Magazine_BEAST_2017_Edition_8_complet
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#Entertainment | AmazingExperience<br />
«IL FAUT FAIRE CONFIANCE<br />
PAR CAROLINE<br />
À LA CRÉATION» VERGHOTE<br />
Directrice Générale Création & Développement du Crazy<br />
Horse depuis 2006, Andrée Deissenberg nous livre sa<br />
recette qui aura permis au cabaret de l’avenue George<br />
V de redevenir un lieu dynamique et incontournable de<br />
la nuit parisienne. Entretien sans artifices avec celle qui<br />
sera Guest Speaker lors du prochain Gala Marketers.<br />
Dans les domaines du marketing et de la communication<br />
comme dans le monde du spectacle, la créativité, l’originalité<br />
mais également le respect de la tradition s’entremêlent pour<br />
délivrer des messages et surtout des émotions puissantes.<br />
Comment jonglez-vous entre ces différents éléments ?<br />
l y a au Crazy Horse un héritage artistique et un savoirfaire<br />
incroyable qui existent. C’est une maison vieille de 66<br />
ans qui a su développer sous la houlette d’Alain Bernardin<br />
une vraie signature. Il se disait notamment à l’époque qu’on<br />
reconnaissait par leur façon de marcher et leurs coupes de<br />
cheveux des danseuses du Crazy lorsqu’elles se baladaient<br />
dans Paris. En revanche, pendant une quinzaine d’années, cet<br />
héritage ne s’est pas assez renouvelé et ma mission a donc<br />
été d’insuffler de la modernité tout en préservant l’histoire<br />
incroyable de ce lieu de légende. J’essaie alors d’aborder des<br />
thématiques actuelles et courantes, comme la crise financière,<br />
par exemple, avec le tableau «Crisis ? What Crisis !».<br />
J’intègre également de la technologie moderne à la tradition<br />
et j’amène des créateurs et des créatures de l’extérieur qui<br />
apportent leur vision de leurs spécialités, avec lesquels nous<br />
créons des spectacles ou des visuels. Ensemble, nous faisons<br />
un savant mélange du savoir-faire de l’établissement et des<br />
visions plus actuelles pour créer une expérience unique,<br />
originale et qui interpelle le spectateur.<br />
Vous vous efforcez donc d’apporter un vent de fraîcheur…<br />
Exactement, et c’est extrêmement important car le Crazy<br />
Horse est un cabaret qui s’est toujours inspiré de la féminité<br />
et des tendances en y apportant sa propre touche, jouant<br />
sur les projections, la lumière et les accessoires, pour créer<br />
des « tableaux » (comme nous appelons les numéros du<br />
show, véritables œuvres d’art). La plupart des autres cabarets,<br />
comme par exemple Le Moulin Rouge, sont plus axés sur le<br />
temps passé, comme le Paris de la Belle Epoque. C’est une<br />
manière de nous différencier, de renforcer la marque Crazy<br />
Horse.<br />
Cependant, suite à la disparition de son fondateur, cette<br />
création continuelle qui le caractérisait et avec cela la Maison<br />
s’est reposée sur ses acquis, sans être à la pointe et proposer<br />
de la nouveauté. Le Crazy Horse n’était plus «The Place to Be »,<br />
ne faisait plus parler... Ce que j’ai donc expliqué au président<br />
à mon arrivée, c’est qu’il fallait remettre la création au centre<br />
de notre ligne directrice pour relancer la machine en faisant,<br />
notamment, du marketing et de la communication.<br />
Il est vrai qu’avant le rachat du Crazy Horse par Philippe Lhomme,<br />
l’établissement ronronnait et surfait sur sa réputation…<br />
Tout à fait. Il y avait certes des choses magnifiques, mais pour<br />
vous donner un exemple frappant : le public avait entre 60 et<br />
70 ans, soit l’âge du cabaret ! Il fallait renouveler ce public pour<br />
ne disparaître avec lui ! Il a fallu donc repenser cette façon<br />
de représenter la féminité dans nos tableaux et nos créations,<br />
car la place de la femme en société a fortement évolué entre<br />
1951 et aujourd’hui, avec notamment une prise de pouvoir<br />
et une influence plus forte. Grâce à cela, notre clientèle s’est<br />
considérablement rajeunie et féminisée. La clientèle première<br />
du Crazy, celle qui nous porte le plus aujourd’hui, ce sont les<br />
femmes.<br />
Depuis votre arrivée au Crazy, vous avez contribué à une certaine<br />
«starification» de la femme, notamment grâce à des stars de la<br />
scène comme Dita Von Teese. Les femmes au pouvoir du Crazy<br />
Horse, c’était votre stratégie ?<br />
Les femmes devaient être en effet au centre de la scène,<br />
de la création et de la réflexion.<br />
Cette image moderne a-t-elle aboutit à une nouvelle renommée<br />
du cabaret ?<br />
Elle y a participé puisque lors de ma rencontre avec Dita Von<br />
Teese au Crazy Horse en octobre 2006, j’ai tout de suite vu<br />
en elle l’opportunité de lancer cette idée que j’avais de mettre<br />
la création au centre de notre stratégie afin de voir si nous<br />
pouvions attirer un nouveau public. Nous sommes parties avec<br />
Dita sur une idée mélangeant tradition et modernité, avec un<br />
tableau où elle prend un bain dans une magnifique baignoire,<br />
en clin d’œil à un tableau de notre répertoire de 1954 avec la<br />
danseuse polonaise Miss Candida, qui prenait un bain sur la scène<br />
du Crazy Horse tous les soirs. Nous rendions donc hommage aux<br />
débuts du cabaret tout en inculquant cette part de modernité<br />
et d’évolution que représentait Dita Von Teese. Cela a été un<br />
point de départ dans notre démarche de renouveler le public<br />
et cela nous a permis de rayonner à nouveau à l’international.<br />
J’ai ensuite fait appel à Philipe Decouflé (ndlr : chorégraphe devenu<br />
célèbre notamment pour sa mise en scène des cérémonies des<br />
JO d’Albertville) qui a renouvelé le répertoire du cabaret, Fréderic<br />
Wiseman a de son côté réalisé un documentaire sur le renouveau<br />
du Crazy, ce qui a aussi contribué à ce retentissement au-delà<br />
des frontières.<br />
De nombreuses personnalités se sont également jointes<br />
à notre projet de création : Arielle Dombasle, Pamela Anderson,<br />
Christian Louboutin, Jean Paul Gaultier, Conchita Wurst… Ce<br />
sont des personnalités exceptionnelles qui ont collaboré avec<br />
nous en apportant leur vision, à laquelle nous ajoutions notre<br />
savoir-faire. Chacun apprenait de l’autre, ce qui fut fortement<br />
intéressant. Le public était enchanté.<br />
<strong>BEAST</strong> MAGAZINE #8