GP Racing
PORTRAIT / RAYMOND ROCHE Dans la maison qu’il occupe aujourd’hui dans le centre-ville d’Ollioules, petite cité médiévale située entre Toulon et le circuit Paul-Ricard, Raymond Roche ne cherche pas longtemps lorsqu’on lui demande d’exhumer ses anciens trophées. De sa dizaine de podiums en Grands Prix et de ses vingt-trois victoires en Mondial en Superbike, le Varois n’a conservé que deux trophées : le Casque d’Or décerné par le magazine italien Moto Sprint pour son titre en 1990, et une statuette en bois japonaise offerte par les organisateurs de l’épreuve de Sugo lors de cette même saison à l’issue de laquelle il fut sacré champion du monde Superbike. « J’ai gardé ces deux-là parce qu’ils ont de la gueule, explique Raymond. Le premier ressemble à une statue de Giacometti et le second est un objet qui me plaît bien. » Tout le reste, le Toulonnais ne sait plus très bien ce que c’est devenu. « Il y a peut-être des trucs qui traînent encore chez ma mère... De toute façon, je m’en fous. » Contrairement à de nombreux anciens champions qui pataugent dans les souvenirs et se réunissent régulièrement pour se rappeler le bon vieux temps en remettant le cul sur les motos de leurs lointains exploits, Raymond Roche a depuis longtemps fait du passé table rase. « Les trucs de vieux combattants ne m’intéressent pas, assure-t-il. J’ai pas envie de remonter sur des casseroles et m’en coller une avec une machine bricolée par je ne sais qui... Quand je courais, j’étais très méticuleux, je restais avec mes mécaniciens pour travailler sur les motos, c’est moi qui faisais mes boîtes de vitesses... Et puis je sais que je ne serais plus capable de rouler comme avant et cela me gonflerait. J’en ai fait récemment l’expérience sur le Ricard avec une Ducati que m’avait prêtée Dario Marchetti... » Depuis qu’il a rendu son tablier, il y a près de vingt-cinq ans, celui qui se hissa à la troisième place du championnat du monde 500 en 1984 a donc tourné le dos à la course. Enfin presque... « Cette année, je suis tombé par hasard sur le Grand Prix du Qatar, raconte Raymond. J’ai envoyé un texto à Poncharal pour lui dire de garder au chaud son Zarco. Celui-là, il va gagner. » Ce que le Toulonnais n’a jamais su faire à l’époque où il défiait les stars américaines de la catégorie 500. PETIT HOMME AU SANG CHAUD DEVENU HÉROS En 1984, Raymond Roche est pourtant monté à huit reprises sur le podium, dont quatre fois sur la deuxième marche. « Je me suis retrouvé en tête plus d’une fois dans le dernier tour, se souvient-il. Comme à Assen ou en Suède... Mais j’ai malheureusement toujours été handicapé par des douleurs aux bras. Au bout de trois tours, je ne tenais plus la moto. Je pilotais en force et je finissais avec les avant-bras tout gonflés et durs comme du bois. Je me suis fait opérer du syndrome des Loges mais cela n’a rien changé. Ce n’est qu’en 1988 que je me suis débarrassé de ce problème... En fait, je ne buvais pas assez d’eau et je me nourrissais mal. » Si la victoire lui a toujours échappé, Raymond n’en a pas moins été le héros de toute une génération de motards à une époque où la compétition drainait sur les circuits des hordes de purs et durs qui se reconnaissaient volontiers dans ce petit homme au sang chaud. Sur la piste comme dans les paddocks, ce Méditerranéen trapu et noueux comme un cep de vigne n’a jamais manqué de tempérament. « L’ÉQUIPE M’A LAISSÉ SUR LE CARREAU » Jean-Philippe Ruggia n’a d’ailleurs jamais oublié les premières séances d’essais de son glorieux aîné sur le circuit Paul-Ricard. Alors tout gamin, il ramassait les morceaux de carénage éparpillés dans les bacs à gravier pendant que son père courait derrière son « fada » de pilote, un marteau à la main. S’il est parvenu au fil des saisons à canaliser sa fougue, ce Méditerranéen au patronyme évocateur n’a pour autant jamais réussi à maîtriser son verbe, disant tout haut ce que d’autres pensaient tout bas. Cela lui a bien évidemment joué des tours, et attiré quelques inimitiés. La course, Raymond Roche l’a donc découverte à l’époque où il était apprenti mécanicien chez Jean Ruggia, concessionnaire Yamaha toulonnais. « Ma mère avait compris que l’école n’était pas faite pour moi, et comme j’étais dingue de moto, elle a envoyé une lettre à Ruggia qui m’a embauché. À cette époque, il y avait toute une clique de pilotes qui traînait dans son magasin, comme Jimenez et Cassis. Un jour, il m’a fait essayer une moto sur le circuit du Luc, et comme j’étais le plus rapide, il a décidé de m’engager en championnat de France. Je courais en 125 et en 250, je me rappelle avoir gagné ma première course à Montlhéry en battant Ruiz. » Très vite, Raymond rêve de Grands Prix. Jean Ruggia n’est pas chaud pour l’emmener plus haut. C’est le voisin Christian Audemar qui prend le relais. En 1978, il inscrit ses premiers points en Grands Prix. Trois en 350, vingt-trois en 250. « À Nogaro, pour le Grand Prix de France, je m’étais qualifié en première ligne », se souvient-il. Raymond monte sur son premier podium en deux et demi sur le circuit de Silverstone. Il termine derrière la Kawasaki d’Anton Mang et la Yamaha de Tom Herron. Très vite, pourtant, il décide d’abandonner les moyennes cylindrées pour se lancer en 750 où il se sent davantage en mesure d’exprimer son talent. « J’aimais les motos puissantes, c’était plus excitant à piloter. Avec le recul, je me dis que j’aurais quand même dû insister en 125 et 1 2 1 En se reconvertissant au Superbike, Raymond Roche va décrocher les victoires qu’il a laissé échapper en Grands Prix. À la clé, un titre de champion du monde. 2 En mars 1993, le Toulonnais participe à sa dernière course sur le circuit de Daytona. 3 Conférence de presse aux côtés d’Eddie Lawson et Scott Russel. 4 Devenu team manager, Raymond fait courir Falappa et Fogarty. Il a aussi découvert celui qui deviendra la figure de proue de l’usine Ducati dans les années 90. 074 /GP RACING - Juin-Juillet-Août 2017
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