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#Science | Blood<br />
LA RECHERCHE<br />
PAR ALEXANDRE KEILMANN GARDE<br />
LE SANG-FROID<br />
Liquide complexe et composé d’une diversité d’éléments, le sang<br />
fascine depuis toujours. Son analyse peut révéler la quasi-totalité<br />
des maux du corps. Il se dit même que les premières études sur<br />
les qualités régénérationnelles du sang ont été effectuées par les<br />
médecins égyptiens il y a plusieurs milliers d’années. Aujourd’hui,<br />
avec les avancées scientifiques, le sang est même amené à être<br />
remplacé lors des transfusions sanguines. Entre ingénierie cellulaire<br />
et tissulaire, interface immunologique, ou encore transfusions,<br />
focus sur les dernières recherches du domaine.<br />
Prévenir, diagnostiquer puis affiner<br />
C’est notamment sur le traitement du cancer que la recherche sanguine se<br />
penche. Les dernières études démontrent notamment que la biopsie liquide,<br />
une «simple» prise de sang, peut caractériser une anomalie moléculaire. «Il s’agit<br />
d’une alternative prometteuse lorsque des biopsies traditionnelles à répétition<br />
sont complexes à réaliser, particulièrement chez les patients fragiles ou âgés ;<br />
ou lorsque la tumeur, pulmonaire ou osseuse par exemple, est difficilement<br />
atteignable et analysable. Une contrainte qui disparaît grâce à la biopsie<br />
liquide», souligne le Pr Benjamin Besse, responsable du comité de Pathologie<br />
thoracique à Gustave Roussy, centre régional de lutte contre le cancer situé<br />
à Villejuif en France. Au vu des premiers résultats encourageants présentés<br />
depuis ces dernières années, les traditionnels prélèvements de tissu tumoral<br />
pourraient prochainement laisser place à une simple prise de sang.<br />
Les chercheurs du Johns Hopkins Kimmel Cancer Center situé à Baltimore dans<br />
le Maryland, ont confirmé cette tendance après avoir rapporté avoir développé<br />
un test sanguin qui permet de détecter à un stade précoce les cas de cancer<br />
colorectal, du sein, du poumon et de l’ovaire. L’examen se base sur une analyse<br />
d’une quantité d’ADN spécifique à chaque cancer qui se trouve dans le sang,<br />
et libéré par la tumeur. Comme le confirme le Pr. Victor Velculescu, cette étude<br />
montre que l’identification du cancer par l’utilisation précoce des changements<br />
d’ADN dans le sang est faisable : «Notre méthode de séquençage de haute<br />
précision est une approche prometteuse pour atteindre cet objectif. Le but a<br />
été de développer une analyse de sang qui pourrait prédire un cancer potentiel<br />
sans connaître les mutations génétiques dans la tumeur du patient». Les tests<br />
ont été effectués sur 200 personnes atteintes de différents cancers, et les<br />
résultats doivent cependant être confirmés par un échantillon de personnes<br />
plus important.<br />
Enfin, des scientifiques anglais du Cancer Research UK Manchester Institute<br />
pensent également que la biopsie liquide pourrait guider les médecins sur<br />
le meilleur traitement possible. L’étude porte sur le cancer du poumon, ou<br />
cancer bronchique : après une prise de sang, les chercheurs ont isolé des<br />
cellules tumorales qui s’étaient détachées du cancer principal. Les anomalies<br />
génétiques mesurées leur ont dès lors permis de pronostiquer l’efficacité de<br />
telle ou telle chimiothérapie.<br />
Vers la création de sang artificiel<br />
La première expérience moderne de<br />
transfusion sanguine date de 1667<br />
et a été réalisée par un scientifique<br />
parisien réputé et médecin personnel<br />
du roi Louis XIV, Jean-Baptiste Denis.<br />
Il avait alors tenté de soigner un<br />
jeune homme atteint de fièvre depuis<br />
deux mois, avec une transfusion de<br />
sang de mouton. A court terme, son<br />
état semble s’améliorer. La même<br />
année, il réalise d’autres transfusions,<br />
notamment en utilisant du sang de<br />
veau pour tenter de soigner un patient<br />
ayant un «comportement maniaque».<br />
Celui-ci décède, et les transfusions<br />
sanguines sont alors formellement<br />
interdites durant plus d’un siècle et<br />
demain. Cette technique de «dons» de<br />
sang est pourtant très ancienne : de<br />
nombreux écrits égyptiens en faisaient<br />
déjà mention. Là aussi, il s’agissait de<br />
sang d’origine animale. Une découverte,<br />
au début du XX ème siècle va permettre<br />
une grande avancée : il s’agit de la<br />
notion des groupes sanguins, mise en<br />
avant par l’Autrichien Karl Landsteiner.<br />
Puis c’est la découverte du facteur<br />
Rhésus, toujours par Dr. Landsteiner,<br />
accompagné de son compatriote<br />
Alexander Wiener, 38 années plus tard,<br />
qui rend les transfusions bien plus sûres<br />
pour les receveurs.<br />
Mais aujourd’hui, les hôpitaux font<br />
face à de nouveaux challenges, les<br />
donneurs de sang se faisant de plus<br />
en plus rares. C’est la raison pour<br />
laquelle les chercheurs tentent depuis<br />
quelques années de créer un sang<br />
artificiel ou plus précisément de cultiver<br />
des globules rouges. Si de nombreux<br />
scientifiques s’y sont attelés, les<br />
britanniques de l’université de Bristol<br />
ont annoncé il y a quelques mois, en<br />
mars dernier, avoir trouvé le moyen<br />
d’en produire en grande quantité… Leur<br />
méthode ? Une production alternative<br />
de globules rouges. On crée alors des<br />
globules prématurés, à partir de souches<br />
adultes, et qui seront ensuite cultivées<br />
indéfiniment. «Les globules rouges de<br />
culture ont plus d’avantages que le don<br />
du sang, parmi lesquels la réduction<br />
du risque de transmission de maladies<br />
infectieuses» ajoute d’ailleurs le Dr. Jan<br />
Frayne de l’université britannique.<br />
<strong>BEAST</strong> MAGAZINE #8