GP Racing
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Si Vincent Philippe a explosé les<br />
compteurs en ce qui concerne<br />
les victoires au Bol d’Or – il en a<br />
engrangé huit entre 2004 et 2016 –,<br />
le Jurassien n’a encore jamais inscrit<br />
son nom au palmarès des 24 Heures<br />
du Mans. Et ce n’est pas faute d’œuvrer<br />
dans ce sens depuis le départ de sa carrière<br />
en endurance pour le SERT, écurie basée à<br />
quelques encablures du circuit Bugatti. Mais<br />
fi de considérations géographiques, l’enjeu<br />
revêt, pour la 40 e édition des 24 Heures<br />
du Mans, une tout autre dimension. Touché<br />
dans sa chair, le SERT se remet difficilement<br />
du drame qui s’est déroulé le 9 mars dernier<br />
sur le circuit de Nogaro. Alors que la Suzuki<br />
faisait ses premiers tours de roue sur la piste<br />
gersoise pour une séance d’essais privée,<br />
Anthony Delhalle en a perdu le contrôle.<br />
Les secours n’ont rien pu faire pour le<br />
ramener à la vie. Titulaire depuis le Bol<br />
d’Or 2011, Anthony était un excellent pilote<br />
mais surtout un compagnon unanimement<br />
apprécié dans le paddock et adulé par<br />
ses coéquipiers. Le choc a été immense,<br />
et le vide sidéral. Dire que son souvenir<br />
dans le cœur des acteurs du SERT a été<br />
omniprésent tout au long de la semaine<br />
mancelle n’est pas un euphémisme. Autre<br />
fracture dans l’équilibre immuable d’une<br />
famille parfaitement soudée : celle du<br />
chef. Cofondateur et inamovible leader<br />
de l’équipe, Dominique Méliand n’était pas<br />
au Mans. Enfin, pas sur le circuit, mais dans<br />
une maison de convalescence de la région<br />
pour se remettre sur pied après une lourde<br />
intervention de chirurgie vasculaire.<br />
Un rôle repris par Dominique Hébrard,<br />
jeune ingénieur arrivé depuis quelque<br />
temps au SERT. Dans une ambiance<br />
pesante, où des larmes discrètes étaient<br />
pudiquement écrasées, la moto s’est qualifiée<br />
en sixième position. Une place dans l’épi qui<br />
n’a guère d’importance pour le déroulement<br />
de la course, ni même sur le moral des<br />
troupes. Après une longue, très longue<br />
procédure, commencée par un poignant<br />
hommage à Anthony face aux tribunes<br />
de la ligne de départ bondées, Vincent<br />
finit par s’élancer pour traverser<br />
la piste et enfourcher la Suzuki n° 1.<br />
« LA NUIT, ON A LA SENSATION<br />
DE ROULER DANS UN COULOIR »<br />
Une course parfaite, si ce n’est la dernière<br />
foulée où son pied droit glisse dans<br />
le dernier appui. Difficile de dire si la<br />
vivacité de la douleur en est responsable,<br />
mais Vincent s’extirpe comme un obus<br />
de la meute et attaque en tête le freinage<br />
de la chicane Dunlop. De quoi mettre un<br />
peu de baume au cœur des hommes massés<br />
devant les écrans dans le premier garage<br />
de la ligne droite des stands. Douleur dans<br />
la cheville ou délicatesse avec les Dunlop,<br />
Vincent n’arrive pas à contenir les Yam’,<br />
mais aussi la Kawasaki du SRC. Après une<br />
heure de course, la Suzuki compte un tour<br />
de retard sur la tête de course. Un écart<br />
qui va se maintenir jusqu’à la tombée<br />
de la nuit. Les Yam’ du YART et du GMT<br />
tournent comme des horloges. La Kawa<br />
a pris du retard, sur une petite chute, la<br />
Honda TSR est dans le coup également.<br />
Au fil des relais, qui sont souvent doublés,<br />
Alex Cudlin étant un peu moins rapide que<br />
ses coéquipiers, Vincent se confie en rentrant<br />
dans le barnum qui fait office d’espace de<br />
vie dans le second paddock : « La nuit,<br />
c’est très particulier. On perd la notion de<br />
l’ambiance extérieure et l’on a l’impression<br />
de rouler dans un couloir, comme dans un<br />
jeu vidéo. L’humidité mange les pneus et<br />
l’on est obligé de rouler avec des gommes<br />
plus dures. » Au fil de la nuit, la partie se fait<br />
plus serrée avec la remontée de la Kawasaki.<br />
Fidèle à son habitude, Vincent n’utilise<br />
sa cabine dans le camion dortoir que pour<br />
se changer. Le reste de ses temps de repos,<br />
il le passe entre les mains du kiné du team<br />
où il lui arrive de s’endormir quelques<br />
instants. Alors que la nuit est bien installée,<br />
un crachin s’invite. « Il faut alors redoubler<br />
de prudence », confie-t-il. Dix minutes<br />
plus tard, Étienne Masson se fait piéger.<br />
Une première petite chute suivie d’une<br />
seconde, cette fois sur l’huile versée par<br />
la casse moteur d’un concurrent. La messe<br />
est dite. Reste l’espoir du podium... qui<br />
s’échappe sous les assauts de la Kawasaki<br />
et du très véloce Randy de Puniet. L’histoire<br />
se termine à la 4 e place : « Je ne suis pas<br />
satisfait. On aurait dû faire mieux. Je voulais<br />
que l’on soit sur le podium pour Anthony.<br />
On termine quatrième avec de précieux<br />
points. On conserve notre première place<br />
au championnat, c’est ce qu’il faut retenir. »<br />
Juin-Juillet-Août 2017 - <strong>GP</strong> RACING /139