JOURNAL ASMAC - No 4 août 2017
Identité Maladies des voies respiratoires/BPCO Plus de médecine, moins de bureaucratie!
Identité
Maladies des voies respiratoires/BPCO
Plus de médecine, moins de bureaucratie!
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POINT DE MIRE ▶ IDENTITÉ<br />
peut entraver le rétablissement des fonctions<br />
de l’hémisphère gauche. Une prosopagnosie<br />
peut être distinguée des autres<br />
troubles de la perception, généralement<br />
aussi localisés dans l’hémisphère droit, et<br />
d’un trouble de la mémoire. Le traitement<br />
spatial (visuoconstruction, test: figure de<br />
Rey) peut être localisé dans le lobe temporal<br />
droit, l’hémiattention (une négligence<br />
du propre corps ou de l’environnement,<br />
p. ex. perception du dessert du voisin<br />
de table ou d’un côté de la route) dans<br />
le lobe temporo-pariétal droit et l’hémianopsie<br />
au niveau occipital. Les troubles de<br />
la mémoire déclarative et procédurale<br />
peuvent également entraver la reconnaissance<br />
des visages. Un autre phénomène se<br />
manifeste aussi souvent pour des troubles<br />
de l’hémisphère droit. La désinhibition de<br />
l’hémisphère gauche peut entraîner une<br />
production verbale accrue voire un comportement<br />
maniaque, ce qui illustre les<br />
connexions interhémisphériques des<br />
deux hémisphères.<br />
<strong>No</strong>rmalement, notre cerveau peut automatiquement<br />
ajouter des caractéristiques<br />
et informations associées. Si les patients<br />
souffrent d’un trouble de la reconnaissance<br />
des visages, ils tentent de s’orienter<br />
sur la base d’autres informations (p. ex.<br />
voix caractéristique). Il se peut même<br />
qu’un patient ne soit plus en mesure d’estimer<br />
l’âge d’une personne. Oliver Sacks<br />
constata par ailleurs la perte des liens<br />
émotionnels de son patient, le Dr P., avec<br />
ses proches et la compensation impressionnante<br />
de sa situation par les odeurs<br />
(p. ex. la rose) ou une représentation musicale<br />
de la situation par une chanson (en<br />
plus de la prosopagnosie, son patient souffrait<br />
d’une agnosie des objets et d’une<br />
négligence). Les troubles de la reconnaissance<br />
des visages jouent aussi un rôle<br />
éminent pour les maladies caractérisées<br />
par un dérangement de l’interaction sociale<br />
telles que l’autisme.<br />
Reconnaître la<br />
prosopagnosie<br />
La prosopagnosie peut également s’accompagner<br />
d’une agnosie topographique<br />
(difficultés d’orientation dans des locaux<br />
connus) aussi localisée au niveau temporo-occipital.<br />
On observe parfois dans ce<br />
contexte également une alexie (agnosie<br />
visuelle pour les lettres) ou l’agnosie des<br />
objets, une alexie isolée pouvant toutefois<br />
aussi être le résidu d’un trouble du langage<br />
résultant d’une lésion dans l’hémisphère<br />
gauche. Lors de l’examen, il s’agit<br />
en premier lieu de contrôler que les fonctions<br />
visuelles sont intactes (pour p. ex.<br />
exclure une hémianopsie) et d’observer et<br />
examiner la perception spatiale (p. ex. lors<br />
de l’habillement) (le phénomène d’extinction<br />
sensitive est p. ex. souvent associé à<br />
une négligence). Le test spécifique de la<br />
prosopagnosie peut s’effectuer à l’aide<br />
d’images de personnalités connues ne<br />
présentant si possible pas de caractéristiques<br />
propres trop marquées. Les lésions<br />
chez les patients souffrant d’une prosopagnosie<br />
sont souvent découvertes dans le<br />
gyrus temporo-occipital à droite. Le gyrus<br />
fusiforme est une région du cerveau essentielle,<br />
mais pas la seule à être impliquée<br />
dans le traitement d’informations<br />
visuelles sur les visages. Ce n’est que par<br />
la contribution de différents modules d’un<br />
réseau que l’analyse d’un visage peut s’effectuer.<br />
Chez les droitiers, les deux hémisphères<br />
peuvent être impliqués. Pour ce qui<br />
concerne la négligence, la dominante<br />
droite peut être expliquée par le fait que le<br />
côté droit assure la perception des deux<br />
côtés, alors que le côté gauche n’est responsable<br />
que de la perception du côté<br />
droit.<br />
Traitement<br />
Au quotidien, on remarque peut-être<br />
qu’une personne rencontre des difficultés<br />
à s’orienter dans un environnement inconnu<br />
ou qu’elle ne reconnaît pas une<br />
personne qu’elle connaît. Récemment, j’ai<br />
rencontré un patient qui cherchait toujours<br />
de nouveau les salles de consultation<br />
(agnosie topographique ou trouble de la<br />
mémoire?). J’ai alors remarqué qu’il ne<br />
me reconnaissait pas, même après m’avoir<br />
demandé plusieurs fois mon nom (prosopagnosie?).<br />
Bien entendu, il peut s’avérer<br />
difficile de reconnaître quelqu’un que l’on<br />
ne connaît pas très bien ou que l’on n’attend<br />
pas dans ce contexte, dans un environnement<br />
différent, portant d’autres vêtements<br />
ou avec une coupe de cheveux<br />
différente. Pour prendre en charge les<br />
patients, nous devons non seulement<br />
connaître leur pathologie, mais aussi<br />
avoir des informations sur leur personnalité<br />
et leur environnement. Ces éléments<br />
sont très importants pour le traitement.<br />
Peut-être que cette possibilité du contact<br />
personnel avec nos patients est l’un des<br />
plus beaux côtés du travail de médecin.<br />
Elle nous permet de faire connaissance<br />
d’individus dans différentes cultures et<br />
contextes sociaux.<br />
Comme introduction à la neuropsychologie,<br />
je recommanderais l’ouvrage «Neurologie<br />
du comportement» d’Armin Schnider<br />
et pour approfondir le sujet, le livre<br />
d’Oliver Sacks «L’homme qui prenait sa<br />
femme pour un chapeau», dans lequel il<br />
décrit au travers de ses patients les troubles<br />
neuropsychologiques tels que la prosopagnosie<br />
à partir d’observations du quotidien.<br />
Dans la pratique, les subtiles différenciations<br />
neuropsychologiques n’aboutissent<br />
souvent que par des contacts de<br />
longue durée avec le patient et les proches<br />
qui sont éventuellement en mesure de<br />
rapporter des anomalies au quotidien ou<br />
des particularités du caractère. Conjointement<br />
avec nos neuropsychologues et<br />
thérapeutes, nous pouvons tenter d’enseigner<br />
aux patients comment compenser et<br />
tenir compte de ces déficits neuropsychologiques,<br />
par exemple dans le cadre de la<br />
réadaptation après un AVC (p. ex. réadaptation<br />
spécifique en cas de négligence ou<br />
d’hémianopsie), pour influencer positivement,<br />
par la prise de conscience de ces<br />
changements, le rapport avec le patient et<br />
le déroulement de la réadaptation. ■<br />
N o 4 Août <strong>2017</strong><br />
VSAO <strong>JOURNAL</strong> <strong>ASMAC</strong><br />
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