JOURNAL ASMAC - No 4 août 2017

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POINT DE MIRE ▶ IDENTITÉ A propos de la reconnaissance des visages L’histoire d’Oliver Sacks de l’homme qui prenait sa femme pour un chapeau peut paraître amusante au premier abord. Pourtant, les troubles neuropsychologiques représentent une grande contrainte pour la personne concernée et son entourage. Celui qui ne reconnaît plus les visages et donc son vis-à-vis risque de finir isolé. La même chose vaut pour tous les autres troubles de la perception. Veit Mylius, chef de clinique du service de neurologie; Jürg Kesselring, médecin-chef du service de neurologie et neuroréhabilitation des Cliniques Valens De quelles connaissances devons-nous disposer d’une chose pour la reconnaître? La prise de connaissance comprend d’abord la perception des informations sensorielles de différentes modalités auxquelles une signification est ajoutée par la suite de leur traitement. L’absence de la première est appelée agnosie visuelle aperceptive, alors que l’absence de la deuxième est appelée agnosie visuelle associative, si les fonctions perceptives élémentaires sont intactes. Pour ce qui est du système visuel, nous reconnaissons un objet dans son environnement avant que le cerveau ne puisse lui attribuer une signification. Cela peut par exemple être examiné au moyen d’un texte difficilement reconnaissable (test des lettres fragmentées). Une forme particulière de l’agnosie est le trouble de la reconnaissance des visages (prosopagnosie). Oliver Sacks, qui n’arrivait lui-même plus à reconnaître les visages, décrivait comment il se reconnaissait dans le miroir par des caractéristiques particulières (la barbe grise ou les grandes oreilles). Une autre forme de l’agnosie qui est associée à des lésions de l’hémisphère droit et une négligence, mais qui n’est pas due à celle-ci, est la perception réduite de ses propres troubles (anosognosie). Cela Nous pouvons proposer de bons services aux médecins, parce que nous les comprenons bien. En tant que membre de MEDISERVICE ASMAC, vous appartenez à un groupe privilégié: vous avez un accès exclusif à une bourse de l‘emploi en ligne et au marché des cabinets Praxsuisse. En tant que médecin en formation, vous avez par ailleurs la possibilité de participer à des congrès de carrière et à des séminaires de très haut niveau. www.mediservice-asmac.ch 40 VSAO JOURNAL ASMAC N o 4 Août 2017
POINT DE MIRE ▶ IDENTITÉ peut entraver le rétablissement des fonctions de l’hémisphère gauche. Une prosopagnosie peut être distinguée des autres troubles de la perception, généralement aussi localisés dans l’hémisphère droit, et d’un trouble de la mémoire. Le traitement spatial (visuoconstruction, test: figure de Rey) peut être localisé dans le lobe temporal droit, l’hémiattention (une négligence du propre corps ou de l’environnement, p. ex. perception du dessert du voisin de table ou d’un côté de la route) dans le lobe temporo-pariétal droit et l’hémianopsie au niveau occipital. Les troubles de la mémoire déclarative et procédurale peuvent également entraver la reconnaissance des visages. Un autre phénomène se manifeste aussi souvent pour des troubles de l’hémisphère droit. La désinhibition de l’hémisphère gauche peut entraîner une production verbale accrue voire un comportement maniaque, ce qui illustre les connexions interhémisphériques des deux hémisphères. Normalement, notre cerveau peut automatiquement ajouter des caractéristiques et informations associées. Si les patients souffrent d’un trouble de la reconnaissance des visages, ils tentent de s’orienter sur la base d’autres informations (p. ex. voix caractéristique). Il se peut même qu’un patient ne soit plus en mesure d’estimer l’âge d’une personne. Oliver Sacks constata par ailleurs la perte des liens émotionnels de son patient, le Dr P., avec ses proches et la compensation impressionnante de sa situation par les odeurs (p. ex. la rose) ou une représentation musicale de la situation par une chanson (en plus de la prosopagnosie, son patient souffrait d’une agnosie des objets et d’une négligence). Les troubles de la reconnaissance des visages jouent aussi un rôle éminent pour les maladies caractérisées par un dérangement de l’interaction sociale telles que l’autisme. Reconnaître la prosopagnosie La prosopagnosie peut également s’accompagner d’une agnosie topographique (difficultés d’orientation dans des locaux connus) aussi localisée au niveau temporo-occipital. On observe parfois dans ce contexte également une alexie (agnosie visuelle pour les lettres) ou l’agnosie des objets, une alexie isolée pouvant toutefois aussi être le résidu d’un trouble du langage résultant d’une lésion dans l’hémisphère gauche. Lors de l’examen, il s’agit en premier lieu de contrôler que les fonctions visuelles sont intactes (pour p. ex. exclure une hémianopsie) et d’observer et examiner la perception spatiale (p. ex. lors de l’habillement) (le phénomène d’extinction sensitive est p. ex. souvent associé à une négligence). Le test spécifique de la prosopagnosie peut s’effectuer à l’aide d’images de personnalités connues ne présentant si possible pas de caractéristiques propres trop marquées. Les lésions chez les patients souffrant d’une prosopagnosie sont souvent découvertes dans le gyrus temporo-occipital à droite. Le gyrus fusiforme est une région du cerveau essentielle, mais pas la seule à être impliquée dans le traitement d’informations visuelles sur les visages. Ce n’est que par la contribution de différents modules d’un réseau que l’analyse d’un visage peut s’effectuer. Chez les droitiers, les deux hémisphères peuvent être impliqués. Pour ce qui concerne la négligence, la dominante droite peut être expliquée par le fait que le côté droit assure la perception des deux côtés, alors que le côté gauche n’est responsable que de la perception du côté droit. Traitement Au quotidien, on remarque peut-être qu’une personne rencontre des difficultés à s’orienter dans un environnement inconnu ou qu’elle ne reconnaît pas une personne qu’elle connaît. Récemment, j’ai rencontré un patient qui cherchait toujours de nouveau les salles de consultation (agnosie topographique ou trouble de la mémoire?). J’ai alors remarqué qu’il ne me reconnaissait pas, même après m’avoir demandé plusieurs fois mon nom (prosopagnosie?). Bien entendu, il peut s’avérer difficile de reconnaître quelqu’un que l’on ne connaît pas très bien ou que l’on n’attend pas dans ce contexte, dans un environnement différent, portant d’autres vêtements ou avec une coupe de cheveux différente. Pour prendre en charge les patients, nous devons non seulement connaître leur pathologie, mais aussi avoir des informations sur leur personnalité et leur environnement. Ces éléments sont très importants pour le traitement. Peut-être que cette possibilité du contact personnel avec nos patients est l’un des plus beaux côtés du travail de médecin. Elle nous permet de faire connaissance d’individus dans différentes cultures et contextes sociaux. Comme introduction à la neuropsychologie, je recommanderais l’ouvrage «Neurologie du comportement» d’Armin Schnider et pour approfondir le sujet, le livre d’Oliver Sacks «L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau», dans lequel il décrit au travers de ses patients les troubles neuropsychologiques tels que la prosopagnosie à partir d’observations du quotidien. Dans la pratique, les subtiles différenciations neuropsychologiques n’aboutissent souvent que par des contacts de longue durée avec le patient et les proches qui sont éventuellement en mesure de rapporter des anomalies au quotidien ou des particularités du caractère. Conjointement avec nos neuropsychologues et thérapeutes, nous pouvons tenter d’enseigner aux patients comment compenser et tenir compte de ces déficits neuropsychologiques, par exemple dans le cadre de la réadaptation après un AVC (p. ex. réadaptation spécifique en cas de négligence ou d’hémianopsie), pour influencer positivement, par la prise de conscience de ces changements, le rapport avec le patient et le déroulement de la réadaptation. ■ N o 4 Août 2017 VSAO JOURNAL ASMAC 41
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