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#Art | Collections<br />
DU MUSÉE AU<br />
SECTEUR PRIVÉ :<br />
LA MIGRATION<br />
DES ŒUVRES D’ART<br />
PAR BENJAMIN GARNIER<br />
Les collections d’œuvres d’art à l’initiative<br />
d’entreprises et d’institutions prolifèrent au<br />
Grand-Duché et dans l’Hexagone. Ce qui peut<br />
sembler au départ comme un simple avantage<br />
fiscal apporte en réalité beaucoup plus.<br />
Plongée dans ces établissements qui font des<br />
œuvres d’art un atout sur le lieu de travail.<br />
«L’art a depuis longtemps été une vraie passion pour moi».<br />
Comprenez que Bob Kneip, président du groupe du même nom,<br />
a voulu lier ses passions qui devaient, selon lui, ne pas être<br />
dissociées. Une collection d’art sur un lieu d’entreprise, c’est<br />
donc ici une expérience quotidienne : le savant mélange entre<br />
admirer la créativité et l’appliquer à sa politique d’entreprise.<br />
Un acquéreur, plusieurs bénéficiaires ?<br />
La possession d’œuvres d’art a bien entendu dans son sens<br />
premier la possession d’un bien onéreux. L’avantage est donc<br />
simplement fiscal dans ce cas. En France, d’après le Code Général<br />
des Impôts, posséder des œuvres originales d’artistes vivants<br />
s’inscrit en tant qu’actif immobilisé et peut être déduit sur<br />
plusieurs exercices comptables à hauteur du prix d’acquisition.<br />
Néanmoins la présence d’une ou de plusieurs œuvres d’art sur<br />
les murs d’une entreprise doit s’interpréter beaucoup plus en<br />
profondeur. Car le désir d’un entrepreneur comme M. Kneip va<br />
plus loin que la simple prétention de détenir une œuvre rare et<br />
coûteuse. Dans les bureaux du groupe, que ce soit à Luxembourg<br />
ou dans ses autres succursales européennes, les fresques et<br />
tableaux de plus d’une soixantaine d’artistes envahissent les<br />
murs et créent une ambiance stimulante permettant aux idées<br />
d’émerger et de se développer. Ainsi, les collaborateurs sont<br />
plus enclins à s’ouvrir au monde artistique dans leurs vies<br />
professionnelles.<br />
La collection d’objets artistiques se traduit donc beaucoup plus<br />
par une politique de créativité que par un simple empilement<br />
d’œuvres onéreuses résultant d’un hobby d’entrepreneur.<br />
Par exemple, la majorité des œuvres présentes chez Kneip<br />
relèvent du pop’art, un style qui mélange culture artistique et<br />
culture de masse. Tout sauf un hasard pour une entreprise dont<br />
la culture s’axe sur la modernité, l’ouverture d’esprit au monde<br />
qui nous entoure et le suivi des tendances actuelles. Ne soyez<br />
donc pas surpris de tomber sur des œuvres de Roy Lichtenstein<br />
en entrant dans les locaux de Kneip…<br />
L’art en entreprise se présente également comme un levier pour<br />
l’innovation et la créativité. L’observation d’œuvres d’art sur<br />
le lieu de travail est en effet un excellent moyen de penser<br />
«out of the box» et de trouver le déclic qui permet de booster<br />
sa productivité. Un enjeu que certains ont pris en compte pour<br />
développer leur activité. La société Artkaly par exemple, située<br />
dans le XV ème arrondissement de Paris, propose notamment<br />
comme services la vente de tableaux et de sculptures d’artistes<br />
locaux aux entreprises, la création d’une œuvre spécifique<br />
basée sur une signification précise pour l’entreprise cliente ou<br />
encore l’organisation d’ateliers d’arts et de théâtre.<br />
Des tableaux contre une image<br />
Alors que de simples murs unicolores auraient suffi à entourer<br />
les personnes qui composent l’entreprise, y fixer une œuvre<br />
trouve donc une résonance plus forte et à connotation positive,<br />
aussi bien chez les collaborateurs que chez les clients.<br />
Disposer un espace dynamique et coloré permet à l’entreprise<br />
de se différencier et de se doter d’une image unique auprès<br />
des personnes externes. Un engouement qui peut également<br />
se propager chez les collaborateurs eux-mêmes. La présence<br />
d’œuvres d’art permet en effet aux employés de se sentir<br />
valorisés, pris en considération au sein de cet environnement<br />
dynamique, ce qui accentue leur bien-être comme l’image de<br />
l’entreprise auprès d’eux.<br />
Un jeu de réputation qui concerne également l’entrepreneur<br />
lui-même. Au-delà de la réussite que constitue la possession<br />
d’œuvres d’art, investir dans la culture et sa diffusion grâce<br />
à son entreprise permet au mécène de se donner l’image<br />
d’un protecteur des arts, une image en harmonie avec l’idée<br />
américaine du «give-back», soit de rendre à la collectivité ce<br />
qu’elle a donné. Un phénomène de philanthropie qui se rajeunit<br />
de plus en plus : selon une étude en 2015 de la Fondation de<br />
France, un tiers des philanthropes est âgé de moins de 55 ans<br />
(entreprises et particuliers).<br />
De la responsabilité sociale de l’entreprise<br />
Si le fait est que de plus en plus d’acteurs du monde de l’entreprise<br />
se prêtent au jeu de la collection d’objets d’artistiques, cela<br />
illustre que cette nouvelle philanthropie chipe le rôle de<br />
diffuseur de culture et d’idées philosophiques à des institutions<br />
de l’Etat comme les musées. Comme l’explique Béatrice de<br />
Durfot, déléguée générale du centre français des fonds et<br />
fondations : «L’Etat ne peut pas tout». Les ressources de l’Etat<br />
n’assurant plus la diffusion culturelle, les œuvres d’art voient<br />
donc leur plein potentiel s’exprimer dans les galeries privées. Les<br />
fondations d’entreprises peuvent alors être reconnues d’utilité<br />
publique, comme la Fondation d’Entreprise Galeries Lafayette,<br />
qui ouvrira en 2018 ses portes dans un bâtiment de 2500 m²<br />
dans le quartier du Marais à Paris, qui sera un espace dédié à la<br />
promotion d’artistes contemporains.<br />
A un niveau plus local, la Banque Internationale du Luxembourg<br />
a inauguré en 1995, année où la ville de Luxembourg fut Ville<br />
européenne de la Culture, la Galerie de l’Indépendance au sein<br />
de son siège social. Au-delà de son activité économique, la BIL<br />
se définit ici comme un promoteur de culture artistique.<br />
<strong>BEAST</strong> MAGAZINE #8