JOURNAL ASMAC - No 4 août 2017

POINT DE MIRE ▶ IDENTITÉ
Au-delà des axiomes traditionnels
La plupart des sociétés sont marquées par un ordre des sexes qui ne connaît que deux catégories:
homme ou femme. La multitude d’expériences quotidiennes font que ce système de pensée binaire
n’est guère remis en question. Malgré cela, le nombre de personnes qui sollicitent une aide médicale
parce qu’elles ne s’identifient pas au sexe qui leur a été attribué à la naissance augmente.
Dr méd. David Garcia, responsable du centre pour la variance du genre, Hôpital universitaire de Bâle
N o 4 Août 2017
Un axiome désigne une proposition indémontrable
utilisée comme fondement
d’un raisonnement ou d’une théorie mathématique.
Les axiomes influencent nos
points de vue et notre comportement dans
les différents systèmes de pensée dans lesquels
nous évoluons quotidiennement.
Dans les sociétés occidentales, certains
axiomes sont discutés ouvertement (p. ex.
l’axiome d’Euclide). Cela permet une discussion
critique des limites des différentes
théories et permet de les développer et/ou
éventuellement de les remplacer. En
même temps, il reste difficile de mener
une discussion ouverte et explicite sur
d’autres axiomes, même au 21e siècle. Ils
possèdent un caractère normatif qui se
fonde sur le fait qu’ils ne requièrent aucune
explication.
Les axiomes du genre appartiennent sans
aucun doute à cette catégorie qui
peut être déduite de la théorie de la
dualité sexuelle (Alltagstheorie der
Zweigeschlechtlichkeit) [1] (voir tableau).
En médecine, par exemple, le fait que le
sexe soit la seule valeur catégorielle et
binaire (homme/femme) de tous les
marqueurs biologiques (poids, tension
artérielle, etc.) n’est guère remis en question.
Malgré l’existence de preuves scientifiques
suffisantes démontrant que la
dualité sexuelle n’est un phénomène ni
ubiquitaire [2], ni atemporel [3]. Le raisonnement
circulaire selon lequel un
homme est un homme parce qu’un pénis
est visible, qui s’est développé pendant la
grossesse, parce qu’un homme est un
homme, n’est pas remis en question.
Comme s’il n’y avait pas suffisamment
de preuves que les caractéristiques extérieures
(p. ex. cheveux blonds) ne corrèlent
pas avec les valeurs intérieures
(p. ex. l’intelligence) d’une personne, on
part du principe que le vagin et le pénis
révèlent toujours la vérité sur l’identité
sexuelle.
L’incongruence du genre
Même si la plupart des gens se retrouvent
dans ces représentations normatives des
genres, il y a un nombre croissant de personnes
qui remettent en question un ou
plusieurs axiomes du genre. Cette situation
se manifeste généralement par une
tension biopsychosociale qui est désignée
comme incongruence du genre (voir illustration).
Beaucoup de ces personnes
pensent ne pas appartenir au sexe qui leur
a été attribué à la naissance sur la base de
leurs caractéristiques physiques. D’autres
remettent moins en question l’équation
Tableau: Axiomes du genre
Transsexualisme
(CIM-10)
entre genre physique et psychique, mais
plutôt l’idée selon laquelle les individus ne
peuvent être classés que dans deux catégories.
Nombreux sont ceux qui pensent
que leur identité sexuelle n’est pas
constante dans le temps, mais plutôt
fluide [4]. Pour finir, certains individus
souhaitent une transition sociale alors que
d’autres ne veulent qu’une opération de
réattribution sexuelle. Un troisième
groupe souhaite les deux [5].
Les désignations pour ces phénomènes
identitaires sont tellement individuelles et
1. Il n’existe que deux sexes.
2. Chaque personne n’a qu’un sexe.
3. Le sexe est invariable.
4. Le sexe physique correspond à l’identité sexuelle.
5. Le changement de sexe n’est accepté qu’en tant que rituel temporaire.
6. Les parties génitales sont les indices essentiels du sexe.
7. Chaque personne doit pouvoir être attribuée à un sexe.
8. La dichotomie masculin/féminin est naturelle.
Dysphorie de genre
Incongruence de genre
(CIM-11)
Illustration: Représentation des différents diagnostics trans dans
les différents systèmes diagnostiques
Illustration 1 Représentation des différents diagnostics trans dans les différents
systèmes VSAO diagnostiques JOURNAL ASMAC 31