JOURNAL ASMAC - No 4 août 2017

PERSPECTIVES
L’objet choisi
Le monde à l’envers
Prof. Iris Ritzmann, historienne de la médecine, Zurich
Lorsque la jeune Anna Barbara Erbar se
maria en 1819, le monde devint fou: un
choc provoqué par sa dot, une armoire en
bois massif ornée d’une peinture traditionnelle.
Dans les contes et les histoires, ce sont
généralement les armoires qui permettent
d’accéder à un autre monde. L’armoire
paysanne d’Anna Barbara Erbar aussi
nous donne accès à un univers particulier,
celui de l’humour à l’époque du Biedermeier.
Douze images l’illustrent, toutefois
comme monde à l’envers, comme «mundus
inversus». Ces illustrations s’inscrivent
dans la tradition d’une plainte
morale à propos d’une prétendue dégradation
des mœurs. Il semble très logique
que ce monde à l’envers ait été précisément
placé sur cette armoire: le nouveau
couple doit vivre selon l’ordre établi et le
maintenir dans la prochaine génération.
Comment interpréter de telles illustrations?
Dans ce monde inversé, il s’agit de
pouvoir. Ce monde permet aux faibles et
impuissants d’endosser le rôle des puissants
et régnants. Le monde devient fou si
les valeurs morales ne s’appliquent plus:
la femme laisse son mari filer la laine,
l’enfant berce le grand-père, le paysan cite
le gentilhomme et le patient explique au
médecin quel est le bon remède.
Le malade est drapé dans le lit. D’une
main, il prend le pouls de Monsieur le
docteur, dans l’autre, il tient une matula
et procède à une uroscopie. Il s’agit des
deux actes diagnostiques que l’on retrouve
généralement sur les portraits classiques
de médecins. Le dicton dit «Oui, le malade
prétendit être plus intelligent que le médecin».
Il souligne le message de l’illustration:
le médecin doit statuer sur le patient,
et non l’inverse.
L’humour trouve son fondement à un certain
moment et représente des idées que
les contemporains trouvent absurdes ou
même choquantes, mais très certainement
amusantes. Mais déjà quelques générations
plus tard, ces blagues provoquent
l’incompréhension et parfois
même la honte ou l’indignation. Elles
peuvent cependant aussi servir de porte
magique nous menant dans des époques
et systèmes de valeurs passés. Et qui sait,
peut-être que le monde à l’envers d’autrefois
présente des traces menant à des
confrontations actuelles? ■
Kulturhistorisches
Museum Appenzell
Ausserrhoden
Dans l’ancien hôtel de ville d’Herisau
Heures d’ouverture
Mai à décembre
Mercredi à dimanche, 13h00–17h00
www.museumherisau.ch
Image de la barre latérale droite de
l’armoire paysanne d’Anna Barbara
Erbar, 1819
50 VSAO JOURNAL ASMAC N o 4 Août 2017