des<br />
premiers mois on le lui oublia, lui permettant de périr en<br />
soldat, entremêlé et brouillé avec d’autres malheureux<br />
dans leur bref combat et dans leur mort (ingrate?) et<br />
inutile. Au moins, il était épargné le savoir qu’une telle<br />
mort serait bientôt considérée, par des millions<br />
d’hommes de sa race, un privilège inaccessible. Samuel<br />
avait quatre ans.<br />
Ils habitèrent maintenant dans l’appartement<br />
dépeuplé, les voisins ayant évacué. Sa mère s’accrochait<br />
encore à leurs meubles dont la perte éventuelle la<br />
désespérait au point de lui inspirer une sorte de témérité<br />
insensée. Après, quand elle avait enfin compris, c’était<br />
75
Elle ne l’a pas voulu<br />
trop tard, on ne les prit plus : ils étaient jugées « inutiles<br />
pour le front. »<br />
Personne ne s’occupait de lui. Il rôdait librement<br />
dans les rues désertes de Leningrad, en suivant des yeux<br />
des ombres noires traînant derrière eux de longs sacs<br />
glacés: des morts. Parfois une des ombres tombait près<br />
de son sac et y restait jusqu’à ce qu’une autre ombre ne<br />
se soit approchée des deux premières en essayant, à son<br />
tour, de les traîner jusqu’au cimetière. Parfois personne<br />
ne venait. Une fois, Samuel s’approcha et vit un visage<br />
bleu sortant de la déchirure d’un sac. Ce n’était même<br />
pas un visage, ce n’était qu’une joue, dure comme pierre,<br />
mais cette joue exprimait le reste du visage aussi bien<br />
que tous les visages dans tous les autres sacs. Samuel<br />
regardait, penché, cette joue bleue dans le trou du sac, et<br />
la pitié mortelle, immense, douce et belle comme<br />
l’amour, lui entra dans l’âme.<br />
Ils restèrent alors seuls dans l’appartement, sa<br />
mère, son frère et lui, la méchante voisine étant morte la<br />
première, ne s’étant jamais emparé de leurs meubles si<br />
longtemps convoités. La mère de Samuel ressemblait de<br />
plus en plus à une des ombres de la rue et Samuel<br />
essayait d’éviter de la regarder, honteux de son<br />
impuissance d’enfant. Au début, elle se souciait pour que<br />
le pain soit partagé également: elle donnait la moitié du<br />
sien à Eugène. Ensuite, ses yeux se vidèrent de sens et<br />
elle vivait par inertie. Samuel mangeait son morceau et<br />
ne demandait jamais rien. La faim ne le torturait plus: il<br />
s’éteignait. Au début on avait peur des bombes. Après,<br />
non.<br />
Cependant ce n’était pas fini. À travers le<br />
76
Yelena Mazour-Matusevich<br />
brouillard qui s’installa dans sa tête, Samuel vit des gens<br />
venir chez eux pour les chercher, pour les déplacer et<br />
pour leur donner du liquide chaud à boire. Ce liquide<br />
clarifia le brouillard et Samuel vit sa mère assise sur le<br />
lit en face, Eugène à côté d’elle. Samuel leur sourit et<br />
s’endormit. On le réveillait encore et encore lui faisant<br />
boire du liquide chaud. Chaque fois il voyait sa mère<br />
assise en face et son cœur tremblait de bonheur.<br />
Puis, quand ils s’étaient un peu remis, on les mit<br />
dans un train. On allait les évacuer à Stalingrad, au sud,<br />
où il fait chaud. Parmi les gens serrés dans leur wagon, il<br />
y avait quelques soldats, mais surtout des femmes et des<br />
enfants. Les bébés pleuraient et les mères s’échangeaient<br />
des regards hostiles : elles soupçonnèrent leurs voisines<br />
de vouloir leur ôter leur chance de survivre. Samuel les<br />
regardait et il avait de la pitié mortelle pour les femmes,<br />
les soldats et les bébés.<br />
Une nuit, le train s’arrêta brusquement. Une<br />
énorme force extérieure le secoua. Samuel entendit des<br />
cris tandis que le corps massif de sa voisine le cloua sur<br />
son banc. Le son infernal remplit l’espace et le wagon<br />
secoua de nouveau. La masse qui l’étouffait glissa par<br />
terre, le libérant. Il se mit debout et entendit crier son<br />
nom à travers le vacarme. Il essaya alors d’avancer mais<br />
le même son aigu s’approcha de nouveau et l’espace se<br />
déchira devant lui. Il fut propulsé sous le banc en face, se<br />
heurta la figure et perdit connaissance. Quand il rouvrit<br />
les yeux, le compartiment était éclairé par des flammes.<br />
La grosse voisine était étendue sur le plancher. Il faisait<br />
si clair, il n’avait jamais vu un tel éclairage. Le<br />
compartiment illuminé brillait d’une lumière rose du<br />
77
Elle ne l’a pas voulu<br />
coucher du soleil qui jouait sur le visage de la morte.<br />
« Sautez, sautez! » entendit-t-il. L’instinct le fit<br />
rebondir. La fumée grasse et épaisse remplissait le<br />
couloir au fond duquel il pouvait distinguer des gestes<br />
chaotiques des passagers qui s’obstinaient à survivre.<br />
Une figure féminine sortit pour un instant infiniment<br />
court de la fumée ⎯ un homme la poussait à sauter :<br />
c’était sa mère. Il hurla « maman, maman » encore et<br />
encore mais la figure disparut, la fumée noire se referma<br />
sur elle et il resta seul. Il retourna sous le banc, près du<br />
corps inerte de la grosse voisine et ne bougea plus.<br />
Il n’y avait plus rien et il ferma les yeux. Le<br />
bruit du feu consommant la matière remplit l’espace.<br />
Mais ce n’était pas encore fini. « Laisse tomber, tu<br />
brûleras, laisse, imbécile! » cria quelqu’un mais, malgré<br />
ce cri de sagesse, deux bras noirs tirèrent Samuel du<br />
dessous de son banc et le jetèrent à travers la fenêtre<br />
cassée. Deux autres bras le récupérèrent. Le soldat<br />
s’éloigna du wagon brûlant et coucha Samuel par terre.<br />
Samuel regardait. Le train brûlait tout entier<br />
ressemblant à un serpent de feu. Les wagons perdirent<br />
leurs murs et devinrent transparents. Dans les wagons<br />
transparents et lumineux dansaient et sautaient les<br />
silhouettes des passagers en feu, des cris d’enfer se<br />
confondaient avec le bruit du feu dévorant. Les figurines<br />
en flammes sautaient des wagons et couraient vers la<br />
foule compacte de survivants. Ces derniers se jetaient<br />
alors de deux côtés, laissant passer la figurine<br />
enflammée d’un homme ou d’une femme pour ne pas<br />
eux-mêmes contracter le feu. Des figurines couraient<br />
encore un peu, puis tombaient en avant, finissant par<br />
s’éteindre toutes seules en faisant quelques mouvements<br />
79
Yelena Mazour-Matusevich<br />
convulsifs. Il y avait aussi ceux, des insensés, qui<br />
tentaient de les éteindre avec des manteaux ou des<br />
couvertures.<br />
Puis, personne ne sautait plus des wagons qui<br />
brûlaient d’un feu lent et paresseux. Des camions et des<br />
chariots vinrent pour ramasser les survivants du<br />
bombardement du train destinée au péril certain de<br />
Stalingrad. Samuel demandait sa mère et on lui<br />
répondait qu’il fallait se patienter. On le mit dans un<br />
camion avec d’autres enfants « non identifiés ».<br />
Heureusement pour lui, sa mère lui bien fit apprendre<br />
son nom et son adresse qu’il dit sans faute à l’infirmière<br />
de l’orphelinat.<br />
Il était juste fatigué. Il n’avait pas de<br />
cauchemars, il ne criait pas la nuit. Il se tenait bien sage,<br />
étendu sur son petit lit. Il ne voulait qu’une chose: voir<br />
sa mère. Au début il ne posait qu’une question, toujours<br />
la même, à tous les adultes: quand est-ce que sa maman<br />
viendrait le chercher. On lui mentait, on lui racontait des<br />
histoires, il le comprit bien. Il n’en était pas fâché,<br />
seulement, il ne mangeait plus. Il conclut que ce n’était<br />
pas si mauvais de cesser de vivre, ça faisait certainement<br />
moins mal. Mais ce n’était pas encore fini. On allait le<br />
nourrir de force.<br />
Oh, c’était une torture cruelle et abominable !<br />
Qu’est-ce qu’il détestait ces infirmières robustes à la<br />
poigne de fer qui s’emparaient de lui comme des<br />
vautours de leur victime mourante. Elles le piquaient et<br />
le bousculaient car il fallait le réveiller en le pinçant,<br />
histoire de le nourrir. Cela lui était déjà arrivé, il en avait<br />
un vague souvenir. On le forçait de nouveau à vivre. Il<br />
79
Elle ne l’a pas voulu<br />
ne faisait rien, ni pour, ni contre. La résistance serait<br />
inutile, la coopération fatigante.<br />
Cependant, même les infirmières se lassaient<br />
peu à peu de leur combat. Elles éprouvaient presque de<br />
la honte à déranger encore et encore ce petit corps qui<br />
semblait éprouver du plaisir à se laisser glisser dans la<br />
mort. Plus d’une fois, l’enfant les surprit à se regarder, à<br />
hésiter les bras baissés. Mais elles ne se décidaient pas<br />
encore, elles luttaient par habitude, par routine, par<br />
obligation mais sans acharnement. Elles perdaient la<br />
bataille: le petit corps se confondait de plus en plus avec<br />
sa couverture grise. Les autres enfants jouaient autour de<br />
son lit, criaient, se bousculaient, se battaient. Au début,<br />
on les grondait, on les renvoyait. Maintenant on ne disait<br />
plus rien. Pourtant le bruit de leurs voix troublait son<br />
sommeil proche de l’inconscience et l’irritait. Il n’y<br />
pouvait rien: il y a longtemps qu’il avait perdu la force<br />
de parler. Ces enfants étaient des survivants d’enfer et<br />
par leur instinct de bête, ils ressentaient de la<br />
répugnance, du dégoût naturel envers ce demi-mort<br />
placée au milieu de leurs jeux, et le désir joyeux de<br />
meurtre leur chatouillait les narines. Seule la vieille<br />
surveillante chassait encore ces petits vautours du chevet<br />
du petit mourant. S’il était plus éveillé, plus conscient du<br />
danger qu’il courait, il serait effrayé car, sans jamais être<br />
attaché à l’existence, il avait toujours horreur de la<br />
brutalité. Il aurait pu se forcer à vivre juste pour éviter<br />
les coups. Mais il ne savait plus rien, il ne sentait plus<br />
rien hormis sa propre faiblesse.<br />
Cependant ce n’était pas encore fini. Un aprèsmidi,<br />
oublié de tous, seul dans la salle vide remplis de<br />
lits vides, il entendit des voix et des pas. Les pas<br />
80
Yelena Mazour-Matusevich<br />
retentissaient dans le vide de la salle et dans le vide de sa<br />
tête, ils s’approchaient. Puis, on se pencha sur lui, très<br />
proche. Il entendit : « C’est lui. Il connaissait bien son<br />
nom et son adresse. Veuillez regarder, madame. »<br />
Ensuite un autre visage se pencha sur lui, et le monde<br />
éclata en mille éclats, et le plafond tomba, et il eut une<br />
peur terrible de mourir. C’était sa mère. Il cria « maman,<br />
maman » mais on ne l’entendit pas. Sa mère se retourna<br />
en arrière, puis se pencha de nouveau. Elle le regardait,<br />
toujours penchée, indécise, tendue. Elle se penchait de<br />
plus en plus bas, si près qu’il sentit son odeur et sa<br />
respiration. Elle le regardait avec une attention<br />
douloureuse et son visage était dévasté par la terreur.<br />
Avant même qu’il ait compris, avant qu’un atroce<br />
soupçon ait atteint sa conscience, la terreur de ce visage<br />
se communiqua à lui. Alors, il ouvrit ses yeux autant<br />
qu’il put, les exorbitant et en y mettant tout ce qui lui<br />
restait de la vie, comme s’il comprenait que ses yeux,<br />
ces énormes yeux bleus d’un extra-terrestre, étaient<br />
maintenant son seul salut. Devant ces yeux, elle recula.<br />
Un frisson nerveux lui traversa le corps. Elle ne pouvait<br />
pas se méprendre : c’était lui.<br />
* * *<br />
Tout ce qui arriva après n’avait plus tant<br />
d’importance. Il y aura des années d’études brillantes, de<br />
l’argent, du pouvoir, du luxe et un bon mariage avec une<br />
fille de bonne famille choisie pour plaire à maman. Il y<br />
aura le divorce, la trahison, la condamnation et des<br />
années de taule. Elle n’aura rien remarqué, ni son<br />
triomphe, ni sa chute. Pour elle n'y aura que Eugène :<br />
81
Elle ne l’a pas voulu<br />
lent, hébété, la bouche béante, mauvais élève aux yeux<br />
de veau, toujours le préféré, l’adoré, l’unique chéri de sa<br />
maman. Mais ce n’était pas bien grave, pas pour lui, pas<br />
pour Samuel. Grasse, malpropre, apathique, toujours de<br />
mauvaise humeur — il l’aimait, il l’adorait toujours.<br />
Débile, engourdie, sentant l’urine et la vieillesse, ne<br />
reconnaissant plus personne, c’était toujours elle, sa<br />
maman. Celle qui l’avait retrouvé, qui l’avait arraché à<br />
l’orphelinat et à la mort, celle qui avait montré, cette<br />
seule fois, qu’il comptait pour elle.<br />
Et voilà qu’elle est assise sur son lit, les oreillers<br />
sous la tête et sous les épaules, la chemise de nuit<br />
entrouverte laissant voir son corps de vieille. Les yeux<br />
sont vides de toute expression, elle ne comprend plus<br />
rien. Samuel lui tend des fraises fraîches dans une<br />
cuillère. Elle mâche, la salive et les morceaux de fraise<br />
glissent de sa bouche béante sur sa poitrine, sur sa<br />
chemise de nuit, sur les draps. Le fils essuie et lui tend<br />
encore une cuillère et puis encore et encore. Maman<br />
aime les fraises. Elle mâche et avale, mâche et avale.<br />
–Est-ce que tu m’aimes, maman? – répète<br />
Samuel en la regardant dans les yeux.<br />
–Oui, oui, je t’aime, répond-elle, je t’aime. Je<br />
t’aime, mon Eugène.<br />
82
L'égalité pour l'égalité<br />
Lily Nevo
L'égalité pour l'égalité<br />
Aujourd'hui, mesdames et messieurs, nous avons<br />
le privilège d’être dans un environnement où l'égalité<br />
peut être contestée et appliquée librement; nous<br />
examinons des problèmes bien au-delà des frontières de<br />
cette espace de conversation, même au-delà des limites<br />
de notre pays magnifique et libre. Ces problèmes ne<br />
nous touchent pas directement. Cependant, ils affectent<br />
profondément beaucoup d'autres personnes ; les gens qui<br />
sont comme nous mais qui, par contingence, se trouvent<br />
punis par des idéologies sexistes, injustes et restrictives.<br />
Les gouvernements qui sont déterminés à pousser leurs<br />
croyances limitantes—à l'extrémité la plus éloignée—<br />
indépendamment du coût pour les droits ou la vie de la<br />
moitié de la population. Dans certains pays pauvres et en<br />
développement, la moitié de la population est soumise à<br />
des idéologies extrémistes qui enchaînent les humains—<br />
en particulier les femmes—de leurs droits<br />
fondamentaux.<br />
Malgré le fait que de nombreux pays en<br />
développement déclarent dans leurs constitutions que les<br />
hommes et les femmes sont égaux en droits, cette réalité<br />
n'est pas appliquée. Dois-je vous rappeler la norme<br />
injuste définissant la façon dont les femmes vivent dans<br />
de nombreuses régions du monde? Les droits qui, dans<br />
ce pays, nous ont la chance d'être accordés et embrassés<br />
—comme l'éducation et la liberté d'expression—sont<br />
tristement considérés comme des privilèges masculins<br />
dans certains pays en développement.<br />
Pouvez-vous imaginer être forcé à rester à la<br />
maison toute la journée et incapable de lire un seul mot<br />
que vous avez vu ou incapable d'écrire tout ce qui est<br />
84
Lily Nevo<br />
venu à l'esprit? Pouvez-vous imaginer avoir un manque<br />
complet de connaissance et de compréhension sur le<br />
monde? C'est l'expérience de soixante cinq millions de<br />
filles dans le monde qui se voient refuser l'éducation.<br />
Une jeune fille est comme un marcheur à corde raide,<br />
courageuse mais effrayante, avec beaucoup à gagner<br />
mais tellement à perdre. Certains, en effet, ont peur ou<br />
ne se rendent pas compte de ce qu'ils manquent.<br />
D'autres, les combattants, ont la chance d'essayer d'aller<br />
à l'école pacifiquement et avec fierté, malgré qu'on leur a<br />
dit de ne pas le faire. Mais trop de ces braves filles sont<br />
abattues, lapidées et pulvérisées d'acide quand tout ce<br />
qu'elles font est ce que chacun de nous a fait toute notre<br />
vie. Certains meurent sous le fardeau de cette inégalité et<br />
d'autres sont naturellement marqués par les blessures<br />
d'une telle injustice. Mais de temps en temps, il y a<br />
quelques-uns qui bravent le danger, sortent de leur peau<br />
battue, émettent la voix, réussissent et sont validés, pour<br />
avoir du courage.<br />
Si vous acceptez vos droits à l'éducation et à la<br />
liberté d'expression, vous devez croire que ces droits<br />
sont à la disposition de tous, non seulement pour ceux<br />
qui sont comme vous; mais pour ceux qui sont victimes<br />
d'idéologies extrémistes; Pour ceux qui ont été punis<br />
pour leurs tentatives pour faire respecter ces droits; Pour<br />
les femmes à risque partout.<br />
Comme trop de monde est silencieux, laissons<br />
notre voix et parlons pour ceux qui ont peur de trouver le<br />
leur. Malala Yousafzai, victime de l'inégalité entre les<br />
sexes et pourtant le gagnant du prix Nobel de la paix, dit:<br />
"Retenons nos livres et nos stylos. Ce sont nos armes les<br />
85
L'égalité pour l'égalité<br />
plus puissantes. Un enfant, un enseignant, un livre et un<br />
stylo peuvent changer le monde. "<br />
86
L’âme indomptée<br />
Maël Robiquet
L’âme indomptée<br />
Elle coupait, avec beaucoup de précision, la<br />
feuille de son journal, en étant attentive à ne pas faire<br />
d’erreurs. Même une faute minuscule, et son plan ne se<br />
déroulerait point.<br />
Mais elle le savait très bien.<br />
Lola lâcha ses ciseaux et examina son oeuvre.<br />
Les contours de l’étoile qui figurait sur cette page de<br />
journal étaient presque parfaits. Avec contentement, elle<br />
prit ses crayons et observa précisément la statuette de la<br />
forêt mexicaine qui se tenait sur son bureau, à côté de la<br />
photo d’elle, son père et sa répugnante mère. Lola<br />
fronçait ses sourcils en la regardant dans cette photo. La<br />
photo lui rappelait les expéditions de son père, qui<br />
mourut dans la jungle de la Mexique centrale suite à une<br />
chute. La mort de son père a poussé Lola dans un état de<br />
dépression qu’elle n’a depuis pu s’en sortir . Elle pleure<br />
tous les nuits pendant des heures sans cesse jusqu’au<br />
sommeil en pensant à lui, à Yves, à son père angélique.<br />
La statuette lui plaisait parce que, pour elle, ça<br />
représentait une partie de son père qu’elle a pu<br />
préserver.<br />
Mais cela ne l’arrêta pas. Lola était déterminé à<br />
réussir son travail. Son ouvrage fut délayé par le rire<br />
écoeurant de Marguerite, qui avait abusé la petite fille<br />
sans cesse depuis le départ de son père, devant la<br />
télévision. Malgré ce détournement, Lola croyait avoir<br />
terminé.<br />
Satisfaite de sa création, Lola ferma le journal et<br />
le plia en quatre, comme c’était écrit dans le manuscrit<br />
d’instruction. Elle prit ce moment de satisfaction pour<br />
regarder par la fenêtre en face de son bureau. J’ai passé<br />
88
Maël Robiquet<br />
les dernières onze années de ma vie en regardant par<br />
cette fenêtre, pensa-t-elle, enfin je vais me libérer. Le<br />
monde à travers la fenêtre lui intriguait fortement. Elle<br />
pensait qu’elle trouverait plus de raisons pour vivre en<br />
dehors de sa maison d’horreurs et de dépression.<br />
A cet instant, la tranquillité de la scène fut<br />
rudement interrompue par l’arrivée de nuages de pluie.<br />
Lola ne savait point de quoi penser de l'événement ; mais<br />
elle n’aurait pas eu le temps parce qu’une silhouette la<br />
regardait à travers la fenêtre avec des yeux jaunâtres et<br />
une grimace menaçante. La figure avait le corps homme<br />
mais la ressemblance d’un ogre. Lola resta immobile,<br />
pétrifiée en face de l’homme. Elle pensait pendant un<br />
moment et tenta de rationaliser sa situation ; elle ne<br />
réussit point. Elle ne pouvait pas fermer sa bouche, mais<br />
aucun son ne sortit. La peau, si c’était de la peau,<br />
ressemblait au pelage d’un gorille, foncé et rêche. La<br />
robe sibylline sinistre qu’il portait lui donnait un aspect<br />
anthropomorphique. Chaque souffle faisait intervenir<br />
tous ses muscles, comme s’il n’était guère habitué à<br />
l’atmosphère terrestre... Il semblait que la bête n’était<br />
pas affecté par la pluie<br />
Lola ne pouvait point courir. Elle s’est levée<br />
lentement de sa chaise et quitta la salle en quête de ses<br />
vêtements de pluie. Mais pour acquérir ses habits elle<br />
devait vaincre la vieille bique qui dormait dans le salon.<br />
À la pointe de ses pieds, elle réussit à croiser croiser la<br />
belle gorgone affaissée sans la réveiller sans la réveiller.<br />
Lola ouvrit le cabinet; prit ; prit son chapeau, son<br />
manteau et ses bottes jaunes pour la pluie; et sortit par la<br />
porte de sa maison. La grande créature mystérieuse se<br />
89
L’âme indomptée<br />
tenait là, sur le trottoir. Il faisait plus de trois mètres de<br />
haut avec des mains gigantesques, des ongles dièses, des<br />
pieds affreux de Mangeclous et un corps d’Hercule.<br />
Lola, horrifiée pour sa vie, s’approcha du monstre<br />
lentement alors que son regard la suit avec chaque pas.<br />
Elle s’arrêta. La pluie fut la seule chose qui se déplaçait<br />
à ce moment. Les deux restèrent immobiles, leur regards<br />
fixés l’un sur l’autre. Lola se rappela de quelque chose<br />
que son père lui avait dit une fois : selon la légende, si<br />
quelqu’un dessine le sigil du dieu de la jungle, il<br />
descendra de son paradis pour répondre au voeu de son<br />
conjureur. Avec ça, elle approcha le figure et eu le<br />
courage de lui poser une question :<br />
“Êtes-vous le dieu de la jungle?” Elle serra ses<br />
mains en pensant à son père.<br />
La bête hocha sa tête et grogna en lui prêtant sa<br />
main. Elle le prit avec une tendresse infantile. Les mains<br />
du dieu étaient semblables aux parties les plus profondes<br />
des astres et rayaient par des pliures complexes.<br />
“Comment vous appelez-vous?” Lola essaya de<br />
rationaliser la situation. La bête hocha une deuxième fois<br />
sa tête et grogna. Cette fois il regardait vers le ciel. Sa<br />
robe ferma toute seule et une lumière du ciel brisa<br />
aussitôt la pluie et atteint le bête et la fille. La bande<br />
éblouissante de lumière les protégeait de l’eau. Tout à<br />
coup, ils commencèrent à flotter. Lola paniqua à l’instant<br />
que ses pieds cessèrent de toucher la terre. Elle essaya<br />
désespérément de se libérer de sa prise, sans succès.<br />
Enveloppé par la lumière, elle ne put voir sa maison<br />
disparaitre dans la pluie. La crainte, la panique, la terreur<br />
étaient une fraction des émotions ressentis par la petite<br />
90
Maël Robiquet<br />
fille, elle qui espérait s’échapper du monde terrestre,<br />
mais dans quel but? A quel prix? Maintenant qu’elle<br />
était à quelque kilomètres d’élévation, l’idée de lâcher sa<br />
main s'éloigna. Avec la lumière qui brillait de manière<br />
plus en plus intense, elle crut y être arrivé. Le destin<br />
m’attend, enfin. Elle ferma ses yeux.<br />
La teinte de la lumière changea. Elle ouvrit ses<br />
yeux de nouveau. Le monde autour d’elle n’était pas le<br />
même. Une mer de nuages l’encerclait. La lumière du<br />
soleil fut une douceur absente de sa vie. Elle sentit ses<br />
cheveux bruns s’éclaircir à l’instant même que le dieu<br />
lâcha la main de Lola qui, pétrifié, commença à hurler,<br />
crier, vagir. Pourtant, elle resta suspendue en l’air au<br />
dessus des nuages. Le bleu du ciel semblait aussi infini<br />
que l’horizon. Elle regarda le dieu. Ce dernier lui fit<br />
signe de le suivre et Lola, perturbée, attendit pour voir ce<br />
qu’il allait faire. Le dieu commença à voler. Il arrêta et<br />
vit que Lola ne le suivait pas. Il prit à nouveau la petite<br />
fille interloquée et ils volèrent dans le ciel en faisant des<br />
boucles dans l’air. Émerveillée par la scène, Lola<br />
commença à rire. Elle pu voir la courbature du monde de<br />
son élévation. En dessous d’elle figurèrent les maisons<br />
terrestres de Bordeaux, une partie d’un monde qu’elle<br />
avait transcendé. Le dieu demeura silencieux. Le vol<br />
continua pendant quelques minutes avant qu’il s’arrêta<br />
brusquement, secouant Lola violemment. Ils se<br />
trouvèrent soudain suspendus.<br />
“Pourquoi sommes-nous arrêtés?” demanda-telle.<br />
Au lieu de lui répondre, il appuya sur l’air comme<br />
s’il appuya un bouton dans son vaisseau spatial.<br />
Soudainement, l’air en face d’eux transforma. Des bouts<br />
91
L’âme indomptée<br />
de terre flottants apparurent, ensuite une sorte d'iceberg<br />
couverte d’herbe se forma. Ce spectacle invraisemblable<br />
ébahi Lola. Des acacias jaillissaient un après l’autre,<br />
formant une armée d'angiospermes dont les racines se<br />
tenaient suspendus au bord de l'île flottante. C’est….<br />
C’est…. Le paradis de la jungle, pensa-t-elle, je croyais<br />
que c’était uniquement légendaire. Le dieu secoua la<br />
tete. Je peux lire tes pensées tu sais, dit-il<br />
télépathiquement à Lola, je suis un dieu pas un imbécile.<br />
Lola lui regarda ainsi, encore plus stupéfait qu’avant.<br />
Alors, pourquoi ne parlez-vous donc pas? Demanda t-<br />
elle. Le dieu fit un geste vers sa bouche. Je suis<br />
incapable de parler avec les humains, pourtant je peux<br />
communiquer avec les autres êtres. Suis-moi au paradis<br />
de la jungle. Tu veux voir ton père non? Lola, en état<br />
d’euphorie, hocha la tête et elle tint la main du dieu<br />
lorsque ce dernier vola vers l’ile.<br />
“As tu un nom?” interrogea-t-elle. Pas<br />
exactement, cela dépend de la région. Mais tu peux bien<br />
m’appeler Yum Kaax. C’est mon nom auprès des<br />
peuples Maya. Répondit-il. “D’accord… Qu’est ce qui<br />
ce passe?” Tu viens d’observer la formation du paradis<br />
de la jungle. Peu d’humains sont permis d’observer ce<br />
phénomène, mais comme tu m’as bien sommé, je suis<br />
obligé à répondre à ton voeux. Bon, on n’a pas<br />
beaucoup de temps qui nous reste. Nous devons nous<br />
hâter si tu souhaites revoir ton père. Il prit la main de<br />
Lola et les deux volèrent sur l'île. Ils finirent la suite du<br />
trajet à pied. La terre sur laquelle Lola marchait était sec,<br />
comme celle d’en bas. L’air étant dense, saturé de<br />
mouches. Les arbres se dressait pour des kilomètres au-<br />
92
Maël Robiquet<br />
dessus de sa tête. Autour des deux, des singes sortirent<br />
de leur abris habituels et s'agenouillèrent alors que le<br />
dieu passait sur le chemin ; le chemin qui menait au<br />
village ; le village qui était le nouveaux habitat de toutes<br />
les âmes humains qui sont mortes dans la jungle. À<br />
chaque pas, des fleurs apparurent, des pampres à la rose<br />
poussèrent, des armées de fourmis dansèrent. À nouveau<br />
des dodos sautèrent des taillis, chantant avec joie à<br />
l’arrivé de leur sauveur immortel.<br />
“Ces animaux,” demanda-t-elle, “sont-ils vrais?”<br />
En faite...non. Ils ne sont pas des vrais animaux.<br />
Ils représentent les âmes des animaux. Ici, j’accueil et<br />
défend chacun des êtres qui meurent dans ma domaine.<br />
Ils passent la suite de l’éternité ici, au paradis. Je<br />
recueil toutes les animaux depuis le début du temps. Je<br />
suis plus vieux qu’on craindrait.<br />
Lola, trop excitée pour lui répondre, commença<br />
à railler. Des aardvarks et zébras la suivirent et elle<br />
dansa avec eux. Les sons de la jungle lui servaient<br />
comme arrière plan pour son waltz au paradis. L’aura<br />
foncé du dieu changea de couleur, les aspects plus<br />
lugubres et ébènes de sa robe se transformèrent en des<br />
tissus éblouissants, blancs comme des nuages. Son<br />
visage devenu doré, sa peau blanchit instantanément. La<br />
petite fille épouvantée sourit et sautilla sur le chemin.<br />
Des oiseaux glissèrent autour d’elle en chantant leur<br />
symphonie. Des gorilles placèrent des pissenlits dans ses<br />
cheveux, des chevaux aux cheveux blonds de lin<br />
gambadèrent dans le bousquet. Pour elle, c’était la<br />
beauté.<br />
Dans le village distant, les hommes regardèrent<br />
93
L’âme indomptée<br />
le spectacle et donnaient leurs exigences au dieu qui<br />
arriva avec Lola. Les animaux de l’orchestre fuirent<br />
retourner à la futaie en laissant les deux tous seuls<br />
devant les humains. Ils étaient vêtus des tuniques blanc,<br />
avec des ceintures de feuilles, tout en portant des<br />
grimaces accueillantes. Les maisonnettes ressemblaient<br />
des habitats de la savane, fabriqués de terre et de bois.<br />
Le chemin continua jusqu’à une montagne sur laquelle<br />
il se trouvait un palais luxueux fait uniquement des<br />
bijoux précieux, probablement le palais de Yum Kaax.<br />
distante Parmi la foule, figurait-il, le père de Lola.<br />
“PAPA!” hurla-t-elle d’un cri puissant. Yves<br />
courut vers elle, les bras ouverts.<br />
Les deux restèrent immobiles dans les bras de<br />
l’autre. Ils étaient trempés par leur sanglots, les larmes<br />
bombardèrent la terre sous leurs pieds.<br />
“Oh ma précieuse Lola, comme je t’ai manqué,” avouat-il,<br />
“Yum Kaax, comment est-elle venue ici?”<br />
Elle m’a convoquer avec le totem que tu l’as<br />
laissé.<br />
“PAPA!” cria Lola, “je veux rester ici avec toi!<br />
Je ne veux point retourner à Terre. Je déteste ce pauvre<br />
excuse d’une mère. Cet âne battu! Cette sorcière! Je la<br />
hais!”<br />
“Ralentis toi Lola, je comprends tes troubles.<br />
Mais tu sais qu'elle est ta mère. Tu ne peux pas lui<br />
quitter. Je crois aussi bien que Yum Kaax t’a dit que les<br />
hommes ne peuvent pas vivre au paradis. A moins<br />
que …”<br />
Il se mit debout et lacha Lola.<br />
“Yum Kaax, dieu divin de la jungle, est-il<br />
94
Maël Robiquet<br />
possible qu’elle reste ici. Ou bien qu’elle puisse me<br />
visiter de temps en temps?” demanda-t-il. Pas tout à fait.<br />
Les humains sont limités à une visite à la domaine de la<br />
jungle céleste. Une fois unique. Donc si elle souhaite<br />
rester, elle doit quitter son corps humain pour<br />
transcender à notre.<br />
“Papa, que veut-il dire par ‘quitter son corps<br />
humain’?” renseigna-t-elle. Il la prit par les épaules.<br />
“Il veut dire que… que… tu dois… ”<br />
“ Que je dois mourir?” répliqua-t-elle<br />
franchement.<br />
Yum Kaax hocha sa tête lentement. Il n’y a pas<br />
beaucoup de temps. Elle doit rapidement décider. Lola<br />
pensa brièvement à la torture de vivre avec sa mère, et à<br />
la douceur angélique de son père.<br />
“Je veux le faire. Je veux quitter mon corps<br />
humain et rester au paradis de la jungle.”<br />
Une fois sa décision fut prise des nuages de<br />
pluie apparurent dans le ciel. Du tonnerre créa un rythme<br />
de tambour. Yum Des animaux sortirent de la forêt et<br />
Yum Kaax plaça la fille au dos d’un cheval noir. Lola<br />
essaya de saluer son père qui courut après elle. La<br />
troupeau suivit le chemin jusqu’au temple sur la<br />
montagne. Le palais de bijoux ouvrit ses deux portes<br />
d’or pour exposer des colonnes d’émeraude et des<br />
plafonds en diamant. L’armée animale continua le long<br />
du couloir avec Lola au dos. À la fin du couloir figuraitil<br />
un trou profond qui alla jusqu’à l’atmosphère terrestre.<br />
Une fois dans la salle de sacrifice les animaux formèrent<br />
un cercle autour du trou et le cheval stygian qui porta<br />
Lola s’arrêta juste en face du trou. Lola descendu et<br />
95
L’âme indomptée<br />
Yum Kaax toucha son épaule. Elle retourna. Avant<br />
qu’elle ne sût ce qui se passait, elle fut tombé dans le<br />
trou. Elle observa la foule d’animaux et Yum Kaax qui<br />
la regardèrent. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle ne<br />
criait point. Au lieu elle ricana comme un hyène. Pour<br />
elle, c’était enfin la liberté. L’état de voltigeur dans<br />
lequel elle se trouvait était une sorte de remède pour une<br />
maladie qui avait duré depuis quelque temps. Le paradis<br />
disparut parmis les nuages, et l’atmosphère terrestre lui<br />
frappa avec la température abrasive, la pluie sauvage et<br />
l’esprit inamical. Elle se retourna pour regarder la fin. La<br />
fin de sa vie agonizante qui finira sur le trottoir devant sa<br />
maison d’enfers. Marguerite était endormie sur le<br />
canapé.<br />
96