GP Racing

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PORTRAIT / RAYMOND ROCHE en 250 car j’avais le gabarit pour gagner. » Mais Raymond a toujours avancé à l’instinct, sans jamais faire de calcul ni de compromission. Une forte tête qui a toujours eu du mal à se fondre dans les grosses structures... En 1979, Raymond Roche termine à la huitième place du championnat 750 remporté par Patrick Pons. Les deux hommes font équipe la saison suivante sous les couleurs Sonauto, Jean-Claude Olivier ayant décidé de faire appel au Toulonnais pour remplacer Christian Sarron, blessé. L’affaire va tourner court. « Patrick s’est tué au mois d’août à Silverstone et l’équipe s’est retirée en me laissant sur le carreau. De toute façon, Jean-Claude Olivier ne pouvait pas me blairer, moi le Sudiste aux cheveux longs et aux santiags... Il a préféré prendre Marc Fontan pour la suite. » Grâce au soutien du circuit Paul-Ricard et des frères Teston, alors importateurs des casques Nava, Raymond s’achète des Suzuki pour repartir en solo. Il brille en parallèle en endurance avec la Kawasaki de l’équipe de Serge Rosset, décrochant même le titre de champion du monde en compagnie de Jean Lafond. « J’espérais que cela m’aiderait à récupérer les 500 de Kork Ballington pour revenir en Grands Prix, mais Kawasaki a mis des bâtons dans les roues à Xavier Maugendre (l’importateur de l’époque). J’ai donc signé avec Honda France pour repartir en endurance. Monsieur Guillou m’aimait bien... » C’est d’ailleurs ce dernier qui va permettre à Raymond d’obtenir la nouvelle 500 NS, trois cylindres compétition-client, que le HRC met sur le marché en 1983. « Une moto qui marchait pas mal », souligne le Toulonnais, dixième du championnat lors de cette saison qui vit Freddie Spencer décrocher son premier titre de champion du monde. PROBLÈMES DE BRAS ET MALCHANCE CHRONIQUE En 1984, Raymond Roche passe un cap et se retrouve régulièrement à la lutte avec les Spencer, Lawson, Mamola, Mc Elnea et compagnie. S’il monte à huit reprises sur le podium, la victoire lui échappe cruellement. « J’aurais pu gagner à Assen si j’avais poussé Mamola dans l’herbe à la sortie du dernier virage, mais si j’étais agressif, je n’étais pas non plus méchant. Et puis en Suède aussi, j’aurais pu finir devant Lawson si je n’avais pas eu de crampes et si j’avais pu me servir normalement de ma poignée de gaz. » Problèmes de bras, mais aussi malchance chronique comme lors de ce Grand Prix de France où il casse un clapet d’admission alors qu’il caracole en tête. « D’autres pilotes Honda avaient connu ce problème au warm up mais personne ne nous en avait parlé, déplore-t-il encore aujourd’hui. Le fonctionnement des équipes Honda était vraiment très spécial. » Le HRC lui confie pourtant à Silverstone le V4 de Spencer. « Je n’en voulais pas, et leur ai vite rendu après l’avoir mis par terre... J’étais beaucoup mieux sur mon trois-cylindres. » Crime de lèse-majesté... Alors que tous les pilotes Honda sont censés récupérer un V4 enfin mis au point pour la saison suivante, Roche apprend qu’il devra se contenter du V3. « Avec Spencer et Mamola, les Japonais n’avaient pas besoin de moi. » C’est ainsi que Roche accepte la proposition d’Agostini « LES TRUCS DE VIEUX COMBATTANTS NE M’INTÉRESSENT PAS. J’AI PAS ENVIE DE REMONTER SUR DES CASSEROLES ET M’EN COLLER UNE » 076 /GP RACING - Juin-Juillet-Août 2017

pour faire équipe avec Eddie Lawson dans le team Yamaha Marlboro. Quand les patrons du service course Honda apprennent la nouvelle, Raymond voit arriver une délégation de Japonais dans son jardin. Mais il est trop tard. Sa signature est déjà apposée au bas du contrat qui le lie pour une saison à la marque aux trois diapasons. « Une erreur, dit-il aujourd’hui. Ago ne servait à rien sinon à s’occuper de l’argent. C’est Caruthers qui tirait les ficelles et il n’y en avait que pour Lawson. En plus, je me suis fait mal d’entrée à Kyalami à cause d’une durite d’eau mal serrée. Entre un truc et un autre, j’ai vite perdu confiance. Et dans ce sport, sans confiance, tu ne fais rien de bon. » Septième du championnat du monde en 1985, Raymond remonte ensuite une équipe avec Katayama et des Honda privées. Mais sans moyens, les résultats ne suivent pas. Les frères Castiglioni lui proposent alors une place dans l’aventure Cagiva. « J’avais également une offre de Suzuki. Mais l’équipe était anglaise et je n’avais pas envie de me faire enfler par des Anglais après m’être fait avoir par des Américains. J’ai donc choisi le parmesan au pudding sans savoir que je signais mon arrêt de mort en Grands Prix. » Ses illusions seront en effet de courte durée. « J’ai fait de belles courses la première saison. J’étais régulièrement devant Schwantz dont la Suzuki débutait, elle aussi. J’y ai cru jusqu’à ce que je comprenne que les problèmes politiques au sein de l’usine ne nous permettraient pas d’obtenir les moyens techniques nécessaires. La Cagiva n’a commencé à fonctionner correctement que lorsque les ingénieurs Yamaha sont venus aider les Italiens. J’aurais quand même pu monter sur le podium à Imola si je n’avais pas cassé le vilebrequin dans le dernier tour. C’est à l’arrivée de cette course que Taïra m’a percuté de plein fouet en pensant qu’il restait un tour. Il m’a massacré un pied et a ruiné ma fin de saison. Tous les matins quand je me lève, je pense à lui. » « LA COURSE, C’EST PAS DU CURLING » Lorsque les frères Castiglioni recrutent Mamola, Roche est gentiment poussé vers la sortie. « Ils venaient alors de racheter Ducati et ils m’ont proposé de développer leur moto de Superbike. Au départ, j’étais pas très chaud, puis j’ai finalement dit oui. » Deux ans suffisent au Français pour décrocher le titre de champion du monde : « Je me suis régalé avec cette moto car elle était vraiment compétitive. J’ai gagné vingt-trois courses et bien gagné ma vie. » Par la suite, Raymond n’arrive pas à conserver son trophée. « J’étais pourtant au sommet de mon art. J’attaquais comme un fou, mais je n’arrivais pas à suivre Polen. » C’est quelques mois plus tard qu’il comprendra pourquoi, après avoir mis un terme à sa carrière de pilote. Il raconte : « Je me retrouve team manager chez Ducati et je m’accorde une dernière course à Daytona, épreuve à laquelle je n’avais jamais participé. En arrivant sur le circuit, je demande les réglages utilisés par Polen l’année d’avant. Et là, je découvre qu’il roulait depuis un an avec le 996 alors que je n’avais disposé pour ma part que du 888. » Dégoûté, Raymond Roche décide d’abandonner ce jour-là son job de team manager et de tourner le dos à un monde qu’il estime alors ne plus être fait pour lui. Après avoir été à la création de la société Shark, il lancera différentes marques, les casques Airborn et la bagagerie U Bike étant les dernières en date. Le temps a bien sûr estompé l’amertume de sa fin de carrière. « De toute façon, à 35 ans, je n’avais pas envie de continuer à courir sur une moto boiteuse. Je venais d’avoir un gosse... Quand tu commences à gamberger, il faut arrêter. La course, ça n’est pas du curling. Aujourd’hui, je me dis que sans la moto, je ne sais pas ce que je serais devenu après avoir été apprenti... J’ai eu la chance de voyager, de rencontrer des personnes intéressantes, de bien gagner ma vie et de piloter de belles machines. Même si je n’ai jamais gagné de Grands Prix, je n’ai pas à me plaindre. » 1 2 3 1 Les années ont passé. Roche a aujourd’hui franchi le cap de la soixantaine. 2 et 3 De sa carrière, le Varois n’a conservé que deux Trophées, celui d’une victoire au Japon et le Casque d’Or que lui a décerné le magazine Moto Sprint en 1990. Juin-Juillet-Août 2017 - GP RACING /077

PORTRAIT / RAYMOND ROCHE<br />

en 250 car j’avais le gabarit pour gagner. »<br />

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Une forte tête qui a toujours eu du mal<br />

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En 1979, Raymond Roche termine à la<br />

huitième place du championnat 750 remporté<br />

par Patrick Pons. Les deux hommes font<br />

équipe la saison suivante sous les couleurs<br />

Sonauto, Jean-Claude Olivier ayant décidé<br />

de faire appel au Toulonnais pour remplacer<br />

Christian Sarron, blessé. L’affaire va tourner<br />

court. « Patrick s’est tué au mois d’août<br />

à Silverstone et l’équipe s’est retirée en<br />

me laissant sur le carreau. De toute façon,<br />

Jean-Claude Olivier ne pouvait pas me<br />

blairer, moi le Sudiste aux cheveux longs<br />

et aux santiags... Il a préféré prendre Marc<br />

Fontan pour la suite. » Grâce au soutien<br />

du circuit Paul-Ricard et des frères Teston,<br />

alors importateurs des casques Nava,<br />

Raymond s’achète des Suzuki pour<br />

repartir en solo. Il brille en parallèle en<br />

endurance avec la Kawasaki de l’équipe<br />

de Serge Rosset, décrochant même le titre<br />

de champion du monde en compagnie<br />

de Jean Lafond. « J’espérais que cela<br />

m’aiderait à récupérer les 500 de Kork<br />

Ballington pour revenir en Grands Prix,<br />

mais Kawasaki a mis des bâtons dans les<br />

roues à Xavier Maugendre (l’importateur<br />

de l’époque). J’ai donc signé avec<br />

Honda France pour repartir en endurance.<br />

Monsieur Guillou m’aimait bien... » C’est<br />

d’ailleurs ce dernier qui va permettre à<br />

Raymond d’obtenir la nouvelle 500 NS, trois<br />

cylindres compétition-client, que le HRC<br />

met sur le marché en 1983. « Une moto qui<br />

marchait pas mal », souligne le Toulonnais,<br />

dixième du championnat lors de cette<br />

saison qui vit Freddie Spencer décrocher<br />

son premier titre de champion du monde.<br />

PROBLÈMES DE BRAS ET<br />

MALCHANCE CHRONIQUE<br />

En 1984, Raymond Roche passe un cap<br />

et se retrouve régulièrement à la lutte avec<br />

les Spencer, Lawson, Mamola, Mc Elnea et<br />

compagnie. S’il monte à huit reprises sur le<br />

podium, la victoire lui échappe cruellement.<br />

« J’aurais pu gagner à Assen si j’avais<br />

poussé Mamola dans l’herbe à la sortie<br />

du dernier virage, mais si j’étais agressif,<br />

je n’étais pas non plus méchant. Et puis en<br />

Suède aussi, j’aurais pu finir devant Lawson<br />

si je n’avais pas eu de crampes et si j’avais<br />

pu me servir normalement de ma poignée<br />

de gaz. » Problèmes de bras, mais aussi<br />

malchance chronique comme lors de ce<br />

Grand Prix de France où il casse un clapet<br />

d’admission alors qu’il caracole en tête.<br />

« D’autres pilotes Honda avaient connu<br />

ce problème au warm up mais personne<br />

ne nous en avait parlé, déplore-t-il encore<br />

aujourd’hui. Le fonctionnement des équipes<br />

Honda était vraiment très spécial. » Le HRC<br />

lui confie pourtant à Silverstone le V4 de<br />

Spencer. « Je n’en voulais pas, et leur ai vite<br />

rendu après l’avoir mis par terre... J’étais<br />

beaucoup mieux sur mon trois-cylindres. »<br />

Crime de lèse-majesté... Alors que tous les<br />

pilotes Honda sont censés récupérer un V4<br />

enfin mis au point pour la saison suivante,<br />

Roche apprend qu’il devra se contenter du<br />

V3. « Avec Spencer et Mamola, les Japonais<br />

n’avaient pas besoin de moi. » C’est ainsi<br />

que Roche accepte la proposition d’Agostini<br />

« LES TRUCS DE VIEUX COMBATTANTS NE<br />

M’INTÉRESSENT PAS. J’AI PAS ENVIE DE REMONTER<br />

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