par quinte-curce. - Notes du mont Royal
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<strong>Notes</strong> <strong>du</strong> <strong>mont</strong> <strong>Royal</strong><br />
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dans le domaine public, et<br />
hébergée sur « <strong>Notes</strong> <strong>du</strong> <strong>mont</strong><br />
<strong>Royal</strong> » dans le cadre d’un exposé<br />
gratuit sur la littérature.<br />
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H 1 STOI RE<br />
D'ALEXANDRE<br />
LE GRAND,<br />
PAR QUINTE-CURCE.<br />
TOME I.
HISTOIRE<br />
D'ALEXANDRE<br />
LE GRAND,<br />
FAR QUINTE-CURCE?<br />
Tra<strong>du</strong>ite <strong>par</strong> MMS ë'â îr Z'è £ 9- de- l* Académie'<br />
Framçmfe &*de celle délia Crufca > derAcadé^<br />
mies royales de Rouen fJe Met[ #>& d*Arras f<br />
Profefftw royal èmèrm de l'École militaire ^<br />
& Secrétaire - interprète de MmiSMlGMB-VM^<br />
CQUTE M'ARTOIS,<br />
T ( } ME<br />
L È * ^injC, fiiif ••*-•—-fcjg LLjfc^«
Bayerfsche" j<br />
Staatsbibliothtlc'<br />
Mûncheo J
A MONSEIGNEUR<br />
L £ D UC<br />
D\\NGOULEME.<br />
ONSEIGNEUR,<br />
L*iiÈ€ÂNCE & les agréments dé Qukte-<br />
Curée U feront entrer fans mute dam h plan di<br />
vos études $ l'honneur que foi d'être l'un des Se-»<br />
èrémires-interprètes de MONSEIGNEUR COMTé<br />
®*ARTOIS, me fait un devoir de vous confacrer<br />
la Tra<strong>du</strong>Bion de cet auteur, pour vous enfacUker<br />
l'intelligence. Cefl Vhiftorien latin que je me propofi<br />
de vous faire connoître en françoisf w ce<br />
nefl point '<strong>du</strong> tout Alexandre le grand que je<br />
viens préfenter comme un modèle au fils de Saint<br />
Louis.<br />
Vous VOUS Indigneriez avec raifort, MOJT-<br />
SEIGNEUR, <strong>du</strong> rapprochement de ces deux héros fi<br />
:peu-JimMablcs : ïun3 qui n'a point d*autre motif<br />
'• fui' fa vanité', point d'autre droit que fan épée M<br />
point d'autre règle que fet paffwns » point d'autre
ïj DÉDICACE.<br />
vertu 'q£une valeur bmtak •& fouvent timimm f<br />
l'autre , qui ne fe décide que <strong>par</strong> des moûfs êe<br />
juftice, qui-refptBe ks droits de [es ennemis am<br />
préjudice mime de fes intérêts 3 qui règle confiant*<br />
ment fa con<strong>du</strong>ite fur tes maximes Jacrées de la<br />
Religion 9 & qui m connoit ks payons que pour<br />
ies combattre % ks vices que pour ks détefter : k<br />
premkr mfpira fouvem à fes amis la défiance 9 le<br />
mépris , la terreur ; k'fécond força l'admiration \<br />
iefiime , la confiance mime de fes 'ennemis : la<br />
Terre, dévafiée <strong>par</strong> k brigandage & déshonorée<br />
<strong>par</strong> ks crimes j c'eft aujfi ce que fe propofent ks Sages<br />
i qui l'on «4$ confié k dépôt précieux de votre<br />
é<strong>du</strong>cation.<br />
Je fuis avec un très-profond refpëS ,<br />
MONSEIGNEUR*<br />
' Votre très-humble & très-obéiffanf<br />
! ferriteur, BEAUZéE»
PRÉFACE<br />
ET<br />
ÏNTRODV€TÎO&<br />
JLAll une fuite des vues qui m*avoient dlter*<br />
'•miné à tra<strong>du</strong>ire SALLFSTE , j'ai dû, pour donnet<br />
plus déten<strong>du</strong>e à mon expérience » entreprendre<br />
iencore ïa tra<strong>du</strong>âion afun autre écrivain : car ce<br />
rfeft pas affex de favoir tra<strong>du</strong>ire les langues ; il<br />
£aut encore tra<strong>du</strong>ire en quelque forte les ftyles ><br />
& chaque auteur a le fie». Le peu d'éten<strong>du</strong>e des<br />
œuvres qui nous reftent de SALLUSTE , m*a fait<br />
préférer dans le temps cet hiftorien » d'ailleurs<br />
eftimé 8c digne de Fêtre , à tout autre qui aurait<br />
-Ité plus volumineux, & qui m'aurait détourné<br />
plus long temps de mon objet principal : aujourdhui,<br />
avec la mime intention &L le même be*<br />
loin de gagner <strong>du</strong> temps, fai dû càoifir tm ou*'<br />
vrage, aflez long pour fonder fuffifamment mes<br />
observations, allez court pour ne pas me diftraire<br />
trop long temps de mon travail rar la Grammaire<br />
générale-* & aflex eftimé pour intérefler la curiofité<br />
<strong>du</strong> Public fur la tra<strong>du</strong>âion qu*on M en pré*<br />
tenterait.<br />
Q„ CtrutE m\ <strong>par</strong>u d'autant plus propre &<br />
réunir tous ces avantages , que nous n'ayons de<br />
Cet élégant écrivain que la tra<strong>du</strong>âion de'M. DJE<br />
VAUGELAS , qui mérita peut-être d'être accueillie<br />
^uand elle <strong>par</strong>ut il y a cent trente ans., dont la.<br />
m J îi
IV PHèF'ACE<br />
réputation s'eft foutenue jufqu'à nos jours iaute<br />
de mieux, .mais dans laquelle on peut toutefois<br />
trouver bien des chofes à reprendre. Sans <strong>par</strong>ler<br />
<strong>du</strong> langage, qui eft devenu furanné dans beaucoup<br />
a endroits ; on peut reprocher au tra<strong>du</strong>cteur<br />
des omiflions , des fens eftropiés , des contre-fëns,'<br />
des interpolations d'idées, 'quelquefois<br />
des commentaires au lieu de tra<strong>du</strong>ctions. Le ftyle<br />
de l'original n'a pas été plus ménagé que fon langage<br />
\ <strong>par</strong> exemple, des difcours. qui ne font<br />
prefentës qu'indireôement en' latin, font direûsen<br />
françois. Mais mon jugement fur la tra<strong>du</strong>cliort<br />
de VAUGELAS pourroit <strong>par</strong>oitre fufpeft ; & il ne<br />
me conviendrait en aucune manière de vouloir<br />
l'appuyer, <strong>par</strong> la com<strong>par</strong>aifon de ma manière<br />
avec la fienne dans les endroits oh je penfe qu'il<br />
s^eft trompé : j'aime mieux cirer un écrivain ,<br />
dont le travail a été couronné en 1772 <strong>par</strong> l'Académie<br />
royale des Infcriptions & Belles lettres ;<br />
c'eft M. le Baron DE SAINTE-CROIX , dont voici<br />
la Date Y. fur fon Examen des MJioriens d*Ak-»<br />
xandre :<br />
n M. DtJPUY* dit-il, auffli distingué <strong>par</strong> fou<br />
.favoir que <strong>par</strong> la place qu'il occupe dans la république<br />
des lettres , remarque très-bien que<br />
y AûGELAS a fupprimé , dans fa tra<strong>du</strong>ftion > une<br />
<strong>par</strong>tie <strong>du</strong> <strong>par</strong>tage de QUINTE-CURCE ou, » après<br />
79' avoir décrit la. confternation que répandit dans<br />
*i l'armée d'Alexandre une éclipfe de Lune , cet<br />
i> Wftorien obferve que' les devins égyptiens f<br />
ii que ce prince fit conïulter, favoient fort bien<br />
.$ la raifon de ce phénomène , mais qu'ils la te-<br />
*>. noient cachée- au vulgaire : at Wi 9 ce font fes<br />
i' <strong>par</strong>oles!, (rvvx.'ty.)yvi ftfU fiùcut umpàtm
ET INTRODUCTION. :v<br />
y> orbes: impkre deftinatas vices, Lunamque deficerç<br />
p quum aut terram fubiret aut foie premeretur, ra~<br />
p tionem quidem ipfis. perceptam non tdocent vuhp<br />
gus. L'hiftorien a-*-il eu une idée bien nette de<br />
» Ta caufe des éclipfes lunaires? 11 femble, â<br />
»>, l'entendre, que la Lune peut s'éclipfer en deuy<br />
7t cas 5 ou lorïque terram fubit, .ou lorfque pre^<br />
» mitur â foie : on peut donner un bon ïens a la<br />
» première expreffion, <strong>par</strong>ce cu'effeâivement<br />
j> la Lune s'éclipfe lorfira'elle pafle fous la terre<br />
si ( terram fubit) qui eu entre elle & le foleil;<br />
» mais qu*a-t-il préten<strong>du</strong>, lorfqu'il a dit que la<br />
s> Lune louffire éclipfe quum foie premitur 9 lorf?<br />
» qu'elle eft preffée <strong>par</strong> le foleil? « {'Hjft* de<br />
VAcad. des Infir. Tom. XXIX. pag. 324. ) On ne<br />
ïauroitfans doute donner un iens rauonnable'aû<br />
texte de QUINTE-CURCE , l'obfcurité de ce<br />
paflage- dé<strong>mont</strong>re l'ignorance de cet écrivain.<br />
M« I5UPUY relève encore plufieurs fautes échappées<br />
à VAUGELAS ; ce tra<strong>du</strong>fteur, d'ailleurs très-<br />
Eabile, en a commis un grand nombre. Son plus<br />
grand défaut eft de conferver rarement dans fa<br />
tra<strong>du</strong>ôion le fens figuré de fon auteur, & d'en<br />
affoiblir <strong>par</strong> là les images. Enfin cette tra<strong>du</strong>ftion<br />
manque en général de grâce & de vie u.<br />
• " Le jugement de ce favant écrivain, confirmé<br />
iar celui <strong>du</strong> fecrétaire de l'Académie des Belles-<br />
Î<br />
étires, fiiffit fans doute pour juftifier le befoia<br />
de présenter au Public une nouvelle tra<strong>du</strong>ftioft<br />
de QUINTE -CURCE, Je prendrai néanmoins la<br />
liberté de ne pas fouferire également à ce qu'ils<br />
f ; enfent, ainfi que JEAN LE CLERC , f Àrs crit.<br />
art, III. feft. u). cap. 2. §. 2. ) de rhiftôrien<br />
latin au fujet de l'éclipfe de Lune. Ce n'eft pas.<br />
•a iij
vj PRÉFACE<br />
que je prétende faire une apologie générale decet<br />
auteur ; je fais trop combien on peut lui re~<br />
f>rocher de fautes réelles : mais n*eft-il pas de-<br />
^équité de ne le rendre refponfabîe que de celles<br />
qui lui font propres, & de ne pas îe charger de<br />
celles qui viennent peut-être de l'inattention oncle<br />
l'ignorance de fes copiftes h<br />
'• Jules-Cêfar avolt reformé le calendrier to~*<br />
main ; & cette réforme * non feulement fuppofbit'de<br />
grandes connohTances aftronomiques dans<br />
ceux qui forent chargés <strong>du</strong> trayait, mais <strong>du</strong>t en*<br />
core fixer fur cet objet Fattention de beaucoup,<br />
•de gens dVfprît, & répandre des notions de cette<br />
fcience Jufques dans la multitude. Le fiècle d'Au-*<br />
gufte , auquel QUI^TI-CURCF ap<strong>par</strong>tient ou.<br />
mérite d'ap<strong>par</strong>tenir , loin de détruire ce goût<br />
iiaiflant chez les romains, <strong>du</strong>t au contraire le foin<br />
tifier & fétendre i & il eft raifcnnabk de croire<br />
que notre hiftorîen % fè mêlant de raîfonner &r<br />
une êclipfe de Lune dans un ©image qu'il def*<br />
tinoit au Public , en favok fans doute ce que<br />
n'ignorent pas aujourdhui de fimples écoliers %<br />
©u qu'au moins il eut aflèz d'amour propre pour<br />
comulter quelque homme inftraît dans ce genre*<br />
Mais il femme, dit M. DUPUT, qu'il veuille<br />
faire entendre que la Lune peut s*éclipfer en deux<br />
cas, *ou lorfque terram fitbît, ©u lorfque premitiir<br />
'à foie. L'excès même de cette ignorance me porte<br />
à croire % que lliiftorîen a feulement voulu ex*<br />
cliquer en deux façons la manière unique dont la<br />
Lune peut s*écKpfer ; & qu*au lieu de premeretur^<br />
intro<strong>du</strong>it <strong>par</strong> Quelque copïfte, fauteur avoit mis<br />
privaretur, qui en diffère bien peu. SoU prîvart<br />
eft pour k Lune une fuite nfceflake de çewam
ET INTRODUCTION. .vy<br />
fiêlre ; & cette correâion f que f ai fume dans<br />
ma tra<strong>du</strong>éHon , fans ofer toutefois k faire paffet<br />
dans le latin-, fait dif<strong>par</strong>oître la difficulté : les<br />
devins égyptiens favoiçnt que 1a Lune s'éclipfc<br />
qtmm oui terram fukireê autfoïe privaretur , (quand<br />
elle fe cache fous k terre ©u qu'elle eft privée <strong>du</strong><br />
folêU).<br />
On m'objeéle que «-la répétition de ont an4<br />
nonce clairement deux fortes d'éclipfe de Lune ,<br />
& qu*il n'y auroit qu'on oui, û la féconde <strong>par</strong>afe<br />
n'étoit qu f une explication ou une conféquence de<br />
-la première. En examinant de près le principe<br />
dont on s'appuie ici , peut-être ne (èroit-il pas<br />
ïmpoffible aen prouver la faufleté <strong>par</strong> de bons<br />
exemples : mais je veux bien l'adopter ; & dans<br />
ce cas-là même, le km de QUINTE-CURCE<br />
peut encore devenir raifonnabk <strong>par</strong> deux chanements<br />
légers ,- dont les commentateurs ont<br />
f<br />
onné plus d'un exemple, & que la jufttce.ré*<br />
clame en faveur de Fhiftorien. Que L'on • change<br />
le premier mt en im , & le fécond ea ut ; on<br />
aura quum ka terram fubiret ut foie privaretur +<br />
{ quand eHe fe cache fi bien fous la terre qu'elle<br />
eft privée <strong>du</strong> folël ). Ne pas fe prêter f <strong>par</strong> des<br />
correftions autorifées, à la juftifieatiott d'un écrivain<br />
d'ailleurs efBmable, eft un trait criant de<br />
<strong>par</strong>tialité ; & j'aimerois .autant qu'on l'accusât<br />
d'avoir eu la maladreffe de commencer fon histoire<br />
<strong>par</strong> la prife de Célènes.. Les lacunes & les<br />
lautes de cet ouvrage .viennent de la même<br />
fource : long temps oublié dans les btbliothè-<br />
«nies 9 & <strong>par</strong> là même abandonné à de mauvais<br />
•copiftes 9 ç'auroit été un prodige qu'il vînt jufqu'à<br />
nous fans aucune imperfection*<br />
a m
vSj PRÉFACE<br />
FREINSBIMIUS, outre quelques lacunes qtfit<br />
a îempMes dans les huit livres qui nous relient ,<br />
a luppléé les deux premiers en entier , avec une<br />
élégance qui approche de celle de l'original , &<br />
une abondance qui peut-être ne fe trouvoit pas<br />
dans QUINTE-CURCE. DU RYER a tra<strong>du</strong>it ce$<br />
luppléments ; mais ces tra<strong>du</strong>ctions étant principalement<br />
deftinées pour îes collèges, où on- ne<br />
fait aucun ufage des luppléments de FREïNSHÉ*<br />
MIUS 3 <strong>par</strong>ce qu'ils font d'une latinité moderne<br />
& fiilpeâe 3 & que d'ailleurs ils font trop éten<strong>du</strong>s<br />
3 une tra<strong>du</strong>ôion que j*en aurois faite auroit<br />
été en pure perte comme celle de Du RYER-.<br />
11 eft pourtant néceffaire d'être intro<strong>du</strong>it à la<br />
kôure de QUINTE-CWRCE, <strong>par</strong> une notice?<br />
fommaire dès faits principaux des premières an*<br />
nées d'Alexandre ; vu fin-tout que <strong>par</strong> la fuite il<br />
y a des allufions à ces faits, dont il ne feroit paf<br />
poffible d'entendre le fens, û Ton ignoroit les<br />
faits mêmes. Eflayons d'efqiiiffer ce tableau»<br />
ALEXANDRE h grand, fib-de PhiKppe, roj[<br />
de Macédoine, & «rOlympias , princeffe d'E*<br />
pire, naquit à Pella, capitale de la Macédoine ,<br />
k première année de la evi ". olymjpiade, Fan<br />
4e Rome 598, & 356 ans avant Jefiis-Chrift.<br />
Le même jour où naquît ce prince, le temple<br />
.de Diane à Ephèfe , l'une des merveilles dît<br />
monde, bâti aux dépens & au nom de toute<br />
l'Aile mineure , fiât ré<strong>du</strong>it en cendres <strong>par</strong> .Fattentat<br />
d'un extravagant, qui voulut <strong>par</strong> la rendre<br />
ion nom célèbre :• image frappante des fiineftes<br />
effets <strong>du</strong> fanatifme de la gloire 9 .& préfage de<br />
•la paffîon dominante <strong>du</strong> prince qui venoit de<br />
"naître & de tous les malheurs de l'Aûe l
'ET INTRODUCTION. ix<br />
Sa naiffance fat, dit-on, annoncée <strong>par</strong> des<br />
prodiges , que la flatterie avoit imagines, que<br />
les préjugés, <strong>du</strong> paganifine ou les prefliges de<br />
l'admiration répandirent, & qui furent crus <strong>par</strong><br />
l'imbécillité. Mais il en eft un, ignoré de tous<br />
les hiftoriens d'Alexandre, & qui a droit d'être<br />
cru de tout l'univers ; c'eft que DANIEL , quelque<br />
deux-cents ans avant la naiffance de ce<br />
Îmnce 9 a prédit très-clairement la rapidité &<br />
a nature de fes conquêtes , la vafte éten<strong>du</strong>e &<br />
la courte <strong>du</strong>rée de fon Empire , & le <strong>par</strong>tage<br />
qui s'en fit auffitôt après fa mort entre fes capitaines<br />
: ( Voy§i Daniel, chap. IL vu. vin. )<br />
rien ne prouve mieux, que ces conquérants fameux<br />
, dont les exploits épouvantent notre foibîefle<br />
& nous jettent dans une ftupide admiration<br />
(a) 3 ne font en effet que les inftraments<br />
aveugles de la Providence divine 9 qui 9 en condamnant<br />
leurs crimes , les fait fervir, fouvent<br />
contre leur gré, à l'exécution de fes vues adorables.<br />
Les Empires détruits , îes trônes renverfés»<br />
Les champs couverts de morts t les peuples difperfés-,<br />
"Et tous ces grands revers que notre erreur commun»<br />
Croit nommer juHement les jeux de la fortune ,<br />
Sont les jeux de celui qui »'maître de nos cœurs t J •<br />
À fes deffeins fecrets fait fervir nos fur «urs t<br />
Et y de nos panions réglant la folle ivreffe %<br />
Ça) Conflliult pmïïa muita , & abtimut omnium «ut»<br />
nhionts , & inurfkcit reges terrm % & ptrtranfi.it vjqm se<br />
fines ttftm , & aecepii fpbtià muhituiinis gentium'^ &<br />
flmt urra m conjpcftu ejus* î^Michak j. %• |»- *
* ' P R É FA C E '<br />
De fes projets <strong>par</strong> elle accomplit la fageffe flj*<br />
Oui, c'eft ce même Dieu qui fait à fes deffein*<br />
Ramener tous les pas des aveugles humains.<br />
Sous d'orgueilleux vainqueurs' quand les villes fuc*<br />
combent ,<br />
Quand r&ffreux contrecoup des Empires qui tombent<br />
Dans le monde ébranlé jette au loin la terreur ;<br />
Que font tous ces héros qu'admire noire erreur *<br />
J-es minillres d'un Dieu qui punit des coupables t<br />
Inftruments de colère % & verges méprifabîes (e).<br />
Philippe 5 lècrètement dirigé <strong>par</strong> celui qui tient<br />
dans fa main'les coeurs des rois, prit de l'é<strong>du</strong>cation<br />
de fon fils les plus grands foins. A la tête<br />
'de cette é<strong>du</strong>cation, étoit Léonidas,. <strong>par</strong>ent de k<br />
reine, homme d'une grande auftérite de mœurs :<br />
fous les ieux fon élève étoit inftrttk » <strong>par</strong> différents<br />
maîtres, de tout ce qui convient à l'héritier<br />
d'un grand royaume. Mais le plus célèbre<br />
& le plus favant de ces maîtres, fk ARISTOTE ?.<br />
refpecté dès lors comme un philofophe <strong>du</strong> premier<br />
ordre 9 & dont la réputation s*eft foutenue<br />
pendant une longue luite de fiècîes & brille encore<br />
avec éclat, même depuis que DESCARTES;<br />
a jeté dans le difcrédit fes fyftêmes philofophi—<br />
ques* Voici 9 d'après AULU-GELLE , qui- nous en<br />
a confervé le texte grec & donné k tra<strong>du</strong>ftioa<br />
en ktin, (JLié* ix. cap. 3.}. la lettre que lui.<br />
écrivit PhiBppe peu de temps après k. nasSanee»<br />
«fAlexandfe ;<br />
(k) Racine fils f Pohnt.it h Rtlïg* eh. iv. 1-8».<br />
(4 Id. ik 577-184.
ET INTRODUCTION. xj<br />
' 'Fûimm miki genhum Sachez qu'il m 9 eft né<br />
'fcko : quod equîdem dis un fils : & je remercie<br />
habeo graûam, non pro- bien fincèrement les<br />
inde quia mains eft , quam dieux, non pas tant de<br />
pro eo quod mm nafci fa naiflance , que <strong>du</strong><br />
contigit tepporibus vim bonheur qu'il a d'être<br />
• mm ; fpeh enim fore ui , né de votre temps ; car<br />
t<strong>du</strong>èus erudkusque ahs j'efpère qu'élevé & infte,<br />
dignus exfijiaê & no- trust <strong>par</strong> vos foins, il<br />
bis & rerum tflarumfuf- fera igné & d'être né<br />
ceptwne. de nous & de prendre<br />
après nous le gouvernement de cet Empire.<br />
Ce .fils profita bien des leçons qu'il reçut, &.<br />
auroit pu paffer pour un homme diftingpé dans<br />
les fciences & dans les lettres, û des-objets plus<br />
brillants n'avoient fait oublier fes autres qualités»<br />
Les amufements de fa jeunefle furent des jeux<br />
héroïques. Le cheval Butéphale n'avoit cédé.à<br />
aucun 'écuyer ; Alexandre robferva, découvrit<br />
ce qui lui fefoit ombrage, & le dompta. On<br />
lui fefok entendre qu'il faudroit un jour qu'il ie<br />
préfentât aux jeta olympiques : Je ie ferai fansdoute<br />
, répondit-il, fi jy trouve des rois pour an*<br />
tagonifkes. Les viftoires que remportok fon père ,<br />
étoient pour lui des fujets d'affliétion ; Mes amis %<br />
difoit-il alors-aux enfants de fou âfô, mon père<br />
prendra tout &• ne nous laiffera rien à faire. Il avoit<br />
d'ailleurs un caraâèrevif& même violent, ferme<br />
dans fes réfolutions, arrêté à fcn.fentiment j<br />
jamais il ne cédoit à la force r mai» oa le ra»—<br />
ineiîok aifément <strong>par</strong> la railon..<br />
• Sa taille étoit médiocre 9 fes- membres bien<br />
proportionnés % fa phyfioaomie imçoiante : il<br />
a Vf
xij PRÉFACE<br />
©voit de la foupleffe, de l'agilité, de la vigueur ;<br />
& il eut grand foin d'entretenir & d f augmenter<br />
<strong>par</strong> Fexercice ces heureufes diipofttions : il <strong>par</strong>vint,<br />
à fe mettre en état de fupporter aifément<br />
les plus grandes fatigues , fè contenait de la.<br />
nourriture la plus fimple, & fav
ET mT^ODUCTlON: xïlj<br />
la vie » 'fi Alexandre n'eût * accouru à'fon fecours<br />
, ne' l'eût- couvert de ft>n bouclier , Ôf<br />
n'eût tué ou:mis .en faite ceux'qui l'afiaiMoient.<br />
Philippe <strong>par</strong>vint -enfiiite <strong>par</strong> des menées lourdes,<br />
à faire acculer les' locriens d'Amphiffe d'avoir<br />
profané une terre facrée près <strong>du</strong> temple de<br />
Delphes, puis à 'ménager fi habilement le Confeil<br />
des amphyâions, qu'on l'y nomma Général<br />
des çrecs pour tirer vengeance de ce facrilège ;<br />
il prit les armes amffit&r* s'avança vers la campagne<br />
de Cyrrhée quï-étok l'objet de la préten<strong>du</strong>e<br />
profanation 3 & oubliant tout à .coup cyr«fhéens<br />
& locriens, il s'em<strong>par</strong>a d'Ekthée, la plus<br />
grande viEe de la Phocide. Thèbes & Athènes<br />
ouvrirent également les ieux fur ce qu'elle^<br />
ayoient à craindre ; & malgré leur rivalité, l'éloquence<br />
de Démofthèoes les réunit pour leur<br />
intérêt- commun : une ligue fat formée contre<br />
Philippe 5 on prit les armes de <strong>par</strong>t & d'autre »•<br />
& les deux armées ennemies fe trouvèrent en<br />
réfence près de Chéronée , ville de la Béotie.<br />
E<br />
«e combat fut rude & opiniâtre , & la victoire<br />
long temps douteufe. Alexandre, à qui fon père<br />
avoit confié le commandement de fon aile gauche<br />
5 <strong>mont</strong>ra dans cette aâion toute la cagacité'<br />
d'un vieux Général avec le courage d'un jeune.<br />
Officier de dix-huit ans : ce fat lui qui détermina<br />
Ja viâoire , en enfonçant le bataiEon facré<br />
des thébains ; & êUe fat fi coniplette , que<br />
toute la Grèce fat contrainte de' faire la paix<br />
telle qu'elle conVenoit à l'ambition de Philippe «"<br />
qui en profita bientôt pour fe faire déclarer dans<br />
l'affemblée des grecs leur Général contre les<br />
Perfes*
xh PR-ÉFACE<br />
Tandis que le roi de Macédoine avoît au de^<br />
hors des fuccès fi brillants, des défordres domeftiqaes<br />
en altéraient la joie. Le mécontente^<br />
ment qu'il avoit de fa femme Olympias , le<br />
porta a la répudier & à époufer Cléopatre ,•<br />
nièce d'Attalus-. Au milieu des réjouïffances <strong>du</strong><br />
feftin & dans ta chaleur <strong>du</strong> vin, Fonde de lanouvelle<br />
reine s'avifa de dire, qu'il ne reftoit<br />
aux macédoniens qu'à prier les dieux qu'elle<br />
donnât inceffamment au roi un fucceffeur légi—<br />
time. Alexandre , naturellement colère , déjà<br />
mécontent de l'humiliation de fa mère, fe fentit<br />
juftement offenfé de ce difcours qui étoit pour<br />
lui une injure perfonnelle : Quoi? Miféraàk%<br />
dit-il à Atfalus, me prends-tu donc pour un bâtard?<br />
en même temps il lui jeta a la tête lacoupe<br />
qu'il tenoit, & Attalus lui jeta <strong>par</strong>eillement<br />
la fieniie. Philippe, qui étoit à une autre<br />
table 5 indigné qu'on osât troubler Iw fête , s'élance<br />
l'épée à la main contre fon fils : mais il"<br />
étoit boiteux , il tomba, & les courtifans eurent<br />
le temps de fe jeter entre deux & d'arrêter lésantes<br />
de cette vivacité. Le plus difficile fut d'empêcher<br />
Alexandre d'achever de fe perdre luimême<br />
3 & il ne fe retira qu'après avoir franchi<br />
toutes les bornes <strong>du</strong> refpeft qu'il devoit à'<br />
fon roi & à fon père. Il prit avec lui fa mère f<br />
la mena en Epire ; & pour lui, il fe retira chez<br />
les illyriens.<br />
La vindicative Olympias engagea aifémenf<br />
fon frère Alexandre , roi d'Epire , à faire laguerre<br />
à Philippe : celui-ci, qui facrifîoit tout<br />
aux vues de fon ambition , voulut fe débarraffer<br />
de cet ennemi, en lui donnant en mariage-
MT-INTRQDUCTIOm * x+<br />
.Cléopatre qu'il avok eue d'Olympias même» Les»<br />
noces s'en firent à Eges., où étoit la fépulture<br />
des rois de Macédoine ; & les princes Yoifins +<br />
ainfi que les ambafladeurs des villes grèques*.<br />
s y trouvèrent en. grand nombre- On y donna<br />
des jeux & des fpeciacles magnifiques^ Philippefe<br />
rendoit fans gardes au théâtre » entre fbn'nlsqui<br />
étoit enfin revenu près de lui & fon geikare,<br />
lorfiroe^ tout à coup il fut poignardé <strong>par</strong><br />
un jeune ieigneur macédonien y nommé Paufanias.<br />
Déshonoré dans fa première jeuneffe <strong>par</strong><br />
Attalus , à la lubricité <strong>du</strong>quel il avait été im?molé<br />
malgré lui, il en avoit reçu depuis peu<br />
m outrage de. même genre % encore plus fan—<br />
glant : il en avoit vainement folMcité la vengeance<br />
auprès de Philippe ,. qui au contraire<br />
comblok tous les jours Attalus ' de nouveaux<br />
honneurs* Le jeune macédonien % outré de «ce<br />
déni de juftice » réfolut enfin de laver fa propre<br />
honte dans le fang même de ce prince*<br />
Olymmas n'eut pas. plus tôt appris k mort, da<br />
roi, qu'elle <strong>par</strong>ut en Macédoine : la nuit même<br />
de fon arrivée, eUe mit une couronne d'or fur<br />
la tête de Paufanias f qui étoit attaché à. un gi*bet<br />
; elle fit tuer k fille de Qéopatre fa rivale<br />
•fur le feîn même de la mère , & ré<strong>du</strong>ifit cette<br />
malheuteufe princeffe à fe pendre.; en un mot<br />
cMe pouffa la vengeance fi loin 8c d'une manière<br />
fi écktante , que perfbœie ne douta- qu'elle<br />
n'eût quelque <strong>par</strong>t au meurtre- de Philippe. Om<br />
alla mejne jufqu'à foupçonner qu^AJexamîre n'em<br />
étoit pas tout a fait innocent<br />
La tyrannie d'Olytiapias » fookàmn où l*oa<br />
était de. k compEcité. cAkiandre, le. mépris
'kvj •' PRÉFACE "•<br />
*qu*on avoit pour on jeune homme de vingt m$i<br />
les différents intérêts des feigneurs macédonien*,<br />
le reffentiment des grecs contre l'ambition de<br />
tPhilippe qni les -avoit preïque aflèrvis', ceM<br />
•des peuples voifins qu'il avoit fubjugués • ou ren<strong>du</strong>s'tributaires<br />
3 tout cela infpira également Pef<br />
'•prit de révolte aux macédoniens &• aux étran-<br />
ers. Mais- le courage & PacHvité <strong>du</strong> jeune roi<br />
f<br />
t face à tout. Son premier foin fut de rendre<br />
à fon père les honneurs funèbres, & cPïmmoler<br />
for fon tombeau ceux qui avoient eu <strong>par</strong>t au<br />
crime de fa mort ; il ne fit grâce qu'à Àlexan*dre-Lvnceftes<br />
5 <strong>par</strong>ce-qu'il-avoit été le premier<br />
•-à le -ialuer comme roi ':, il le défit auifî de ceux<br />
•oui'lui dilputôient la couronne ,• & fpécîalement<br />
tfAttalus -y qui'aurbit. pu penfer à venger fa<br />
'iiièce* :•-..... , - . *<br />
• Quand tout' fut -afluré au: dedans , -on le -vit<br />
-en moins de deux ans ré<strong>du</strong>ire les ttyëualiens rebelles<br />
; -fubjuguer la Thrace ; &• dans un feue<br />
•jour paffer le Danube , battre les grecs, pren-<br />
*dre-une de leurs villes , & repafler le.'fleuve-;<br />
•châtier en revenant les illyriens , & ranger an<br />
• devoir d'autres peuples ; de là voler *à Tïèbes ,<br />
qu'un faux bruit de fa mort -avoit révoltée con-<br />
"tre la garnifon macédonienne ,• & dont Pexera-<br />
• pie avoit entraîné les autres villes de la Grèce :<br />
-en vingt-quatre heures il afliégea5-prit_, & rafa<br />
•cette malheureufe ville ; fix-mille thébains furent<br />
paffés au fil de Pépée, & environ trente-<br />
-mille ré<strong>du</strong>its ea femtude & ven<strong>du</strong>s comme<br />
efclaves.<br />
- Cet exemple de. févérité- répandit une terreur<br />
«uverfejle, & amena à fes pie-ds toutes les t&»
ET INTRODUCTION. xrç<br />
publiques 'de la Grèce : il indiqua' à Corinthç<br />
une affemblée générale, où la qualité de Géséraliffime<br />
des grecs contre les perfes, qui lui<br />
avoit été déférée quelque temps au<strong>par</strong>avant .pas<br />
îes amphlâyons, fut confirmée fans aucune ré-?<br />
clamation. Quand il eut ré<strong>du</strong>it ainft toute h<br />
Grèce au (Uence, & réglé la nature & le nom-?<br />
bre des troupes qu'on lui foumiroit pour l'expédition<br />
contre ks perfes » il reprit k chemin de<br />
ta Macédoine pour mettre ordre à fes affaires<br />
perfonnelles. D y prit toutes- les précautions po£<br />
fibles pour en affûrer la tranquillité pendant fou<br />
abfence : il mit dans fon armée tous les princes<br />
•oifins dont il pouvoit craindre quelque chofe ,<br />
& confia le gouvernement de leurs Etats à des<br />
perfonnes fûres ; il laifla celui de la Macédoine<br />
entre les mains d'Antipater, qu'il regardoit comr<br />
me fon ami. H ne prit pour officiers généraux<br />
que ceux qui avoknt fervi fous fon père & qui<br />
«voient au moins foîxante ans 5 & pour- mkwt<br />
les encourager, Il leur diftribua toui ks revenus<br />
qu'il avoit en Thrace, en Illyrk , en Macédoine<br />
, & en Grèce , ne fe réfervant % comme<br />
il le leur dit, que l'eipérancç.<br />
D étoît à Die, en Macédoine f occupé des<br />
pré<strong>par</strong>atifs de cette. guerre f & penfant aux<br />
moyens de conquérir l'Aile, lorfqu'un fonce ,<br />
qu'on ne peut regarder que comme une impi-»<br />
ration <strong>du</strong> Ciel, lui donna les plus grandes et<br />
sérances de fuccès. Un vieillard lui ap<strong>par</strong>ut fous<br />
Î<br />
a forme & ks vêtetuents <strong>du</strong> grand iacrificatçux<br />
des juifs, l'exhorta à ne rkn craindre f lui dit<br />
de pafler hardiment le détroit de l'Hellcfpontv<br />
& Faffûra que le Dieu dont il étoit k muûftro
xvBj PRÉFACE<br />
marcheroît à la tête de fon année 9 loi dbimc£roit<br />
1a vicloire, & le fer oit affeoir fur le trône<br />
de Darius.. Ce fonge lui <strong>par</strong>at d'abord de bon<br />
augure, en ne le rendant même- que commeun<br />
fonge : mais quand, après la priiè de Tyr 9<br />
(L. iv. iV. 19») il fe rendit à Jérafakm pour<br />
punir les juifs <strong>du</strong> relus qu'ils avoient fait de lui<br />
amener <strong>du</strong> fecours, & qu'a la tête des prêtres<br />
& des lévites il reconnut, dans la perfonne dç<br />
Jad<strong>du</strong>s 9 celui qui lui avoit ap<strong>par</strong>u revêtu des<br />
mêmes habits, & fin-tout quand celui-ci lui eut<br />
<strong>mont</strong>ré & expliqué les prophéties qui le concemoient,<br />
il ne put plus douter que le Ciel même<br />
ne dirigeât Ion entreprife ;. auffi traita-t-if<br />
les juifs avec in<strong>du</strong>lgence , & leur accorda-t-il<br />
tous les privilèges qu'ils voulurent. Ceft <strong>du</strong><br />
m'oins Fhiftorien Juif JosàFHl, qui raconte, ce<br />
fait avec fès. luîtes ; & les prophéties de DANIEL<br />
en établîffent bien la vrailemblance.<br />
Plein de confiance & d'ardeur, il <strong>par</strong>tît enfin<br />
pour la êwtquête de k Perfe, n'emmenant<br />
avec lui qu'une armée de trente-mille hommes<br />
.d'infanterie & de cinq-mille%de cavalerie.. B prit<br />
fa marche le long <strong>du</strong> lac de'Cercihe,. vers Amphipolîs<br />
; pafla le Strimon aux environs de fort<br />
embouchure, puis fHèbre ; & arriva enfin I<br />
Selle après vingt Jours de marche* H' chargea<br />
Parmênion de paner fa cavalerie. & <strong>par</strong>tie de<br />
fon infanterie, de Selle à Abyde % fur cent foixante<br />
galères & plufieurs vaiueaux ronds : pour<br />
lui 5 il paffa avec le relie d'Eléonte au port des<br />
achéens. Quand il fiit.au milieu de PHeuelpont»<br />
il facrifia un taureau à Neptune & aux aèrfides*
£ T'JMTR OD UCTÏO K mm<br />
Arrivé au port à'Abyie 9 avant de deftendre<br />
de fon vaifleau , il lança un javelot fur la terre<br />
d'Afie 9 pour en prendre poiTeffion ; il defcendît<br />
le premier fur cette terre, & y dreffa fur le ri*<br />
vage des autels à Jupiter, à Minerve, & à Hercule.<br />
Il s'avança de là vers Dion ©u l'ancienne<br />
Troie 5 & il y rendit de grands honneurs à h<br />
mémoire d'Achille.<br />
D arriva enfin for les lords <strong>du</strong> Granîque, ri—<br />
- yière de Phrygk. Chemin fefant, il avoit rencontré<br />
une terre que le roi de Çerfe avoit donnée<br />
au rhodien Memnon, le plus habile fans contredit<br />
& le plus fidèle de fes Généraux : Alexandre<br />
défendit qu'on y fît le moindre dégât ; von—<br />
Jant, <strong>par</strong> cet artifice, ©u gagner un ennemi dont<br />
îl redoutoit la capacité 9 ou s'en débarraffer en le<br />
rendant fufpeft à Darius. D'fut mieux fervï <strong>par</strong> larivaHtê<br />
des autres iatrapes.. Memnon* avait été<br />
ctavis de ne point rïfquer un combat, mais de<br />
ruiner le plat pays, pour affamer F armée d* Alexandre<br />
; & pendant que l'armée ennemie fe confomeroît<br />
<strong>par</strong> la difette, de porter la guerre dans,<br />
le fein même de la Macédoine, te confeîl étoit-<br />
' fage .& falutaire : mais Arfites r fatrape de Phry-*pt,<br />
déclara qu'il ne foumiroit pas qu'on défofât<br />
ainfî les terres de- fon Gouvernement $ & Tes au-.<br />
1res fatrapes fe rangèrent de fon avis, perfuadé<br />
que Memnon ne vouloit que tirer la «terre en<br />
•longueur &fe rendre <strong>par</strong> la néceiTaîre,.Ils atten«-<br />
. dirent donc l'ennemi de pied' ferme, pour lu»<br />
difputer te paffage <strong>du</strong> Granique avec une aimée %<br />
qui, félon fe- calcul le plus probable 9 <strong>mont</strong>oit %<br />
à cent-mi'He hommes dlnfanterie & vingH&Ute. '<br />
de cavalerie
~XM ' • " P R É F A C E '<br />
Cet ap<strong>par</strong>eil formidable n'arrêta point Alexandre<br />
: il entra lui-même dans le fleuve avec<br />
Faîle droite, qu'il commandoit ; & Parmértloîi<br />
commandoit Faîle gauche. La cavalerie -pedane<br />
bordoit le rivage, Mormon avec fes fils fe<br />
trouva en tête d'Alexandre, & Fou juge Ken<br />
.qu'il fut difficile d'aborder : mais le courage <strong>du</strong><br />
roi foutenant ou fuppléant celui des macédo^niens,<br />
on aborda enfin, on repoufla les perfes f<br />
& Fon donna à toute Farmée le temps & la facilité<br />
de pafler la rivière. Alors on attaqua les<br />
ennemis de tous côtés : le roi donna «fans le<br />
plus épais de la cavalerie ennemie, ou combattoient<br />
les Généraux ; il y tua d'un coup de<br />
lance Spithridate, gendre de Darius. Rhéfaces,<br />
- frère de Spithridate, décharge alors fur la tête<br />
<strong>du</strong> roi un grand coup de hache, qui abbat le<br />
haut de fon cafque : il-fe-pré<strong>par</strong>e à lui porter<br />
un fécond coup, qui ap<strong>par</strong>emment auroit été<br />
mortel ; mais Gitus vole au fecours d'Alexandre<br />
, & d'un coup de fabre fait tomber le bras<br />
& la hache <strong>du</strong> barbare. Le péril & la bravoure<br />
<strong>du</strong> roi infpirèrent à fes troupes un courage &<br />
une ardeur extraordinaires ; &'la viûoire la plus<br />
complette en fut la récompenfe.<br />
- Alexandre perdit une trentaine de gens de<br />
pied & environ foixante & dix cavaliers, mais<br />
tous gens d'élite : cependant les perfes laiflerent<br />
fiir le champ de bataille vingt-mille hommes<br />
d'infanterie, &.deux-mille cinq-cents de cavalerie<br />
, avec un nombre aflez confidérable d ft of&ciers<br />
généraux. Arfites , qui s'étoit oppofé à<br />
l'avis de Memnon, prit la' fuite, ainft que ce<br />
fcrave capitaine j mais ren<strong>du</strong> à fou Gouv^rn*»
. ET INTRODUCTION. *xj<br />
ment , il ft tua lui-même de regret & de home<br />
tfavbir été caufe de cette défaite,<br />
- Cependant Alexandre fit faire des funérailles<br />
honorables, à ceux qu'il avoit perdm ; fit dreffer<br />
des .ftatues de bronze, faites de la main dé<br />
Lylippe , à vingt*cinq cavaliers de la garde-,,<br />
qui a voient péri-dans te combat; accorda une'<br />
exemption de toute forte de tributs & de fervices<br />
y aux pères & aux enfants des morts ; prit<br />
le plus grand foin des bleffés » qtfil vifita * & h<br />
qui il donna mille témoignages de bonté. Mais<br />
ce qui acheva de caraftérifer un prince prudent<br />
& fage y c'eft qu'en envoyant à fa mère, <strong>du</strong><br />
î>utin qu'il avoit fait fur les perfes , de la vaiffelled'or<br />
& d'argent, des tapis de pourpre, &<br />
d'autres meubles précieux, il envoya à Athènes<br />
trois-cents boucliers pour y être dépofés dans<br />
le temple de Minerve, avec cette infcription ;<br />
Alexandre , fils de Philippe, & tous les grecs ,<br />
excepté les lacèdèmoniens, ont remporté ces dépouilles<br />
fur les barbares de VAfie* Cependant il<br />
retint prifonniers les grecs qui étoient au fervice<br />
des Perfes,<br />
- Cette-viôoire éclatante eut les fiâtes les plus<br />
avantageufes. Les.zélites, dans le pays desquels<br />
s'étoit donnée la bataille , fe fournirent d'autant<br />
plus "volontiers , qu'ils n'avoient pris les armes<br />
que forcément. Sardes , qui étoit comme le<br />
boulevard des perfes <strong>du</strong> côté de la mer, ' fe<br />
rendit à Alexandre. Toutes les villes de Lydie f*<br />
de ^Phrygie, de Bithynie, & des bords de la<br />
mer, vinrent lui offrir leurs foumiiïioss. 11 pafla<br />
à Éphèfe y ^oà il rétablit le gouvernement po- .<br />
. j>ulaire». Avant, qu'il fortît de cette ville, les
.»*£ P R È P J C E<br />
habitants de Tfalles, de Magnefie, & de pïtt*<br />
lieras autres villes de Plonie, vinrent fe foumet*<br />
tre. B mar cka enfiike ver s Miïet ; cette ville » encouragée<br />
<strong>par</strong> Memnon qui ij étoit jeté avec un<br />
grand nombre des fens échapés à la défaite*<br />
& comptant d*ailleurs fiir un prompt &jpui4^<br />
tant fecoûrs , ferma fes portes & le défendit<br />
'vigoureufemeftt : mais la flotte des perfes , qui<br />
étoit venue à fon fecours y n'ayant pu engager<br />
«elle des macédoniens au combat, les affiegls y<br />
après les plus grands efforts de bravoure , furent<br />
contraints de capituler ; Alexandre les traita<br />
«humainement, & Memnon fortit avec la gat-<br />
«non.<br />
Ce fut alors que ce prince » regrettant les<br />
frais qtfexigeoit l'entretien de fa flotte & voyant<br />
bailleurs le peu futilité dont elle lui étoit, s'en '<br />
fit un prétexte pour la congédier & ne garder<br />
ET INTRODUCTION. xxïij<br />
iëfefpéraàt de Pemporter fur des ennemis Infa*<br />
ifeables & invincibles, fe retira la nuit dam<br />
tue de Co$ avec tout ce qu'il put emmener<br />
d'hommes & de butin > & en <strong>par</strong>tant il mit le<br />
feu à tous les quartiers de la ville & principalement<br />
aux arfénaux.'Alexandre s'y jeta promptentent<br />
& arrêta l'incendie.<br />
Il réactif alors la Carie f dont Halrctmaffé<br />
Itoït la capitale, à la princefle Ada, à qui elle<br />
ap<strong>par</strong>tenoit, &.que Fmjuftice appuyée des' forces<br />
de Darius lui avoit enlevée, Cette princeffe 9<br />
pour témoigner à Alexandre fa vive reconltoif»<br />
lance , lui envoyoit tous les jours des mets recherchés<br />
& des pitiflêries délicieufes, & lui<br />
donna enfin des cuifmiers & des pâtiffiers de<br />
la plus grande habileté : mais il l'en remercia »•<br />
& lui fit dire qu'il avoit reçu de Léonidas, fou<br />
puvemeur, deux cuifmiers bien meiHeufs ; que<br />
f<br />
un lui prépatoit un bon diner, & que c'étoit<br />
ïexercice qu'il fe donnoit dès avant le jour ;<br />
kxb . P~R Ê F A C Ey&ei .<br />
fefla qu'Aiexandre-Lynceftes avoit offert! Datais'ae<br />
fe défaire <strong>du</strong> roi de Macédoiàe-, &<br />
qu'il âpportoit à ce traître la r éponfe ;. que Da*<br />
tins, lui promettoit, s'il pouvoît tùef 'Alexandre f<br />
de lui donner mille talents d'or & de l'établir<br />
lui-même fur le trône de Macédoine. Ce crime<br />
étoit d'autant plus noir? qu'Alexandre lui avoit<br />
déjà fait grâce de la vie , & qu'il venok de le<br />
nommer Général de la cavalerie theffaBenne :<br />
cependant il fe contenta pour lors de le faire<br />
enfermer dans une étroite prifon, dans la crainte<br />
que fa mort* n'occafionnât quelque révolution<br />
dans la Macédoine.<br />
Le roi "<strong>par</strong>tit enfuite de Phafêle , envoya <strong>par</strong><br />
les <strong>mont</strong>agnes une <strong>par</strong>tie de fon armée, & mena<br />
lui-même le refte <strong>par</strong> un fentier étroit entre le<br />
<strong>mont</strong> Climax & la mer de Pamphylie. Il continuait<br />
de faire marcher la terreur devant lui, &<br />
de foumettre avec plus ou moins de facilité tous<br />
les Eeux ou il fe préfentoit. De fon côté Mem^<br />
non, en qui Darius mettoit-toutes fes- espérances<br />
& qu'il avoit enfin déclaré Généralilïime ,<br />
fongeoit à porter la guerre dans le fein de la<br />
Macédoine : il s'étoit em<strong>par</strong>é des polies mal<br />
gardés, & fpécialement de Lampfaque ; il avoit<br />
attaqué les îles, que. les macédoniens né pou-'<br />
voient fecourir <strong>par</strong>ce qu*ils manquoient de vaififéaux<br />
; il avoit fournis les villes- de Lesbos , &.<br />
S avoit commencé dans Méthymne le fiège de •<br />
Mitylène , lprfqù'il mourut' de la pelle y & délivra<br />
Alexandre de l'inquiétude que lui, donnoient<br />
les grandes qualités de ce fage capitaine,"<br />
QUINTE-CURCEé
QUINTE-CURCE.<br />
Tome h
QUINTI CURTII<br />
LIBER TERTIUS.<br />
I. Cêlaenaram urbe & arce receptà, primariâm<br />
Phrygia urbem Alexander ingreditnr , In qui<br />
faîakm Gordiina<strong>du</strong>m iblyitr ac deinde ©b-.<br />
yiam Dario ire ftattiit.<br />
ft Exercîtûs perfici lufiratio; de quo quurn,<br />
Darii jufTu , Charidemus, athenienus , veram<br />
•liberamque protuliflet judicium, capite mulctatus<br />
eft<br />
IIL- Pompa perfarum fegum., orto foie demum<br />
procedentium, tum copiaram Alexandri<br />
defcriptio*<br />
IV. Deiertas ab Arfane, Dam praefeclo,, Gliclse<br />
fauces Alexander opportune occupât.<br />
V* Quum in Cydnum Alexander abluendi corporis<br />
gratiâ intempeftÎTè defcendiffet, graviffimo<br />
morbo corripitar.<br />
VI. Rex à fido fapientique medico , Philippe f"<br />
cul à toto exercito ingentes gratis habentur ,<br />
priftinae valetudlni mox reftituitur.<br />
VIL Vegetior faôus, Darium aggredi cogitât;<br />
Sifmemque, perfam, imprudentlâ ddinqucntem,<br />
occidi jubet»
QUINTE-CURCE,<br />
LIVRE TROISIÈME,<br />
I, Alexandre 9 après avoir pris la ville & la citadelle<br />
de Cèlènes % entre dans la capitale de Pkrygie 9<br />
mi il défait le fatal nœud gordien, & fe refont<br />
enfuite d'aller à la rencontre de .Darius.<br />
IL Revue de Varmée des perfes; & F athénien<br />
Càaridème m ayant porté fin jugement <strong>par</strong><br />
-ordre de Darius, mais avec trop de vérité & de<br />
liberté, H en fat puni de mort.<br />
HI. Pompe des rois -de Perfe , fe mettant tn mar~<br />
che après Je lever <strong>du</strong> fokïï, & defcnptmn de<br />
r armée d'Akxandre»<br />
IV. Arfanes 9 Ikutemmt de Darius," ayant<br />
abandonné les gorges de la Cilkk, Alexandre<br />
s'en faifit à fan avantage.<br />
'Y. Alexandre , s s étant baigné à contre - temps<br />
dans k fieuve Cydnus.9 tombe dans une maUdk<br />
dangerewfe.<br />
!VI. Le roi recomre bientôt fa premkrefaute<strong>par</strong> ks^<br />
' foins de Philippe , fidek & /avant médecin, d<br />
qui toute r armée en fait de grands remer ciments»<br />
yiL-.Xe Roi, s*étant bkn rétabli9.projette 4'at-<br />
• tourner Darius ;. & il fait tuer um perfe, nommé-<br />
•Signes » coupable d'une imprudence.<br />
A ij
4 LIBER III. CAP. L<br />
VIII Darii ante pugnam confilia. Tum exercîtûs<br />
perfici confternatio, proxim* intemeclonis<br />
praefagmm.<br />
IX. Utriufque exercitûs membra & collatio.<br />
X .Alexandri oratio ad milites. •<br />
XI» Pugna craenta, in quâ centum mîllia peditum<br />
ac decem millia eqoitum perfarum occumbunt<br />
, reliquis fiifis fugatilque.( Caftris<br />
Darii & ingenti pradâ potitur Alexander.<br />
XII Matris & uxoris Darii, necnon aliarum<br />
Bôbilium captivaram^ luôum levât Alexander.<br />
XIIL Darii gazant immenfam 9 cum ingenti<br />
lîobilium .numéro, Parmeniom proditoriè tradit<br />
Damafci. praêfec^us. •<br />
I. 1 N T E R hmc Alexander 3 ad con<strong>du</strong>cen<strong>du</strong>m ex<br />
Pelopormefo mUkem Ckaâdro cum pecunid miffb,<br />
Lyciœ Pamphyliaque rébus compofitis , ad urbem<br />
Celœnm exerçitum admovit. Mediam illd tempefiate<br />
interfiuekat Marsyas l ahinis , fabuUfis gmconmcarmimbus<br />
ïndytus* Fora ejus /-
LITRE IIL CMAP.'I. 5<br />
VIII. Projets de Darius avant la bataille* Conf-<br />
• ternaûon de l'armée des Perfes quand le moment<br />
approche , préfage de fa défaite prochaine, .<br />
IX. Détails & com<strong>par</strong>aifon des deux armées,<br />
X. Difœurs d'Alexandre à fes troupes.<br />
XL Bataille fanglante, oh il demeure fur la place<br />
' cent-mille hommes d'infanterie & dix'mille de<br />
cavalerie <strong>du</strong> coté des perfes , & k refte eft ~dif<br />
perfé & mis en fuite. Alexandre fi rend maître<br />
<strong>du</strong> camp de Darius, & y fait un .grand butin.<br />
XII. Alexandre confoh la mère & Vépoufc de<br />
Darius, & les autres dames prifonmèrts.<br />
XIII. Le gouverneur de Damas livre perfidement<br />
à Parmenion les immenfes richeffes de Darius s<br />
avec un grand nombre de gens de qualité»<br />
L^sEPENDâNT Alexandre s -après avoir eaveyé<br />
Cféandre avec de forgent pour lever des troupes dans<br />
le Péloponèfe, & après avoir réglé les affaires de la'<br />
Lycie & de la Pamphyîie s fit approcher (on armée des<br />
murs de Célènes. Cett* ville alors étoit îraverfée <strong>par</strong><br />
k fleuve Marfyas, célèbre dans les poèmes fabuleux<br />
des grecs. Il prend fa fource au Commet d'une<br />
<strong>mont</strong>agne f d f où il tombe avec grand bruit fur un<br />
rocher ; prenant de là fôn cours , il arrofe les campa-*<br />
gnes voifines , toujours clair » & fans recevoir d'ailleurs<br />
d'autres eaux : ce qui, lui donnant une• couleur<br />
femblable à celle de la ster pendant le calme, a fourni<br />
matière à cette fiftion des poètes , que les nymphes-,<br />
éprifes d'amour pour îe fleuve , fétaient leur refidence<br />
fur ce rocher. Au refte, tant qu'il coule dans l'enceinte<br />
des murs f il retient fou nom ; mais hors des rem<strong>par</strong>ts,<br />
devenu plus impétueux & plus confidéîable , il reçoit<br />
le nom de Lycut. Alexandre s'intro<strong>du</strong>it dans la ville,<br />
A iij
6 LIBER 111. CAP. I.<br />
tam a fuis mirai : arcem vero 9 In quam confiigerant,<br />
oppugnare adortus,. ca<strong>du</strong>ceatorem prœmfit,<br />
qui denmnc'mret, ni dederent, ipfos uitima<br />
tffe .pajjuros* Mi ea<strong>du</strong>ceatorem in turrim 9 & fin<br />
& opère mukum edkam s per<strong>du</strong>Bum, quanta effet<br />
shitudê mtueri jubent ; ac rmncmre Alexandro , non<br />
eadem ipfum & incolas oftimatione munimenta metiri,<br />
fi fiire mexpugnabUes e][e, ad ukimum pro<br />
fide morituros. Ceterum9 ut circumfideri arcem &r<br />
vmma fibi in dies arBiora viderunt tffe ; fixaginta<br />
Sérum in<strong>du</strong>e las pa&i 9ut3<br />
nifi intra eos auxilium<br />
Darius ipfis mififfet 9 dederent urbem : pojlquam<br />
mhii inde profidii mktebatur t ad pmflmêtam dkm<br />
permifire fi regL<br />
%* Supiwttâunt demie îegaù athenîenfium, pe*<br />
tentes, ut capti apud Granicum amnem redderemur<br />
fibi : ille , non hos modo 9 fid etiam ceteros gm-<br />
€ôS refiimi fais jujfurum refpondit 9 finito per~<br />
fico btïïo. Ceterum, Darw imminens , quem non<strong>du</strong>m<br />
Euphratem fuperâfft cognovtrat 9 undique omnes<br />
copias contrahu 9 totss vkibus tanti belli diferimen<br />
aditurus. Phrygia erat9per quam <strong>du</strong>cebatur exer~<br />
chus, pluribus vicis quam mrbibus frequens : tune<br />
habebat quondam mobïïem Mîdo regiam ; Goràlum<br />
nomen eft urbi, quam Sangarius amnis interfinit 9<br />
<strong>par</strong>i intervalh pontico & cilicio mari difiantem,<br />
Inter hoc maria anguftijfimum Afio fpatium gffh<br />
•comperimus 9 utroque m arBas fauces compelknte<br />
terram : qua 9 quia continenti adkoret, fid magna<br />
ex <strong>par</strong>te c'mgitur flniiihus 9 fpeciem influa protêt ;<br />
ac9 nifi tenue dffirimen objiceret, maria qua num
LIVRE III. CHAP.-.L y<br />
que (t$ tiabitants avaient abandonnée : nuis ayant réf@în.<br />
de forcer la citadelle, où ils s'étotent retirés f il leur fait<br />
lignifier <strong>par</strong> un héraut que f s'ils ne fe rendent pas »<br />
ils feront traités avec la plus excefinre rigueur. Ceuxci<br />
con<strong>du</strong>ifeat k héraut fur une tour t fort haute tant<br />
<strong>par</strong> fa fituation que <strong>par</strong> fa âructure 9 & lui font remarquer<br />
combien elle eft élevée ; ils le chargent de déclarer<br />
à Alexandre , qu'ils jugent autrement que lui<br />
de leurs fortifications f qu'ils font affârés de ne pouvoir<br />
être forcés, & qu'au pis aller,ils mourront plutôt<br />
que de manquer à leur fidélité. Au furplus , quand ils<br />
.virent que la citadelle étoit inveftie, & que de jour<br />
en jour leur fituation empiroit, ils convinrent d'une<br />
trêve de fonçante jours » à condition de rendre la place,,,<br />
fi dans cet intervalle Darius ne leur envoyoit point<br />
de fecours : ce délai ne leur en ayant procuré aucun ,<br />
Us fe remirent au jour marqué entre les mains <strong>du</strong> ror.<br />
2. Bientôt après arrivent des amban%deurs d'Athènes f<br />
four le prier de leur remettre ceux de leurs concitoyens<br />
qui avoient été pris fur les bords <strong>du</strong> Graoique<br />
: il répondit qu'il feroit rendre & ceux-là & les-'<br />
autres grecs à leurs villes , quand il auroit terminé h<br />
guerre de Perfe. Au refte , comme- il approchoit de<br />
Darius , quoiqu'il fût bien qu'il n'avoit pas encore<br />
paffé l'Èuphrate f il affemble fes troupes de toutes<br />
<strong>par</strong>ts, réfolu à s'expofer avec toutes fes forces aux<br />
hafards d'une guerre fi importante. La Phrygie , <strong>par</strong><br />
©ù il con<strong>du</strong>ifoit fon armée, étoit plus remplie de villages<br />
que de villes : ©si y remarquoit alors le féjout<br />
anciennement fameux <strong>du</strong> Roi Midas ; c'eft une ville<br />
nommée Goriium 9 traverfée <strong>par</strong> la rivière de Sangare,f<br />
%L également diftante de la mer pontique & de celle de<br />
Cilicie. Nous obfervons que c'eft la <strong>par</strong>tie la plus étroite<br />
de l'Afie s à caufe <strong>du</strong> rapprochement des deux mers qui la<br />
îé<strong>du</strong>ifent à une Ample langue de terre : comme cette<br />
langue tient au continent f & que cependant elle eft<br />
prefque toute environnée d'eau, elle reffemble affez à<br />
me île % & fans le petit obftacle qu'elle y oppofe, les<br />
A iv
8 LIBER 111. CAP. L<br />
dividk committeret. Akxander, urbemfuamdiûo*<br />
ûem reda&d, Jovis umphm mirai. Vehiculum , qm.<br />
Gordium, Mtdm pairem, ve&um effe eonflabat,<br />
adfpexk, cuim haud fané âv'diorîèus vulgatifque<br />
Mfu abhorrent : notabife erat jugum adftriêum eompluribus<br />
nodis in femetipfos implicatis & eehmtibus<br />
nexus. Incolis dtinde affirmantibus éditant ejfe oraeuh<br />
fortem, Afia. poûturum qui mexpBcabUe vin-<br />
€uium folviffet » €upido 'metjjït anime finis ejus im* •<br />
pkndm.<br />
3# Gréa regem erat &phrygum turbd & macedû~<br />
mm, Ula exfptÊathne fufpenfa, hoc foïieita ex<br />
temerarid régis fi<strong>du</strong>cie : quippe feries vmculorum'<br />
ha adfiriBa , ut, unde nexus meiperet quoveje<br />
conderet, me radone nec -vifu pereipi poffht, fily<br />
ère aggrtffo injecerat euram ne m omen verteretur<br />
irritum inceptum. Itte, nequaquam dm hBatus.<br />
eum latenûbus nodis , Nihil, inquit , intereft quomodo<br />
folvantur ; ghdîcque ruptis omnibus bris ,<br />
êmadi fortem vil elufit vel implevit. Quum deindt<br />
Darium, ubicumque effet, oecu<strong>par</strong>e ftatuiffet ; ut à<br />
ttrgo tuta relinqueret, Amphoterum claffiad oram<br />
MeUefponù , copiis autem pmfecit Hegelocum,<br />
Lesbum9 & Chium, & Cou prafidiis hoflium liberaturos.<br />
His tdtnta ad belîi ufum qumgenta aêiributa;<br />
adAntipatrum & eos qui gmcas urbes tue*<br />
bantur, fexcenta miffa ; ex fœdere naves fociis imperaia,<br />
qum MeUefponto pmfiderent : nondttm enm-<br />
Memnonem vitd excefffft cognoverat, m quem
LIVRE 111. CM A p. 1. 9<br />
deux mers", aujeurdhuî ré<strong>par</strong>ées, fe réuniroient. Aielexandre<br />
9 après avoir ré<strong>du</strong>it cette ville fous fon ©béifn<br />
fance , entra dans le temple de Jupiter. 11 y confidéra<br />
le chariot, que Fon favoit avoir été celui de Gordius ,<br />
père de Midas, & qui ne différoit <strong>par</strong> aucun ornement<br />
des chariots les plus Amples & les plus communs : on<br />
y remarquoit le joug, qui étoit attaché <strong>par</strong> plufieurs<br />
nœuds entrelacés les uns dans les autres & dont l'en»<br />
chainure fe-déroboit aux iëux.'Les habitants ayant enfuite<br />
aflfôfé , qu'un oracle avoit promis l'empire de<br />
FAfie à celui qui .yiendroit à .bout de .défaire cet enlacement<br />
inconcevable , il lui prit envie ' de remplir<br />
cette deftinée.<br />
3. Il y avoit autour <strong>du</strong> roi un grand nombre de phrygiens<br />
& de macédoniens, les uns attendant Févène-ment<br />
avec incertitude, les autres inquiets de Faudace<br />
préfomptueufe <strong>du</strong> roi : en effet les liens étant û ferrés,<br />
qu'on ne pouvoit ni imaginer ni voir ou commençoient<br />
ni où finiffoient les nœuds ,' cette complication , quand<br />
il eut effayé de les défaire, lui lit craindre à lui-même<br />
qu'on ne tirât un mauvais préfage de l'inutilité de fa<br />
tentative. Mais fans perdre le temps- â chercher le fecret<br />
"de ces nœuds , N'importe y dît—il, de quelle manière<br />
on ks défaffe ; & tranchant toutes les couroies<br />
avec Tépée , il éluda ou accomplit le fèns de Fonde.<br />
Après cela , comme il étoit réfolu à chercher<br />
Darius en quelque endroit qu'il fût ; voulant affûrer<br />
les derrières , il donna à Amphotère le commande*<br />
ment de la flotte qui étoit fur FHellefpont t &. à<br />
Hégéloque celui des troupes s avec ordre de chaffer<br />
les garnifons ennemies des Iles de Lesbos , de Chio %<br />
& de Cos. Il leur affîgna cinq-cents talents pout<br />
les frais de cette expédition ; il en envoya.fix-cents à<br />
Antipater & à ceux qui étoient chargés de la défenfe<br />
des villes grèques ; il exigea des alliés, fuivant leur<br />
traité , des vaiffeaux pour croifer fur FHellefpont :<br />
car il n'avoit encore rien appris de la mort de Memaon<br />
, le feul qui lui caufàt de l'inquiétude , fâchant très*<br />
A Y
io LIBER I1L CAP. IL<br />
omms manderai curas , fatis gnarus- eunBa m txp§*<br />
dko forefemkîl ab eo m&veremr, Jamque ad urîtm<br />
Ancyram venmm trot, ubi numéro copiarum mko9<br />
Paphlagoniam mirai ; huic jun&i erant heneû9<br />
unde quidam vemetos trahtre origmem cre<strong>du</strong>nL<br />
Omnijque fmc regw <strong>par</strong>iât régi ; dotifque obfid'eus<br />
, tr'éuium , quod ne perfis quidem tulijfent »<br />
pendere ne eogerentur impetroverunt. Calas km<br />
regmni pmpofitus eft ; ipfe , affumpûs qui ex Ma*<br />
€edowa nuper advemrani , Çappadoùam petOt*<br />
M. AT Darius, mmtiaiâMemmms morie Aamt<br />
* ficus quam<strong>par</strong> erat motus, omîjfâ omm aliâfpe *<br />
flatuit ipfe decemere ; quippe qum per <strong>du</strong>ces Jitos<br />
aBa erant cunBa damnabat » ratus phribus euram-,<br />
omnibus abfuiffe fortunam. Igitur caftris ai<br />
Babyïonem pofitis , quo majore animo capefferent<br />
BeUum, univerfas vires m confpeËum dédit ; &<br />
-àrcumdato vatlo quod decem m'dUum armatorum<br />
multitudinem eaperet, Xerxis exemph 9 numerum<br />
eopiarum iniit : orto Joli ad mikm agmrns, Jîcut<br />
deferipta erant , mtravire vaUum ; imde occupave*<br />
runt emiffa Mefopotamm campos , equitum pedh<br />
tumqm propemo<strong>du</strong>m mmtmerab'<strong>du</strong> turba , maprem<br />
quam pro numéro fpeckm gerens. Perfarum erant<br />
€entum m'dlia, in quh eques triginta miUia impielot<br />
: medi decem equitum t quinquaginta miïïia pedimm<br />
habebant : barcanorum equitum <strong>du</strong>o milita fuêre ,<br />
armiti bipemâbus levibufque feutis eetra maxime<br />
fpeckm reddent'éus ; pedimm decem miUia <strong>par</strong>i<br />
armaturâ fequebantur : armenii quadraginta miUia<br />
" Qrantpedmsm, additis feptem jmMbrn equhumz
LIVRE lit CMAP.I1. H<br />
bien que tout lui ferolt aifé* fi ce capitaine ne lui préfentoit<br />
point d'obftacie. Déjà il s'étoit avancé jufqu'4<br />
la ¥iiîe d'Ancyre, où ayant fait la revue de fes trou*<br />
pes t il entra dans la Paphiagonie ; elle étoit liée avec<br />
les hénetes, de qui quelques-uns croient que les vénèîes<br />
( ou vénitiens) tirent leur origine. Tout ce pays<br />
fe fournit au roi ; & , en donnant des otages > il obtint<br />
l'exemption de tout tribut, vu qu'il n'en avoit<br />
pas même payé aux perfes, Alexandre en donna le<br />
gouvernement à Calas ; & lui-même emmenant les<br />
troupes nouvellement arrivées de la Macédoine , il<br />
tourna vers la Cappadoce,<br />
II, CEPENDANT Darius, touchéjcomme il convenoit<br />
en apprenant la mort de Memnon > ne fit plus fond<br />
que "fur lui-même , & réfolut de faire la guerre ea<br />
perfonne ; car il étoit mécontent de tout ce qu'avoieat<br />
Ciit fes Généraux, ayant dans l'efprit que la plu<strong>par</strong>t<br />
avoient été négligents, & que toutf avoientété malheureux.<br />
Ayant donc campé près ' de Babylone s afin d'in£»<br />
pirer à fes troupes plus d'ardeur pour cette guerre , il<br />
mit toutes fes forces en évidence ; & après avoir retranché<br />
, à l'exemple de Xerxès, un efpace capable<br />
de contenir dix-mille hommes en bataille » il fit le dénombrement<br />
de fes troupes : depuis le lever <strong>du</strong> foleît<br />
jufqu'à la nuit, elles filèrent <strong>par</strong> cette enceinte félon<br />
leur rang d'ancienneté- ; elles paffèrent de là dans les<br />
plaines de la Méfopotamie, & cette multitude prefque<br />
innombrable de cavalerie & d'infanterie <strong>par</strong>ut encore<br />
plus grande qu'elle n'étoit en effet. Il y avoit cent-mille<br />
perfes , dont trente-mille chevaux : les mèdes avoient<br />
dix-mille cavaliers , & cinquante-mille hommes d'infanterie<br />
: deux-mille cavaliers barcaniens étoient armés<br />
de haches à deux tranchants & de boucliers légers<br />
très-approchants des rondaches j ils étoient fuivis de dixmille<br />
fantaffms armés de même : les arméniens .avoient<br />
envoyé quarante-mille hommes d'infanterie & fept-mille<br />
de cavalerie : les hircaniens , diftingués <strong>par</strong> leur bravoure<br />
entre toutes ces nations, avoient fourni un<br />
A VJ
12 LIBER 111. CAP. IL<br />
hireani, egregii mïnterïïlasgentes, fex mMBa explcverant<br />
equis m'dkatura : derbices quadragmtd<br />
milita peditum armaverant ; pluribus harebant ferm<br />
pmfixœ ha fia , quidam lignum ignî <strong>du</strong>raverant ;<br />
hos quoque <strong>du</strong>o millia equitum ex eâdem gentt comiîata<br />
fum : à cafpio mari 0Ë0 millium pedefer<br />
exercitus venerat, <strong>du</strong>centi équités cum hîs erant :<br />
m ignobiles alhz gentes <strong>du</strong>o millia peditum , equitum<br />
<strong>du</strong>plicem <strong>par</strong>averant numerum* His copiïs trifeinta<br />
millia gracorum mercede con<strong>du</strong>ëa , egregia<br />
juventutis , adjeêafunt : nom ba&r"umos9 & figdm*<br />
nos , & indos, ceterafque rubri maris accolas 9<br />
•ignota etiam ipfi gent'mm nomina , feftmatia pro-<br />
Mbebat accirL<br />
5. Nec quidquam illi minus quam multitude<br />
militum défiât : cujus tum univerfz adfpeBu admo*<br />
<strong>du</strong>m lotus , purpuratis folitd vamtate fpem • ejus<br />
mftantibus, converfus ad Charidemum, athenknfem<br />
belli peritum, & ob exilium infefium Alexanr<br />
dro ( quippe Athaûs jubente eo fuerat expulfus )f<br />
'percontari cœpit, fatifm ei videremr inftruBus ad<br />
obteren<strong>du</strong>m hoftem. At ille 9 & fua fortis & regm<br />
fupêrbim oblitus 3 Veram , inquit, & tu foriaii<br />
audire nolis ; & ego, nifi raine dixero, aliàs<br />
•nequidquam eonfîtebor. Hic tanti ap<strong>par</strong>atûs exer*<br />
citus, hsec tôt gentitim & totius Orientis excita<br />
fedibus luis moles , flnitimis poteft effe terri-<br />
Mis ; nitet purpura auroque , fulget armis &<br />
. opulentià , quantam qui oculis non fiibjecêre<br />
animis concipere non poffunt. Sed macedonum<br />
*acies, torva fané & inculta, clypeis haflifque<br />
immobiles cuneos & conferta robora viroram<br />
tegit : ipùPhalangem vocant peditum Habile agmen;<br />
vir yiro, armis arma coiucrta fujitj ad nutuia
LITRE III. CHAP. IL if<br />
cotps complet de fis-mille cavaliers : les derblees a¥©lent<br />
tais fur pied quarante- mille fantaflîns f la plu<strong>par</strong>t armés<br />
de piques a¥ec des pointes de fer , quelques-uns de<br />
bâtons dards au feu ; BL ils étoient accompagnés de<br />
deux-mille ca¥aliers de la même nation : huit-mille<br />
hommes d'infanterie & deux-cents chevaux étoient venus<br />
des bords de la mer cafplenne : ils étoient accompagnés<br />
de deux mille fantaflîns & <strong>du</strong> double de cavaliers<br />
, fournis <strong>par</strong> les autres peuples moins confidérables.<br />
On avoit ajouté à'ces troupes trente-mille grecs<br />
Coudoyés f tous jeunes gens d'élite : car pour les bactriens<br />
, les fogdiens , les indiens, & les autres peuples<br />
qui habitent les bords de la mer rouge , & dont<br />
les noms étoient inconnus à Darius même , il fut fi<br />
preffé qu'il ne put les convoquer.<br />
5. Effectivement ce qui lui manquoit le moins , côtoient<br />
les hommes : auffi la vue de cette multitude le<br />
comblant alors de joie , & fes courtifans enflant fes<br />
efpérances <strong>par</strong> les vains propos que l'a<strong>du</strong>lation avoFfc<br />
coutume de leur fuggérer, il fe tourna ¥ers l'athénien<br />
Charidème , homme expérimenté dans la guerre , 8fc<br />
ennemi juré d'Alexandre pour avoir été banni d'Athènes<br />
<strong>par</strong> fon commandement > & lui demanda , s'il lui<br />
<strong>par</strong>oiffoit affez en force pour écrafe.r fon ennemi.<br />
Charidème , oubliant & fa lituation & l'orgueil <strong>du</strong><br />
trône , lui répondit : Peut-être n f aimere\ - vous pas à<br />
entendre la vérité; & toutefois, fi je me la dis aujourdhui,9<br />
vainement la dirai-je dans un autre temps» Cette armée<br />
d*unfi grand ap<strong>par</strong>eil, cet' amas de tant de nations que<br />
vous ave\ tirées de tous les coins de V Orient, peut iée<br />
formidable pour vos voifins ; la pourpre $ For, l'éclat<br />
des armes , tout y annonce une opulence , qu'on ne/au»<br />
mit imaginer fi on ne l'avoit vue. Mail l*armée des ma~<br />
cédoniem , véritablement affreufe à voir & fans aucune<br />
<strong>par</strong>ure » ne fait que couvrir de boucliers & de piques fis<br />
bataillons inébranlables & fes forces réunies : ils donnent<br />
h nom de Phalange' â un corps d'infanterie qui combat<br />
de pied ferme; les hommes y font ferrés, les armes éêtltt
14 LIBER 111 CAP. 11L<br />
moeentis intemi * feqai figna 9 ©rdines ferrare dicfr<br />
€ere ; quodimperatur, omnes exaudiunr, obfiftere^<br />
circumire, difcurrere in coraua , ntutare pugnam 9<br />
non <strong>du</strong>ces magis quam milites callent : & ne aori<br />
argentiqoe ftudio teneri putes, adhuciËa difciplina<br />
paupertate magiftrâ ftetit ; fatigatis humus<br />
cubile eft ; cibus quem occupant fatiat ; tempora<br />
fomni arcliora quam no£Hs funt. Jam theflali<br />
équités, & acaraanes, aetolique 9 inviâa belle*<br />
manus, fondis f credo ,.& hafKs igné <strong>du</strong>ratis repellentur<br />
? Pari robore opus eft ; in illâ terra<br />
quae hos genuit auxilia quaerenda fimt ': argentum<br />
iftud atque aurum ad con<strong>du</strong>cen<strong>du</strong>m miHtem mitte.<br />
JErat Dario mite se traBabik ingenium, nifi<br />
fuarn naturam plerumque fortuna corrumpereL Itaque<br />
veritaûs impatiens 5 hofpkem ac fupjplicem ,<br />
tune maxime utuia fuadentem, abftrahi juffit ad<br />
capitale fupplicium* Mie 9 ne tum quïdem libertatu<br />
oblïtus , Habeo , ïnquit, <strong>par</strong>atum mortis meae<br />
ultorem ; expetet peenas mei confilii fpreti is<br />
ipfe contra quem tibi ïùafL Tu quidem, licentiâ<br />
regni tam fiibito mutatus 9 documentum eris<br />
pofteris , àomines , quum fe permifere fortuna,<br />
etiam naturam' dedifeere. Mme vocifirantem<br />
, quitus trat imperatum jugulant. Sera deinde<br />
pmnitentia fubiit regem ; ac ver a dixijfe conftjfus 9<br />
tum fepelirijuJiL<br />
HI. Thymodes erat MenionsfiBus9 impigerjuvenis,<br />
€uipmeeptum ejia rege, utom.àesperegrinos milites,<br />
imquîs phrimum habebat.fpei $ a Pharnabafo âccifret,<br />
opéra corum ufums in bcllo ; ipfe Phartw*.
'LIFMB UL CM A p.-III. iy<br />
Ils fim kérijfés tm rendent impénétrables ; attentifs êm<br />
moindre fignt de km €kef9 ils ont apris à fiivrt leurs<br />
enfdgnes , à garder leurs rangs ; tous obéijfeni au c 0»smanâemem<br />
; foire face à l'ennemi y l'enveloper , fi por*<br />
ter fur lu mîtes $ changer l'ordre de bataille, capitaines<br />
S^fiMau l'entendent tous également : & ne croye\ pas<br />
que F amour de for & de l'argent hs faffe agirt puifque,<br />
€*efiauM leçons de.la pauvreté qu'ils doivent jufqu'à ce<br />
jour h maintien de cette difcipUne ; leur lit de repos eft<br />
la terre j ils fi contentent de ce qu'ils trouvent pour nmr~<br />
riture ; leurjbmmeil ne <strong>du</strong>re jamais toute la muà* Eh Men.l<br />
la cavalerie invincible des theJfaUem, des acarnaniens, des<br />
étoUens t la repoujfera-t.on avec des frondes & avec de<br />
fimpUs bâtons <strong>du</strong>rcis au feu? je n f en crois rien. C'efi è<br />
forces égales qu'il faut les combattre ; c'efi dans leur pays<br />
qu'il faut chercher'de* ficours : envoye\~y eetor'& cet argent<br />
pour y enrêler des filâats. Darius étolt né avec un caractère<br />
doux & flexible, fi la forrane, comme c'eft l'ordinaire,<br />
n'avoit pas chez, lui perverti la nature* Me pouvant,<br />
donc fouftrir la vérité y il condamna à la mort un<br />
homme à qui il,avoit accordé l'hofpitaltté % fftil la lai<br />
avoit demandée s & qui lui donnoit alors des avis utiles.<br />
Celui-ci , confervant encore dans ce moment toute le liberté<br />
t Tai, dit-il, un vengeur mut priti vous fire\ puni<br />
d'avoir méprifé mon confeil <strong>par</strong> celui mime contre qui je<br />
vous l'ai donné» Et vous , que l'abus <strong>du</strong> pouvoir fuprême<br />
afifubitement changé, vous <strong>mont</strong>rere\<strong>par</strong> votre exemple à<br />
Impoftirhé , que» quand une fois les hommes fe font laiffi<br />
aller au gré de h fortune, ils perdent de vie les ftntimtnts<br />
mêmes de la natureJTznÂWt qu'il <strong>par</strong>lait alnfî à Haute voix ,<br />
ceux qui en avoient reçu l'ordre le tuèrent. Le roi s'en<br />
repentit dans la fuite lorsqu'il n'était plus temps ; ÔC<br />
ayant reconnu la vérité de Ces avis » il lui fit rendre les<br />
honneurs de la fépulture.<br />
11L Thy modes, fils de Mentor, était un Jeune homme<br />
aftif, qui eut ordre <strong>du</strong> rot de recevoir des mains ie<br />
PhamaJiafe tousies foldaîs étrangers t es qui il avoit<br />
la plus grande confiance » ^ & 4e les employer dan*
\6 LIMER III.'CAP. lit. .<br />
bafo ' r traditlmperlum f quod ante ^Memnoni dederaK<br />
Aûxium de inftantibus curis , agitaiam etiam pet<br />
'fomnium fpecies imminentium rerum, five Mas œgri~<br />
tudo9five divmatio animi pmfagientis dcctrfiu Caftm<br />
Aiexandri magno ignîs fidgore coUucere ei vifa.<br />
funt ; & pauio poft AUxander ad<strong>du</strong>clad ipfum %<br />
eoveft'u habitu quo ipfe fidffit.; tqm âeinde pet<br />
Babyhnem ve&us 9 fubiio cum ipfa equo ocuUfeffe<br />
•fub<strong>du</strong>Bus. Ad hmc vates varia interprétation* curam<br />
diftrinxeram. Alii iatum id régi fomnium effè éice*<br />
haut, quod caftra hoftium arfejfent, quodAkxandrum<br />
, depofîtâ regia vtfte, m perfico & vulgari<br />
habitu per<strong>du</strong>Bum effe viaiffeu Quidam contra augurabantur,<br />
quippe illuftria macedonum caftra vif A<br />
fidgorem Akxandro portendere ; quem regnumAfia<br />
, occupaturum effe haud ambigere, qwoniam in eodem<br />
habitu Darius fidffit quum appellatus eft rex. Fêtera<br />
quoque omina, ut fit » foUicitudo revocavemti<br />
Darium enim , inprimipio imperii, vaginam aci~<br />
nacis 'perficam jujfiffe mutari m eam formam quâ<br />
gracî uterentur ; protinufque chaldaos interpretatos 9<br />
Imperium perfarum ad eos tranfiturum quorum arma<br />
effet imitants. Ceterumipfe , & vatum refponfo quoi<br />
edebaturin vuigus , & fpecie qiue pèr Jbmnuni oblata<br />
erat admo<strong>du</strong>m iatus, caftra ad Euphratem movtvï<br />
jubet.<br />
7. Patrio more perfarum tradkum eft, orto Sole<br />
demum pmcedere : die jam Muftri $.figmim t $dber~<br />
nacuh régis buccinâ dabatur; Juper tabermatktm,<br />
mde ab ommbus confpictpojfet, imago Soiis cryf.
LIVRE III. CM A P. III. 17<br />
cette guerre ; & Phâmabafe eut îe commandement qui<br />
au<strong>par</strong>avant avoit été donné à Memnon. Accablé de.<br />
foins importants f Darius éîoit encore tourmenté en<br />
dormant <strong>par</strong> les images des événements prochains , foit<br />
que fes Congés fuffent l'effet'des peines de fon efprit »<br />
foit qu'ils Tinflent de quelque preffentiment de fon<br />
malheur. 11 lui fembla qu*ii voyok îe camp d'Alexandre<br />
tout éclatant de feu ; que bientôt après on le lui ame- •<br />
noit fous le'même habillement qu'il avoit porté luimême<br />
; & qu'après s'être promené à cheval dans Babylo**<br />
ne , Alexandre & fon cheval avoient dif<strong>par</strong>u tout à coup..<br />
Sur cela les devins donnèrent différentes, interpréta*,<br />
tions f qui îe jetèrent dans la perplexité. Les uns difoient,<br />
qu'il étoit de bon augure pour le roi t d'avoir vu le<br />
camp ennemi tout en feu , & Alexandre , dépouillé<br />
ée fes habits royaux t amené devant lui fous le vête*<br />
tement «Ton fîmpîe perfe. Quelques-uns au contraire<br />
annonçaient , que l'éclat qu'il avoit vu dans le camp<br />
des macédoniens préfageok celui des fuccès d'Alexandre<br />
; qu'il fe. f endroit maître fans doute de Fem~pire<br />
de l'ÂÎne 9 puisqu'il avoit <strong>par</strong>u habillé comme l'étoit<br />
Darius quand il fut falué roi. L'inquiétude , comme,<br />
c'eft Fordinaire , avoit encore réveillé îe fouveniç<br />
d'anciens préfages : on fe rappeloit que Darius > au<br />
commencement de fon règne, avoit changé la forme<br />
perfîenne <strong>du</strong> fourreau de fon cimeterre pour pren*<br />
dre la mode des grecs; & qu'auffitôt les cïsaîdéens.<br />
tn avoient con<strong>du</strong>, que l'Empire des perfes pafferoit à<br />
ceux fur les armes defquels il avoit modelé les fiennesi<br />
Du relie le roi, également fatisfait , & de l'interprétation<br />
des devins que l'on avoit répan<strong>du</strong>e dans le pu-<br />
Mie , & de la vifion qu'il avoit eue en fonge f fit marcher<br />
vers rEuphrate.<br />
y. C'étoit un ufage national chez les perfes , de ne<br />
fe mettre en marche qu'après le lever <strong>du</strong> Soleil : le'<br />
jour étant déjà grand , la trompette donnoït le lignai<br />
de la tente <strong>du</strong> roi 1 au haut de cette tente > pour être<br />
à la portée de tous les îmx 9 brilloît l'image <strong>du</strong> Soleil-
18 LIBER III. CAP. III.<br />
îaih ïnclufa fidgebau Ordo autêm agmms erat ialk*<br />
Ignis, quem if fi faerum & atemum vocaham , ar»<br />
genteis altarâus pmferebatur : magi proximi patrium<br />
carmen canebant : mages êrecemi & fexo*><br />
ginta quinque juvtnes fequebantur $ pumceis amiculis<br />
velati , diebus tonus anni <strong>par</strong>es numéro / qtâppe<br />
perfis quoque in totidem dits defcriptus eft amws»<br />
Currum de'mde Jovi facraîum albentes vehebant<br />
equi ; kos eximimmagnitudinis equus , quem Solis<br />
appeUabant , fequebatur : aureœ, virga & aBm vefîes<br />
régentes equos adornabanu Hayd procul eranê<br />
véhicula deeem , muko auro argenmque ctdata* Sequebatur<br />
hac equiiatus iuodecim gemium variis<br />
armis & moribus : proximi ibant quos perfit Immortales<br />
vacant, ad decem miMia ; adtus .opulentim<br />
barbam non dios magis honeftabaî ; illi<br />
aureos torques s Mi vtflem auro diftinëam habeèant,<br />
mankatafque tumcas r gemmis etiam adorna*<br />
tas. Exiguë intervallo9 quos Cognatos régis appelions,<br />
decem & quinque mïïïia hominum ; fmc<br />
vero turba, muliebriterpropemo<strong>du</strong>m ctâta x iuxu magis<br />
quam decoris armis confpicm erat. Doryphori<br />
* vocabantur proximum his agmen, filiti<br />
vefiem excipere regaiem ;. ai currum régis omettant,<br />
quo ipje eminens- vehebatun Utrumque cwnrûs latus<br />
deorum fimuiacra ex auro argenmque expreffa déco*<br />
rabane r diftinguebant internitentes gemmm jugum ,<br />
ex qua embubant <strong>du</strong>o aurea fimuiacra cubitaUa *<br />
quorum alterum Nini 9 alterum Bell gerebat effigiem;<br />
inter kmc auream aquilsm pbrnas ixtendtnti<br />
fimilem facraveranî»<br />
^'Dorjpttort, Deryph&ms* Cemotfigaifie littéraîe-
LIVRE 111. CHAP. 111. 19<br />
cnchaffée rfans <strong>du</strong> cryftal. Or voici dans quel ordre ils<br />
marchoient. Le feu r qu'ils appeîoîeni étemel & facré„<br />
étoit porté à la tête de l'armée fur des autels d'argent r<br />
des mages étoient derrière , chantant des hjmnes à<br />
la façon <strong>du</strong> pays : ils étoient fuivis <strong>par</strong> trois-cents faisante<br />
cinq^ jeunes hommes revêtus de manteaux de<br />
pourpre, pour égaler le nombre êes jours de fannée<br />
; car les perfes donnent aufli à leur année ce nombre<br />
de jours. Un. char confacré à Jupiter Yenoit enfuit!<br />
, tiré <strong>par</strong> des chevaux blancs-;, puis un courtier<br />
d'une grandeur extraordinaire y qu'ils appelotent le cheval<br />
<strong>du</strong> Soleil : des houffines d'or & des habits blancs<br />
étoient k <strong>par</strong>ère des con<strong>du</strong>ûeuxs des chevaux* Non<br />
loin de là rouloient dix chariots richement lacrullés<br />
d'or & d'argent. Après cela marchoit un corps de cavalerie<br />
, compofé de douze nations différentes d'armés<br />
& de mœurs : elle étoit fui vie de ceux que les perfes<br />
appellent Immortels y au nombre de dix-mille ; c'étaient<br />
les plus fomptueux des barbares ;, ils portaient des coliers<br />
d'or , des. robes éclatantes de dorures f, & des><br />
tuniques ' à manches , ornées même de pierreries* A<br />
peu de diftance <strong>par</strong>esibieat , au nombre de quinzeaille<br />
% ceux qu'on nomme les Coufim au roi ; troupe<br />
dont k <strong>par</strong>ure approchoit de celle des femmes > &<br />
plus remarquable <strong>par</strong> la fomptuofité que <strong>par</strong> l'éclat des<br />
armes. Us étoient fuivis immédiatement <strong>par</strong> ceux qu'on<br />
appeloit D&ryphores, chargés, ordinairement<strong>du</strong> manteau<br />
royal ; ils précédoient le char fur lequel le r#i étoit<br />
élevé. Les deux côtés de ce char étoient ornés d'images<br />
des dieux en or & en argent : des pierreries éclataient<br />
fur le joug, d'où s'èïevoient deux ftatues d'or<br />
hautes d'une coudée , Tune repréfentant Mirais f &<br />
l'autre Bélus j entre deux était une aigle d'or éployée,<br />
confacrée <strong>par</strong> la religion.<br />
ment Pertefamees ; il vient de ASfU (Mtfis) & de $éfm
20 LIBER 111. CAP. III.<br />
8. Ctdttss régis inter omnia luxurïâ notabatur ;<br />
purpurem tmûcœ médium album intextum erat ; pal~<br />
lam, aura difiinËam , aurei accipitres, vtlut roflris<br />
inter fe corruerent, adornabant ; & [ond aured<br />
muliebriter cinBus acinaccm fufptnderat, cui ex<br />
gemma erat vagma : Cidarim perfiz regium capitis<br />
vocabant infigne, hoc candea fafcia aibo diflinBa<br />
circumibat, Currum decem millm haftatorum fequc»<br />
bantur ; haftas argento exomaias, fpkuh aura<br />
pmftxa geftabant. Dextrd btvdqtu regem <strong>du</strong>cenû<br />
ferme nobUiffimi propinquorum comitabantun Horûm<br />
• agmen claudebatur triginta millibus peditum ,<br />
quos eqm régis quadringenti fequebantur. Intervallo<br />
deinde unius fladii **, matrem .Darii Syfigambim<br />
currus vehebat ; & in alio erat conjux : turba fiminarum<br />
reginas comitanûum equis veBabatur. Qurn-<br />
. dtcim inde, quas Armamaxas appellant, fequebaniur<br />
; in his erant liberi régis & qui e<strong>du</strong>cabant eos 9<br />
fpadonumque grex , haud fane Mis gentibus vitis*-<br />
Tum regia peuices trtcemm fexaginta vekekantmr,<br />
& ipfm regali cultu omatuque; pûft quas pecmûam<br />
régis fixcenû muli&treeenti cameli vekebant, pra*<br />
fidio fagktarwmm profequente. Propinquorum ami"<br />
corumque conjuges faùc agmini proximm , lixarum-<br />
' que & calormm grèges vehebantttr. Ultimi erant cum<br />
fuis qui/que <strong>du</strong>cibus qui cogèrent agmen, leviter<br />
armâtL Contra fi quis acum macedonum mtueretur+<br />
dif<strong>par</strong> acies erat; equis virifque non auro, non dif<br />
, colori vefit, fedferro aêque an fidgentibus : agmm<br />
** 11 refaite des Mémoires far les marches d'Alexandre<br />
, que Q. Curce doit avoir fui vis , que te fiait<br />
s'évalue à 54 de nos toifes ou à 324 pieds. Voyez!*<br />
Tmltê <strong>du</strong> mtfum hmêrahru de M. d*Anville 1 (pag. §4. )
LIVRE IIL.CMAP. 111. %i<br />
8. La <strong>par</strong>ure <strong>du</strong> roi furpaffoit tout le refte -en magnificence<br />
: fa tunique de pourpre étoit rayée de blanc<br />
- au milieu ; fon manteau , broché .d'or # étoit enrichi<br />
iPéperviers d'or qui fembîoient s'attaquer à coups de<br />
bec ; il portoit, à la manière des femmes, une ceinture<br />
d'or , d'oâ pendoit fon cimeterre dans un fourfeau<br />
fait d'une pierre précieufe : les perfes appeloiest<br />
Cidaris l'ornement--de fête qui diftinguoit le toi, c'étoit<br />
une thiare ceinte d'un diadème bleu mêlé de blanc.<br />
Le char étoit fuivi de dix-mille piquiers ; leurs piques<br />
étoient enrichies d'argent f & garnies de pointes d'or*<br />
A droite & à gauche le roi étoit accompagné <strong>par</strong><br />
environ deux-cents de fes <strong>par</strong>ents les plus diJÏingués.<br />
Cette efcorte étoit terminée <strong>par</strong> trente-mille hommes<br />
ek pied y qui étoient failli <strong>par</strong> les chevaux <strong>du</strong> roi au<br />
nombre de quatre-cents. A la diftance d'us ftide, ve-<br />
«oit enfui te, fur un chary Syfîgambis y mère de Darius ;<br />
& fur un autre , .fon époufe : les femmes attachées<br />
aux reines étoient 'à cheval. Elles étoient fuivies de<br />
quinze chariots ou litières , que les perfes appellent<br />
Armamaxes s où étoient les enfants <strong>du</strong> roi avec<br />
leurs instituteurs , & une troupe Jd'eunuques , efpèce<br />
d'hommes que ces peuples font fort loin de méprifer.<br />
Puis fuiraient fur des chats les concubines <strong>du</strong> roi, au<br />
nombre et. trois-cents fixante, vêtues fiûptrées comme<br />
des ternes.; & derrière elles le tréfor <strong>du</strong> mi étoit<br />
porté pur -fix-ceats mulets & trois-cents chameaux »<br />
fous une,, efcorte dWchers. Sur leurs pas venbient les.<br />
femmes des <strong>par</strong>ents & des minières <strong>du</strong> roi , & les •<br />
différents corps de goujats & gens de bagages s tous<br />
<strong>mont</strong>és fur des voitures. La marche étoit fermée <strong>par</strong><br />
des compagnies armées à la légère , ayant chacune,<br />
leurs chefs f pour empêcher qu*on ne s'écartât. SI<br />
au contraire on jetôit' les ieux fur' l'armée des macédoniens<br />
, l'ordre -en étoit bien différent ; les che-.<br />
vaux. & les hommes y brilioient, '-non <strong>par</strong> for ou <strong>par</strong>,<br />
les dtrarfes couleurs des habillements $ mais -<strong>par</strong> l'éclat t<br />
ûu fer & de l'airain : c'était us corps également prêt
%t LIBER HL-CâP* IF.<br />
& flart <strong>par</strong>atum & fequi, née turbâ net Jarcbûs<br />
pragrave ; intentum ad <strong>du</strong>eis, non fignum modo9<br />
fed etiam nutum : & caftris iocus 9 & exereitm<br />
commeatus JuppetébanL Ergo Alexandro m acit<br />
miles non defmt : Darius § tantôt multttttdinis rex n<br />
hci in quo pugnavk angufliis redaOus ejt ad pam<br />
skatem .quam m hoflt conumgfçrau •<br />
TV. IntmaÂkxmier$'AblflamneCappadocié*<br />
•frœpofito, Cilkiam petens mm omnibuscopm;, regio-<br />
Mem qum Cafea Cyri apptllatmr pérvenerat ; \ftaùva<br />
ibi habuerai Cyrus, quum adverfum -Crœfum<br />
in Lydiam <strong>du</strong>ctrtt ). Abtrat ed'regio quinquaginm<br />
fladmab'aditu quo Cilkiamintramus; Pyîas incola<br />
dicunt ar&Jfunas fouets 9 mmûmtnta qum manu<br />
pommas naturaB fim mitante. Igkur Arfams.s qui<br />
Ciîicm pmerat* repumns qmdinkw beUi Mtmmn<br />
Juafiffet, qu&ndam, fœhére confiUmi ' fem ' txjeqm<br />
flatuit : "imi fermqm Cilkiam mftat, : ut hofttfol*tudinem<br />
faeiat ; • qmdquïd ufid "efl* poteft "Mmànpit$<br />
fterile ae mi<strong>du</strong>m folum, quod ttiéri neqmbât, '<br />
reliêurus. Sed longé utilius fiât onguflios adhih<br />
qui Cilkiam aperhvalido occupaTepmfidiô9)ugumque<br />
kineri immmens opportune obtinere, unie imdtus<br />
fubeuntem aut proKêere mit opptimerc hojlem,<br />
pomi£ht* Mme pancis 9qui / caUUms pmfdtrew*<br />
reli&is ,.retm ipfe cmcijjfc* popuïatm terra quam,àpopulatlombus<br />
mndkarè debuemt* Ergo quireBêBtram,<br />
prodkos fe rati, ne'cènfpeihimqmdem-imiis<br />
fuflmtre volutrunts quum velpamiores loeum dit-
LèVRE III. CM A p. IV. ij<br />
A faire halte & à marcher f qui n'étoit furchargé mi de<br />
monde ni de bagages ; & attentif, -non feulement au<br />
lignai -# mais au moindre clin d'oeil «lu Général : tout<br />
lieu lui conveaoit pour camper , toute nourriture lui<br />
CuUfoit. Auflt Alexandre dans Foeeafîon ne manqua<br />
yoïat de foldats : & Darius , à la tête d'une multitude<br />
innombrable s ayant à combattre dans us lieu<br />
trop refferré , fut ré<strong>du</strong>it au périt nombre qu'il avok<br />
«néprifé dans fon ennemi.<br />
IV. Cependant Alexandre, après avoir pourra Ablfb-<br />
«tènes <strong>du</strong> gouvernement de la Cappadoce , marchant<br />
.avec toutes fes troupes vers la Cilicie, étoit arrivé<br />
à l'endroit qu'on appelle Je Camf dt Cyrus $ ( ce prince<br />
y avoit effectivement campé , lorfquftl meaoit fon armée<br />
en Lydie contre Créfut ). Cet endroit étoit à cinquante<br />
ftades de F entrée de'h Cilicie; c'étoient des<br />
gorges très-reflerrées que les habitants nomment Pyle$<br />
( ©u Portes ) , <strong>par</strong>ce qu'elles reffembient, <strong>par</strong> leur<br />
Cituatîôîî naturelle , à des fortifications faites de main<br />
«l'homme. Alors Arfanes', qui commandait en Cilicie t<br />
fe rappelant f avis dont avoit été Memnon au commencement<br />
de la guerre, réfolut hors de (aifon de fuivre<br />
un cenfeil qui eût été faiutaîre dans, le temps : il ravagé<br />
la Cilicie <strong>par</strong> le fer & <strong>par</strong> le feu * pour n'abandonner<br />
à l'ennemi qu'une foHtude; il gâte tout-ce qui peut<br />
être de quelque ufage v afin de ne kiifer que ftérilité &<br />
èifetîe dans un pays t qu*il se pouvoit défendre. Mais<br />
il auroiî été bien plus avantageux d'occuper « <strong>par</strong> un bon<br />
détachement le défilé qui ouvre rentrée de la Cilicie »<br />
& de fe faifîr à temps des hauteurs qui commaodoient.<br />
le chemin , d'où il àuroit pu-fans perte ©u arrêter fentiemi.<br />
au paffage ou féetafer. Dans la conjoncture préfente<br />
9 après avoir làhTé'un petft nombre de foldats pouf<br />
la garde des avenues , il f* retira en arrière f dévaftant<br />
lui-même un* terre qu'il turoitdl garantir de ces rava*<br />
ges. Ceux f u*iS avoit laifles, concluant de là qu'ils étoienî<br />
trahis 9 ne voulurent pas même foutemr 1* vue de l'en*<br />
aérai, quoiqu'ils eurent pu conferfer ce polie mêmt ©m
14 LIBER 111. CAP. IF.<br />
nere potuiffent. Namqueperpetuojugo monùs afperî<br />
ac pmrupti Cilicia inchtdkur , quoi, qmm à mari<br />
furgat, veluùfirm quodam flexuque curvamm* rurfus<br />
altero cornu in diverfum iittus excmrk. Per hoc<br />
dorfum, quâ maxime introrfum mari ceik, afperi<br />
très adkus & perangufti funt, quorum mm Çilic'm<br />
intranda eft* Campeflrk eadem quâ vergk ad mare,<br />
plankkm ejus crebris difiingutntïbus rivis.<br />
10. Pyramus & Cydmis % inciyti amms,flmtnt:<br />
Cydnus, non fpatio aquarum 9 ftd llquore mémordbUis<br />
; quïppe Uni ttaBu t fonûbus labens, purù<br />
folo excipitur, ntc torrentes ineurrunt qui placide<br />
manantis alveum turbent; itaque incorruptus, idemque<br />
frigidijfimus , quippe multd ri<strong>par</strong>um amemkate<br />
"mumbratus , ubique fonûbus fuis fimiUs in mon<br />
tvadit* Multa in ed repom momtmmta, vulgam<br />
carmméus, vetuftas exederat* Monfirabantur «rb'mmfedes<br />
Lyrmjfi & Thebes, Typhonis quoque<br />
fpecus, & corycium nemus , ubi crocum gignitur,<br />
ceteraqm in quibus nlhil prœtef famam <strong>du</strong>raverat*<br />
Ahxandtr fautes jugi qua Pylae appeïïamur intra*<br />
vit: Contemplams locorum fitus , non alias magk<br />
dicitur admirants ejfe felickatem fuam ; obmipo-<br />
. 'pàffe velfaxis confitebatur', fifuifentqui infubemt<br />
tes propelkrent: ker vix- quaternos capiebat armasas<br />
; dorfum monùs imminebat via , non anguft*<br />
modo , fed phrumque prarupm, crebris ûberraM**<br />
eus rivk qui ex radkîbus <strong>mont</strong>ium manant» Thra*<br />
cas tamen leviter armatos pmcedere juffcrat, fcmmoindre
LIVRE III. CMAP. IF. :%y<br />
«oindre nombre. En>effetla Cillcie eft-enfermée <strong>par</strong> une<br />
chaîne nos -interrompue de <strong>mont</strong>agnes rudes & eiear-<br />
§>ées, laquelle s s'-élevant <strong>du</strong> bord de la merf s'en écart*<br />
en fe courbant comme pour former un golphe, & revient<br />
aboutir <strong>par</strong> fon autre extrémité en un autre endroit <strong>du</strong><br />
rivage. 'Dans la <strong>par</strong>tie de cette' chaîne la plus éloignée<br />
de la mer., Il y a trois cols difficiles & fort étroits f<br />
.<strong>par</strong> l'un defquels- il faut néceffairement paffer pour<br />
entrer dans la Cilicie. Cette -province, en tirant vers<br />
la mer , eft une belle pkine, dont les campagnes font<br />
entrecoupées <strong>par</strong> quantité de nûffeaux.<br />
io» Deux fleuves célèbres y ont leur cours, le<br />
•Pyrame & le Cydnus : celui-ci moins remarquable <strong>par</strong><br />
l'éten<strong>du</strong>e de fon canal que <strong>par</strong> fes eaux mêmes; car<br />
prenant -dès fa fource un cours paifîble, il roule fur<br />
un fol très-pur , & ne reçoit aucun torrent qui puiffe<br />
troubler la netteté de fes eanx & la tranquilité de fon<br />
cours ; -de forte qu'il arrive à la mer fans mélange<br />
& confetvant <strong>par</strong>tout la fraîcheur «de fes fources ^<br />
à caufc de îa grande quantité d'arbres qui ombragent<br />
agréablement fes -rives. Le temps avoit détruit dans ce<br />
pays beaucoup de monuments » célébrés <strong>par</strong> les poètes,<br />
On y <strong>mont</strong>roit l'emplacement des villes de.Lyrnefle<br />
& de Thèbes , la caverne de Typhon, la forêt<br />
corycienne., où croît le fafran , & d'autres objets<br />
dont il ne reftoit plus rien que la renommée. Alexandre<br />
entra <strong>par</strong> le col qu'on nomme Fyks. Après qu'il eut<br />
confidéré la fituation des lieux» OR dit qtfil ne fut Jamais<br />
plus furpris de fon bonheur ; H avouoit que rien<br />
fi'étoit plus aifé que -de l'écraïer fous les pierres , -fi
±6 LIBER 111. CAP. V.<br />
Êariqm caîks 9 ne occuttus hoftis injubeuntes emat*<br />
• peret : fagittariorum quoque .manus occupaverat<br />
jugum ; intentas arcus habebant? momiti3 non ittr<br />
ipfos mire, feâ pmliwm. Hoc modo agmen pervenit<br />
ad urkem Tarfon* cui tum maxime perja fhb~<br />
jîciebaM ignem , ne opulentum oppi<strong>du</strong>m hoftis inwadertL<br />
At iik , Parmeniane ad inhïben<strong>du</strong>m incenr<br />
dium cum expeditd manu pmmiffb 9 poftquam barèaros<br />
adventu fuorum fugaws ejfe cognovit, urbem<br />
Àfe conferv.atam iatraL<br />
V- Mediam Cydnus amms, de quopaulo ante dietum<br />
eft, interfluit : & tune œftas erat, cujus calor<br />
non aliam magis. quant Cilic'm Qram vapore Jolis<br />
Mccendit ; •& diei fervidiffimum tempus cotperau<br />
Pulvere ac fudore fimul perfufum regem invitavit<br />
liquor fluminis 9 ut cali<strong>du</strong>m adhuc corpus obluereL<br />
Itaqut vefte depofiîâ in confpeQu agmi~<br />
nis , décorum quoque futurum ratus , fi often-*<br />
diffet fuis levi ac <strong>par</strong>ab'di cuku corporis fe effe<br />
£ontentum » defeendit in flumen : vixque ingrejfi<br />
fubito honore anus rigere cœperunt ; pallor demie<br />
diffufus eft.9 & iotum propemo<strong>du</strong>m corpus vitalis<br />
£aior rtliquit. Exfpiranti fimllem mmiftri manu ex-<br />
€ipiunt , nec fatis compotem 'menas in tabernaculum<br />
déferont. Ingens filicitudo & penè jam luSus<br />
în eafiris] erat» Fkntes querebantur "m tanto impem<br />
turfuque rtrum 9 omnis mrntis ac memorim clariffi»<br />
mum regem* non in aciefaitem, non ah ho fie dejeo*<br />
tum.9 ftd abluentem aqua corpus* ereptum effe &<br />
txflinBum : inflare Darium9 vUlorem antequam<br />
vidiffet hojkm : fibi eafdem terras quas vikores<br />
pgrajgrajfent repetendas ; omnia mi ipfos aut hofie*
LIVRE III. CMAP. V. 27<br />
pour reconnoitre les chemins f & prendre garde que<br />
Vennemi caché ne pût fondre d'en-haut far ceux qui<br />
pafleroient en bas : 'ose troupe d'archers s'étoient auffi<br />
portés fur le Commet ; ils avoîent Tare bandé » étant<br />
bien avertis qu'il s'agiftbit s non de marcher , mais de<br />
•combattre. De cette manière Famée <strong>par</strong>vint jufqu'à la<br />
•ville de Tarfe, où dans ce moment même les perfesmettaient<br />
îe feu , pour ne pas îaiffef prendre à l'ennemi<br />
une ville fi opulente. Mais îe roi ayant détaché «a<br />
avant Parméslon avec un .camp volant .pour arrêter<br />
l'incendie, lorfqu'il fut que les barbares à l'arrivée des<br />
fi. en s avoîent pris la fuite , il entra dans la place qu'il<br />
yen oit de fauver.<br />
V. Le fleuve Cydnus -, dont on vient de <strong>par</strong>ler , la<br />
traverfe <strong>par</strong> le milieu : c'étoit en été f & la chaleur<br />
caufée <strong>par</strong> îa réflexion <strong>du</strong> foleiî n'embrâfe aucune autre<br />
contrée plus que la Cilkie ; d'ailleurs on étoit au plus<br />
chaud <strong>du</strong> jour. Le roi couvert de pouflière & de fueux<br />
fut tenté j en voyant l'eau <strong>du</strong> fleuve, de s'y baigner<br />
«ncore tout échauffé, S'étant doûc déshabillé à la vue<br />
de fou arméef & jugeant que ce fereit une belle chofe<br />
de <strong>mont</strong>rer à fes troupes qu'il fe contentoit pour fora<br />
corps de ce qu'il y avoit de plus ïïmple & de moins<br />
recherché , il defeendit dans le fleuve : mais à peine y<br />
étoit-il entré, qu'un froid fubit lui raidit tous les membres<br />
; bientôt la pâleur fe répandit fur ion corps, §c<br />
-prefque toute la chaleur naturelle l'abandonna. Ses gens<br />
le prennent à demi-mort dans leurs bras , & l'emportent<br />
-dans fa tente fans eonnoiflancë. Wne vive inquiétude<br />
&, pour ainfi dire , le deuil étoit <strong>par</strong> tout le camp.<br />
Tous , fondant en larmes, fe plaignoient, que îe plus<br />
grand roi qui fut jamais leur étoit enlevé dans le cours<br />
rapide de fes fuccès y & qu'il périflbit, noa ézm une<br />
bataille au moins ou <strong>par</strong> le fer de l'ennemi, mais en fe<br />
• baignant ; que Darius étoit proche, & viôorieux avant<br />
d'avoir vu l'ennemi : qu'il leur falloit repaffer <strong>par</strong> les<br />
mêmes pays qu'ils avoîent <strong>par</strong>courus en vainqueurs 5<br />
1 u'eux-mêmes on les ennemis y avoîent tout dévafté ;
•28 LIBER III. CAP. F.'<br />
p&ptdatm ; per vaflas filimdmes9 eûamfi mm<br />
infiqtd velit, eûmes, famé atque inopiâ debeUari<br />
poffè •: quem fignum daturum fugknûbus ? quem<br />
œufurum Akxandro fuccedert ? jam m ad Heïïefpontum<br />
fiigâ pemtrarent , clafftm qui tranfeant<br />
quem pm<strong>par</strong>aiurum ? Rurfus in ipfum regem mifericordiâ<br />
verfâ 9 îllum florem juventa , illam vim<br />
animi, tandem regem & commUitonem , divelli i<br />
fe &aàripi j, immimorcsfuij querebmmr.<br />
12. Inier âme lièerius meare fpirîms cmperat;<br />
mUevabaê rex oeubs, 6» pmdatim redeunte animé<br />
tircumftaMes amicos agnovtrat ; laxataque vis<br />
morbi-oh hoc Jblum videèmtur, quia maguitudinem<br />
mail ftntiebau Ammum autem mgtitudo corporis<br />
urgebat ; quippt Darium quinto die in Ciliciam<br />
fore nunciabatur: vmBum ergo fe tradi, & tan"<br />
tam viBoriam mpifibi è mambus, obfcurâque &<br />
ignobili morte in îoèernaculo fuo exjlmgui fi que~<br />
rebaiur. Admiffifque amicis <strong>par</strong>iter & médias : In<br />
quo me, inquit, artkuJo reram mearam forîusâ<br />
deprehenderit, cernMs. Strepitom hoftiiiust<br />
armoram exaudire mihi yideor ; & qui ultro<br />
intuli bellum, 'jam provocor. Darius ergo ,<br />
cpuim tam fuperbas literas fcriberet, fortunam<br />
meam in confifio hafeuit ; fed nequidqîiam ,' fi<br />
mini arbitrîo meo curarilicet. Lenta remédia &<br />
fegnes medkos non expetunt tempora mea ; vel<br />
mon ftrenuè quam tardé convalefcere mihi melius<br />
cil : proinde, fi quid opis, fi quid artis in medicîs<br />
eu , fciaat me non tam tnortis quam belli re-»
LE VRE 111. CMAP V. 29<br />
qnfayant à traverfer de vaftes déferts s quand perfonne<br />
ne voudrok le* pourfuivre f la famine & la diïette pouvoient<br />
les faire périr : cpi les coa<strong>du</strong>iroit dans leur<br />
fuite } qui ôferoic fuecéder à Alexandre ? & quand enfin<br />
iîs <strong>par</strong>viendroient dans leur retraite jufqu'à l'Hellefpont<br />
, qui leur feroit pré<strong>par</strong>er une ffotte pour le<br />
paffer } Puis revenant encore à des fentiments de cornpaffion<br />
pour le prince , ils fe plaïgnoient, fans retour<br />
fur eux-mêmes , que dans cette fleur de jeuneffe , dans<br />
cette vigueur de courage 9 celui qui étoit en mêmetemps<br />
leur roi & leur compagnon d'armes leur étoit<br />
arraché & enlevé pour jamais»<br />
12. Cependant il commençoit à refpïrer plus libre*<br />
ment ; il entr'ouvroit les ieux , & fe ranimant peu à<br />
peu il avoit déjà reconau fes eourtifans qui l'environnoïent<br />
; la violence de la maladie ne femblort s'être<br />
relâchée , qu'en ce qui! fentoit la grandeur de fon<br />
mal. Mais rindifpofition <strong>du</strong> corps influoit fur fefpritf<br />
d'autant qu'il avoit nouvelle que-dans-cinq purs- Darius<br />
feroit en Glicte : il étoit donc au défefpoir d'être livré<br />
à l'ennemi pieds & poings liés f de fe voir arracher<br />
des mains une fi belle vtôoire t & de terminer fes<br />
jours dans fa tente pat une mort obfcure 6c fans gloire»<br />
Avant fait entrer eâfemble fes courtifans & fes médecins<br />
: Vous voye\, leur dit-il, d'ans quelles conjonctures<br />
la fortuné me fwprend» MmefemUe entendre le cliquetis<br />
des armes ennemies ; & quoique'fàye apporté la guerre ici<br />
de mon, propre mouvement, €*eft moi qu'on défie aujourdhuL<br />
Sans doute que Darius , lorfqu'H'm'écrirait des lettres fi<br />
hautaines, étoit d'intelligence avec ma fortune ; mais<br />
cela mime lui fers mutile ffi on confint de me traiter À<br />
mon gré» L'état de mes affaires ne comporte ni la lenteur<br />
des remèdes ni la eirconfpecHom traînante des médecins ; je<br />
• préfère même une mort prompte â une guérifon tardive :fi les<br />
médecins peuvent donc me donner quelqut fecours s s'ils ont<br />
' quelque reffource dans leur art $ qu'ils fâchent que je cher*<br />
£Âe mwnsàprtvtmr la mort qu'àrétaBBr l'état de la pierre,<br />
1 ïij
3© LIMER 111: CAP. VI.<br />
médium quaerere. Ingentem omnibus incufferat euram<br />
tam pmceps temerhas ejus. Ergo pro fe quife<br />
que precarl cœpêre , nefeftmatione perkulum augertt%<br />
fed effet m poteftaie medenûum : inexpert Aremédia<br />
haud injuria ipfis efft fufpeËa, quum ad<br />
permekm ejus et'mm a latert ipfeus pecunia folicitaret<br />
h&ftk ( quippe Darius mille taknta interfeSori<br />
Akxandri datumm fe.prommc'mrijufferat ) ><br />
itaque, ne aufurumquidem quemquam, arbkrabanmr<br />
experiri remedium quod propter novitatem poffit<br />
effefujpe&um*<br />
VI. Erat înter nêbUes medkos è Macedonid regem<br />
'fequutus Philippus, natione acarnan ?ft<strong>du</strong>s admo<strong>du</strong>m<br />
régi : puero cornes & euftos falutis datas, non<br />
ut regem modo $ fed etiam ut alumnum ,. eximia<br />
cantate diligebau Is non praxeps fe, fed ftremmm<br />
remedium afferrt , tantamque vim morbi potione medicata<br />
levaturum effe promùfiL NuUi promiffum<br />
ejus placebat P prmter ipfum cujus perkufa polâ*<br />
cebatur. Omnia quippe faeUius quam moram per»<br />
peti poterat : arma '& acks m omiis erant, &<br />
vi&oriam in eo pofetam effe arbitrabatur, fe tantum<br />
ante fegna ftare pouâffei ; id ipfum 9. quodpoft<br />
diem tertium medicamentum fumpturus effet ( ite<br />
enim medkus pmdixerat ) agrè ferens. Inter hmc<br />
à Parmemone, fidiffimo purpuratorum, literas occipit,<br />
qmbus ti demmetabat m fahtem fuam Philippo<br />
committertt ; mille talentis , a Dario^ & fpe<br />
nuptiarumfororis ejus, effe corruptum. Ingentem ad"<br />
mo folickudinem Ikerm ineufferant ; & quidquid<br />
in utramque <strong>par</strong>tem aut me tus oui fpes fubjecerat,<br />
fecretâ mfthnatione penfabat* Bibere perfeverem,<br />
ut , û venenum datom fiierit, ne immerito qui-
LIVRE 111. CHAF. VL JI<br />
tfft empreflement fi peit réfléchi donna <strong>du</strong> cnagrns<br />
à tout le monde» Chacun le pria donc arec ïnftaaee w<br />
de ne pas- augmenter <strong>par</strong> trop de précipitation le péril<br />
où il étoit * mais de s'abandonner aux médecins- : que<br />
ce n'étoit pas fans raifon qu'on fe défioit des remèdesextraordinaires<br />
f puifque , pour le perdre,. l'ennemi ten*toit<br />
à pris- d'argent jufqu'à la fidélité de fes domeftiques<br />
( Darius en- effet avoit promis publiquement une<br />
récompenfe de mille talents à celui qui tueroit Alexandre<br />
) ; qu'ainfî $ on étoit perfuadé que perfonne ne<br />
feroit affez hardi pour hafarder un- remède qui <strong>par</strong> fa.<br />
nouveauté pût donner le moindre-foupçon»<br />
VI. Entre plusieurs médecins célèbres , il y en avoît<br />
un qui étoit Tenu de la Macédoine avec le roi ; c'étoît<br />
Philippe f, acarnanien de naiflànce-, très-fidèlement dévoué<br />
au prince : attaché à fa perfonne dès fon enfance<br />
pour raccompagner & pour veiller à fa fanîé , il l'ainoit<br />
avec une tendrefle peu commune», non feulement<br />
comme fon roi » mais encore comme fon aourrîflon. Il<br />
promit une médecine $ non hafardée y mais d'un- effet<br />
prompt,. & répondk d'enlever avec cette potion toute<br />
la violence <strong>du</strong>- mal. Cette propofiîion ne plut à perfonne,<br />
qu'à celui quidevoit encourir les rifques. Ceïf<br />
que tout lui <strong>par</strong>oiffoit- plus fuportable que les inconlïénients<br />
<strong>du</strong> retard : il ne royoit qu'armes & batailles r<br />
& il fe croyoit affûré delà viûoire, s'il pouvoit'feulement<br />
fe <strong>mont</strong>rer à la tête de fes-troupes ; H fuportoit<br />
même avec impatience le délai de trois jours p<br />
qut le médecin avoit fixé pour lui adminiftrer fon remède.<br />
' Dans ces circonftances Parmémon f celui des<br />
Crands de fa cour en qui il avoït le plus de confiance y<br />
Favertit <strong>par</strong> une lettre de ne point confier (a vie à Philippe<br />
; <strong>par</strong>ce que Darius l'avoir, gagné <strong>par</strong> l'offre de<br />
mille talents & en lui faifant efpérer fa foeur en mariage.<br />
Cette lettre le jeta dans une grande perplexité;<br />
& il balançoit en lui-même les- différents- <strong>par</strong>tis que<br />
lui infpiroit la crainte ou l'efpérance. Perfiflerai-je à<br />
orendrs cette médecine 9 peut d&nmr lieu » fi Me eft em»<br />
B VT
3i LIBER 11L CAP. VI.<br />
dem quidqoid accident evcniffe videator ? Dam-^<br />
nem medici fidem ? In tabemacolo ergo me ©p—<br />
primi patiar ? At fatras eft alieno me mori fceîere<br />
quam meto meo. Dm animo m diverfa verfato,<br />
miïïi quid fcriptum effet emmciat ; epiflô-*<br />
lamque, figilb anmdi fui impreffam, pulvino ad<br />
incumbebat fubjeck*<br />
14. Inter has cogitationes hiiuo abfumpto J<br />
îlluxit à medîeo deftinatus dits, & Ole eum pocu*<br />
lo m quo medicamentum diluerai intraviL Quo vifo,<br />
Alexander, levato eorpore in cubhum, epiflolam<br />
à Parmcmone miffam fmiftrâ manu tenens, acêipk<br />
pocukim & haurit interritus ; tum epiftolam Phiiippum<br />
kgere jubet ; née a vultu legemis movii<br />
ûcubs 9 ratus aliquas eonfcientia notas in ipfo<br />
ère poffi deprehendere. liie , epifioU perkBâ ,<br />
plus mdignaûoms quam pavorh ofttndk , proje&if<br />
que amieub & ikeris ante k&um : Rex, mquk,<br />
iemper qoidem fpiritus meus ex te pependit ; fed<br />
mine verè, arbitrer, lacro & venerafcili ore trahitur.<br />
Crimen <strong>par</strong>ricidii quod mihi objeâum eft<br />
tua falus diluet : fervatus à me vitam mihi dederk;<br />
oro- quaefoque: amiffoque metu patere medicamentum<br />
concipi venis; laxa pauiifper animora,<br />
quem mtempefHvàfolicitudine amict 9 fané<br />
fidèles, fed moleftè fe<strong>du</strong>li , turbast. Non feeurum<br />
modo kœc vox, fed etiam latum regem ac plénum<br />
bonee fpei ficit* haque , Si dii, mquitf Philippe<br />
, tibi permififlent quo maxime modo animum<br />
velles experiri meum, alïo profefto vo^»<br />
luiffes , fed certiorem quam expertus es ne optaffes<br />
quidem : hic epiftolaaccepta, tamen qood
LIVRE 11L CMâP* Vt. 33féifomée<br />
f de croire que j'aurai mérité d'être la wiiUme<br />
de l'événement ? Me défierai-je de la fidéUté de mon mèdecim<br />
? Je me laifferai donc accabler dans ma tente ? Mais<br />
non ; il vaut mieux que je périffê <strong>par</strong> le crime d'un autre<br />
que <strong>par</strong> ma propre défonce» Après avoir été long temps<br />
agité de diverfes penfées, il prend le <strong>par</strong>ti de ne communif<br />
lier à perfonne ce qu'on lui avoit écrit ; il appofe<br />
à la lettre le feeau de fon anneau , & la met Cous<br />
fon oreiller,<br />
14. Deux jours paffés dans ces Inquiétudes, arrive<br />
enfin le jour fixé <strong>par</strong> îe médecin, & il entre avec la<br />
coupe où il avoit pré<strong>par</strong>é la médecine. A fa vue f Alexandre<br />
fe foulève en s'appuyant fur le coude t prend<br />
de la main gauche la lettre de Parménion, reçoit le<br />
vafe de l'autre , & boit avec intrépidité : il fait lire enfuite<br />
la lettre à Philippe ; & pendant la leûure il ne<br />
détourna pas les ieux de défias lui, efpérant de pou*<br />
voir découvrir fur fon vifage quelques indices de ce<br />
qui fe paicroit dans fon âme. Celui-ci , après avoir<br />
lu y <strong>mont</strong>ra plus «f Indignation que de crainte $ & jetant<br />
devant le lit fon .manteau & la lettre: Seigneur, dit-il,.<br />
. ma vie à la vérité a toujours dépen<strong>du</strong> de vous j mais il<br />
me fembh aujourdhui hors de doute qu'elle n'eft qu'une<br />
avec celle de votre perfonne facrie, L*idée <strong>du</strong> <strong>par</strong>ricide<br />
qu'on m'a imputé dif<strong>par</strong>okra <strong>par</strong> votre guéri fon : que<br />
votre confervation <strong>par</strong> mon mmiftère devienne le principe<br />
de ma vie ; je vous le demande avec infiance : bannifft\ toute<br />
cmimu , & laiffe\ au remède la liberté de s'imfinmer dans vos<br />
veines } égaye\ un peu votre ejprit, que troublent <strong>par</strong> un,<br />
fouci déplacé des anus , \élésfans doute , mais dont les<br />
foins peuvent nuire. Ce peu de mots non feulement raffut<br />
a le foi , mais lui lof pif a encore de la gaieté & de<br />
la confiance. Il lui dit donc : Si les dieux , mon cher<br />
Philippe , vous avoient permis d'éprouver à votre gré mes<br />
difpofitions à votre égard t vous aurie\ certainement choifi<br />
mm autre moyen , mais vous n'en aurie\ pas mime fou».<br />
haité un plus fur : après avoir reçu cette lettre, je m'ai<br />
j?*5 laijfé de boire la potion que veut m'avie\ pré<strong>par</strong>ée ;<br />
"B V
34 'LIBER III. CAP. VL<br />
dilueras bibi ; & mmc credo te non .minus pro*<br />
tuâ flde quam pro meâ falute effe foHcitum. Hmc<br />
elôquutus, dextram PhUippo offert.<br />
15. Ceterum, tanta vis medkammk fuit, ut qmt<br />
'fequuta femt crminationem Parmenîonïs adjuverînt.<br />
Interclufus fpiritus arÛè meabau Nec Ph't*<br />
lippus quidquam inexpertum omifit : 'die fomenta<br />
corpori admoyit ; Me torpentem , nunc cibi mmc<br />
vini odore , excisavit ; atque ut primum mentis<br />
compotem e£e fenfet* modo matris fororumque 9 modo<br />
tenta viëor'm appropinquantis aamonere non defthtit.<br />
• Ut vero medicamentum fe diffudh 'm venas f<br />
&fenfimtoto corpore faiubritas percipi potuit, primo<br />
animus vigorem fuum, deinde corpus quoque<br />
exfpeBationt maturiès recuperavit ; quippe poft<br />
tertium diem quam in hoc ftatu fuerat m confpeêum<br />
miiitum veniu Nec avidius ipfum regem<br />
quam Phïïippum mtuebatur exercitus ; pro fe quifque3<br />
dextram ejus amplexi, grates habebant veht<br />
prmfenti deo : namque kaud facile dieu eft , prêter<br />
iagenitam iUi genti erga reges fuos vénération<br />
nem 9 quantum kujus quoque régis vel admirations<br />
dediti fuerint, vel carkate ftagraverint. Jam pri~<br />
mum nihil nifi divina ope aggredi videbatur ;<br />
nam 9 quum effet praflo ubique fortuna , temeritas<br />
m gloriam cefferat. JE tas quoque, vix tan*<br />
tis matura rébus, fed abundè fufficiens , omnm<br />
ttiam ejus. opéra honejiabai : & qua leviora haberi<br />
filent, pkrumque militari gratiora vulgo funt >;<br />
exercitatio corporis inter ipfos , cultus habitufque<br />
paululum à privato abhorrens , mititaris yigor 1
LIVRE III CM A P. FT+ jy<br />
& maintenant jd fuis perfuadé que vous ne Mfimi pas*<br />
moins h jufllficat'mm de votre fidélité que ma guérijhn.<br />
Ayant aï «fi <strong>par</strong>ié r il lui préfenta la main»<br />
15. Au relie, la médecine agit avec tant de force, que<br />
les fuites donnèrent <strong>du</strong> poids à Vaccusation de Parme-aion.<br />
"La refpiratioa fufpen<strong>du</strong>e étoiî ,à peine fenfible.<br />
Fhillppc defon côté effaya de tous les moyens : il lui<br />
appliqua des topiques adouciflants ; il le ranima <strong>par</strong><br />
l'odeur ou de quelque aliment ou <strong>du</strong> vin-* & dès qu'il<br />
s'apperçut que la connoiflânee lui- étoit revenue , il ne<br />
cefla de l'entretenir, tantôt de fa mère et de fes- fœurs ».<br />
tantôt des approches de la grande mÛGÎrt qui l'attendoit.<br />
Maïs quand le remède fe fut porté <strong>par</strong>tout, &<br />
que fes heureux effets purent devenir feafibles clans<br />
iouî le corps-, l'efprit d'abord reprit fa vigueur, & îe<br />
corps enfuite recouvra fes forces bien plus promptement<br />
qu'on ne l'avoit efpéré; puifque trois- jours après<br />
cette crife il fe <strong>mont</strong>ra à fes foldats. Les regards de<br />
Parmée ne fe tournèrent pas fur îe roi lui-même avecplus<br />
d'empreflement que fur Philippe; chacun vouloifc<br />
lui prendre la main,. & lui rendre des aérions de grâcescomme<br />
à un dieu tutélaire : car outre la vénérationque<br />
ce peuple a naturellement pour fes rois, on ne<br />
fauroît dire à cpiel point ils. étoient pénétrés foit d'admis<br />
cation foit d'amour pour Alexandre en <strong>par</strong>ticulier. Premièrement<br />
il leur fembloit ne rie» entreprendre fans-.<br />
l'aûlftance de quelque divinité ; <strong>par</strong>ce que la fortune*<br />
lui étant <strong>par</strong>tout favorable, fa témérité lui avoit toujours<br />
tourné à gloire. Son âge d'ailleurs. > à peine<br />
au niveau de fi grandes entreprifes, & venant toute»<br />
fois aifémenf à bout de les exécuter,, donnoit bien,<br />
de l'éclat à toutes fes aftions : 8c des chofes qu'on,<br />
a coutume de regarder comme peu importantes, font<br />
fouvent ' fur le commun des foldats une impreÉEos<br />
plus agréable;, comme de prendre <strong>par</strong>t à leurs exercices<br />
, de fe diftinguer peu des <strong>par</strong>ticuliers <strong>par</strong> fon vête»<br />
ment & <strong>par</strong> fes manières , de fuporter avec vigueur<br />
. toutes les- fatigues de la guerre ; qualités , foit naîu-<br />
Evj
36 LIBER 111. CAP. VIL<br />
quh Me vel mgenii dotïbus vel ammî artïbus, ut'<br />
<strong>par</strong>iter carus oc veneran<strong>du</strong>s effets effeceraL<br />
VIL At Darius , nuncio de adversâ vaktu~<br />
'dîne accepta, cehritate, quantam capere tam grave<br />
œgmen poterat, ad- Euphratem contenait ; junRo~<br />
que eo pontibus, quînque tamen ditbus trajecit<br />
€xerciium , Ciliciam occu<strong>par</strong>e feftinans. Jamque<br />
Alexanatr, viribus corpork rcceptis $ ad urbem<br />
Solos pervenerat ; cujus potitus , <strong>du</strong>cehtis talentis<br />
nomme muléÊœ exaûis , arci pmfidium militum<br />
ïmpofmu Vota deinde pro falute fufceptd ptr<br />
lu<strong>du</strong>m atque otium reddcns , & (lendit quanta fi<strong>du</strong>cie<br />
barbaros fpemeret ; 'Mjculapio & M'merva<br />
iudos celtbraviu Speêanti nuncius lœtus affertuf<br />
ex Malicarnaffo, perfas acie à fuis effe Jiiperatos<br />
; myndios quoque, & caunms , & pleraque<br />
traèûs ejus fum faBa ditionis. ïgitur % edito<br />
fpeêaado ïudicro , caftrifque motis , & Pyramo<br />
amne ponte juniio, ad urbem Maikn pervertit ; [<br />
inde alteris caflris, ad .oppi<strong>du</strong>m Caftabahm. lbi<br />
Parmeni© régi occurrit 9 quem pramifirat .adexphran<strong>du</strong>m<br />
iter fakûs , per quem ad urbem<br />
Iffon nomme penetran<strong>du</strong>m erat* Atque ilk an-*'<br />
gufiiis ejus ocempatis, fi» pmfidio modico reliBo ,<br />
Iffon quoque dejertam à barbaris ceperat : inde<br />
progreffus, deturbatis qui interiora mpntîum ob-.<br />
fidebant, prafidiis cunBa firmavit ; occupatoque<br />
iûnere, ficut paulo ante diflum efi, idem fi» aucr.<br />
tor 6» nuncius venit*<br />
17. Iffon inde rex copias admovit » ubi con*»<br />
'filio habita , utrunme ultra progredien<strong>du</strong>m foret,<br />
an ibi opperkndi effent milites novi quos ex Macedoniâ<br />
adventare co&Jlabat, Parmemo non ai'ium
LIVRE 111. CHAP. VIL 57<br />
reliesf foit réfléchies,, qui favoient ren<strong>du</strong> également<br />
cher&refpeâaUe.<br />
VIL Cependant Darius , ayant eu nouvelle de la<br />
maladie d'Alexandre ,. s'avança vers PEuphrate avee<br />
toute la diligence que pouvoit permettre une armée<br />
fi embarraffante ; & ayant jeté des ponts fur ce fleuve,<br />
il ne biffa pas d'être cinq jours à faire paffer fon armée,<br />
ipoiqu'il fit fon poffible pour gagner promptemenî la<br />
Ciiicle. Alexandre t entièrement rétabli, étoit alors<br />
arrivé à la- ville de Soles ;. & s'en étant ren<strong>du</strong> maître,il<br />
en exigea deux-cents talents à titre d'amende, &<br />
mit garnifon dans la citadelle. Puis acquitant ; au milieu<br />
des divertiflfements & dans la tranquilité de l'inaétion %<br />
les vœux qui avoient été faits pour fa-faaté , il fit vois<br />
avec quelle fécurité il méprifoit les barbares ; il celé,<br />
bra des jeux en l'honneur d'Efculape & de Minerve,'<br />
Tandis qu'il affiftoit à ces fpeftacles , on lui aporta"<br />
dUalicarnaffe l'agréable nouvelle, que les perfes avoient<br />
été vaincus <strong>par</strong> les liens en bataille rangée; & que les<br />
• myndïens, les cauntens, avec la plus grande <strong>par</strong>tie<br />
de cette contrée 9 étaient ré<strong>du</strong>its fous fon ©béiffance.<br />
En conféquence , lexique les jeux furent terminés , il<br />
leva le camp , jeta un pont fur le fleuve Pyrame , ô£<br />
' arriva à la ville cLe Malle ;. en une autre journée il fe<br />
porta à Caftabale. Là le roi rencontra Parménion %<br />
qu'il avoit envoyé en avant pour reconnoître îa route<br />
<strong>du</strong> défilé qui con<strong>du</strong>tfok à la ville nommée île* Cet<br />
officier , s'étant faifi des détroits ,- & y ayant laiffé<br />
une garde médiocre , s'étoit auffî em<strong>par</strong>é d'iffe 9 que les<br />
barbares avoient abandonnée : de là pouffant plus avant r<br />
il chaffa ceux qui s'étoient poftés- dans les <strong>mont</strong>agnes ,<br />
& affura tous les polies ; aisfi r s-'étant ren<strong>du</strong> maître<br />
<strong>du</strong> paffage f comme on vient de le dire , il aporta lui-»<br />
même la nouvelle de ce qu'il avoit fait.<br />
17. Le roi fit enfuite marcher fes* troupes vers Iffe f où<br />
ayant été mis. en délibération , fi l'on devoit paffer plus '<br />
loin , ou attendre en ce lieu les recrues que l'on favoit<br />
devoir bientôt arriver de Macédoine, Parménion fat
38 LIBER III. CAP. FIL<br />
iocum pmlio apthrem effe cenfebat: quîppe llltc<br />
utriufifue régis copias numéro futuras <strong>par</strong>es w.<br />
quum anguft'm multkudimm non tapèrent ; plankicm<br />
ipfis campofque effe vkandos , ubi circum*<br />
iri , tel ancipki acie opprimi poffent ; timere<br />
ne , non virtute hoftium r fid lajfkudine fuâ vinterentur<br />
y perfas récentes fié'mdt fucceffuros , fi<br />
laxiàs ftare pomffent. Facile ratio tam falubris<br />
confin accepta eft z itaque mter anguftias faltûs*<br />
hoftem opperiri JiatuiL Erat in exercitu régis Sifi*<br />
nés perfes ,. quondam à pramre Mgflpu mijfus<br />
ad fhilippum ; donifque 6» • omni honore cultus y<br />
exilium patruL fide mutaveraî ; fecutus deinde in<br />
Afiam Akxandrum y mter fideks focios âabebatun-<br />
Huitepiftolam cretenfis miles, obfignatam<br />
snnuio cujus fignum haud fané notum erat , iradidk:<br />
Narba^mes s prator Darii9. mi ferai eam ;.<br />
kortabaturque Sifinem ut dignum diquid nabi*<br />
litate ac moribus fuis ederet, magno id ei apud<br />
regem fmmri fore. Mas literas Sifints , utpote<br />
innoxius, ad Alexandrum fape déferre- tentavit ,.<br />
fid quum tôt curis ap<strong>par</strong>atuque belli regem videret<br />
urgeri * aptius fub'mde tempus exfpeBans, fufpic'wnem<br />
initi fcelefti confilii prabuit : namque,<br />
epiftola y prias quant ei redderetur r in manus<br />
AÎexandri pervemrat y leBamque eam , ignoti<br />
ammdi figiuo impreffo y Sifini dan juffemt y ad<br />
mftimandam fidem barbari ; qui 9 quia per cornphres<br />
<strong>du</strong>s non adierat regem ,. fcekfto conftlio<br />
eam vifus eft fuppreffffe , & in agmine- à creten- •<br />
fibus * haud <strong>du</strong>biè juffu régis % ocdfus eft.
LIVRE 111. CMJP. FIL j£.<br />
Anrîs qu'on- ne- poinroît trouver un champ dé bataille<br />
plus avantageux : fes raifoss étoient, que les forces<br />
des deux rois, y feroicnt égales f. fefpace étant trop<br />
étroit pour contenir une fi- grande multitude ; que les<br />
macédoniens dévoient éviter la plaine & les campagnesouvertes<br />
r ou ils pouvoient être envefopés & accablés<br />
<strong>par</strong> des attaques de toutes <strong>par</strong>ts ; qu'ils avoient à<br />
craindre d'être vaincus , non <strong>par</strong> îa valeur des ennemis,<br />
insûs <strong>par</strong> leur propre laflttude ; & que les perfes Ce<br />
renouvelleraient promptement, s'ils avoient la facilité<br />
de s'étendre. On goûta aifément la raifon d'un avis fi<br />
lalotaire : ainfi, on réfolut d'attendre l'ennemi dans<br />
les gorges <strong>du</strong> défilé. U y avoit dans l'armée macédo-<br />
* nienne un perfe nommé Sifines f que le gouverneur<br />
d'Egypte avoit autrefois envoyé à Philippe; comblé<br />
de biens & d'honneurs <strong>par</strong> ce prince , il avoit renoncé<br />
à fa patrie ; & ayant fuivi Alexandre en Afie t il étoif<br />
do nombre de fes plus intimes confidents. Un foldat<br />
de Crète lui remit une lettre fcellée d'un cachet qu'il<br />
ne conaoiffoit aucunement : elle venoit de Nabarzanes r<br />
- lieutenant de Darius 'r & il exhortoit Sifines à entreprendre<br />
quelque chofe qui fût digne de fa naiffance &<br />
de fon caractère , ce qui lui feroit auprès <strong>du</strong> roi ui*<br />
hoeneur infini* Sifines f dans la Sécurité de l'innocence p.<br />
fe mit plufieurs fois en devoir de porter cette lettre à<br />
Alexandre ; mais comme il le voyoit accablé de tant<br />
de foins & occupé des affaires de îa guerre y à force<br />
d'attendre d'un moment à l'autre quelque oçcafion plus<br />
favorable, il fit naître le foupcon qu'il avoit quelqueprojet<br />
criminel : car avant que la lettre lui fût remife ».<br />
elle étoit <strong>par</strong>venue entre les mains d'Alexandre , qui f "<br />
après l'avoir lue & y avoir appofé un cachet inconnu 9<br />
l'avoit fait paffer à Sifines, pour éprouver Ja fidélité de.<br />
cet étranger; mais celui-ci, ayant été plufieurs jours,<br />
fans voir le roi, <strong>par</strong>ut avoir gardé le filence à mauvaife<br />
intention , &, <strong>par</strong> ordre fans doute <strong>du</strong>. roi, lesr<br />
fyîims de Crète lt tuèrent au milieu tes troupes^
40 LIBER 111. CJP. FUI. •<br />
VIII. Jam graci miRtcs quos Thymodes iPhar^<br />
naba^o acceperat » pradpua Jpes & propemo<strong>du</strong>m<br />
mnica, ad Dar'mm pervenerant* Hi magnopere fuar-<br />
;debant , ut rétro abket fpatiofofque Mefop&tamm<br />
campos • répètent ; fi id confilmm damnant, at<br />
iUe divideret Jaltem copias mmmtrabiles » mu fié.<br />
umm fortuna iêum totas vires repu cadere paterentr.<br />
Mines hoc confilmm régi quam purpuratis ejm<br />
difplicebat : ancipitem fidem , & mereede vtnakm '<br />
proditionem imminere ; & dividi non ob aiiud copias<br />
veUe, quam ut ipfi im diverfa digreff , fi<br />
quid commiffum effet $ traderent Akxanêro : mhii<br />
tutius effe > quam • circumdatos eos exercitu toto<br />
obrui teUs , documentum rmnimdm perfidie, futures*<br />
At Darius 9 m erat fanÛus & mkis , fi<br />
ver© tanmm facinus negat effe faêurum , utjuam<br />
fecuîos fidem, fuos milites, jubeat trucidari : quem<br />
demde ampliès natiomtm exteramm faluum fimm<br />
credimmm fibi, fi tôt miUtum fangulne îmbuiffet<br />
marms ? neminem ftoli<strong>du</strong>m confilmm capite hert<br />
debere ; defkturos enim qui fuaderent, fi fuafiffe<br />
pericubtm effet : demique ipfos quotidie ad fi v
LIVRE 11L CMAP. V11I. 41<br />
V1IK Alors les foldats grecs dont Thymodes avoir<br />
reçu fe commandement des mains de Pharnabaze %<br />
aroient Joint Darius, dont ils étoient la principale &<br />
prefque l'unique efpérance. lis lui confeitloîent fortement<br />
de retourner fur fes pas f & de regagner les vaftescampagnes<br />
de la Méfopotamie ; & , s'il défaprouvoit<br />
. ce <strong>par</strong>ti 9. de <strong>par</strong>tager au moins fes troupes- innombrahits-,<br />
& de ne pas.expofer toutet les force» de fon<br />
royaume à être abatues <strong>par</strong> un feu! revers de fortune*<br />
Ce confeil déplaifok moins au roi qu'à fes court!* -<br />
fans : c'étoit t félon - eux, la preuve d'une fidélité équivoque<br />
& mercenaire , peu éloignée de, la trahifon ; &<br />
les grecs.ne vouloient qu'il divifat fes troupes, qu'afinde<br />
pouvoir , quand ils feraient écartés , livret à Alexan-dre<br />
et qui auroit été confié à leur garde : ils concluoient<br />
que le plus fur étoit de les inveftir avec toute l'armée<br />
ic de les accabler de traits , pour <strong>mont</strong>rer à ' la postérité<br />
que*Fa-perfidie ne demeure point fans, vengeance»<br />
Mais Darius , félon fon caractère de probité & de<br />
douceur , protefte qu'il ne fe chargera jamais <strong>du</strong> crime<br />
horrible, de faire maflacrer des hommes qui l'ont fuivr<br />
fur fa <strong>par</strong>ole & qui font à fon fervice : qui feroient<br />
déformais les étrangers qui prendraient confiance en<br />
lui % s'il trempoit fes mains dans- le fasg de tant de foldats<br />
h que perfonne ne doit payer de fa tète un-confeti<br />
peu fage; <strong>par</strong>ce qu'on ne trouveroit plus qui confulter,.<br />
îi l'on éîoit en péril pour avoir dit fon avis : qu'enfin<br />
fes courtifans. eux-mêmes font tous les jours apelés au<br />
Confeil, qu'ils- y opinent différemment, & que cependant<br />
on ne s'avife pas de regarder comme les plus fidèles<br />
ceux qui ont ouvert les avis- les plus, fenfés. Il fait<br />
donc dire aux grecs s qu'il les- remercié de leur affection<br />
; qu'au refte s s'il reîoumoit fur fes pas f ce ferait<br />
fans contredit livrer fon royaume aux ennemis ; que<br />
la réputation hit tout i la guerre t & que celui qui<br />
recule eft.cenfé fuir : que d'autre <strong>par</strong>t il n'y i guères<br />
moyen de tirer la guerre en longueur i <strong>par</strong>ce qu'une I»<br />
grande armée, aux «proches de l'hiver 9 ne trouve*
4i LIBER 111. CAP. Flllr<br />
uliam effi rathnem ; tant® enim multitudml ^<br />
uûque quum jam hiems inftaret % m réglons vafla-<br />
& invkem à fuis- atque kofte vcxatd, non fuffeBura<br />
alimenta : ne Mvi£i quidem copias pojjc<br />
fervato more majorum-s. qui juùvtrfas vires femper<br />
Sferimmi beliorum obtulerint : & Hercule ,<br />
terribilem antea regem & abfentiâ fuâ ad vanam<br />
fi<strong>du</strong>ciam elatum , pojkaquam adventare fe fenferit<br />
cautum pro îemtrarh fa&um, deBtusjfe inter<br />
anguftias fakûs rim îgmbîimm feramm r qum ,.<br />
flrepitu pmtereuntium audito , filvarum iatehris<br />
fe occuluerunt : jam edam valètudinu fimulationefruftrari<br />
fuos milites ; fed non ampliiis ipfum efft<br />
paffurum detreBare certamen ; in Slo fpecu , in;<br />
quempavidi rectffiffent, opprejfurum effe cunéanas*<br />
Mac magntficemiùs jakata quam vtriùs*.<br />
19. Catemm, pecuniâ' omnî rebufque preùofif»fimls<br />
Dama faim Syrm'cum modico prajtdio milltum<br />
miffis,. reliquas copias m Ciliciam <strong>du</strong>xit r<br />
infeqmntibus more patrio agmtn conjuge & matre ;<br />
virgines quoque cum <strong>par</strong>vo fillo comhabanêur pa~<br />
mm*. Forte eâdem noBe & Alexandtr * ad fautes<br />
quibm Syria adi'tur , & Darius , ad eum lo~<br />
cum. quem amanicas Pylas vocant... pervenit, Nec<br />
<strong>du</strong>bitauerc perfis- qu'm ,. Iffo reliÊd quam cèpetant,<br />
macedones jugèrent ; nom etlam faucii quidam.<br />
& invalldi, qui agmem non poterant perfequi<br />
*. excepti iront. Quos omnes, inflinBu purpuratomm><br />
barbard féritatt fmvienûum , pracifs<br />
a<strong>du</strong>ftifqm- manibus circum<strong>du</strong>ci „ ut copias fuos
LIVRE 111. CHAP. KHI. 4J-<br />
«oit pas- à fubfift'er dans un pays immenfe, ravagé tourà<br />
tour <strong>par</strong> ks fiens & <strong>par</strong> l'ennemi : qu'il n'eft pas<br />
plus poflible de divifer fes troupes , fans déroger à la<br />
coiîtuiï&e de fes ancêtres t qui ont toujours expofé<br />
toutes leurs forces enfembîe au hafard des guerres r<br />
qu'en effet ce roi de Macédoine, fi terrible d'abord<br />
êc que -l'éloignement de l'ennemi avoit rempli d'unefaine<br />
ê€ ©rgueilleufe confiance, fubftituant dès les pre~<br />
miers bruits de fon arriTé'e- la prudence à la témérité r<br />
s'eft r-enfermé dans les gorges dés <strong>mont</strong>agnes à ta<br />
manière ée$ vils animaux, qui ». au moindre bruit despaffants<br />
, fe précipitent dans le plus épais des bois<br />
cour s'y cacher : qu'actuellement même fous prétexte<br />
de maladie il trompe l'attente de fes foldats ; mais<br />
qu'il ne loi permettra plus de refuferle combat ; & qu'il'<br />
ira , matgré leurs efforts pour l'éluder f écrafer les macédoniens<br />
jufques dans le repaire où la frayeur les a ces*<br />
<strong>du</strong>its. Ces propos avoient plus- de magnificence que de<br />
fblidiîé.<br />
19. Au telle, ayant envoyé à Damas ,-Yiîle de Syrie,.<br />
fous une légère efeorte, tout fon tréfor & fes effetsles<br />
plus- précieux, il eon<strong>du</strong>ifit le relie de fes troupesen<br />
Cilicïe , fon époufe & fa mère , félon la coutume<br />
des perfés 9 étant à la fuite de l'armée ; les filles,<br />
mêmes <strong>du</strong> roi & le petit prince fon fils accompli<br />
gnoient leur père. Il fe rencontra <strong>par</strong> hafard qu'en une<br />
même nuk Alexandre , de fon côté , arriva aux gorges<strong>par</strong><br />
où l'on estre en Syrie s & Darius f <strong>du</strong> lien, à cet en»<br />
4roit qu'on apelle lesPyks ( ou Portes ) amamqms. Les<br />
perfes t voyant que les macédoniens avoient abandonné<br />
îa ville d'Ifle dont ils s'étoient em<strong>par</strong>és , ne doutèrent<br />
point qu'ils n'euflent pris îa fuite ; d'autant qu'ils<br />
avoient atteint quelques foldats bleffés ou malades f<br />
qui n'étoient pas en état de fuivre de près le gros de<br />
l'armée, Darius s à l'iaftigatioa de fes courtifans , dont<br />
la rigueur alloit jufqu'à la férocité là plus, barbare f,<br />
après avoir fait, couper & brûler les mains à tous ces.<br />
malheureux, commanda qu'on les promenât <strong>par</strong>tout
44 LIBER III. dp. FUI<br />
mofctrtnt , faûfque omnibus fpiBaûs , mmcîart<br />
qum vidifferit régi fuo juffît. Maàs ergp cafiris r<br />
fuptrat P'marum ammm » m tergis , m credè~<br />
bai, fugïentium hafurus. At Mi quorum amputaverat<br />
manus ad caftra macedonum ptmtrant »<br />
Darium quam maximo curfu poffet jequi nunciames.<br />
Fhc fides habebatur : itaqut fpeculatorts<br />
in maritimas regiones pmmiffos exploran jubet r<br />
ipftnt adeffeî, an pmfeêorum naquis fpeckm<br />
pmbuiffes umvtrfi vmknâs exerdtâs. Std quum<br />
fpuulotores reverterentur, procul ingens mdûtudo<br />
confptëa efi, ignés deinde tous campis collucere<br />
cœperunt ; omnmque velut continenti ïnctndlo ardere<br />
vifa, quum incondita muhhudo , maximl<br />
propter jumentà, laxîùs tendent. Itaque eo ipfa<br />
loco • metari fuos caflra jufferat, lattis, quod omni><br />
expeûverat voto * in Mis potijjimum angufiiis de*<br />
çerntn<strong>du</strong>m ejft*<br />
10. Ceterum,- ut foltt fierï quum ultimi £fcrl~<br />
mims tempus adventat , in folkitudinem verf*<br />
fi<strong>du</strong>cia efi. Illam ipfam fortunam, qua afpimnte<br />
res tam profperè gefferat , verebatur , nec injuria<br />
; ex his qum mbuiffetfibi, quam mutabiiis effet<br />
reputabat : unam fupereffe no&em qum tond d'ifcriminis<br />
moraretur eventum : rurfus occurrebat »<br />
majora perkuiis pramia ; & ficut <strong>du</strong>bium effet<br />
an vinceret, ita Mud utique certum effe x honefil<br />
- & cum magna laude moriturum. Itaque corpora.<br />
milites curare juffn» ac deindc tertia vigilid inftruëos<br />
& armatos effe; ipfe m jugum ediû monûs<br />
afcendit, multifque colluanubus facibus , faim<br />
mon, famficium <strong>du</strong>s pmjïdibus hci fiât»-
LIVRE 111. CMJP. Vlll 45<br />
mfin de leur faire connaître fes forces f &, quand ils<br />
auraient tout examiné à loilir , qu'ils aiiaffent rendre<br />
compte à leur roi de ce qu'ils auraient vu. II décampe v<br />
en confëquence de fon opinion, pafle îa rivière de<br />
Pinare , & croit n'avoir plus qu'à fuivre fes fuyards<br />
en queue. Cependant ceux â qui il avoit fait couper<br />
les mains arrivent an -camp îles macédoniens f & annoncent<br />
que Darius les fwt le plus promptement qu'il<br />
peut. On avoit peine à les croire : de forte qu'Alexan-<br />
46 LIBER 111 CAP. FI1L<br />
Jamque ter<strong>du</strong>m , ficut praceptum erdt -, fignum<br />
tuba miles acceptrat, itineri fimul <strong>par</strong>atus & prœlio<br />
: ftrenuèque jujfi procédera , oriente luce per-<br />
-vemunt ad anguftias quas occu<strong>par</strong>e decreverant<br />
Darmm trigmta inde ftadia abeffe pramiffi indicabant<br />
; tune confiflere agmen jubtt .9 armifque<br />
ipfe fumftis* acitm ordinal.<br />
ai. Darîo advtritum 'hoJRum pavîdi agrefles<br />
munciaverunt, vix credenti occurrere etîam , quos<br />
ut fiigientcs fequebatur. Ergo non mediociu om*<br />
-n'mm animas formido incejferat , qulppe itineri<br />
quam pmlio aptwres erant : raptimque arma car<br />
piebam; fid ipfa feflmatio difeurrentmm fmofque<br />
*ad arms^ vocamtium majûrem metum mcujfit :<br />
>4<strong>du</strong> in jugum <strong>mont</strong>is evaferant , ut hofhium,<br />
agmen mde profpicerem ; equos plerique fmnar<br />
bant ; difeors exercitus nec ad unum intentus im«<br />
'fermai varia tumulm cunHa-turbaverat. Darius,<br />
'initia, <strong>mont</strong>is jugum cum <strong>par</strong>te copiarum occu<strong>par</strong>e<br />
ftatuit 9 '& a fronte & a tergo circum*<br />
ïturus hoflem ; à mari, quoque , quo dextrum<br />
ejus cornu tegebatur , aUas objeàurus, ut undi~<br />
que urgeret. Pmter hmç , viginti millia pramijfa<br />
€um Jagittariorum manu , Pinarum amnem, ma<br />
*<strong>du</strong>o agmina mterfluebat, tranfire & objkere fefe<br />
macedonum copiis jufferat-; fi M pmflare nom<br />
pqffent, retrocedere in <strong>mont</strong>es & occulté circumire<br />
midmos hoftium* Ceterum , deftinata falubriter,<br />
LIVRE HT. CHAP. VIII. 47<br />
tmtés prote&rices <strong>du</strong> lieu. T2éja 'le foldaî , «également<br />
•prêt à marcher & à combattre , avoit enten<strong>du</strong> pour îa<br />
trolfîème fols 9 félon. l'ordre donné, le figaa'l de îa<br />
trompette : on commande aux troupes de doubler le<br />
pas, & à la pointe <strong>du</strong> jour elles arrivent aux gorges<br />
•dont elles avoïent projeté de fe faîfiv. Xes coureurs<br />
f aportoient que Darius -n'étoit plus éloigné que de<br />
trente ftades ; fur cela , le roi fait faire halte , &<br />
prenant lui-même f es -armes y il range fou armée en<br />
'bataille.<br />
21. Des payfans effrayés aanoncèreat Taravc'e des<br />
ennemis à Darius., qui avoit peine à croire que des<br />
gens qu'il pourfuivoit comme fuyards , portaient la<br />
•hardiefle jufqù'à -venir à fa rencontre* Cette nouvelle<br />
jeta une grande épouvante -dans tous les 'cœurs ; car<br />
tous ces hommes étoient plus propres à marcher qu'à<br />
combattre : ils s'armoient avec précipitation ; -mais leur<br />
cmpreflement même à courir de tous côtés & à crier<br />
aux armes augmentoit encore la frayeur : les uns<br />
avoïent gagné le haut de k <strong>mont</strong>agne f peur confidérer<br />
de là les troupes ennemies ; la plu<strong>par</strong>t bricbienî<br />
leurs chevaux; le défaut de concorde & d'unité dans<br />
le commandement rempliffoit l'armée de trouble & de<br />
confufion. Darius., au commencement., réfoîut d'occuper<br />
la croupe de la <strong>mont</strong>agne a^rec une <strong>par</strong>tie de fes<br />
troupes, pour enveloper l'ennemi <strong>par</strong> devant & <strong>par</strong><br />
derrière ; & de lui en oppofer d'autres <strong>du</strong> -côté de la<br />
mer, qui couvroit fon aile droite, pour le harceler<br />
4e toutes <strong>par</strong>ts. En -outre , il avoit envoyé es avant<br />
vingt-mille'hommes & une troupe d'archers, avec ordre<br />
4e paffer la rivière de Pinare f .qui fé<strong>par</strong>oit les deux<br />
armées , & 4e s*oppofer aux troupes macédoniennes ;<br />
ou, s'ils se pouvotent l'exécuter, de Ce retirer fur les<br />
<strong>mont</strong>agnes , & de fe mettre fecrètemest en état d'enveloper<br />
l'arriere-garde des ennemis. Au relie f ces projets<br />
falutaires furent renverfés <strong>par</strong> la fortune , dont la<br />
puiffance remporte fur toute la fageffe humaine : car<br />
la crainte empêche-k les uns d'exécuter ce qu'on leur
4S LIBER III CAP. IX.<br />
fruflra exfequebantur'; qum $ ubi <strong>par</strong>tes tahaMi<br />
fumma turbatun<br />
IX. Acks autem Me modo ftetit. Nabarianes<br />
equitatu dexirum cornu tuebatur, addiiis fundiïomm<br />
faghtariorumque viginti firè miUibus : in t§~<br />
dem Tàymodes irai gmeis peditibus mweede con<strong>du</strong>âis<br />
triginta m'dlibus pmpofttus ; hoc erat kaud<br />
éub'mm robur exercitûs, <strong>par</strong> macédonien phahmgi<br />
actes. In lavo cornu Arifiomedes, thtffalus, vig'mti<br />
millia barbarorum pediium habebat ; m fié-<br />
Jîdiis pugnacif/imas iocaverat gentes : ipfum regem,<br />
In eoâem cornu Hmicaturum, tria mÛlia dekBorum<br />
eqûkum » affueta corporis euftodia, & pedeftris<br />
actes quadragmta milita fequebantur ; kïrtant<br />
demie medique équités ; his proximi ceteramm<br />
gentmm , dextra lavâque difpofiti. Hoc<br />
agmen , ficut diëum efl inftruBum, [ex millia jaadatorum<br />
fimditorumque antecedebant. Qmdqmd<br />
in iliis anguftiis adtri poterat impliveram copia ;<br />
tornuaque hinc âjugo, Mine à mari ftabant; nxorem<br />
matremque régis, & atium femimrum gregem,<br />
m médium agmen acceperant*<br />
2y. Atexander pkalangëm 3 quâ nihil apud ma"<br />
cedonas validius erat # in fronte conftituït. ~3e%«<br />
irum cornu Nicanor , Parmenioms ftlius , tuebatur<br />
4 kuic ffoximi ftabant Csmos, & Perdkcas,,<br />
• €» Meleager, & Ptolemmus , 6* Amyntas , fui<br />
quifque agamis <strong>du</strong>ces. In lavo , quod ad mare<br />
pertinebat, Craterus & Parmenio erant-, fed-Craïerus<br />
Parmenioni <strong>par</strong>ère jujfits. Equités ab utro~<br />
^que cornu locati : dextrum -macedones , theffalis<br />
adjunifts,9 tmvum peioponnenfes tuebantur. Ame<br />
'hanc aciem pqfutrat Junditorum mamm? fagittazus<br />
.admixtis-; ihraces auoque & cretenfts mm<br />
commandoit,
LIVRE I1L CMAP. IX. 49<br />
C^ramândoït , 6c les autres l'exécutoient en vain ; <strong>par</strong>ce<br />
que , quand les <strong>par</strong>tiel vacillent, Je tout eft en défordreP<br />
IJC. Or voici la difpofition de l'armée. Nabarzane»<br />
commandoit l'aile droite avec fa cavalerie & quelque<br />
vingt-mille frondeurs ou archers : <strong>du</strong> même côté était<br />
Thymodes à là tête d'un corps Coudoyé d'infanterie grèque<br />
, au nombre de trente-mille ;' c'étoit véritablement<br />
la force de l'armée, & un corps com<strong>par</strong>able a la phalange<br />
macédonienne. A faile gaucàê ït thefîaliea<br />
Ariitomède* avoit un corps d'infanterie de vingt-mille<br />
barbares ; & il avoit mis en réferve, pour les fouîenir t<br />
les'nations les plus belliqueufes : le roi , qui-devoit<br />
combattre en perfonne à la même aile, "étoit à k<br />
tête de -trois-mille cavaliers «d'élite f fes gardes <strong>du</strong> corps<br />
ordinaires $ & de quarante-mille hommes de pied ; ils<br />
avoient derrière eux la cavalerie des hircaniçns & des<br />
mèdes ; & tout de fuite celle des autres peuples f rangée<br />
à droite & à gauche. A la tête de cette armée 9 difpofée<br />
comme on vient de dire, marchoient ûx-mille<br />
hommes , gens de trait & frondeurs. Tout ce qui étoit<br />
abordable dans ces gorges avoit été rempli de troupes ;<br />
& les deux ailes s'étendoient , l'une jufqu'au haut de<br />
la <strong>mont</strong>agne, l'autre jufqu'à la mer: on.avoit placé au<br />
milieu de l'armée l'épeufe'ôc la mère <strong>du</strong> roi , 'avec le<br />
réfte-des femmes* } i •<br />
13. Alexandre mit au front de la bataille fa phâlange<br />
, qui étoit commandée <strong>par</strong> Niçanorv filtre'Pa*-<br />
•ménlen j & il avoit près de lui Cénus.» Perdkcas, Mél^agre,<br />
Ptolémée, & Amyntas, chacun à la t§t* â f m<br />
corps <strong>par</strong>ticulier. A l'aile gauche , qui s'étendoit ^ers ^1<br />
mer 0 étoient Cratère 6c Parménion , mais le premier<br />
fournis aux ordres <strong>du</strong> dernier. La cavalerie fut jetée<br />
fur les deux ailes : celle des macédoniens, avec les cheffaliens,<br />
couvroit l'aîle droite ; celle <strong>du</strong> Péîoponèfe, l'allé<br />
gauche. Il avoit mis au devant de l'armée un gros de<br />
Irondeurs , entremêlés d'archers ; les thraces & les<br />
Cretois , armés auil à la légère y étaient <strong>par</strong>eillement<br />
Tome L • • C • , >
50 LIBER 111. CAP. X<br />
ngmen ibani9 .& tpfi leviter armatl At ïïs% fui,<br />
pmmiffi à • Daria , • jugum monâs infederant 9<br />
*gfianas-'Oppofisfo i -ex Gracia nuper adveBos :<br />
Parmenwm"'autem pmceperat ut , quantum pof<br />
fet, agmm ad mare extenderet, quo longius ab-<br />
'effet <strong>mont</strong>ibus quos occupaverant barbari. At ilâ<br />
neque pbfiare venientibus , née circumire prœtergrejfos<br />
àufi $ funditorum maxime adfpe&u profit<br />
gérant terra} : ; caque res iumm Alexandro agmi-*<br />
nis lotus,. qmd m, fupernè incefferetur timuerat t<br />
•pmftitm .Triginta & <strong>du</strong>o armatorum or Unes<br />
ibant, neque enim hûks txtendi aciem patiebanmr<br />
anguflim : pauladm demie fe Iaxare finus<br />
<strong>mont</strong>mm & majus fpatium aperire cœperant, ita<br />
ut, non pedes folum pluribus ordinibus incedere,<br />
fed etïam à lateribus eîrcumfundi pojftt eqmtatus9<br />
X. Jam in tonJpeSu i fed extra tell jaËum }<br />
utraque acies erat, quum prions perfa mçondi
LIVRE III CWAP. X y,'<br />
•tancés. Quant à ceux que Darius aroit envoyés es<br />
avant, & qui s'étoieat poftés fur le haut de la mon-<br />
t a l n j * i V T °V°^ lêS ^ rlms » Gemment arrïvés<br />
de la Grèce : & il aroit enjoint à Parméoion, d'é-<br />
«end» foa aile yen le mer autant qu'il pourroit, afin de<br />
s éligner^de plus en plus des <strong>mont</strong>agnes dont s'étoient<br />
-fatfis les barbares. Mais ceux-ci n'ofèrent-ni s'oppofer<br />
aux approches de l'ennemi, .ni prendre en queue ceux<br />
JIM étaient paffés; épouvantés fpécialemem à la vue<br />
de *J TQn * mrs > «soient pris la fuite: ce qui tranqwlifa<br />
Alexandre pour îe flanc de fon armée , pour<br />
•lequel il aroit redouté une attaque d'en haut. On avan-<br />
Soit fur trente-deux hommes de front, les gorges ne<br />
permettant pas à l'année de fe dèyeloper diJLeles<br />
cavités entre les <strong>mont</strong>agnes venant enfuke à s'éteiw<br />
f? Pe S-ki PCU - & à P^ fent «-«n * f P^e plus grand, il<br />
fut^poffible , non feulement de faire marcher finfantene<br />
for un plus grand front, mais de jeter même de<br />
la cavalerie fur les côtés.<br />
X. Déjà les deux armée^itoient en préfence, maie<br />
non a la portée <strong>du</strong> trait, quand les perfes jetèrent les<br />
premiers un cri confus & affreux : auffitdt les macédoniens<br />
pouffèreat'un cri plus grand encore, non <strong>par</strong> l'égalé<br />
de leur armée , mais pas Pécho des <strong>mont</strong>agnes & des<br />
Taftes forêts qui les couwoient; car les bois & les ro~<br />
cjiers voifîss ne manquent jamais de multiplier ayee retenwement<br />
tout fon qui s'y -eft fait entendre. Alexandre<br />
mudioit devant la première ligne, Ment de' temps en<br />
temps figue de la main à fes foklats de modérer leurs<br />
pas , de peur que, fe mettant hors d'haleine <strong>par</strong> troa<br />
€e précipitation, ils nevnffent.à la charge arec moins<br />
d'aétiTité : & paffant à cheval le long des rangs, il adreffqit<br />
aux foldats différents difeoûrs., proportionnés.aux<br />
caraaères de chaque nation. 11 fefofe fouyenirde leur<br />
Acienne valeur les macédoniens, qui fortis vîâorieux<br />
«e tant de guerres- en Europe, 'éteient jiartis, autant<br />
<strong>par</strong> leur propre mouvement que <strong>par</strong> fon impuîfion f pour<br />
tubjuguer l'Aûe & les centrées les.plus reculées de<br />
• Cij
'ci 'IIBMR III CAP. X.<br />
ïpfiùs magis quam fuo <strong>du</strong>éh , profeBi, invité<br />
rata virtuth admonebantur* Bios terrarum orbis<br />
iiberatores* emenfofque ollm Hertulis & Libêri<br />
patris terminas, non perfis modo , fed etiam om°<br />
mibus gentibus impofituros jugum ; macedonum<br />
MaBra & indos fore ; nûnima effe qua nunc intuerentur<br />
* fed omnîa viBoriâ <strong>par</strong>mi : mon pm
LIVRE III. CHâP. X* 55<br />
rOrient. I! leur difoiî qu f iîs aîloient être les libéra-.leurs<br />
de l'univers , & , pouffant leurs conquêtes auflk<br />
loin qu'autrefois Hercule & Bacchus % donner la loi»<br />
non feulement aux perfes, mais encore à toutes les nations;<br />
que les ba&riens & les indiens aîloient fubir le<br />
joug de la Macédoine ; qu'ils ne voyoient actuellement<br />
que peu de chofef mais que la viôoire donnent<br />
droit à tout : que leurs travaux ne fe terarin-eroient pas<br />
fans fruit dans les rochers efearpés de l'Illyrie & dans<br />
les <strong>mont</strong>agnes de la Thrace ; que les dépouiîîes de<br />
tout l'Orient s'offroieat à eux : qu'à peine auroient-iîs<br />
befoin de l'épée ; & que le choc de leurs boucîiers fuffifoit<br />
pour châtier toute cette multitude * déjà chancelante<br />
<strong>par</strong> fa propre frayeur, Là-deflus il invoquoïi Philippe<br />
fon père , vainqueur des athéniens ; & rappeloit<br />
dans les efprits l'image de la Béocie récemment domptée<br />
, & de la plus ffariflante de fes villes détruite jusqu'aux<br />
fondements : il leur remettait devant les ieux,<br />
tantôt la journée <strong>du</strong> &aiiique, tantôt «ne infinité de<br />
villes prifes ou <strong>par</strong> force ou <strong>par</strong> compofition , & tout<br />
ce qui était derrière eux , abattu. & fournis à leur<br />
obéitiance. Quant il venoît aux grecs , il leur représentait<br />
que ces peuples avoient porté la guerre - dans<br />
la Grèce ; une première fois fous la con<strong>du</strong>ite de Da»<br />
rîus s enfuïte fous les ordres de Xerxès, qui avoient<br />
ïnfolemment ofé leur demander l'eau & îa terre , com*<br />
me pour ne leur laitier la liberté, ni de boire les eaux<br />
de leurs propres fontaines, ni de tirer de leur fol les<br />
fubfiftances ordinaires : puis il leur remettait en mémoire<br />
les temples des dieux qu'ils avoient abattus ou<br />
ré<strong>du</strong>its en ^cendres ,. leurs villes qu'ils avoient forcées<br />
$ tous les droits divins & humains qu'ils avoient<br />
violés. Quant aux illyriens & aux thraces , peuples<br />
accoutumés à vivre de rapine , il leur fefoit confidérer<br />
l'armée des ennemis toute éclatante d'or & de pourpre<br />
, &. chargée de butin plutôt que d'armes : ils<br />
n'avoient , difoit - il f qu'à fe préfenter ; des hommes<br />
Courageux enieveroient aifément cet or à^ de fâches<br />
C iij
54 LIBER IIL CAP. XL<br />
viri eripcttnt; afpera <strong>mont</strong>îum fuorum juga , tm~<br />
dofque coUes & perpétua rlgemes geh > ditibus<br />
perfamm eamph agrîfque minorent»<br />
XL Jam ad teB jaËum. ptrvetwraM , qmtm pep*<br />
'forum équités firociter in lavum cornu kofiium m-»<br />
veËi funt ; quippe Darius equeftri pralio decer»<br />
mère optabat, phdangem macedonici exercitûs<br />
robur ejfe conjeëans : jamque etiam dextrum Ale~<br />
xandri cornu circumibatun Quod ubi macedo<br />
confpexit, <strong>du</strong>abus alis equitum ad jugum <strong>mont</strong>is<br />
jujfîs fubfiflere , ceteros in médium belli difcri~<br />
men ftrenuè transfert : Jub<strong>du</strong>Ms deinde ex acte<br />
thejfmis equitibus , pmft&um eorum occulté et"<br />
cumire tergum fuorum jubet , Parmtmomqm<br />
conjungi , & quod h imperaffet impigrè exfequL<br />
Jamque ipfi, in médium perfamm undique circumfiifi,<br />
egregiè fe tuebantur ; fed confêrti & quafi<br />
cohérentes , tela vibrare non poterant : fimul<br />
tram emijfa , in eofdem concurrentia implicabantur<br />
; levique & vano Uht pauca in kojiem, pkra<br />
in humum innoxia cadebant. Ergo cpminus pugnam<br />
coaéii conferere , gladws impigrè Jlringunt.<br />
Tumvero mulîum fongmnis fit/ion eft : <strong>du</strong>m quippe<br />
actes ita cohmrebant , ut amis arma pul/arent ><br />
mucroms in ora dirigèrent* Non timido , non<br />
ïgnavo ceffare mm Ikuit. CoUato pede quafi finguii<br />
Inter fe dimkarent , in eodem veftigio ftabant ,<br />
donec vincendo beum fibi facerent ; tum demum<br />
ergo promovebant gra<strong>du</strong>m\ quum hoftem proftroverant<br />
: at ïllos novus excipiebat adverjarmt<br />
fatigatos ; nec yuhurati, ut alias foknt , ack
LIVRE III. CMAP. XL 55<br />
efféminés ; & rien ne les empêcheroit d'échanger leurs<br />
rochers & leurs <strong>mont</strong>agnes arides & couvertes de glaces<br />
' éternelles, contre les plaises & les fiches campagnes<br />
des pertes.<br />
XL On étoit déjà à îa portée <strong>du</strong> trait, lorfqne la<br />
cavalerie perfe chargea avec fureur Taîle gauche des<br />
ennemis ; car c'étoît principalement avec la cavalerie<br />
que Darius défiroit d'agir y jugeant bien que la phalange<br />
étoit îa plus grande force de Farinée macédonienne :<br />
& l'on commençoit déjà à inveftir auffi l'aîle droite<br />
d'Alexandre. Mais ce prince, s'en étant apperçu, Iaiffé<br />
feulement deux efeadrons de cavalerie fur la <strong>mont</strong>agne f<br />
& fait promptement paffer le relie à l'endroit où l'action<br />
étolt la plus chaude : il détache enfuite <strong>du</strong> corps de<br />
l'armée îa cavalerie theflalienne, ordonne à ion Général<br />
de paffer fecrètement <strong>par</strong> derrière fes bataillons ,<br />
d'aller ainfi joindre Parménion , & d'exécuter ponctuellement<br />
fes ordres. Pendant ce temps les macédoniens<br />
, répan<strong>du</strong>s de tous côtés <strong>par</strong>mi les perfes qui<br />
les envelopoient, * fe défendoient merveilleufement ;<br />
mais ils étoient fi mêlés & fi ferrés, qu'ils ne pouvoient<br />
lancer leurs javelots : dés qu'ils étoient <strong>par</strong>tis,<br />
ifs s'embarraffoieat aTêc ceux qui étoient dirigés<br />
contre eux ; irès-peu atteignoient l'ennemi & ne l'atteignoïest<br />
que légèrement & à faux, la plu<strong>par</strong>t tom*<br />
boient à terre fans effet. Etant donc forcés de combattre<br />
de près t on fe hâta de mettre Fépée à la main.<br />
C'eft alors qu'il fut répan<strong>du</strong> beaucoup de fang : car les<br />
deux armées étoient fi ferrées , quelles armes fe tou-<br />
« choient, & qu'on pointoit les vifages. Il n'y eut alors<br />
homme fi timide ni fi lâche qui pût reculer. Combattant<br />
de main à main comme en un combat fingu'îier, ils<br />
tenoient ferme au même Heu, jufqu'à ce qu'ils fe fiflent<br />
place <strong>par</strong> la victoire; ce n'étott donc qu'après avoir ter*<br />
raffé un ennemi qu'ils avançoientun pas : mais déjà épuifés<br />
de fatigue , ils rencontroient un nouvel ennemi ; _&<br />
les bîeffés ne pouvoient fe tirer de îa mêlée , comme<br />
c'eft l'ordinaire en d'autres ©ccafions , <strong>par</strong>ce que i'enhe-<br />
C iv
56 LIBER 111. CAP. XL<br />
poteram ixcedere, quum hojtis mfiaret à fronm.<br />
& à tergo fia urgerenL<br />
, 26. Alexonder non <strong>du</strong>els; magls quam militis<br />
mumra exfequebatur, opimum decus cafo rege<br />
etpeiens ; qulppe Darius curru fubllmls eminebat<br />
, & fias ad fe tuen<strong>du</strong>m , & hoftlbus ad<br />
incejfen<strong>du</strong>m , ingens inckamentum. Èrgo frôler<br />
ejus Oxathres , quam Alexandrum inftare<br />
ei cerneret , émîtes qulbus praerat ante ipfum<br />
€urrum régis objeck : armls & robote corporis<br />
multum piper ceteros eminens , anima vero &<br />
pie tau in paucijjimis illo utique pratio clar.<br />
rus 9 allos improvidè infiantes profiravk 9 alios<br />
m fugam avertk. -At macedones , ut circa re»<br />
gem erant, mutuâ adhortatione firmati, eum<br />
ipfo in equimm agmen irrumpunt. Tum vero<br />
fimUis ruina firages erau Circa currum Dard<br />
jaeebant nobUlmmi <strong>du</strong>ces, ante ocubs régis egre~<br />
fia morte defan&i , omnes m ora proni ficut<br />
dimkantes procubuerant » adverfo corpore vulne~<br />
ribus acceptls : inter hos Atlçyes , & Màeomithres<br />
, 6» Sabaces prator JEgypti, magnorum<br />
€xercituum prmfeëi, nofckabanmr ; circa eos eumulata<br />
erat pedkum equitumque obfcurior turba.<br />
Macedonum quoque non quidem multi, fed promptijjimi<br />
tamen, cafi funt ; inter quos AUxandrî<br />
dextrum fémur levker mueront ptrfiriBum. efi.<br />
27. Jamque qui Darium vthehant equi , confoffi<br />
hafiis & doiore efferati , jugum quatere &<br />
regem curru excutere empirant ; quum iik, veritus<br />
ne vivus. venlret in hoftium potefiatem ,<br />
éefilh '& in equum , qui ad hoc fequebatur »<br />
imponitur ; infignibus qwque imperii, ne fugam
'LIVRE III. CMAF XL ^j<br />
m! les attaquoit <strong>par</strong> devant & que leurs camarades les<br />
preflbient <strong>par</strong> derrière.<br />
26. Alexandre remplifiblt également les fondions<br />
de Général & de foldat , afpirant fur-tout à l'avantage<br />
diftingué de tuer Darius de fa main j car ce roi, élevé<br />
fur un char, étoît ua fpeftacle bien propre pour encourager<br />
f & les fiens à le défendre , & fes ennemis à<br />
l'attaquer. Oxathrès f fon frère, le voyant donc preffé*<strong>par</strong><br />
Alexandre, -fe jeta devant le char même <strong>du</strong> rot<br />
ayec la cavalerie qu'il avoit à fes ordres : ce prince<br />
écoic remarquable entre tous les combattants <strong>par</strong> fes<br />
armes 8c <strong>par</strong> fa vigueur j mais,donnant, <strong>par</strong>ticulière»<br />
ment en cette occafion 9 des preuves rares, de courage<br />
& d'affeéBon, il renverfa ou mit en fuite ceux qui eurent<br />
l'imprudence de l'attaquer. De leur côté les macédoniens<br />
qui environnoient leur roi, après s'être encouragés<br />
<strong>par</strong> des exhortations mutuelles , fondent avec lui<br />
fur cet efcadron. En un moment le carnage devînt<br />
effroyable. Autour <strong>du</strong> char de Darius étoient renverfé's<br />
les chefs les plus diftingués , morts glorieufement fous<br />
les ieux de leur roi, tous la face contre terre comme<br />
ils étoient tombés en combattant, & n'ayant de blefçfores<br />
que <strong>par</strong> devant : on, recennoiffoit <strong>par</strong>mi eu*<br />
Atizyès , Rhéomithrès , Sabacès gouverneur d'Egypte s<br />
lefquels avoient tous commandé de grandes armées^<br />
autour d'eux étoient entaffés un grand nombre de gens<br />
de pied & de cheval moins confîdérables. Du côté' des<br />
macédoniens il y en eut auffi de tués , non pas à la<br />
vérité en grand nombre , mais, de ceux qui donnèrent<br />
tf abord avec le plus d'ardeur ; & <strong>par</strong>mi eux Alexandre<br />
fut bîeffé légèrement d'un coup d'épée à la cuifle droite.<br />
27. Cependant-les chevaux qui tramoient Darius,<br />
percés de coups & effarouchés <strong>par</strong> la douleur, co.ift»<br />
mençoient à fecouer le joug & allotenfe renverfer le.<br />
roi de deffus fon char ;• lorfque s craignant de tomber<br />
vif entre les mains de fes ennemis, il f« jette en bas &<br />
<strong>mont</strong>e un cheval qui le fuivoit pour cette fin ; il quitta<br />
«*aae.hQMeu£emenUçs-marques de-fa dignité, de-peur<br />
C y
5» LIBER 1IL CAP. XL<br />
proderent, indtcorè abjeOis. Tum vero ceteri dijjîpantur<br />
metu9 & qui culque patebat ad fugam<br />
via erumpunt 9 arma jacientes quœ patdo ante<br />
ad tutelam corporum fumpferant : adeè pavor<br />
iûam auxilia firmidabat ! Inflabat fugientibus<br />
eques a Pamenione mijfus, & fine m id cornu<br />
omnes fuga abftulerat. At in dextrô perfm theffalos<br />
équités vehementer urgebant > jamque una<br />
ala ipfo impetu procukata erat ; quum theffali 9<br />
firenuè circumoBis iquh dUapfi, rurfus m pmlium<br />
redeunt, f<strong>par</strong>jbfque & incompofitos viBorim fi<strong>du</strong>ciâ<br />
barbaros ingenti cœde profiernunt* Equi <strong>par</strong>ittr<br />
equkefque perfarum , ferk laminarum graves , ag-*<br />
men, quod cehrhate maxime confiât, mtrè moliebantur<br />
; qulppe in cîrcumagendis equis fuis theffali<br />
muitos occupaverant* Mac mm profptrâ pugnâ<br />
nunciatd , Alexander, non ante au/us perjeqm<br />
barbaros % utrinque jam vi&or, inftare fugientibus<br />
cœp'iL Haud ampliès regem quam mille- équités<br />
fequêbanmr, quum ingens multkudo hoflium code*<br />
ret : fed quïs, ami in viBoriâ aut in fugâ , JCOpias<br />
numerat? Agebantur ergo à tam pauc'u pecorum<br />
modo 3 & idem metm qui cogebat fugert<br />
fugientes morabatun<br />
2,8. At grmci qui 'm Dariï <strong>par</strong>tibus fleteranê •<br />
Amyntâ <strong>du</strong>ce , (pmtor hic Aie xandri fuit 3 rmnc<br />
transfuga ) abrupti à ccteris, haud faut fùgientibus<br />
finales evajerant, Barbari* longé diverfam fogam<br />
intenderunt ; alii quâ reélum iter in Perfidem<br />
<strong>du</strong>cêbat, quidam çirmmim rupes faltufqm mm*
LIVRE 111. CMAP. XL 59<br />
Qu'elles ne le trahîfient dans fa fuite. Ce fut alors que<br />
l'épouvante difperfa le relie, chacun s'échapanî comme<br />
il pouvoit & jetant les armes qu'un peu au<strong>par</strong>avant iîs<br />
avoient prifes pour leur défenfe : tant la frayeur leur<br />
fefoit redouter jufqu'aux chofes qui pouvoient leur<br />
donner <strong>du</strong> fecours ! Les fuyards étoient ferrés de près<br />
<strong>par</strong> la cavalerie que Parménion avoit détachée à leur<br />
pourfuite , & <strong>par</strong> h a fard la précipitation les avoit tous<br />
emportés vers cette allé. Mais à l'aile droite les perfes<br />
harceloient vivement la cavalerie theffalienne , dont uri %<br />
efcadron avoit été culbuté dès le premier choc ; lorfqw*<br />
les theflaliens, après s'être échapés en tournant prônîp^<br />
tement bride, reviennent à la charge f & trouvant les<br />
barbares é<strong>par</strong>s & en défordre dans la confiance de la.<br />
viftoire f ils en font un grand carnage. Les chevaux &<br />
les cavaliers perfes , furchargés de lames de métaux ,<br />
avoient peine à fe former en corps, ce qui demande<br />
fur-tout de la célérité ; & cela donna aux theflaliens<br />
la facilité de faire beaucoup de prifonniers en fefant<br />
caracoler leurs chevaux. Ayant appris l'heureux fuccès<br />
de ce combat, Alexandre , qui jufques là n'avoit ofé<br />
pourfuivre les barbares , fe voyant enfin vi&orieux des<br />
deux côtés , fe mit auflkôt à leurs trouffes.. 11 n'avoit<br />
pas plus de mille chevaux à fa fuite ; quoiqu'il taillât en<br />
pièces une' multitude prodigieufe d'ennemis : mais qui<br />
s'avife , ou dans la chaleur de la vicloire ou dans le<br />
défordre d'une fuite , de compter les hommes ? Ce<br />
petit nombre de foldats chaffoit donc les fuyards comme<br />
un ttoupeau • de bêtes , & la terreur qui les fefoit<br />
fuir retardoit leur fuite,<br />
28. Quant aux grecs qui avoiént fervî Darius fous<br />
la con<strong>du</strong>ite d'Amyntas, autrefois- lieutenant d'Alexandre<br />
& alors <strong>du</strong> <strong>par</strong>ti contraire , ils fe détachèrent des<br />
autres . & firent une retraite qui n'eut point Fair d'une<br />
fuite. Les barbares dirigèrent la leur <strong>par</strong> des routes<br />
bien différentes ; l'es uns fuiyirent le chemin qui mène<br />
droit ea Perfe , d'autres <strong>par</strong> des détours gagnèrent le<br />
creux des rççhers & les repaires cachés dans les b©is<br />
C vj
6o LIBER 11L CAP. XL<br />
iium occukos paivere 9 pauci caftra Darih Séd<br />
jam illa quoque hoftîs viBor intraverat 9 omm<br />
quidem opulenfm ditia. Ingens aurl argentique<br />
fon<strong>du</strong>s, non btllï fed luxurm ap<strong>par</strong>atum , diripueront<br />
milites : quumque plus râpèrent , paffimftrata<br />
erant itinera vUioribus farcinis , quas m<br />
com<strong>par</strong>atione meliorum avaritia contempferaL Jam."<br />
que ad fi minas perventum erat, quibus , quo car<br />
Tipra ornamtnta [uni , vwlentiks detrahebaniur ;<br />
m$c corporibus quidem vis., ac libido <strong>par</strong>cebat.<br />
Smnia planBu twmdtuqui , prout cuique fortuna<br />
erat ^ caftra repkverant ;• me ulh faciès mais<br />
deerot, quum per omnes -ordmes œtatefqut viBoris<br />
cmdelitas- ac licenûa vagaretun Tune vero<br />
ùnpottntis- fortuna- fpecies confpici potuit ; quum<br />
xi qui tum Darîo tabemaculum txomaverant ><br />
omni luxu & opulenûâ inftruBum , eadem illa<br />
Alexandro , quafi veteri domino 3 refirvabant :<br />
mamque id folum intaBum omiferant milites , ka<br />
îradiîo more , ut viBorem viBi régis tabernareuh<br />
exciperent:<br />
3.9. Sed omnium oculos ammofqm in fima<br />
converteram captivm mater. conjuxque Dard ?<br />
iMa , non majeftate folum 9 fed etiam atate vent" '<br />
rabUis ; hmc, forma pulcàritudine , nec illa quidem<br />
forte corruptâ* Acceperat in finum filium<br />
non<strong>du</strong>m fixtum math annum egrejfum 9 in fpem<br />
tanta- fortuna quantam pauh ante pater ejus<br />
amifirat genitum. Ai in gremio anus aviajacebam<br />
admta virgincs <strong>du</strong>s y non fuo tmtum fed-
'LIVRE 111. CHâP. XL Gt<br />
tfes <strong>mont</strong>agnes , fort peu retournèrent au camp de Dajïus.<br />
Mais Fennemî vainqueur y étoit déjà entré, &<br />
l'avoit trouvé rempli de toutes fortes- de.richefles.<br />
Une quantité énorme d'or & d'argent, deftinés f non<br />
aux befoifjs de la guerre , mais au fafte <strong>du</strong> luxe , avoit<br />
été la proie des foîdats : & comme ils fe furchargeoient f<br />
les chemins étoient couverts de paquets moins précieux,<br />
que leur avidité avoit dédaignés peur d'autres-<br />
«ju'Ils avoient jugés meilleurs. On étoit déjà arrivé<br />
au quarfiei des femmes $ à qui on atrachoit leursbijoux<br />
avec d'autant plus d'emportement qu'elles y font<br />
plus attachées ; leurs perfonnes mêmes ne furent refpeélées<br />
ni <strong>par</strong> la force ni <strong>par</strong> la paifion. Le ca«p retenîîfloit<br />
<strong>par</strong>tout de gémiffements & d'agitations tiimultEeufes<br />
? félon la différence des fituatlons ou chacun<br />
fe îrouvoit $ 8c il n'y manqua aucune forte d'horreui,<br />
toutes les conditions & tous les âges ayant été en proie<br />
à la cruauté & à la licence <strong>du</strong> vainqueur. Mais ce<br />
qui fut alors une preuve frapante de la barbarie de la<br />
fortune r c'eft que les mêmes- officiers qui venoient de<br />
pré<strong>par</strong>er pour' Darius la tente la plus magnifique & la.<br />
plus riche , gardoient dans ce moment toutes ces chofes<br />
pour Alexandre s comme s'il en eût été' l'ancien<br />
maître r car c'étoit la feule chofe à quoi les foldàts<br />
n'euffent point touché , <strong>par</strong>ce qu'il étoit d'un ufâge<br />
ancien de recevoir le vainqueur dans-, la tente <strong>du</strong> roi<br />
vaincu»<br />
29. Mais tous les ieux & tous tes coeurs fe tout*<br />
noient vers la mère & l'époufe de Darius , qui étoient<br />
prifonnières : l'une vénérable , non feulement <strong>par</strong> la<br />
snajefté de fa perfonne, mais encore <strong>par</strong> fonâge ^ l'autre<br />
, <strong>par</strong> fa beauté , qui,. au comble même <strong>du</strong> malheur t •<br />
confervoit encore tout fon éclat. Elle tenoft entre fes<br />
bras fon fils , qui'n'avoir, pas eocore fix ans , & à qui<br />
fa naiffance avoit donné l'efpoir de pofféder un jour<br />
cette grande fortune que fon père venoit de perdre.<br />
Sur le fein de la vieille reine étoient penchées deux<br />
Jeunes princefles en âge d'être mariées, accablées- éi\
'€1 LIBER III CAP. XII<br />
ttiam illlus mœrare confeËa. Ingens circa eam<br />
nobilium feminarum turba confliterat , laceraùs<br />
crinibus , abfcijfdque vcjle, pnflini decoris immemores,<br />
Reginas Dominasgut , veris quondam ,<br />
tune alunis nominibus , invocantes. Illœ, fkm<br />
cahmitatis oblita , utro cornu Darius ftetiffet ,<br />
qum fortuna difcnmmis fiâjfet, requirebant ; megabant<br />
fe captas, fi viveret rex. Sed illmm equos<br />
fubinde mutantem longius fuga abflukrat* In acte<br />
autem œfa funt perforum peditum centum milita,<br />
decem vero mUlia interfeSa equitum : at ex <strong>par</strong>te<br />
Alexandri quatuor & qumgenti faucii fuêre, triginta<br />
omnino & dm ex peditibus defiderati funt,<br />
equitum centum quinquaginta interje&i-i tantula<br />
impendio ingens viêoria ftetit !<br />
XII. Rex 9 diu Darîutn perfequendo fatigatus ~,<br />
pofleaquam & nox appetebat & eum ajfequendi<br />
fpes non eraty in caftra paulo ante à fuis capta<br />
pervenit. Invitari deinde amîces quibus maxime<br />
affueverat jujpt, quippe fumma <strong>du</strong>mtaxat cutis in *<br />
femorc perftriëa non prohïbebat interejfe convhvio ;<br />
quum repente è proximo tabemaculo lugubris clamor<br />
, barbaro uluiaiu phmËuque permiftus , epulantes<br />
conterruh. Cohors quoque qust excubabat ad<br />
iabemaculum régis, verita ne majoris motus principium<br />
effet, armare fe cœperat. Caufa pavoris<br />
fubiti fuit, quod mater uxorque Darii cum captivis<br />
mulieribus nobilibus » regem, quem interfeËum<br />
ejfe credebant , ingenti gemitu ejmatuque deftebanL<br />
Unus namque è capûv'u fpadonibus , qui fine<br />
ante ipfarum tabernaculum fteterat, amiculum 9<br />
fuod Darius , ficut paulo ante diBum efi , ne.
LIVRE III. CMAP. XII. 6j<br />
poids &' de leur douleur & de celle de leur aïeule. Elle<br />
étoit environnée d'un grand nombre de femmes de qualité<br />
, qui s'étoient arraché tes cheveux, qui avoient<br />
déchiré leurs vêtements , fans aucun égard pour leur<br />
ancienne dignité , & qui donnoient à ces princeffes les<br />
noms de Reines & de MaUreffes, qui au<strong>par</strong>avant leur<br />
convenoient à jufte titre, mais qui ne leur a<strong>par</strong>tenoienf •<br />
plus. Oubliant leur propre malheur , elles demandoient<br />
de quel côté avoit combattu Darius , quelle avoit été<br />
riflue <strong>du</strong> combat ; elles ne fe regardoient point comme<br />
captives , fi le roi vivoit» Mais ce prince, changeant<br />
fréquemment de. chevaux f avoit déjà fui bien<br />
loin. Au refte il périt dans cette bataille , <strong>du</strong> côté des<br />
perfes , cent-mille hommes de pied
«4 LIBER 111. CAP. XII.<br />
cuitu proderetur abjecerat, m manibus ejus qn<br />
repertum ferebat, agnovit; ratufque interfc&o detraëum<br />
effe , faïfum mmcium mortis ejus attur<br />
leraL Hoc mulïerum errorê eomperta , Atexander<br />
fortuna Darii & pietati earum ÏÏIacrimaJfe<br />
fertur. Ac primo Mhhrenem r qui Sardes prodiderat,<br />
peritum perficm linguœ , ' ire ad confolandas<br />
eas juffhrat ; vertus, deinde ne prodhor captivarum<br />
iram dobremque gravant, Leormatum ex<br />
purpuratis fuis mijk , • juffum mdicart falfo la~<br />
mentari eas Darium vivum* Mie tum paucis<br />
mrmigeris in tabernacubm m quo captiva- erant<br />
pervenit , miffumque à rege fe nunciarî jubeu<br />
At il qui in veftibub erant, ut armatos conf<br />
pexire, rati aËum eiïe de domînb, m taberm*<br />
culum currunt, vociférantes adejfe fupremam ko*<br />
mm mijfofque qui occiderent captas. Itaque , ut<br />
qwz nec prohibere pojfint nec admittere auderent*<br />
nuUo rejponfo data, tacita operiebantur viBorïs<br />
arbitrium. Leonnatus, exfpe&ato Su qui fe mtromhteret9<br />
pofteaquam nemo procedere audebat, rtliiUs<br />
m veflibul® fatelliûbus , intmt in tabernac<strong>du</strong>m*<br />
Ea ipfa res turbaverat feminas ,. quod irrupiffi<br />
non_ admïffus videbatur. Itaque mater & conjux%<br />
provoluta ad pedes, orare cœperunt,. ut,. priufquam<br />
" interficerentur , Darii corpus ipfïs patrïo<br />
more fepelire permutent ; funBas fupremo. in regem.<br />
cfficio fe impigrè morituras. Leonnatus y & vivere<br />
Darium % & ipfas mu incolumes modo , fed et'mm<br />
ap<strong>par</strong>atu prîftbm fortunœ reginas fort* Tum motet<br />
Dam'aikvari fi paffa eji*
LIVRE III. CHAP. XII. 6f<br />
on vient de le dire , avoit jeté pour n'être point découvert<br />
; & s*imagmant qu'on ne' le lui avoit enlevé qu'ai»<br />
jprès l'avoir tué , ii avoit porté aux dames cette fauffe<br />
nouvelle de fa mort. On dit qu'Alexandre, inftruit de<br />
cette errera", fut touché jusqu'aux larmes <strong>du</strong> fort de<br />
Darius & <strong>du</strong> tendre attachement des princeffes. Àuffitôt<br />
Ion premier mouvement avoit été d'envoyer, pour les<br />
confoler, Mithrènes, qui lui avoit livré Sardes 9 & qui<br />
«ntendoit la langue perfienne; mais craignant enfuite que<br />
la vue d'un traître n'augmentât l'indignation & la douleur<br />
des prifonnières , il leur envoya Léonnatus, l'un de fes<br />
courtifans , avec ordre de leur apprendre qu'elles pieu- '<br />
roïenl mal à propos Darius qui étoit vivant. Celui-ci<br />
arrive avec quelques gardes armés au pavillon des prifonnières<br />
, & leur fait dire qu'il vient de la <strong>par</strong>t <strong>du</strong> roi.<br />
Mais ceux qui étoient à rentrée , s'étant imaginé, I<br />
la vue des foldats en armes , que c'étoit fait de leur*<br />
maitreffes, fe précipitent dans la tente, en criant qu'elles<br />
font à leur dernière heure & qu'on a envoyé des<br />
gens pour les faire mourir. 'Ces dames , se pouvant<br />
donc les empêcher de s'intro<strong>du</strong>ire & n'ofant les faire<br />
entrer , ne fefoient point de réponfe & attendoient en,<br />
filence ce qu'il plaîroit au vainqueur. Léonnatus, après,<br />
avoir atten<strong>du</strong> long temps que quelqu'un l'intro<strong>du</strong>isît %<br />
comme perfonne n'ofoit fe préfenter, ïaiffa fes gardes<br />
à la porte & entra dans la tente. Cela même acheva<br />
de troubler les dames , <strong>par</strong>ce qu'il fe préfenta de luimême<br />
avant d'être invité. Les deux reines, fe jetant<br />
donc à fes pieds, commencèrent <strong>par</strong> le prier de leur<br />
permettre % avant qu'on les, fit mourip % d'enfeveKr le<br />
corps de Darius à la manière de leur pays ; ajoutant,,<br />
qu'après avoir ren<strong>du</strong> ce dernier devoir au roi, elles<br />
mourroient fans regret, Léonnatus leur répondit que<br />
Darius vivoit, &que, pour elles, non feulement elles<br />
n'avoienî rien à craindre, mais qu'elles feroient traitées<br />
en reines avec tout l'éclat de leur première fortune*<br />
Alors la mère de Darius se fe refuft plus à toute coa*<br />
Cotation*
66 LIBER III. CAP. XII.<br />
31. Akxander 9 pofiera die cum cura fepuïm<br />
milkibus quorum corpora mvemrat , perfarum<br />
quoque nob'dijjîmîs eumdem honorent haberi juhtt»<br />
matiique Darii ptrmitti quos vellet pairio mûre<br />
fepeliret. Ma paucos , arSa prûpmqmmte conjunBos<br />
9 pro habim pmfemis fortune , humari<br />
jujfit ; ap<strong>par</strong>atum fumrum que perfst fuprema<br />
officia celebrarent invidiofum fore exiflimans ,<br />
quum viëores haud pretiosè cremarenmn Jamque<br />
jufiis defunëorum corporibus folutis 9 prmmktit<br />
ad captivas, qui nunciarent ipfum venire ; inhibitâque<br />
comkantium turbâ , tabernaculum cum<br />
Hephmfiione intrat. 1s longé omnium amkormm<br />
carijfimus erat régi 9 cum ipfo <strong>par</strong>iter e<strong>du</strong>catus,<br />
fecretorum omnium arbiter : lihertatïs quoque m<br />
sdmonendo eo non alius jus habebat ; quod tamen<br />
ka ufurpabaê , m magis â rege permiffum , quam<br />
vindicatum ab eo videretur. Et fecut atate <strong>par</strong><br />
erat régi , ka corporis habim pmftabat : ergo<br />
reginm illum, regem ejjh rata, fuo more ventram<br />
funt ; inde ex fpadonibus captivis quis Akxander<br />
effet monfirantibus , Syfigambis advoiuta<br />
eji pedibus ejus , igwraûonem nunquam antea vifi<br />
régis exeufans. Quam manu aUevans rex , Non<br />
erraftl, inquit » Mater ; nam & Me Âlexander<br />
eft.<br />
32. Equîdem 9 fi hâc contmentiâ animi ad<br />
ultimum vitm perfeverare .potuiffa 9 feliciorem<br />
fuiffe crtderem, quam vifus efl effe quum Liberi<br />
patris imitaretur triumphum , ab Heliejponto ufque<br />
ad Oceanum omnes gentes viâbrid emenfus : vicifi<br />
fet profeëb fuperbiam atque iram 3 mata inviik ;<br />
abftinuiffêt inter eptâas cmdibus amicorum ; tgregiofque<br />
bello viros, & tôt gentium fecum demi*
LIVRE III. CHAP. XII. 6j<br />
31. Alexandre , ayant fait foigneufement donner le<br />
' lendemain îa fépulture aux foldats dont on avoit retrouvé<br />
les corps, fit rendre le même honneur aux plus<br />
diflingués des perfes t & permit à la mère de Darius<br />
de faire enterrer à la manière de fon pays ceux qui!<br />
lui plairoit. Cette princeffe ne-fit donner la fépulture<br />
qu'à un petit nombre de fes proches, en fe conformant<br />
à l'état préfent de fa fortune ; jugeant que la fomptuofité<br />
des perfes dans leurs cérémonks funèbres feroit<br />
vue de mauvais œil, tandis qu'on bruloit fans grande<br />
éépenfe les corps mêmes des. vainqueurs. Après que ces<br />
derniers devoirs eurent été ren<strong>du</strong>s aux morts f il envoya<br />
prévenir les dames qu'il venoit leur rendre vifite;<br />
& ayant congédié la fuite qui l'accompagnoit r il entra<br />
dans leur tente avec Hépheftion. C'étoit le principal<br />
favori <strong>du</strong> roi > avec qui il avoit été élevé, & qui le<br />
confultoit fur toutes fes affaires fecrètes : • petfonne<br />
àuflï n'avoit comme lui îa liberté de donner des avis au<br />
toi ; mais il en ufoit de manière, qu'il <strong>par</strong>oMbit plutôt<br />
©béir à la volonté <strong>du</strong> prince 9 que s'arroger ce privilège,<br />
lis étoient de même âge % mais Hépheftion avoit meilleure<br />
mine : fi bien que les reines , îe prenant pour le<br />
roi, lui rendirent, félon leurs ufages, les plus grands<br />
honneurs ; mais quelques-uns des eunuques prifoikiers<br />
leur ayant enfuite <strong>mont</strong>ré Alexandre, Sy figambis fe jeta<br />
â fes pieds , & s'excufa de fa méprife fur ce qu'elle ne<br />
.l'avoit jamais vu. Mais le roi lui tendant la main pour<br />
la relever , Non % ma mère , lui dît-il, vous ne vous êtes<br />
point trompée ; car celui-ci tft suffi Alexandre»<br />
32. Certainement, s'il avoit pu conferver cette modération<br />
jufqu'à la lin de fa vie , je l'aurois eftimé bien<br />
plus heureux, qu'il ne <strong>par</strong>ut l'être lorfqu'il triompha<br />
comme Bacchus , après avoir <strong>par</strong>couru en vainqueur<br />
toutes les nations depuis l'HelIefpont jufqu'à l'Océan ;<br />
il auroit dompté l'orgueil & îa colère, défauts dont il<br />
ne put fe rendre maître 1 il n'auroit eu garde au milieu<br />
des feftins d'égorger fes amis ; & il auroit eu horreur<br />
"4e faire mourir , fans les entendre, ces grands capital*
68 LIBER III. CAP. XII<br />
tores , îndiBâ causa vemus effet oeeidere, Sed<br />
non<strong>du</strong>m fbrtuna fe animo ejus fuperfuderat ; ïtaque<br />
orientem eam moderaiè & prudenter tuBt : ad<br />
ultimum magnitudinem ejus- non cepiu Tum qui"<br />
dem ha fe gejfiî , ut omnes ante eum reges &<br />
tontmtnûâ & clementid vinccrentur. Virgmes emm<br />
réglas , exceUenûs fornuz , tant fantm habult %<br />
quam fi eodem quo ipfe <strong>par</strong>ente genitm forent :<br />
conjugem ejufdem , quam nulla atatis fim pukkdtudine<br />
corporis vicit , adeb ipfe non violavit, ut<br />
fummam adhibuerit curam ne quis captiva cor~<br />
pori iltuderet : omnem culmm reddi femims jujfit ; •<br />
me quidquam ex prifiimt fortunœ, magmficentiâ<br />
captivis , prmter fi<strong>du</strong>ciam, défiât* ïtaque Syfi*<br />
gambis, Rex, inquh s mereris, ut ea precemut<br />
tibi quae Dario Bûftro quondam precàt» fumus<br />
; &, ut video , dignus es qui tantum regem<br />
5 non .felicitate folum , fed etiam aequitate<br />
raperayeris. Tu quidem Matrem me & Réginam<br />
voeas ; fed ego me tuam famulam effe<br />
confiteor. Et pratent» fortunae faftiginm capio*<br />
& praefentis jugum pati poflùm : tuâ înterefl<br />
quantum in nos liaient, u id potius démentît<br />
quam faevitia vis effe teftatum. Rex bonum antr<br />
mum habere eas juffit ; Daril dànde filium colh<br />
fuo admoviu Atque nihM ille eonfpeBu tune primum.<br />
à. fe. vifi eonterrïtm, cervieem ejus manibus ample&itur<br />
: motus ergo rex çonfimtiâ pueri, Mephmftiomm<br />
mtutms 9 Quam velkm y inquh »<br />
Darius aBqtrid ex hic indok haufiflet ! Tum<br />
tabemaeulo egreffus*- Tribus aris in ripa Pinart<br />
mmnis, Jovi9 atque Herculi, Minervaque facraùs %<br />
Syriam petit, Damafsum , ubi régis gaça crat,<br />
Patmenione pmmiffo*
LilrAE -111. CMJP* XIL ۤ<br />
nés ,' iriâruments des vi&oires qu'il avoit remportée^<br />
fur tant de peuples. Mais alors la fortune n'avoit pasencore<br />
enivré fon ame ; & c'eft pour cela qu'il en porta<br />
les premières faveurs avec modération & avec fagefle :<br />
à la finjl ne put en foutenïrtoutle poids. Il faut avouer<br />
que dans cette eccafion il fe comporta de manière à<br />
remporter » & <strong>par</strong> fa modération & <strong>par</strong> fa clémence, fut<br />
tous les rois qui l'avaient précédé. Il eut en effet pour<br />
les Jeunes prlnèefles , qui étoient d'une excellente •<br />
beauté, autant • de refpeft que fi dles enflent été fes<br />
propres foeuci : loin d'attenter à la pudkité de la femme<br />
de Darius , qui étoit la plus belle perfonne de fon<br />
temps, il eut un foin extrême d'empêcher que perfonne,<br />
fous prétexte qu'elle étoit captive, ne prît avec elle<br />
aucune liberté offenfante : il fit rendre aux dames tous<br />
S*eurs bijoux ; & dans leur captivité, il ne leur manqua<br />
rien de la fplendeur de leur premier état, que les douceurs<br />
de la confiance. C'eft pourquoi Syfigambis lui<br />
dit : Vous mérite^ , Seigneur , que nous faf/ions pour-vaut<br />
ies mêmes vœux que nous avons fûts autrefois pour notre<br />
€her Darius ; & je vois que vous éùe^ fait, tout grand<br />
roi au'ileji, pour lejurpaffer , non feulement en bonheur 9<br />
mais au£î en vertu» Vous daigne\$ il eft vrai , me quali*'<br />
fier de Mère & de Reine j mais moi , je confejfe que je%<br />
fuis votre fervante,-Sans perdre de vue la dignité de mor^<br />
ancienne fortune , je peux fuporter le joug de ma fortune<br />
fréfmtez c'eft à veus qu'il importe de voir jufqu?6ù doit<br />
aller votre puiffance à notre égard , fi vous aime\ mieux y<br />
foira- éclater votre'clémence que votre rigueur» Le. roi ies<br />
exhorta à prendre courage ; puis il prit dans fes bras .le<br />
fils de Darius. Cet enfant, fans 'être étonné de le voir<br />
pour la première fois » l'embrafle des deux mains : fur.<br />
quoi le toi, touché de fon afturànce , Que je voudrois de<br />
fou c*iir,dit-il âHépheftion en le regardant,^Darius eût<br />
quelque ckofe de ce 'caraHère ! Lâ-defTus il fortit de la tente.<br />
Après SLWôir confacré f fur les bords <strong>du</strong> Pinare, trois au- '<br />
ttls f à Jiftp$£éV, 'à- Hercule $ &' à Minerve,- Il tourna vers<br />
la Syrie, ayant'«u la précaution d'envoyer d'abord Par*<br />
wcnlon à Damas f où étoit le tréfor <strong>du</strong> roi de Perfe»
7o LIMER III. CAP. XIIL<br />
XHL Atque u * quum prmcejfifft Darîï fatr*<br />
pam comperifiet , veritus m pautitas Jkorum<br />
fpcrneretur , accerfere maj&rem manum Jlaîwt*<br />
Sed fine in exploratorês ab eo pramiffbs ïncîik<br />
nadone marins, qui 9 ad Parmenionem per<strong>du</strong>Bus<br />
9 titeras ad Alexandrum- à pmfiBo Da*<br />
mafcï miffas tradit ei ; me <strong>du</strong>bkare eum » qmm<br />
omnem regiam fuppeUeëUem cum pecumâ trodent,<br />
*ad)ecit. Parmenio* ajfervari eo juffb, Itéras ope*<br />
rit 9 in quitus erat fcripmm, ut mature Akxan*<br />
der aliquem ex <strong>du</strong>cibus fuis mUttrtt -cum manu<br />
exigud, Itaque re cognita , mar<strong>du</strong>m, daûs comitibus,<br />
ad proditorem remutit ; Me, è manibus euf<br />
todientum lapfus, Damafcum ante -heem intrat*<br />
Turbaverat ea res Parmenionis animum , mfidms<br />
timentis ;
LIVRE 111. CM A p. XIIL 71<br />
' Xlli* Ce capitaine , ayant eu avis qu'un fatrape.<br />
^e Darius favoit devancé , réfolut de faire Tenir <strong>du</strong><br />
renfort 9 dans la crainte qu'on ne dédaignât le peu de<br />
inonde qui l'accompagnoit* Mais le hafard fait tomber<br />
, entre les mains des coureurs qu'il avoit envoyés<br />
«n avant f un foldat mardien de nation, qui, amené à<br />
Parménion , lui remet une lettre adreffée à Alexandre<br />
<strong>par</strong> le gouverneur de Damas 9 & l'aflure qu'il ne doute<br />
point que cet officier ne livre tous les effets <strong>du</strong> roi &<br />
fou argent. Parménion fait garder cet homme , ouvre<br />
la lettre, qui invite Alexandre à dépêcher quelqu'un<br />
de fes Généraux avec quelques foldats* Inftmit ainû<br />
<strong>du</strong> projet t il renvoie au traître le mardien bien accompagné<br />
; mais celui-ci f s'étant échappé ées mains de fes<br />
gardes, fe rend à Damas avant le jour. Cela inquiéta<br />
Parménion f qui craignit que ce ne fût un piège ; d'ailleurs<br />
il n'ofoit entrer fans guide dans une route inconnue<br />
; fe confiant toutefois en la'-bonne fortune de fou<br />
maître-, il ût prendre des payfans pour le guider ; ©n<br />
en eut bientôt trouvé , qui le quatrième jour le mirent<br />
à la vue de la ville , dans le temps que le gouverneur<br />
craignait déjà qu'on n'eût manqué de confiance en<br />
lui. Alors | comme s'il fe fût défié des fortifications de<br />
la place , Il fait fortir avant le lever <strong>du</strong> foleil l'argent<br />
<strong>du</strong> roi, que les perfes apellent Gaie ( Tréfor ) , avec<br />
les effets les plus précieux s ne voulant réellement »<br />
fous prétexte de fuir f que livrer cette proie à l'ennemi,<br />
34. II étoJt fuivî, quand il fortit de la ville, <strong>par</strong> plu*<br />
fieurs milliers d'hommes & de femmes, capables, de faire<br />
compaffîon à tout le monde, hormis celui à la foi <strong>du</strong>quel<br />
©n les avoit confiés. Car, afin d'obtenir une plus grande<br />
jécompenfe de fa perfidie, il fe pré<strong>par</strong>oit ainfi à présenter<br />
à l'ennemi un butin plus précieux que tout for<br />
. <strong>du</strong> monde f favoit des hommes de qualité , tes femmes<br />
'
jt LIBER III. CAP. XIIL<br />
mtris onera portantes : M quum frims tohtari<br />
"non poffent, ( quippe & proceïïa jubito nivem<br />
effuderat & humus rigebat gela tum adfiriMa )<br />
vefies 9 quas tum pecuma portabant, auro & purpura<br />
mfignes mdmmt 9 nullo prohibtre aufù 9 quum<br />
fortuna régis etiam humilUmis in ipfiim licemiam<br />
facereu Pmbuere ergo Parmeniom non fpernendk<br />
agminû •fpeciem ; • qui intention eurâfims % quafi ai<br />
jufium prmlium , paucis adhortatus 9 equh calcaria<br />
fubdere jubet & acri impetu in hofiem invéhi At<br />
itti qui fié omrtbus erant, vmijfis per me tum, car<br />
peffunt fugam ; , armati qui eos perfequebantur 9<br />
eodem metu arma jaBare ac nota divemctda pe-<br />
§ere cœpemnt : pmfeBus , quafi & ipfe conterritus ,<br />
fimulans , cuncTa pavore compUverat. Jaceèant tous<br />
çamp'u opes regim : illa pecuma fiipendio ingénu<br />
militum pm<strong>par</strong>ata ; iUe cultus tôt nobilium viro-<br />
-mm , tôt Ulufirium feminarum ; aurea vafa 9 aurei<br />
fréta , tabernacula regali magnificentid ornata ;<br />
•véhicula quoque, à fuis deflkuta 9 ingenth opU"<br />
îent'm plena. Faciès, etiam pmdanûbus trifiis , fi<br />
qua res avarkùam moraretur : quippe tôt armorum<br />
mcredibili & fidem excedente fortuna cumuhia 9<br />
tune alia ftirpibus lacératd, alia m cœnum de*<br />
mer fa , eruebantur ; non fufficiebant pradantkm<br />
manus prada*<br />
3Ç. Jamque etiam ad eos qui primï Jugeront<br />
ventum erat : femina pkrmque <strong>par</strong>vos trahentes<br />
liberos ibant ; inter quas très fuêre virgines , Ochi »<br />
f ui ante Darium regnaverat, filim , olim quidem<br />
aux
Liras 111. CMAP. XIIL JJ<br />
lux porte-faix : or ces gangabes, ne pouvant plus en<strong>du</strong>rer<br />
le froid , <strong>par</strong>ce qu'un vent violent avoit fait tomber<br />
tout à coup une grande quantité kée neige &f qu'il<br />
fefoit une forte gelée , fe revêtirent des robes tiffues<br />
d'or & de pourpre qu'ils portoient avec l'argent <strong>du</strong><br />
roi, fans que perfonhe osât s'y oppofer, la mauvaife<br />
fortune de ce prince infpirant aux hommes les plus<br />
abjeûs F audace de lui manquer. Ils <strong>par</strong>urent donc aux<br />
ïeux de Parménlon une troupe qui n'étoit point à<br />
méprifer ; de forte quef fe mettant foîgneufement<br />
fur fes gardes , il encouragea fes gens en peu de mots<br />
comme pour une aéUon férieufe $ & leur ordonna de<br />
piquer des deux & de fondre fur l'ennemi. Mais ceux<br />
-qui portoient ces fardeaux les jetèrent d'épouvante<br />
& prirent la fuite ; ceux qui les efcortoient, également<br />
effrayés , jetèrent leurs armes & gagnèrent les f entiers<br />
détournés dont ils avoient connoiflânce : le gouverneur-,<br />
comme s'il <strong>par</strong>tageoit lui-même la terreur commune ,<br />
rendit l'effroi général <strong>par</strong> fa diffimulation. On voyoit<br />
é<strong>par</strong>fes dans toute la. campagne les richeffes <strong>du</strong> roi :<br />
cet argent deâiné au paiement prodigieux des troupes ;<br />
ces <strong>par</strong>ures de tant de Grands $ de tant de femmes de<br />
qualité; des vafes d'or , des freins dé même matière ,<br />
des tentes d'une magnificence royale ; enfin des chariots<br />
pleins des plus riches eSeîs , & abandonnés de,<br />
leurs con<strong>du</strong>cteurs. Spe&acîe propre à contrifter ceux<br />
mêmes qui pilloient, fi quelque chofe pouvoit fufpendre<br />
la fureur de l'avarice : car de toutes ces précieufes dépouilles<br />
, accumulées pendant une longue fuite d'années<br />
<strong>par</strong> uneprofpéritéincroyable & quipaffe l'imagination,<br />
©n arrachoit les unes toutes déchirées d'entre les ronces<br />
, on retiroit les autres de la fange où elles étoient<br />
enfoncées ; il n'y avoit pas affes de mains pour une<br />
proie fi abondante.<br />
3 y. On étoit déjà <strong>par</strong>venu jufqu'à ceux qui avoient<br />
pris la fuite les premiers : la plu<strong>par</strong>t des femmes trainoient<br />
leurs petits enfants <strong>par</strong> la main ; & <strong>par</strong>fni elles<br />
étoient trois jeunes princeffes, filles d'Ôchus, prédé*<br />
Tome I. D
74 " LIMER 111. CAP. X11L<br />
tx fàftigw paterm » rerum mmtadone , detraêmi<br />
fed mm fortem earum crudeliès aggravante FOP<br />
tuné* M eodem greee uxer quoque ejufdem OcM<br />
fuît; Oxathrifque (frater hic erat Darii) fiHa;<br />
& conjux Artabaii, principis purpuratorum ; &<br />
filius » cm'Ilioneû mmen fiât. Phamabari qw*<br />
que , cm fummum imper'mm maritimes ora rex<br />
dederai, uxor cum film excepta tfi ; Menions<br />
film très ; ac nobïïtjjimi <strong>du</strong>cis Memnonis conjux<br />
& films. Vixque uUa domus purpurati fuit tanta<br />
tla<strong>du</strong> expers. Lacedamonii quoque & athénienfes<br />
, focietatti fide violata , perfas fequuti ; Arif<br />
iogiton 9 Dropides , & Iphicrates, inter athénien*<br />
fes génère famaque* longe clarijjimi ; lacedamo*<br />
nii 9 Paufippus & Onomaftorides, cum Monim<br />
& Callicratide , u quoque domi nobïïes. Summ<br />
pecunim fignatm fiât taUntorum dm millia &<br />
fexaginm ; faÛi argenti pon<strong>du</strong>s quingenta aqua*<br />
bat.Pmterea triginta millia homhmm, cum Jeptem<br />
millibus jumentomm, dorfo ontrapertantium, capta<br />
funu Ceterum, dii taritm fortunm proditorem (a)<br />
celeriter débita pana perfequuti funt ; namque unus<br />
i ' confins ejus, credo , régis vicem etiam in OU<br />
forte reveritus, interfeëi proditoris caput ad Da*<br />
rium îuîii : opportunum folatium prodito ; quippe<br />
& ultus inimicum erat, & non<strong>du</strong>m in omnium anïmk<br />
mem&riam majeftatU fua exolevijfe cemebaL<br />
(2) On garde ici., dans les mff. & dans les Imprimés, I«<br />
mot fipulturA, qui n f a point de fens ou qui fait un conire-fens»<br />
A quoi non tant de refpeft pour un mot, dont<br />
la fupprelTiQo ne. nuit m m® , & dont fociftence cm»<br />
Iwaffc?
• L I V R E I H . - C H A * . X I I I . .yç<br />
ceffeur de Darius, déjà déchues à îa vérité , <strong>par</strong> l'inftabilité<br />
des chofes humaines , <strong>du</strong> faite de la grandeur paternelle<br />
y mais bien plus cruellement traitées alors <strong>par</strong><br />
la Fortune. Dans cette troupe étoit aufli l'époufe <strong>du</strong><br />
même Ochus ; la fille d'Oxathrès, frère de Darius j la<br />
femme cTArtabaze , qui étoit le premier des feigneurs<br />
ée la cour ; & fon fils, nommé Ilioaée. .On y prit auffi<br />
la femme & le fils de Pharnabaze , -à qui le roi avoit<br />
donné le commandement de toutes les côtes maritimes 5<br />
trois filles de Mentor ; avec F époufe & le fils de Filluftre<br />
capitaine Memnon, A peine enfin y eut-il une<br />
maifon qualifiée qui n'eût<strong>par</strong>tàcetteafrreufe calamité.<br />
11 s'y trouva même des lacédémomens & des athéniens 9<br />
qui, au mépris des traités faits ayee Alexandre, avoient<br />
fuîvî le <strong>par</strong>ti des perfes ; d'Athènes, il -y avoit Ariftogïîon,<br />
Dropides, & Iphicrates y perfënnages- dillingués<br />
entre leurs compatriotes <strong>par</strong> leur naiflance &.<strong>par</strong> leur<br />
réputation ; de Lacédémone, Paufippe, Onomaftérïdes 9<br />
Monime y & Callicratides y <strong>par</strong>eillement dillingués chei<br />
eux. Le total de l'argent monnoyé <strong>mont</strong>oit à deux-»<br />
mille foixante talents ; & . l'argent ouvré à cinqcents.<br />
On prit en outre trente -mille perfonnes , 8c<br />
fept-mille bêtes de fomme , qui portoient les bagages.<br />
Au refte, les dieux ne tardèrent pas à ' faire fufcir , an<br />
dépofitaire infidèle de cette immenfe- fortune, la jufto<br />
punition de fon crime ; car un de fer 'complices » ayant<br />
encorey comme je le crois , quelque irefpeâpour le roi<br />
dans fon malheur même y tua le perfide & porta fa fêta<br />
à Darius : efpèce de confolation convenable à un prince<br />
trahi; puisqu'il étoit yengé d'un ennemi, & qu'il voyoit<br />
<strong>par</strong> là que le fouvenir de ce qui étoit éâ à la ma je fié di§<br />
fourërain n'étoitpas encore effacé de tous, les emun.<br />
Dîj
LIBER QUART US.<br />
h Alexander-' lîteris à Dario ftiperbè fcriptis<br />
régie refpondet. Abdolominum Sidoniis regem.<br />
pra?firît. Amyntas , transfoga , miro<br />
modo à peffis occiditur. Vari* .variîs locis<br />
prafeébraiii Darii clades.<br />
IL Tyrii , Alexandram recipere reculantes J<br />
obuden&ur. ". .<br />
IIL Dubiis Jbelli. eventibus Tyr i ©bfidio nobilitatur,<br />
IK Tandem Tyrûs, yi capta, maxîmlqoe hominum<br />
ftrage corrupta, luâuofo deformattir<br />
incendio.<br />
V, Darii iterata de pace ad Alexandrum fubmiffior<br />
legatio ; qui répudiât! , graeci Alexandrum<br />
coranâ aureâ donant : iïïe autem,<br />
, per .prsfèâos 9 multas in poteftatem fuam<br />
. te4igit " ptovîndas. .<br />
VL Ad-bellum-fefeaccingît Darius. Alexander<br />
Gazam exptsgnat, ejufque prsefeftun^ Betim,<br />
cradeli afficit fupplicio.<br />
"VIL Profeôio , & varia Alexandrixpiaefita , ad<br />
Jovis Hammonis ©raculum.<br />
VIIL In' ^gypto Alexandria œndita ;' variai<br />
que. Alexandri bellicse expeditiones.<br />
IX Darius ad Arbela pervenit ; eoque inyito,'<br />
Alexander Granicum fiiperat.<br />
X. Milites f ob lunae defeébm turbatos, per<br />
jegypâQS yates confirmât Alexander : perfas
LIVRE QUATRIÈME.<br />
L Alexandre répond en roi aux lettres kauiames de<br />
Darius. Il donne a Abdobmme h royaume des<br />
fidoniens. Amyntas 9 qui avoit quitte le <strong>par</strong>ti<br />
- des macédoniens, eft puni de mort <strong>par</strong> ksperfes<br />
d'une manière furprenante. Diverfes défaites des<br />
Généraux de Darius en différents lieux. •<br />
II. Les ty riens font ajfiégés 9 pour n 'avoir pas voulu<br />
^ recevoir Alexandre. . -.../, , •<br />
III. Lefiège de Tyr devient fameux <strong>par</strong> les événements,<br />
douteux de la guerre. . -<br />
IV. La ville de Tyr eft enfin prife de force ; on<br />
y fait un horrible carnage ,• m achève de la<br />
détruire <strong>par</strong> le feu.<br />
V. Darius demande une féconde fois [là paix a<br />
- Alexandre d'un ton plus modéré ; Alexandre<br />
l'ayant refufée $ les grecs lui font préfent d'une<br />
couronne d'or : <strong>par</strong> fes lieutenants , il ré<strong>du</strong>it plu*<br />
fleurs provinces fous fon obéiffance.<br />
VI. Darius fe pré<strong>par</strong>e a la pierre. Alexandre force<br />
la ville de Gaça 9 & fait fubirun cruel fupplice<br />
, à Bétis , qui en était gouverneur*<br />
VU. Voyage d'Alexandre, & fes différentes quef<br />
tiens à F oracle de Jupiper Hammon*<br />
VIA. La vilk d'Alexandrie bâtie en Egypte ;divm<br />
fes expéditions d'Alexandre.<br />
El. Darius arrive a Arbelks ; &-nonobftant fes~<br />
mefures 9 Alexandre vaffi le Granique. '<br />
X. Lesfoldats fe troublent à caufe d'une éclipfe de<br />
lune, mais Alexandre les rajfûre <strong>par</strong> Ucntremijt<br />
D iij
78 LIMER IV. CAP. L<br />
vaftatores conjicit in. fugam. Darii- uxor ;<br />
captira , mœrorc confefta , lupremum diem<br />
claudit ; unde Àlexandri laerymae. Darii<br />
' fufpicioiîes , luftus , & vota,<br />
XI» Pacem tertio quaefitam Darius non impetrat;<br />
imo ad deditionem aut ad beUum ah<br />
Alexandre provocatur.<br />
XII • Ad pvœlium <strong>du</strong>m perfarar» ingens exercitas<br />
<strong>par</strong>atur , macedones., panico cpodam<br />
defimôi terrore , arma alacriter capemmt.<br />
XIII Confiliade noôurno prœlio Parmenionîs<br />
• .& Polyperchoiîtîs Alexander damnât ; fomnoque<br />
refeétus, intefrito vultu fuos ad pngnam<br />
aécendit.<br />
-XIV. Alexandri ad graecorum , Darîiqiîe ad<br />
perfknim exercittis, aate pugnam, ©rationes.<br />
XV. Craenti ad Arbela prœlii defcriptio. Viâor<br />
Alexaiîder Darium viftum perfequitur.<br />
'XVI Parmënio, in difcrimlne conftitutus, Aiexandram<br />
retrahit. Tandem intégra viâoriâ<br />
potiti macedones, reliquos perfas, multis luomm<br />
millibus defideratis , fiigâ fibi quarere.<br />
' faktem cogunt.<br />
1. UARJUS'i tanti modo 'exercittis rex, qmi<br />
trbtmphantîs magis quam iimïcanûs more ,. curm<br />
futiimk inierat pmlkm, per loca, que prope im»<br />
mmfis • agmimbus complevcrat, jam 'mania & in*.
L I V R E IF. CM A p. 1. 79<br />
'des devins et Egypte : il met en fuite les perfes qui<br />
fifoUnt le dégât* La femme de Darius, prifimr<br />
mère, meurt de triftejfe ; & Alexandre la pleure*<br />
Lesfoupçons, le deuil, & Us vemx de Darius m<br />
XL Darius demande la paix pour la troifième fois 9<br />
& ne l'obtient pas ; au contraire Alexandre h<br />
fomme ou de fe rendre ou de commuer la<br />
guerre*<br />
Xlî. Tandis que l'armée immenfe des perfes fe<br />
pré<strong>par</strong>e au combat, les macédoniens , revenus<br />
d'une terreur panique dont ils avoient été fra~<br />
pés, prennent délibérément les armes.<br />
XIII. Parménwn & Polyperchon 'ayant été d 9 avis<br />
quon attaquât de nuit, Alexandre les défap~<br />
prouve ; & après avoir bien dormi, il anime<br />
avec intrépidité'fis foldats au combat.<br />
XIV. Harangue d'Alexandre à l'armée des grecs 9<br />
& de Darius à celle des perfes, avant la ba
So LIBER 1K CAP. 1. '<br />
genti folkudine vafta fugiebat. Pauci regem feqw*<br />
bantur : nam nec eodem omnes fugam intenderant ;<br />
& 9 deficuntibus equis, curfum eorum quos rex<br />
fub'mde muiabai aquare non poterant* Unchas<br />
deinde pervenk 9 ubi êxcêpêre eum gracorum qua-*'.<br />
iuor miUïa ; cum quibus ad Euphratem conten*<br />
dit s id dêmum credens fore ipfius quod celeritate<br />
•pmripere potuiffet. At Alexander Parmemonem 9<br />
per quem apud Damafcum recepia erai prmda 3<br />
juffum eam ipfam & capûvos diligenti affervare<br />
£uflodiâ9 Syrias quam Cœlen votant, pmfécit»<br />
Movum ïmperium fyri , non<strong>du</strong>m belli cladibus<br />
faûs domki, afptrnabantur ; fed , cekrker fut-'<br />
MBî 9 obêdienter imperata feccrunt. Ara<strong>du</strong>s quoque<br />
mfula dêditur régi ; maritimam tum oram, &<br />
pleraque longihs etiam a mari recedentia , rex<br />
djus infula Strato poffdébat ; quo in fidem ac-<br />
£epto , caftra movk ad urbem Marathon. Ibi Uli<br />
litem a Daim red<strong>du</strong>ntur , quibus , ut fuperbc<br />
fcriptis 9 vthementer offtnfus efl ; pmcipuè eum<br />
movk-, quod Darius fibi Régis tkulum 9 nec<br />
eumdem Alexandri nomini adfcripferat : poftukbat<br />
autem magis quant petebat % ut accepta pecu*<br />
nia , quantameumque tota Macedonia caperet,<br />
matrem fibi, ac conjugem , liberofque reftkuem ;<br />
de regno 3 aquo , fi vellet, marte contendem : fi<br />
faniora confilia tandem pati potuiffet, contenais<br />
patrio , cederet alieni imperii finibus ; focius ami*<br />
cufque effet ; in ea fe fidem & dare <strong>par</strong>atum &<br />
accipere.<br />
2. Contra, Alexander in hune maxime mo<strong>du</strong>m<br />
refcripfit : Rex Alexander Dario. 111e, cujus<br />
nomen ïumpfifti , Darius , graecos qui oram<br />
HeUefpoisti tenent, coloniafque graeeorum ionias »
LIVRE IV CHâB. I. 8I.<br />
défertes & changées en une vafte foiitude. La .fuite de<br />
ce roi étoit peu nombreufe : car tous n'avoîent pas pris fa'<br />
même route pour fuir ; &, faute de chevaux, iPri'étoit*<br />
pas poffibîe d'aîîer auffi vite que" îe prince tftfî relayeit'<br />
fouvent. Il arrive enfin à Onches , ©ù il éft reçu <strong>par</strong> quatre-mille<br />
grecs ; & avec eux iî s'avance vers PEuphrate ,<br />
convaincu alors qu'il ne peut compter que .fur ce<br />
dont il pourra s'em<strong>par</strong>er le premier <strong>par</strong> fa diligence.<br />
Cependant Alexandre chargea Parménion, qui; «voit;<br />
faifi le butin près, de Damas , de le garder foigneufement<br />
ainfi que les prifonniers s & lui donna le gouvernement<br />
de la Syrie s qu'on appelle teiéVXes Syriens<br />
, que les malheurs rfe la guerre n'avoient pas - encore<br />
affez domptés, réfiftoient'à cette nouvelle domination<br />
; mais , bientôt fournis , ils obéirent enfin aux<br />
©rdres qu'on leur donna. L'Ile d'Arade fe rendit aufli ;<br />
Straton, qui en étoit roi, étoit encore # maître :$e$<br />
côtes, 6c même de'la. plu<strong>par</strong>t des places'éloignées, de<br />
la mer; mais il céda, & Alexandre, ayant reçu fon<br />
ferment, alla camper près de la ville de Marathe. Ce<br />
fut là qu'on lui remit» de la <strong>par</strong>t de Darius, une lettre t<br />
dont îe ton hautain le choqua extrêmement; il fut<br />
piqué furtout que Darius fe fût donné îe titre de Roit<br />
fans îe joindre <strong>par</strong>eillement au nom d'Alexandre : au<br />
refte il exigeoit de -lui plutôt qu'il ne îe prioit? de lui<br />
fendre fa-mère, fa femme,'6tfes'etf£ants pour autant<br />
d'argent qu'il, y en ayoit dans toute la Macédoine $•<br />
quant à l'empire., 'd'en décider, s'il jugeoit à propos^<br />
à armes égales : mais s'il pouvoit enfin entendre à ua<br />
avis plus fage, de fe contenter <strong>du</strong> .royaume de fes<br />
ancêtres, de fe retirer des terres d'une autre domination<br />
f & de devenir fon allié & fon ami : il ajoutoif<br />
qu'à ces conditions il étoit prêt à lui engager fa foi &<br />
à recevoir la fienne.<br />
' 2. De fon côté f Alexandre répondit eh-ces-termes-:<br />
ïf Roi Alexandre à Darius» Ce Darius, dont VOUS uve\<br />
pris h nom „ fit autrefois tous les maux pôjfibjks' • au»<br />
gtêcs qui frakûmi IA *çâu de l'MeMçfpoM, 6» mt% çofc<br />
Dy
%% " LIêER IF. CAP. I.<br />
©mni clade -vàftavit; cum magnodeinde exer*<br />
citu mare-trajecit,, Ulato Macedoniae & Gracia<br />
bello.> Rwrfus rex Xerxes gentis ejufdem<br />
ad oppignandos nos cum immanium barbaromm<br />
copiis venit ; qui, navali prœlio yiâus ,<br />
Mardqnium tamen reliquit in Gracia , ut ,<br />
abféns. auoqùe , popularetur urbes , - agros ure*<br />
ret. 'Philippum yero f <strong>par</strong>entem meum , quis<br />
ignorât ab iis interfecxum ëffe quos ingentis<br />
ecuni^ fpe {blicitaveraht veftri ? Impia cnim<br />
Ê<br />
eïla-ûîfcipitis•;"".& quum habeaîis arma 9 licïta-<br />
mini hofHum capita : ficut tu proximè talentis<br />
mille f tanti exercitûs rex , percufforem in me<br />
emere vohiiftir Repello igitur bellum, non infero<br />
: : : &,.'dik xpioque pro meliore ftantibus<br />
caufa'* magnàm paftem'Afisin ditionem- redegi<br />
meam , : te Ipfuni acie vicî. Quem etfi nihil à<br />
me ImpetrarV oportebat, utpote .qui ne belli<br />
èuidern in me jura fervavéris ; tamen , fi venens<br />
fupplex, & matretn, & conjugem 9 & liberos<br />
fine pretio receptunim te effe promitto. Et<br />
vincere &.- çpnfulere viéKs fcio. Quod fi te<br />
nobis -commitfere times, dabirnus . fidem Un?<br />
punè ventunnn. De cetera , quum' mini fcriles<br />
, • mémento non foluiti régi te f fed etiam<br />
tuo ' fcriberd -Ad -haric perfefendàm Therfippus<br />
mîjfus* Jpfe • m Phœmcen- deinde defcêndk ; '• &<br />
eppl<strong>du</strong>m Byblon , traditum, recepit.<br />
,• 3. Inde-ad Sidom. vemum eft, urbem vetufiatt<br />
famâqm. CQndltorum iticlytanu RegnabM m es<br />
Stratm9--D'àriï -opibus adjurns _ : fed quia dedkîë»<br />
mmê magispvpula-fium quam'fuâfpomt, ftçcral^
LIVRE IF. CMâP. L tj<br />
mhs iomênnes <strong>du</strong>•grecs ; depuis il paffa la mer avec une<br />
gmmét armée , portant la guerre dans lefein de la Macé»<br />
doine & de la Grèce» Une autre fois Xerxès, roi de la<br />
même nation , vint avec une multitude effroyable de<br />
barbares pour nous attaquer $ & quoiqu*il eût été vaincu<br />
en une bataille navale, il laiffa pourtant Mardonius dans<br />
la Grèce , afin de pouvoir y étant même loin de nous f<br />
faccmger nos viUes, incendier nos campagnes» Mais qui<br />
Me fait que Philippe, mon père 9 a été -affaffiné <strong>par</strong> des<br />
mifirakhs que vos-Jùjets avoient fi<strong>du</strong>ks fous Vefpérance<br />
ê 9 ume fortune confidémble ? Car .vout entreprenez des<br />
guerres de brigandage; &, les armes À la main% vous<br />
mettei à prix les têtes de vos^ ennemis : c*efi ainfi que<br />
mus-mime dernièrement t quoiqu'à la tête d f une fi grande<br />
armée s ave^ voulu acheter mille talents, un affaffïn pour<br />
wiêterhvie. Je ne fais donc que me défendre, & je ne fuis<br />
point aggreffeur : auffi eft-ce <strong>par</strong> la proteBion des dieux f<br />
qui fdvorifent la bonne caufe, que j'ai ré<strong>du</strong>it une grande<br />
<strong>par</strong>tie de l'Afie fous mon obéiffance t & que je vous ai<br />
vaincu vous-même en bataille rangée* Quoique vous ne<br />
<strong>du</strong>fie\rUn Mtundre de moi, <strong>par</strong>ce que vous ave\ violé à<br />
mon égard-les droits de la, guerre ; fi cependant vous<br />
vene\ en fupUant f je vous promets de vous rendre fans<br />
rançon & votre mère s & votre femme t,& vos enfants» Je<br />
fais également vaincre & traiter humainement les vain»<br />
eus. .Si toutefois vous craigne\ de ''vous mettre entre mes<br />
mains, je vous donnerai ma <strong>par</strong>ole que vous pourre^ venir<br />
en toute fureté» Du refle, quand vous m f écme\ %fouvene^<br />
9&us que vous écrive\ t non feulement à un roi, mais<br />
â votre roi, La commiflion de porter cette lettre fut<br />
dénnéé à The r%pe. Alexandre paffa enfui te dans la<br />
Phénicie ; & reçut à fou ©béttfance la fille de Bybloi t<br />
.*jul fe rendit à lui*<br />
3. De 14 il mut, à §idont ville remarquable <strong>par</strong> fon.<br />
ancienneté & <strong>par</strong> la renommée de les fondateurs, $ triton<br />
y régnoit, étayé de la protéûion'de Parius : mais<br />
«'étant fournis, plutôt <strong>par</strong> la volonté des citoyens que<br />
fu là fienne-i ©a le "jugea indigne <strong>du</strong> trôifc \ & il fut<br />
D vj
$4 LIBER IF. CAP. L<br />
regno vifus indignus ; Heph&ftioriique permijjum,<br />
ut quem eo faftigio è fidomis dignifiimum arbi*<br />
traretur conftitueret regem. Erant Hevhafliord<br />
hofpitês clari inter fuos juvenes ; qui, ja&â ïpjîs<br />
potejiate regnandi , mgaverunt quemquam patrla<br />
mort in idfaftigium rtcipi, nifi regid ftirpe orttun*<br />
Admiratus Hepkaftio magnitudinem animi 9 fpermentis<br />
quod aiii ptr ignés ferrumque peterem ;<br />
Vos quidem maôi Tirtute, mquit, eftote, qui<br />
Erimi intellexiitis 9 quanto majiis effet regnunt<br />
iftidire quam accipere. Ceterum , date aliquem<br />
régi»- ftirpis , qui memieerit à vobis<br />
acceptum habere fe regnum. At iiii quum mut-<br />
$os imminere tanw fpei cernèrent, fingulis ami-*<br />
corum Alexandri , ob nimiam regni cupiditatem %<br />
a<strong>du</strong>lantes, flatuunt mminem effe potiorem quam<br />
'Abdolomitmm quemdam , hngâ quidem cognationt<br />
fiirpi regia adnexum » fed oh • mopiam fuburba**<br />
num hortum exiguâ colentem ftipe* Caufa « pau*<br />
pertatis, -fient phrifque, probitas erat ; inuntuf<br />
que operi diurno, firepitum armorum qui totam<br />
Afiam concujferat non exaudiebat.<br />
4. Subito deinde , de quibus ante diUum efl f cum<br />
tegia vefiis infignïbus hortum intrant, quem forte<br />
fieriks herbas eligens Abdolominus repurgabat. Tune<br />
rege co falutato,^ ulter ex bis, Habitus. , inquit t<br />
hic , -.quem cemis in meis manibus , cum i$o,<br />
{qualore permutan<strong>du</strong>s tibi eft. Ablue corpus illu*<br />
vie setemifque fordibus, fquali<strong>du</strong>m : cape regk<br />
animum , & m eam fortunam, quâ dignus esp •<br />
'ïftam continentoam profer; '& quum in regali<br />
foHo refidebis , vitae necifque omnium .civium*<br />
dominus, cave, oblivifcaris hujus ftatûs in quo<br />
•acdpls regnum ^ imo Hercule ? propter quem*
fiéprofs à Hé'phtftipn,. de- déférer la couronne k celui<br />
d'entre les fydpniens qu'il croirait le plus cligne de<br />
ce rang- fuprême. Héphefliqn avoit de jeunes hôtes<br />
diflingués <strong>par</strong>mi leurs compatriotes ; le fceptre leur<br />
ayant été offert, ils alléguèrent que, feîon les ulàges<br />
<strong>du</strong> pays, perfonne ne pouvoit être élevé à cette fou-<br />
•eraine puuTance, s'il n'étoit <strong>du</strong> fang royal. Hépheftïon<br />
admirant cette grandeur d'ame « qui'dédaignait ce-que<br />
les autres çoîuimroieutà traders le fer & tes ôammes ;<br />
Croiffe\_ m, gloire $t m vertu* leur 'dfcil, vous qui les<br />
premiers; ave\finû combien, ilefi plus grand -de refufer um,<br />
royaume que.de l'accepter* Au Jhrplus f préfin£e{ quelqu'un<br />
de la famille myale, qui.puiffe Je fouvenir-, quand il fera<br />
roi t que c*eft à vous qu'il en a l'obligation. Eux voyant<br />
un grand nombre de prétendants , qui, <strong>par</strong> l'envie<br />
exceflive qu'ils avoient de régner, fefoient fervilement '<br />
leur cour à chacun des favoris d'Alexandre, déclarent<br />
que perfonne''n'eft plus-digne <strong>du</strong> trône qu'un certain*<br />
Abdoî#mine, qui tenoit véritablement quoique de loin' ty<br />
la Maifon. royale, mais que la pauvreté forçoit de cùltp-*-<br />
•er pour un .modique falair-e un, jardin près -,de la, v^ë.<br />
Sa pauvreté f comme -celle de bien d'autres, venoit de fa '<br />
probité -, & occupé de fon travail journalier, il ne fefoit<br />
aucune attention au bruit des armes qui avoit ébranlé<br />
toute l'Aûe.<br />
4. Bientôt après, les jeunes gens dont ©n a_ <strong>par</strong>lé,<br />
entrent dans îe jardin avec les ornements royâum, Ans<br />
le temps qu'Abdolomine étoit occupé à farcier, les.<br />
mauvaises herbes. D'abord ils'le faluent connais, roif,<br />
puis l'un deux prenant la-<strong>par</strong>ole >'Il vous faut mewçt^<br />
lui dit-il » l'habit que vous voye\ dans mes mains, aie<br />
lieu de ces faks haillons. Nettoye\ votre corps de la '<br />
crajfe & des or<strong>du</strong>res dont il efl couvert depuis long temps : '<br />
prenez un emur de roi, & poru\ votre modération accèu*» l<br />
tumée jufques fur le tronc, dont vous êtes digne $ &-quând %<br />
fous y fert\' ajjis t fouv train arbitre de la vie & de la\<br />
mort de tous les citoyens, gardez-vous d'oublier'- Péta* \<br />
dam lequel 1 f ou plutôt t en eosfide'mthn, <strong>du</strong>quel en voua*
M * LIBER 1V. CâP. 1.<br />
Somme -fimïïh res Abdobmmo vïdibatur ; ïnter*<br />
dam, faûfne fani effhnt, qui tam ' protcrvè fbl<br />
ittuderent, percontàbatur. Sed M cunBanti fquar<br />
lor ablutus eft, & injeBa veftis purpura auroque<br />
diftinBa , & fides à jurantibus faBa ; Jerio jam<br />
rex % iïfdem. wmitantibus in regiam pervenit. Fama<br />
9 uttfeki, ftnsnui tmâ urbe difcwris : aliommftudïmm<br />
»'. aliorum indignatio-emitiebat ; - dhijfr*<br />
-mus quifque humilimtewtqut imopïûmqm -ejus apud<br />
amïcos Ahxandri criminàbatur*' Admkti eum rex<br />
promus- juffit '; t diuque contemplatus , Corporis ?'<br />
inquit, haMtus famae' génois " non répugnât J<br />
fed lïfcet fcire inopiam quâ patientiâ tiueris ?<br />
Tum ille 3 Urîîîam* inquit, eodem anîmo regfiym<br />
pati poffim ! H» manus fuffecêre défi-<br />
4$no, ïi^eo ; . nihil habenti . nihil.- defiiit. Ma**<br />
gna indoVu • fpecimen ex ' hoc fermom.. Abdolo**<br />
•mini-.cêpi£-.: -itaque 9 non -.Stratoms mode regiam<br />
fiipitieëikm attnbui eijuffit 3
'LIVRE IV. CHAP. 7. îf<br />
'àdami ia royauté. Il fembloit à Abdolomine que c'était<br />
lin fonge ; & de temps en temps il leur demandoit s'ils<br />
étoient bien dans leur bon fens, d'ofer ainfi fe mo^<br />
quer de lui. Mais lorfque, nonobftant fes délais $ on<br />
l'eut nettoyé, qu'on lui eut jeté fur les épaules une<br />
robe îiffue d'or & de pourpre , & qu'on l'eut perfuadé<br />
à force de ferments ; voyant enfin qu'il étoit roi tout de<br />
bon, il fe rendit au palais avec eux. Le bruit, comme<br />
c'eft l'ordinaire, en courut bientôt <strong>par</strong> toute la ville :<br />
les uns en témoignoient de îa joie, les autres <strong>du</strong> mécontentement<br />
; il n'y eut'pas un citoyen riche qui ne<br />
cenfurât, auprès des favoris d'Alexandre, la bafleffe de<br />
fon état & fa pauvreté,-11 le fit venir aufliîot ; •& après<br />
•l'avoir long temps confidéré, Votre airt lui dit-il, ne dé*<br />
ment point ce qu'on dit de votre naijjance; mais je vou»<br />
4rois /avoir avec quelle patience vous ave\ fupportê la,<br />
misère ? Fajftnt les dieux s répondit-iî, que je puifft porter<br />
le feeptre avec autant de courage ! Ces mains ont fubvenu%à<br />
tous mes défirs ; tant que je n'ai rien tu, rien ne<br />
m'a manqué» Ce mot d'Abdolomine donna au roi une<br />
grande idée dé fon caraôère: auffi le fit-il mettre en<br />
pofleflîon, non feulement <strong>du</strong> mobilier ' royal de Straton,<br />
mais encore de plufieurs chofes <strong>du</strong> butin fait fur<br />
les perfes; il ajouta même, à fon état une contrée voifine<br />
de la ville. • .-<br />
5. Cependant cet Amyntas f que nous avons dit<br />
avoir abandonné Alexandre pour les perfes, arriva"en<br />
fuyant à Tripoli, accompagné de quatre-mille grecs ,<br />
qui favoîent conftamment fuîvi depuis le champ de<br />
bataille* De là, il embarqua fes gens '& pafla en Chypre<br />
: & comme il imaginoit que, dans l'état aéluel. des<br />
chofes y tout ap<strong>par</strong>tiendroit au premier occupant s<br />
comme <strong>par</strong> droit de pofleflîon ; également ennemi des<br />
deux rois, & fe réglant toujours fur les variations<br />
incertaines des circonftances , il réfolut d'aller^ ea<br />
Egypte. Et pour infpirer à fes foldats l'efpoir <strong>du</strong> fucçès<br />
de cette grande entreprife, il leur repréfente que Sa-*<br />
bac'e, gouverneur d'Egypte, a été tué dans la dernière.
88 'LIBER IF. CAP. L<br />
farum prœfidmm & fine <strong>du</strong>ce effe % & hwali<strong>du</strong>m /<br />
mgyptios 9 femper prouorïbus eorum infenfos, pro<br />
fociis ipfos, non pro hofllbus, œjlimaturos. Dmnia<br />
experin neceffîtas cogebat ; quippe 'quum 'primas<br />
fpes 'fortuna deftituit , futur a pmfentibus<br />
videnîur effe poûora : ighur condamant, <strong>du</strong>ceret<br />
qko videretur, Atque Me uten<strong>du</strong>m animis, <strong>du</strong>m<br />
fpe calèrent, ratus 9 ad Pelufii oflium pénétrât ,<br />
fimulans à Dario fe effe pmmiffhm : potkus erfp<br />
Pelufii , Memphm copias promovit ; ad cujus<br />
famam agyptii , vana gens & novandis quant<br />
gerendis apûor rébus , ex fuis quifque vtcis<br />
urbibufque ad hoc ipfum concurrent , ad delenda<br />
pmfidia perfarum, qui, territi, tamen fpem obtinendi<br />
Mgyptum non anùferunt. Sed eos , AmyntaSy.pralio<br />
fuperatos, in urbem compeUU ; caf<br />
trifque pofitis , viBores ad populandos agros edàxit<br />
; ac , velut in medio pofitis omnibus hoftium><br />
cunBa agebantur» ltaqut Ma^aces, quamquam<br />
infelici pmlio fwrum animas terrims effe<br />
tognoverat , tamen palantes & viBoria fi<strong>du</strong>ciâ<br />
incautos oftentans, perpulit ne <strong>du</strong>bitarent ex urbe<br />
erumpere & res amijfas recuperare, Id confilîum<br />
non raùont prudentius quam eventu feliciUs fuit :<br />
ad unum omnes cum ipfo <strong>du</strong>ce occifi funt* Mas<br />
pornos Amyntas utrique régi dédit 3 nihilo magis<br />
ei ad quem, transfugerat .p<strong>du</strong>s , quam ifli quem<br />
'defemerat. '<br />
6. Darii frottons. qui prèlio ' apud Iffbn fit»<br />
ferfuerant , cum omni manu qua fugientes fe+<br />
fuuta_ irai,. ajfumtd xtiam cappadocum & papota*.
LIVRE IF. CMAP. 1. 9$<br />
bataille ; que la garnifon des perfes eïl foibîe & fans<br />
chef » que les égyptiens, toujours indifpofés contre leurs<br />
gouverneurs, verront les grecs, non comme des ennemis<br />
f mais comme des alliés. La néceffité les forçoit de<br />
tout tenter ; car iorfque les premières efpérances ont<br />
été renverfées <strong>par</strong> la fortune, on préfume aifément<br />
d'un avenir plus heureux : ils s'écrient donc unanimement,<br />
qu'il les mène où il voudra. Auflkôt, jugeant<br />
qu'il falloît mettre à profit cette chaleur que l'efpérance<br />
avoit fait naître 9 ïî entre dans le port de Pélufe, feignant<br />
que Darius l'avoît envoyé en avant ; s'étant ainfi<br />
em<strong>par</strong>é de cette ville, il mène fes troupes à Memphis ;<br />
fur cette nouvelle f les égyptiens, peuple léger & plus<br />
propre à donner dans les nouveautés qu'à fuivre leurs<br />
entreprifes, fortent en foule de leurs villes & de leurs .<br />
bourgades f comme de concert, pour maffacrer les garnirons<br />
des perfes, qui, malgré leur première terreur»<br />
ne perdirent pas l'efpérance de conferver l'Egypte. Mais<br />
Àmyntas, les ayant défaits dans un combat, les chaffa<br />
jufqu'à îa ville: puis après ayoir établi fon camp, il ea<br />
laifla fortir fes foldats victorieux pour fourager les<br />
campagnes ; &. tout fe paflbit, comme fi les ennemis<br />
avoient laiifé tout à l'abandon. Sur cela Mazacès 9<br />
quelque effrayés qu'il vît encore (es gens <strong>du</strong> mauvais<br />
fuccès de leur combat, leur fit fi bien voir le défordre<br />
des ennemis & l'imprudente fécurité où les avoit jetés<br />
la confiance de îa viâoire f qu'il les détermina enfin à<br />
faire une fortie & à reprendre ce qu'ils avoient per<strong>du</strong>.<br />
Cette réfolution fut aulR heureufe <strong>par</strong> l'événement que<br />
le projet, en étoit fage : les ennemis avec leur chef<br />
périrent tous fans en excepte? un feuL C'eft ainfi que<br />
les deux rois furent vengés d'Àmyntas, auffi peu fidèle<br />
à l'un à qui il s'étoit ren<strong>du</strong> s qu'à l'autre qu'il avoit<br />
abandonné.<br />
6. Les Satrapes de Darius qui étoîtnt reftés de la •<br />
bataille d'Iffe, ayant raffemblé tout ce qui les avait<br />
fuivis dans leur fuite, & enrôlé en outre la Jeuneffe<br />
4e Cappadoce & de Paphlagonie, penfoient à re-
$o LIBER IF. CAP. IL<br />
gonum Juventute , Lydiam rêcuperare ientaiaM<br />
Anûgonus , prator Alexandrie Lydia pmerat :<br />
qui, quanquam pkrofque mïlitum ex prœfi<strong>du</strong>s ai<br />
regem dimiferaê , îamtn , barbaris fpretis , "m<br />
aciem fuos e<strong>du</strong>xiu Eadem Mie quoque fortmm<br />
<strong>par</strong>îium fuit ; tiens praliis aliâ atque alm regione<br />
commijfis, perfa fun<strong>du</strong>ntun Eodem tempore<br />
clajjis macedonum ex Gracia accita, Arifîomt*<br />
rien, qui ad Mettefponti oram recuptrandam à<br />
Dario erat ndjjus, capth ejus aut merfis navir<br />
bus, fiiperat. A mïïefiis deinde Phamabaçus,<br />
prafeBus perficm clajjis, pecuniâ exaËâ , & prar<br />
fidio in urbem Chium in'tro<strong>du</strong>ilo , centum nav'éus<br />
Andrum & inde Siphnum petit ; eas quoque h»<br />
fidas prafidiis occupât 9 pecuniâ multaL Magmta*<br />
do belli, quod ah opulentijjimis Europa Afiaqut<br />
regibus, in Jpem wtms orbis occupandi , ' gerebatur,<br />
Gracia quoque & Creta arma commoverai.<br />
Agis , hcedamotâorum rex, oêb mittibus grâcemm<br />
qui ex Cilicid profagi domos repetierant corn<br />
traftis9 bellum Antipatro, Macedonia prafeBo 9<br />
moiiebatur : cretenfes 9 has aut Ulas <strong>par</strong>tes fequuti,<br />
nunc f<strong>par</strong>tanorum 9 mm macedonum prajt<strong>du</strong>s oc»<br />
cupabantur, Sed ieviora inter alios fuêre difcrimina;<br />
unum certamen 9 ex quo cetera pendebamt<br />
intutnte Fortund*<br />
II. Jam tota Syria , jam Phmmce quoqut ,<br />
excepta Tyro, macedonum erant ; habebatqm rex<br />
caftra in contimnû , à quo urbem anguftum fie»<br />
tum dirimit. Tyrus, & claritate & magnitudme<br />
ante omnts urbes Syria Phœnicefque memoraètlis,<br />
facilius focietatem Alexandri acceptura vide*<br />
batur quam imperium, Çoronam igkur auream<br />
kgad donum ajferebam 9 commeatufque krgè &
LIVRE IV. CM A p. IL 91<br />
"Conquérir la Lydie. Antigène, lieutenant d'Alexandre f<br />
mm éîoit gouyerneur : quoiqu'il eût envoyé au roi des<br />
détachements confidérables tirés de Ces garnifons f il ne<br />
laifla pas, <strong>par</strong> mépris pour les barbares, de faire for tir<br />
îe refte en bataille. Les deux <strong>par</strong>tis eurent encore ici<br />
la même fortune ; les perfes furent battus dans trois<br />
combats , donnés en différents lieux. Dans le même<br />
temps la flotte macédonienne, que Ton faifoit venir de<br />
Grèce, rencontra Ariftomènes , que Darius avoir, envoyé<br />
peur reprendre la côte de l'Hellefpont f le délit,<br />
& prit ou coula à fond tous Ces vaifleaux. D'un autre<br />
coté f Pharnabaze f amiral des perfes f après avoir exigé<br />
une contribution des miléfiens, & mis une garnifon<br />
dans la ville de Chio f cingla avec cent voiles vers les<br />
îles d'Andros & de Siphne; il y mit auffi des garnifons t<br />
de en tira de l'argent" à titre d'amende.Cette grande guerre,<br />
que fe fefoient, pour l'empire de l'univers, les deux<br />
plus puiflants rois de l'Europe & de l'Afie f avoit auffi<br />
fait prendre les armts dans la Grèce & en Crète. Agis 9<br />
roi de Lacédémone s ayant affentbié huit-mille des grecs<br />
qui s'étoient retirés ches eux après la défaite de CIlicie<br />
f fefeit îa guerre à Antipater, gouverneur de<br />
Macédoine : la Crète, tantôt d'un <strong>par</strong>ti, tantôt de l'autre<br />
| étoit fucceflivement occupée <strong>par</strong> des garnifons de<br />
f<strong>par</strong>tiates ou de macédoniens. Mais ces différends entre<br />
d'autres que les deux rois étoient de petite confé*<br />
quence ; la Fortune n'ayant les ieux fixés que fur une<br />
querelle unique, d'où dépendoieet toutes les autres,<br />
//• Déjà toute la Syrie , déjà la Phénicie s à la réferve<br />
de Tyr, étoient au pouvoir des macédoniens ; &<br />
le roi étoit campé fur le continent f dont la ville n'eft<br />
fé<strong>par</strong>ée que <strong>par</strong> un petit bras de mer. Tyry la plus<br />
renommée & la plus grande de toutes les villes de la<br />
Syrie & de la. Phénicie ? <strong>par</strong>oiffoït plus difpofée à- accepter<br />
l'alliance d'Alexandre qu'à fe foumettre à fon<br />
empire. En conséquence les ambaffadeurs de cette ville<br />
lui apportèrent une couronne d'or, & lui amenèrent<br />
avecl'empreflement de HipCpitalité des rafraichiffements
ci LIBER IF. CAP. IL<br />
hofpitditer tx oppidû ad<strong>du</strong>xerant. Ilie dona ~9 ui<br />
ab amkis, accipi jufpt ; benignèque legatos aUoquutus<br />
, Merculi , quem pmcipuè tyrii calèrent ,<br />
facrificare velle fe dixit : macedomim reges cre~<br />
dere ab ilh deô ipfos genus <strong>du</strong>cere ; fe vero ut<br />
id facertt etiam oraculo monitum* Legati refpondent,<br />
effe templum Herculis extra urbem 9 m<br />
eam fedem quant Palaetyram ipfi votant ; ibi regem<br />
deo facrum rite JaBurum. Non tentât iram<br />
Alexander, cujus alioqum potens non trot, Itaque,<br />
. Vos quidem , inquit, fi<strong>du</strong>ciâ loci, quod<br />
infiilam incolitis , pedeftrem hune exercitum<br />
fpemitis : fed brevi oftendam In continent! YOS<br />
elle ; proinde fciatls licet , aùt intratoram me<br />
urbem , aut oppugnaturam. Cum hoc refponfo<br />
dimijfbs <strong>mont</strong>re amici caperunt, ut regem 9 quem<br />
Syria, quem Phœnice recepijfet B ipfi quoque urbem<br />
intrare paterentur. At illi, loco jatis fifi , obfi-m<br />
d'wnem ferre dtereverunt.<br />
8. Namque urbem à contînend quatuor fiadia^<br />
mm fretum dividit , Africo maxime objeBum ,<br />
crebros ex alto fluBus in litus ev&lvens* Nec ,<br />
accipiendo operi quo macedones continenti infulam<br />
jungere <strong>par</strong>abant, quidquam magu quam ilie ventus<br />
obftabat. Quippt vix km & tranquilh mari<br />
moles agi pojfunt ; Afikus vero prima qugqm<br />
congefia pulfu Ulifa mari fubmit : me idh tam<br />
firma moles eft s quam non exedamt undœ per<br />
nexus operum mariantes 9 & , ubi acrior ftatus<br />
exfiitit, fummi operis faftigio fuperfufœ. Pmttr<br />
hanc dijficultatem, haud minor alia eraL Muros*<br />
Uirrefque urbis prmaltum mare ambitbat : non wr*
LIVRE 1K CMAP. IL 9$<br />
~«n abondance. 11 ordonna qu'on reçût ces préfents 9<br />
comme offerts <strong>par</strong> des amis; & traitant les ambaffa*<br />
«leurs avec bonté, il leur dit9 qu'il voulok faire un<br />
facrifice à Hercule $ le principal dieu des tyriens : que<br />
les rois de Macédoine croyoient defcendre de ce dieu ;<br />
Se que bailleurs c'étoit un oracle qui le lui avoit<br />
ordonné. Les ambaffadeurs lui répondirent y qu'il y<br />
avoit hors de leur ville un temple d'Hercule, fur remplacement<br />
qu'ils appelloient eux-mêmes l'ancienne Tyr%<br />
& que le roi pourroit y facrifier avec les cérémonies<br />
fequifes. Alexandre ne put retenir fa colère f dont il<br />
n'étoit pas d'ailleurs affez maître. Je vois, leur dit-il<br />
donc » que <strong>par</strong> confi*nce*dans voue fitu&tion $ <strong>par</strong>ce que<br />
vous habite\ une île , vous faites peu de cm de mon armée<br />
de terre i eh bien s je vous ferai voir que vous êtes en terre<br />
ferme ; & facke\ en cmfêquenct, eu que j'entrerai de gré<br />
dans votre ville, ou que je la détruirai» Ils furent congédiés<br />
avec cette réponfë; & leurs amis leur concilièrent<br />
d'ouvrir auffi leurs portes à un roi, que la Syrie<br />
& la Phénicie avôient reçu. Mais les tyriens, fe croyant<br />
affez forts <strong>par</strong> leur pofîtion, réfolurenî de foutenit<br />
le fiège.<br />
• 8. En effet leur ville eft fé<strong>par</strong>ée <strong>du</strong> continent <strong>par</strong><br />
pn détroit de quatre âades f expofé furtout au vent<br />
<strong>du</strong> couchant, & fujet à des tourmentes qui pouffent<br />
fréquemment des <strong>mont</strong>agnes de flots contre le rivage.<br />
Rien n'étoit plus contraire que ce vent à l'exécution<br />
<strong>du</strong> projet qu'avoient les macédoniens, de joindre l'île<br />
a la terre ferme. Car à peine eft-ii poffibîe d'élever<br />
des digues dans une mer paifible & tranquille ; & le vent<br />
<strong>du</strong> couchant, ébranlant les premiers matériaux qu'on<br />
a enîaffés, les a bientôt renverfés dans la mer : en un<br />
mot il n'y a point de chauffée fi forte, que les eaux ne<br />
minent en paffant entre les jointures, & même en<br />
s'èlevant <strong>par</strong> deffus tout l'ouvrage quand le vent eft<br />
plus fort. A cette difficulté s'en joignoit une autre non<br />
moins grande. Une mer très-profonde baignoit les murs<br />
& lu tours de la' ville; QU ne pouvait faire jouer les
•$4 L I B E R IF. C A P . I L<br />
menta, nifi t navibus procul excuffa , emhû }<br />
mon fcalœ, mmiibus applkari , paieront : praceps<br />
in falum murus pedefire interceperat iter : naves<br />
mec habebat rex ; & 9 fi admoviffet , pendent®<br />
& infiabiies mijjilibus arceri poterant* Inter qua<br />
<strong>par</strong>va diBu res tyfwrum fi<strong>du</strong>ciam accendit. Carthaguunfium<br />
legati ad cekbran<strong>du</strong>m anniverfarium<br />
facrum more patrio tune vénérant ; quippe Carthagmem<br />
tyrii condiderunt, femper <strong>par</strong>enmm bm<br />
aâtu Hortari ergû pœni cœperunt, ut obfidmnem<br />
fini animo paterentur ; brevi Carthagme auxii'm<br />
ventura : namque eâ tempejiate magna ex <strong>par</strong>a<br />
punkis clajfibus maria obfidebantur*<br />
9. Igitur bello décréta _9 per mur&s turrefqm<br />
tormenta difponunt ; arma junioribus divi<strong>du</strong>nt;<br />
. opificefque 9 quorum copia urbs abundabat , in<br />
officinal difiréuunt : omnia belB ap<strong>par</strong>atu ftrtpunt*<br />
Ferreœ. quoque manus (Harpagoeas vocant)f<br />
quas operibus hoft'wm mjicerent, corviqut > &<br />
îdia menais urbibus excogitata , pm<strong>par</strong>abanmr.<br />
Sed quum fornacibus ferrum quod excudi oporte»<br />
bat impofimm effet, admotifque follîbus ignem<br />
fiaiu accenderent , fanguinis rivi fié ipfis fiant»<br />
mis exfiitiffi dicuntur ; idque omen in macedonum<br />
metum verterunt tyr'u* Apud macedpnas quoque f<br />
quum forte panem -quidam militum frangeret9 ma*<br />
nantis fanguinis guttas mtaverunt : territoque regt,<br />
Ariflander9 peritiffimms vatum, refpondit, fi ex*<br />
trinfecàs cruor ftuxiffet , maced&nibus id trifie<br />
futurum ; contra, quum ab interbre <strong>par</strong>te mana*<br />
verit, urbi quant obfidere deftinajjent exïûum<br />
portendere* Alexander , quum & clajfcm procul
LIVRE IF. CMAF. IL 9^<br />
,a \ï*îteriês f que de loin, fur des vaiffeaux ; & Il n'étoit<br />
pas pôflîble de planter des échelles. Le mur, pouffé tu<br />
«aiut jufques dans la mer, n'avoit rien laiffé où Ton pût<br />
«mettre le pied: îe roi d'ailleurs n'avoit point de vaif-<br />
£eaux; & s'il en fefoit approcher, toujours mal affuréf<br />
fie en mouvement, il étoiî aifé de les écarter â coup<br />
«le traits. Au milieu de toutes ces confédérations, une<br />
bagatelle mit le comble à la confiance des tyriens, Des<br />
«svoyés de Cannage étoient arrivés pour faire, félon<br />
le rit de leurs pères, un facrifice qu'ils renouveloient<br />
tous les ans; car ce font les tyriens qui ont fondé<br />
Carthâge , & cette ville Its a toujours honorés comme<br />
€es pères. Les carthaginois les exhortèrent donc à foutenir<br />
courageufement le fiège; ils leur promirent un<br />
prompt fecoursde leur <strong>par</strong>t: cardans ce temps-là la mer<br />
n'étoit prefque couverte que de flottes carthaginoifes.<br />
9. Etant donc réfolus à la guerre, ils rangent les<br />
machines fur leurs murailles & fur leurs tours; ils difr<br />
tribuent les armes aux jeunes gens; & ré<strong>par</strong>tiffent dans<br />
les atteiiers les ouvriers f qui étoient en grand nombre<br />
dans la ville: tout retentit des pré<strong>par</strong>atifs de la guerre.<br />
On fabriquoit auffi des mains de fer, qu'ils appellent<br />
Harpoms, pour les lancer fur les ouvrages des ennemis ê<br />
des crocs , & autres femblables Inflruments imaginés<br />
pour la défenfe des villes. Mais quand on eut mis dans<br />
les forges le fer qu'il falloit travailler, & qu'on eut mis<br />
les foufflets en mouvement pour allumer le feu, on<br />
prétend que fous les flammes mêmes on vit couler des<br />
ruifleaux de fang; ce que les tyriens regardèrent comme<br />
un préfage redoutable pour les macédoniens. Pa*<br />
reïllement <strong>du</strong> côté des macédoniens » un foldat venant<br />
à rompre fon pain, on en vit fortîr quelques goûtes<br />
de fang : le roi en étant effrayé, Ariftandre, le plus<br />
habile des devins, fit entendre, que, fi le fang fût venu<br />
<strong>du</strong> dehors fur ce pain f c'eût été un trille préfage<br />
pour les macédoniens ; mais qu'au contraire, étant fortï<br />
de l'intérieur, il annoriçoit îa ruine de la ville qu'on<br />
alloit afliéger, Alexandre, ayant fa flotte loin de là.
# ZIBER IF. CAP. IL<br />
haberet 9 & hngam obfidionem magno fibl ai te*<br />
fera impedimento videreî fore ; ca<strong>du</strong>ceaiores, qui<br />
od pacem eos compellerent, mifit: quos tyriï , cour<br />
ira jus gentium occifos, pmciphaverunt m akum.<br />
Atque me, fuorum tam indigna nece commutas 9<br />
urbem objîdere flattât. Sed mite jacienda moles<br />
trot, qum urbem continent* committeret : ingern<br />
ergo anïmos militum defperatm . inceffit , cernen*<br />
tium profim<strong>du</strong>m mare3 quod vix divmâ ope poffet.<br />
impleri ; qum faxa tam vafta, quos tam proce*<br />
ras arbores pojfe reperiri ? exhauriendas. ejfe re~<br />
giones , utïïlud fpatium aggeraretur ; ! & exa,fluorc<br />
Jemper fretum ; quéque arBiùs volutetur inttr in~<br />
fulam & conti^entem , hoc acrius furere* At Me 9<br />
haud quaquam _ rudis traElandi mUitares animas ,<br />
fpeciem fibi Mercuiis infomno oblatam ejfe promut-<br />
€iat, dextram porrigentis ; illo <strong>du</strong>ce , iUo aperknte,<br />
in urbem intrare fi vifum : inter hmc , ca<strong>du</strong>ceaiores<br />
interfeBos , gentium jura violata , referebat ; unam<br />
tjfe urbem qum curjum viBoris morari au/a effet.<br />
'Ducibus deinde nègotium datur\9 ut fuos quifqm<br />
cafliget : fatifque omnibus ftimulatis , opus orfus<br />
efl. Magna vis faxorum ad manum erat 9 Tyro<br />
vetere pmbmte ; materies ex Lihano <strong>mont</strong>e raû*><br />
bus & mrribus faciendis vehebatur.<br />
ICV Jamque à fundo' maris in altitudinem<br />
<strong>mont</strong>h opus excreverat 3 non<strong>du</strong>m tamen aqum<br />
faflïgmm aquabat; &, qm longiès moles ageèatur<br />
à litore, hoc magis quidquid ihgerebatur<br />
prmaltum abforbebat mare : quum tyrii , <strong>par</strong>vis<br />
navigûs admotis-, per ludibrium exprobrabant,<br />
illosj armis incfytos, dorfo ficut jumenta onera<br />
gtflore ; interrogabant etiam, num major Neptuno<br />
effet Akxanden Bac ipfa infeBatio alacritatem
LèVRE IV. CHAP. IL 97<br />
. 8c voyant qu'un long fîège mettroit un grand obftacie<br />
à fes autres projets, envoya des hérauts aux tyriens,<br />
pour les engager à la paix; mais ils les tuèrent contre<br />
le droit des gens, & les précipitèrent dans îa mer. Le<br />
roi, outré de l'indigne traitement fait à fes envoyés,<br />
réfolùt d'entreprendre îe 'liège. Mais il falloit au<strong>par</strong>avant<br />
cohftruire une digue, qui joignit îa ville au continent<br />
: ce qui jeta un affreuse défefpoïr dans tous le*<br />
coeurs, à la vue d'une mer î\ profonde, que îa toutepuiffanee<br />
divine'elle-même pourroit à peine îa combler<br />
; où trouveroit-oa pour cela d'aflez groffes pierres,<br />
d'aflez grands arbres ? il faudroit épuifer des provinces,<br />
pour combler cet abîme; d'ailleurs cette mer, toujours<br />
en tourmente, 'étoit d'autant' plus" furieufe f qu'elle<br />
étoit plus refferrée entre* 111e & le continent. Mais<br />
Alexandre, qui n'ignoroit pas Fart de manier Pefprit<br />
des foldats , leur déclare qu'Hercule lui a ap<strong>par</strong>u en<br />
longe-, lui tendant la maini & qu'il-lui a femblé que ce<br />
dieu le menoit dans îa ville, 6c lui en ouvroit les por- .<br />
tes : là-defliis il leur rappelle le maffacre de fes hérauts<br />
, la violation <strong>du</strong> droit des gens ; 8c leur représente<br />
que cette viHe eft îa feule qui ait ofé retarder<br />
le cours de fes victoires.' Il charge enfuite les capitaines<br />
de remettre, chacun de fon côté 9 îeurs foîdaîs<br />
'dans le devoir : 6c îorfque tous eurent été fuffifamment<br />
animés t il commença l'ouvrage. On avoit fous la main<br />
une grande abondance de pierres, dans les ruines de<br />
Fancienie Tyr ; 6c l'on amenoit <strong>du</strong> <strong>mont</strong> Liban le boic<br />
néceffaire pour couftruire des radeaux & des tours.<br />
IO. Déjà l'ouvrage s'èlevoit comme une <strong>mont</strong>agne<br />
au fond de la mer, fans être pourtant encore à fleur<br />
4'eau; & plus la digue s'éîoignoit <strong>du</strong> rivage , plus la<br />
profondeur de la mer abforboit les matériaux qu'on<br />
•y apportoit : alors les tyriens, s'avançant fur des efquifs<br />
j plaifantoient ces héros renommés <strong>par</strong> leurs faits<br />
d'armes, qui portoient des fardeaux fur leurs dos comme<br />
des bêtes de charge j ils leur demandoient suffi f s'ils<br />
croyoiest Alexandre plus grand que Neptune, Mais<br />
Tome L ~ E
98 LIBER IF. CAP. III.<br />
milïtum accendit. Jamque paululum moles aquam<br />
eminebat , & fimul aggeris laûtudo crefcebat urbique<br />
admovebatur; quum tyrii 9 magnitudime molh,<br />
cujus incrementum eos ante fefellerat, confpeBâ,<br />
levïbus navlgûs non<strong>du</strong>m commiffum opus circum-<br />
. ire cmperunt, mijjîlïbus eos qwoque qui pro ope'<br />
rt ftabant inceffere : multis ergo impuni vmne~<br />
•raiis, quum & rem&vere & apptllere fcapkas<br />
in expedito effet 9 ad curam femetipfos tuends<br />
ab opère converterant. Igitur rex munientibus<br />
coria velaque jujjit obtendi , ut extra teli i&um<br />
effent ; <strong>du</strong>afque turres ex capite molh erexit, è<br />
quitus m Jubeuntes fcapkas tela ingeri poffent.<br />
Contra, tyrii navigia procul a confpeBu hoflkim<br />
litori appellum , expofitifque militwus % eos qui<br />
faxa gefiabant obtruncant* In Libano quoque<br />
arabum agrefies , incompofitos mactdonas aggreffi\<br />
trigmta firè interficiunt, paucioribms captis*<br />
III. Ea res Alexandrum dividere copias coegit;<br />
& ne fegniter affdere uni urbi videretur , operi<br />
Perdiccam Craterumque pmfecil, ipfe cum expe~<br />
ditâ manu Arabiam petiiL huer h%c tyrii navem9<br />
magnkudine eximiâ , faxk aremque a puppi one*><br />
ratam -ita ut multum prora emineret, bitumine<br />
ac [ulphure illitam , remis concitaverunt ; & quum<br />
magnam vim verni vêla quoque concepiffem, et"<br />
leriter ad molem fuccefft : tune prora ejus acM<br />
'cenfa, rémiges defiliêre in fcapkas qum ad hoc<br />
ipfum pm<strong>par</strong>atœ fequebantur» Navis autem, igné<br />
'concepto, latiiis fuhdere incendium cœpit , quod9<br />
prias quam poffet occurri , turres & cetera opefa<br />
in capite molis pofita ' comprehtndh. At qui<br />
defiUermt in <strong>par</strong>va navigia , faces & quidqmd
LIVRE IF. CHAP. 111. 9.9<br />
foutes ces injures ne fervirent qu'à animer davantage<br />
les foldats. Déjà l'ouvrage <strong>par</strong>oiffoit un peu au deffus<br />
de l'eau 9 & la digue s'éîargiffoit & s'approchoit de<br />
la Tille; lorfque les tyriens, frappés de îa grandeur<br />
de fouvrage, dont ils n'avoient pas d'abord apperçu les<br />
progrès » fe mirent à l'invertir dans des efquifs avant que<br />
les liaifons en fuffent confolidées, $c à tirer fur les<br />
travailleurs : ainfi, pîufîeurs ayant été bleffés impunément<br />
, <strong>par</strong>ce que ces petites barques s'éloignoient &<br />
s'approchoient ayec facilité > ils quittèrent l'ouvrage<br />
pour fonger à fe défendre. Le roi lit donc tendre des<br />
•peaux & des voiles au devant des ouvriers, pour les<br />
garantir des traits ; & il fit élever, à la îête de l'ouvrage*<br />
deux tours d'où l'on pût tirer fur les barques qui approcheroient.<br />
D'un autre côté, les tyriens abordent au rivage<br />
loin de la vue des ennemis f & au moyen de quelques<br />
foldats qu'ils mettent a terre, ils taillent en pièces<br />
ceux qui portoient les pierres. Sur le Liban il y eut<br />
auffi des payfans arabes,• qui, ayant attaqué les macé- '<br />
doniens dans un moment de défordre f en tuèrent trente,<br />
& en firent quelques-uns prifonniers.<br />
III* Ce contre-temps força Alexandre de <strong>par</strong>tager<br />
fes troupes ; & pour éviter le reproche de perdre fon<br />
temps au liège d'une feule place, il remit la con<strong>du</strong>ite<br />
de Fouvrage à Perdkcas Jk à Cratère, & avec un camp<br />
volant il alla en perfonne vers l'Arabie. Cependant les<br />
tyriens prènent un vaiffeau d'une grandeur extraordinaire<br />
, le chargent à l'arrière de pierres & de fabîe de<br />
manière à élever beaucoup l'avant, l'en<strong>du</strong>ifent de bitume<br />
& de fouf&e, & le mettent en mouvement à force<br />
. de rames; dès que les vents eurent enflé les voiles<br />
avec force f il joignit bientôt la digue : alors les rameurs<br />
mirent le feu à la proue, & fe jetèrent dans les cha-<br />
. loupes qui fuivoient exprès pour cela. Le vaiffeau<br />
embrâfé commença à répandre au loin l'incendie, qui,<br />
avant qu'on pût y donner ordre, embrâfa les tours<br />
&. les autres ouvrages placés à la tête de la digue.<br />
' Dt teur côté les matelots qui s'étoien.t jetés dans, les<br />
Eij
IOO LIBER IK CAP. 11L<br />
slmdo igni aptum erat in tadtm opéra ingerunu<br />
Jamque non modo macedonum turres , fed etiam<br />
fumma tabulais conceperant ignem, quum il qui<br />
in mmhms eranî , <strong>par</strong>tim kaurirentur incendm ,<br />
<strong>par</strong>tim amas onùffis m mare femeûpfi immh~<br />
terent : ai tyrii , qui capere e&s quant inter-<br />
-ficert maUeni- , naianiium manm ftiphibus far<br />
xifque lacerabani, donec débilitait impuni navir<br />
giis txcipi voffint. Nec incendio fo'lum opéra<br />
cenfumta : fed fine eodem die vehementior verttus<br />
motum ex profundo mari Ulifit in molem ;<br />
- crebrifque fluBibus coupages operis verberatm fi<br />
laxavire 9 Jaxaque interluens unda médium opus<br />
rupit : promus igitur lapi<strong>du</strong>m cumulis qu'eus £njeBa<br />
terra fuflinebatur , pmceps in profimd/im<br />
mit; tanmque molis vix uUa ^efiigia inyttàt<br />
Arahm ndiens Akxamkr*<br />
la. Hîe , quoi in adverfis rébus filet fieri i<br />
alius in alium culpam refirebat ; quum. omnes<br />
venus de favitid maris queri poffent.'Rex novi<br />
•cperis molem or fus , in adverfum ventum , non<br />
latert 9 fed reëâ fronte direxk , quod cetera<br />
vpera, velut fub ipfi latentia , tuebatur ; lad'<br />
tudinem qmoque aggeri adjecit, ut turres in medm<br />
' ereBa procul tell jaBu abeffenu Totas autem<br />
arbores cum ingentibus ramis in alium jacitbant;<br />
deinde faxis onerabant ; rurfus curmâo eomm<br />
alias arbores mjiciebant; tum humus aggerebatur ;<br />
fuperqm slidjimefaxomm arborumque cumuhtd *
LIVRE IV. CHAP. III. roi<br />
dialoupes f lançoient fur ces ouvrages- des torches<br />
ardentes & tout ce qui pouvoit nourrir le feu. Et déjà<br />
il avoit gagné, non feulement jusqu'aux tours, mais<br />
même jufqu'aux <strong>par</strong>ties les plus èle¥ées des tours %<br />
lorfque des macédoniens qui y étoienî,les uns ayant<br />
déjà péri dans les flammes , les autres fe précipitèrent<br />
fans armes dans la mer : mais les- tyriens s qui aimoient<br />
mieux les faire prifonniers que de les tuer , fe fervoient<br />
de perches & de pierres pour leur eftropier les mains<br />
tandis qu'ils nageoient, afin de pouvoir, après les avoir<br />
mis hors de défenfe» les prendre fans rifque dans les<br />
chaloupes. Le feu ne contribua pas feul à la ruine<br />
des ouvrages: il arriva malheureufement ce même jour<br />
qu'une bourafque pouffa violemment les eaux de la mer '<br />
contre la digue ; ce qui fervoit à lier les <strong>par</strong>ties de l'ouvrage,<br />
à force d'être battu <strong>par</strong> les flots, fe relâcha<br />
entièrement s & l'eau, paffant à travers les pierres 9<br />
rompit la chauflKe <strong>par</strong> îe milieu : ainfi, ces monceaux<br />
êe pierres qui foutenoient la terre une fois renverfés s<br />
tout fut englouti dans la mer ; & Alexandre, à fon retour<br />
d'Arabie, retrouva à peine quelques veftiges d'une '<br />
mafle fi énorme,<br />
12. Alors, comme c'eft l'ordinaire dans les conjonctures<br />
facheufes , on s'en prenoit les uns aux autres ;<br />
tandis que tous pouvoïent avec plus de vérité ne fe<br />
plaindre que de la mer. Le roi fit travailler à une digue<br />
de nouvelle conftruftion, & il dirigea l'ouvrage,<br />
son en préfentant le côté au vent f mais en avançant<br />
directement & de front contre fon cours, le devant<br />
défendant ainfi les autres travaux quil couvroit; il donna<br />
aalTi plus de largeur à la chauffée , afin que les tours<br />
élevées au milieu fuflent hors de la portée <strong>du</strong> trait. On.<br />
jetoit donc dans la mer des arbres tout estiets .avec de<br />
grandes branches ; 00 les chargeoit enfuite de pierres ;<br />
§c fur ce. double lit on recommençait à jeter d'autres,<br />
suhres ; puis on entaflbit de la terre <strong>par</strong> deffus ; &<br />
l'amoncelant de même fur d'autres, lits de pierres &"<br />
d'arbres, on venoit à bout d'en faire comme un lien<br />
E iij
ïoi LIMER IF. CAP. 11L<br />
velut quodam nexu contiuens opus junxerœnt.<br />
Nec iyrii quidquid ad impedkndam molem ex»<br />
cogitari poterat fegnuer exfequebantur. Prœcipuum<br />
auxUium ttat , qui procul koftium conf<br />
peËu fûbîbant aquam, occultoque lapfu ad molem<br />
ufque penetrabant , falcibus palmites arborum<br />
tminentium ad fe trahentes ; qua, ubi fequutm<br />
trant, pleraque fecum m profim<strong>du</strong>m dabaM :<br />
mm levatos outre ftipites truncofque arborum<br />
haud agrè molkbantur ; demde totum opus 9<br />
qmd ftipit'éus fiierat mnbcum, fimdammm lapfi ,<br />
fequebaîun Mgro animi Alexandro , & uirum<br />
perfeverareî an abiret fatis incerto , claffis Cypro<br />
adveniî, eodemque tempore Ckander, cum grtz-<br />
€ts mUîûbus m Afiam nuper adveBus* Cemum<br />
& nonaginta navium claffèm m <strong>du</strong>o dividli cor*<br />
nua : Imvum Pnytagoras , rex cypriorum 9 cum<br />
Çratero iuebatur ; Akxandrum m dexêro qumque**<br />
remis régla vefubaL Nec tyrii, quanquam cUf<br />
ftm habebant % aufi navale inire certamn , tare*<br />
mes omnes ante ipfa marna oppofueruntf qmburex<br />
inveilus , ires demtrjké<br />
13. Poflerâ dît » claffc ad mmnîa admota i<br />
undique tormenùs & maxime arutum pulfu mmvs<br />
quatit : quos tyrii raptim obflntfUs faxis refect*<br />
wum , ïnterwrem quoque murum , m, fi pr'mr<br />
fefelliffiei , illo fe iuereniur', undique orJL Sei<br />
undique vis mali urgebat : moles intra teli jaihm<br />
€rai ; claffis • memia circumibat ; terreftri fond<br />
mavaliqut clade obruebaniur. Quippe binas qm*<br />
drlremes macedoms mer fe ita junxerant m pro*
LIVRE IF. CM A p. III. 103<br />
104 LIMER IF. CAP. 111<br />
m coharerent, puppes intervalle , quantum caJ<br />
père poterant, diftarent ; hocpuppium intervallum , '<br />
anîemûs ajferibufque vallais deligatis , fuperque'.<br />
ios ponûbus flratis qui militent fuftimrent , impleverant<br />
: fie inflruBas quadriremes ad urbem<br />
agebant ; inde miffilia in propugnantes ingerebantur<br />
tuto, quia proris miles tegebatur* Media nox<br />
trot , quum clajfem , ficuti diBum efl <strong>par</strong>atam,<br />
€ircumire muros jubet : jamque naves urbi undique<br />
admovebantur , & tyrii defperatione torpehaut<br />
; quum fubito fpifik nubes intendere fe cmlo<br />
, & quidquid lucis intemitebat effufd caliginc<br />
exftinêum eft. Tum inhorrefeens mare pauhtim levait;<br />
deinde, acriori vtnto concitatum , fluBus<br />
cïere & mter fe navigia cottiderc. Jamque fc'mdi<br />
cetperant vineuîa quibus connexm quadriremes erani p<br />
ruere tabulais, & cum ingenti fragore in profim-*<br />
âum feeum milites trahere. Neque enim conferta<br />
navigia ullâ ope m turbido régi poterant : miles<br />
mimfleria nautarum ', rémiges militis officia- tur*»<br />
babant ; & , quoi in hujufmodi caju accidit ,periti<br />
ignaris <strong>par</strong>ebant ; quippe gubernatores 9 alias<br />
imperare foliti, tum metu mortis juffa exfiquebantur.<br />
Tandem remis pertinaciès everberatum marie %<br />
veluti eripientibus navigia, ClàJJicis ceffit ; ap-_<br />
puifaque funt litori, lacerata pleraque*<br />
14. lifdem diebus fine carthaginenfium legaû<br />
trïginta fuperveniunt, majus obfijfis folatium quant<br />
auxilium ; quippe domeflico beuo pornos impediri%<br />
nec de imperio, fed pro faute , aimicare nunciabant<br />
: fyracufani tune Africam urgebant, & kaud<br />
procul Carthaginis mûris locavprant caftra* Nom ta*<br />
men dêfecêrt animis tyrii, quanquam ah ingenti fpe
LITRE IV. CMAF. III. ioç<br />
les proues fe touchoienf, & que U$ poupes étoient<br />
éloignées autant qu'il étoit poffîble ; ils a vol eut rempli<br />
c-et intervalle entre les poupes, d'antennes &de forte»<br />
pièces de bois liées enfemble , & des ponts <strong>par</strong> deffus<br />
pour y placer des foldats : ils pouffoieat vers la ville<br />
leurs galères ainfi équipées ; & de là on ttroit en fureté<br />
contre les affiégés, <strong>par</strong>ce que les proues cou-'<br />
croient les allégeants. .Le roi, vers minuit % ordonna<br />
à fa flatte, ainfi pré<strong>par</strong>ée, d'inveffir les murs : &déja<br />
les vaifleaux s'approchoient de toutes <strong>par</strong>ts de îa place,<br />
et les tyriens s'abandonnoient <strong>par</strong> défefpoir; lorfque tout<br />
à coup le ciel fe couvrit de nuages épais., & îe peu<br />
qui reftott encore de clarté s'éteignit dans une pro- •<br />
fonde obfcurité. La mer en agitation s'enfle peu à peu;<br />
puis les vents 9 devenus plus forts f foulèvent les flots<br />
& choquent les vaiffeaux les uns contre les autres. Les<br />
cables qui tenoient attachées les gaietés à quatre rangs<br />
fe rompent, les ponts font renverfés,. & avec un fracas<br />
épouvantable entraînent les hommes avec eux daas îa<br />
mer. Car dans ce défordre il n'étoit pas poffibîe de<br />
gouverner des vaiffeaux fi ferrés : le foîdat nuifoit aux<br />
fondions des matelots, les matelots à celles <strong>du</strong> foldat;<br />
& 9 comme il arrive en <strong>par</strong>eil cas f les habiles étoient<br />
à la difcrétion des ignorants ; les pilotes % accoutumés<br />
en d'autres temps à commander , exécutant alors <strong>par</strong><br />
la crainte de îa mort tout ce qu'on leur ordonnoit.<br />
Enfin la mer céda aux efforts opiniâtres des rameurs,<br />
qui fembloient lut arracher de force les vaiffeaux ; ils<br />
regagnèrent le rivage, mais la plu<strong>par</strong>t en mauvais état.<br />
14. Vers ce temps arrivèrent trente ambaflàdeurs<br />
. de Carthage,, plus pour confoler Tyr que pour la Recourir<br />
; car ils apportaient la nouvelle que les cartha- '<br />
ginois avoient eux-mêmes la guerre chez eux, & qu'ils<br />
avoieet à combattre, non pour l'empire, mais pour<br />
leur propre fûraté: les fyraeufains " harceloient alors<br />
l'Afrique y H ils s'étoient campés à- peu de diftance<br />
de Carthage. Les tyriens ne perdirent point courage,<br />
quoiqu'ils perdileat une griade efperaace : mais ils fi-<br />
. . E Y
io6 LIBER IV. CAP. 1IL<br />
defthuti erant : fed conjuges lïberofque devehendùM<br />
Çarthaginem tradiderunt ,* finies quidquid acci«*<br />
dent laturi, Ji cariffmam fui <strong>par</strong>iem extra cornmunis<br />
periculi forum habuiffenu Qmtmque umu<br />
è civibus concioni indicaffet 9 oblatam effe per<br />
fomnum fibi fpeciem Apollinis , quem eximm<br />
religione colerent, urbem deferentis, molemque à<br />
macêdonibus jaÛam in falo in Jïlveflrem faltum<br />
effe mutatam ; quanquam auBor levis trot, tamen<br />
ad détériora eredenda proni metu , aureâ catenâ<br />
dêvinxêre tJimulacrum , arœque Herculis, cujus<br />
mmini urbem dicaverant , inferuire vincubun ,<br />
quafi iUo deo ApoUinem retenturi Syracufis id<br />
fimulacrum devtxerant pœni, & in majore hca~<br />
verant patrîâ ; multifque aiiis fpoiiis mrbium à<br />
femet captarum non Çarthaginem magis quant<br />
Tyrum ornaverant.<br />
15. Sacrum quoque, quod quidem <strong>du</strong>s mimmi<br />
eordi effe. crediderim , multis fecuiis mtermiffum<br />
, repetenâi auBores quidam erant, ut ingenuus<br />
puer Saturno immolaretur : quod facrilegmm<br />
yerius quam facrum carthaginenfes , à conâttoribus<br />
traditum, ufque ad excidmm urbis fum fe~<br />
tiffe dkuntur ; ac niji feniores .obflitiffent, quorum<br />
conjilio cun&a agebantur, humanitatem dira<br />
fuperftkio viciffet. Ctterum , effcacior omrâ arte<br />
imminens neceffitas , non ufitata modo prafidia 9<br />
fed qumdam ttiam nova admonuk Namque ai<br />
impiicanda navigia qua muros fubïbant , vaSr<br />
dis afferibus corvos & ferreas manus cum uncis<br />
ac fakibus illigaverant, ut, quum tormento aff&<br />
res promoviffent, fubito laxatis Jùniius injkerentj
LIVRE IF. CHAP. III. 107<br />
rent pàfler leurs femmes & leurs enfans à Carthage ;<br />
dans îa vue de fupporter avec plus de fermeté tout ce<br />
qui pourroiî leur arriver, quand ils auroient dérobé au<br />
péril commue la plus chère <strong>par</strong>tie d'eux-mêmes. Un de<br />
leurs concitoyens ayant déclaré en pleine aflemblée,<br />
qu'il avoit vu en fonge Apollon, qu'ils révéroient <strong>par</strong>ticulièrement<br />
, abandonner leur ville, & la digue conftruite<br />
dans la mer <strong>par</strong> les macédoniens changée en un<br />
bois touffu ; quoique cette autorité ne fût pas bien<br />
grave, Sa crainte néanmoins leur fefant croire aifément<br />
les chofes les plus fâcheufes, ils lièrent la ftatue d'Apollon<br />
avec une chaîne d'or, & attachèrent cette chaîne<br />
à l'autel d'Hercule t fous la proteftion de qui ils avoienî<br />
mis leur ville, comme pour retenir l'un de ces dieux<br />
<strong>par</strong> l'autre. C'étaient les carthaginois qui avoient apporté<br />
cette ftatue de Syracufe, & qui l'avoient placée<br />
-dans leur mère patrie ; & ils avoient décoré Tyr, avec<br />
autant d'empreffement que Carthage même, de beaucoup<br />
d'autres dépouilles des villes qu'ils avoient prifes.<br />
if. Quelques-uns étaient aufli d'avis d'immoler à<br />
Saturne un enfant de condition libre 9 facrifke difcontinue*<br />
depuis plufieurs fiècles, & qui, à mon fens, ne devoit<br />
pas être fort agréable aux dieux : cette cérémonie,<br />
plus véritablement digne <strong>du</strong> nom de facrilège que de<br />
celui de facrifke, tranfmife aux carthaginois <strong>par</strong> leurs<br />
fondateurs s fe foutint, dit-on, <strong>par</strong>mi eux jufqu*à la<br />
deftruôîon de leur ville ; & fi les anciens, dont la fageffe<br />
f égloit toutes les affaires , ne s'y fuffent oppofés,<br />
cette cruelle fuperftition Veut emporté fur les droits de<br />
l'humanité. Au refêe, l'urgente néceffîtés>plus riche en<br />
reffources que tout l'art <strong>du</strong> monde t non contente des<br />
moyens de défenfe ordinaires, en fuggéra encore de<br />
nouveaux. Àîofi, pour incommoder les vaiffeaux qui<br />
venoient aux pieds des murailles} ils avoient attaché à<br />
de forts madriers des grapins & des harpons avec des<br />
crocs & des faulx, de manière qu'après avoir placé ces<br />
•madriers fur leurs machines , ils puffent, en lâchant<br />
tout à couples cordes,, les lancer avec violence; en<br />
E vj
i o 8 • L I B E R I V . C A P . I V .<br />
wtci quoque & falces ex ufdem afferîbus dépendent<br />
tes , aut propugnatons aut ipfa navigia lactrabant.<br />
Clypeos vero mneos multo igné torrebant, quos,<br />
repktos fervidâ arenâ canoque decoflo, è mûris<br />
fubito devolvcbant. Nec ulla peflis magis tïmebatur<br />
; quippe ubi lorkam corpufque fervens arena<br />
penetraverat, nec ulla vi excuti poterat, & quidquid<br />
attigerat perurebat ; jackntefque arma ,. laceratis<br />
omnibus quibus protegi poterant y vulneriBus<br />
ïnulti patebant.; corvi vero & ferrée mamts tormentis<br />
emijfm plerofque rapkbanu<br />
IV. Hic rex fatigants flatuerat, folutâ objî-<br />
'dione , jEgyptum petere ; quippe quum Afiam<br />
îngenti cekritate percurrijfet , circa muras tmius,<br />
urbis hmebat , toi maximarum rerum opportunitate<br />
dimiffâ* Ceterum , tam difcedere irritum quammorari<br />
pudebat ; famam quoque,, quâplura quart*<br />
armis everterat, ratus leviorem fore , fi Tyrum,<br />
quafi teftem fe poffi vinci, reliquijfet : igitur ne<br />
auid intxpertum omitteret, plures naves admoveri<br />
Jubet dêkëofque militum imponl Et forte belka<br />
inufitam magnkudinis , fuper ' ipfos fluBus dorfo<br />
eminens ,. ad molem quam macedones jecerant ingens<br />
corpus applkuit , diverberatijque fluêii?us<br />
aUevans femet> utrimque confpeBa ,eft ; de'mdt àcapke<br />
molu rurfus alto fe immerfit, ac modo-*<br />
fuper undas eminens magnâ fui <strong>par</strong>te, modo fuperfufis<br />
fluËibus condita, kaud procul munîmentls<br />
urbis emerjïu Utrifque latus fuit bettuœ, afpe&us:<br />
macedones. iter jaciendo operi monjlrafie eam augurabantur;<br />
tyrii , Neptutmm s occupait maris,
LEWRE IV. CM A p. 1K io£<br />
même temps les crocs'& les fauk attachées à ces pièce*<br />
de bois , mettoîent en pièces ou les vaifleaux ou ceux<br />
. no LIBER IV. CAP. IV.<br />
vindicem, arnpuiffe belluam, ac molem hrevi pr
'LIVRE IF. CH'AP. IF. m<br />
pour annoncer la vengeance qu'il vouîoit tirer de ce<br />
qu'on avoit préten<strong>du</strong> maitrifer îa mer, avoit englouti<br />
la .ba'eine, & qu'affûrément la digue feroit bientôt abîmée.<br />
Enchantés de ce préfage, ils s'abandonnèrent aux<br />
pîaifirs de la table & burent à l'excès ; fi bien qu'au<br />
lever <strong>du</strong> foleiî, ils <strong>mont</strong>èrent pleins de vin fur leurs<br />
vaiffeaux, qu'ifs avoient ornés de couronnes & de fleurs :<br />
tant ils goûtoient d'avance, non feulement le préfage9<br />
mais la jouïffance même de la viôoire i<br />
17. Le roi avoit porté fa flotte de l'autre côté, &<br />
n'avoit îaiffé fur ce rivage que trente petits bâtiments ;<br />
les tyriens, en ayant pris deux, avoient donné aux autres<br />
une vive alarme , jufqu'à ce qu'Alexandre , ayant<br />
enten<strong>du</strong> les cris des fiens, lit tourner droit au rivage<br />
d'où le bruit étoit <strong>par</strong>ti. Le premier vaiffeau macédonien<br />
qui <strong>par</strong>ut, fut la galère à cinq rangs, la plus légère<br />
de toutes : dès qu'elle fut à la vue des tyriens ,<br />
deux des leurs allèrent l'attaquer <strong>par</strong> les flancs chacune<br />
de fon côté; comme la réale fe portoit elle-même contre<br />
l'une des deux, elle en rencontra l'éperon qui lut<br />
donna une vive atteinte , mais en même temps elle<br />
l'accrocha. Déjà l'autre galère qui n'étoit point accrochée<br />
, alloit, d'un mouvement libre , attaquer la réale<br />
<strong>par</strong> l'autre flanc ; lorfqu'une galère à trois rangs de la<br />
flotte d'Alexandre, fe préfentant très-à-propos , choqua<br />
fi rudement celle qui menaçoit la réale, que le<br />
pilote îyrien fut jeté <strong>du</strong> haut de' la poupe dans la mer.<br />
Il arrivoit alors plufieurs vaiffeaux macédoniens, & le<br />
roi lui-même y étoit en perfonne, lorfque les tyriens t<br />
fefant force de rames, dégagent à grand'peine le vaiffeau<br />
qui étoit accroché, & retournent vers le port avec<br />
tous leurs navires. Le roi, les ayant fuivis de près, ne<br />
put à îa vérité entrer dans le port, <strong>par</strong>ce qu'on l'en écartoit<br />
à coups de traits <strong>du</strong> haut des murs, mais il prit<br />
©u coula a fond prefque tous leurs vaiffeaux.<br />
18. Après avoir laiffé deux jours de repos aux foldats,<br />
il fit avancer tout à la fois la flotte & les machines<br />
, afin d'attaquer des deux manières les tyriens
ni LIBER IF. CAP. IV.<br />
mam iurrem afcendit, mgenû animo , ptricub ma»<br />
jore ; quîppc regîo înfigni & armû fidgentibus<br />
confpicuus, unus pmcipuè tells petebatur. Et digni<br />
prorjus Jpe&acub edidh : mtdtos è mûris propn*<br />
gnantes haftâ transfixk: quofdam etlam % combms<br />
gladio cfypeoque impuifos , pmciphavit ; quippe<br />
îurris ex quâ dimicahat mûris kôflium propemomo<strong>du</strong>m<br />
coharebat. Jamque, crebris arietïbus faxomm<br />
compage taxatâ, munimenta deficerant, &<br />
clajjîs: mtravérât portum , & quidam macedonum<br />
in turrss hoflium defertas evaferant r quum tyrii »<br />
tôt fimui malis vïBi, aVû fupplices In templa corn*<br />
fkgiunt ;, aM9 foribus œdium obferaûss occupant<br />
lïberum morth arbitrium ; nonmMi ruunt m hoftem<br />
, kaud inulti tamtn perituri ; magna <strong>par</strong>s<br />
fumma teBorum oBtinebat, faxa & qmdquîd mambus<br />
fors dederat mgerentes fubeuntibus. Alexanier,<br />
exceptis qui in templa confuget-ant , omnes<br />
mterfici, ignemque teÊis injici jubé t. Hîs per prmcônes<br />
pronunciatis % nemo îamen armatus fpem a<br />
diis petere fuflmuit : pueri virginefque templa cornpleveraM<br />
; viri in vtftibulo fuarum quifque adium.<br />
ftabant, <strong>par</strong>afa fœvïenùbus turba, Multis tamenfaluti<br />
fuêre fidonii qui intra macedonum pmfedm<br />
êrant : hi urbem quidem inttr viBores intraverant;<br />
fed cognaêioïïk cum tyrus memores ,. ( quippe<br />
utramque urbem Agenorem condidiffe credebant)<br />
mukos tyriomm, kiam protegtntes, ad fua per<strong>du</strong>xêre<br />
mvigia ; quibus çccultatis , Sidona devtftï
LIVRE IV.-CUAP. IF. ii|<br />
épouvantés: lui-même fe plaça fur une très-haute tour ,<br />
aTCc un grand courage f mais avec un péril plus grand<br />
•neore ; car étant aifé à reconnoitre <strong>par</strong> fon manteau<br />
royal & <strong>par</strong> l'éclat de fes armes, on ne îiroit prefque<br />
que fur lui. Aufli fit-il des chofes dignes d'être vues<br />
de toute la terre : il perça de fa lance pluficurs ennemis<br />
qui défendoient les murailles : il en précipita auflt<br />
quelques-uns s en les pouffant de près avec i'épée ou<br />
avec le bouclier ; car la tour d'où il combattoit touchoit<br />
prefque aux murailles de l'ennemi.. Déjà , les<br />
pierres étant détachées les unes des autres <strong>par</strong> les<br />
coups redoublés de béliers, les fortifications n'étoient<br />
plus de défenfe, la flotte étoit entrée dans le port, &<br />
quelques macédoniens s'étoient portés dans les tours<br />
abandonnées <strong>par</strong> les ennemis : lorfque les tyriens fe<br />
voyant accablés de tant de maux à la fois, les uns fe<br />
réfugient dans les temples en fefant des (implications ;<br />
les autres s'enferment dans leurs maifons s pour y terminer<br />
leur vie d'une manière libre ; quelques-uns fe<br />
lancent fur l'ennemi, pour ne pas mourir <strong>du</strong> moins fans<br />
vengeance ; pluficurs, <strong>mont</strong>és au faîte des maifons f<br />
lançoient fur ceux qui paffoient des pierres & tout<br />
ce qui leur venait à la main. Alexandre ordonne qu'on<br />
tue tout, excepté ceux qui s'étoient réfugiés dans les<br />
temples , & qu'on mette îe feu aux maifons* Quoique<br />
des crieurs publics euffent notifié ces ordres, aucun<br />
de ceux qui portoienî les armes ne daigna deman-<br />
• der <strong>du</strong> fecours aux dieux : les Jeunes garçons & les<br />
jeunes filles avoient rempli les temples; les hommes fe<br />
tenoient chacun à l'entrée de fa maifonf difpofés à<br />
iflbuvir la fureur <strong>du</strong> foldat. Plufieurs toutefois furent<br />
fauves <strong>par</strong> les fydoniens qui fervoient dans les<br />
troupes de Macédoine ; ils éioient entrés véritablement<br />
dans la ville <strong>par</strong>mi les vainqueurs j mais en con»<br />
fidération de leur affinité avec le* tyriens » Agésor<br />
paffant pour le fondateur des deux villes, ils en me
ii4 LIBER IF. CAP. V.<br />
funt, Qumdecim miMia hocfkno fub<strong>du</strong>Ëa fmvhîé<br />
funt ; quamumque fangumis fufum fit vei ex hoc<br />
exiftimari poteft, qmod intra munimtnta urbis ftx<br />
milita armatorum tmcidata funu Trifte demie<br />
Jbe&aculum vi&oribus ira prabuit reps : <strong>du</strong>o millia<br />
$ in quibus occidendi deficerat rabies 9 cruch<br />
bus affjci per imens litoris fpatium pependertmL<br />
Çarthaginenfium tegatis pepercit ; additâ demmcio'<br />
ùone belii 9 qwod prafentmm rerum mceffitas mo~<br />
raretw.<br />
19. Tyrus feptimo menfe quam oppugnari cœpta<br />
erat capta eft , urbs 3 & vetuftate originis & cri'<br />
brâ formant varietatê, ad memoriam pofterhaâs<br />
infignis* Condita ab Agenore, diu mare , non vicinum<br />
modo , fed qwdcumque clajfes ejus adierunt,<br />
ditionis fuaficit : &, fifama libet credere , hac<br />
gens literas prima aut docuit oui didiciu Cola*<br />
nia cerû ejus pêne orbe toto diffiifa funt ; Carthagô<br />
m Africâ, in Bœotia Tkeba , Godes ad<br />
Oceanum : credo libero commeantes mari , fa*<br />
plhfque adeundo ceteris incognitos terras f ekgijft<br />
fedes Juventuti, quâ tune abundabant ; feu quia<br />
crebris motibus terra , nam hoc quoque traditur »<br />
cuitores ejus fatïgati , nova 6* txterna domicilia<br />
omis fibimet qumrtre cogêbantur. Multis ergo<br />
cafibus defunUa & poft excidium renota 9 mme<br />
tandem % longâ pact cunBa refovente , fié tmtU<br />
romanm manfuetudmis acqukfck*<br />
V. lifdem ferme dïebus Darïï Uterm aïïata<br />
funt, tandem ut régi feripta* Petebat uti filiam<br />
. fuam , Statim erat nomtn , nuptiïs Akxmdêf
LIVRE IF. CMAP. V. nj<br />
Yetournèrêrtt à Sïdon. Cette efpèce d'infidélité déroba<br />
quinze-mille hommes à la barbarie <strong>du</strong> vainqueur; &<br />
Fou peut juger <strong>par</strong> un feuî article combien il y eut<br />
de fang répan<strong>du</strong>, c'eft qu'il y eut fîx-mille foldats maffacrés<br />
fur les rem<strong>par</strong>ts de la ville. La colère <strong>du</strong> rot<br />
offrît à la fin un fpeétacle affligeant pour les vainqueurs<br />
mêmes : deux-mille hommes s que la rage épuifée avoit<br />
é<strong>par</strong>gnés , furent attachés en croix fur une grande<br />
éten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> rivage. 11 lit grâce aux ambafladeurs de<br />
'Carthage ; mais en leur déclarant la guerre, qu'il no<br />
différoiî que <strong>par</strong> la néceffîté des affaires préfentes.<br />
19. Ce fut après un fiège de fept mois que fut prife<br />
la ville de Tyr, ville devenue célèbre chez la poftérité f<br />
tant <strong>par</strong> l'ancienneté de fon origine que <strong>par</strong> les viciffi*<br />
tudes fréquentes de fa fortune. Fondée <strong>par</strong> Agénor t<br />
elle mit & tint long temps fous fa domination, non<br />
feulement la mer voifine f mais encore toutes celles<br />
©ù fes flottes pénétrèrent : &s s'il faut en croire la<br />
renommée, ce peuple eft le premier qui a inventé les<br />
lettres de l'alphabet ou qui en a étudié I'ufage. Ses colonies<br />
font répan<strong>du</strong>es prefque <strong>par</strong> tout l'univers ; Carthage<br />
en Afrique, Thèbes dans la Béocie, Cadis fur<br />
les côtes de l'Océan : c'eft qu'étant en liberté fur la<br />
mer, & abordant aflez fouvent en âes pays inconnus<br />
aux autres nations, ils ont, je croisf choifi à leur gré<br />
des établtflements pour leur Jeuneffe, dont ils étoient<br />
alors furchargés; ou que tourmentés <strong>par</strong> dt fréquents<br />
tremblements de terre f comme on lé dit auffi s les habitants<br />
de cette île étoient contraints de fe procurer<br />
ailleurs, <strong>par</strong> la voie des armes, de nouvelles demeures.<br />
Ainfi, après plufîeurs révolutions qui l'ont fucceflîveroent<br />
fuinée & rétablie , cette ville , à la faveur d'une longue<br />
paixs fi propre à remettre tout en vigueur, jouït<br />
• enfin d'un profond repos fous la protection paifible<br />
des romains.<br />
V* A peu près vers ce même temps Alexandre<br />
reçut une lettre de Darius, qui enfin le traitoit en<br />
toi Ce prince demandent qu'Alexandre épouCat fa Elle »
il6 LIBER IF. CAP. K<br />
fibi adjungeret : dotem fore ommm regionem Enter<br />
HeUefpontum & Hdyn ammm fitam ; indc Orienr<br />
êem fpeBantibus terris contemum fe fore. Si forte<br />
<strong>du</strong>bitaret qmod offerretur accipere , mmquam dm<br />
eodem veftigio ftare fortunam, femperque homines,<br />
quantamcumque filicitatem habeant, invidiam tamen<br />
fentire majorem. Ver tri ne fe , avium modo,<br />
quas namralis levitas ageret ad fidera 9 imani ac<br />
pueriii mentis affeBu effirret. NihU difficilius efft%<br />
quam in Ma mtate tantam eapere fortunam» Mul>*<br />
tas fe adhuc reliquias habere, nec femper in an*<br />
gufliis pqffe deprehendi : tranfeun<strong>du</strong>m effe AUxandro<br />
Euphraten , Tigrinque , & Araxen , 5*.<br />
Hydafpen , magna munimenta regni fui ; venkn<strong>du</strong>m<br />
in campos, ubi paucitate fuorum erubefcen*<br />
<strong>du</strong>m fit, Mediam 9 Hyrcaniam, BaBra, & indos<br />
Oceani accolas quando aditurum , vel fogdianos<br />
& arackofios , nonùne tantum notas * ceterafqm<br />
gentes ad Çaucafum & Tdnaïm pertinentes ? fi*<br />
nefcen<strong>du</strong>m fore tantum terrarum, vel fine prœlm È<br />
obêuntL Se vero ad ipfum wocare defineret, nam*<br />
que Mius exido effè venturum. Akxander us ïïlh<br />
qui iiteras attukrant refpondit : Darium fibi die*<br />
na promittere , quod totum amiferit velle <strong>par</strong>tiri;<br />
doti fibi dari Lydiam , loniam, JEolidem , HeU<br />
lefponti oram, viBorim fum pramla : teges autem<br />
à viBoribus dici , accipi à viBis. In utro fiatu<br />
ambo effent fifoius ignorant % quamprimum. Marte<br />
décernent. Se quoque, quum tranfiffet mare k non<br />
Çiliciam aut Lydiam ( quippe tanti helli exigmm
LIVRE IKCHAP.V. t 117<br />
tiommée Statira : qu'il prit pour dot tout le pays cemptte<br />
entre PHellefpont & le fleuve Haîys j & que lui, il fe<br />
renfermeroit en deçà dans les terres qui regardent i'O*<br />
rient. Que, s'il fefoit quelque difficulté d'accepter cesoffres,<br />
Il pensât que la fortune n'eft pas toujours la<br />
même, & que, plus les hommes font heureuxf plus ils<br />
font expofés à l'envie. Qu'il étoit à craindre que, fem*<br />
blable aux oifeaux, que leur légèreté naturelle porte<br />
vers les cieux, il ne prit l'eflbr <strong>par</strong> une vaine & puérile<br />
effervefeence de l'âme. Qu'il n'y avoit rien de<br />
plus difficile, que de foutenir à fon âge une fi grande<br />
fortune. Que pour lui,.il avoit encore de grands relies<br />
de la fienne, & qu'il n'étoit pas toujours poflible de le<br />
prendre dans des défilés : qu'Alexandre avoit à paffer<br />
l'Eupbrate, le Tigre, l'Araxe, & l'Hydafpe, qui étoient<br />
4e grandes défenfes pour fon Empire ; qu'il falloit Yenir<br />
dans des plaines, ou il auroit honte de la petite Se<br />
de fon armée. Dans quel temps eiitrerolt-Ii dans la<br />
Médie t dans PHyrcanie s dans la Baftriane, chez les<br />
indiens qui habitent les rives de l'Océan, ou chez les<br />
fogdiens , les arachofiens % peuples dont on ne connolt<br />
que les noms f & les autres nations qui s'étendent juf*<br />
qu'au Caucafe & au Tanaïs ? qu'il vieilliroit à <strong>par</strong>courir<br />
feulement tant de pays f même fans coup férir. Qu'au<br />
relie il cefsât de le défier, <strong>par</strong>ce qu'il n'arriveroit auprès<br />
de lui que pour fon malheur. Alexandre répondit<br />
à ceux-mêmes qui avoient apporté la lettre : que Darius<br />
lui promettoit ce qui n'étoit pas à lui 9 & qu'il<br />
¥oul©it <strong>par</strong>tager ce qu'il avoit per<strong>du</strong> en entier ; qu'il lui<br />
donnoit en dot la Lydie f i'îonie t l'Éolide s & la côte<br />
de l'Hellefpont, qu'il poffédoit déjà comme prix de fa<br />
viôoire : mais que c'étoit aux vainqueurs à faire la loi,<br />
& aux vaincus à s'y foumettre. Que, fi Darius étoit le<br />
feul qui ignorât quelle étoit la condition de l'un & de<br />
f autre, il s'en éclaircît inceffamment <strong>par</strong> une bataille.<br />
Qae pour lui, quand il avoit paffé la mer, il _ s'étoît<br />
propofé d'ajouter à -fon Empire, non feulement la Ci-<br />
Ikie ou la Lydie 9 trop fotble dédommagement des frais
*i8 LïB-ER IF. CAP. F.<br />
hanc effe mercêdem ) ; fed Perfepolim capui regrd<br />
ejus , BaBra de'mde , & Ecbatana , ukimique<br />
Orientis oram Imperio fuo deâinajfe. Quocumque<br />
Ule fugere potuiffet , ipfum fequi poffè ; defineret<br />
terrere fiuminibus $ quum fciret maria tranfijfe.<br />
Meges quidem invicem hacfcripferont*<br />
ai. Sed rhodii urbem fuam portufque dedebant<br />
Alexandre. Ule Ciliciam Socraû tradiderat, Phb*<br />
iota regioni circa Tyrum juffb pmfidere ; Syriam<br />
qum Caele appellatur Andromacho Parmenio ira"<br />
diderat , bello quod fupererat interfuturus. Rex,<br />
Hephmflione Phanicis oram claffe pmtervehi<br />
juffb , ad urbem Ga^an cum omnibus copiis vemL<br />
lifdem feri diebus folemne erat ludicrum ifthmiôrum<br />
y quod conventu tonus Gracia celebratur. h<br />
to concilio , ut funt gracorum temporaria ingénia<br />
, decemunt, ut <strong>du</strong>odecim kgarentur ad regem,<br />
qui, ob res pro falute Gracia ac iièertate gefas,<br />
coronam auream donum vUbriœ ferrent* l'idem<br />
paulo ante incerta famm captaverant auram , ut,<br />
quocumque pendentes animos tuliffet Fortuna, fequt*<br />
rentur. Ceterum, non ipfe modo rex obibat urbts<br />
mperii jugum adhuc recufantes ; fed pmtom<br />
quoque ipfius , egregii <strong>du</strong>ces 9 pkraqme invafe»<br />
rant. Colas , PapUagoniam ; Antigonus , Lycao*<br />
niam ; Balacrus , Idarne, pmtore Darii, fupe»<br />
rato, Miktum cepit : Amphoterus & Hegelochus,<br />
centum fexaginta navium claffe , infmas inter<br />
Ackaïam atque Afiam in didonem Alexandri<br />
redegerunt. Tenedo quoque recepta , Ckium , incolis<br />
ultra vocantibus , ftatueront occu<strong>par</strong>e ; fed<br />
JPharnabaçus 9 Darii pmtor , comprehenfis qui<br />
•res ad ma&doaas irahtbant * rurfus ApolloniS
LIVRE IF. CMAP. V. 119'<br />
tTune û grande guerre; mais encore Perfépolis la capï-<br />
• taie des États de Darius , la Bafirlane, Ecbatane , & les<br />
extrémités les plus reculées de l'Orient. Que <strong>par</strong> tout<br />
où Darius pourroit fuir, lui, Alexandre, pouvoit le Cuivre<br />
; & qu'il ceflat de vouloir l'épouvanter avec des<br />
rivières, fâchant qu'il avoit traverfé des mers* Voilà<br />
ce que s'écrivirent les deux rois.<br />
21. Cependant les rhodiens remettoient leur ville &<br />
leurs ports au pouvoir d'Alexandre. Ce prince avoit<br />
donné à Socrate le gouvernement de la Cilicie , & à<br />
•Philetas celui <strong>du</strong> pays qui eft aux environs de Tyr;<br />
Parménion, pour prendre <strong>par</strong>t à la guerre qui reftoit<br />
à faire, avoit remis à Andromaque la Syrie qu'on appelle<br />
Celé, Le rois après avoir ordonné à Hépheftion<br />
de con<strong>du</strong>ire la flotte au delà des côtes de la Phénicie t<br />
vint à la ville de Gaza avec toutes fes forces. C'étoit<br />
à peu près le temps de la célébration des jeux ifthmi*<br />
ques, où toute la Grèce fe raflemble. Les grecs, dont<br />
Ses efprits changent au -gré des circonstances, arrêtèrent<br />
dans cette affemblée, qu'on enverroit au roi douze<br />
ambafladeurs $ qui, en reconnoiffance des belles aâioes<br />
de ce prince pour le falut & la liberté de la Grèce, lui porteroient<br />
une couronne d'or pour honorer fa victoire. Ces<br />
mêmes grecs un peu au<strong>par</strong>avant prêtoient l'oreille à<br />
tous les bruits de la renommée f dans la vue de fixer Fincertitude<br />
de leurs affeftions <strong>du</strong> côté que tourneroit la<br />
Fortune. Au reftè, ce n'étoit pas le roi feul qui forçoit<br />
les villes qui refufoient de lui obéirj fes lieutenants,<br />
excellents capitaines, avolent eu auffi des fuccès prefque<br />
<strong>par</strong> tout. Calas fournit la Paphlagonie ; Àntigone 9<br />
la Lycaonie; & Balacref la villede Mil et, après avoir<br />
défait Marne, fatrape de Darius : Amphotère & Hégé-<br />
Soque, avec une flotte de cent foixante voiles, mirent<br />
• au pouvoir d'Alexandre toutes les Iles qui font entre<br />
l'Achaïe & l'Afie. Après s'être em<strong>par</strong>é de Ténédos f<br />
ils avoient aufli deffein, fur l'invitation des habitants,<br />
d'emporter Chio ; mais Pharnabaze , lieutenant de Darius<br />
f ayant arrêté ceux qui favorifoient les macédoniens,
;ïIO 'LIBER 1K CAP. K<br />
-€* Atkanagom , fuarum <strong>par</strong>tium viris , urhem<br />
•tum modico pmfedio militum tradit: prafiBi AUxandri<br />
in obfidione urbis perfevtrabant, non tam<br />
fuis viribus quant ipforum qui obfidebantur Vôluntate<br />
; nec fefellit opinio 9 namque inter Apolfonidem<br />
& <strong>du</strong>ces militum orta feditio ïrrumpendi<br />
in urbem occafionem dédit : quumquê porta ejfraââ<br />
•€ohors macedonum intraffet^ oppidani, olim confUio<br />
proditionis agitato » aggregam fe Amphotero<br />
& Hegthcho, perfarumqut prafdio cmfo 9 Pharnaba^us<br />
cum Apolhnide & Athanagorâ vinM<br />
tra<strong>du</strong>ntur ; <strong>du</strong>odecim trirèmes cum fuo milite ac .<br />
rémige prater tas triginta inanes, & piratici<br />
iembi , grœcorumque tria mlMLz a perfis mercede<br />
con<strong>du</strong>Ba. His in fupplementum copiarum fuarum<br />
diftributis , piratifque fupplmo affeBis, captivos<br />
.rémiges adjecêre cUjffijiia.<br />
22. Forte Ariftomcus , methymnmrum tyrannus<br />
, cum piraticis nav'éus , ignarus omnium qua<br />
ad Chium aBa erant , prima vigilid ad portas<br />
tlauftra fuccejjit ; mterrogatufque à cuftodibus<br />
quis effet, Ariftomcum ad Pharnaba^um ventre<br />
refpondit : ilii Pharnabaqm qmdem jam qukf<br />
cere , & non poffe tum adiri ; ceterum patere<br />
focio atqut hofpiti portum, & poftero die Pkar*<br />
naba^i copiam fore affirmant. Nec <strong>du</strong>bitavit<br />
Ariftomcus primus • intrare ; fequuti funt <strong>du</strong>cem<br />
piratici Umbu Ac <strong>du</strong>m applicant navigia crepidmi<br />
portas , objicitur a vigdibus chuftrum , G* qui<br />
proximi excubabant ab iifdem excitantur; nulloque<br />
ex kis aujb repugnare , omnibus catena injeBa<br />
funt, Amphotero deinde Hegelocàoque tra<strong>du</strong>ntur.<br />
rendit
LIVRE IV. CHAP. F. m<br />
readit le gouvernement de la ville, avec une foiblt<br />
garni'fon, à Apolionides &à Athanagoras, qui tenoient<br />
fon <strong>par</strong>ti : les lieutenants d'Alexandre ne laiffèrent pas<br />
de continuer le fiège f comptant moins fur leurs propres<br />
forces que fur la bonne volonté des afliégés ; &<br />
l'opinion qu'ils en avoient ne fut point trompeufe, car<br />
une émeute qui s'éleva entre Apolionides & les chefs<br />
des foldats 'leur fournit l'occafion de fe jeter dans la<br />
ville : lorfqu'un gros de macédoniens y eut pénétré <strong>par</strong><br />
une porte qui fut forcée f les habitants, fidèles à kur<br />
ancien projet de défeftion, fe joignent à Amphotère<br />
& à Hégéloque , égorgent la garnifon perfe , & livrent<br />
pieds & mains Kées Pharnabaze , Apolionides, & Athanagoras<br />
î ils livrent auffi douze galères à trois rangs<br />
avec , les foldats qui les <strong>mont</strong>oient & leurs -rameurs i<br />
outre trente autres fans équipages,' des brigantins, &<br />
trois-mille grecs qui étoient à la folde des perfes. On<br />
' les ré<strong>par</strong>tit dans les troupes de leur nation pour les<br />
recruter, on exécuta les pirates, & l'on employa fur<br />
la flotte d'Alexandre les rameurs qu'on avoit fait prifonniers.<br />
22. 11 arriva qu'Ariftonique f tyran de Métymne, ne<br />
fâchant rien de ce qui s'étoit paffé à Ghio, fe préfenta<br />
à la première veille de la nuit aux barrières <strong>du</strong> port,<br />
avec *des vauTeaux armés en courfei fur le Qui-vive<br />
des gardes, il répondit qu'il étoit Ariftonique & qu'ilvenoit<br />
voir Pharnabaze : les gardes répliquèrent que<br />
Pharnabaze repofoit déjà, & que dans le moment on ne<br />
pouvoit le voir; qu'au furplus le port étoit libre pour<br />
un allié & un ami, & que le lendemain il verroit Pharnabaze<br />
à fon atfe. Là-deflus Ariftonique ne fait point<br />
difficulté d'entrer le premier ; & le chef eft fuivi <strong>par</strong><br />
fes corfaires. Tandis qu'ils • attachent leurs vaifleaux<br />
au quai <strong>du</strong> port, les gardes ferment la barrière, &<br />
éveillent leurs camarades les plus voifins; les nouveaux<br />
venus font chargés de chaînes, fans qu'aucun ôfe fe.<br />
mettre en défenfe, & on les remet enfuite au pouvoir.<br />
«FAmphotère & d'Hégéloque. De là les macédoniens<br />
Tome L ' F
121 LIBER IV. CAP. VI<br />
Bine macedoms tranfiere Miiyknen, quant €ha~<br />
tes athenienfîs 9 nuper occupatam , <strong>du</strong>orum milïium<br />
perjarum pmfidio tentbat : fed quum obfidiomm<br />
'tolérait non poffet ; urbe tradkâ poilus<br />
utincolumï abirt licerct* Imbrum petit. Dé<strong>du</strong>is<br />
macedoms pepercerunL<br />
'/VL Darius, defperatâ pact, quant per Utte-<br />
•ras legatofque impur an poffe crediderat » ad repa-<br />
-randas vires bellumque mpigrè renovan<strong>du</strong>m entendit<br />
animum, Duces ergo copiarum Baèyloniam<br />
convenir* ; Beffum quoque » baBrianorum pmtorem<br />
9 quam maximo pojfet exercitu coaBo9 defeendere<br />
ad fe jubet. Sum autem baBriani inier iiias<br />
gentes momptiffimi ; horridis ingeniis, mulmmque<br />
à perjarum iuxu abhorrtntêus ; fiti haud pro~<br />
mll fcytharûmbeUkofiffimâ gente , & rapto vivere<br />
ajfueti, femperque in amis errant. Sed Beffus,<br />
fufpeBâ perfidie 4 9 haud fane aquo anima m fer<br />
cundo fe continens gra<strong>du</strong>, regem terrebat : nom<br />
quum regnum affeBartt ; proditio 9 quâ folâ id<br />
affequi poterat, timebatur* Ceterum Alexander,<br />
quam regumem Darius peùfftt omni cura veflhgans,'tamtn<br />
exphrart non poterat, more quodam<br />
ptrfarum 9 areana regum mira celantium fide ;<br />
non me tus 9 non fpes elicit vocem quâ prodaMw<br />
occulta. Vêtus' difeiplina regum filentium vit*<br />
periculo fanxerat : Imgua graviùs caftigatur quam<br />
-ullum probrum , nec magnam rem fujiineri poffe<br />
cre<strong>du</strong>nt ab eo mi tacere grave fit 9 quod hommi<br />
faciïïimum voluerit éfft nature Ob hanc caufam<br />
Alexander omnium qum apud hoftem gererentur<br />
imarus^urbtm Gaian obfidcbat* Praerat ti Betis\
LIVRE IF. CMJP. FL 113<br />
faffèrent à Mitylène, que Charès d'Athènes avoit prif«<br />
depuis peu f & qu'il, défendoit avec une garnifon -de<br />
deux-mille perfes : mais comme il n'étoit pas en état<br />
de foutenir un liège j ayant ren<strong>du</strong> la ville ' à condition<br />
d'en fortir la vie fauve , il fe retira à Imbre. Les macédoniens<br />
firent grâce aux habitants après la reddition.<br />
VL Darius, n'efpérant plus îa paix qu'il avoit cm<br />
pouvoir obtenir <strong>par</strong> fes lettres & <strong>par</strong> fes ambaffadeers,<br />
îbngea férieufement à rétablir fes forces & à recommencer<br />
la guerre avec vigueur. Il donne donc ordr«<br />
aux chefs de fes troupes de fe rendre à Babylone ; &<br />
â Beffus , qui eommandoit les baélriens, de lever la<br />
plus grande armée qu'il lui feroiî poffible & de venir<br />
le joindre. Or entre toutes ces nations, les ba&riens<br />
font les plus difpos; leurs efprits fans culture font<br />
tien éloignés de la magnificence des perfes; voilins des<br />
fcythes,peuple très-belliqueux, ils font accoutumés à<br />
ne vivre que de brigandage, & ils font toujours armés<br />
& toujours errants. Mais Beffus, fufpeft de perfidie<br />
, & qui avoit peine à fe contenter <strong>du</strong> fécond rang f<br />
donnoit de l'inquiétude au roi : en effet comme il afpiroit<br />
à la royauté s on craignoit de fa <strong>par</strong>t une trahifon,<br />
ii4 LIBER IV. CAP. VI.<br />
€ximm in regem fimm fidei ; modicoque prœfidm<br />
muros ingentis operis tuebatun<br />
24. Akxander , afilmato locorum fini , agi<br />
cunicuhs juffit , facili ac kvi humo acceptante<br />
occutttm opus : quippe multam arenam vicinum<br />
mare evomit ; nec faxa cotefqut 9 quœ. interpellent<br />
fpecus, obfiabanu Igitur ab eà <strong>par</strong>te ' quam<br />
oppidam confpicere non pojfent opus or fus , ut a<br />
Jenfiu ejus averteret, turres mûris admoveri jubeL<br />
Sed eadem humus , admovendis inutilis turribus3<br />
defidente fabulo agilitatem rotarum morabatur &<br />
tabulata turrium perfringebat ; multique vuherahantur<br />
impuni, quum idem recipiendis qui admo~<br />
vendis turribus iabor eos fatigant. Ergo receptm<br />
figno dato , pofiero die muros corona circumdari<br />
juffit. Ortoque foie, prias quam admoveret exercitum<br />
opem deûm expofcens , facrum patrio more<br />
faciebat : forte pmtervolans corvus glebam quam<br />
unguibus ferebat fubito amifit, qust 9 quum régis<br />
capiti incidiffet , refoluta defiuxit ; ipfa autem<br />
avis in proximâ turrt confiait : Mita erat turris<br />
bitumine ac fulphure ; in quâ alis hmrentibus ,<br />
fruflra fi allevare conatus, à circumftamibus capitur.<br />
Digna res vif a de quâ vates confulerentur ;<br />
& erat non intaBus eâ fuperfiithne mentis. Ergo<br />
Ariflander 3 cui maxima fides habebatur, urbis •<br />
quidem excidium augurio illo portendi ; ceterum<br />
periculum effe , inquit, ne rex vuhus acciperet :<br />
itaque monuit, ne quid eo die inciperet. lUe ,<br />
quanquam unam urbemfibi quominus ficurus JEgypmm<br />
intraret obfiare agrè ferebat , tamen <strong>par</strong>mi<br />
va$i fignumque receptui dédit*
LIVRE IF. CHAP. VI. itç<br />
Il défendoit cette place dont les fortifications étoient<br />
immenfes.<br />
24. Alexandre, après avoir reconnu la fituation <strong>du</strong> local,<br />
fit creufer.des galeries fouterraines, la mobilité<br />
& la légèreté <strong>du</strong> fol fe prêtant à ce travail caché; <strong>par</strong>ce<br />
que la mer voifine y jette beaucoup de fable, & qu'if<br />
n'y avoit ni pierres ni roches qui puflent faire obftacîe<br />
à la direction de la mine. Ayant donc commencé l'ouvrage<br />
<strong>du</strong> côté que les habitants ne pouvoient découvrir,<br />
il- fit approcher les tours des murailles, afin d'en détourner<br />
entièrement leur attention. Mais ce même<br />
terrain, peu favorable au tranfport des tours, retar»<br />
doit <strong>par</strong> les ébouiements <strong>du</strong> fable le mouvement des<br />
roues & fefoit brifer les planchers des tours ; placeurs<br />
foldats y furent néceffairement bleifés , <strong>par</strong>ce<br />
qu'ils avoient autant de peine à dégager les machines<br />
qu'à les faire avancer. 11 fit donc fonner la retraite, &<br />
ordonna pour le lendemain Pinveftiflement de îa place.<br />
Après le lever <strong>du</strong> foleil,'voulant implorer le fëcours<br />
cks dieux avant de faire avancer fes troupes, il fefoit<br />
un facrïfice félon le rit de fbn pays : un corbeau, qui<br />
<strong>par</strong> hasard paffoit <strong>par</strong> là en volant, laifla échapper de<br />
fes griffes une mote de terre, quittant tombée fur la<br />
tête <strong>du</strong> roi ^ fe ré<strong>du</strong>ifît en poudre ; & l'oifeau alla fe<br />
percher fur une tour voifine : cette tour étoit en<strong>du</strong>ite<br />
de bitume & de fouffre ; de manière que les ailes <strong>du</strong><br />
corbeau s'y étant attachées s il fit de vains efforts pour<br />
fe débaraffer, & fut pris <strong>par</strong> ceux qui fe trouvèrent à<br />
portée. La chofe fut jugée digne d'être foumife à la<br />
confultatioii des devins ; & le prince n'étoit pas tout à<br />
fait exempt de cette foibleffe d'efprit. Ainfi, Ariftandre,<br />
en qui l'on avoit le plus de confiance, répondit qu'à<br />
la vérité cet augure préfageoit la ruine de la ville, &<br />
qu'au furplus le roi couroit rifque d'être Weffé ; e'eftpourquoi<br />
il lui confeilla de ne rien» commencer ce jourlà.<br />
De'foh côté, quoiqu'il vit avec impatience qu'une<br />
feule ville l'empêchât d'entrer fans inquiétude en Egypte<br />
f il ne laifta pas d*en croire le devin & il donna le<br />
lignai de la retraite, F iij
n6 LIBER IF. CAP. VI.'<br />
25. Mine animas crevit obfeffis ; egreffzqne<br />
porta readentibus inferunt, figna » cunblationem<br />
koflium fore fuam occafionem ratu Sei acriks<br />
quant conftanùhs pmlium inierunt ; quippe, ut<br />
macedonum figna circumagi videre , repente fifiunt<br />
gra<strong>du</strong>m. Jamque ad regem prœlmntmm ctamor<br />
pervenerat ; qumm9 demmeiati pericuB haud fané<br />
memor 9 hrkam tamen , quam raro mdmbai<br />
mmkk pran^bus , fumfit, & ad prima figna per*<br />
vent* Quo eonfpeSo9 arahs quidam , Darii mues3<br />
majus fommâ fuâ facimis au fus, clypeo gladium<br />
iegens, quafi transfuga genibus régis advolvkur*<br />
Mie affurgere fuppticem- recipique inter fuos jujfit:<br />
at glaOo9 barbarus, firenuè in dtxtram tranflam 9<br />
ctrvicem appétit régis , qui,. exigud corporis declinauone<br />
evitato itTu 9 in vanum manum barbon<br />
lapfam amputât gladw, denunçmto m ilhm diem<br />
perkulo , ut arbitrabamr ipfe 9 defimBms. Sed$<br />
ut opiner 9 inevkabUe efi fatum* Quippe ém inter<br />
primores prompûùs dmicat , fagittâ îBMS efi ?<br />
quam $ per hrkam aiaÉam , fiantem m humem<br />
medicus ejus PhUippus evellk : phrimus demie<br />
fanguis manare cœpk 9 omnibus terriûs 9 quia<br />
nunquam tam alù penetraffe telum lorica obftante<br />
cognoverant* Ipfe % nec oris qu'idem colore mutato 9<br />
fupprimi fangmmm & vuhus obligaû jujfit. Dm<br />
ante ipfa figna, vel MJfimtdato vel viBo dohre 9<br />
perfiiterat , quam fuppreffus paub ante fanges<br />
medicamento , manare loties cœpk; & vmhms 9 quoi<br />
recens adhuc dohrem non moverat 9 frigente fanguine<br />
intumuk* Linqui dekde animo9 & fubmitû<br />
genu cœpk ; quem proximi exceptum in cafim
LIVRE IF. CHAP VL 127<br />
2f• Cela redoubla le courage des allégés; ils font<br />
une fortie f & enfeignes déployées ils attaquent l'ennemi<br />
dans fa retraite, perfuadés que ce délai fer oit pour eus<br />
une ©ccafion favorable. Mais ils s'engagèrent avec plus de<br />
vigueur que de confiance ; cars dès qu'ils virent lèsmacédoniens<br />
faire volte face, ils s'arrêtèrent tout à coup»<br />
Et déjà les cris des combattants étoient <strong>par</strong>venus jufqu'au<br />
roi ; lorfqu'oubliant fans doute le péril dont en l'avoit<br />
menacé, il prit toutefois fa cuiraffe , dont iî fe couvroit<br />
rarement & feulement à la prière de fes courtifans-,. &<br />
alla fe mettre à la tête de fes enfeignes. A fa vue, ua<br />
arabe, foldat de Darius , formant un projet d'une audace<br />
au deffusde fon état, cache un coutelas fous fonbouclier,<br />
& vient comme déferteur fe jeter aux genoux <strong>du</strong> roi.<br />
I*e prince fait lever le fupplîant, & ordonne qu'on le reçoive<br />
dans fes troupes: mais le barbare, faifiuant habilement<br />
le coutelas de la main droite, en décharge un<br />
coup fur la tête <strong>du</strong> roi, qui l'évite en détournant un<br />
peu le corps » & coupe de foa cimeterre la main qui<br />
avoit porté à faux; ce qui-lui fit croire qu'il étoit quitte<br />
<strong>du</strong> danger qu'on lui avoit prédit pour ce jour-là. Mais<br />
• os ne peut t je crois » éviter fa deftiaée. En effet Alexandre<br />
combattant aux premiers rangs avec trop d'ardeur,<br />
il fut atteint d'une flèche s qui perça fa cuiraffe,<br />
lui entra dans l'épaule, & y demeura enfoncée jufqu'à<br />
ce que fon médecin Philippe l'en tirât ; le fang en fortit<br />
alors en abondance 6c effraya tout le monde, <strong>par</strong>ce<br />
que perfonne n'avoit connoiffance qu'un trait fût jamais<br />
entré fi avant à travers" la cuiraffe. Le roi, fans changer<br />
même de couleur, lit étancher le fang & bander la<br />
plaie. Ayant enfuite ©udiffîmulé ou fur<strong>mont</strong>é la douleurt<br />
il étoit déjà refté long temps à la tète de fes troupes s<br />
lorfque îe fang, arrêté d'abord <strong>par</strong> le premier ap<strong>par</strong>eil,<br />
commença à couler plus abondamment ; & la plaie f<br />
qui dans les "premiers moments n'avoit caufé aucune<br />
douleur t enfla à mefure que le fang fe refroidit. Enfuite<br />
il lui prit une foibleffe, iî tomba fur fes genoux ;<br />
& ceux qui étoient près de lui le prirent 6c le repor-<br />
F iv
n8 LIBER IF. CAP. VI.<br />
receperunt. Et Bttïs, interfe&um ratus, urlerm<br />
ovans viËoriâ repetit*<br />
26. At Alexander ,- non<strong>du</strong>m percurato vuînere 9<br />
aggerem quo mœnium alûtudïnem mquaret êxJlrMxit<br />
» & pluribus cuniculis muros fubrui jujpt*<br />
Oppidani ad priflinum fafligmm mœnium novum<br />
exfiruxêre munïmentum ; fed ne id quidem turres<br />
aggeri impojîtas, œquare poterat : itaque interioraquoque<br />
urbis infefta telis erant. Ûltima pefiis<br />
urbis fuit cuniculo fubrutus murus , per cujus<br />
ruinas hoftis intravit. Ducebat ipfe rex ante~<br />
Jignanos ; & <strong>du</strong>m incautiùs fubit, faxo crus ejus<br />
affligitur : innixus tamen telo , non<strong>du</strong>m prioris<br />
vulneris ôb<strong>du</strong>Bâ cicatrice , inter primores dimicat<br />
; ira quoque accenfus, quod <strong>du</strong>o in obfidione<br />
urbis ejus acceperat vulnera. Betim , egregia<br />
. édita pugnâ , multifque vulneribus confe&um . 9<br />
deferuerant fui ; nec tamen fegmùs pmlium capejfebat<br />
, lubricis armis fuo <strong>par</strong>iter atque- hof»<br />
tium fangu'me* Sed quum undique [ unus omnium,<br />
telis peteretur , ad poflremum exhauflis viribus,<br />
vivus in poteflatem tojlium pervenit : quo ad regem<br />
* ] ad<strong>du</strong>ëo , infolenti gaudio juvenis elatus s<br />
alias virtutis etiam in hojie mirator , Non ut vo—<br />
. loiftl , inquit , morieris , Beti ; fed qmdquicl<br />
tormentorum in captivum inyeniri poteft, pa£furam<br />
effe te cogita, llk , non interrito modo ,<br />
fed contumaci quoque vultu intuens regem , nullam<br />
ad minas ejus reddit vocem. Tum Alexander 9<br />
Videtifne ©bftmatum ad tacen<strong>du</strong>m ? inquit.<br />
Num genu pofiiit ? num fopplicem vocem mifit ?<br />
Vincam tamen filentium; & , fi nihil aliud<br />
* Ce qui eft ici entre deux crochets, eft fuppléé<br />
<strong>par</strong> Freinshemîus > & avec bien de îa vraisemblance*
LIVRE IV. CNAP* VU 129<br />
tètent au camp.. Alors Bétis, ie croyant mort f rentra<br />
daas la ville enchanté de fa vicloire.<br />
26. Mais Alexandre, fans attendre la guérifon entière<br />
de fa bleffure, fit élever une terraffe au niveau<br />
its rem<strong>par</strong>ts, & pratiquer plufîews mines fous les<br />
murailles pour les renverfer. Les habitants élevèrent<br />
et nouvelles fortifications fur le'haut des ancien* remfarts<br />
; mais ils ne purent <strong>par</strong> là même les mettre au<br />
niveau des tours qui avôient été placées fur la terraffe :<br />
& le cœur même de la ville refta toujours en butte aux<br />
traits des afliégeants. Ce qui mit le comble à fon malheur<br />
fut la chute d'une muraille minée f qui donna entrée<br />
à l'ennemi <strong>par</strong> la brèche. Le roi étoit lui-même<br />
i ia tète des plus avancés ; & comme il fe préfentoit<br />
a?ec trop peu de précaution, il reçut un coup de pierre<br />
à la jambe : iî ne laiffa pas , en s'àppuyant fur fon javelot,<br />
quoique fa première plaie ne fût pas encore<br />
fermée, de comlMttre au premier rang; piqué d'ailleurs<br />
tfatûlî reçu deux.bJeflures au fiège de cette place,<br />
Bétis, après avoir combattu d'une manière diftinguée ,<br />
& avoir reçu plufieurs ^coups, avoit été abandonné des<br />
fiens ; mais il ne fe battit pas pour cela moins<br />
vaillamment ,. ayant fes.armes teintes tout à la fois.de<br />
fon propre fa.ng' &. de celui'des ennemis. Mais comme<br />
tous les'traits Te réunifibient fur lui de toutes <strong>par</strong>ts,<br />
il s'épuîfa enfin & tomba vif au pouvoir des macédo*<br />
rotas : qûatiA-oAl'eut amené au loi, ce jeune prince, qui<br />
autrefois admiroit la valeur jufques dans-.un ennemi t<br />
tfanfporfjé alors d'une joie extraordinaire s Tu ne m&urras<br />
pas , Bit is » lui dit-il s comme tu le défirois ; mais<br />
attends-toi àfouffrir tout ce qu 7 on peut inventer de tourments<br />
contre un ennemi dont on efi maître» Celui-ci re- .<br />
gardant le roi,.non feulement fans effroi, mais même<br />
avec fierté, ne daigna pas répondre à fes menaces.<br />
Voye^-vùus j dit alors Alexandre, comme il s'obftirie à Je<br />
taite? A-t+W fléchi le genou? lui efi-il échappé un mot<br />
it foumjj/ion ? Mais je lui ferai bien rompre lé fifence ;<br />
^ fi je m*€U tire autre chofe, je lui arracherai <strong>du</strong> moins<br />
F Y
I'JO LïBMR IV. CAP. FIL<br />
certè gemîtu 'interpellabo.. Ira demdi..vertît ïm<br />
rabiem-, jam tum peregrînos ritus nova fuheunte<br />
fortunâ. Ptr tafas enlm' fpiramis lora trajeiLz<br />
funt , religatumque ad currum traxtre ciraz<br />
urbem equï ; g fartante- rege, Ach'dkm,^ quo ge~<br />
nus ipfe de<strong>du</strong>ctret, imitatum fe effe pana in hof-.<br />
tem capientUL Ctàdere perfamm arabumqme circM^<br />
décent milita ; nec macedonibus incntenta vi&orim -<br />
fuit. Obfidio certè non tam claritate urbis nobilîtata<br />
efl , quam geminato perkulo régis, qui 9<br />
Mgyptum adiré feftinans , •Amyntam cum decem<br />
triremibus in Macedoniam , ad inquifitionem no~<br />
vorum militum , mifit : namque praliis etiam fer-1<br />
cundis atterebantur copia ; devi&arumque gem~<br />
t'utm militi minor quam domeftico fides Jtabebatur*<br />
VII. JEgyptii, olim perfamm opibus infenfi ,.<br />
quippe avare & fuperbè impéritatum'fibi tjft cndebant,<br />
ad fptm adventus ejus erexerant ammos ,<br />
utpote qui Amyntam quoque, transfugam & cum<br />
precario imperio vtnïentem , lad rectpijfftnL Igitur<br />
ingens multitudo Pelufium , qu£ intraturus<br />
rex videbatur 9 convenerat : atque ille ^ feptimo<br />
die pofiea quam à Ga^a-copias moverat, jtnregio-.<br />
mm Mgypti, quam mmc Q4ka -Alexandri va~x<br />
€ant9 pervemt ; deinât pedefiribus c&piis Pelufium<br />
petere juffis , ipfe cum expedka ' dekBQrmmi<br />
manu NUo amne ve&us cjt. -Nec fuftinutre adventum<br />
ejus perfa , defe&hne quoque pertehitL<br />
Jamque haud procul Memphi erat; in mjus prœfidio<br />
Maçaces /"fmtor Darîi, reliêlus , ociiis<br />
amnefuperato , 'ofiîngtnta talenta Alexandre omnemque<br />
rtgiam fupelleBUem tradidit. A Memphi ,<br />
'todem fiumine vtBus, ad intertora j$L,gypti pe^<br />
mirât ; compofitifque rébus ka u$ mhil ex patrio
LIVRE IV. CMAP. FIL ijr<br />
in gkmfftmtnts. Sa colère fe convertit alors ea rage,<br />
Ci nouvelle fortune lui ayant déjà fait prendre les ma*<br />
mères étrangères. Il fit donc paffer des courroies à traders<br />
les talons de Bétis encore vivant t qui, attaché à un<br />
•char, fut traîné ainfi <strong>par</strong> des chevaux autour de la ville ;<br />
le roi fe faifant gloire d'imiter, <strong>par</strong> cette vengeance f<br />
Achille, de qui il defcendoit. Il périt environ dix-mille<br />
perfes & arabes ; & la vi&oire coûta auffi <strong>du</strong> fang aux<br />
macédoniens. Ce liège au refte fut moins mémorable<br />
<strong>par</strong>la réputation de la place, que <strong>par</strong> les deux avantures<br />
périîieiîfes <strong>du</strong> r©i, qui, fe hâtant de pafler en<br />
Egypte, envoya Amyntas avec dix trirèmes en Macédoine<br />
f pour y faire de nouvelles levées : car fes victoires<br />
mêmes épuifoient fes forces; & il avoit moins de<br />
confiance aux foldats qu'il tîroit des nations vaincues<br />
qu'à ceux de fa propre nation.<br />
VIL Les égyptiens, ennemis depuis long temps dt<br />
la puiflance des perfes, <strong>par</strong>ce qu'ils n'avoient trouve<br />
dans leur gouvernement qu'avarice & orgueil, fur l'efpoirde<br />
fon arrivée avoient fenti renaître leur courage,<br />
eux qui avoient reçu avec tranfport Amyntas même t<br />
qui n'étoit qu'un transfuge & qui n'avoit qu'un commandement<br />
précaire. Il s'en étoit donc raffemblé un grand<br />
nombre à Pélufe, <strong>par</strong> où il fembîoit que le roi devolt<br />
entrer dans le pays : mais fept jours après fon dé<strong>par</strong>t<br />
de Gaza, il arriva dans cette contrée de l'Egypte, qu'on<br />
appelle aujourdhui h Camp d'Alexandre; de là il fit<br />
défiler fon infanterie vers Pélufe, & il s'embarqua lut<br />
le Nil avec une efeorte d'élite. Les perfes, épouvanté*<br />
d'ailleurs <strong>par</strong> la défeôion des égyptiens, ne tinrent pas à<br />
fon arrivée. Et déjà il étoit proche de Memphisi lorfque<br />
Maiacès, lieutenant de Darius, qui l'avoit hïffé dans<br />
cette place pour la défendre, traverfa promptement le'<br />
fleuve , & remit à Alexandre huit-cents talents & tout*ce<br />
qui ap<strong>par</strong>tenoit au roi. De Memphis, il pénétra <strong>par</strong>le<br />
même fleuve jufqu'au cœur de l'Egypte ; '& après'<br />
avoir réglé toutes chofes fans rien changer aux anciens.<br />
F vj
i3i -LIBER IF. CAP. FIL<br />
agyptiorum mon mutant, adiré Jovis Hamm&ms<br />
oraculum ftatuit.<br />
28. Iter expeditis quoque & pauch vix toléra*»<br />
Mie ingredien<strong>du</strong>m erat : terra cœloque aquarum<br />
penuria efl ; fleriks arenm jacent, quas ubi vapor<br />
félii accendit, fervido foîo exurente veftigia ,<br />
intolerabilis aflus exiflit ; luBan<strong>du</strong>mque efl , nom<br />
tantum cum ardore 6» ficcitate regionis , fed etiam<br />
€Ùm tenacijpmo fabulo, quod, pmaltum & vefligio<br />
cedens , agrè moliunturpedes. Hœc agyptii vers<br />
majora jaBabant. Sed ingens cupido ammumflimulabat<br />
adeundi Jovem , que m generis fui au&orem,<br />
haud contentus mortali faftigio, aut credebat effe<br />
aut credi volebat. Ergo, cum Us quos <strong>du</strong>cere fecum<br />
fiatuerat , feeundo amne defeendlt ad Mareotim<br />
paludem : eo hgatï cyrenenfium dona attulêre, paeem<br />
& ut adiret urbes fuas petentes ; Me, donis ac~<br />
eeptis amiciliâque conjunBd9 deflinata exfequi perfit»<br />
Ac primo quidem & fequenti die, tolerabilis<br />
1<br />
labor vijus ; non<strong>du</strong>m tam vaftis nudifque folim-<br />
iinibus aditis', jam tamen flerili & emorientt<br />
terra. Sed ut aperuere fe campi alto obruti fabur<br />
lo , haud fecus quant profun<strong>du</strong>m tsquor ingrefp. ,<br />
êerram oculis requirebant : nulla arbor , nullum<br />
culti foli occurrebat veftipum ; aqua etiam défieerat<br />
quam utribus cameïi devexerant, & in ando<br />
folo ac fervido fabulo nulla erat. Ad hœc<br />
fol omnia incenderat , ficcaque & a<strong>du</strong>fla erant<br />
omnui ; quum repente, five Mud deorum munus<br />
five cafus fuit, ob<strong>du</strong>Bm cela nuits condidere<br />
folem;- ingens mftu fatigatis , etiamfi aqua defiçe*<br />
miauxilium.£nimverat ut hrgum quoque imbrem
LIVRE IF. CHAP. VIL IJJ<br />
wfages <strong>du</strong> pays, il réfolut "d'aller à l'oracle de Jupiter<br />
Hammon.<br />
2.8. II falîoit prendre une route à .peine pratiquante<br />
même pour une petite troupe fans équipage : on n'y<br />
a ni eau de fource ni eau de pluie ; on n'y voit que des<br />
fables ftériles , qui, échauffés <strong>par</strong> le foleil, mettent fous<br />
les pieds un foi brûlant & eaufent une chaleur infupportabîe<br />
; on a à lutter,, non feulement contre l'ardeur &. la<br />
fècherefle <strong>du</strong> pays, mais encore contre ua fable tenace<br />
, d'où Ton fe tire avec peine, <strong>par</strong>ce qu'il eÛ profond<br />
& qu'il fond fous les pieds à chaque pas. Les égyptiens<br />
exagéroient encore ces difficultés. Mais Alexandre avoir<br />
une envie prodigieufe de faire une vifite à Jupiter, qu'il<br />
croyoit ou vouîoit faire croire fon père, ne fe contentant<br />
pas d'être né au faite des grandeurs humaines.<br />
Prenant donc avec lui ceux qu'il avoit choifîs pour l'accompagner<br />
, il defcendit le fleuve jufqu'au lac Maréôtis :<br />
ce fut là que les ambaffadeurs des cyréniens lui apportèrent<br />
des préfents, lui demandant la paix & la faveur de<br />
le recevoir dans leurs, villes ; il accepta leurs préfents, fit<br />
alliance avec eux. & continua de fuivre fon projet. Le<br />
premier & îe fécond jour , la fatigue <strong>par</strong>ut fupportable ;<br />
<strong>par</strong>ce qu'on n'étoit pas encore entré dans d'immenfes<br />
& arides folitudes , quoique la terre offrît déjà le fpectacle<br />
de la ftérilité & de la langueur. Mais quand ils<br />
découvrirent ies plaines enfevelies fous un fable épais f<br />
ils y entrèrent cemme dans la haute mer, en cherchant,<br />
la terre des ieux : point d'arbres, point de traces de<br />
culture ; l'eau même aportée dans des outres <strong>par</strong> des<br />
chameaux avoit manqué, & \l ne s'en tjrouvoit nulle<br />
<strong>par</strong>t dans un terrein aride & un fable brûlant. D'ailleurs<br />
le foleil avoit tout embrâfé, tout étoit fec & brûlé :<br />
c|uand tout à coup, foit <strong>par</strong> la faveur des dieux foit <strong>par</strong><br />
hazard, des nuages épaiffis dans le ciel cachèrent le foleil<br />
-, ce qui apporta un grand* foulagement aux voyageurs<br />
excédés de chaleur & de fatigue, quoique l'eau'<br />
leur manquât encore. Mais lorfque les fecouffes des<br />
vtnts firent enfin tomber une pluie abondante, chacun-
î34 LIBER IF. CAP. FIL<br />
txcufferunt pmcellm, pro fe quifqwt êxcipere mm;<br />
quidam, ob fiûm impotentes fui, ore quoque hiami<br />
captare cœperunL Quatri<strong>du</strong>um per vaftas foVitMr<br />
Unes abfumptum efl.<br />
19. Jamque kaud procul oraculi fede obérant ;<br />
quum eompiures corvi agmini occurrunt , modico<br />
volatu prima figna antécédentes : & modo kumî<br />
refidebant, quum lentiùs agmen incederet ; modo<br />
fe pennis levabant , antecedentîum iterqut manftrantium<br />
ritu. Tandem ad fedem confecratam dea<br />
ventum efl. Incrèdibile diciu ! inter vaftas folitudines<br />
fita, undique ambknt'éus ramis 3 vix in<br />
denfam umbram cadente foie 9 conteBa efl ; multique<br />
fontes <strong>du</strong>lcibus aquis pajpm manantibus<br />
alunt filvns : ccdi quoque mira temperks , vtrno<br />
tempori maxime fimilis , omnes anni <strong>par</strong>tes <strong>par</strong>i<br />
falubritate percurrit. Accola fedis funt , ab<br />
Oriente , proximi athiopum : in Meridiem versus<br />
arabes fpe&ant ( Troglodytis cognomen efl),<br />
quorum regio ufque ad rubrum mare excurrit : ai<br />
quâ vergit ad Occidentem , alii mthiopes colunt ,<br />
quos Scenitas vocant : À Septemtriont nafamones<br />
funt, gens fyrtica, navigiorum fpoliis quafluofa;<br />
quippe obfident litora, 6» mflu deflituta navigia<br />
nous fibi vadis occupant. Incola nemoris , quos<br />
Hammonios vocant, difperfis tugurus habitant,<br />
Médium nemus pro arce habent, triplici muro circumdatum<br />
: prima munitio tyrannorum veterem regiam<br />
claufit ; in proximi conjuges eorum cum liberis<br />
& pellicibus habitant , hic quoque dei oraculum<br />
efl ; ultima munimenta fatellitum armigerorumque<br />
fedes erant, Efl eûam aliud Mammonis nemus ;<br />
m medio'habet fontem ( Aquam foHs vocant):,
Lime IV. CMAP. Vil. 13c<br />
fit-fa- previliQfl j quelques-uns, n'en pouvant plus de<br />
foif, commencèrent <strong>par</strong> recevoir, !a bouche ouverte s<br />
l'eau qui tomboit.. On fut quatre jours à traverfer de<br />
vaftes déferts.<br />
29. Déjà l'on approchoit <strong>du</strong> lieu où réfide l'oracle;<br />
lorfque quantité de corbeaux vinrent au devant de l'armée<br />
, précédant d'un vol tranquile les premières enfeignes<br />
: tantôt ils fe pofoient à terre s quand l'armée ralentîffoit<br />
fa marche 5 tantôt ils s'èlevoient dans les airs,<br />
comme pour la devancer & lui fervir de guide. Enfin l'on<br />
arriva au temple <strong>du</strong> dieu. Chofe incroyable ! ce temple f<br />
fitué entre des déferts immenfes t eft environné de toutes<br />
<strong>par</strong>ts d'un ombrage qui fe laiffe à peine pénétrer <strong>par</strong> les<br />
rayons <strong>du</strong>foleil; Ôcplufieurs fontaines» qui fourdent de<br />
côté & d'autre f entretiennent ce bois <strong>par</strong> l'agréable fraîcheur<br />
de leurs eaux : la température de l'air y eft aufli<br />
merveilleufe; & femblabîe à celle <strong>du</strong> printemps, elle<br />
conferve la même falubrité pendant toute l'année. Les<br />
habitants de ce lieu font, à l'Orient, voiûns des éthiopiens<br />
: vers le Midi, ils regardent les arabes qu'on appelle<br />
Trogloâites, dont le pays s'étend jufqu'à la mer<br />
rouge : en tournant à l'Occident, on trouve d'autres<br />
éthiopiens , nommés Scinites : & au Septentrion, font<br />
les nafamoniens, qui avoifinent la grande Syrte , & qui<br />
s'enrichiffent des dépouilles des vaiffeaux; ils infeftenî<br />
les rivages, & <strong>par</strong> la connoiffance qu'ils ont des basfonds<br />
ils fe rendent maîtres des navires échoués <strong>par</strong>la<br />
baffe mer. Quant à ceux qui habitent le bois, & qu'on •<br />
appelle Hammonkns j ils logent dans des cabanes é<strong>par</strong>fes.<br />
Ils regardent le milieu <strong>du</strong> bois comme une fortereffe,<br />
Il eft fermé <strong>par</strong> une triple enceinte de murailles: la première<br />
en dedans renferme J'ancien palais des rois; la féconde<br />
, la demeure de leurs femmes, de leurs enfants ,.<br />
& de leurs concubines, & en outre l'oracle <strong>du</strong> dieu; la<br />
troifième étoit le polie des gardes & le logement de<br />
la maifon militaire <strong>du</strong> prince.,Il y a encore un autre bois<br />
• cTHammon, au milieu <strong>du</strong>quel eft une fontaine s qu'on<br />
appelle l'Eau dm Soleil: au point <strong>du</strong> jour, elle eft tiède 5
136 .LIMER IK CAP,- Vil.<br />
fub htçis vrmm, îepida manat ; mêdfa die 5 qtmm<br />
vehemtntijfimm efi caïor 3 frigida eadem finit ;<br />
inclïnato in vefperam , ealefcit ; média no&e ,<br />
fervidè exaftuat ; quoque propiiis nox vergk ad<br />
lucem , multum ex notTurno calore decrefcit , doute<br />
fub ïpfum diei ortum affueto tepore. languef<br />
çat. Id quod pro deo, colitur » non .camdem effigiem,<br />
habet quam. vulgo <strong>du</strong>s _artifices accommodaverunt<br />
; umbilico maxime fimilis efl habitas *<br />
fmaragdo & gemmis coagmmtatus. -Hune , qtmm<br />
refponfum petitur , navigio aurato geflant faeerdotes,<br />
fmdtis argenttis pateris ab utroque navigii<br />
latere pendentibus : fequuntur matronm virgmef<br />
que, patrio more tnconditum quoddam carmen canentes,<br />
quo propitïari Jovem cre<strong>du</strong>nt ut certum<br />
edat oraeulum*<br />
30. At tum quidem regem propius adeuntem<br />
maximus natu è facerdotibus Filium appdlat, hoc<br />
momen Mi <strong>par</strong>entem Jovem reddere affirmons :<br />
itte fe vero ait & accipert & agnofeere , humana<br />
finis obUtus. Confuhk deinde, an tûtius orbis<br />
imperium fatis fibi deflinaret pater : vates, aquèin<br />
a<strong>du</strong>iationem compofitus, terrarum omnium rec~<br />
iorem fore 0fendit. Pofl hac in fiât quarere %<br />
an omnes <strong>par</strong>enûs fui interficlorês pœnas dedif<br />
fent : fzeerdos <strong>par</strong>entem ejus negat uttius feclere<br />
poffe violait, Philippi autem omnes interfeciores<br />
luij/i fupplicia ;• adjecit, myiSlum fore do- "<br />
me excederet ad deos. S.acrificio deinde faEfa 9<br />
dona & facerdotibus & deo data faut ,. permif<br />
fumqm amieis ut ipfi quoque eonfuhrtnt Jovem*<br />
Nihil amplius quafiverunt, quam , an aufhr effet<br />
fibi divinis honoribus- cohndi fuum regèm : hoc<br />
quoque àcceptum fore Jovi vates rtfpondit, ut
LIVRE IV. CHAP. VIL 137<br />
à midi, lorfque la chaleur -eft îa plus grande, elle- eft<br />
froide ; fur le foir, elle s'échauffe ; au milieu de la- nuit,,<br />
elle eft bouillante & très-chaude; & à mefure que le<br />
jour approche, -la chaleur de la nuit diminue ,. jufqu'à<br />
ce qu'au point <strong>du</strong> jour elle reprenne fon degré ordinaire<br />
de tiédeur. Ce qu'on y adore comme un dieu, n'a point<br />
îa figure que les artiftes ont coutume de donner aux<br />
dieux; la forme en eft très-fembîable à celle d'un chaton<br />
, réunifiant une émeraude & des pierres précieufes.<br />
Quand on le confulte, îes prêtres le portent dans un<br />
navire doré, garni de pîufieiirs coupes d'argent qui pendent<br />
de chaque côté : ils font fuivis <strong>par</strong> des dames &<br />
<strong>par</strong> de jeunes filles , qui chantent à la mode <strong>du</strong> pays<br />
certain cantique groffier, <strong>par</strong> où elles, croient fe rendre<br />
Jupiter propice & en obtenir une réponfe bien claire.<br />
30. Ce fut précifément dans cette conjoncture que,<br />
• le roi s'étant avancé, le plus ancien des prêtres lui<br />
donna le nom de Fils, afluraot que c'étoit fon père Jupiter<br />
qui le lui donnoit : & lui , oubliant qu'il étoit<br />
homme, dit qu'il facceptoit & le reconnoiflbit. Il demanda<br />
enfuite, fi fon père ne lui deftinoit pas <strong>par</strong> fes décrets<br />
l'empire de toute la terre : & le dévia, également difpofé<br />
à ra<strong>du</strong>iation, déclara nettement qu'il gouvernerait<br />
toute la terre. 11 continua encore de demander, fi tous<br />
Σs meurtriers de fon père avoient été punis: le prêtre<br />
répondit, que l'immortalité de fon père le mettoit<br />
à l'abri de tous îes attentats, & qu'à i'égard de Philippe<br />
, tous fes meurtriers avoient fubi les peines qu'ils<br />
méritoient; il ajouta que, pour lui, il feroit invincible<br />
jufqu'à ce qu'il paflat au rang des dieux. Quand le fa*<br />
crifice fut achevé, il donna des offrandes au dieu &<br />
des préfents aux prêtres, & permit à fes courtIfans de<br />
çonfulter auffi Jupiter. La feule chofe qu'ils lui deman-»<br />
c!èrefit fut t s'il les autorifoit à rendre à leur roi les<br />
honneurs divins: & le prêtre répondit, qu'ils feroknt<br />
auffi une chofe très-agréable à Jupiter, en honorant
138 LIBER IV. CAP. FUI.<br />
ipfi viibrem regem div'mo honore cotèrent. Ferè &<br />
faiuhrker mfimaMi fidem oraculi9 -vana profi&S<br />
refponfa videri potmffeni ; fed Fortuna, quos uni<br />
fibi credere co'êgit, magna ex <strong>par</strong>te avidos glorimmagis<br />
quam capaçes Jack. Jovis igitur Filium Je<br />
non folum appellan paffus efi , fed etiam Jujfit £<br />
rerumque gefiarum famam 9 <strong>du</strong>m augere vult tali<br />
appelladone , corrumpit : & macedones 9<br />
ajjiuti<br />
quidem, regio imperio 9 fed majore libertatis umbra<br />
quam cetera gentes 9 immortalkatem affc&antem ,<br />
contumaciks quam aut ipfis expediebat oui régi ,.<br />
averfati funt. Sed hac fuo quaque temp&rî refit—<br />
ventur; mme cetera exfequi pergam*.<br />
VIII. Alexander, ab Mammone red&ens 3 ut à<br />
mari ad Mareoûm paiudem, haud procui mfulm<br />
Pharo fitam , venit 9 contemplatus hci naturam*<br />
primum in ipfi infidâ flatuerat urbem novam ton."<br />
iere ; inde , ut ap<strong>par</strong>uit mamm fidîs mfidam<br />
haud capacem , elegit urbi ïocum ubi mme efi<br />
Aiexandria , appeltaûomm trahens ex nomme<br />
auBoris : comptexus quidquid ïoci efi inter paiudem<br />
'& mare, oBogmta Jiadiorum mûris ambitum<br />
dtfimat 3 &, qui œdificandm urbi pmejfem reliais<br />
y Memphim petit. Cupido 9 haud mjufia<br />
quidem ceterum mtempefiiva , incefferat ^ nom<br />
inter'wm modo Mgypti , fed etiam Mthbphm<br />
invifere ; Memnonis Tithomqut cekbraia regia,<br />
cogmfcendm vetufiat'u avi<strong>du</strong>m trahtbat penè extra<br />
Urminos foiis : fed immmens beiium 9 cujus multa<br />
major fupererat moles 9 otiojk peregrinationi tempora<br />
exemerat. Itaque Mgypto pmficit Mfchylum<br />
rhodium & Feucefiem macedonem p fdamm
LIVRE ir. CHAP. Vlîh 139<br />
femme dieu, un roi couronné <strong>par</strong> la viftoire. À jager<br />
fihement &. félon la vérité de la bonne foi de l'oracle t<br />
ces réponfes auroient pu paffer pour illufoires \ mais<br />
ceux que la Fortune a amenés au point de ne plus compter<br />
que fur elle % elle les rend la plu<strong>par</strong>t plus avide*<br />
ite gloire que dignes d'en acquérir. Non feulement donc<br />
il fouffrit, mais il exigea qu'on l'appelât Fils de Jupiter<br />
j & encroûtant <strong>par</strong> cette diftinôion augmenter l'éclat<br />
de (a renommée , il se lit que la ternir : les macédoniens<br />
de leur côté, véritablement accoutumés au gouvernement<br />
monarchique , mais jouïfiânt aufli d'une ombre<br />
de liberté plus grande que les autres peuples, mar-v<br />
«nièrent, pour la prétention <strong>du</strong> roi à l'immortalité, une<br />
averfion plus opiniâtre qu'il n'étoit expédient pour eus<br />
&, pour lui. Mais il faut réferver ces ehofes -pour en<strong>par</strong>ler<br />
en temps & lieu ; quant à préfent je iras reprendre<br />
la fuite.<br />
FIJI. Alexandre, au retour <strong>du</strong> temple de Jupiter<br />
Hammon, étant Tenu de la mer au lac Maréotis, qui<br />
eft peu éloigné de l'île de Phare, examina la nature <strong>du</strong><br />
lieu, & réfolut lie bâtir une nouvelle vïlte d'abord dans.<br />
Fîîe même ; ayant enfuite reconnu que fîfe ne pouvoit<br />
fournir un afTez grand emplacement, il choifît pour fa .<br />
•illerendrait ou eft aujourd'hui Alexandrie, ainfi appe»<br />
lée <strong>du</strong> nom de fon fondateur : il prit tout l'efpace compris<br />
entre le lac & la merf traça pour les murailles une<br />
enceinte de quatre-vingts ftades, îaiffa fur les lieux des<br />
gens chargés de îa con<strong>du</strong>ite de l'ouvrage, & fe rendit<br />
à Memphis. Il avoit conçu Se défîr, non-déraifonnable<br />
mais d'ailleurs déplacé, de vifiters non feulement l'intérieur<br />
de l'Egypte » mais l'Ethiopie même : avide comme<br />
il étoit de connoltre l'antiquité, îa curiofité de voir le<br />
fameux palais de Memnon & de Tithon l'entraina prefque<br />
au delà des bornes <strong>du</strong> foîeil : mais la guerre qu'il avoit<br />
i foutenir f & dont les plus grandes difficultés reôoient<br />
à fur<strong>mont</strong>er, ne lui avoit point laiffé de temps pour un<br />
voyage inutile* 11 donna donc le gouvernement de l'Egypte<br />
au rhodien Efchyle & au macédonien Peuceftes»
140 LIBER IV. CAP. VIIL<br />
mUlibus mïïitum in pmfidmm regionis ejus datis :<br />
tlauftra Nili flumims Pokmonem tueri jubet ,_ triginta<br />
ad hoc trirèmes data : Africœ deinde, quâ<br />
JEgypto junâa eft, pmpofems Apolkmws ; vectigaUbus<br />
ejufdem Africa Mgyptique , Cleomems.<br />
Ex finiùmis urbibus commigrare- Akxandriam<br />
juffis, novam urbem magna mtdtimdim impkvk.<br />
Fama eft, quum rex urbis futur m muros polenta,<br />
ut maced&num mos eft, deftinaffet , avium grèges<br />
advolaffe & polenta effe paft'as ; quumque id<br />
omen pro trifti à pUrifque effet acceptum , refpondijfe<br />
vates , magnam illam urbem advenarwn<br />
frequentiam culturam, multifque eam terris alimenta<br />
pr&bituram*<br />
32. Regem, quum Jecundo amne deflueret, afft~<br />
qui cupiens He&or, Parmenionis filius , ' eximm<br />
iztatis flore , m paucis Alexandro carus, <strong>par</strong>vum<br />
navigium confcendk % pluribus quam captre<br />
poffet impofitis ,• itaque merfa navis omms def<br />
tituit ; Hector ,. diu fluminï obhËatus , quum<br />
modem veftis & aftriBi crepidis pedes natare prohibèrent,<br />
in ripam tamen femianimis evafit ; &•<br />
ut primum fatigatus fpirhum laxavit, que m mttus<br />
& periculum intenderant , nullo adjuvante<br />
( quippe in diverfum evaferant alii ) exammatus<br />
eft. Rex amijffz ejus dtfiderïo vehementer affii&us<br />
eft ; refertumque corpus magnifie® extulit future.<br />
Oneravk hune dolorem mimais mortis Andromachi<br />
» quem pmfecerat Syrim ; vivum fama*<br />
ritee cremaverant : ad cujus imeritum vinàican<strong>du</strong>m<br />
» quanta maximd cekrkate potmt, contenait<br />
; advenkntique fimt iradki tond fsclcrh
LIVRE l.K CMAP. VllL 141<br />
avec quatre-mille hommes pour la défenfe <strong>du</strong> pays:<br />
il chargea Polémon de garder les bouches <strong>du</strong> Nil t &<br />
à cet effet il lui laiffa trente trirèmes : il confia enfuite<br />
à Apollonius le commandement de la <strong>par</strong>tie d'Afrique qui<br />
touche à FÉgypte ; & à Cléomènes, la perception des<br />
tributs dans cette même <strong>par</strong>tie & dans FÉgypte, Il fit<br />
venir des colonies à Alexandrie des Tilles voifines, ce<br />
qui jeta dans fa nouvelle ville une grande multitude<br />
d'habitants. On dit que , le roi ayant tracé avec de la<br />
fat me d'orge, félon la coutume des macédoniens, Fenceinte<br />
des murailles de la ville qu'il vouîok bâtir, il<br />
furvint des troupes d'oifeaux., qui mangèrent la farine;<br />
& que , la plu<strong>par</strong>t regardant ce préfage comme fâcheux ,<br />
lés devins firent entendre, que cette ville feroit fréquentée<br />
<strong>par</strong> un grand nombre d'étrangers, & qu'elle<br />
approvifionneroit de vivres beaucoup de contrées.<br />
32, Tandis que le roi defcendoiî le fleuve, He&or?<br />
fils de Parménien, qui étoit à la fleur de fon âge &<br />
<strong>du</strong> petit nombre de ceux que chérifloit Alexandre 9<br />
voulant joindre le prince* <strong>mont</strong>a un petit bateau , ou<br />
l'on admit plus de monde qu'il n'en pouvoit porter;<br />
de forte qu'il enfonça & fubmergea tous les paffagers :<br />
Heftor lutta pendant bien <strong>du</strong> temps contre îe fleuve ,<br />
<strong>par</strong>ce que fes habits mouillés & la cTiauflure qui lui<br />
embarraflbit les pieds Fempêchoient de nager ; il gagna<br />
pourtant le rivage, mais à demi mort; & lorfque, dans<br />
cet état d'épuifement, il reprit fa refpirations retenue<br />
au<strong>par</strong>avant <strong>par</strong> la crainte & <strong>par</strong> le péril, il mourut faute<br />
de fecours , <strong>par</strong>ce que les autres s'étoient échappés<br />
d'un autre côté. Le roi fut fenfiblement affligé de l'avoir<br />
per<strong>du</strong>; & lorfqu'on eut retrouvé fon corps , il lui<br />
fit fake de magnifiques funérailles. Pour furcroît de<br />
douleur, il reçut la nouvelle de la mort d'Andromaque,<br />
à qui il avoit donné le gouvernement de la Syrie; les<br />
famaritains Pavoient brûlé vif: il <strong>par</strong>tit, avec la plus,<br />
grande diligence poffible, pour venger cette mort ; & à<br />
fon arrivée on lui livra les auteurs d'un fi horrible attentat;<br />
il fit punir <strong>du</strong> dernier fuppliçe ces meuniers de foa
I4i LIBER IV. CAP. IX.<br />
auBorts : Andromacko deinde Memnona fubfliudt'»<br />
affeâis fupplicio qui prmtorem interemerant. Tyrannos<br />
, mur eos methymnaorum^Arifionkum & Chry-<br />
Jblaum, popularibus fuis tradidh; quos iiiiè mûris<br />
ob injurias tort&s necaverunt. Athemenfium dem~<br />
de , rhodiorumque -, & ciâorum kgatos audit,<br />
Athemenfes viBoriam graiulabantur, &ut£aptèvi<br />
grœcorum .fuis reftkuerentur orabant ; rhodii &<br />
•chu de prafidio querebantur -: omnes » mqua défiderart<br />
vifi^ impctraverunt. Miiyienmis quoque, oè<br />
egregiam in <strong>par</strong>tes fuas fidêm & pecuniam quant<br />
ïn bellum impenderant , obfides reddidk > &<br />
•magnam regmnem finibus eorum adjecit* Cyprïo~<br />
mm quoque regibus, qui & à Dario defecerant<br />
&d ipfum & oppugnanti Tyrmm miferant clajfhm *<br />
pro merito honos habhus eft. Amphotems deinde %<br />
claffis pmfiBuS-, ad iiberandam Cretam nàffus<br />
{ namque & perfarum & piratarum armis pteraqut<br />
ejus înfulct obfidébantur) -, ante omnia mare'âpira*<br />
skis dafjibus vindkare juffks ; quippe obnoxium<br />
pmdonibus erat, in bellum utroqme rege c&nverfo.<br />
Mis compofitis , Htrctâi tyrio ex auro craieram<br />
, cum triginta pateris , dicavit ; imminenfque<br />
Dario , ker ad Eupkraten pronunciarijujjit.<br />
IX. At Darius, quum sh Mgypto dmtùffem<br />
r Africam hoftem çomperiffet9 <strong>du</strong>bitaverat, utrumne<br />
circa Mefopotamiam fubfifteret, an imerwra remi<br />
Jki peteret ; haud <strong>du</strong>biè potem'mr auûor pmfens<br />
futurus vlnmis gemibus immigré bellum capejfendi,<br />
quas Mgre per prafeB&s fuos mâliebatmr. Sed uts<br />
idûneis auBoribus., fama vulgavit, AltMandrum
LiTRE IV. CHâP* IX. 145<br />
ffBteaant 9 & donna à Memnon la charge d'Ândroma*<br />
fie. il livra auflî les tyrans , & entre autres ceux d*<br />
Netymne* Ariftonique & Chryfoîaus, à la fureur de<br />
leurs compatriotes s Ôc ceux-ci, pour fe venger des<br />
©aîiages qu'ils en avoient reçus f les mirent à mort ea<br />
les précipitant <strong>du</strong> haut de leurs murailles. Après cela il<br />
donna audience aux ambaffadeurs d'Athènes, de Rho-<br />
4*s, &4e Chio. Les athéniens venoient le féliciter<br />
de fa viôoire f Ôc le prier de rendre aux grecs les prifonniers<br />
de leur nation; ceux de Rhodes & de Chi@<br />
k plaignoient de leurs garaifons : tous, ne <strong>par</strong>oiffant<br />
délirer que des chofes juftes, obtinrent ce qu'ils desuadôient.<br />
Comme les mitylénieas lui avoient donné<br />
èt$ preuves diftinguées de fidélité & avoieat contribué<br />
Beaucoup aux frais de la guerre, il leur rendit auflî leurs<br />
otages , & ajouta à leur territoire use grande éten<strong>du</strong>e<br />
de pays. Il rendit <strong>par</strong>eillement tout l'honneur qu'il crut<br />
devoir aux rois de Chypre, qui a¥oiest le double mérite<br />
d'avoir abandonné Darius pour lui & de lui avoir<br />
envoyé une flotte pendant le liège de Tyr. L'amiral<br />
Ampbotère ayant enfuîte été envoyé pour délivrer la<br />
Crète f dont la plu<strong>par</strong>t des places étoient affiégées <strong>par</strong><br />
. les perfes & <strong>par</strong> les pirates, reçut ordre avant tout de<br />
nettoyer la mer de corfaires; car elle enétoit infefêée,<br />
depuis que les deux rois étoient engagés dans la guerre*<br />
Après ces difpofitions, il confacra, à Hercule tyrienf<br />
un cratère d'or avec trente patères; & ne penfant<br />
plus qu'à joindre Darius, il donna des ordres pour marcher<br />
vers l'£uphrate.<br />
IX Cependant Darias, ayant appris que Pennemï<br />
étoit paffé d'Egypte en Afrique, avoit mis en doute, s'il<br />
refteroit aux environs de la Méfopotamie, ou s'il fe<br />
porteroit au cœur de fes États ; fentant bien que, pré-<br />
Cent en perfonne , il encourageroit plus efficacement t<br />
à faire la guerre avec vigueur, ces nations éloignées 9<br />
dont il avort peine à tirer <strong>par</strong>ti <strong>par</strong> l'entremife de fes<br />
lieutenants- Mais quand, fur des témoignages graves ,<br />
ou fut qu*4i exân ^ r ^ P*^tcad«it le fuivre avec toutes fes
144 LIBER IV. CAP. IX.<br />
cum omâBus copiîs, quamcumqwe ipfi adiffet re~<br />
gionem , petiturum $ haud ignarus quam cum firenuo<br />
rts effet* omnia long'mquarum gentium aux*lia<br />
Babyloniam contrahi juffît. Baclriani 9 fcy~<br />
tkœque , & indi convenerant jam ; & ceterarum<br />
gentium copia <strong>par</strong>ùbus fimul adfuerunt, Ceterum,<br />
quum dimidiô ferme major effet exercitus quam m<br />
Glicîâ fuerat, muliu arma deerant ; qum fourni<br />
cura com<strong>par</strong>ai antur* Equitibus equïfque téguments<br />
erant ex ferreîs laminis firie inter fie cormexis ;<br />
quibus antea pmter jacula nihil dederat , fcuta<br />
gla£ique adjiciebantur ; equorumque domandi grèges<br />
peditibus difiributi fimt , ut major priftîno<br />
effet equkatus ; ingensque , ut crediderat s ténor<br />
hoftium, <strong>du</strong>cenm fidcam quadriga, unicum illarum<br />
gentium auxilium , fiqmim Junt. Ex fummo<br />
tcmone haftœ prœfixa firro eminebant ; utrimque<br />
a jugo ternos direxerant gladios ; & inter radios<br />
rotarum plura fpicula eminebant in adverfum :<br />
alm deinde falces fiumm'u rotarum orbibus hmre-_<br />
bant, & alm in terram dimiffm , quidquid obvium<br />
concitatis equis fidffet amputatur*.<br />
34. Hoc modo inftruBo exercitu ac perarmato ,<br />
Babylone copias mpvit* A <strong>par</strong>te dextrâ erat<br />
Tigris , nobilis fiuvius ; lavam tegebat Eupkratts-<br />
: agmen Mefiopotamiœ campos impleverau<br />
Tigri deinde fuperatè, quum audiffet haud procul<br />
abeffe hoflem, Satropatem , equitum pmfiBum ,<br />
cum mille dele&is pramifit ; Maqto pmtori fix<br />
tnillia data, quibus hoftem tranfitu arums arcereL<br />
Eidem mandatum , ut regionem quam Alexander<br />
effet aditurus popuhretur atque ureret : quippe<br />
credebat , inopiâ debellari poffe nihil habentem<br />
nifi qwdmpiendê occupafftt ; ipfi autan commuafcrces,
LIVRE 1F:_CHAP. IX.. 147<br />
forces, en quelque pays qu'il allât; n'ignorant pas à qui<br />
il avoit affaire , il fit raflembler dans la Babylonie toutes<br />
les troupes auxiliaires des nations éloignées. Déjà les<br />
Baftriêns , les fcythes , & les indiens s'y étoient ren<strong>du</strong>s ; '<br />
& bientôt les'fecours des autres peuples fe joignirent<br />
"à- eux* Au relie, l'armée fe trouvant prefque de moitié<br />
plus grande qu'elle n'étoit dans la Cilicie, pîufieurs<br />
étoient fans armes ; mais on n'é<strong>par</strong>gnoit aucun foin
$46 LIêER 1K CAP. IX.<br />
fus , a§i terra* alïï Tigd amm9 fuhvekebantstr*<br />
Jam pervenerat ad Arbela , vkum nobikm fui<br />
tïade fafkrus* Mîe eommeatuum farcinarumque majore<br />
<strong>par</strong>te dtpofka f fycum amnem ponte pmxii9<br />
& per dks qukmue , Jkm mite MufkraMem , trajeck<br />
emrckum. Mde eâ&gmts fin Êadim progref<br />
fus , mi aèmm mrnam ( Binai© noamn efi )<br />
mflrm p®f*k» Qppmumm exptieanSs eopus régie<br />
trot , eqmksbMis & mfi* piammes : m ftlrpes<br />
q uiéêm & hnvut vîrpdta ùptrhmt fohtm * Éièep*<br />
que profpefltss.' otmwrim eâam ai ta qme proctd<br />
reccjtre ptrmitûtw ; kaque^fi qui campi emme*<br />
Bam9 jujfk mqmn mtumque fifligkm extendL<br />
36. Alexaniro* fà numentm copiamm ejus,<br />
quantum prùcul conje&ari poterani, mftimabant B<br />
yix fêcerum fidem $ tôt mïlUbus caps » majores<br />
copias cfft te<strong>par</strong>atas. Ceterum omms perkmii &<br />
.maxime multkudinis centemptor * uxdtQimus mf><br />
tris perwiiit ad EmpèfMm ; qm mmêièm junMo ,•<br />
équités prmm in. , pèsdanfem fiqm jmèet 3 Ma*<br />
%mo, qui ai mhiben<strong>du</strong>m ifmfimm ejm sum fix<br />
mii&Mê êftâimn êccutrerut, nm amfi fentumà<br />
fui focere. Pautk ikhde , mm ad qttktem , pi<br />
ad repatandbs animes., MeBus dafk mitki , ftre»<br />
'nui ïïoÊtm infequi cmpit , mettons ae interiora.<br />
repii pâ peteret * fêqum<strong>du</strong>fque effet per hca<br />
®mnh fûUmdme atque- umpm vajèa* Igkm ^arm<br />
Me préUer Arêefa pénétras ad Tifrm, Tma mgm<br />
ukra ammm mcesù fimmbat mcenS& ; qmppt<br />
Ma^mm qummmque adiemt 9 haud ficus quam
LIVRE IF. CHAP. IX. 147<br />
& <strong>par</strong> le Tigre. îl étoit déjà arriva aux càvicons d'Arbelles<br />
9 canton qu'il alloit rendre fameux <strong>par</strong> fa défaite.<br />
II y laifla la plus grande <strong>par</strong>tie de fes prtmfîons & de<br />
fon bagage, jeta un pont fur k litière de Lycus, &<br />
ïa fit alnfi pafler en cinq jours â fon armée, comme<br />
il avoit fait autrefois à l'égaré de PEuphrâte. S'étaât<br />
"avancé de là àiadiftaiîce d'environ- Quatre-vingts rtadeS|<br />
il campa fur ies bords d'une autre rlvfère , nommée<br />
•Mumode. Ce lieu «Il prèpre pour ranger îts troupes en<br />
bataille 9 <strong>par</strong>ce que c'eft une plaine fpneieufe & cém*<br />
mode pour îe fervke delà catakrk : le fol n'y efi embarraffé<br />
ni d'arbres ni dé buiions 9 & la rue entièrement<br />
libre peut découvrir les objets mêmes les plus<br />
éloignés ; & pour cet effet, s'il s'y rencontra quelques<br />
emmenées, Darius les fît applanir SI répandre fur<br />
l'éten<strong>du</strong>e de la campagne ce qu'on étoit éa fommet.<br />
36. Ceux qui apprécîoiest îe nombre de fès troupes,<br />
-autant qu'on pouvoit le faire de loin far conjeâure,<br />
41e perfuadèrent pas fans peine à Aiexasdre f qu'après<br />
Ja perte de tant de milliers d'hommes , Darius tut remis<br />
fur pied une armée plus grande que la première.<br />
Bu relie Alexandre, qui bravoit tous les périls & qui •<br />
furtout ne s^eflfrayoit pas <strong>du</strong> nombre, arriva en onze<br />
.jours de marebe jufqu'à rÈuphrate ; & y ayant jeté<br />
ies ponts , il y Ht pafler premièrement fa cavalerie &<br />
eoâiîîe fa phalange $ fans que Mazée, qui s'étoit avance<br />
•avec fix-mille càevanx pour lui dixpùter rè paflage,<br />
••lit' fe mefurer -avec lui. Après avoir -donné au Soldat<br />
quelques jours , non pour fe repofer y iteis feulement<br />
pour reprendre baleine , il fe srit •Igottreufemenî à la<br />
pourfaite de l'ennemi $ dans la crainte qu'il ne ie rett~<br />
Tat au centre de fon royaume , & qu'il ne fallût le ftâ-<br />
¥re à travers des déferts & -des lieux appauvris <strong>par</strong> le<br />
dlglt. ïl fe porte donc eu quatre jours jûfqû'au Tigre,<br />
en paflanî près d'Arbelles, Toute la contrée au delà <strong>du</strong><br />
HeuVe .fumoii encore des relies dé rembrâfemfeift ; car<br />
Usait mtttoic îe feu g çgmm m w^aA,- p"ar ttoft éi<br />
9%
ï-48 LIBER IV. CAP. IX.<br />
éoftis, urebat. Ac primo , caligine quam fumus<br />
ojfuderat obfcurante lucem , Infidiarum metu fuh»<br />
fiith 3 -deinde ut fpeculatores pmmljji 'tuta omnia<br />
nunciavtrunt 9 paucos equltum ad tentan<strong>du</strong>m va<strong>du</strong>m*<br />
fiumlnls pmmïfit, cujus altitudo :s primo<br />
fumma equorum peBora, mox ê .ut in médium alveum<br />
ventum eft , cervicts j$wque œquabat* Nec<br />
fané allus. ad Orienùs plagam tam viokntus ïwehitur<br />
s multorum éorrentium non aquas folum, fed<br />
etiam faxa- ficum trakens. Itaque à .ctîcritate- quâ<br />
'defluit T'igi -nomen eft inditum-, quia perjicd tinguâ<br />
Tïgrim faglttam appellanu<br />
37. Igitur pedes, velut divifus m cornua , cir?<br />
cumdato equitatu, Levatls fiper eaplta armls > kaud<br />
agrè ad Ipfim alveum pénétrât, Primus Inter pedb-<br />
•tes rex tgfejjus in >ripam, va<strong>du</strong>m -mllitibus ma«*<br />
nu -, quando vox exaudirl non poterat, oftcndit.<br />
Sed gra<strong>du</strong>m firmaremx poterant, quum modo<br />
faxa îubrica veftigium fallerent, modo rapidior<br />
unda fub<strong>du</strong>ceret. Pmcipuus • erat labot torum qui<br />
humeris onera portabant ; quippe , quum fenxetïp-<br />
.fis regere non pojfent, In rapldos .gurglies iricommodo<br />
oner.e auferebantur : & <strong>du</strong>m fia quifque<br />
fpoiia confêqui ftudet -, major inter ipfos quam<br />
cum amne mta luBaûo eft ; cumullque farcinarum<br />
pajjim ftukantes plerofque percuteront. Rex<br />
<strong>mont</strong>re, ut fatls haberent arma retinere, cetera,<br />
fe reddlturum : fed neque confilium neque imperium<br />
atcipi poterat ; oèftrepebat hinc metus, prcé-<br />
• ter hune, invicem natantium mutuus clamor. Tandem<br />
, qUa lenlore traclu amnis aperit va<strong>du</strong>m , emer<br />
fere ; neç quidqmm, prater paucas fardnas 9 d&fidera<br />
um eft, *'
LlVRB IV. CHAP. IX. 149<br />
îpafloit. L'efpèce de brouillard que la fumée avoit répan<strong>du</strong><br />
rendant le Jour obfcur § Alexandre , qui craignoit<br />
çwlque embûche, Et cTabord haite; puis ayant fu des<br />
Coureurs qu'il air oit envoyés en avant qu'il n'y avoit<br />
rien à craindre w II cliaxgea quelques Cavaliers d'aller les<br />
premiers fonder le gué", où les chevaux a'voient deTeau<br />
«a entrant jufqu'au poitrail ,& au milieu <strong>du</strong> lit îufqu'au<br />
con. Mûrement de tous les fleuves de l'Orient, le plus,<br />
rapide eft celui-ci , qui non feulement eft groffi <strong>par</strong><br />
l^s eaux de plu£eurs torrents, mais qui entraîne mêmeit<br />
greffes pierres dans fon cours. C'eft cette impétuofité<br />
qui lui a fait donner le nom de Tigre t <strong>par</strong>ce qu'une<br />
flèche s'apelle Tigre en langue perfane.<br />
37- "L'infanterie , ayant donc été comme <strong>par</strong>tagée en<br />
deux aîles 8c foutenue aux deux côtés <strong>par</strong> îa cavalerie,<br />
arriva non fans peine jufqu'au courant de l'eau, •<br />
en portant les armes élevées au deffus de la tète. Le<br />
toi » ayant pafle* avec l'infanterie, <strong>par</strong>ut le premier fur<br />
l'autre bord, & <strong>mont</strong>roit le gué aux foldats avec la main,<br />
ne pouvant faire entendre fa voix. Mats ils avoient<br />
bien de la peine à fe tenir ferme fur leurs pieds, tantôt<br />
gliflant far des pierres mobiles , & tantôt le pied leur<br />
manquant <strong>par</strong> l'exceûlve rapidité <strong>du</strong> flot. Le plus grand<br />
mal étoit pour ceux qui s'étoient chargés de leurs har-'<br />
des ; car ne pouvant fe con<strong>du</strong>ire eux-mêmes f ils étoient<br />
entraînés dans des gouffres rapides <strong>par</strong> cet incommode<br />
fardeau : chacun alors tâchant de ratraper fes nipes f ils<br />
fe nuifoîent plus les uns les autres que le fleuve même<br />
Re leur nui f oit ; & des monceaux de hardes, qui flottoient<br />
de tout côté, en avoient déjà fait tomber plufieurs.<br />
Le roi crioit, que Ton fe contentât de retenir<br />
les armes, & qu'il rendroit le refte : mais il n'y avoit<br />
ni confeil ni commandement qui pût être enten<strong>du</strong> ; la<br />
crainte d'un côté s & de l'autre les cris de ceux qui<br />
luttoient contre l'eau f y mettoienî un obftacle invincible.<br />
Enfin ils fortirent <strong>du</strong> fleuve <strong>par</strong> l'endroit <strong>du</strong> gué<br />
* où l'eau coule plus doucement ; & il n'y eut de per<strong>du</strong>,<br />
en tout que quelques paquets.<br />
G iij
i$o LIBER IF. CAP. X.<br />
38. IMeri p&tmt exerekms, fi qms onfus ej^twncm<br />
; fed perpétua fortuna régis avenu înde<br />
êûftem : fie Grankum, tôt mUUèms equkum peaï-<br />
1 mmque m ulteriore fianâbus ripa % fiupemvk % fie 9<br />
0Mguft$ in CÏÏicw caUibus, tamam multitude<br />
nem koftium. Audacim qmque 3 qui maxime vir<br />
guit ». ram mima pmeft ; mm mmqmsm m dif*<br />
€f"mm verni m umerè fieijfiê. M^imm » qui » fi<br />
mmfiumïkms flmmm fuperwmfikt, kaud diéë<br />
mpprejfwus fini mcompojkos , in ripa demum &<br />
jam perarmatês adequitare cœph : mille adm®~<br />
<strong>du</strong>m équités prmmiferat ; quorum paueitate, AUxander<br />
, txploratâ de'mde comemta M pmfe&um<br />
pmormm equitum, Arifiona % hxmis kabems imtiû<br />
jujffit. Infigtûs eo die pugm equitum, & pmàpuè.<br />
Arifimis , fiât : prafiéhm equkatm perfamm »<br />
Satropatem, direÛa m gai mm èsftd » tramsfixk ;<br />
fiigmmitmqm per medim kûfies amfeqtmtms , ex<br />
eqm prmàpiêamt , & obh&tmd capmt gkdm<br />
demfk, qmd rdatum magna am lande ante régis<br />
pedes pofiàê»<br />
X. Bidm M rex fiasiva habm * m pmxmmm<br />
'de'mde iter prommeiari ji^ffit* Sed prima firè iup*<br />
lia lima déficient, frlmmm mmremfidtris £m c«tdidd<br />
; demde , fmgumis wbne fitfkfa, hmem<br />
Qtme fitâavh : filkkisqm fié ipfim tatmi diferiwûms<br />
cafum, ingens reêigio & ex eâ firmida qua»<br />
dam ineuffa eft, Diis imntis in. ukimas terras<br />
trahi fe querebantw. Jam nec flumhm poffi adiri%<br />
fiec fidera priftimtm pmftare fidgorem ; vaftss<br />
terras , deferta omnia oçcurrere ; in unius ho«
LIVRE IF. Cm A P. X 151<br />
"38. L'armée pouvoit être taillée en pièces • fi quel*<br />
qu'un eût ofé la vaincre ; mais le bonheur <strong>du</strong> roi, toujours<br />
confiant, con<strong>du</strong>ifit l'ennemi loin de là ; ce fut alïili,<br />
qu'à la vue de tant de milliers d'hommes de cavalerie &<br />
d'infanterie qui couvroient le rivage oppofé f iî traverfa<br />
le Granique ; ainfi que , dans les gorges de îa Ciîicie f<br />
il furmenta un fi grand nombre d'ennemis. On peut<br />
même diminuer le blâme de cette intrépidité préfomptueufe<br />
t qui étoit fon caraôère dominant ; en et que<br />
jamais l'événement n f a donné lieu de douter s'il avoit<br />
agi avec témérité, Maxée , qui pouvoit profiter <strong>du</strong> défordre<br />
pour défaire les ennemis, s'il fût furvenu rai»»<br />
dis qu'ils paffoient , ne commença à s'avancer contre<br />
eux 9 que quand ils eurent gagné le rivage & qu'ils furent<br />
fous les armes : il avoit envoyé devant mille chevaux<br />
en tout ; mais Alexandre 9 ayant reconnu & bientôt<br />
méprifé cette poignée de gens s ordonna à Arifton,<br />
qui commandoit la cavalerie péonienne f de les charger<br />
à bride abattue. La cavalerie combattit ce jour-là d'une ,<br />
manière diftinguée $ & principalement Arifton : il porta<br />
iia coup de javeline à la gorge â Satropatc , Généra! de<br />
la cavalerie perfe ; & le poursuivant dans fa fuite à travers<br />
les ennemis, il Se renverfa de fon cheval, &, malgré<br />
fa réfiftance s lui coupa la tête, qu'il apporta glorieufemeat<br />
aux pieds <strong>du</strong> roi.<br />
X. Après avoir campé deux jours en ce lieu 9 le roi<br />
fit fignifier le dé<strong>par</strong>t pour le jour fuivant. Mais vers la<br />
première 'veille de la nuit f la lune s'éclipfant perdit<br />
d'abord l'éclat de fa lumière ; puis elle s'éteignit entièrement<br />
, comme fi elle étoit fouillée & teinte de<br />
fang : & les foldats » déjà inquiets des approches d'une<br />
aâion fi périlleufe > furent pénétrés d'un profond Sentiment<br />
de religion & <strong>par</strong> là même de quelque frayeur.<br />
Ils fe plaignirent qu'on les traînât contre la volonté des<br />
dieux aux extrémités de la terre. Ils ajoutèrent que les<br />
rivières s'oppofoient à leur marche ,. & que les.aftres<br />
leur refufoient leur ancienne clarté ; qu'ils ne trouvoient,<br />
plus que des tjerres dévaftées &, des déferts ; que c'étoit<br />
G iv
151 LIBER IF. CAP. X.'<br />
minis jaBationtm tôt miiiium fanguinem impends :<br />
faflidio effe patriam , abdicari Philippum patrem;<br />
Cœium vanis cogitationibus petL Jampro feditwne<br />
res erat, quum , ad omnia inttrritus 3 <strong>du</strong>ces pr'mcipesque<br />
militum fréquentes adeffe pratorio, œgypfwsque<br />
.vates , quos ccdi ac fiderum peritijjimos<br />
tffe credehat, quidfenûrent expromere jubet. Atilii,<br />
qui fatis [cirent temporum orbes impitre deftinatas<br />
vices, lunamqut deficere quum aut terram fubiret<br />
aut file premeretur *9 rat'mnem quidem ipfis<br />
perceptam non edocent vulms j ceterum affirmant ;<br />
foiem gmcorum, lunam effe perfarum ; quoties Ula<br />
deftciat, ruinam flragemque ittis gentibus portendi :<br />
veteraque exempta percenfent Perfidis regum, quos<br />
adverfis diis pugnaffe haut ofendiffet defeBio. NuMa<br />
res cjfficaciàs multitudinem régit quam fuperftitio ;<br />
aïioqui impotens, fizva , mutabïlh, ubi vanâ religione<br />
capta efl, meliks vatibus quam <strong>du</strong>cibus^ fuis<br />
<strong>par</strong>et : igitur édita in vuigus agyptiorum refponfa<br />
rurfus adfpem & fi<strong>du</strong>ciam erexêre torpentes*<br />
40. Ré.x 5 impetu ammorum uten<strong>du</strong>m ratus, fi*<br />
cunda vigUiâ caftra movit : dextrâ Tigrim habibat 9<br />
fâ lava <strong>mont</strong>es quos Gordaeos vocanL Hoc ingrejfb<br />
iter, fpeculatores qui pramiffi erant, fub hcis<br />
ortum Darium adventare nunciaverunt, InflruBo<br />
* M. de Vaugelas $ ni celui qui a retouché fa tra<strong>du</strong>ction,<br />
n'ont ren<strong>du</strong> ni fait fentir le fens littéral de ce<br />
premeretur ; & cela me <strong>par</strong>olt en effet difficile. Un commentateur<br />
rend ainfi la phrafe : £1 Lunam eclipfim pati<br />
quum vei terra fuhjaeei vei foli fuppmhw•; c'eft fa peufée<br />
qu'il explique plutôt que ceîîe de Q. Curce, encore<br />
les aftronomes trouveront-ils peut-être qu'il auroït dû,<br />
t'iiiv '"onitun J'ai tra<strong>du</strong>it comme s*il y avoît priware^
LIVRE IV. CHAP.X. 153<br />
pour fatisfaire ia vanité d'un feui homme que tant d»<br />
miiiiers d'hommes verfpient leur fang : Ôc qu'il ofoit<br />
dédaigner ia patrie , défavouer fon père Philippe > &<br />
prétendre ridiculement aux honneurs divins. Déjà la"<br />
fédition étoit fur le point d'éclater , lorfqu'AIexahdre ,<br />
qui ne s'épouvantoit • de rien , fit venir dans fa tente<br />
grand nombre de chefs & d'offickrs , & ordonna aux<br />
devins égyptiens , qu'if croyoiî très"-verfés dans la connoiffance<br />
<strong>du</strong> ciel & des aftres , de déclarer ce qu'ils en<br />
penfoient. Eux , qui favoient aflez que les révolutions<br />
des temps rempliflenî exactement les périodes prefcrites,<br />
& que la lune s'édipfe quand elle eft cachée <strong>par</strong> la<br />
terre ou privée '<strong>du</strong> foleii, faos vouloir divulguer leur<br />
fciçnce ? attirèrent d'ailleurs , que le foleii étoit pour<br />
les. grecs , & îa lune pour les perfes ; & que toutes les<br />
fois que celle-ci s'éclipfoit, c'étoit pour ces peuples le<br />
préfage de quelque calamité, lîs citèrent là-deflus d'anciens<br />
exemples de rois de Perfe , qui avoient eu les<br />
dieux contre eux dans des batailles félon le préfage de<br />
quelque éclipfe de lune.. Rien de plus efficace pour<br />
mener la multitude que la fuperftition ; d'ailleurs emportée<br />
, impétueufe, inconftante , dès qu'elle eft préoccupée<br />
d'une vaine image de religion , elle obéit bien<br />
mieux à des devins qu'à fes chefs : auffi les réponfes<br />
des égyptiens s ayant été répan<strong>du</strong>es <strong>par</strong>mi les troupes ,<br />
ramenèrent Fefpoir & ia confiance" dans les cœurs<br />
abattus.<br />
40. Le roi, croyant devoir profiter de cette fermentation<br />
des efprits x décampa à ia féconde veille : il avoit<br />
à fa droite le Tigre, & à fa gauche les <strong>mont</strong>agnes qu'on<br />
appelle G&rdéennes. Quand il fut en marche , les coureurs<br />
qu'il avoit dépêchés en avant, rapportèrent au<br />
point <strong>du</strong> jour que Darius approcboit. Ayant donc prê<br />
ter , que je n'ai pourtant pas ofé mettre dans ie texte,<br />
mais qui probablement doit J être : je m'en rapporte<br />
aux gens de lettres* - •<br />
G ¥
154 LIBER IF. CAP. X.'<br />
igitur mMke &• compofite agmine , antetedebat<br />
Sid perfumm exphratorts erant mtlîe ferme 3 qui<br />
fpeckm agminis mapû ftcerant; quippe ubi cxplorari<br />
vera non pojfunt , falfa per metum augentun<br />
His cognitis, rex , cum paucis fuorum affiquutus<br />
agmen refugientium ad fuos , ' allas cecidit,<br />
alios cepk ; eqmtefqwe pmmïfit $ Jimul fpectdatum<br />
, Jimul M ignem qw barbari cremave*<br />
rant vicos extmmerent : quippe fupenm mptim<br />
teBis acervifque jmmenti mjecerant flammas, quwf<br />
quum in fummo hœfiffent, ad mferiora non<strong>du</strong>m<br />
pcnetraverant. ExtinBo igitur igné'9 phtrimum frumenti<br />
repertum eft ; copia aliarum quoque rerum<br />
abundare cœpenmt. Ea res ipfa militi ad pcrjèquen<strong>du</strong>m<br />
koftem animum incendit ; quippe urente<br />
& popularité eo terram » fejlinan<strong>du</strong>m erat , ne incendie<br />
amBa pmriperet : m radonem êrgo necejjitas<br />
ver fa ; quippe Ma\mu$ 3 qm antea per otmm<br />
vicos incenderat9 jam Jùgere conunms , pleraqm<br />
mw'wiam hofii reliquk. Alexander haud longiàs<br />
centum quinquagmta ftadiis Darimm abeffi cêmpe*<br />
rerat ; itaque ad fatietatem quoque copia commtatuum<br />
inflruBus 9 quatri<strong>du</strong>o in eodem loco fubjlitit.<br />
41. Intercepta demde J}am litera fum9 quibus<br />
grmci milites folicitakantur m regem inurfi+<br />
cerent oui pmdertM ; <strong>du</strong>bkavitque an cas pro couc'wne<br />
récitant , faêis ç&nfifus grac&rum qwoque<br />
erga fe benevolentia ac fidei. Sed Parmemo détenait<br />
; non ejfe tallbus promijps imbuendas mires<br />
militum , patere vel unîus injidiis regem, nihil<br />
nefqs e£e ayarUM, $equutus cenjuii auBo-
LIVRE IK CMA-P.'X. t^<br />
|nré le foldat & rangé l'armée en-bataille, it fe mit'à<br />
la tête. Mais c'étoient environ- mille coureurs perfes<br />
qui alloient à la découverte, & qu'on avoit pris pouf<br />
en corps d'armée ; la crainte ayant coutume
i$6 'LIBER IF. CAP. X.<br />
rems caftra movit. lier- faciemi fpadù urms ese<br />
captivis qui Darii uxorem camitabantur r deficere<br />
eam nunciat & vix fpiritum <strong>du</strong>cere : itineris con~<br />
tinui iabore animique mgritudim fatimta, inter<br />
focrâs & virginum filiarum manus coïlapfa erat 9<br />
de'mde & extinËa ; id ipfum nuncians alius fur<br />
'pervertît. Et rex , haud fecus quam fi <strong>par</strong>eniis.<br />
fua mors nunciata effet, crebros edidit gemitus ;<br />
lacrimifque obortis quaks Darius profudiffet % m<br />
idhetima<strong>du</strong>m. 'm quo mater erat Darii defunBo<br />
ajfidens , corpori vemt* Hic vero rermvatus eft<br />
mœror, ut proftratam humi vidit. Recenti mah<br />
priorum quoque admoràta , feceperat in gremium<br />
a<strong>du</strong>ltas ^virgines.; magna quîdem mutui doioris<br />
folatia , fed qu'eus ipfa deberet ejfe folatio ; in<br />
'confpe&u erat nepos <strong>par</strong>vulus , ob id ipfum mife»<br />
rabais , quod non<strong>du</strong>m fentîebat calamitatem maximd<br />
ex <strong>par</strong>te ad ipfum re<strong>du</strong>ndantem. Crederes Aiexandrum<br />
t inter fuas mcejfttudims flere, & folar<br />
tia non adhibere fed quœrere* Cibo certè abftmmt9<br />
Qmnemque honorem funeri, patrio perfarum • more ,<br />
fervavit ; dignus, Hercule ! qui mmc quoque tan-*<br />
mm manfuetudinis & continentim ferat fru&um,<br />
Semel omnino eam • viderat, quo die capta eft ;<br />
. nec ut ipfam3 fed- *ut Darii matrem vider et ; exim'mmque<br />
pulchritudinem forma ejus non libidims<br />
habmrat incitamentum, fed gloriœ*<br />
" 44. E fpadonibus qui cirta regmam erant'l<br />
Tyriotes, inter trepidaûonem lugentium, elapfu _
LIVRE IF. CMâP. X. 157<br />
décampa. Pendant la marche t un-des eunuques prisonniers<br />
qui accompagnoient la femme de Darius , vint<br />
lui dire qu'elle étoit à l'extrémité & qu'à peine lui<br />
reftoit-ii un (buffle de vie : accablée <strong>par</strong> la fatigue<br />
d'une marche continuelle & <strong>par</strong> fes peines d'efprit 9<br />
elle étoit tombée de foibîeffe entre les bras de îa reine<br />
fa belle-mère & des jeunes princeffes fes filles, & y<br />
étoit morte bientôt après ; & c'eû" ce que vint ap-«<br />
prendre ua autre envoyé qui furvint. Auflitôt le roi<br />
en gémit 9 comme fi on lui eût annoncé la mort de fa<br />
mère ; & les larmes lui étant venues aux- ieux comme<br />
elles feroient venues à Darius , il fe rendit à la tente<br />
où étoit la mf re de ce prince aflîfe auprès <strong>du</strong> corps.<br />
Dans ce moment toute fa douleur fe renouvela, quand<br />
il vit cette vénérable princeffe aflîfe <strong>par</strong> terre. Son dernier<br />
malheur renouvelant dans fon ame toute l'amertume<br />
des premiers , elle tenoit fur fon fein les princeffes<br />
à la fleur de leur âge ; & elles étoient véritablement<br />
propres â adoucir fon affliâien qu'elles <strong>par</strong>tageoient,<br />
mais elle auroit dû être elle-même leur confolation :<br />
elle voyoit devant elle fon petit-fils , jeune enfant d'autant<br />
plus à plaindre , qu'il ne fentoit pas encore Finfortune<br />
dont le plus grand poids retomboit fur lui. On<br />
auroit dit qu'Alexandre pleuroit au milieu de (es plus<br />
chers amis > & qu'il y étoit, non pour y apporter de<br />
la confolation , mais pour y en trouver. Il ne prit en<br />
effet aucune nourriture , & fit rendre à la reine tous<br />
les honneurs convenables dans fes funérailles , qui furent<br />
faites' à la manière des perfes ; prince véritablement<br />
digne en'cela dejouïr encore au jourdhui <strong>du</strong> fruit<br />
de fa bonté & de fa coatinence» 11 n'avoit vu la reine<br />
- qu'une fois , le jour qu'elle fut prife ; ce ne fut pasmême<br />
à elle , ce fut à la mère de Darius qu'il fit vifite t<br />
& l'excellente beauté de cette princeffe , loin de lé<br />
porter à la volupté , ne fut pour lui qu'une nouvelle<br />
matière de gloire.<br />
42. Tyriotès , l'un des eunuques de la fuite de îa rein©,<br />
tandis qu'on fe livroit à l'affliftion » s'étant échappé <strong>par</strong>
158 LIMER IF. CAP. XJ<br />
per eam portant quœ 9 quia ah kofte averfa erat,<br />
levîks cuftodiebatur , ad ' Darii caftra pervenit ;<br />
txceptufque à vigilibus', in tabemacuium régis<br />
ptrdmitur, gemtns & vefti laceratâ. Quem ut<br />
confpexit- Dariuss mutipUci exJpeBatiom commor<br />
tus, & qmd potijftmum tmeret imertus : Vukus<br />
tuus, inqmit , nefcio cjuod iiîgetis malus» praefert<br />
; fed cave nuferi hominis anribu» pafcas :<br />
didicï enifft effe mfelix ; & fcpe calamitatis fblatium<br />
eft 9 noffe fortem fiiam. Nûm, qaod maximè<br />
fufpicor & loqui timeo , ludibiia meoroni<br />
nunciatiiras es, mihi & 9 ut credo , ipfis quoqiie<br />
omni graviora fupplicio ? Ad hmc Tyriotes,<br />
lftud qiîidem procul abeft, inquit ; quantufciunque<br />
enim regirns honor ab iis qoi <strong>par</strong>ent haberi<br />
poteft 9 tais à viâore ferrâtes eft : fed uxor tua<br />
paulo ante exceflit è vitâ. Tum vero., nom gtwmm<br />
modo , fed etiam ejulatus totis caftrh exmdie*<br />
bantur ; net <strong>du</strong>bitavit Darius quin imerfiêa effet,<br />
quia nequijfet contumeliam pati ; excîanmtque<br />
amens dolore : Quod ego tantom nefas cornmifi<br />
5 Alexander, quem tuorum propiûquoram<br />
necavi r ut banc vlcem isevitîae meae reddas ?<br />
Odifti me, non quidem provocatus : fed fîege<br />
juftutn intuliffe te bellum ; cum feminis ergo<br />
agere débuteras ? Tyriotes affirmare per deos <strong>par</strong>.<br />
trios, nihil in eam gravies tffi c@nfidtmm ; inge*><br />
mmffe etiam Alexandnm wwrù , & nûm <strong>par</strong>ciiis<br />
ftevijfè quam ipfe lacrimaretur, Ob hmc ipfa<br />
a/nantis amimus in folicimdinem fufmciomemqut<br />
revolutus eft, defiêerium captiva profe&o à tonfuetudine<br />
ftupri ortum ejfe conjeBans. Submotis<br />
igitur arbitris , uno <strong>du</strong>ntaxat Tyriote retento,
LIVRE IV. CuAf. X 159<br />
la porté h moins gardée comme oppofêe 'au côté de<br />
l'ennemi, fe rendît au camp de Darius ; & ayant été arrêté<br />
<strong>par</strong> les gardes , il fut mené , fondant en larmes &<br />
déchirant fa robe, à îa tente <strong>du</strong> roi. Dès que Darius<br />
l'apperçut f ce prince f faifi tout à coup de mille apprélienfions,<br />
fans favoir ce qu'il devoit cramdre îe plus :<br />
Ton air, lui dît-il, m 9 annonce quelque grand malheur que<br />
j'ignore ; mais garde-toi de rien déguifer <strong>par</strong> considération,<br />
pour mon infortune : car j 9 ai appris â être malkeu~<br />
rtux ; & fiuvemt c*eft une confolaùon dans Fadverfité ,<br />
que de conmoître toute fi dtfimée, Viem-tu , ainfi qutje<br />
le foupçorme & que jt §rsms de le dire , m f apprendre que<br />
les perfinncs de ma famille ayent été expofées à des indignités<br />
| plus outrageantes pour moi &fans doute pour ellesmêmes<br />
que tous les fupplices <strong>du</strong> monde ? Bien loin de là ,<br />
répond Tyryotès; tout ce que des fujets peuvent rendre<br />
A honneur â leurs reines , a été ren<strong>du</strong> <strong>par</strong> le vainqueur<br />
aux perfonnes de votre fang : mais votre époufe vient de<br />
mourir. Alors tout le camp retentit, non de fîmpîes gémiffements<br />
, mais de cris épouvantables : Darius ne douta<br />
point qu'on ne lui eût ôté la.vie, <strong>par</strong>ce qu'elle n'avoit<br />
pas voulu confentir à être déshonorée ; & il s'écria<br />
dans le défefpoir de fa douleur : Quel fi grand crime<br />
ai-je commis, Alexandre $ â qui des tiens ai-je ôté la vie ,<br />
pour te porter <strong>par</strong> ma cruauté à une vengeance fi cruelle ?<br />
Tum'as pris en haine fansfujet : mais en fuppofant à la<br />
guerre qm tu me fais toute la juftice poffible , devois~tu<br />
t'sn prendre a des femmes ? Là-deflus Tyriotès jure <strong>par</strong><br />
les dieux <strong>du</strong> pays , qu'il n'avoit été fait à îa reine aucune<br />
infulte ; qu'Alexandre avoit <strong>par</strong>eillement été touché<br />
de fa morts & qu'il rfavoit pas verfé moins de larmes<br />
que Darius lui-même. Ces ferments f faits à un mari<br />
éperdûment amoureux, firent naître dans' fon âme,<br />
à la place de fes premières penfées, des idées de jaloufie<br />
& des foupçons; & il conjeâura que tant de regrets<br />
fur la mort d'une captive n'avoient leur fource<br />
que dans une familiarité criminelle. Ayant donc fait<br />
fortir tous les témoins , & ne retenant que Tyriotèt,
160 LIBER IV- CAP, XL<br />
jam non flèns * fed fufpirdns : • Viéefne in te "f<br />
Tyriote, locum menàacio non effe ? Tormeiîta<br />
jam hic étant; fed ne exfpeâaveris , per deos,<br />
fi quid tui tibi régis reverentiae eft : num quod &<br />
icire exfpeclo & quserere pudet aufus eft , & dominus<br />
& juvenis ? Ille quœftioni corpus offerrt,<br />
deos teftes ïnvocart cafte fan&eque habltam effe<br />
reginam. Tandem, -ut fides JaBa eft. vera effe qm<br />
affirmant. Jpado 9 capite velato .dm ftevk ; manamùbufqut<br />
adhuc iacrimis , vefte ab me rejeSâs ad<br />
cœlum manus tendens : Dii patrli, înquit, primum<br />
mini fiabilité regnum ; deinde, fi de me jam<br />
tranfaôum eft, precor ne quis potîùs Àfiae rex<br />
fit quam ifte, tam juftus hoftis , tam mîferkors<br />
Tiftor,<br />
XI. Itaque 9 quamquam , pace fruftra hîspetita9<br />
omnia in belïum conJÙia convtrterat ; vi&us tamen<br />
conûmnùâ hoftis, ad novas pacis conditiones ferendas<br />
dectm Ugatos cognatorum principes miftt :<br />
quos Alexander , Confilio advocato , imtro<strong>du</strong>ci<br />
juffïu E quibus maximus natu ; Darium , inqmt^<br />
ut pacem à te jam hoc tertio peteret nulla vis<br />
fubegit ; fed juftitk & continentia expreffit. Maîrem<br />
, conjugem , liberofque ejns , nifi quod<br />
fine illo funt, captos efTe non fenfit ; pudicitûe<br />
earum quse fuperfunt curam haud feras quam<br />
<strong>par</strong>ens agens , Reginas appelîas ;• Ipeciem priftinae<br />
fortunae retinere pateris, Yultum tuum<br />
video, qualis Darii fuit quum dimitteremur ab<br />
eo : & ille tamen uxorem , tu hoftem luges ;<br />
jam in aeie^ftares, nifi cura te fepukur» ejus'mo-
LIVRE IF. CM A p. XL 161<br />
Il lui dit f non pks en répandant des larmes, mais ea<br />
foiipirant : Vois-tu bien , Tynotes , qu'il ne t'eft pas<br />
permis de m 9 en impofer ? Les tourments font ici tout prêts;<br />
mais m'attends pas jufques-ïà s je t s en conjure <strong>par</strong> les<br />
dieux, s 9 il te refte quelque refpeci pour ten roi : Alexan»<br />
dre , abufant de fort pouvoir & emporté <strong>par</strong> le feu de la<br />
jeuneffe , n 9 a-t-il pas ofé ce que je m 9 attends a apprendre<br />
& que j*aihonte de demander? L'eunuque s'offre luimême<br />
aux tortures, & prend les dieux à témoin que<br />
le vainqueur n'eft jamais forîi s à l'égard de la reine ,<br />
des bornes de l'honnêteté & <strong>du</strong> refpelt. En|in, îorfque<br />
Darius fut perfuadé de îa vérité des ferments de l'eunuque<br />
, il fe voila îa tête & pleura long temps ; puis<br />
les larmes encore aux ieux , rejetant fa robe de deffus<br />
fon vifage & tendant les mains au ciel ; Dieux de ma<br />
patrie , s'écria-t-iî , je vous demande premièrement de<br />
m f affermir fur mon trône ; mais en fuite , s'il efl décidé<br />
de moi autrement j ne permette^ pas, je vous prie , que<br />
Vempire de VAfie tombe en Vautres mains qm 9 en celles<br />
de ce prince , ennemi fi jufte $ &'vainqueur fi fenfible à<br />
la pitié,<br />
XL Quoique Darius, après avoir demandé deux fois<br />
la paix fans fuccès f eût tourné toutes fes penfées <strong>du</strong><br />
côté de la guerre ; gagné toutefois <strong>par</strong> la modération<br />
de fon ennemi, H lui envoya en ambaffade dix des principaux<br />
de fes <strong>par</strong>ents pour lui propofer de nouvelles<br />
conditions de paix : & Alexandre , ayant affemblé fon<br />
Confeiî, les fit entrer. Aucune néceffité% dit alors le plus<br />
ancien d'entre eux, n*a forcé Darius à vous demander aujourdhui<br />
la paix pour la troifième fois ; mais votre juftice<br />
& votre modération Vy ont déterminé. Il n'afemti la cap il»<br />
vite de fa mère, de fa femme, de fes enfants , ' que <strong>par</strong> leur<br />
abftnce; auffi attentif qu'un père à l f honneur des princeffti<br />
qùfurvivent, vous hurdonne\ le nom de Reines *, vous leur<br />
'laljfex l 9 ap<strong>par</strong>eil de leur ancienne fortune. Je vois fur votre<br />
vifage , ce que nous vîmes fur celui de Darius quand<br />
nous prîmes congé de lui : & toutefois c 9 efi une époufe qu'il,<br />
pleure, & reus ne phwê\ qu'une ennemie j VQMS ferie^
i6% LIBER IF. CAP. XL<br />
raretor. Et qeid mirom eft fi. tam aB Mmcm<br />
animo pacem petit? ouid opos eft armis inter<br />
qoos odia fiiblata fiint r Antea imperio tuo deftinabat<br />
Halyn amnem, qui Lydiam terminât ;<br />
noue » cpâdquid inter Hellefpontum & Euphraten<br />
eft in dotera filiaejoffert, qoam tibi tradit : Ochum<br />
fiUum » quem habes , pacis & fidei obfidem rétine ;<br />
matrem & <strong>du</strong>ms Yirgines fîlias redde, pro tribus<br />
corporibus triginta millia talentûm aori precatur<br />
accipias. {Kfi moderationem animi toi notant haberem<br />
; non dicerem hoc effe tempos qoo pacem ,<br />
non dare fokm , fèd etiam occo<strong>par</strong>e deberes. Ret<br />
pice. qoantum poft te reliqoeris ; intuere quantum<br />
petas ! Periculofiim eft pragraye Imperium ;<br />
difficile eft eontinere qood capefe non pofEs r<br />
vide&e ot navigia qu* modom excédant régi<br />
nequeant ? Nefcio an Dartos ideo tam moka<br />
amiferit 9 qoia nimiae opes magna jaôora locumv<br />
faciunt. Facilios eft quaedam vincere craam taeri r<br />
qnam Hercole ! expeditîus inaniîs noftrae rapiont<br />
quara continent ! Ipfa. mors uxoris Darii te admonere<br />
poteft, minus jara mifericordi« tiue Hcere<br />
quam Ecuit<br />
44. Akxanâer , iegatls excedère iaBemaeufa<br />
juffis p quidplacent adCon/iluim refert. Diunem®<br />
quid fcndrct. aufus eft dicere, incertd régis vokmrtaie.<br />
Tandem Psrmenm anse fuaftffe ah „ m captivas<br />
apud Damafium redkmM'éus redderei; |«gentem-<br />
pecumam pottdffi redigï ex us ». qui multi<br />
vînËï viromm firtium occupavirant manus : &<br />
nunc magmpere ctnfere, ut umm anum & <strong>du</strong>os
LIVRE IF. CHAP. XL 16}<br />
déjà prit à en venir aux mains , fi U foin, de fes funkail-<br />
' ks ne retardait votre marche» Quelle merveille donc qu'il<br />
demande la paix à un prince qui <strong>mont</strong>re tant de bienveillance<br />
? qu 'eft-il befoin de guerre , quand il n'y a plus 4*<br />
rejfmtiment ? Autrefois il affignok pour bornes à vôtre-<br />
Empire h fleuve Halys, qui limite la Lydie ; aujourdhui ,<br />
tout ce qui eft entre l'MeUefpont & VEuphrau 9 U voug<br />
l'offre comme dot de fa fille, qu'il vous donne en mariage<br />
: fin fils Qchms §fi entre vos mains 9 garderie corn»<br />
me un gage de la paix & 2e fa foi ; mais rmde\~kdfa mère<br />
&fes deux filles % & il vous prie d'accepter pour leur rnn»<br />
çon trente-mille talents d'or. Si je m conaoiftbis toute votre<br />
fageffe ; je ne vous dirois pas qui voici pour vmus Je moment<br />
, non feulement d'accorder la paix » mou mime delà<br />
rechercher, Confidére\ quelle éten<strong>du</strong>e vous nve\ laifféê<br />
derrière vous ; examine^ quelle éten<strong>du</strong>e vous «i| à con~<br />
quérir ! Ç'eft un fardeau dangereux , qu'un Empire trop<br />
grand ; & il eft difficile de contenir ce qu'en ne peut emêsaffer<br />
: ne voyt^vous pas comme U eft impoffibk de gou~<br />
verner les navires d*me grandetw- dèmefurée f Je ne fais<br />
mimé fi ks grandes pertes qu'a fasses Darius , ne- viennent<br />
fas de ce qu'un* trop grande puiffance donné Heu â de<br />
grands malheur-j. Il y m. des eh&fes qu'il eft plus aifi<br />
d'emporter de force que de ks défendre : §h ! apec combien<br />
plus de facilité nos mains peuvent faifir que retenir ! La<br />
mort mime de l'époufe de Darius'eft bien propre à vous<br />
faire apptreevoir , que votre démence ne peut plus ce qu'elle<br />
a pu»<br />
44. Alexandre, ayant fait fortir ies ambafladeurs de<br />
fa tenf ? demanda au Confeil ce qu'il jugeoit à propos»<br />
On fut long temps fans que perfonne osât dire ce qu*il<br />
penfoit 9 <strong>par</strong>ce qu f on ne favait quelle étoit II ut* 11 ti on<br />
ém TQ\. Enfin Par ménïon dit , qu'autrefois fon mis avoît<br />
été qut le roi rendit les prifonniers t lorfqu'en vouloit<br />
les racheter près de Damas 5 & qu'on auroit pu tirer<br />
alors une fomme immenfe de cette multitude de captifs»<br />
dont la garde occupoit d*ailîeurs beaucoup de bnves<br />
gens : que <strong>par</strong>eillement il étoit encore d'avis que le
164 'LIBER IV. CAP. XL<br />
puellas , k'merum agminumque impedimenta , tnr<br />
ginta millibus talentis auri permutet : opimum<br />
regnum occu<strong>par</strong>i pojfe condition* , non bello ; nec<br />
quemquam alium inter IJirum & Euphraten 'pojfedijfe<br />
terras ingenti [patio intervalloque difcretas :<br />
Macedoniam quoque refpiceret potiàs , quant Battra<br />
& indos intueretun Ingrata oratio régi fuit;<br />
Jaque, ut finem dicendi fecit , Et ego , inquit,<br />
peciiniam quam gloriam mallem , fi Parmenio<br />
effem : nunc , AJexander, de paupertate fecurus<br />
fum ; & me non mercatorem memini effe,<br />
fed regem : nihil quidem liabeo vénale ; fed<br />
fortunam meam utîque non vendo. Captivos fi<br />
placet reddî , honeftiùs dono dabimus quam<br />
pretio remittemus.<br />
45. Intro<strong>du</strong>its deinde îegaûs ai hune mo<strong>du</strong>m<br />
te [pondit : Nunciate Dario, me, qua» fecerim<br />
clementer & liberaliter , non amicitiae ejus tri-<br />
-buiiTe, fed naturae meae. BeUom cum captivis<br />
& feminis gerere non foleo ; armatus fit oportet<br />
quem oderïm. Quod fi faltem pacem boni<br />
fide peteret, deliberarem forfitan an darem :<br />
verum enim vero , quum modo milites meos<br />
literis ad proditionem, modo amicos adperniciem<br />
meam pecuniâ folkitet; ad intemecionem<br />
mthi perfequen<strong>du</strong>s eft , non ut juftus hoftis , fed<br />
ut pereuffor veneficus. Conditiones vero pacis<br />
quas fertis fi accepero , viâorëm eum .{kcnint<br />
Quse poft Euphraten funt liberaliter donat : uM<br />
igitur me affamini ? nempe ultra Euphraten fiim ;<br />
fummum ergo dotis quam promittit terminum<br />
caftra mea tranfeunt : hinc me depellite , ut<br />
feiam Yeftram effe quod ceditis. Eâdem libéra-
LIVRE IV. CHâP. XL 165<br />
roi acceptât trente-mille talents cFor pour une vieille<br />
femme & deux jeunes filles , qui après tout ne fefoieiît<br />
que retarder les marches & embarraffer l'armée : qu'il<br />
pouvoit acquérir un royaume très-puiffani <strong>par</strong> un traité s<br />
fans coup férir; & que perfonne avant lui n'avoit poffédé<br />
ces terres fi éloignées les unes des'autres , comprifes<br />
entre le Danube & l'Euphrate : qu'il lui eonfeilloît<br />
de tourner fes regards Y-ers la Macédoine , plu*<br />
tôt que de penfer à la Baôriane & aux indiens. Ce discours<br />
déplut au roi ; c'e&pourquoi, -dès que Parménion<br />
eut fini, Et moi aujji s dit-il* j'aimerois mieum l'argent<br />
que la gloire , fi 'fètois Parménion z aujourd'hui ^ étant<br />
Alexandre, je ne crains pas la pauvreté; & je ne perds pas<br />
de vue que je fuis roi t & non pas marchand : je n'ai rien a<br />
vendre fans doute ; mais à coup fur 9 ma fortune moins<br />
que tout le refte. Si Von juge À propos de rendre ks.pri~<br />
fonniers , il fera bien plus honnête que nous les donnions<br />
m pur don que de les renvoyer à prix d'argent.<br />
45. Ayant enfuite fait rentrer les-ambaflkdeurs, il<br />
leur fit cette réponfe : Dites à Darius t que, fi j'ai ufé de<br />
clémence & de générofité , j'ai préten<strong>du</strong> s non rechercher<br />
fon amitié\ mais fuivre mon inclination naturelle* le n'ai<br />
pas coutume défaire la guerre aux prifonniers ni aux femmes<br />
; il faut être armé pour provoquer ma vengeance. Si<br />
c f étoit <strong>du</strong> moins de bonne foi que votre maître me demandât<br />
la paix s je mzttrois peut-être en délibération fi je<br />
âevwis la lui donner : mais puifqu'il cherche à engager <strong>par</strong><br />
argent, tantôt mesfoldats à me trahir > tantôt ma amis<br />
à me tuer ; je dois le pourfuivre à outrance, non comme um<br />
ennemi jufte, mais comme un affajfin & un empoifonneurm<br />
Quant aux conditions de paix que vous êtes chargés de •<br />
me fropvftr, fi je les accepte, elles lui afférent les avantages<br />
de la vï&oire. Il m'abandonne génèreufement tout ce<br />
quleft de Vautre cSté de l'Euphrate : ou donc me <strong>par</strong>ler<br />
vous.? vous.voye\ que je fuis au "delà de ce fleuve ; mon<br />
camp a' donc déjà franchi les dernières bornes de la dot<br />
qu'il me promet •; commence\ <strong>par</strong> nie chaffer 'd'ici , pour<br />
meperfuàier que te que vous me cide^ eft à vous. Cejt
t66 LiBË-k IV. CAP. XII.<br />
litâte dat mihi filiam fiiam-, nempe 'quant fcît<br />
alicuï fervomm fiiorum niipturam : multum vero<br />
mihi praftat-, fi me Mazaeo generUm praeponit !<br />
ïte, nunciate régi Teftro f & qua amifit & quae<br />
adhuc habet prsemia effe beÎM; hoc régente»<br />
vtriufque termines regni id quemqne habittironi »<br />
qaod proxim» lucis affigaatorafortona eft. Legari<br />
refpondent} quum hdlum "mmûmofit, facere eum<br />
fimplieber quod fpe pacis mm fruftrantur : if/os<br />
petere, quamprimum dimittamur ad regem ; eum<br />
qwque btllum <strong>par</strong>are debere. Dimijfi • nunciani<br />
sdejfe ccrtametu<br />
XEL Me qtâdem confeftim Ma{mum eum trïhus<br />
miilibus equilum , ad binera qua ho fils peiburus'<br />
irai Qtcupanda » pmmift* Akxmdtr , corpori<br />
uxoris ejus jufiis perjohms, emmfie ^raviort comitatu<br />
intra eadem mummema cmm modico prcefiéio<br />
reliSo, ad koftem côntendit. In <strong>du</strong>o cormm<br />
diviferat pedîtem, in utrumqut lotus équité circum-<br />
-dam ; impedimenta fequeèantur agmen. Prœmiffitm<br />
deinde conclus equhibus Menidam jubetexphrare<br />
uhi Daims effet : st "dk t quum Maym kiwi<br />
procui confedijfet 9 non au/m ultra procé<strong>du</strong>re %<br />
mhil dmd quam feemitem komimm Mmutumque<br />
^quorum exauSffe mmctM. Âiofaus ftoque 3 cmf*<br />
pe&k prcad emplommrifm § M t-êfim fi reeipk,<br />
sdvemûs koftmm Mtttckts. - JJjtlirr Darius , qui<br />
'ht patentons etmpis éttemtre optaiat 9 amuai<br />
mlïtem jîêêtàliêmqm Sfponit. Id fàvè cémuèa&riani<br />
ibani équités , fmtie • adtm<strong>du</strong>m * daâa<br />
totidem, & arachojiï fùjuque quatuor mifEa ex~ •<br />
plebant ; hos quvupmghàa jakati cmrus fiquc-_
LIVRE 4F. CMJP. XII. 167<br />
iMC la mime Uèimiiêé qm*il me dœmê fa fille en maris*<br />
|g, quoiqu'il fmcht que c 9 ej§ un <strong>par</strong>ti defimd à quelqu'un,<br />
kfes efclmves : en vérité il me fait beaucoup d'honneur 9<br />
k me préfértr à Maiée pour être fon gendre ! AU*- f dites<br />
m mi v&tre maître, que ce qu 9 il a per<strong>du</strong> & ce qui lui<br />
nfie efi le prix de la guerre ; que, Jelon te qu'elle en dé»<br />
î68 LIBER IF. CAP. XIL<br />
bantur : proximus quadrigk trot Beffus f cum<br />
. ofto millibus equitum item baBrianis ; maffageta<br />
<strong>du</strong>o'bus mïlïïbus agmen ejus claudebant. Pédites ha<br />
pïurium gentium , non mixtas, fêd fuœ quifque<br />
nationis, junxerant copias. Perfas deinde 'cum<br />
mardis fogdianifque Ariobar^anes & Orobates <strong>du</strong>cebant<br />
: iïli, <strong>par</strong>tïbus copiarum ; fumma Orfincs<br />
pmerat , a feptem perfis ©riun<strong>du</strong>s , ad Cyrum<br />
•quoque nobilijjïmum regem omginem fui referens*<br />
Hos aluz gentes, ne Jbciis qu'idem fatis nom ,<br />
'fequebantur : pofl quàs quinquaginta quadrigas<br />
Paradâtes magno cafpianorum agmine antecede*<br />
bat; indi ceterique rubri maris accola,, nomina<br />
verihs quant auxilia, pofl çurrus erant. Claude*<br />
jatur hoc agmen aliis falcaùs curribus quinquaginta<br />
, qufbus peregrinum militent adjunxerat»<br />
.Hune 9 armenii quos minores vocant ; armenios ,<br />
•babyhnii ; utmfque $ belim & qui. <strong>mont</strong>es cojpco-<br />
•rum incolebant, fequebantur : pofl hos ibant gortua^<br />
gémis quidem euboïcœ , medos quondam<br />
fequuti, fed jam dégénères &-patrii moris ignari ;<br />
applicuerat his phrygas & cataonas : <strong>par</strong>thorum<br />
deinde gens, incolentium terras quas nunc pjrtki<br />
'Scyth'm profeBi temnt9 cïaudebant agmen. Hœc<br />
finiflri cornu aàes fuit.<br />
47. Dextrum tenebat natio majorîs Armenia 9<br />
ca<strong>du</strong>fiique , cappadoces , & fyri-$ & medi ;<br />
-his quoque falcati currus erant quinquaginta. Sum-<br />
'ma totius txercitûs, équités quadraginta quinque<br />
'miUia 9 m pedeflris acies 9 <strong>du</strong>centa niillia expiever<br />
au Hoc modo inflruMi decem fladia • proce<strong>du</strong>nt<br />
; juffique fubfiftere, armati hoftem exfpect.ibanu<br />
Alexandri exercitum pavor ' cujus caufa<br />
Beffu;
LIVRE IF. CHAP. XII 169<br />
Beflus s avec huit-mille chevaux aufli baclriens ; & deuxmille<br />
maffagètes fermoient la marche de ce corps. A<br />
cette cavalerie étoit jointe l'infanterie de plufieurs nations<br />
, non confon<strong>du</strong>es enfemble , mais chacune à <strong>par</strong>t.<br />
Les perfes enfuite avec les mardes & les fogdiens marchoient<br />
fous la con<strong>du</strong>ite cPAriobarzanes & d'Orobates :<br />
ils commandoient chacun une divifion s & le commandant<br />
général étoit Orfînes , iffu de l'un des fept perfes<br />
, & rapportant même fon origine à Cyrus le plus<br />
diftingué des rois. Enfuite venoient d'autres nations ,<br />
affes peu connues de leurs aillés mêmes : puis cincjuante<br />
quadriges , précédés <strong>par</strong> Phradates à la tête,<br />
d'un corps confidérabie de cafpiens ; & à la fuite deschars<br />
s étoient les indiens & les autres habitants des».<br />
# bords de la mer rouge , plus véritablement propres,<br />
à faire nombre qu'à être d'aucun fecours. Derrière ce<br />
corps étoient cinquante autres chariots armés de faulx *<br />
accompagnés des troupes étrangères. Elles étoient<br />
fuivies <strong>par</strong> les foldats de l'Arménie mineure j les arméniens<br />
, <strong>par</strong> les babyloniens ; les uns & les autres , <strong>par</strong><br />
les béîites & ceux qui habitent les <strong>mont</strong>agnes des cofféens<br />
: après eux marchoient les gortues, véritablement<br />
originaires de l'Eubée, qui fuivirent autrefois<br />
les mèdes , mais alors abâtardis & ne tenant plus rien<br />
des ufages de leurs ancêtres ; ils étoient foutenus <strong>par</strong><br />
les phrygiens, ck les cataons : enfin à la queue de tou- .<br />
tes ces troupes étoient les <strong>par</strong>thes , habitants des pays<br />
aujourdhui occupés <strong>par</strong> les <strong>par</strong>thes modernes venus de<br />
la Scythïe. Telle étoit l'ordonnance de l'aîle gauche.<br />
47. La droite étoit compofée des troupes de l'Arménie<br />
majeure f des ca<strong>du</strong>fiens, des cappadociens , des<br />
fyriens , & des mèdes ; ceux-ci avoient aufli cinquante<br />
chariots armés de faulx. L'armée <strong>mont</strong>oit en total à<br />
quarante-cinq mille hommes de cavalerie , & deuxcent-'mille<br />
d'infanterie. Rangés- comme on vient de<br />
dire, ils s'avancèrent de dix ftades 1 puis , ayant eu<br />
ordre de faire halte j ils attendirent l'ennemi fous les '<br />
armes. Quant à l'armée d'Alexandre , elle fut faifie<br />
Tome L H
170 ' LIBER IV. CAP. XII.<br />
nom fuberaf invafit ; quippe lymphati trepidare<br />
cmperum ; • omnium peBora occiâto meta perçut»<br />
rente* Codi fidgor, tempore mftivo ardenti fimiUs<br />
inurnitens , ignis prœbuit fpeciem ; fiamnmsque<br />
ex Dont cafiris fpîendere 9 velut illati temerhpmfidiis,<br />
credebanL Quodfi perculfis Ma^zus , qui<br />
pmfidebat kineri 9 fuperveniffet , îngens clades<br />
accipi potuiî : ÏÏk Jegnis m tô quem occupœverat<br />
tumulo fedet 9 contenais non lace£i. Akxander*<br />
cognko pavore extrcitûs , fignum ut confifterent<br />
dari , ipfos arma deponere ac • kvare corpora<br />
juéit; admonens mâlamfubki caufam effe tîmêrïs ,<br />
èoftem procul ftare* Tandem compotes fuiâ <strong>par</strong>iât<br />
arma & animos ncepêre ; me quïdquam ex prafentibus<br />
tuîïus vifum efi, quam eodem hco cafira<br />
munire»<br />
48. Poftero ilê Mai^us l qui cum dekêBs<br />
equiîum in edito colle f ex quo macedonum pro-<br />
i<br />
fpickbantur cafira , confederat , five mem fiVe<br />
quia fpeculari modo jujfus erat , ad Darium re~<strong>du</strong>t.<br />
Macedones eum ipfum colkm quem deftruerat<br />
occupaverunt ; nam & tutior plsnhw erat, &<br />
inde acies • hoftium qwe in campo txplicabamr<br />
confpici poterau Std caligo quam circa humidi<br />
effuderant <strong>mont</strong>es , univerfam quidem rei faciem<br />
non abfiulit, ceterum, agminum diferimina atque<br />
ordinem prohibuk perJpicL Mûkkudo bmndaverat<br />
campos; fremkusque tôt millium*, etiamproculfianr<br />
tium, aures imp leveraL FluSuari anima rex9 & modo<br />
faum modo Parmenîonis confilium fera ajlimatione
LIVRE IK CHAP. XIL 171<br />
d'une terreur panique ; les foldats hors d'eux-mêmes<br />
étoient faifis d'épouvante y & une crainte fecrète s'em<strong>par</strong>oit<br />
de tous les cœurs. De fréquents éclats de lumière<br />
9 qui fembloient einbrafer le ciel comme pendant les<br />
chaleurs de Fêté , <strong>par</strong>urent être des feux allumés ; Ht<br />
les foldats , jugeant que c'étaient les feus, <strong>du</strong> camp de<br />
Darius f crurent avoir donné imprudemment dans les<br />
gardes avancées. Si, pendant ce trouble, Maséef qui<br />
gardoit les paffages, étoit tombé fur eux, ils pouvoient<br />
recevoir un grand échec : mais il Ce tint les bras croifés<br />
fur une émmence dont il s'était em<strong>par</strong>é, bien conîent<br />
de n'y être point attaqué. Alexandre s inftruit dt<br />
cetce frayeur de fon armée, fait faire halte > commande<br />
aux foldats de mettre bas les armes & de fe repofer,<br />
& leur représente que leur alarme fubîte eft fans<br />
fondement & que l'ennemi eft loin d'eux. Enfin revenus<br />
à eux-mêmes * en reprenant les armes ils reprirent<br />
auffi courage ;.mais on jugea que , pour îe moment,<br />
le plus fur étoit de fe retrancher dans le lieu même<br />
où Fon fe trouvoit.<br />
48. Le lendemain Mazée, qui avec quelque cavalerie<br />
d'élite s'étoit pofté fur une hauteur, d'où l'on<br />
voyoit le camp des macédoniens $ rejoignit Darius ,<br />
foit <strong>par</strong> un mouvement de crainte foit <strong>par</strong>ce qu'il<br />
tt-avoit été chargé que de faire fes obfervatlons. Les<br />
macédoniens fe faifirent de cette émmence même qu'il<br />
àrofc abandonnée ; tant <strong>par</strong>ce que c'étoit un .polie plus<br />
Car que la plaine , que <strong>par</strong>ce qu'on pouvoit de là contempler<br />
à l'aife la-difpofition des ennemis v qui's'étendoient<br />
en rafe campagne. Maïs un brouillard caufé <strong>par</strong><br />
l'humidité des <strong>mont</strong>agnes voifines , fens dérober aux<br />
ieisx l'enfemble général, empêchoit-de diftinguer les'<br />
différents corps 8c l'ordre qu'ils gardoienc entre eux.<br />
Cétôit une multitude énorme qui inondoitf la campagne<br />
| & le bruit confus de tant de milliers d'hommes ,<br />
quoiqu'éloignés, étourdiffqit les oreilles. Le roi alors<br />
tomba dans l'a perplexité, St'fe mitSpefer tantôt fon<br />
avis tantôt celui'de Parménioni mais cet examen f*<br />
Hij
lyx LiBBRlV. CAP. XIII.<br />
perpendere ; • qmppe m -ventum erai unde recipi<br />
exerclms, nifi vïBor mit fine elade-9 non poffèt:<br />
[ movebat etum eum muttitudo koftktm , refpeSn<br />
pamcuaûs fum gentis ; fed Imer<strong>du</strong>m reputabas,<br />
quantas res cum hâc génie pjfiffet quantosque populos<br />
fudlffeu ItaqUe , quum fpes metum vinceret9<br />
perlculofius betium dlfferre raius ne defperar<br />
tlo fuis crefcertt;*\ dlffîmulato eo, mercenarium<br />
tquïttm ex Pmmâ pmcedere jubeL Ipfe phdangem9ftcut<br />
amea dlâum efl9 m <strong>du</strong>o cormm exien*<br />
derai; utrumque cornu eqtdies iegebani» Jamque<br />
nkidlor lux , difcuffa callgme , aciem hoflium oftem><br />
derat ; & macedones , five alacrhate five mdio<br />
ex/pe&ationis, ingentem'9 pugmmium more, edMêrt<br />
cUunorem ; reddîms & à perfis, nemora vallesqm<br />
clrcumjeêas tcrribili fono ùnpUvcrat. Necjamcon*<br />
ûnerl macedones pottrant , quîn curfu quoque ad<br />
hoflem contenderent : melius adhuc ratus m eodem<br />
iumub caftra munire , vdlum jaci jujfit ; flrenuè»<br />
que opère pêrfeib ,. m tabernacutum , ex quo tom<br />
scies hoflmm conjplclebaiur , fecejfit.<br />
XH1. Tumvero unherfafuWrî diftrtmbùs faciès<br />
in oculls erat ; armis injignibus equl vlrlqme fpkn~<br />
debant;& omnla mtem'mre cura prm<strong>par</strong>ari apud<br />
hoftem, folîcîtudo pmtorum agmlna Jua intercqui-<br />
Samsara- oflendebat : ac pkraque mania, ficut fie-<br />
. mltus hotmnum , equorum hlnmius , armorum inier*.<br />
. . * Ce ifuï. «ft compris Ici entre deux crochets s ef|<br />
tiré de Juftin , ( XL 9. ) qui <strong>par</strong>le ainfi d'Aîexan»<br />
4re avant la bataille dlfle f rapportée <strong>par</strong> Q. Curce<br />
(III. 9-12. ) Cette interpolation eft donc déplacée;<br />
& elle fil d'ailleurs d'autant plus inutile t qu'en la
LIVRE IF. CMâP. XIIL 175<br />
lefoit trop tard, puifqu'on étoit fi avancé que F armée<br />
se pouvoit s'en tirer , que viôorieufe ou fans une perte<br />
confidérable : il étoit encore troublé <strong>par</strong> la com<strong>par</strong>aifon<br />
de îa multitude prodigieufe des ennemis avec le<br />
petit nombre de Ces gens ; mais il fe rappelok quelque-<br />
Ibis 9 combien de belles chofts il avoit faites & com*<br />
liien de nations il avoit yaincues avec cette poignée<br />
d'hommes. Ainfi , l'efpérance l'emportant fur la crainte<br />
, il crut, s'ildifféroit davantage d'en venir aux mains »<br />
qu'il courroie le rifque d'augmenter le défefpoir de fes<br />
troupes ; & cachant fou inquiétude , il fit avancer là<br />
cavalerie péonienne qui étoit à fa folde. 11 avoit, ainfi<br />
qu'il a été dit plus haut (a), dèveïopé fa phalange en<br />
deux allés ; fit chaque aile étoit couverte <strong>par</strong> l'a cavalerie*<br />
Le jour devenu plus beau * <strong>par</strong>ce que le brouillard<br />
étoit diflipé t laiffoit vok à découvert l'armée ennemie<br />
: & les macédoniens » foit de joie fok <strong>par</strong> l'ennui<br />
d'une fi longue attente, pouffèrent alors un grand cri<br />
comme s'ils alloient à la charge s ce cri, ren<strong>du</strong> <strong>par</strong><br />
les perfes , fit retentir d'une manière terrible les bois<br />
& les vallons d'alentour. On ne pouvoit plus retenir les<br />
macédoniens qui vouloient courir fur l'ennemi : mais<br />
Alexandre , jugeant qu'il valoit mieux fe fortifier encore<br />
fur cette éminence , ût faïre-des retranchements ; & le<br />
travail ayant été premptement exécuté , il fe retira<br />
éans fa tente , d'où il voyok toute l'armée ennemie.<br />
XML II avoit alors devant les ieux l'image entière <strong>du</strong><br />
péril qui l'attendoit ; les chevaux ainfi que les hommes<br />
éblouiffoient <strong>par</strong> l'éclat des armes ; fie l'activité des<br />
chefs s qui <strong>par</strong>couroient à cheval les bataillons , mon*<br />
troh que les pré<strong>par</strong>atifs de- l'ennemi fe fefoient avec<br />
le plus grand foin : les esofes mêmes les plus vaines f<br />
comme le bruit confus- des hommes, les hennifle*<br />
fupprimant oa se laifle aucun vide dam la continu i<br />
au récit.<br />
(a) Foyei Ou IX.<br />
H ilj
174 LIBER IV. CAP. XIII.<br />
mtentum fidgor , m folkham exfpeËatwne mmtcm<br />
turbaverant» Igimr3five <strong>du</strong>bius animi five ut fuos<br />
experiretur, Confilium adhibet, quid optimum faBm<br />
effet exquirens, Parmenio , perhijjwms mur <strong>du</strong>ces<br />
srtmm belli, fitrto , non pralio, opus ejfe cmfe~<br />
bat : intempeftâ noBe opprimi_ poffe hofles : dïfcordes<br />
moribus, linguis 9 ad hac fomno & improvifo<br />
perkulo territos $ quando in noÛumd trépida*<br />
ûone coïmros ? at interdiu primum ttrribiles occur*<br />
furas Jades fcytharum baêlrianorumque ; Mrm<br />
Ulis ora & mtonfas comas tffe , pmterea «rimmm<br />
vaftomm magnitttdinem corporum : vomis<br />
& inanibus militem magh quam juftis formMinis<br />
caufis moveri : deïnde tantam muldtudinem cir-~<br />
cumfimdi paucioribus pojfe ; nom in Cilkim anguf»<br />
mis & inviis cdlibus , fed in aperta & tatd planifie<br />
dimkan<strong>du</strong>m fore. Omms ferme Parmenionî<br />
afftnthbam ; Polyperchon hrntd <strong>du</strong>biè in eo confia<br />
lio pofitam vMorîam arburabatw. Quem mtuem<br />
rex ; namque Parmemonem , nuper acrihs quam<br />
•veïïet increpimm, rurfrn cafiigare non fufiinebat i<br />
Lâtrmîculoram , inquit, & forum ifta folertia<br />
cil quam praedpitis mihi, quippe illorum votum<br />
unlcum eft fallere ; mea Tero gloria femper<br />
aut abfentiam Dam ? aut anguftias tocoram,<br />
aut furtum noâis obftare non patiar : paHkm<br />
loce aggredi certum eft ; tmlo me fortmiae<br />
pœniteat, quara yiâoria pudeat Ad hae iUud<br />
quoque accedit , vigilias agcre barbaros & ia
LIVRE IV. CHAP* XIIL 17c<br />
neufs des chevaux * les efpèces d'éclairs que jetaient<br />
ks armes t «voient ajouté le trouble à l'inquiétude où<br />
k tenoit l'attente de l'événement. Soit donc qu'il fût<br />
cfctU^ement dans le doute ou qu'il voulût mettre les<br />
leas à l'épreuve » il aflemble fou Confei! , pour<br />
examiner ce qu'il y avoit de mieux i faite. Parme*<br />
mon f le plus enten<strong>du</strong> de tous les chefs dans fart de<br />
îi guerre 9 étoit d'avis d'une furprife s non d'une bataille<br />
en règle : qu'à la faveur d'une nuit ©Meure on<br />
pouvait prendre les ennemis au dépourvu : n'ayant al<br />
les mêmes moeurs ni le même langage s tirés <strong>du</strong> fommeil<br />
<strong>par</strong> la frayeur d'un danger inatten<strong>du</strong> 9 comment<br />
pourrai eut-lis fe rallier dans ks ténèbres & au milieu<br />
des alarmes ? qu'en plein jour y la première chofe<br />
dont on feroit frappé, feroît la vue affreufe des fcytàes<br />
fie des baclriens , leurs barbes hériffées t leurs longues<br />
chevelures 9 & l'énorme grandeur de leur ftature<br />
colofale : que des ap<strong>par</strong>ences vaines & frivoles fefuient<br />
plus d'impreffion fur le foldat % que de juftes<br />
fejets de crainte ; que d'ailleurs une fi grande multitude<br />
pouvoit aifément envelopper une armée moins<br />
nombreufe ; & qu'on aurait à combattre t non dans les<br />
gorges de la Cilicie & dans des détroits inacceffibles ,<br />
mais dans une plaine vafte & découverte. Prefque tous<br />
étoîent de l'avis de Parménlon ; & Polyperchon pré*<br />
tendoit que la viftoïre en dépendoit abfoiument. Le<br />
m * Ce tournant vers lui ; car il n'eut pas le courage de<br />
mortifier Parménlon, qu'il avoit réprimandé depuis peu<br />
i?ec plus de vigueur qu'il n'aurott voulu : Des efeamoieurs<br />
% dit-il » & des filoux peuvent adopter la rufe que<br />
mus me €onfeilie\ , <strong>par</strong>ce qu'ils ne eherckent qu'à tmm*<br />
fer; mms je me feuffrirat pas que ma 'gloire troupe des<br />
ebjkcles perpétuels , ou dans l'abfenee de Darius, ou<br />
im$ Vavamage des lieux, ou dans urne victoire dérobée<br />
à k faveur de fa nuit : 'foi réfoh d % attaquer V ennemi en<br />
plein jour ; & j'aime mieux avoir à me plaindre de ma for*<br />
lm§ f qu'à rougir de ma victoire* Ajome\ à ces €onfidê*><br />
mmm » que je fuis infiruit que ks barbares font fi 'bonne<br />
H iv
176 .LIBER IF. CAP. XIII.<br />
armis ftare, ut ne decipi quidêtn poifint, compertom<br />
habeo. Itaque ad prselium vos <strong>par</strong>ate.<br />
Sic incitâtes ad corpora curanda dimifit.<br />
50. Darius "$ ittud quod Parmenio fuaferal<br />
hoftem faSÊurum effe conjeélans 9 funatos equos<br />
ftare , magnamque exercitas <strong>par</strong>tem in armis effe *<br />
ac yigilias intentiore cura ftrvari jufferat* Ergo<br />
ignibus totà ejus caftra fidgebant : ipfe9 cum '<strong>du</strong>cibus<br />
propinquisque, agmina in armis ftantium circumibat<br />
; Jolem Mithren facrumquë & aternum<br />
ïnvocans ignem, ut Mis dignam vttere gloriâ majorumqm<br />
monumentis fortkudimm infpirarenu Et.<br />
profe&b , fi qua divinœ, opis auguria humanâ mente<br />
concipi pojfent, dtos ftare fecum : illos rmper<br />
macedonum admis fubitam ineuffiffe formidinem ;<br />
adhuc lymphatos ferri agique , arma jacientts ;<br />
expetere pmfides perfamm Imperii deos débitas è<br />
vecordibus pmnas : nec ipfum <strong>du</strong>ctm fanhrem effe ;<br />
quippe, ritu feramm , prœdam modo quam expeteret<br />
mmentem 9 m ' perniciem qua ante pradam<br />
pofita effet^ incurrere. Similis apud macedones.<br />
quoque^ folicitudo erat ; no&emque , vekt m eam<br />
certamine edicTo , metu egerunt* AUxander, non<br />
alias magis terrkus , ad vota & preces Ariftandrum<br />
vocari jubet. Me , m candidâ yefic , wrbenas<br />
manu profèrent , capite velato , prm'éat<br />
prects régi Jovem, Minervam, ' VTBeriamqm propkiahtl<br />
Tune quidem facrifici 0 rite perpetrato ,<br />
reliquum noëis acquktums in tabernaculum rtd'ÙL<br />
Sed nec fomnum capere nec quietem pati poterat<br />
: modo è jugo <strong>mont</strong>is aciem in dextrum per*
LIVRE IV. CM A p. XI II. 177<br />
psrii &ft tie&mcmt fi conjiamment fout les armes % qu 9 om<br />
M /aurait mime les Jhrprmire* Pré<strong>par</strong>erons dom à urne<br />
hzâHk m règle. Après les avoir ainfi, animés , il les<br />
•oroya prendre quelque repos.<br />
50. Darius de fou côté , conje&urant que Fennem<br />
fïeodrolt pré ci Cément le <strong>par</strong>ti que Parraénion avoi<br />
confeillé , airoit ordonné qu'os tint les chevaux en<br />
état, qu'une grande <strong>par</strong>tie de l'armée demeurât fous<br />
les armes » ck que les gardes redoublaient d'attention.<br />
Tout fou camp fut en conféquence éclairé dt feux : il<br />
alla lui-même , avec les chefs & avec Ses princes de<br />
fon fang , vifiter les corps qui étoient fous les armes ;<br />
priant Mitra le foleil & le feu (acre & éternel, de leur<br />
infpirer un courage digne de leur ancienne gloire &<br />
des exemples de leurs ancêtres. Il dlfoit qu'affûrément f<br />
fi l'efprît humain poevoït préfager le fecours de la divinité<br />
s les dieux étoient pour eux : qu'ils avoienî depuis<br />
peu jeté dans Famé des macédoniens une terreur fubite;<br />
qu'encore troublés , ils couraient ça & là jetant leurs<br />
armes -, crue les dieux protetteurs de l'Empire des perfes<br />
fefoîent fubir à ces furieux le châtiment qu'ils méritaient<br />
: que leur chef'même n'étoit pas plus Cage qu'eux j<br />
puifque f comme les bêtes fauvages , n'envifageant que<br />
la proie qu'il convoitoit f il fe précipitoit dans le piège<br />
qu'il trouvoit fur la route avant d'y atteindre. Les macédoniens<br />
avoient aufli <strong>par</strong>eille inquiétude ; & ils paffèrent<br />
la nuit dans la crainte , comme fi la bataille y<br />
avoit été fixée. Alexandre même , qui jamais n'avoit été<br />
plus intimidé que ce jour-là s lit yenir Ariilandrc pour<br />
adreffer au Ciel des vœux & des prières. Ce devin, en<br />
robe blanche , portant en main des branches de verveine<br />
, & ayant la tête voilée f difoit le premier les prières<br />
que le roi répétoit à fa fuite pour fe rendre propices<br />
Jupiter , Minerve , & la Vi&oire. Ce fut alors<br />
qu'après avoir achevé le facrifice dans les formes, il retourna<br />
dans fa tente pour .repofer le reûe de la nuit.<br />
Mais i 1 lui étoit impoflible de dormir ni de 4emeurer<br />
traBQuile : il projetoit, tantôt de fondre <strong>du</strong> haut de la<br />
H V "
178 LIBER IV. CAP. XI IL<br />
farum cornu demitmre agkabat, modo reffd fronU<br />
concurrere hofli ; inter<strong>du</strong>m hœfitare 9 an potiùs<br />
m lavum torqueret agmen : tandem gravatum an**<br />
mi anxktate corpus altior fomnus oppreJpL<br />
fi. Jamque, lueeortâ, <strong>du</strong>ces ad acciplenda im?<br />
perla convoieront, înfolito circa pmtorïum fikntw<br />
attoniti : qulppe allas aceerfere Ipfos , & inter<strong>du</strong>m<br />
morantes caftlgare affueverat; tune ne ultimo qui*<br />
dem rerum dtferimine excltatum ejfi msrabontur ;<br />
& , non -fomno qulefcere , fed pavore marcere<br />
credebanu Non tamen quifquam è cuftodlbus cor*<br />
porls intrare tabemacuium audebat ; & jam tem*<br />
pus Inftabat ; me miles 3 injujfu <strong>du</strong>cis , aut arma<br />
capere poterat aut in ordines ire. Dm Parmenio<br />
amBalus , clbum ut caperent ipfe pronunelat.<br />
Jamque exlre neeejfe erat : tune demum Intrat ta*<br />
bemaculum ; fœpwsque nomme compeUatum , quum<br />
voce non pojfht, taêhi excltavit. Malte lux , in*.<br />
quit, eft ; inftruâam aciem hoftis admovit ;<br />
tiras miles adhuc inermis exfpeâat imperram,<br />
Ubi eft vigor iîle animi tui ? nempe èxcitare<br />
vigiles foies. Ad hœc Alexahder ; Credisne me<br />
priùs fomnum capere potuifle, quam exone»<br />
rarem animum folicituaine quae quietemmorabatur<br />
? Signumque pugnœ tuba dari jujfit. Et<br />
quum In eddem admlraûone Parmtnio perfevtra*<br />
ret [ quod fecurus fomnum ceplffet * ;] Minime ,<br />
* Ces mots compris entre deux crochets <strong>par</strong>otffent<br />
aux meilleurs commentateurs n*être qu'une gîofe %<br />
qui s'eft enfuite gîiffée dans le texte ; leur principale<br />
raifon , c'eft que îa fiippreflîon de ces mots ne feroit<br />
aucun tort au fens. Ceft une foible raifon contre l*una*<br />
sùmîté de tous les exemplaires» .où ©n les trouve ; vti
LIKMM IV. CMAP. XIIL 179<br />
ceUkeavec toute fon armée fur faîle droite des perfes t<br />
tmtot de choquer l'ennemi de front; quelquefois il<br />
foutoit, s'il ne feroit pas mieux d'attaquer pîus tôtPaîle<br />
fauche : enfin fon corps, abattu <strong>par</strong> les inquiétudes de<br />
l'efprit, fuccomba accablé d'un profond fommeil.<br />
51. Déjà , le jour <strong>par</strong>oiffant , les chefs étoient<br />
affembiés pour recevoir fes ordres s fort étonnés <strong>du</strong><br />
ilesce extraordinaire qu'il y a voit autour de fa tente :<br />
car dans d'autres temps fi avoit coutume de les appeler<br />
, & Couvent de réprimander ceux qui tardoient ; ils<br />
étoient furpris que -dans ce moment y où il y allait de<br />
tout, il ne fût pas encore éveillé ; ils penfoient même<br />
qa'au lieu de jouir d'un fommeil paifiblef il étoit tout<br />
à fait abattu <strong>par</strong> la peur. Cependant aucun de fes garées<br />
<strong>du</strong> corps n'ofoit entrer dans fa tente : le temps<br />
coramençoit à preffer ; & îe foldat ne pouvoit, fans<br />
Fordre <strong>du</strong> Général, prendre les armes ni fe mettre en<br />
rangs. Après avoir long temps atten<strong>du</strong>, Parménionprit<br />
fur lui de les envoyer prendre de la nourriture. Alors<br />
il étoit néceflaire de fe mettre en mouvement : il entre<br />
enfin dans la tente ; & comme f après Pavoir appelé plufieurs<br />
fois <strong>par</strong> fon nom , il ne pouvoit venir à^bouî de<br />
Péveiller , il le toucha pour y réuflir. Il efi grand jour f<br />
lui dit-il; termemi s* efi mis cm bataille &marche; vos<br />
foldats attendent vos ordres pour s'armer. Où efi cette<br />
vigueur de courage qui vous diflinguoit? car e'eft vous<br />
qui ave\ coutume d'éveiller les gardes, Croyt^vous , lui<br />
répond Alexandre , qu'il m'ait été poffible de m'endor*»<br />
mur ayant de m'être débarrajfé l'efprit de l'inquiétude<br />
qui s'&ppofoit à mon repos ? Sur cela il fit donner le<br />
lignai <strong>du</strong> combat. Et comme Parménion continuoit de<br />
marquer fa furprife de ce que le roi avoit dormi fans<br />
d'ailleurs qu'ils énoncent la penfée d'Alexandre fous<br />
un autre afpeft : ce prince avoit dit ^p? Un* avoit pu s 9 endormir<br />
avant de fe dêharrajfer Vefprit de toute inquiétude ,<br />
& Parraéiuon conclut qu'il a dormi fans inquiétude*<br />
H VJ
•i8o' L I B E R I F . C A P . X 1 1 L<br />
inquit, miram eft : ego cnim , quum Darius<br />
terras nreretf vicos excideret , alimenta cortumperet<br />
, potens mei non eram; nunc vero<br />
quid metiiam, quum acle decemere <strong>par</strong>et? Hercule<br />
! votum meum implevit. Sed hups quoque<br />
confiUi ratio poftea reddetur : vos ite ad copias<br />
quibus( quifque praeeft ; ego jam adero , & quid<br />
fieri velim exponam, Raro admo<strong>du</strong>m, admonkm<br />
amicorum quum meius. difcrimbûs adtrat9 un foUr<br />
bat munimento corporîs ; mm quoque fumpto 9 proceffit<br />
ad milites. Haud alias tam alacrem viderait<br />
regtm; &, vultu ejus interrito, certamfpem<br />
viêhria augurabantur. Atque ilk 9 prorupto vatto ,<br />
exire copias jubet acumque difponiu<br />
52. In dextro cornu hcati funt équités 9 quos<br />
'Agêma * appdlant ; pmerat his Clitus , cui junxit<br />
Philom turmas 9 ceterosque pmfeBos equimm'<br />
hteri ejus applicuit ; -ukima Meleagri ah ftabat,<br />
quam phalanx fequebatur. Poft phalangem mgyrafpides<br />
erant; lus Nicanor 9 Parmeniofds yfiUus 9<br />
pmerat : in fubfi<strong>du</strong>s cum manu fuâ Cmés , poft<br />
eum oreftes lynceftesque. Poft ilhs-Petyperchon , <strong>du</strong>x<br />
peregrmi militis ; hujus agminis Amyntas princeps<br />
trat : phrygas Baiacms ** regebat, m focietatem<br />
* Le corps de cavalerie défigné <strong>par</strong> ce nom intra<strong>du</strong>isible<br />
, étoit , félon Appien, un corps d'élite :<br />
K'yvjpoù rëp (txiceiôvœv ski ïwmûç eyriXeiclat ;<br />
Agêmamaceâonum funt équités leciiJfimL II eft vraifemblable<br />
que ce nom eft dérivé <strong>du</strong> verbe hym » pris dans<br />
le fens de frmgo , rumpe ; en ce cas c*étoit une cavalerie<br />
qui rompoit les rangs, & dont on caraftérifoit<br />
<strong>par</strong> ce mot la deftinaîion & la bravoure,<br />
** Les textes ordinaires portent Phlhgus hdaerm
- LIVRE IV. CMAP. XII1. 1S1<br />
Inquiétude: Cela n'eft pas furpremant, iui dit-il : car<br />
lorfqut Darius nuttoit le feu <strong>par</strong>tout, défi toit ks villa»<br />
ges f gâtoit les vivres 9 je n'étais pas à moi ; mais qu*aurais-}<br />
e à craindre maintenant f qu'il fe difpofe à en venir<br />
à une bataille ? Par Hercule ! il efl entré dans mes vues.<br />
Mais je m'expliquerai une autrefois fur cette penfèe : pour<br />
vous , que chacun aille fe mettre â la tête <strong>du</strong> corps qu f il<br />
commande ; je vous joindrai dans l f infiant, & vous donnerai<br />
mes ordres» Ce n'étoit que rarement % & fur les<br />
ïnftances de fes amis lorfqu'ils craignoient quelque fâcheux<br />
hafard , qu'il fe couvroit de fes armes ; mais îî<br />
les prit alors, & vint trouver fes gens. Jamais ils n'avoient<br />
vu le roi fi gai ; & de l'intrépidité que fon ait<br />
annonçoit s ils tirèrent un augure infaillible de la victoire.<br />
Pour lui, il fait renverfer îa paliffade , fait fortir<br />
fes troupes f & les range en bataille.<br />
52. A l'aile droite fut placée îa cavalerie qu'ils appellent<br />
Agêma ; elle étoit fous les ordres de Clitus ,<br />
renforcée <strong>par</strong> les efcadrons de Philotas, & appuyée<br />
fur les côtés <strong>par</strong> les autres chefs de cavalerie ; le corps<br />
commandé <strong>par</strong> Méléâgre étoit le dernier, lk H étoît<br />
fuivi de la phalange. Après k phalange venoient les<br />
argyrafpides, commandés <strong>par</strong> Nicanor f fils de Parme* '<br />
nion : ils étoient foutenus <strong>par</strong> la troupe de Gênus, après<br />
lequel marchoient lesoreftes & les lynceftes. A la fuite<br />
de ceux-là, Polyperchon menoit les troupes étrangères,<br />
ont le premier chef étoit Amyntas : Balacre comman-<br />
regehat. Dans ce cas Balacros devroit défigner «ne nation<br />
, qui n'eft connue d'aucun géographe. D'ailleurs<br />
Malacre a déjà été nommé <strong>par</strong> Q. Curce ( IV. §.) ; il<br />
le fera encore ( VIII. zi. ) : & Amen témoigne que<br />
Balacre a eu le commandement des ttoupes auxiliaires<br />
en Phrygiê. Voilà pourquoi j'adopte la correôion propofée<br />
<strong>par</strong> Freinshémius, qui dit <strong>du</strong> moins une chof©<br />
vraifembiabie.
*8i LIBER IV. CAP. XIIL<br />
muper aifckos. Bac dextri cornu faciès trot. In<br />
hzvo » Craterus pehppomnfium equkes habeBat<br />
achaorumque , & hcrenfium & makên turmis fibî<br />
adjunBk ; hos thefiali équités claudebant 9 Phi»<br />
lippo <strong>du</strong>ce : peditum acies equkam tegebamr. Frons<br />
lavi cornu hœc eraL Sed, ne circumiri poffit à<br />
multitudine 9 ulûmum agmen valida manu cinxerai* .<br />
Comua quoque fubfidiis firmavk, non reEtâ fion-<br />
$e 9 fed a ùtere pofitk ; ut 9 fi hoftis cïrcum*<br />
ventre, acum tentajfet, <strong>par</strong>ata pugnm forent : hic<br />
œgriani erant, quibus Attalus prmerat, adjun&is<br />
fagittarik cretenfibus* Ultimos ordines aversk à<br />
fronte, ut totam ackm orbe munket : illyrii hic<br />
erant , adjunih milite mercede con<strong>du</strong>&o ; thracas<br />
quoque fimul objecerat leviter armatos.. Adeèque<br />
'ackm verfatilem pofuit , ut 9 qui uhimi fiabant<br />
ne circumirentur 9 vertitamen & in frontem cireumagi<br />
poffmt : itaque non prima , quam latera £<br />
mon latera munitiora faire , quam terga.<br />
, 53. Mis ka ordinatk , prmcipk ut, fi falcatos<br />
currus cum fremitu barbari emkterent, ipfi<br />
laxatis ordinibus impetum occurrentium fikntio<br />
exciperent ; haud <strong>du</strong>bius fine noxâ tranfcurfa- *<br />
ros 9 fi nemo fe opponeret : fin autem fine fremitu<br />
immififfènt 9 eos ipfi clamore terrèrent pavidosque<br />
equos tel'is utrimque fujfaderenL Qui cor*<br />
n'eus pmerant extendere ea jujfi 9 ita ut me drcumvenkentur<br />
fi arâihs flarent 9 nec tamtn mediam<br />
ackm exmanirent. Impedimenta cum capùvis ,<br />
mter quos mater liberique Dariï-xufiodicbantur ,
LIVRE IV. CMAP. XIII. ig|<br />
kk les phrygiens , nouveaux alliés d'Alexandre. Telle<br />
étoit la difpoution de l'aile droite. A la gauche , Cratère<br />
con<strong>du</strong>irait la cavalerie <strong>du</strong> Péîoponèfe, avec celle<br />
«FAchaïe, de Locres , & de Malée j & derrière celle-ci<br />
étoit la cavalerie theflfalienne f fous la con<strong>du</strong>ite de Philippe<br />
: l'infanterie étoit couverte <strong>par</strong> la cavalerie. Voiîà<br />
fiel étôit le front de l'aile gauche. Mais pour n'être<br />
pas enveloppé <strong>par</strong> la multitude, il avoït placé derrière<br />
les derniers bataillons un ptùflant corps de réferve. Il<br />
afôitaufli fortifié les deux allés <strong>par</strong> des corps auxiliaires p<br />
toaraés , non vers le front de l'armée, mais vers les<br />
cotés ; de manière que , fi l'ennemi teatoh d'jnveftir<br />
famée, ils fuffent tout prêts à combattre 2 là étoient les<br />
agriens, commandés <strong>par</strong> Attale f avec les archers crétois.<br />
Il tourna les derniers rangs dans le fens contraire de<br />
ceux <strong>du</strong> front f afin que l'armée fût en force tout au^<br />
taur : en cet endroit étoient les illyriens, avec les<br />
troupes .qu'il avoit prîfes à fa foîde, & les thraces<br />
armés à la légère. Au relie il avoit fi bien pris fes<br />
mefures pour faciliter les mouvements de fon armée »<br />
fie ceux qui veilloient aux derniers raags pour n'être<br />
pas inveftis , pouvoient néanmoins faire volte-face &<br />
fc porter en tournant vers la tête : de forte que le front<br />
tfttoit pas mieux défen<strong>du</strong> que les flancs, ni les flancs<br />
. sûeux que les derrières.<br />
- jj. Les chofes ainfi difpofées , il ordonna que, û les<br />
barbares pouffoîent avec grand bruit leurs chariots armés<br />
de fculx , fes gens ouvrirent les rangs.pour les recevoir<br />
en filence ; ne doutant pas qu'ils ne les traverfaftout<br />
fans faire de mal, s'ils ne trouvoient point d'obfta-<br />
«Ie: & qu'au contraire, s'ils les pouffoient fans bruit, fes<br />
Coldats effraya ffent leurs chevaux <strong>par</strong> leurs cris & leur<br />
îiraffent alors dans les deux flancs. Ceux qui commandoient<br />
les ailes eurent ordre de les étendre , aflez pour<br />
^es empêcher d'être enveloppées en demeurant trop<br />
ferrées , mais non jufqu'à affoiblir le corps de bataille.<br />
Pour les bagages & les prifonniers , <strong>par</strong>mi lefquefs<br />
étoient la mère & les enfants de Darius , il les mit
184 LISSE IV CAP. XIV.<br />
haud procul ack m edito colle conflituk f modlco<br />
profitât* ftliRo. Lovum cornu , ficut alias, Parmtrùoni<br />
tuen<strong>du</strong>m datum ; ipfe m dextro ftabat»<br />
Non<strong>du</strong>m ad ieli jaBum pervenerànt 9 quum Bion<br />
quidam transfuga , quanto maximo curfu potuerat<br />
9 ad regem pervenk, nuncians murices ferrées<br />
In terram defodiffe Uarium , qud hoflem<br />
équités emiffurum effe credebat ; notatumque certo<br />
figrw locum, ut fraus evitari a fuis poffet. Affervari<br />
transfuga jujfo, <strong>du</strong>ces- convocat ; expofitoque<br />
quod nunciatum erat , monet nt mgiomm<br />
monflratam déciment, equitem^ue periculum edoceaht.<br />
Ceterum 9 hoc tantus exercitus exaudire non<br />
'poterat, ufum aufmm intercipiente fiemitu <strong>du</strong>omm<br />
agmmum ; fed in confpeèu omnium <strong>du</strong>ces &<br />
proximum quemque interequkans aUequebatur:<br />
XIV. Emtnfis tôt terras m fpem viébria, de<br />
quâ dimican<strong>du</strong>m foret 9 hoc unum fupereffe difcrimen.<br />
Granicum hîc amnem Cilic'mque <strong>mont</strong>es, &<br />
Syriam jEgyptumque proeuntibus raptas , ingenr<br />
tia fpéi ghrioque incitameuta 9 referebau Rtprehenfos<br />
ex fiigâ per/as pugnaturos , quia fugere<br />
non pojfent : tertium dkm jam metu exfangues ,<br />
armis fuis oneratos 9 in eodem veJUgio harere :<br />
nullum defperaùoms iUorum majus mdkium effe,<br />
quam quod urbes , quod agros fuos urerent ; quid-<br />
• quid non corrupiffem , hoftium effe confieff» Nomina<br />
modo vana gentium ignotarum ne exiimef<br />
cerent ; neque enim ad belli difcrimen pertinert,<br />
qui ab his fcytho , quive ca<strong>du</strong>fii appellentur : ob<br />
id ipfum quod ignoti effent, ignobiles effe : nuaquam<br />
ignorari viros fortes ; at imbdles, ex late-
LIVRE IF. CMAF. XIV. i?y<br />
itec une garde médiocre fur une colline peu éloignée<br />
<strong>du</strong> champ de bataille.. Parménion eut, comme autrefois,'<br />
Je commandement de Faîle gauche; & le roi prit celui<br />
de la droite. Onn'éîoit pas encore à la portée <strong>du</strong> trait,<br />
qu'un transfuge nommé Bion vint à toute* bride avertir<br />
Alexandre ,. que Darius avoit femé en terre des- chautfe-trapes<br />
de fer, <strong>par</strong> où il croyoit que déboucherait<br />
la cavalerre ennemie ; & qu'il avoit marqué l'endroit<br />
<strong>par</strong> des lignes non- équivoques , afin que les fiens puffent<br />
éviter le piège. Après s'être affûré <strong>du</strong> transfuge »<br />
il affemble les chefs , leur communique l'avis qu'il<br />
fient de recevoir, les avertit de fe détourner de l'endroit<br />
indiqué & de prévenir la cavalerie de ce danger.<br />
Au reûe f cet avis ne pouvojt être enten<strong>du</strong>, d'une fi<br />
grande multitude, <strong>par</strong>ce que les oreilles étoient étourdies<br />
<strong>par</strong> îe bruit exceffif des deux armées ;. mais le roi t<br />
courant à cheval <strong>par</strong>tout, difoit en préfence de tous ,<br />
aux chefs & à ceux qui "étoient les plus'proches:<br />
XIV. Qu'après avoir <strong>par</strong>couru tant de pays, dans<br />
l'efpérance de la victoire , pour laquelle ils alloient<br />
combattre, il ne leur reftoit plus que ce péril à efluyer,<br />
Là-deffus il leur rappeloit, comme de grands motifs<br />
tfefpérance &de gloire, lepaffage<strong>du</strong> Granique & des<br />
<strong>mont</strong>agnes de la Cilicie, la Syrie & l'Egypte enlevées<br />
aux ennemis qu'ils poufloient en avant. 11 ajoutoit que<br />
les perfes , ramenés au combat après avoir fui % ne<br />
combâttroient que faute de pouvoir fuir encore : que<br />
glacés de peur depuis trois jours & furchargés <strong>du</strong><br />
poids de leurs armes f ils étoient comme immobiles à<br />
la môme place : que la preuve la plus certaine de leur<br />
défefpoir étoit, qu'ils incendioient leurs villes & leurs<br />
campagnes ; avouant ainfi que tout ce qu'ils laiffoient<br />
inîaà étoit aux ennemis. Que feulement il ne falloit<br />
- pas s'effrayer des noms abfolument vains des nations<br />
inconnues ; <strong>par</strong>ce qu'en fait de guerre î! n'importe pas<br />
de diftinguer ceux qu'ils apellent fcythes & ceux qu'ils<br />
nomment ca<strong>du</strong>fiens : que <strong>par</strong> la raifon même qu'ils n'é •toient<br />
pas connus , ils ne méritoient pas de l'être : que
1S6 LIMER IV. CAP. XI r.<br />
bris fuis erutos, nihïl pmter nomma afferre : ma*<br />
ced&ms virtute affequutos , ne quk toto orbe hcus<br />
effet qui taies viros ipwrareu Intuereniur barbarorum<br />
inconditum agmen ; aliumniâil pmter jacu*<br />
km habere , alium fundâ [axa ÏÏbrare , pauck'<br />
jufia arma effe : itaque 'Mbit plures ftare 9 hinc<br />
plures dimkaturos. Nec pojiuiare fi m fbrtker<br />
capefferent predhtm » ni ipfe ceteru fortkudims<br />
fuiffet exemplum : fe ante prima figm almicaturum<br />
; [pondère pro [e , quoi cicatrices, mtidemcorporis<br />
décora : [cire ip[os, mmm penè- fi prmdm<br />
commuais exforum, in Mis colem&s omandi[que<br />
u[ur<strong>par</strong>e viBorim prmwûa* Mme [e [ortibus vins<br />
dkere* Si qui diffmiles eorum effent, iUa fuiffe<br />
diëurum : perveniffe eo unde fugere non poffènt ;<br />
tôt terrarum fpatia emenfis 9 tôt amnibus <strong>mont</strong>ibusqué<br />
poff tergum objeêk, ker m-pamam &<br />
pénates manu effe fackn<strong>du</strong>m. Sk <strong>du</strong>ces, fie fro*<br />
ximi militum 'mfimBi [unu<br />
jç. Darius in lava cornu erat, magno fmrtm<br />
agmirn , deleëk equitum peditumque ftipatus ; con*<br />
tempfiratque paucitatem hoffk, vanam aciem effe<br />
extentk comibus ratus* Ceterum » ficut curru emi~<br />
nebat, dextrâ lavaque ad ckcumftanàum agmina<br />
oculos manusque circumfirens : Terraram, mquitp<br />
quas Oceanus hinc alltiit illinc claudit HeHefpontus<br />
paulo ante dominx, jam non de gioriâ,
LIVRE IV. CHAP. XIV. 187<br />
des hommes courageux n'étoient jamais inconnus ; mais<br />
que des lâches , arrachés de leurs retraites , n'apportaient<br />
au combat que leurs noms : que quant aux macédoniens<br />
9 ils avoient mérité <strong>par</strong> leur valeur, qu'il<br />
s'y eût pas un coin fur tout© la terre où Ton n'eût<br />
connoîHânce de gens auffî braves. Qu'ils jetaffent les<br />
Jeux fur cette troupe confufe de barbares ;• où Tua<br />
n'avoir que le javelot 9 un autre la fronde , & bien peu<br />
des armes convenables : de forte que de leur côté il y<br />
avoit plus d'hommes à, la vérité s mais que de celui<br />
d'Alexandre il y auroît plus de combattants* Qu'an<br />
refte il ne les exho^toit à agir vaillamment j qu'autant<br />
qu'il en donneroit lui-même l'exemple aux<br />
autres : qu'il combattrait à la tête des enfeignes j &<br />
qu'il en avoit pour garants autant de témoignages ho*<br />
notables qu'il avoit de cicatrices fur le corps : qu'ils,<br />
n'ignoraient pas qu'il étoit prefque le feul qui n'eût<br />
point de <strong>par</strong>t au butin qui ap<strong>par</strong>teaoit à tous, & qu'il<br />
employait les fruits de la viôoire à mériter leur attachement<br />
& à les enrichir. Qu'il devoit <strong>par</strong>ler ainfi à de<br />
vaillants hommes. Que , s'il avoit penfé qu'il y en eût<br />
d'autres <strong>par</strong>mi eux , il leur aurait dit : qu'ils en étoient<br />
au point de ne pouvoir plus fuir; qu'après avoir traverfé<br />
tant de vaftes contrées , & ïaiffé derrière eux tant de<br />
fleuves & de <strong>mont</strong>agnes , ils ne pouvoient plus retourner<br />
dans leur patrie , qu'en s'en ouvrant le chemin,<br />
Fépée à la main» C'eft ainâ qu'il anima les chefs 9 & les.<br />
foldats qui fe trouvèrent les plus proches de lui*<br />
55. Darius étoit i fon aile gauche, environné d'un<br />
gros des liens, élite de fa cavalerie & de fon infanterie ;<br />
il avoit pris en dédain le petit nombre des ennemis »<br />
perfuadé qu'ils avoient ré<strong>du</strong>it à ries leur corps, de bataille<br />
en étendant leurs ailes. Au furplus, <strong>du</strong> haut <strong>du</strong><br />
char fur lequel il étoit élevé t tournant fes regards &<br />
Ces mains à droite & à gauche vers les troupes qui l'en»<br />
vironnoient : Maîtres il m'y m pas long temps, leur dit-il »<br />
des terms hmgniês d'un, cêté pur VOcéam & terminées
i88 LIBER IV. CAP. XIV. .<br />
fed de falote, & , quod faluti praeponitls, de<br />
libertate pugnan<strong>du</strong>m eft. Hic dies Imperium--,<br />
quo nuBom amplîiis vidit setas , aut confe*<br />
tuet aut finiet. Apod Granicum-j minimâ virram<br />
<strong>par</strong>te cum hofte certavimus ;. in Ciliciâ viâos<br />
Syria poterat excipere , magna nninîmieftta regni<br />
Tigris atque Euphrates erant : Yêntum eft eo<br />
unde pulfis ne nigar qoidem locus eft. Omnia<br />
tain diuîmo Beiîo exhaufta poft tergum font ;<br />
non incolas foos urbes, non ctiltores habent<br />
terra : conjuges quoque & Bberi- fequuntur banc<br />
acïem ; <strong>par</strong>ata hoftibus prada , nifi pro carif*<br />
fimis pïgnoribus corpora opponimus. Quo'd<br />
mearam fait <strong>par</strong>tiura , exercitum quem penà<br />
Immenfa planifies vix caperet com<strong>par</strong>airt ;"<br />
equos, arma diUrikd ; commeatus ne tant»<br />
multitudini deeffent providi ; l'oaim in quo<br />
acies explicari poffet ekgi. Cetera in veftrâ<br />
poteftate font : audete, modo vincere ; famamque<br />
5 infîrmiflimum adv-ersus fortes viros telum,<br />
contemnite. Temeritas eft , quam adhue pro<br />
virtute timuiftis ; quae , ubi primum impetuin<br />
efFudit 9 velut quaedam animalia , amiflo acu«*<br />
leo , torpet Hi Têro campi deprehendére<br />
paucitatem f quam Ciliciae <strong>mont</strong>es abfconde*<br />
rant : videtis ordmes raros , cornua extenta ,<br />
mecliam aciem vanam & exhauftam
LlVKE IV. CHAP* XIV. 189<br />
mm plus pour la gloire, mais pour la vie, &, ce qui veut<br />
iftplus cher que là vie , pour la liberté. Ce jour affermira<br />
eu mnverfera le plus grand Empire' qui fat jamais» Sur le<br />
Qmnique f ce ne fut qu'avec la moindre <strong>par</strong>tie de nos<br />
forets que nous combattîmes ; après notre défaite dans la<br />
Glicie s la Syrie poumit encore. nous fervir de retraite, le<br />
Tigre & PEuphrme étoient - encore deux puifiknts boule»<br />
tards de mon, royaume ; mais nous voici au point 9 qu'il<br />
m nous refit pas même oà fuir* Tout ce qui efi derrière<br />
mous efi êpuifi <strong>par</strong> la longueur de la guerre ; les villes<br />
m'ont plus d'habitants, Us campagnes de cultivateurs •; nos<br />
femmss & mime nos enfants font à la fuite de cette armée ;<br />
Us vont devenir la proie des ennemis, fi nos corps ne leur<br />
fervent de rem<strong>par</strong>t* Tout ce qui étoit de mon devoir efi fait 1<br />
j f ai mis fur pied urne armée que cette plaine immenfe peut à<br />
peine contenir} je l f ai fournie de chevamc & d 9 armes ; j'ai<br />
pourvu à la fubfifianee d'une fi énorme multitude ; j'ai<br />
ehoifi un Ueu propre pour la ranger en bataille. Le refie<br />
dépend de vous : ayt\ feuUment la hardieffe de vaincre ;<br />
& ne faites aucun cas de la réputation des ennemis , arme<br />
bien foibU contre des gens courageux» Ce n 9 efi que téme»<br />
rite 9 ce que vous'ave^ redouté jufqu'ici comme valeur|<br />
témérité, qui, après fon premier feu, femblabie à certains<br />
animaux qui ont per<strong>du</strong> leur aiguillon f tombe dans ht<br />
langueur, JD'ailUurs ces plaines ont mis en évidence Uur<br />
petit nombre, que Us <strong>mont</strong>agnes de la CiUcie nous avoient<br />
caché : vous voyei que hurs rangs font clairs t Uurs ailes,<br />
éten<strong>du</strong>es aux dépens de la profondeur , feur corps de ba»<br />
taiUe foibU & tpuîfé; car ceux qu'il a fait paffer de ht<br />
tête aux derniers rangs + tournent déjà le dos 2 pour Us<br />
fouUr aux pieds des chevaux* il ne faut m vérité que<br />
lâcher contre eux mu chariots armés dé f aulx» Au reflê h<br />
fuccès de la guerre efi entièrement pour nous , fi nous gagnons<br />
la batailU ; car ih n*ont aucune iffue pour fuir :<br />
FEuphmte é f un ce té» U Tigre de l'autre 9' ils font enfer-»<br />
mis de toute <strong>par</strong>ti &'-ce qui aufarawmi Unr dtoit favo»<br />
mèU , imr efi devmu contraire^ Notre armée pmt aifémeut
190 LIBER IF. CAP. XIF.<br />
font. Noftram mobile & expeditum. agmen eft ;<br />
illud , pradâ grave : Implicatos. ergo fpoliis<br />
noftris tracidabimus ; eademcrae res & caula<br />
viâori* erit & fruâus. Quod fi quem è vobis _<br />
aomen gentis movet-; oogitet macedontini illic<br />
arma effe, non corpora : multuin enim fanguinis<br />
invicem haufimus , & fentper gravlor in pancitate<br />
jacrura eft Nam Alexander, quantulcumque<br />
ignavis & timidis videri poteft, unum animal<br />
eft, & 5 fi quid mihi creditis , temerarium<br />
& vecors, adhuc noftro pavore qu'am fui virtute<br />
felicius. Nihil autem poteft effe diuturnuni , cui<br />
non fubeft ratio ; licet félicitas afpirare videatur ,<br />
tamen -ad ulûmumtemeritati non mffick : praeter-<br />
«a brèves & mutabiles vices reram finit, &<br />
Fortuna nuncraam'fimpliciterindîilget. Forfitan<br />
ita dii fata orainaverunt, ut perfaram Imperium ,<br />
quod fecundo curfu per <strong>du</strong>centos triginta annos'<br />
ad fummum laftigium evexerant, magno motu<br />
concuterent magis quam affligèrent ; admonerentque<br />
nos fragilitatis humanaé, cujus nimia in<br />
profperis rébus ' oblivio eft. Modo, graecis idtro.<br />
bellum inferebamus , .nanc in fedibus noftris »<br />
propulfamus illatum; jaftamur invicem varie-»<br />
tate Fortons : videlicet Imperium quod mittuoaffeâamus<br />
una eens non tapit. Ceteram ,<br />
eriamfi fpes non fiïbeffet, neceflitas tamen 1H-*<br />
mulare 4eberet ; ad extrema perventum eft.<br />
Matrem meam,? <strong>du</strong>as filias, Ochum m fpem<br />
Wjus .Imperii genitum, Bios principes-, itlam<br />
fobolem régi», ftirpis. , <strong>du</strong>ces veftros regura<br />
ïnftar5 vinctos ^babei;* nifi quod in vobis,eft ,.<br />
ïpfe ego majore <strong>par</strong>le. captivus. fiim* Eripttevifcera<br />
mea ex vinculis ; reftituite mihi pignora ,
LIVRE IF. CHAP. XIV. 19*<br />
je mouvoir, & m'a point d'empêchement ; la leur efi fur*<br />
âsrgéede butin: nos dépouilles , qui hs embaraffentf nous<br />
eMtront donc à les tailler en puces ; & la même chofi de~<br />
f'màm IM caufe & la récompenfe de la viBoire, S'ileji<br />
fulqu'um <strong>par</strong>mi vous fur qui h nom de ce peuple faffe<br />
mprejpon g qu'il penfe que ce font là en effet les armes B<br />
mm mon les perfonnes des macédoniens : car noms avons<br />
éeja répan<strong>du</strong> bkn <strong>du</strong> fang de <strong>par</strong>t & d'autre , & la perte efi<br />
impurs plus marquée <strong>du</strong> coté <strong>du</strong> petit nombre» Pour AiesêMire<br />
, quelque haute opinion qu'en ayent les lâches &<br />
hsf&kroms , ce défi qu'un brutal f&9fi vous m'en croye\,<br />
ss téméraire» un furieux, plus heureux jufqu*ici <strong>par</strong> notre<br />
payeur que<strong>par</strong>fon courage. Mais rien de ce qui manque de<br />
muiuiîe ne peut être <strong>du</strong>rable ; quoique h bonheur fimbU<br />
d'abord féconder la témérité, à la fin pourtant il lui man~<br />
§m : d'ailleurs les révolutions des chofes font rapides &<br />
tkmgeantes # & hs faveurs de la Fortune ne font jamais<br />
esnfiantes. Peut-être les dieux ont-ils arrêté dans leurs<br />
décrets 9 qu 9 après avoir élevé F Empire desperfes au combh<br />
ie la gloire <strong>par</strong> une prcfpérité de deux-cens trente ans 9<br />
Us iuifcmkm effuyer un grand ch@cf capable de l'ébranler<br />
fhs tôt que de l'abattre; & qu'ils nous feroientfouvefùr<br />
énfi de la fragilité des chofes humaines, qu'on oublie trop<br />
ëlfiment dans les grands fucces. Il n'y a pas long temps<br />
fse nous pert'wns che\ les grecs une guerre offenfive, au*<br />
jêurdhui nous femmes ré<strong>du</strong>its à la défenfive fur nos profret<br />
terres $ nous femmes tour à tour hs jouets de l'inconftmte<br />
Fortune : c'efi que l'Empire auquel nous prétendons<br />
ks uns & hs autres efi fupérkw aux forces d'une feule<br />
nation» Au refle , quand nous n'aurions plus d'efpérance% •<br />
h nêcejfiti fiuh devrait nous animer ; nous en femmes aux<br />
amures extrémités. Ma mère ,. mes deux filles, Ochus.<br />
fm fa naiffance l'efpoir de cet Empire , ces princes, ces<br />
rejetons de ma maijbn f vos chefs femblabhs a des rois 9<br />
font dans les fers ; à ma perfonne près qui efi encore <strong>par</strong>mi<br />
vous 9 je fuis captif dans la meilleure <strong>par</strong>tie de moimime.<br />
Tire\ de leurs liens ces objets de ma tendrejfe ; ren- '<br />
dcçmoi as g^S €s P r ^ eus ^s F mr hfquels je ne refufe pas
ici LIBER IV. €-JP. XV.<br />
pro quibus ipfe mon non recufo : <strong>par</strong>entem i<br />
liberos, ( nam conjugem in illo carcere amifi , )<br />
crédite mine omnes tendere ad vos manus ;<br />
implorare patrios deos ; opem yeftram, mife—<br />
ricordiam, fidem expofcere , nt fèrvitute , ut<br />
oompedibus , ut precario vi£hi ipfos liberetis.<br />
An creditis «quo animo iis fervire , quorum<br />
r-eges effe faftidiunt ? Video admoYêri hoftium<br />
aciem ; fed quo propiîis diferimen accedo , hoc<br />
minus iis quae dki poffum effe contentes. Per<br />
ego vos deos patrios deprecor , aeternumque<br />
ignem qui praefertur altaribos , fulgoremqwe<br />
folis , intrà fines regni mei orientis ; per aeterfîam<br />
memoriam -Cyri'., qui ademtum médis<br />
ly disque 'Imperium primus in ï^erfidem intulit ;<br />
vindicate ab .ultimo -dedecore nomen gentemque<br />
perfarum. Ite alacres & fpe pleni ; ut, quant<br />
gloriam accepiftis à majoribus yeftris , pofteris<br />
relinquatis. In dextris Ycftris jam libertatem ,<br />
opem , fpem fiituri temporis geritis.^ Effiigit<br />
mortem , quifquis contemferit ; timidiilimum<br />
quemque confequitur. Ipfe, non patrio more<br />
ïolum, fed etiam ut confpici poffim, curra vehor<br />
; nec reeufo quominus Imitemini me 5 five<br />
fortitudinis exemplum five ignayise fiiero.<br />
XV. Intérim Akxander, ut & demonflratum^a<br />
transfugâ infidiarum heum circumïret, & Dario ,<br />
qui imvum cornu tuebatur, -occurreret-, agmen obliquum<br />
mctdere jubet. Darius quoque todem fuum.<br />
obvertit, Beffb admonko ut maffagetas •équités {in<br />
Imvum Ahxandri cornu à . latere imébà juberet £<br />
ipfe ante fe fdeatos currus habebat, quos figno<br />
dato univerfos in hoftem effudiu Ruebant iaxalis<br />
habenis aurigœ, quo plurcs, non<strong>du</strong>m faits provîfb<br />
de
„ Lirn£ IV. CMAP. XV. 19*<br />
ii faire le facrifice de ma vie : penfe\ que ma mire s mu<br />
wfants ( car j*ai per<strong>du</strong> mm époufe dans cette prifon ),<br />
tmiemt ftmineemamî leurs mains vers vous ; qu'Us invm".<br />
fseaf les dieux de nôtre patrie ; -qu'ils réclament votre<br />
&§fiance 3 -v&zrc c&mpajfiên, votre proteQion , afin que<br />
tous Us déUvrie\ de leur captivité, de leurs chaînes 9 <strong>du</strong><br />
ytxre de vie précaire fonge\ à la tranfmettre à vos defeen»<br />
imt$m Vous porte\ aujourdhui dans vos mains votre libtr*<br />
ti, votre Jkluê , -l'efpérance de l'avenir. Le moyen d'échoptr<br />
à la mort, c'efl de la méptifer-i ce font ceux -qui la<br />
redoutent le plus qui en font les viâimcs» Qjurnt a moi.<br />
ce n'efl pas feulement pour me conformer'à notre ufage,<br />
t'efi pour pouvoir être vu de tout le monde, que je fui/fur<br />
un char ; & je confens„que vous m'imitie\, quelque exemple<br />
que je vous donne, de courage ou de 'lâcheté. '<br />
XV. Cependant Alexandre, tant pour tourner l'endroit<br />
périlleux que îe transfuge avoit fait connoltre s<br />
que pour aller à la rencontre de Darius, qui menoit ion<br />
aile gauche , fit avancer fon armée <strong>par</strong> un mouvement<br />
oblique. Darius avança aufli avec la même intention,<br />
après avoir enjoint à Beffus de charger en "flanc Fatîe<br />
gtuche cFAlexaiîdre avec la cavalerie des Maffagètef ;<br />
de fon côté il avoit devant lui -les chariots armes , de<br />
faulx » qu'il fit <strong>par</strong>tir tous enfembîe contre l*ennemî <strong>par</strong><br />
un même lignai. Les con<strong>du</strong>cteurs couroient àferide abattue<br />
, afin de renverfer us ploj grand nombre d'ennemis<br />
Tome 1* 1
194 LIBER IV. CAP. XV.<br />
impetu , obtinrent.: alios ergo hafta multum ultra<br />
temoms eminentes , alios ab utmque latere dimijffk<br />
faites laceravire ; nec fenfim mactdones cedebant9<br />
fed tffufâ mrbaverant fuga ordines. Magmas quo
LtruE IK-Cff-AP.'XF. 195<br />
-<strong>par</strong> un dioc qu*ils- n'auraient pas le temps de prévenir:<br />
«a effet les uns furent bleffés <strong>par</strong> les piques qui fait-<br />
Soient <strong>du</strong> bout des timons f les autres <strong>par</strong> les faulx qui<br />
•débordoient de chaque côté ; & les macédoniens plièrent<br />
, non en cédant peu à peu , mais-enfuyant dans<br />
le plus grand défordre. Dans cette première épouvante,<br />
Mazée leur donna encore une autre alarme , en fefant<br />
couler <strong>par</strong> les derrières mille chevaux pour piller les<br />
bagages de l'ennemi ; imaginant que les prifonniers, qui<br />
étorent tous fous la même garde, romproient en même<br />
temps leurs chaînes quand ils verraient approcher<br />
leurs gens. 11 n'avoit pas donné le change à Parménion,<br />
•qui éîoit à l'aile .gauche ; celui-ci envoie donc promptemest<br />
Polydamas vers.le roi, pour l'avertir <strong>du</strong> danger<br />
& prendre, fes ordres en conféquenee; .Le. roi, ayant<br />
.enten<strong>du</strong> Poly damas i'Âlk\9 lui répondit-il, & dites à<br />
Parmi nimbus,- fi nous remportons la viBeire, non finie*<br />
,mcntnous recouvrerons ce qui tfià nous % mais nousjerom<br />
encore, les maîtres aç tout ce qui tfi aux ennemis : il n'y a<br />
donc pas de rai/on 'pour affoiblir en, rien le corps de Bataille<br />
; mais, fins s'embaraffer de la perte <strong>du</strong> Bagage -,<br />
•qu'il fonge à combattre coumgeufimem & d*une manière<br />
-digne de moi & de FhWppe mon père. Cependant les barbares<br />
avoient mis le défordre ^dans' les bagages : iprès<br />
•qu'il* eurent égorgé-une grande *-<strong>par</strong>ti e" -de- "la garde ,<br />
les fmîûmèem de leur', côté s brifaat leurs fers » fe felfiffent<br />
de tout ce, qtfMs rencontrait de propre.à faire<br />
arme ; & fe joignant à leur cavalerie 9 ils fondent fpr<br />
.les macédoniens , qui de cette-manière ont affaire ait<br />
dedans & au dehors : treflaïllant donc de joie autour<br />
de Sifygarabis, ils lui font entendre que Darius eft vainqueur<br />
, que les -ennemis ont été# taillés en pièces , &<br />
qu'enfin ils ont per<strong>du</strong> jufqu'à leurs bagages ; car ils<br />
croyoient qu'il en étoït de même <strong>par</strong>tout s 6e que ce ,<br />
a'étoit qif après la viâotre que les perfes avoient couru<br />
au pillage. Sifygambis * quelque Isiiancê que lui fiffent<br />
les prifonniers de mettre fin à fon affliction , demeura<br />
tfujouri dans h même dlfpofitisa d'efprit qu'au<strong>par</strong>avant ;
i$6 LIBER IV..CAP. XK<br />
quo antrn fuk per/everavit : mn vox tdla -*xcidit<br />
d 9 mon ork -coior vtdtusve mutants eft ; fed<br />
fiditimmob'dis, credo t prmcoce gaudio venta Fortunam<br />
irrkare ; adtb m quïd mallet -muent'ém<br />
jutrh incermm*<br />
çy, Jnter -hac Amymas ~9 pmfeëus equïtum<br />
Akxamdri, cum.paucis mrmls opem impedimenûs<br />
latwus advenerat.; incertum fuone confilm #<br />
an reps mperio : fed non fuftinuk • mdaji&Him<br />
fcytharumqut imp'etum $ quippe" *î% tentMo cet-<br />
• tamine réfugie ad regêm , âiiuffbrum- impedhrien*<br />
torum teftîs magis quant vïndex. Jam 'conjttiùm<br />
Alexandri vicerat _ dolor » 5» 'né aura 'recuperandi<br />
fua miiitem à pralio averteret nonïmmèrUo- vereèatur<br />
: kaqm Areun , <strong>du</strong>cem haflatorum 9 qms<br />
Sariflophoros mcahant r.adversus fcytbàs_ mittiç.<br />
Inter Mac currus , .qui -cire* -frima Jîgrm mrba*<br />
verant asiem , in • phakngem '• inmëi remnt } ' mar<br />
teèoncs tônfirmads ammu m médium-égmen 0cci"<br />
piuni. Vallo-fimkis meus trat-; junkerant'hafias^<br />
& ab utroque latère èetherè • inewrentium- MM fuf><br />
fodiebant : circùmïre deinde ? currus ''& prbpùgnor<br />
tores prœcipkare cœpcrunt. Ingens ruina equorum<br />
aurigarumque aciem comp'leverat\ : • hi territos rc~<br />
gère non poterant; fed Mmm<br />
currus everterant : vulmmê • • mterfekos traheT<br />
bant ; me confiftere terriû , net progredi debïhs<br />
poterant* Pauca tamen. eva/erc quadrige* h uki~
LIVRE IF. CMJP XF. 197<br />
ft ne for-tic pas dte fa-boucheune feule <strong>par</strong>ole % il ne pa»<br />
ni pas le moindre changement dans fa coultur ou dan*<br />
&îI air ;. mmis- elle relia affife fans fe mouvoir 9 dans la<br />
crainte, je penfe , d'irriter la Fortune <strong>par</strong> une joie prématurée<br />
r de forte qu'à la voir on st put juger ce qu'elle<br />
défiroit le plus.<br />
f y. Cependant Amyntas r qui commandait la cavalerie<br />
d'Alexandre ,. étoit venu avec quelques efcadrons<br />
an fecours des bagages ;: Je ne fais û- ce rut de fon- propre<br />
mouvement ou <strong>par</strong> ordre <strong>du</strong> roi : mais il ne put fou*»<br />
tenir le choc des ca<strong>du</strong>fiens & des fcythes ; car à peine<br />
eut-il tenté le combat qu'il fe retira vers le roi, ayant<br />
été le témoin plus que le vengeur de la perte des équipages.<br />
Le dêpH alors remporta fur la première réfolution<br />
^Alexandre , & ce fut avec raifon qu'il craignit<br />
que le défir de Tecouvrer ce qui lui ap<strong>par</strong>tenoit ne détournât<br />
le- foldat <strong>du</strong> combat : il envoya donc $ contre<br />
les fcythes , Arétès- 9 chef des lanciers f qu'ils appeloîent<br />
Ssriffephsrts *. Pendant ce temps les chariots-,<br />
qui avoient mis le déToxdre dans les- premiers, rangs ».<br />
s'étoient portés jufqu'à la phalange ; & les macédoniens<br />
les reçurent avec intrépidité au milieu de leur<br />
Bataillon, Leurs lignes, étoient comme deux paliflàdes ;<br />
& leurs, lances réunies perçoletif de droite & de gauche<br />
tes flancs dès'chevaux qui s'y engagêoî'ent au haiard<br />
: Us- fe- mirent enfuit* à ïoveftir les chariots & à<br />
feire tomber ceux qui y étoient <strong>mont</strong>és pour combattre..<br />
Vu carnage affreux- de chevaux & de con<strong>du</strong>cteurs < cou*<br />
vrïî le champ de- bataille : ceux-ci ne pouvoient pluscon<strong>du</strong>ire<br />
leurs couiéers épouvantés ; & les chevaux r<br />
<strong>par</strong> les fréquents mouvements de leurs têtes, avoient 9<br />
non feulement fecoué le joug f maiS'renverCé même les<br />
chariots : les bleffés entrainoient les morts-i & îls-ne<br />
pouvoient ni s'arrêter à. caufe de leur effroi, ni avancer<br />
à caufe de leur foiblefle. II" y eut pourtant quelques<br />
• * Ceft littéralement Parre-lanc es ; car Xccflft* «ft<br />
fe-nom grecde-la lance-macédonienne.
198 LîBMR 4F. CAP* XF9 '<br />
mam aeiem, ïis quîbus inciderunt mifirahUi morm<br />
confumùs : quippe amputata virorum mtmbra huntijacebant<br />
; & quia calidis adhuc vuheribus abt^<br />
rat dobr , mmei-quoque"& débites arma nom'<br />
êmittebant , donèc , muko fimgume ejfufp % exa-t<br />
mmati pwcumberenu<br />
58. Intérim Arêtes f fcytharum qui impedi-»menta<br />
diripkbant <strong>du</strong>ce occifo ,. gravies territis<br />
inftabat. Supervencre deinde miffi à D.ario bac~<br />
triani , pugnaque vertêre fortunam : mulû ergomacedonum<br />
primo impem obtrïti fimt; flores ad<br />
Alexandrum refugerunt. Tum perfit * ciamore fublato<br />
quakm viêores fiotent edere 9 firocker îrtboftem<br />
3 quafi^ ubique- pmpgatum, mcummu<br />
AUxandtr terrkos cafiigare , adkwtari > prmBmm<br />
quoi jam elanguerat films accendere ; confirmai<br />
msqm tandem amimis9, ire m hoflgm jubet* Rarioracks-<br />
erat in dextm cornu perfimtm, rmmmt imde<br />
baBriam decefferant ad opprimenda impedimenta t<br />
îtaque Ahxander laxatos ordmes învadh * G*<br />
mukâ code hofiium invehitur. Aê qui m lava<br />
cornu erant perfiz % fpe poffe eum mclaS , sgmem<br />
fimm À tergo dimkantis oppomtM 1 iagensquepericuium<br />
in meato âarem adîffit % m équité*<br />
agdatû cdcsrBus fiéikis cireumfufos régi bar*<br />
iaros aéorii effent * averfisque eadendè ' m fi<br />
ebvtrtï coëgiffent* Turbata erat mtraqm acieû<br />
Akxander à fronte & à. tergo- koflem kabebat /<br />
qui averjfb ei inftabant, ab agriams mUuthus pre~<br />
mebanmr ; baëriam , impedhmntis hoflium di*<br />
reptis rtverfi 9 ordines fuos recuperare non poterant<br />
; piurafimui abrupta i ceteris agmbm, ubi~<br />
cumque alium alii fors mifcuerat.,, dimicabanti
LtrRE IF. CHAP. XV. 199<br />
chariots qui percèrent jufqu'à l'arrière-garde, en fefant<br />
périr miférablement ceux qu'ils rencontrèrent dans leur<br />
paffagc : on ne royoit <strong>par</strong> terre que membres coupés ; &<br />
ceux qui a¥otent reçu des 'bleflures * ne Tentant point<br />
de douleur tant que la chaleur fubfîftoït dans leurs<br />
plaies , quoiqu'eflropiés & affbiblis , n'abandonnoient<br />
pas leurs armes s jufqu'à ce qu'épuifés de faag 9 ils tom*<br />
Ment fans vie fur la place. . ,<br />
58. Cependant le chef des fcythes qui pilloient le<br />
bagage ayant été tué ,. Arétès les pourfuivoii virement<br />
dans leur effroi. Mais les baôriens » envoyés bleatôt<br />
après <strong>par</strong> Darius à leur fecours , changèrent la face<br />
<strong>du</strong> combat : plusieurs macédoniens furent renverfés <strong>du</strong><br />
premier choc $ & un plus grand nombre regagnèrent le<br />
quartier d'Alexandre. Les perfes ,. pouffant alors un granà<br />
cri comme on a coutume dans la vî£tôîre,. donnent avec<br />
furie for l'ennemi f comme s'il étoit défait de tous 'cotés;<br />
Alexandre gourmande fes foldats effrayés 9. les excite,<br />
tsnime feul le combat qui ne fe fouteneit plus ; &<br />
après avoir enfin réchauffé leur courage , il les renvoie<br />
à la charge. -L'aile droite des perfes étoit affoiblie ,<br />
<strong>par</strong>ce qu'on en a?oit détaché les ba&riens pour affârer<br />
la priCe des bagages : Alexandre attaque donc ces rangs<br />
éclairck f. & y fait un grand carnage des ennemis. Mais<br />
les perfes de l'aile gauche f comptant pouvoir l'enveloper,<br />
viennent en force le prendre <strong>par</strong> derrière pendant<br />
qu'il combat ; entre deux corps ennemis , il étoit dans un<br />
grand danger f fi Sa cavalerie agrienne f fendant à toute<br />
Iride fur les barbares qui inveftîflbient le -roi ,, ne les<br />
eût forcés, en les chargeant en queue , de faire yolte»<br />
face contre elle-même. Les deux armées étoient également<br />
en défordre» Alexandre aroit l'ennemi <strong>par</strong> devant<br />
fc <strong>par</strong> derrière ; ceux qui l'attaquoient <strong>par</strong> derrière ,<br />
étoient preffés <strong>par</strong> les agriens ; les baftriens, .revenus<br />
4u bagage qu'ils avoient pillé , ne pouvoient reprendre<br />
leurs rangs ; plufieurs troupes, détachées de leurs corps,<br />
combattoient , les unes d'un côté, les autres de l'autre t<br />
Won que le liafard les avoit engagées. Les deux rois-9<br />
l iv
îOO -LIBER IF. CAP. XK<br />
Duo rem', junËis prope agmïnibus , pmïlum<br />
acccndekant : plures perfm cadebant ;. <strong>par</strong> ferme<br />
Mtrinqm mmerus. vmnerabatur. Curru Darius ,<br />
dlexander equo- vthebatur : utrumque Me&i tuebamur,<br />
fui immemores ; quippe , amiffo rege ,<br />
net .vûkbant falvi effe me paieront : ante- oeulos<br />
fui quisque régis mertem oceumbere <strong>du</strong>cebant egre~<br />
gium ; maximum* tamm perk<strong>du</strong>m adibant qui<br />
maxime- tuebanmr, quippe fêi quisque cmfi régis<br />
expetebat dëcus*<br />
59. Citerum,feve luiibriumoeulbrum, five yera.<br />
fpecîes fuit,, qui circa Akxandrum trant, vidiffè<br />
fi crediderunt pauluium fuper caput régis placide<br />
•vohmtem aquilam » non fonitu armorum , non<br />
gemitm morkntium terrkam ; diuque circa equum<br />
Akxandri pendenti magk^ quant volanti fimiiis<br />
ap<strong>par</strong>mt : cène votes Ariftander, ait A vefte in~<br />
iutus & dextrd prmferens êàuream * miiksbus^ m<br />
pugnam intentis avtm monftravk , hmd <strong>du</strong>bmm<br />
fikorim aufpicùtm. Ingens ergo alacritas ac fi<strong>du</strong>eia<br />
-pautb antt terrkos actendk ad pugnam..<br />
Utîque .poftquam aurïga Dariix qui ante ipfum.<br />
fedens- equos regebat > hafiâ iramfixus^ eji , née<br />
aut perfm, aut maeedones <strong>du</strong>bitavtre quinipfe rex.<br />
effet ôccifus. Lugubri erge uklatu & incondka<br />
damorc gemituqm totam firi " aciem adhuc aqua.<br />
Marte- pugnantium mrbavêre eognad Dam &<br />
armigeri ; iavoque cornu m fugjtm effufo, def<br />
tituerant 'cMwn-, qum à dextra <strong>par</strong>te fiipati m<br />
médium agmen receperunt.. Dkitur , acmace flricto\'Darius<br />
<strong>du</strong>bkajp an fugm dedecus honeftâ<br />
morte vitareL Sed tminens curru non<strong>du</strong>m omnem.<br />
fuorum aciem. pmïïo excedentem deftituem erubef*<br />
' cebat. Dum mur fpem & defptratmmm- hmfitat #
LIVRE IF. CMAP. XV. 201:<br />
iîuut prefquo joints » animoient l'action : il tombait<br />
plus- de morts <strong>du</strong> côté des perles. ; le nombre des bluffés<br />
étoit à peu. près• égal de <strong>par</strong>t & d'autre. Darius étoit<br />
fur un char ;. Alexandre , à cheval :. tous deux étoient<br />
environnés-de gens d'élite, entièrement détachés d'euxmêmes<br />
} car f û leur roi étoit venu à périr , ils ne voulaient<br />
ni ne pouvoient lui furvïvre :' chacun d'eux tenoit<br />
à honneur de mourir fous les ieux de fon prince; cependant<br />
les plus-expofés étoient ceux qui le ferroient<br />
de plus*- près r <strong>par</strong>ce que de Fautre côté-chacun ambi*<br />
tionnoiz la gloire de tuer le roi ennemi.de fa. mais.<br />
jo> Au.relie,, foit illufion ,.foit réalité, ceux qui;<br />
étoient près. d'Alexandre crurent avoir vu f un peu au<br />
deffus de la tête de' ce prince t un aigle' voler paifible-<br />
»tnts fans être effrayé ni <strong>du</strong> bruit des armes ni des'<br />
géraiffements des mourants ; & il leur <strong>par</strong>ut pendant -<br />
long temps plus- tôt fufpen<strong>du</strong> en l'air que volant autour<br />
de. fon cheval :.<strong>du</strong> moins dans le fort de ra£Kon , le devin<br />
Ariftandre ». revêtu, de fa robe blanche* &. portant en<br />
main une branche de laurier , tnontra-t-il cet oifeau aux<br />
foldats f. comme un.augure infaillible de leur victoire.<br />
La gaieté & une grande, confiance prenant alors la place<br />
de l'épouvante qu'ils venoient d'avoir, ils chargèrent,<br />
avec plus d'ardeur. ÏUle redoubla fùrtouty quand le<br />
con<strong>du</strong>cteur de Darius , affis devant ce prince pour con»<br />
<strong>du</strong>ire fès chevaux ,< ayant été-percé d'une javeline, ni<br />
perfes-ni macédoniens-ne-doutèrent que ce ne fût le rot<br />
lui-même qui avoit*étd tué. Auffitôt <strong>par</strong> des- hurlements<br />
effroyables*,, <strong>par</strong> des crit confus-, <strong>par</strong> des géraiffements s<br />
les <strong>par</strong>ents.8c.les écuyers de Darius portèrent le.trouble<br />
dans ppefque toute-l'armée ,,qui avoit combattu jufques<br />
là avec avantage; ôtFaîle gauche ayant été-mifeen fuite<br />
, ils avoient abandonné le.char <strong>du</strong> roi-, que ceux de la<br />
droite-reçurent au milieu d'eux en fe ferrant autour. On<br />
dit que Darius tira fon 'cimeterre, & délibéra sll ne<br />
éev4>it-pas éviter-une fuite honteufe.<strong>par</strong> une mort h'on©.*<br />
rable».Mais <strong>du</strong>Maut de fon-char voyant que toute-fon<br />
ara&A'&ott gas f score hocs.de. combat», il eut honte<br />
Ï-.Y.
mi LIBER 1K CAP. XFL<br />
fenfim. perfis cedebant & Lucaveramt ordines* 'AB+<br />
xander , mutât®' equo ». quippe phares fatigave*<br />
rat, refifientium adverfa ora fidiebat, fuguntium<br />
terga. Jamque non pugna » fid cmdts trot r<br />
qitum Darius quoque currum fuum in fugam : vertu»<br />
Mmrebat ïn tcrgu fugientium viBor ;. fed"<br />
profpt&um ocuhmm niées pulveris , qum. ad cahtm<br />
firebatur , abjlukrat* Ergo haud -ficus quam<br />
m umbrh errabam , ad fonimm notas vocts ,•<br />
ut fignum , fub'mde coeuntes : exaudkbantur tan*<br />
mm ftrepkus habenamm , quîbks- eqm currum<br />
trahentes identidem vtrberabantur ;- hmc fila fur<br />
giemu vejiigia excepta funu<br />
XVI.. At in lavo macedonum ' cornu ,. quod<br />
Parmenio t ficut urne di&um ejt r-tuebatur , longéédid<br />
firtunâ umusque <strong>par</strong>tis res gerebatur» Ma-<br />
%jms 9. cum omni fuorum equitatu vehementer<br />
mve&us , urgebat macedonum alas : jamque abnndans<br />
multkuainc aciem circumvehi cœperat r quum _<br />
Parmenio équités nunciare jubet Alexandro m •quoi<br />
difirimme ipfi citent ; nifi mature, fubverûretur >,<br />
non pojfe fifli fugam, Jam multum via • procefi<br />
firat rex » imminens- fugientium tergis % quum à<br />
Parmenione triftis nuncius verni* Refrenarc equosjuJJ!<br />
qui vehebanmr , agmenque confikk £ fren~dente<br />
Akxandro , eripi fibi vitkriam 'è 'manibus<br />
* & Uarium filkiès fugtre quam fiqid fi.<br />
Intérim ad Maqzum fuperati régis fama pervenemt<br />
: kaque , quanquam^ validior erat r foriumî<br />
êamen <strong>par</strong>tium terrkus 9. percul/ls fangui<strong>du</strong>ts injla-<br />
Bat. Parmenio ignorâbaê' quidem> caufam fm<br />
jponù&- gugnai- remiffk ,.. fid occafione
LIVRE IV. CM'AP* XVI. zoj<br />
ie l'abandonner. Tandis qu*il flottoît entre Fefpérance-<br />
& le défefpoir, les perfes plloient infenfiblement &<br />
leurs rings **étoient éclaïrcis. Alexandre s ayant changé<br />
de che¥aî t après en avoir excédé pîufîeurs s ne. ceffoiî<br />
de tuer <strong>par</strong> devant ceux qui lui reliftoient, & paç<br />
derrière ceux qui foyoient» Ce iTétoit plus un combat t<br />
ééîùk une Boucherie f lorfque Darius tourna aufli fou<br />
char p@ur prendre la fuite. Le yainqueur pourfuîvoit de<br />
près les fuyards ; mais un nuage de pouflière , qui s'èle-<br />
•oit jufqu'aux cieux f ôtoit Tufage de la-vûe, Aufli alloit*<br />
•n à l'aventure comme dans les ténèbres f & oa ai Ce<br />
ralUoit qu'au fon des voix de eonaeiflance, qui fenroient<br />
de lignai : on entendent feulement les coups de fouet -<br />
dont on frapoit de temps en temps les chevaux <strong>du</strong> char<br />
de Darius j c'eft le feul indice auquel on put recon-<br />
BOitre la trace de fa faite-<br />
XVI. Mais à Faile gauche des macédoniens ,'quî étoit,<br />
tomme ©n Fa dit , fous le commandement de Pafménion<br />
, la fortune des deux <strong>par</strong>tis étoit bien, différente.<br />
Mazée, ayant chargé vigoureufemeiît avec toute fa* cavalerie<br />
, prefloit les macédoniens en flanc : & il, corn-;mençoit<br />
déjà à les enveloper .<strong>par</strong> la multitude, de (es<br />
troupes , quand Parménion détacha des cavaliers vers<br />
Alexandre r pour lui apprendre le danger ou il étoit s &<br />
que , s'il 'n'étott promptement fecouru, il ne pouvôif<br />
plus empêcher fes gens de prendre la fuite, te iolétolt<br />
déjà loin à la pourfuite des fayards 9 quand il reçut de.<br />
Parménion- cette-trille nouvelle. IL commanda ' à fes cavaliers<br />
de retenir leurs chenaux , & toute fa troupe* Ht<br />
halte ; suis.Alexandre frémit de jragës.de ce cfiie^ta<br />
viéloire lui étoit arrachée des mains s & que fon ennemi<br />
étoit plus heureux dans*fa faite que lui en le pourfuî*<br />
nant. Cependant la bruit de la défaite de Darius étoit/<br />
venu jufqu*à Mazée : aufli, quoiqu'il eût la, fupériorité.*<br />
étonné toutefois <strong>du</strong> malheur de fon <strong>par</strong>ti, il pouflb.it<br />
. moins vivement les ennemis, déjà, ébranlés. Parménion<br />
ignoroit ta tau Ce de ce ralestiffement fp ont a né dit cojri«<br />
bat y mais il grofîtt habilement de cette occafîon poW
204 'LIBER IV. CAP. XVI.<br />
Jîrenùè efl ufus ? thejfalùs équités- ad' fe vocarî<br />
jubet: Écquid', ihquk, videtis iftos , qui ferociter<br />
* modo inftabant, pedem referre , fubito<br />
pavoré perterritos ?' Nimirum. nobis quoque régis<br />
. noûri fortpna vincit : onmïa perfaram caede ftraîa<br />
funt.. Quid ceflatis ?. an-ne fugientibus quidem<br />
<strong>par</strong>es eiiis l Vera dicere videbatur, & fpes Unguentes<br />
quoque, erexerat* Suhûsh cakariens prormêre<br />
in kùfiem^&UB'jam,. non fenfitt, fed cîmto<br />
grain ,. reeedebant ; net quidquam-fugm, nifi quoi<br />
ierga
LirRE-IV.-CBAP. XVI. mf<br />
tamenêr la vicYoîie ; il-'fait approcher la cavalerie tnef*<br />
felienne : Woye\~vous % leur dit-il, que c&usc qui- nom<br />
preflbient MV,SC fureur il n'y & qu'un moment f lâchent /*»<br />
pied & faut falfis d 9 une terreur fouimne?. C*efi que la<br />
fortune de notre roi remporte ta vMoire r mime peur n&us :<br />
tout eft jonché de perfes maffaerés» Que tardt^vous ? ne<br />
vale{-vous pas bien des gens qui fuient? Ce difcours étoit<br />
•raiffemblablé, & il avoit/animé leurs* efpérances» Ils.<br />
fondirent "à. toute bride fur lès ennemis": &•'ceux-ci<br />
reculèrent ,.non d'une manière infenfAIe f mais au pas<br />
redoublé; & il ne leur maoqooitj pour être' décidé»ment<br />
en fuite, que d'avoir tourné le dos. • Cependant*-<br />
Parménioir,. rgnorant-quel foccès le roi avait eu à l'aîle*<br />
droite , modéra l'ardeur de fes foldatt. Mazée de foa.<br />
côté , trouvant de îa facilité dans fa fuite, alla paJTer<br />
le Tigre.» non <strong>par</strong> le.droit chemin, mais <strong>par</strong> un circuit<br />
plus long & <strong>par</strong> là même plus-(ur , & il entra dans Babjlone<br />
avec les débris de l'armée vaincue*<br />
6i. Darius, peu accompagné dans fa fuite, avoir<br />
tiré vers le Lycus ;, & quand il l'eut paffé,, il délibéra-,<br />
s-'il romproit le pont,.<strong>par</strong>ce qu'en lui fefoit entendre.que<br />
rennemi alloit le fuivre de près : mais il voyoit:<br />
qpe tant de milliers de foldats , qui .n'avoîent pas. encore<br />
gagné le fleuve , feroient la proie de l'ennemi fi le •<br />
p©nt étoitcoupé'; & il'eft certain que, Te làiflàntfub*<br />
lifter, il'dît en <strong>par</strong>tant, qu'il ahnoît mieux donner ce<br />
paffage à ceux qui le pourfuivoient-que del'ôter â ©eux<br />
qui fe"faevoteut. Ce prince-, aptes avoir traversé en.<br />
iuyant une grande éten<strong>du</strong>e de pays, arriva enfin à Ârbel-<br />
Les vers le "milieu de la- nuit. Qui pourr®it fe- reptéfen—<br />
ter en e£|>rit'©u rendre fidèlement dans un difœurs tant -<br />
de jeux outrageants delà Fortune, les maffacres iî variésdes<br />
chefs &des corps de troupes , îa fuite des vaincus,<br />
les malheurs généraux & <strong>par</strong>ticuliers ? Peu s'en fallut<br />
que la Fortune n'accumulât dans cette feulé journée, les<br />
événements de tout un fiècle.-Les uns fuyoîent-<strong>par</strong> le<br />
plus court chemin qu'ils pouvoient trouver , lés autres<br />
gagne ient divers défilés- &. if s- fentiers inconnus i ceux-.
io6 LIBER 1K CAP. XVI.<br />
'Armons imrmes 9 inugris dekiks, ïmplkabanturl<br />
Demie nùfericordiâ in meium versa, qui feqtd mmpoterant<br />
inter mutuos gemkus defereëanosr* Skis<br />
pracipuè faûgatos & fauàos perurebat ;: pajfimque<br />
omnibus rivis pofiravcrant corp&ra & pmterftuenttm<br />
aquam hianti ore- captantes r quam quum dm<br />
midi, turbïdam haufijfent , tendebantur extemph<br />
pracordia prememe iimo ;. refolmuque & torpentibus<br />
memhru 9 quum fupervenijfet hoflu r nm>is<br />
vulneribus exckalantur. Quidam r occupons proxinûs<br />
rivu 9 dwerterant iongms ,. m quidquid occuiti<br />
'humons mfquam • mànaret excipereM ; mec<br />
ulla adèè mâa & ficca lacuna erai r qum vefttgantium<br />
fitim [allereu Eproximk vero itimrivkis<br />
Jenum uluhtus feminarumque exaudkbantur, barbaro<br />
rku Barium adhuc regem clamantium.*<br />
62. Aîexander, ut fupra dMum efl'r inhibao<br />
'fitorum curfu , ad Lycum amnem pervmerat 1<br />
uhi -ingens multitude Jugientium onerwmrat pon»<br />
tem ; & pkrique , quum hoflk urgere$r in ftumem<br />
fe pmcipkaverant, gravesque armis & pmlio MC<br />
fugâ defatigaù * mrgitibms- haurkbantqr~ Jamque<br />
non pons modo fugkntes , fed ne amnis quidem.<br />
capkbat r agmina fua improvidè fub'mde cumulantes<br />
: quippe y ubi intravk animos pavor r id fohmt<br />
metuunt quod primum formidare cœperunL Aîexander<br />
, injhntibus fuis impunk abeuntem hoftem fe»<br />
qui permutent £ hebeûa iela ejfe & 'manus fktiga*<br />
tas ,_ tamoqut curfu œr<strong>par</strong>a exfmufla „ & preeceps.<br />
m naSem diei tempus caufotus. eft ; re.verdde. lm®
'LIVRE IV* CJTJF. XVI. %oj<br />
qui' Tes pôurfulvole»*.- Cavaliers* & fantaflîus ,. armés*<br />
êc non armés , feins & malades ,. tous s. fans ordre ôc<br />
fans chef r étoient dans une confufion.- épouvantable.<br />
Bientôt la compaffion fefant place à îa crainte , aprèsdès<br />
gémïflemeiîts' réciproques on abandonnoit ceux<br />
qui ne pouvoient fuivre. Une foif ardente furtout preffoit<br />
violemment ces- 'malheureux ,. excédés de fatigue.<br />
6c enflammés <strong>par</strong> leurs bîeffures ; & ventre à terre defous<br />
côtésle long des ruiffeaux, ils avaloient à longstraits<br />
l'eau- <strong>du</strong> courant : mais après qu'ils avoignt étanché<br />
à loilîr leur foif ardente dans cette eau trouble ,. le<br />
limon, leur gonfloit aufiltôt les entrailles ; & leurs-membres<br />
demeurant comme engourdis ,• l'ennemi furv.enoit'<br />
Scies ranîmoit <strong>par</strong> de nouvelles bîeffures. Quelques-uns ^<br />
trouvant occupés les ruifieaux qui étoient à leur portée ,,<br />
alloient plus loin , pour recueillir toute l'eau, desfources<br />
les plus cachées ; & il n'y eut mare fi écartée ou.<br />
fi ré<strong>du</strong>ite à ïec, qui pût fe- dérober aux recherches degens<br />
fi altérés. Dans les filkg.es près- defquels- an paf—<br />
foit ,. om entendôit. les clameurs des vieillards & dés.<br />
femmes ,. qui, à la manière des barbare*, criéient que<br />
Darius étoit encore leur roi* • ' ,<br />
62. Lorfqu'Alexandre , comme nous avons dît, fuf—<br />
fendit la marche èes fieos , il étoit arrivé au fleuve Lycos<br />
: là la foule des fuyards remplifloit le pont;. & plu—<br />
fieurs ,. preffé's <strong>par</strong> l'ennemi, s'étoient précipités dansl'eau<br />
, où t appefanîis <strong>par</strong> îe poids âm armes Stharaffés<strong>du</strong><br />
combat & de la fuite, ils étoient promptement engloutis.<br />
Alors , non feulement le pont, mais le fleuvemême<br />
regprgeoîent de la quantité des fuyards,.. dont les,<br />
bandes venoient coup fur coup | s'entaffer inconfidéré*<br />
ment les'-unes-fur les autres": ceft que,, quand une foisla<br />
terreur a. faillies efprits ,. ils ne redoutent plus quece.qui<br />
leur a d'abord, caufé de l'effroi* Comme Ale--<br />
'xandrt-- étoit vivement follicité <strong>par</strong>- les- fiens r, de-leur<br />
lalffer poutfiihrre l'ennemi qui fe retîroit impunément;.<br />
-il leur dit que • leurs armes étoient émouflfées;&' leursjnatns.-lafihs^de<br />
frapper, qu'une fi longue-courte a*oifc
2-of LIBER ÎV. CAP. -XVT. '<br />
eôrwù , quod' udhuc in atie'Jlare crt débat*, /bIPcitus;<br />
reverti'ad firendam bpem fiiïsfiàtuiiJ Jarn—<br />
que fi'gna convertirai ». quum- équités a Parmtnîàne<br />
mifit Ulius quaque <strong>par</strong>tis wBoriam numïant. Sed J<br />
mdlum eo die majus perkulum adiit 9 quam <strong>du</strong>m<br />
copias re<strong>du</strong>cit in cafira. Pauci eum & inc&mpQ~<br />
•fiti fiquebanmr ovantes viBoria r quippe &mn£&<br />
àofks> ont- in fugam effufos* am in- acte credebmnz<br />
cecidifie ; quum repente ex adverfo appatmit agmem<br />
'èqukum , qui primo inhibuêre a curjhm » deinde ,<br />
macedonum paucitate confpeBa s turmas in çhi/îos<br />
concitavtrvnu Ante figna rex ib'at , ' dijfimulkit0<br />
magis- periçulù quam {prête* Nec défiât ei per~<br />
petua. in <strong>du</strong>biis rébus félicitas : namque prœfec—<br />
mm equitatus ,. avi<strong>du</strong>m certaminh & ob id ipfhrm<br />
mmmûus in fe-ruentemr haflâ. transfixit ;• qu&<br />
ex eqm lapfo , proximum ac deinde. phires eodem<br />
Mtà confidît» Invajtre tufbamà amici qmoq&e i mec •<br />
-<strong>par</strong>fie mulû cadtban* ;• qwppt non umverfie aciesquam<br />
ha tumultuarim manus vehemtmiks iniêre.<br />
certamen. 'Tandem- barbari, quum abfcura- hicefuga<br />
tutior videretur ejfè quam pugna , dlverfisagminibus<br />
abiére. Rex ,_ extraordinarlà periculà-defimBus<br />
, incojumes fiws re<strong>du</strong>xit in cafifa%^<br />
'6$r Cecidcre ptrfarum J quorum . mmemm wBè~res<br />
finire pomerum fc miHia* X-â;-macedonum mines•<br />
. ,qmm• hmc 4 viBm- -<br />
éam.mxi tmjem ex pdm. virtuth qmm, fmttmmr
LIVRE-IV. CMAV» XVI. 209<br />
épuifé leurs forces s & que îe jour tombait : c'étaient<br />
des prétextes, & la vérité eft qu'étant inquiet de foi*<br />
aile gauche , qu'il croyok encore être aux mains, il<br />
avoit réfoîu de fevenir fur fes pas pour " lui porter fencours.<br />
Déjà fes enfelgnes avoient fait volte-face-, quasdf<br />
des cavaliers que Parménion lui avoit dépêchés lui apprirent<br />
la vi&oire remportée auffi de ce côté-là. MaîsJI<br />
ne courut ce jour-là aucun daager plus grand t que lorfqu'il<br />
ramenoit fes troupes au camp. Ii v étott fuivi de peu<br />
de gens, qui marchoient en défordre dans la joie ©ù ils<br />
étoient de la viôoire, croyant tous les ennemis en fuite<br />
ou reliés fur le champ de bataille ;. lorfque tout à coiifi<br />
il <strong>par</strong>ut en.face un gros de cavalerie, qui d'aberdalla<br />
bride en. main , puis , ayant reconnu le petit nombre<br />
des macédoniens , fondit iinpétueufement fur eux. Le<br />
roi marchoit à ia tête- de fes enfelgnes f diffîmulant le<br />
danger plus qu'il ne leméprîfojt. Le bonheur qui le fuivoit<br />
constamment dans toutes les ©ccafîons périlleufes y<br />
ne Fabandenna pas dans celle-ci : car le commandant<br />
de- cette cavalerie délirant d'en venir aux mains , &<br />
l'ayant en conféquence attaqué avec affez peu de pré*<br />
caution, il le perça de. fon javelot;, & quand*il l'eut<br />
tenverfé de fon. cheval, il tua avec .le même trait le<br />
cavalier le plus proche & plufseurs autres enfuïte. Ses<br />
gens tombèrent en même temps fur les petfes,. que<br />
cet accident avoit étonnés. : mais ceux-ci vendoient<br />
cher leur vie ; car les. deux armées entières n'avoient<br />
pas combattu avec plus de vigueur,.que ne îe firent ces»<br />
deux troupes qui s*éîoient rencontrées" fortuitement.<br />
Enfin les barbares , jugeant que dans l'obfcurité il étoit •'<br />
plus fur de fuir que de combattre % fe retirèrent <strong>par</strong> pe*<br />
lotoos. Le roi, échapé de ce danger qui. n'étoit pas.<br />
dans Tordre accoutumé s ramena fes. gens au camp fans,<br />
aucune perte.<br />
63. Quarante.miîle perfes-, félon- le compte quepurent<br />
en faire les vainqueurs , périrent dans cette joursée<br />
; & les macédoniens perdirent moins de trois-cents.<br />
Sommes, Au refie x le foi fut plus redevable de cette-
*io LîBEH IF. CAP. XVI.<br />
fum dthuk ; anime r *o* »• & *!%ia , loco vïeïù<br />
Nam & aciem perkiffme infirmât ; & promptijfimè<br />
ipfe pugnavk ; & mapm confilm joêuram<br />
farcînarum impedimmtorumque contemfit , quum<br />
in ipfâ ack Jummum ni videret effi difcrimen ;<br />
<strong>du</strong>bioque adhuc pugna eventu , pro vi&ore fe gef*<br />
fit ; perculfos demie hofies fùdit ; fugientes 9 quoi<br />
in iïïû drdore anlmi vix credi potefi, prudentius<br />
quaw avïdms perfequums eft : nam fi, <strong>par</strong>te exer»<br />
mm. adimc m ack fiante , infiart cedemiius perfeveraffet;<br />
aut fuâ culpâ viBus effet 3 aut aliéna<br />
virmti vuiffht. Jam fi mukimdimm equimm oe~<br />
currentmm txûnmïffet, viBori aut fœdè fugien<strong>du</strong>m<br />
aut mîferab'dkir cadm<strong>du</strong>m fuit. Ne <strong>du</strong>ces quiiem<br />
copiarum fuâ iaude fraudandi funt ; quippe vulnera<br />
'qua quuque excepk , indida virtuds fimt..<br />
Mephafiioms brachium haflâ iMum tfi : Per<strong>du</strong>»<br />
CAS; p ac Cœnus » & Menidas , fagittk prope ocdfit<br />
' &, fi' verè mftimare macedonas qui tune erant<br />
v<strong>du</strong>mus ; fatebimur, & regem talibus mbûfim *<br />
& Ubs tastù rege fuijfe dignij[m®s»
LIVRE IV., Crijp* XVI. m<br />
viûoire à lui-même qirfàfon. bonheur-;, il l'obtînt <strong>par</strong> la<br />
force de fon courage % & non, comme autrefois , <strong>par</strong><br />
l'avantage <strong>du</strong> polie. En* effet il difpofâ Ton armée" es.<br />
habile homme'; il paya de fa perfonne- en homme de<br />
courage; ce fut avee.fageffe qu'il ne tint compte de<br />
la perte des baîots & <strong>du</strong> bagage % jugeant bien que le<br />
point capital ~étoit de-gagner -la bataille--5. quoique- le<br />
fuccès en fût encore douteux, il nelaiflâ pas de fe com~<br />
porter "en vainqueur ; des qu'il vit les ennemis ébranlés»,<br />
il acheva de les mettre en déroute ; & quand ils prirent<br />
la fuite , une chofe qu'on a peine à croire d r un courage<br />
fi bouillant, c'eft qu'il mit à leur pourfuite plus de prudence<br />
que d'ardeur : car fi % pendant qu'une <strong>par</strong>tie de<br />
farinée étoit -encore aux mains f • II fe- fût obftiné à la<br />
pourfuite des fuyards- ; ©u il auroit per<strong>du</strong> la viôoire<br />
far fa, faute % 'ou il ne Fauroit <strong>du</strong>e* qu'à la valeur d'an*<br />
trui. Enfin s'il eût été intimidé <strong>par</strong> le nombre des* cava~,<br />
liers qui le rencontrèrent r il étoit ré<strong>du</strong>it > malgré fa,<br />
viâoire f ou à fuir honteufement ou 4 périr miférable*<br />
«tient, il ne faut pas non plus refufer aux chefs les élo*<br />
ges qui leur font <strong>du</strong>s ; puifque les bleffures que reçut<br />
chacun d'eux , font des preuves de leur valeur. Hépheftion<br />
eutim coup'de javelot dans le bras : Pérdiccas ,<br />
Cénus. 9 & Méhîéis faillirent d'être tues à coups de flè«ches<br />
: 6cf û nous voulons'apptéeïer au vrai les macédonien!<br />
de ce temps-là, nous avouerons que le roi<br />
étoit digne d'être fervi <strong>par</strong> de tels hommes f & que cet<br />
hommes étoieat bien dignes d'un te! roi*
LIBER QUINTUS.<br />
I. Dario Media fines ingreffo, • Arbefis potitur<br />
• Akxaiidér & Babylone -, CUJHS fitus, ampli—<br />
tsdo * & corrapti mores defcribuntur.<br />
IL Milîtibus pramia. propoeit , ut iis ©tient<br />
excutîat ; Sufianam urbem. ac regum Perfiar<br />
tbefauros recïpit ; ac Sifygambk: confolatuxv<br />
///• U3doramfC^©îie'fiîperatâ, Madatem, pi*-<br />
- feânm* ac- dédites : & captivôs tum Kberate<br />
tom imtnunitatè douât : Perfidemqiïe ihtrare<br />
cogïtans » ab Ariobarzaoe tetrocedere cogitur*<br />
'"MT- Captiro qeodam iter paucfe cognitum aperiente<br />
9 penaram exercitum 9 ipfo Ariobar-<br />
2ane ocofo, delet Alexander. .- ;<br />
F. Ad Pesfepolim propcrails.r captivonua gracoroiïi<br />
LIVRE CINQUIÈME.<br />
X Darius étant entré dams la Médk$ Alexandre<br />
fe. rend mdm d'ArMks &*de Mabyhne, dont<br />
, 4m ^dicra m h-famtmn É h pondeur ±*& 'les<br />
• meurs, corrompues» „.".....*"• •- .-n/i<br />
IL 11 propofe des prix aux JoUats , pour les fouver<br />
de l'oifivtté : il-reçoit la ville de Sùçe avec<br />
les tréfors des rois de Perfe ; & confole Si/ygambis.<br />
^ .<br />
Ht Après avoir 'fournis ; le canton des uxiens s<br />
Alexandre accorde, & h liberté & l'exemption<br />
dé toute charge à Madates, qui y commandait s<br />
& a ceux .qui s'étaient ren<strong>du</strong>s ou qui avaient été<br />
pris : puis lorfquil projette d'entrer, dans la<br />
Perfe, Ariobarçancs le contraint de reculer.<br />
TV. Un prifennier ayant indiqué un chemin connu<br />
Je peu l de gens;, Alexandre défait l'armée des<br />
perfes , & Ariobar\anes lui-même eft tué,<br />
V, Alexandre, en allant a Perfépolis , rend U<br />
liberté a quatre-mille prifonniers grecs.<br />
yi: Après le pillage de la très-opulente ville de<br />
.Perfépolis ,'il fe <strong>par</strong>u -dans l'intérieur de la<br />
Perfe, & dompte la nation des mardes.<br />
Vît Alexandre, pouffé dans un fifiin <strong>par</strong> Thaïs<br />
& .<strong>par</strong> Sautres courtifanes qui fuivoient far*<br />
' mée9 brûle le palais des rois de Perfe ;enfuitt<br />
il prend la réfohition de pourfuivre Darius.<br />
yiH. Difiours de Darius pour animer lés -fient<br />
au combat*- - ,v ' w<br />
IX. Diferfes èpiâiom des Grand* » & (roubles à
«4. '-'JLIBXR V. CAP. L - -<br />
Nabarzanis , qui cum Beflb proditionis focïe^<br />
tatetn .inierat % confiïium. ' . . ,<br />
-X Beffi & Nabarzanis de Dario prodendoastocciderid©<br />
netaria deMberatio ; quam miris<br />
artibu^ occultant,<br />
JCf..In£di« pfodkofûîa Dario 'aperinntur, qui<br />
graacorum pnefeos tittnmque réunit aiudlium »<br />
<strong>par</strong>atus perire fi ialyum cffe aoleat- (m milites.<br />
. .<br />
XIL Bêffus Darium fiais verbis & laciymis<br />
delufiim comprehendit ; ' aureifqiie vinftum<br />
•compedibus in fordido vehiculo de<strong>du</strong>ci curai*<br />
-XIII Alexander ^ audit© Darîi periciilo, ad<br />
perfaram exercitum contendit. Befliis Darium ,<br />
quia fugientes fequi recufat, muMs confoflum<br />
vulneribus relinquit. Darii corpus repertum<br />
Alexander lacrymis profequitur , & ad Siiygambim<br />
fepeEen<strong>du</strong>m mittit<br />
\C-17 M intérim , <strong>du</strong>&u mtperwque 'Ahxandri9<br />
vtl m Gracia vel in lUyriis ac Tkracid gefta<br />
funt9fi qumque fuis umporibus reddere voktero »<br />
intemunpendm jiint res Âfm ; qims utique ad<br />
fagam ;wmrumqw J)arii whverfas in con/pecTu<br />
dari, & , faut inttr Je cohérent tempore 9. ita<br />
opère ïpfo conjungi , àaud pauh aptius videri<br />
p&teft : iguw mit .quœ prœlw apud Arbtla conr<br />
junMa fum vrdiar dicerê, Darius medm ferè m$&e<br />
Arbeh pervmit ; eodtmqm magam <strong>par</strong>tis amico*<br />
non ejus ac militum fugam Fortuna
LIVRE F. CBAP» I. aiç<br />
Toccafion de l'avis de Naèar^ams 9 qui avok<br />
tramé une trahifon avec Mejfus*<br />
X. Délibération criminelle de Bejfus & de Nabar\anes<br />
pour livrer ou tuer Darius ; mais ils<br />
tachent leur projet <strong>par</strong>_ des artifices étonnants.<br />
XI. On découvre les embûches des traîtres i<br />
Darim, qui refufe le fecours préfent & ajfurê<br />
des grecs 9 étant déterminé à périr fi fes foUats<br />
m veulent pas le fauver.<br />
XII. Après avoir trompé Darius <strong>par</strong> des faujfetés<br />
& des larmes feintes, Bejfus F arrête ; & l'ayant<br />
chargé de chaînes d'or, il le fait emmener dans<br />
une miférable charette*<br />
Xffl. Alexandre , infiruit <strong>du</strong> danger oh émit Dar<br />
nus, marche contre l'armée des perfes. Bejfus 9<br />
piqué que Darius ne voulût pas fuivre les bactnens<br />
dans leur fuite , le ùiffe percé de plur<br />
fieurs coups» Alexandre 9 ayant trouvé fou<br />
corps , le pleure & Venvoie à Sifygambis ,<br />
afin quelle lui donne Us honneurs de la féptdr<br />
'titre»<br />
£ d i je '<br />
: voulofs rapporter dans l'ordre chronologique<br />
toutes les chofes qui fe 'font faites, fous la direftion &<br />
<strong>par</strong> les ordres d'Alexandre, tant en Grèce qu'en Myrie<br />
& en Thrace , il faudroit interrompre îe fil des affaires<br />
de PAfie : mais il peut <strong>par</strong>oftre beaucoup plus conve*<br />
sable d'en préfenîer de fuite le fpeâacle tout carier<br />
jufqu'à la fuite & à la mort de Darius, & de lier enfembîe<br />
dans mon ouvrage des événements qui font enchaînés<br />
les uns aux autres <strong>par</strong> la fuite des temps .* je vas donc<br />
commencer <strong>par</strong> ceux qui tiennent comme dépendances à<br />
la bataille d'Arbeiles. Darius arriva en cette ville vers le<br />
milieu de la nuit; & la Fortune y avoît con<strong>du</strong>it aufli dan*<br />
leur fuiteune grande <strong>par</strong>tie de fes principaux officiert
2ï5 .LIMER V. CAP. I.<br />
Ll VR E F. ' CHAP. 1m. 217<br />
le île fes foldats. Les ayant dose afferabiés, iî leur fait<br />
entendre, qu'il ne fait aucun doute qu'Alexandre ne<br />
fonge à s'em<strong>par</strong>er des villes les pîus célèbres & des<br />
campagnes abondantes en toutes fortes de biens ; qu'un<br />
butin fi riche & û facile fixe fes regards & ceux de fes<br />
foldats : que p#ur lui, dans l'état -ou il eft, cela même<br />
deviendra fareflburce, <strong>par</strong>ce qu'il en gagnera plus aifément<br />
les déferts avec un camp volant; que les provinces<br />
les plus reculées de fon royaume font encore<br />
iotaftes, & qu'il y trouvera fans peine de nouvelles<br />
forces pour foutenir la guerre : qu'il confent que cette<br />
nation infatiable s'em<strong>par</strong>e de fes richeffes & fe raffafîe<br />
enfin de For qu'elle convoite depuis fi long temps,<br />
<strong>par</strong>ce qu'elle ne tardera pas à devenir fa proie à luimême;<br />
que l'expérience lui a appris, que des meubles<br />
précieux, des concubines, des troupes d'eunuques , ne<br />
fefoient que furcharger & embarraffer ; & qu'Alexandre,<br />
à fon tour, les traînant après lui, fera vaincu <strong>par</strong> les<br />
chofes mêmes qui -lui ont d'abord procuré la viûoire.<br />
Tous jugèrent que ce difeours étoit diûé <strong>par</strong> le défefpolr,<br />
<strong>par</strong>ce qu'ils voyoient clairement que Babylons,<br />
cette ville fi opulente, une fois abandonnée, le vainqueur<br />
feroit bientôt maître de Sufe, des autres places<br />
qui fefoient la gloire <strong>du</strong> royaume, & de ce qui étoit<br />
le véritable-fuj et de la guerre. Mais le roi continue de<br />
remarquer j que, dans des conjonctures fàcheufes, il faut<br />
s'attacher, non à des projets magnifiques, mais aux<br />
chofes néceffaires : que c'eft <strong>par</strong> le fer que les guerres<br />
£e terminent, & non <strong>par</strong> l'or; <strong>par</strong> le courage des<br />
hommes, & non <strong>par</strong> les maifons des villes : que tout<br />
réuflit à ceux qui ont les armes à la main ; & que c'eft<br />
ainfî que fes prédéceffeurs, ayant eu de mauvais fuccès<br />
dans les commencements de la monarchie, ont prompîement<br />
ré<strong>par</strong>é leurs pertes. Soit donc qu'il eût en<br />
effet rafTûré leur courage, ou qu'ils déféraient plus"à<br />
fes ordres qu'à fes opinions, il entra dans la Médit,<br />
2- Peu de tems après on rendit Arbelles à Alexandre ,<br />
I|Hî y trouva quantité de meubles de la couronne & uit<br />
Terne L K
n8 'LIBER V. CAP. 1.<br />
milita tdmtûm faire, pmterea pretiofa veftes j<br />
îMîUS , ut fupra di&um efl , exercitus opïbus in<br />
ilhm fedem congeflis. Ingruentibus deinde ' morbis,<br />
quos odor cadaverum tous jacentium campis<br />
vulgaverat , maturiàs caftra movit* Eumi*<br />
bus 9 a <strong>par</strong>ie lava Arabia , odorum fenMkate<br />
nobilb regio 9 campeflre iur efl. Inter Tigrin<br />
& Euphraten jacenùa tam uberi & pingui folo<br />
funt, ut a paflu repelli pecora dicamur , ne fa»<br />
tietas périmât : caufs fertilitaùs efl humor qui<br />
ex utmque amne manat, toto ferefolo propter vernis<br />
aquarum refudante. Ipfi amnes ex Armemm<br />
<strong>mont</strong>ibus profluunt, ac magno deinde aquarum<br />
divortio iter quod cepêre percurrunt ; <strong>du</strong>o mMm<br />
& D fladia tmtnfi funt, qui ampMJflmum inter*<br />
vallmm'circa Armenim <strong>mont</strong>es notaverunt : udem3<br />
quum Media & gordianomm terras fecare cœperunt9<br />
pauhmm m arMius coeunt ; & quo bngius manant,<br />
hë€ anguftius inter fe fpatium terra rtlinqmm :<br />
vkini maxime funt Ms campk quos incolm Mefopotamiam<br />
* appeUant, mediam namque ab utro°°<br />
que latere conclu<strong>du</strong>nt : iidem per babybnbmm<br />
fines in rubrum mare prorumpunt* Alexander<br />
quartis caflris ad Memnin urbem pervemt : caverna<br />
ibi efl ex quâ forts ingénient vim bkumims<br />
ijjfundit, adeb ui fans conflet babyhnios mums*<br />
ingentis ©péris , hujus fontis bitumine intérims<br />
* Si ce nom efl celui que lui donnent fes habitants 9<br />
iî n'en clique la tra<strong>du</strong>âion en grec; car il a pour racines ,<br />
Mê^Qç(miUemt mtre-âeu%)t ^.flOTûC^éç (fleuve)*<br />
c*eft en effet un pays entre deux fleures, le Tigre & l'Eu-
LIVRE V. CMâW. L 219<br />
trlfor confidérâbîe : il y avoit quatre-mille talents &<br />
des habits précieux ; toutes les rkheies de Tannée<br />
ayant été , comme on Fa dit ci-deffus f tranfportées dans<br />
cette place. Les maladies , caufées <strong>par</strong> Fodeur des<br />
cadavres répan<strong>du</strong>s dans toute la campagne, le forcèrent<br />
bientôt de décamper. 11 prit <strong>par</strong> des plaines f laiflânt à<br />
gauche l'Arabie, pays célèbre <strong>par</strong> Fabondance de fes<br />
<strong>par</strong>fums. Les terres entre le Tigre 8c l'Euphrate font<br />
£ graffes , qu'on eft forcé s dit - on f de retirer le bétail<br />
des pâturages, de peur qu'il ne périflfe de réplétion :<br />
la caufe de cette fertilité eft une humidité qui provient<br />
des deux fleuves , & qui fait fourdre des veines d'eau<br />
dans prefque toutes les <strong>par</strong>ties voifines de' ce territoire.<br />
Quant aux fleuves mêmes, ils ont leur fource<br />
dans les <strong>mont</strong>agnes de PArménie t d'où ils continuent leur<br />
cours dans des lits très-éloignés Fun de l'autre ; ceux<br />
qui ont mefuré la plus grande diftance qui les fé<strong>par</strong>e<br />
vers les <strong>mont</strong>agnes de l'Arménie, îa font de deux-<br />
' mille cinq-cents ftades : quand ils font une fois entrés<br />
dans la Médie & dans les terres des gordiens , ils fe<br />
rapprochent peu à peu ; & plus ils avancent , moins<br />
ils laiffent d'intervalle entre eux; le plus étroit eft<br />
celui des plaines que les habitants nomment Mêfipo»<br />
iâmk 9 <strong>par</strong>ce qu'ils bornent éts deux côtés cette contrée<br />
qui eft entre deuxj ils vont de là, en traverfant<br />
les terres des babyloniens, fe jeter dans la mer rouge»<br />
Alexandre arriva en quatre journées à la ville de<br />
Memnis : on y trouve, dans une caverne, une fon»<br />
taine qui jette une fi grande quantité de bitume, qu'il<br />
eft affez confia rament reçu que les murs de fiabylone t<br />
tuvrage énorme» es ont été cimentés»<br />
pihrate. Ce nom eft analogue à celui de fa province de<br />
Ptrrugal y qu'on nomme mm Dmm & Misle y à caufe<br />
des deux fleuves entre lefquels elle eft comprife ; mais<br />
le mat grec et mieux compofé,<br />
Kij
220 Lissa V, CAP. £.<br />
3. Ceterum, Babylomm procèdent! Alexandre<br />
Ma^œus, qui ex' acte in urbem eam confugerat 4<br />
€um a<strong>du</strong>ltis liberis fuppkx Qccurrit 9 urbem feque<br />
dedens. Gratus âdventus ejus fuit régi /<br />
quippe magni operis futura erat obfidio tam munit®<br />
urb'u ; ad hoc 9 vir illufiris, & manu prom- •<br />
tus, famaque etiam proximo pralio cekbris , &<br />
ceteros ad dedkionem fui incîtaturus txemplo vide-*<br />
batun Igitur hune qukkm bénigne cum libefu ex~<br />
cepit, Ceierum quadrato agmme 3 quod ipfe <strong>du</strong>**<br />
abat, velut in aciem irent, ingredi fuos jubet.<br />
Magna <strong>par</strong>s babyloniorum conjliterat in mûris 9<br />
svida cognofeendi novum regem. Plures obviant<br />
egrejfi funt ; inter quos Bagophanes , . arcis &<br />
regm pecunm euftos, ne ftudio a Ma\ao vîneere-*<br />
tur, lotum iter floribus coromsque conftraverat ,<br />
argenteis altanbus utroque taure difpofiûs ,<br />
qua , non thure modo, fed omnibus odoribus<br />
cumulaverat : eum' dona fequebantur 9 grèges<br />
pecorum êquorumque ; koms quoque & <strong>par</strong>daks<br />
caveis prayirebantur. Magi deinde, fuo more pa~<br />
trium carmen canentes. Poft hos chaldmi 3 babyloniorumque<br />
non vates modo fed etiam artifices,<br />
cum ftdibus^ fui generis ibant : laudes H regum<br />
canere foliti ; chaldmi 9 fiderum motus & ftatas<br />
temporum vices oftendere* Equités deinde babyh*<br />
mii, fm Mque equorum cuku ad Iuxuriam magis<br />
quant ad magnificentiam exaBo , ultimi ibant*<br />
Rex 9 armatis ftipatus , oppidanorum turbam poft •<br />
uliimos pedites ire jujpt ; ipfe cum' curru urbem<br />
'ac deinde regiam intravit. Poftero die fupelleBi*<br />
'km Dërii & onmem peamkm recognoyk* '
Ll'VRK.V. C-HAP..'I. 211<br />
. 5. Àtt refte, Alexandre s'avançant vers Babylpne ,<br />
Mazée f qui s'y étoit réfugié après la bataille , vint<br />
humblement» avec ceux de fes enfants qui étoient en<br />
âge de raifon, remettre entre fes mains îa viîLe & ùL<br />
perfonne. Son arrivée fit grand plaffir au roi 5 <strong>par</strong>ce<br />
que c'étoit une entreprife de conféquence , que le<br />
liège d'une ville fi bien fortifiées que d'ailleurs, un<br />
homme de diftinôioo f recommandable <strong>par</strong> fa valeur f<br />
& dont la réputation avoit acquis un nouvel éclat dans<br />
la dernière bataille, fembloît devoir, <strong>par</strong> fon exemple,<br />
porter les autres à fe foumettre auffi ; il le reçut donc<br />
avec bonté ainfi que fes enfants. Quant à la ville f i!<br />
y fit entrer fes troupes en bataillon qtiarré, marchant<br />
lui-même à la tête, comme fi elles alloient au combat»<br />
La plu<strong>par</strong>t des babyloniens s'étaient placés fur les murs,<br />
dans l'impatience de connoître leur nouveau roi. Plu*<br />
fieurs étoient allés dehors au devant de lui ; & de ce<br />
nombre étoit Bagophanes, gouverneur de fa foxterêfle"<br />
& garde <strong>du</strong> îréfor royal, qui, pour ne pas <strong>mont</strong>rer<br />
moins de zèle que Mazée, avoit fait joncher toute la<br />
route de fleurs & de couronnes » & difpofer des deux<br />
côtés des autels d'argent, chargés, non feulement d'en»<br />
cens, mais de toutes fortes de <strong>par</strong>fums : après lui fuivoient<br />
fes préfents-, qui confiftoient en troupeaux & en<br />
chevaux ; & ils étoient précédés <strong>par</strong> des lions & des<br />
panthères que l'on portoit dans des cages- Venoient<br />
•nfuite les mages, chantant félon leur rit le cantique<br />
eu, pays. Ils étoient fuivis des chaldéens, puis des devins<br />
de Babylone & même des muficiens chacun avec les<br />
inftraments de fon genre : ceux-ci font profeffion de<br />
chanter les louanges des rois ; ceux-là f d'expliquer les<br />
mouvements des aftres & les révolutions réglées des<br />
temps, La cavalerie babylonienne marchoit la dernière s<br />
hommes & chevaux dans un ap<strong>par</strong>eil plus tôt de luxe<br />
que de magnificence. Le roi 9 au milieu de fes gardes 9<br />
fit marcher le peuple à la queue de fon infanterie ; il<br />
entra fur un char dans la ville & fe rendit de fuite au<br />
palais* Le lendemain il prit connoiflance des meubles<br />
6c de toutes les finances de Darius. K iij
zit LIBER F. CAP. I.<br />
•4. Cetemm , ipfius urbis ptdchritudo oc vetuftas »<br />
non régis modo, fed etiam omnium oculos m fimet<br />
haud immtrito convertit. Semiramis eam condiderat,<br />
vel, ut plerique credidere , Belus, ca/ax<br />
regia oftenditur* Murus inftruBus latercuio coBMi 3<br />
bitumine interUtus., fpatium xxx & <strong>du</strong>omm pe<strong>du</strong>m<br />
latitudmem ampkBitur ; quadrigœ, inter fe<br />
Gccurrentes fine pericuio commtare diammr : altimdo<br />
mûri c cubitorum eminet /patio, tunes demis<br />
pedibus quam murus aitiores funt : totius<br />
operts ambitus CCCLXVIII ftadm compkBitur.<br />
Singubrum fladiorum ftruBuram finguUs £ebus<br />
perfiBam effe mémorise proditum eft* JEdificia<br />
non funt admota mûris , fed ferè fpatium<br />
unius jugeris abfunt ; ac ne totam quidem urbem<br />
teB'u occupaverunt : per xc'ftadia kabkatur;<br />
me omma continua funt, credo , quia tutms<br />
•vifum eft pluiéus iocis f<strong>par</strong>gi : cetera ferunt coluntque,<br />
ut, fiexterrm vis mgruat, obfeffis aUr*<br />
menta ex ipfius urbis folo fuhmimftrentur. Em<strong>par</strong>âtes<br />
mterfiuit , magnaque moiis crepidbdbm<br />
coërcetur : fed omnium operum magnitudinem cirtumveniwit<br />
caverna ingénies, in dtitudinem pref,<br />
fa ad accipien<strong>du</strong>m impetum ftuminis, quod, vbï<br />
appofim crepidinis faftigium excejjit, urbis tec~<br />
ta corriperet 9 nifi efient fpecus Ucmqut qui<br />
exciperent ; coBili iatercuio ftruBi funt » totum<br />
0pus bitumine aftrmgkur. Pons hpideus , finmini<br />
impofitus., jungk urbem : hk quoqwe inter<br />
mirabiUa Orientés opéra mtmeratus eft ; qùippe<br />
Euphraies almm limum vehit, quo penitus ad<br />
fundamenia jacknda egefto , vix fuffMciendo operi<br />
firmum reperkmt folum ; arena autem fub'mde<br />
cumulatm, & faxis quïbus pons fuftiœtur adne*<br />
xm, morantur_ amnem , qui 9 retentus » acriài.
LIVRE V. CHAP. 1. nj<br />
4. An relie, îa beauté & l'ancienneté de la ville<br />
même fixèrent avec juftice l'attention , non feulement<br />
<strong>du</strong> roi, mais encore de tout le monde. Elle avoit été<br />
bâtie <strong>par</strong> Sémiramis s ou , comme plufieurs Font cm f<br />
<strong>par</strong> Béîus , dont on <strong>mont</strong>re encore le palais. La mu*<br />
raille qui en ferme l'enceinte , faite de brique &'•<br />
cimentée de bitume » a trente deux pieds d'épaiiïeur ;<br />
Uc Ton affûre que des quadriges, venant à s'y ren»<br />
contrer, peuvent y paffer enfemble fans péril : elle a.<br />
cent coudées de hauteur, & les tours font plus hautet<br />
de dix pieds : l'enceinte entière eft de trois-cents foixan*<br />
te huit ftades. On tient <strong>par</strong> tradition que, quand on la<br />
conftruifit, il s'en fefoit <strong>par</strong> jour la longueur d'un<br />
Hade. Les maifons ne touchent point aux murs 9 mais en<br />
font éloignées à peu près d'un arpent; & même toute<br />
Faire de la ville n'eft point occupée <strong>par</strong> dés maifons ; il<br />
n'y en a d'habité que quatre-vingt dix ftades § & tous<br />
les bâtiments ne font pas de fuite , <strong>par</strong>ce qu'on a jugé »<br />
}e penfe , qu'il étoit plus sûr de les difperfer en<br />
différents endroits : on enfemence & on cultive le relie f.<br />
afin, fi l'on étoit attaqué <strong>par</strong> les dehors, de trouver<br />
fur le fol même de l'intérieur la fubfiftance des afliéges.<br />
L'Euphrate traverfe la ville, & eft contenu <strong>par</strong> des'<br />
quais très-èlevés & très-larges : mais ces grands ouvrages<br />
font environnés de fouterrains immenfes , creufés<br />
à une grande profondeur pour recevoir les crues rapides<br />
<strong>du</strong> fleuve, qui, venant à s'élever au deffus <strong>du</strong> quai,<br />
entratneroit <strong>par</strong> fa violence les maifons de la ville, fi<br />
ces antres & ces batflns ne l'interceptoient; ils font conftruits<br />
en brique x & toute la maçonnerie eft en<strong>du</strong>ite dé<br />
bitume. Un pont de pierte, élevé fur le fleuve , joint<br />
les deux côtés de la ville : os Fa mis auffi au nombre det<br />
merveilles de l'Orient ; car l'Euphrate charie -quantité<br />
de limon, qu'il faut enlever entièrement pour creufer<br />
les fondements, & fous lequel on trouve à peint unfond<br />
pour affeoir foîidement l'ouvrage; d'ailleurs les<br />
fables qui s'amoncellent journellemeat & s'attachent<br />
aux piles <strong>du</strong> pont, arrêtent le cours de l'eau, qui, à<br />
K iv
124 -LIBER V. CAP. L<br />
quam fi lilem curfu mearet iliidiiur. Arcem<br />
quoque ambitu xx ftadia complexam kabet :<br />
' xxx pedes in terram iurrium fundamenta de—<br />
mifia funt ; ad LXXX fummum nwmmenti fafligium<br />
pervertit.<br />
5. Super arce , vulgatum grmcorum fabuUs<br />
miraculum, penfiles horti funt, Jummam murorum<br />
altitud'mem mquantes , muitarumque arborum um-<br />
' brâ •& proceritate amœnî. Saxo pila qua totum<br />
mus fuftinent inftruBa funt : fuper pilas lapide<br />
quadraio fohm flratum eft, patiens terra quam<br />
altam injicîunt, & humoris quo rigant terras $<br />
adeèque validas arbores fuftinent moles., ut ftipi"<br />
tes earum vm cubïtorum fpatium crajptudinê<br />
mquent 9 in £ pe<strong>du</strong>m ahkudlnem emintant, &.<br />
frugifem fini ut fi terra fui derentur : & qmtm<br />
vetuftas , non opéra folum manu fa&a , fed<br />
etiam ipfam naturam paulatim exedendo périmat<br />
; hac moles , qum tôt arborum radieibus<br />
premkur tantique nemoris pondère onerata eft 9<br />
inviolata <strong>du</strong>rât : quippe xx loti <strong>par</strong>ietes fuftinent<br />
, undecim pe<strong>du</strong>m intervallô difiantes 1 ut procul<br />
vifenûbus filva <strong>mont</strong>ibus fuis imminere videantun<br />
Syim regem 4 Sabylone regnantem , hoc<br />
opus ejfe molitum , memoria proditum eft, amore<br />
conjugis vi&um , qum , dcfideno nemorum filva**<br />
rumque 'in campeftribus hcîs 9 virum comptait<br />
umœmtatem natura genefe hujus operis imkaru<br />
Duttiùs in hac urbe quam • ufquam conftuu rex ;<br />
mec allas bcus difciplinm militari magis nocuit*<br />
Nihil urbis ejus corruptms moribus, me ad irritandas<br />
illiciendasque immodicas yoluptates inf<br />
truêBus. Liberos conjugesque cum hofpitièus ft»<br />
pro coïre , modo pretium fiaptii detm f <strong>par</strong>entes
LIVRE V. CHâP* L 225<br />
faifon de cet ©bftaele, y brife fes flots avec plus d'impétuofité<br />
que û elle couloit librement II y a aufli une<br />
forîereffe qui a vingt ftades de circuit : les tours ont<br />
trente pieds de fondation dans la terre; 8c le fommet<br />
<strong>du</strong> rem<strong>par</strong>t eft à quatre-vingts pieds d'élévation»<br />
5. Sur le haut de la fortereffe font placés ces jardins fufpen<strong>du</strong>s<br />
, merveille dont les grecs ont tant <strong>par</strong>lé; ils<br />
font au niireau <strong>du</strong> faite des murailles * & agréablement<br />
ombragés <strong>par</strong> quantité d'arbres très-grands. Les piles<br />
qui Contiennent tout l'ouvrage, font confiruites en<br />
pierre : fur,ces piles on a établi des plates-formes de<br />
pierres quarrées, propres à foutentr la terre qui y eâ<br />
tataffée à une grande hauteur, & à réfifter à l'eau des<br />
arrofements; & ces maffes portent des arbres fi forts,<br />
qu'ils ont des troncs épais de huit coudées & hauts de<br />
cinquante pieds, aufli riches en fruits que s'ils étoient<br />
élevés dans leur terroir naturel : quoique le temps' confume<br />
mfenfîblement Ôc détruife enfin, non» feulement<br />
les ouvrages faits de main d'homme, mais jufqu'à la<br />
sature même ; cette grande maffe , tourmentée <strong>par</strong> les<br />
racines de tant d'arbres & chargée <strong>du</strong> poids d'une foret<br />
fi considérable t ne laifle pas de fubfiier fans altération :<br />
c'eft qu'elle eft foutenue <strong>par</strong> vingt murailles épaiffes,<br />
à la diftance de onze pieds les unes des autres ; de<br />
manière que de .loin on croit voir des forêts ombrager<br />
les <strong>mont</strong>agnes ou elles font nées. La tradition eft ,<br />
qu'un roi de Syrie, régnant à Babylone, fit faire ces<br />
ouvrages <strong>par</strong> amour pour fon époufe, qui, regrettant<br />
tes bois & les forêts de îa campagne, engagea fon<br />
van à imiter <strong>par</strong> cet ouvrage Singulier le îpeûa*<br />
cîe délicieux de la nature. Le roi féjourna plus long<br />
temps en cette ville qu'en aucun autre lieu; &. nul<br />
autre ne fut plus nuifible à îa difeipline militaire. Rien<br />
de plus corrompu que les moeurs de cette ville, ni<br />
de plus propre à animer & à faire aimer les voluptés<br />
les plus difloîues. Les <strong>par</strong>ents fouffrent que<br />
leuts enfants , les maris confentent que leurs femmes<br />
^abandonnent aux étrangers, pourvu qu'ils' reçoivent<br />
K V
2i6 LIBER V. CAP. 1'.<br />
maritîque pathtntur. Convivaks ludi totâ Per z<br />
fide regibus purpuratisque cordi funt ; babylo~<br />
nii maxime in vînum & qua ebrietatem fiquuntur<br />
ejfufi funt* Feminarum convivla ineunttunt<br />
m principho modeflus eft habkus ; dem fummaT<br />
qumue amicula exuunt , padaâmque pudorem<br />
profanant; ad ulùmum ( honos auribus fit ) ima<br />
corporum velamenta projiciunt : née meretrkum<br />
hoc dedecus eft , fed matronamm virginumque *<br />
apud quas comitas habetur vulgati corporis vilitas*<br />
6* Inter hmc ftagkia, extrcitus iïïe domitor<br />
Afict 9 per xxxiv dies fagmatus , ad ta qum<br />
fequebantur difcrimina haud <strong>du</strong>biè deb'ûhr fum~<br />
MM fiât » fi hoflem habuiffet. Ceterum , que minus<br />
dammm fenûret, identidem meremento novaba*<br />
tur : namque Amyntas Andromenis ab Antipa-»<br />
tro macedonum peditum fex millia àd<strong>du</strong>xit, o<br />
pmterea ejufdem generis équités ; cum kis ne<br />
tkracas, adjunilis peditibus fuse genûs m milllbus<br />
& D ; & ex Pebponnefo mercenarius miles ad<br />
IV millia advenerat, cum CCCLxxx equitibus.<br />
idem Amyntas ad<strong>du</strong>xerat £ principum Macedo*<br />
nia libéras a<strong>du</strong>lt&s ad cuftodmm corporis ,• quippe<br />
mter epuias ht funt reps mimflri , ûdemqut equos<br />
ineunû pralium admovent, venantemqut comitam~<br />
tur, & vigiliarum vices ante cubiculi fores fer*<br />
vaut : magnorumque pmfe&orum & <strong>du</strong>cum hxc<br />
merementa funt & rudimenta* Igitur arci Babyhrù®,%<br />
rexê Agathone pmfedere juffb cum ucc<br />
macedonum trecentisqm mercedè con<strong>du</strong>Bis ê pm~
L'IVRE KwCHAP. L 117<br />
le prix de cette proftititîon. Les plaifirs de la table<br />
font, dans toute la Perfe , la paffion des rois & des<br />
fatrapes; les babyloniens, font principalement enclins<br />
à l'ivrognerie & aux défordres qui en font la fuite.<br />
Les femmes qui fe trouvent à ces banquets, y <strong>par</strong>oiffent<br />
d'abord avec un maintien modefte; enfuite elles<br />
fe dépouillent de tout ce qui les couvre <strong>par</strong> îe haut f<br />
& oublient peu à peu ce qu'elles doivent à la pudeur; à<br />
la fia (faut* le refpeél qui eft dû aux oreilles chaftes )<br />
elles rejettent encore les voiles deftlnés' à cacher les<br />
<strong>par</strong>ties inférieures de leurs corps : & ce ne font pas<br />
des courtifanes qui s'abandonnent à cettet infamie ; ce<br />
font les femmes & les filles les plus honorables,* qui<br />
regardent cette proftitution aviliûante comme un devoir<br />
de politefle.<br />
6. Cette armée viâprieufe de î'Afie, après avoir<br />
croupi trente quatre j@urs de fuite dans ces impudentes<br />
débauches , fe fût fans doute trouvée trop affoi*<br />
Mie pour fe tirer des périls où elle auroit été enfuite<br />
expofée , fi elle eût eu un ennemi en tète. Au refte f<br />
une chofe qui lui laiffoit moins fentïr cette perte ,<br />
c f eft qu'elle fe renouveloit de temps en temps. <strong>par</strong> des,"<br />
recrues : car Amyntas, fils d'Andromènes, amena fixmille<br />
hommes de pied macédoniens, envoyés <strong>par</strong> Anti*<br />
pater f outre cinq-cents chevaux <strong>du</strong> même pays; ils<br />
étoient accompagnés de fix-cents chevaux thraces ,<br />
avec trois-mille cinq-cents hommes d'infanterie de cette .<br />
nation ; il étoit encore arrivé <strong>du</strong> Péloponnèfe quatre*<br />
taille hommes foudoyés, & trois-cents quatre-vingti<br />
chevaux. Amyntas avoit de plus amené cinquante jeunes<br />
gens , fil* des plus grands feigneurs de Macédoine, pour<br />
être gardes <strong>du</strong> corps <strong>du</strong> roi ;. & ce font ceux qui le<br />
fervent à table , qui lui préfentent fes chevaux pour le<br />
combat, qui Faceompagnent -à la chaffe> & qui. font<br />
tour à tour la garde à la porté de fa chambre.: voilé<br />
îe premier degré & l'apprentiuage des gouverneurs &.<br />
des Généraux les plus diftin'gués. Le roi, ayant donc<br />
fionné à Agatbon le commandement de là fortereffe de<br />
K vj
ai8 LIBER F. CAP. IL<br />
tores, qui regioni Babylonia & cîvitaû pmejjenr»<br />
Menetem & Apollodorum reliquit; his <strong>du</strong>o mUlia<br />
peditum dat cum mille talentis, utrique-pmceptum<br />
ut in fupplementum milites legerent : Ma^zum<br />
transfugam fatrapeâ Babylonia donat ; Bagophanem<br />
, qui • arcem tradiderat, fi fiqui juffii ;<br />
Armenia Mithreni, Sardium proditori, data eft*<br />
Ex pecunïâ demie Babylonia macédoniens equï*<br />
- iibus fixceni denarii tributt ; peregrinus eques<br />
quingenos accepii ; <strong>du</strong>cenis pedeftrwm ftipendmm<br />
menjum efi.<br />
. IL His îta compofiàs. , in regionem qàm Sita*<br />
cène vocatur pervenit. Fertilis terra, copia rerum<br />
&.omni commeatu abundans : kaque diuiiùs ibi<br />
fubflitit ; ac ne defides otio déminèrent ammos-,<br />
judiees dedk, pmmiaque propofuit de virtute militari<br />
certanùbus. OBo qui fortijpmi judicati<br />
effent, Jingulis militum millibus prafuturi erant:<br />
Chiliarchas - vocabant% tum primum in hune nu~<br />
merum copîis dijlributis ; namque antea quingenar'm<br />
cohortes erant , nec fortitudinis prœmia<br />
cejferant, Ingens militum turba convenerat, egregio<br />
interfutura certamini , teffis eadem cujufque<br />
jaBorum & de judicibus îatura fimenimm ;<br />
quippe verone an jfalfo honos emque haberetur È<br />
ignorait nom poteraL Primus omnium virtutis<br />
€amfâ donatus eft Adarchias finior, qui omijfum<br />
apud Halicarnaffon à junioribus pralium unns<br />
maxime accenderat : proximus ei Antigènes vifus<br />
'eft : tertium heum Philotas-Angeus obtinuit : quan-<br />
WsAmynm datas eft : poft hos Antigonus , & ab
LITRE V.~CHAP. IL 119<br />
Banylooe avec fept-cents macédoniens - & trois-cent*<br />
Coudoyés» laifla le gouvernement de la province &<br />
de la ville de Babylone à Menés 8c à Apollodore * il<br />
leur remit deux-mille hommes d'infanterie & mille<br />
talents, avec ordre à Pua & à l'autre de fe compîetter<br />
pat des recrues : il donna à Mazée , qui avoit quitté<br />
le <strong>par</strong>ti de Darius, la fotrapie de Babylone ; il prit à<br />
fa fuite Bagophanes 9 qui îui 'avoit remis la focterefle;<br />
& confia l'Arménie à Mithrènes, qui avoit livré Sardes.<br />
Enfiiite fur Pargeht trouvé à Babylone, chaque cavalier<br />
macédonien reçut une gratification de fîx-cents<br />
deniers j. chaque cavalier étranger, une de cinq-cents ;<br />
& la rétribution-des fantalfins fut réglée à deux-cents,<br />
. IL Après ces difpofitions, il arriva dans le pays<br />
qu*on nomme Sîtacène. C'eft ' un pays fertile , riche ,<br />
& abondant "en vivres .de toute efpèce :"auffi le roi y<br />
féjourna-Nîl plus long temps ; & dans la crainte que le<br />
courage de fes gens ne fe ramollit dans les douceurs<br />
de l'oifiveté*, il nomma des juges * & propofa des prix<br />
pour ceux qur pourroient difputer l'honneur de k bravoure<br />
militaire.. Les huit qui'-feraient jugés les phi§<br />
Taillants, dévoient avoir chacun le commandement d\m<br />
corps de mille hommes : on leur donnoit le nom en<br />
CMUarques, dans cette nouvelle composition des troupes ;<br />
car au<strong>par</strong>avant les corps étoient de cinq-cents hommes.p<br />
& n'avoient point encore été le prix de îa valeur. Les<br />
foldats s r étoient aflemblés enfouie, pour affilier à cet<br />
Hluftre concours, non feulement comme témoins des<br />
aftions de chacun des concurrents, mais avec l'intention<br />
de juger les juges mêmes ; car il étoit impoffibie<br />
de ne pas favoir fi l'honneur des prix feroit accordé,<br />
à chacun avec juftiee ou fans fondement. Le premier<br />
^ui obtint celui <strong>du</strong> courage, fut le vieillard Adarchias,<br />
qui, devant Haîicarnaffe » fut feul le plus ardent à<br />
ramener au combat la Jeuneffe qui avoit plié : Antigènes<br />
en fut jugé le plus digne après lui : Philotas-*<br />
Angée eut le troifième prix : le quatrième fut donné<br />
à Amyntas : après eux on nomma Antigone,' puis Lyn*
t^o Xi MER V. .Cjt-r. IL '<br />
eo Lynctftes- Amyntas -fiât : ftpûmmm bcum l<br />
Theodotus ; ultimum obtmuit Hdlankus* In dif<br />
ciplinâ quoque militaris rei pleraque a majoribus<br />
tradUa militer mutavit. Nam qmm ante equkes<br />
in fuam quifqw gmtem defcr'àerentur feorsèm à<br />
çeteris ; exemto nationum difcrimine, prmfeBk ,<br />
non utique fuarnm gentimm % fed dek&is attribua.<br />
fuba% quum cafira, movere vetkt,fignum dabat,<br />
asjus fonus pterumqu* , tumukmntmm fretmm<br />
exorknte , katid faîis exaudiebatur : ergo perûcam<br />
, qwz undiqm eonfpici pofftt, fupra prato*<br />
rium ftatuit, ex qud fignum. tmmebat <strong>par</strong>iier om*<br />
hibus confpicuum ; obfervabatur ignis noBu, fir<br />
mus interdiiu<br />
. 8. Jamque Su/a adituro Abulites , reghnh<br />
ijus pmfeËus , fivt Dar'û jujfu ut Akxandrum<br />
pmda retineret, fivt fponte, filium obviant mifit,<br />
traditurum fe urbem promittens* Bénigne juvtnem<br />
exctpit rex9 & eo <strong>du</strong>ce ad Choafptn amnem pervènit,<br />
delicatam, ut fama efi 9 vekentçm aquam.<br />
Hic Abulites cum donis regalis opulentiœ, occurrit<br />
: dromades cameli inter dona tram vtlocitatis<br />
èximia ; XII elephanû, à Dario ex Indiâ acciti r<br />
non jam terror , ut fperaverant , macedonum ,<br />
fed auxilium, opes viBi ad viBortm transfèrent^<br />
Fortunâ. Ut v'tro urbem intravit 9 mcrtdibikm<br />
tx thefauris fummam pecunim egejfit ; i milim<br />
tahntûm argenti, non fignaû forma, fêd mdi<br />
pondère : muiti reges tantas opes longâ tttatè<br />
cumulavtrant.liberîs poflerisque9 ut arbitrabanturs<br />
suas una hora in extcrni régis manus intulit.
LIVRE F..CJï^P. IL 231<br />
•ceftes-Amyntas:Je feptième rang fot pour Théeéotej<br />
& le dernier, pour Hellanicus, Il changea auffi avec<br />
avantage , dans la difcipîine militaire , plufieurs difpofîtions<br />
qu'on îenoit de la tradition des anciens. Car au<br />
lieu qu'au<strong>par</strong>avant les cavaliers formoient des corps<br />
fé<strong>par</strong>és , diïlingués chacun <strong>par</strong> fa nation ; il mit la<br />
cavalerie, fans égard à cette diftinâion, fous des chefs,<br />
non nationaux, mais choîfis à fon gré. Quand if vouloit<br />
décamper, il donnoit le fignal <strong>par</strong> le fon de la trompette<br />
s que bien fouvent on avoit peine à entendre,<br />
à caufe <strong>du</strong> bruit qu'occafîonnoit alors le mouvement;<br />
même : il fit en conféquence élever au haut de fa tente<br />
une perche, qui pût être vue de tous côtés, au fommet<br />
de laquelle fe plaçoif le fignal également vifîble à<br />
tout le monde ; c'étoit <strong>du</strong> feu pendant la nuit, & de<br />
la fumée pendant le jour. ' '<br />
8. Comme il approchoït de Suze, Abulltes f gouverneur<br />
de la province, foit <strong>par</strong> ordre de Darius dans<br />
-la vue d'amufer Alexandre <strong>par</strong> le pillage, foit de fon '<br />
propre mouvement, enveya fon fils au devant de lui,<br />
avec promeffe de lui remettre la ville. Le roi reçut<br />
ce jeune homme avec bonté ; & le prenant pour guide,<br />
il fe rendit au fleuve Choafpes , dont l'eau, à ce qu'on<br />
dit, eft délicieufe à boire. Ce fut là qu'Abulites vint<br />
le trouver avec des préfents d'une magnificence royale.:<br />
'on y voyoit entre autres chofes des dromadaires d'une<br />
vitefle peu commune ; douze éléphants s que Darius<br />
avoiî fait venir de l'Inde, devenus alors un fecoucs<br />
pour les macédoniens au lieu d'en être la terreur ,<br />
comme on l'avoit efpéré, la Fortune fefant paffer à<br />
fon gré les forces <strong>du</strong> vaincu dans les mains <strong>du</strong> vainqueur.<br />
Mais quand il fut entré dans la ville, il tira<br />
des tréfors qui y étoient .une fomme prodigieufe ;<br />
favoir cinquante-mille talents d'argent en maffe, non<br />
monnoyé : plusieurs rois avoient accumulé pendant un<br />
très - long temps ces richeffes immenfes pour leurs<br />
enfants & leurs defeendants, félon ce qu'ils Jmagiiioicnts<br />
& un mitant les fit pafler au pouvoir d'un
131 LIBER F.'CJP. IL<br />
ÇonfedU deînde m regiâ felld , mutto extèîfiore<br />
quam pro habita corporis ; itaqut pedes quum<br />
imum gra<strong>du</strong>m non contingerent , unus ex regiïs<br />
pueris menfam fubdïdit pedïbus : & quum fpadonem<br />
qui Dam filtrat ingemifcentem confpexijjk<br />
rex , caufam mœftitm requifivit ; iïïe indicat.,<br />
•Darium vefci in eâ folitum » feque facram ejus<br />
•menfam ad iudibrium recidentem fine lacrimis<br />
confpiccrc non poffi. Subiit ergo regem venau**<br />
LIVRE V. CM A p. IL 13 j<br />
m étranger. Il prit enfuite féance far le trône det<br />
rois» qui fe trouva plus haut qu'il ne convenoit à fa<br />
taille ; de forte que ne pouvant de deflus le liège atteindre<br />
à la dernière marche, un de fes pages lui mit<br />
me table fous les pieds : là deflus îe roi ayant va<br />
gémir un eunuque qui avoit été à Darius , il lui demanda<br />
la caufe de fa triftefle ; & celui-ci fit entendre, que<br />
Darius avoït coutume de manger fur cette table, &<br />
qu'il ne pouvoït voir fans verfer des larmes ce meuble<br />
ficré retombé dans l'aviliflement. Le roi fentit alors<br />
quelque honte d'avoir manqué de refpeét aux dieux<br />
hofpitaKers., & il alloit faire ôter cette table, quand<br />
Pbijotas lui dit : N*en faites riem , $eigmw% regarde^<br />
m centra ire comme un heureux préfage, d'avoir fous ves<br />
pieds la gable eu votre ennemi m&ngeoit*<br />
9. Alexandre f fe propofant de pénétrer dans îa Perfe,<br />
confia la garde de la ville de Suze à Archéîaûs, avec<br />
use garnifon de trois-mille hommes ; & à Xénophile,<br />
celle de la fortereffe , avec d'anciens foldats macédoniens<br />
appefantis <strong>par</strong> l'âge ; Caîîicrates fut chargé de<br />
la garde des tréfors ; & îa fatrapie de la Suziane fut<br />
ren<strong>du</strong>e à Abulites. Il laifla auffî dans cette ville la<br />
mère & les esfants de Darius. Il s'avifa de faire donner,<br />
à Sifygambis 9 des robes macédoniennes & quantité d'étoffes<br />
de pourpre , qu'on lui avoit envoyées de la Macédoine<br />
, & d'y joindre même les ouvrières qui les<br />
a?ôient faites | car il rendoit à cette princeffe tous les<br />
honneurs poflibles , & avoit pour elle une véritable<br />
tendreffe filiale : il lui fit dire en même temps, quef<br />
fi cette efpèce de vêtement étoît à fon- gré, elle pouvoit<br />
accoutumer fes petites-filles à y travailler & leur<br />
apprendre! en faire des préfents. A ces'mots les larmes<br />
tombant-des ieux à cette princeffe firent connoître combien<br />
dans fon ame elle avoit d'horreur pour ce préfent}<br />
c'eft qu'il n*eû rien que les femmes de Perfe regardent<br />
comme plus déshonorant que de, mettre la main à des ouvrages<br />
de laine : ceux donc qui avoient porté ces pré»<br />
{Tënts-i vinrent dire au roi que Sifygambis en étoit affligée^
2j4 LIBER F. CAP. III..<br />
fatWM & fblatio vifa. Ipfe erg® pervenk sd eam'i<br />
& , Mater , inquk , banc veftem qoâ indotos<br />
• iùm 5 fororam non fokttn donom , fed etiam<br />
©pus Tides. Noftri decepere me mores ; cave,<br />
omêcro, in contumeHam accipîas igoorantlam<br />
meam. Qua tui moris efle cognovi, ut fpero,<br />
abundè ferrata fiint : fcio apud vos filium in<br />
confpefto matris nefas effe confidere, nifi quota<br />
illa penmifit ; quotiefcumque ad te yeni, donec<br />
ut eonfiderem anmieres , reftitï : procnmbens<br />
•venerari me fape voklfti ; inhibui : <strong>du</strong>ldiïmae<br />
jnatri Olympiadi nomen debitum tibi reddo.<br />
IH. ACtigato animo ejtss f rex quartis cafttis<br />
pervemt ad fluvlum ; Pafiûgrim imoht vocant :<br />
çritur in <strong>mont</strong>ibus uxiorum , & per i ftadm J%~<br />
veftribus ripis praceps ïnter faxa devolvitur ;<br />
accipiunt deinde eum campi , quos clemenswrê<br />
siveo pmterit , jam navîum patlens ; Dû<br />
ftadla funi moiiioris foli , per quod Uni -traik<br />
aquarum perfico mari fe infinuat. Alexander ,<br />
amne fuperato , cum IX mittibus ptditum , &<br />
agrianis atque gmcorum mercenarm militibm 3<br />
III additts miUibus thracum , m reghnem ux'w~<br />
ru m pervenk. Finiûma Sufis eft & in vrimamPer*<br />
fidem excwrit , arBum mier fe & fufiams ait*<br />
tum relmquens* Madates erat hujus regionis prœ»<br />
feéhs -, haud fané temporum homo ; quippe ultima<br />
pro fide experiri decreverat : fed periti loco*<br />
rum Ahxandrum dotent, ocaâtum iter effe pe?<br />
calles & averfum ab urbe ; fi paucos mîfijfet levi*<br />
ter armatos, fuper capita hoftium evafuros* Q*wȤ
LIVRE F. CMAP. III. -135<br />
& il jugea convenable de lui en faire des excufes &<br />
de îa confoîer. Il vint donc la trouver lui-même s & lut<br />
dit : Ma mère, vous voye\ dans Vhabk que je porte* nom<br />
feulement un préfem de mes fmurs , mais même l'ouvrage<br />
de leurs mains* Ce font nos ufages qui m 9 ont trompé i<br />
me prene\ pas, je vous prie, pour une infulte ce qui n'efi<br />
qu'un effet de mon ignorance. Ce que j'ai fi être confirme<br />
à vos Manières, je me flatte de l'avoir exacte»<br />
ment ohfervi ; je fais, <strong>par</strong> exemple, que che\ vous mm<br />
fils me doit s*affeoir en prifemce de fi mère , que quand<br />
elle le lui s, permis ; aujp, chaque fois qu§ je fuis venu<br />
weus voir, je me fuis tenu debout, jujqu'â ce que vous me<br />
fjft € l fil** ^ € *i'*ff**ir : fouvent vous ave\ voulu vous<br />
profierner devant moi pour m 9 honorer; je Vai empêchez<br />
je vous donne le titre qui eft véritablement dû à ma très*<br />
chère mère Olympias.<br />
* 111, Après avoir ainfi calmé cette princeffe, le roi arriva<br />
te quatre journées au bord <strong>du</strong> fleuve* que les riverains<br />
nomment Pafttigre : il a fa fource dans les <strong>mont</strong>agnes<br />
des uxiens, d'où il fe précipite avec impétuofité dans<br />
un efpace de cinquante ftades à travers les bots & les<br />
rochers ; il trouve enfuite des plaines, où il coule plus<br />
paisiblement, & eft déjà en état de porter batteau;<br />
& après un cours tranquile de fix-cents ftades fur un<br />
fol plus uni, il entre doucement dans le golfe perfîque,<br />
'Ayant traverfé le fleuve , Alexandre, avec neuf-mille<br />
hommes de pied, outre les agrîens & les troupes<br />
grèques foudoyées, & un renfort de trois-mille thraces »<br />
arriva dans le pays des uxiens. Il eft dans le voifînage<br />
de Suie & s'étend jufqu'aux frontières de Perfe, n'étant<br />
fé<strong>par</strong>é des fuzîens que <strong>par</strong> un paffage étroit. Il éîoït<br />
fous le commandement de Madaîes » homme affûrément<br />
dont la fidélité ne fe régloit pas fur les conjonctures;<br />
car il étolî réfolu de tenir à toute extrémité : mais<br />
des gens qui connoiflbient le pays apprirent à Alexandre *<br />
qu'il y avoit <strong>par</strong> des • fentiers un chemin détourné ga»<br />
gnant les derrières de la ville ; que s s'il envoyait <strong>par</strong><br />
là un petit nombre de gens armés à la légère , ils <strong>par</strong>*
136 LIBER K CAP. 111.<br />
•eonfilhun placmiffet, iidem îtmerum fuerunt <strong>du</strong>ces;<br />
M & D mercede con<strong>du</strong>&i & agriani firè M,<br />
Tauroni prœfe&o dati9 ac pofi jolis occafum ksr<br />
îngredi jujji : ipfe , tertiâ vigilïâ caftrîs mous,<br />
circa luc'is ortum fuperavérât anguftias ;. casaque<br />
materia crat'éus & pluteis facien<strong>du</strong>,. ut qui turres<br />
admoverent extra teli i&um effent > utbem obfi*<br />
éere cœpit. Prarupta erant omtùa , faxls .&. CQû~<br />
bus impedita.- nu<strong>du</strong>s ergo vuheribus depulft, si<br />
••quibus, non cum kofie Jolum, fed etiam cum boo<br />
dimican<strong>du</strong>m effet, fubibant tamen ; quia rex inter<br />
primos confliterat, interrogans toi urbîum viRores,<br />
an erubefcerent hmrere in obfidione caftelU exigui<br />
~& ignobilis. Simul j'am inter hœc emînus pctebatur<br />
; quum tejiudme objeBâ milites , qui ut mdk<br />
- difcederet perpefkre nequiv£rantM tuebantur*<br />
il. Tandem Taurom Jupe?; arcem urbis fe cum<br />
fuo agmine oftendit ; ad cujus confpe&um &<br />
animi koftium labare , & macedones acr'ms pm-<br />
Hum mire cmperunt.. Anceps oppidanos • mahm<br />
urgebat ; nec fifti vis koftium poterat : paucis<br />
ad morien<strong>du</strong>m, pluribus ad fitgam animas fiât ;<br />
magna <strong>par</strong>s m arcem concejpt : inde xxx ora*<br />
toribus miffu ad deprecan<strong>du</strong>m, trifte refpomfum â<br />
rege redditur 9 non effe venm locum. Itaque fuppiiciomm<br />
mem perculfi, ad Sifygambîn, D.arû<br />
matrem, occuko iûnere ignotoque koftibus ,. mit»<br />
$un$ qui. peterem ut ipfa regem mkigaret g kaud
LIVRE V.. CMA-P-. 11'L 23-7<br />
ipîen4r0îeùt à fe loger fur la tête des ennemis* Cet<br />
a-vis ajant plû, ils fervirent eux-mêmes de guides»<br />
quinze-cents hommes de troupes foudoyées & envi*<br />
ron mille agrienss mis fous le commandement de Tau»<br />
ron , eurent ordre de fe mettre en chemin après le<br />
coucher <strong>du</strong> foleil : îe roi de fon côté, ayant décampé<br />
à la troifîème veille, avoit franchi les gorges<br />
•ers }a pointe <strong>du</strong> jour; & après avoir fait couper le»<br />
bois néceffaires pour faire Ses claies & des mastelets,<br />
afin de mettre à l!abri des traits ceux qui poufleroient<br />
les tours en avant 9 il commenta le liège de îa ville.<br />
Ce n'étoit de tous côtés que précipices, qu'embarras<br />
de rochers & de cailloux : les foldats , expofés en<br />
conféquence à beaucoup d'accidents 9 comme ayant à<br />
lutter, non feulement contre l'ennemi t mais encore<br />
contre les incommodités <strong>du</strong> lieu, ne laiflbient pas de<br />
tenir ferme ; <strong>par</strong>ce que* le roi tenoit lui-même <strong>par</strong>mi<br />
les plus avancéss & leur demandeit fi, après avoir<br />
forcé tant de villes, ils avoient honte de s'amufer an.<br />
fiège d'une petite & chétive bicoque. Cependant on<br />
tiroit fur lui de loin ; mais les foldats t n'ayant pu l'engager<br />
à quitter ce pofte, firent la tortue avec leurs<br />
boucliers pour le mettre à couvert.<br />
11. Enfin Tauron <strong>par</strong>ut avec fa troupe au deflus<br />
de la fortereffe ; & à cette vue les ennemis commencèrent<br />
à perdre courage, & les macédoniens -<br />
à fe porter au combat avec plus d'ardeur. Les habitants<br />
de la ville étoient preffés de deux côtés ; & il<br />
étoit împoffible de réfîlter aux forces fupérieures des<br />
ennemis : très-peu eurent le courage de'facrifier kur<br />
•vie,- pîufieurs prirent le <strong>par</strong>ti de la fuite ; la plu<strong>par</strong>t<br />
fe retirèrent dans la fortereffe : trente ambaffadeurs,<br />
qu'ils députèrent au roi pour lui demander grâce, en<br />
rapportèrent cette trifte réponfe , qu'ils ne méritoient<br />
point de <strong>par</strong>don. Epouvantés à la vue des châtiments 9<br />
ils envoyèrent donc à Sifygambis t mère de Darius ,<br />
<strong>par</strong> un chemin détourné & inconnu aux ennemis , pour,<br />
ta fuppller d'appaifer le roi, n'ignorant pas qu'il l*ai.
ijB LIBER V. CAP. 111.<br />
ïmari<strong>par</strong>enûs eam hco diligi colique : & Maiaieï<br />
Jororis jÏÏiam fecum matrimonio junxtrat, Darwm<br />
prop'mquâ cognatwne contingens. Diu Sifygamèis<br />
Juppâcum precibus repugnavit3 abnuens depreca*<br />
tionem pro Mis convenire fortunm m qui effet :<br />
adjecitque , metuere fefe ne vUbris inâdgentiam<br />
fatigaret ; Jkpiàs cogkare captivant ejfe fe $ quam<br />
reginam fiàffe* Ad tdtimum viSa3 ikerk Ahxandrum<br />
ha deprecata eft^utid ipfum excufa*<br />
ret quod deprecaretur : petere fe, ut Mis quoque,<br />
fi minas fan » igrmfceret ; pro neceffario ac pro*<br />
pinquo fuo , jam non hofle fed fupplice, tantm<br />
vitam precarl Moderationem ckment'mmque reps,<br />
qua tune fuit, vtl una kmc res poffit oftendtrt :<br />
non Madati modo ignovk ; fed omnes, & didir<br />
tos 9 & captivos 9 libertate atque immmdtate<br />
donavit ; urbem reiiquit intaBam ; agros fine<br />
tributo cokre permifit* A viBore porto plura.<br />
mater non impetraffet* Uxhrum ddnde gentem<br />
fubaëam fufianorum fatrapiœ contribuit : divh*<br />
fisque cum Parmenwne copiis 9 Ulum campeftn<br />
itinerc procédere jubet ; ipfe cum expedko agmine<br />
jugum <strong>mont</strong>ium cepit, quorum perpetuum dorfum<br />
m Perfidem excurrit*<br />
' 12. Omni hac regione vafiaid$ die qtdnto m*<br />
guftias, quas Mi Sufidas Pylas vacant, intrat.<br />
Ariobarçanes bas, cum xxv mMibus pedkum,<br />
occupaverat rupes , abfciffas & undique pmruptas<br />
; m quorum cacumïmbus extra teiija&um bar"<br />
bari ftabant , de m<strong>du</strong>ftriâ qukti & paventibus<br />
fimUes , donec m arÊiffimas fautes pénétrant<br />
^gmen* Quod ubi contemtu fui pergtre vident ,
LIVRE V. CHAP.JII. 139<br />
moit & l'honorait comme fa mère : d'ailleurs Madates<br />
«Toit épsufé la fille de fa foeur, & fe trouvoit ainfi<br />
proche allié de Darius. Sifygambis fe refufa long temps<br />
à leurs prières, prétendant que d'intercéder en leur<br />
faveur étoit une démarche peu convenable à l'état préfent<br />
de fa fortune: elle ajouta, qu'elle craignoit de<br />
laffer l'in<strong>du</strong>lgence <strong>du</strong> vainqueur ; & qu'elle fe rappeîoit<br />
plus fouvent qu'elle étoit actuellement captive t qu'elle<br />
ne fe fouvenoit d'avoir été reine. A la fin fe lâiflant<br />
vaincre , %lle écrivit à Alexandre, & le pria d'excufer<br />
fa hardïeffe à fe rendre médiatrice : qu'elle le conju-'<br />
roit de faire grâce <strong>du</strong> moins à ces malheureux s quand<br />
même il ne lui <strong>par</strong>donneroit pas à elle-même fon importunité<br />
i qu'elle lui deraandoit uniquement la vie d'un<br />
homme dont elle étoit <strong>par</strong>ente & alliée, & qu'il ne<br />
devoit plus regarder comme fon ennemi mais comme<br />
un fuppliant. Jufqu'oà ailoit encore la modération &<br />
la clémence <strong>du</strong> roi, voici un trait qui peut feul le faire<br />
connoître : non feulement il fit grâce à Madates ; il<br />
accorda encore à tous les autres, foit qu'ils fe fuffent<br />
Fen<strong>du</strong>s s foit qu'ils euffent été faits prifonniers, la liberté<br />
%L l'exemption de toute charge ; il conferva la ville<br />
fans aucun dommage ; & n'impofa aucun tribut fur la<br />
culture des terres. Darius vainqueur n'auroit pas accordé<br />
davantage à fa mère. Ayant fournis la nation des<br />
uxiens f il les comprit dans la fatrapie de la Suziane: &<br />
<strong>par</strong>tageant fes troupes avec Parmémon f il le fit avancer<br />
<strong>par</strong> la plaine ; au lieu qu'avec un camp volant il prit<br />
lui-même <strong>par</strong> le haut des <strong>mont</strong>agnes f dont la chaîne<br />
s'étend jufque dans la Perfe.<br />
12.11 fit le dégât dans toute cette contrée, & arriva<br />
le cinquième jour dans les gorges, que dans le pays<br />
même on appelé h Pas de Suie* Ariobarzanes, avec<br />
•ingt-cinq-mille hommes d'infanterie, s'étoit pofté fur<br />
ces rochersf coupés à pic & efcarpés de toutes <strong>par</strong>ts;<br />
& les barbares en ôccupoienî les fommets hors de la<br />
portée <strong>du</strong> trait, ae fefant à deflein aucun mouvement<br />
le <strong>par</strong>oiffant même avoir peur, jufqu'à ce que l'armé*
i4o LIBER V. CAP. IV.<br />
tum vero ingénus 'mapàcudinh faxa per monàunf<br />
prona devolvunt, qua, incuffa Jkpius fttbjacen- '<br />
t'eus pétris , majore vi incidtbanî, nec Jlngufas<br />
modo , fed agmma proterebant ; fondis quoque<br />
txeujjï lapides & fagittm ingerebantur umlique*<br />
Nec id miferrimum fortibus viris erat ; fed qmd<br />
multi, firarum rku , velut in f&veâ deprehenfi »<br />
êœderemtur* Ira igitur in rabiem verfâ, em'mentia<br />
faxa compiexi * ut 4td kofiem perveniant , alim<br />
alium levantes, ' conabantur -afcendere ; ta ipfa »<br />
multorum fimul manibus compta & convulfa, in<br />
eos qui commoverant recidebant : nec ftare ergo 9<br />
me nid 9 nec teftudine quidem protegi poterant9<br />
quumtantm molis onera propellerent barbarL Regem »<br />
non dolor modo , fed etiam pudor temerè in illas,<br />
anguftias conjeBi exercitus angebat : inviBm ad<br />
tam diem fuerat, nihil fruftra aufus ; impuni<br />
Ciliciœ fonces intraverat ; mari quoque novum iter<br />
m Pamphyliam apermrat : tune kâfitabat depfehenfa<br />
félicitas ; nec aliud remedium erat quam<br />
reverti qud venerat* Itaque Jîgno receptui dato ,<br />
denfatis agminibus feutisque fuper capita conftrtis<br />
tetro evadere ex anmfliis jubet : xxx fuêre fia*<br />
dia, qum renunji Juntm<br />
IV. Tum caftris unMque apefto 4o€Q pofitis,<br />
non confultare modo quid agen<strong>du</strong>m effet , fed<br />
votes quoque adhibere cœpit à fuperjiitione animi*<br />
ennemie
LIVRE V. CMâP. IV. %^t<br />
ennemie fe fût engagée dans les <strong>par</strong>tages les plus étroits*<br />
Voyant qu'elle avançôit en effet & fembîoit les méprifer<br />
s ils fe mirent à faire rouler fur la pente des <strong>mont</strong>agnes<br />
des pierres d'une grandeur prodigieufe, qui 9<br />
f efant pîofîeurs bonds fur les rochers qu'elles rencontroient<br />
en descendant, tomboient encore avec plus de<br />
•ioleace , • & écrafoient, nos quelques hommes -<strong>par</strong>-ci<br />
<strong>par</strong>-là, mais des bataillons entiers ; il tomboit encore<br />
de tous côtés des pierres lancées avec la fronde &<br />
une grêle de flèches. Ce n'-étoit pas là ce vqui fàchoit<br />
le plus ces hommos courageux ; c'étoit de fe voir pris<br />
comme dans une foffef aïnfi que des bêtes fauvages,<br />
& d'y être écraféf fans pouvoir en tirer vengeance.<br />
Leur colère fe tournant donc en rage, ils embraffoient<br />
les rochers qui avançaient, & fefoient tous leurs<br />
efforts, en fe foulevant les uns les autres, pour gravir<br />
& arriver jufqu'à l'ennemi ; mais ces rochers, déracinés<br />
<strong>par</strong> les efforts de tant de mains qui les faififfoient<br />
à la fois , tomboient bientôt fur ceux qui les «voient<br />
ébranlés •: ils ne pouvoient donc ni s'arrêter, ni <strong>mont</strong>er,<br />
ni même fe garantir en fefant la tortue, à caufe <strong>du</strong><br />
poids énorme des grandes mafles que les barbares pouffoient<br />
contre eux. Le roi étoit outré, non feulement<br />
de douleur, mais encore de honte, d'avoir engagé inconfidérément<br />
fon armée dans ces gorges : invincible<br />
jufqu'alors s il n'avoit rien tenté fans fuccès ; il avoit<br />
percé fans perte les détroits de la Cilicie; il s'étoit<br />
même ouvert <strong>par</strong> mer une nouvelle route pour la PamphyIle<br />
: ici fa fortune chancelante étoit arrêtée, & il<br />
n'y avoit de remède que de retourner <strong>par</strong> où il étoit<br />
venu. Ayant donc donné le lignai de la retraite , il ordonne<br />
à fes troupes de fe retirer des gorges en ferrant<br />
les rangs & en rapprochant leurs boucliers au<br />
deffus de leurs têtes : il eurent ainfi trente ftades à<br />
rétrogader.<br />
IV. Alors il affit fon camp dans un lieu entièrement<br />
découvert, & fe mit, non feulement à délibérer<br />
fur ce qu'il falloit faire, maïs encore., <strong>par</strong> un raouve*<br />
Tome L L
%^% LIBER K CAP. IF.<br />
Sed quM tune pradicere Ariftander3 cui mm pltf<br />
rimum credebatur ex vatibus, poterat ? Itaque9<br />
damnatis intempeflivis facrificïis 9 peritos locorum<br />
convocari jubeL Per Mediam ker oflendebant<br />
tutum apirtimqu* 4 fed rex dimiuert Milites infepulws<br />
tmbefcebat ; ka tra<strong>du</strong>o mûre ^ ut vbc<br />
tdlum mlkia tam Jblemne effet munus quam humandi<br />
fias. Captivas ergo quos nuper txceperat<br />
vocari juèeê 9 inter quos erat quidam grmcm perfiœque<br />
linguà peritus, qui fruflra tum in Perfidem<br />
momtïum dorfô exercitum <strong>du</strong>cere affirmât :<br />
filveftres ejfe colles , vix fingulis pervios ; omnk<br />
contegi frondibus, implexosque arlorum ramos filpas<br />
commktere. Namqut Ptrfis ., ,ab altero h*<br />
tere, perpetuis <strong>mont</strong>ium jugis clauditur , quod m<br />
longkudinem MDC ftadia, in latkudinem CIXK<br />
procurrit : hoc dorfum à Caucafo <strong>mont</strong>e ad mbrum<br />
mare ptrûnet ; quâqrn defick mons, aliud<br />
munimentum, fretum objeêum efè. Plankks demie<br />
fib radicibus <strong>mont</strong>ium fpatiofa procumbk , firtilis<br />
terra, multisque vicis atque urbibus fréquent<br />
'Arax$s amnis per hos campos multorum aquas<br />
torrenûum evolvk in Me<strong>du</strong>m : Me<strong>du</strong>s ad mares<br />
Meridiem versus , minor amnis eo quem accepk »<br />
evehkur* Gimendaque herba non alius efl apdor3<br />
quiiquid amàt floribus veftiens ; platani quoque<br />
& pôpuli contegunt ripas , ka ut procul vifentibus<br />
continuata videantur momibus nemora ripa"<br />
tum : quippe obumbratus amnis prtffo in fobm<br />
dilabkur alveo ; immmentque colles, ipfi quoque<br />
frondibus Uui , radices eorum humore fubeunte*<br />
Jlegw non aUa iota Afià falubrior habetwr.; ttmr
LIVRE V. CM A p. IV. .24}<br />
ment de fuperftition, à confulter même les devins.<br />
Mais que pouvoit, dans cette conjon&ure , prédirt<br />
Ariftandre, alors le plus accrédité des devins ? Aufli|<br />
Marnant des facrifices hors de faifon, fe borna-t-il à<br />
faire appeler des perfonnes bien inftraites <strong>du</strong> local*<br />
Elles lui indiquoient un chemin sûr & découvert <strong>par</strong><br />
la Médie : mais le roi avoit honte d'abandonner fes<br />
morts fans fépulture ; car il étoit établi <strong>par</strong> un ufagc<br />
immémorial, qu'à peine y avoit-il une fonélion militaire<br />
auffi refpeôable que celle d'enfevelir fes morts.<br />
11 fait donc appeler les prifonniers qu'il avoit faits récemment<br />
, <strong>par</strong>mi lefquels il s'en trouva un qui, <strong>par</strong>lant<br />
grec & perfien, l'affûra qu'en vain il effaieroit de mener<br />
fon armée en Perfe <strong>par</strong> le haut des <strong>mont</strong>agnes : qu'il y<br />
avoit, à travers les bois , des fentiers où Ton pouvo.it à<br />
peine paffer un à un ; que tout y étoit caché fous les<br />
feuilles, & que les branches des arbres entrelacées y<br />
formoient un couvert non interrompu. En effet, la<br />
•Perfe, de l'autre côté, eft fermée <strong>par</strong> une chaîne de<br />
<strong>mont</strong>agnes, qui a feize-cents ftades de longueur, fur<br />
une largeur de cent foixante & dix : cette barrière s'étend<br />
<strong>du</strong> <strong>mont</strong> Caucafe à la mer rouge; & où la <strong>mont</strong>agne<br />
finit, la mer fe préfente comme un autre rem<strong>par</strong>t.<br />
Immédiatement aux pieds des <strong>mont</strong>agnes fe trouve<br />
une plaine fpacieufe, fertile , remplie de villages & de<br />
Villes. Le fleuve Àraxe porte dans le Mède, à travers<br />
ces campagnes , les eaux de plufieurs torrents : te Mède,<br />
moins confidérable en lui-même que l'Araxe qu'il reçoit,<br />
¥a fe rendre à la mer <strong>du</strong> côté <strong>du</strong> Midi. Au relie, nul<br />
autre fleuve n'eft plus propre à faire croître l'herbe,<br />
puifqu'il couvre de fleurs toutes les terres qu'il arrofe;<br />
fes rives font aufli couvertes de platanes &de peupliers,<br />
de manière que de loin on diroit qu'elles ne font avec<br />
les <strong>mont</strong>agnes qu'une même forêt : en effet le fleuve<br />
ainfi ombragé coule dans un lit profond ; & il eft dominé<br />
<strong>par</strong> des collines, également revêtues d'une agréable<br />
ver<strong>du</strong>re, à caufe de Fhumidité qui s'y infinue <strong>par</strong><br />
le hait II n'y s pas dans toute PAfie une autre contrée<br />
M
244 LIBER F..CAP. IF.<br />
feraîum cmlum ; hinc perpetuum jugum opacum<br />
& umbrofum , quod aftus levât ; illinc mare adjun&um<br />
j quod modkû tepore terras foveL<br />
14. His expo fins capthus Interrogatus À rtge3<br />
auditune an ocidis comperta haberet qua diceret,<br />
paftorem fe fuifie & omnes eos colles percurrijfe,<br />
refpondit ; bis captum, fimel âperfis inLyciâ<br />
9 iterum ab ipfi. Subit régis animum memoria,<br />
praculo -édita fortis s ; ;qmpm quippe confulenti refponfum<br />
£rat9 <strong>du</strong>cem in Per fidem fin firentis via lycium cive m<br />
fore. Igitur promijfis, quanta & prmfens neceffitas<br />
txigebat & ipfius fortuna capiebat, omratum ,<br />
armari jubet macedonum more, & , quod bene verieret,<br />
monftraret iter ; quamvis ar<strong>du</strong>um & prmceps ,<br />
tvafurum fe ejfe cum paucis ; nifi forte crederet, .<br />
quo ipfi pecoris caufa ifiet , Akxandrum pro<br />
gloria & perpétua lande îre non pofft. Etiam<br />
atque etiam docere captivas _, quant difficile iter<br />
effet % maxime armaûs : tum rex j Praeckm me f<br />
inquit 9 accipe, neminem eorum qui fequnntur<br />
recolâtorum ire quâ -daces. Cratero igitur ad<br />
cuftodiam caftmmm reliMo , cum peditwus quîs<br />
affueverat, & ils copiis quas Meleager <strong>du</strong>cebat,<br />
& fagktariis equkibus mÙh , pracepit ut, cafi<br />
ttorum fpecie manente , plûtes de m<strong>du</strong>ftriâ ignés<br />
fieri imperaret, quo magis barbari ' crederent ipfum<br />
regem in caftrîs ejffi. Ceterum , fi forte Ariobar-<br />
'canes cognovifiet per callium anfraëus eum in-<br />
/rare, & ad occupan<strong>du</strong>m iter fuum <strong>par</strong>ttm copiarum<br />
ttntaffit opponeu ; Çraterus 3 m eum
LIVRE V. CHàP. IV. 24^<br />
pïus faine : Pair y eft tempéré ; car, d'us côté, on »<br />
cette longue chaîne de <strong>mont</strong>agnes couvertes de bois 9<br />
qui <strong>par</strong> fa fraîcheur madère la chaleur <strong>du</strong> climat ; de<br />
rautre, îa mer voifine » qui entretient dans les- terre*<br />
une chaleur douce.<br />
14. Après cet expofé, le roi ayant demandé' au pri-<br />
Connrer , s'il <strong>par</strong>tait d'après des ouï-dire ou d'après ce<br />
qu'il avoit vu lui-même, il répondit, qu'il avoit été<br />
berger, qu'il avoit <strong>par</strong>couru tous les fenders de ce<br />
canton ; & qu'il avoit été pris deux fois , Tune en Lycie<br />
<strong>par</strong> les perfes % & l'autre <strong>par</strong> lui-même, Là-deffus- le<br />
roi fe rappela ce que Poracle lui avoit prédit ; car ceprince<br />
le confultant, il lui avoit répon<strong>du</strong>, qu'un lycien<br />
le dirigeroit dans la route qui con<strong>du</strong>it en Perfe. Après<br />
fui avoir donc fait toutes les promettes qu'exigeoit la nécefliîé<br />
des cîrconftances & qui convenoient à îa condition<br />
<strong>du</strong> prifonnier, il le fait- armer à la macédonienne ^<br />
te lui commande, en fefant des vœux pour le fuccès ><br />
de lui <strong>mont</strong>rer le chemin ; il lui affûre que , quelque<br />
rade & efearpé qu'il pût être, il y paffera avec une<br />
petite troupe; fi ce n'eft peut-être qu'il crût qu'Alexandre<br />
,. pour acquérir de la gloire & une réputation<br />
Immortelle, ne pourroit pénétrer dans des lieux ou il<br />
avoit été lui-même pour y faire paître fon troupeau. Le<br />
prifonnier tnfifte fur la difficulté <strong>du</strong> chemin , furtout pour<br />
des gens armés : Crois fur ma <strong>par</strong>ole 9 lui dit alors le<br />
roi i que pas un de ma fuite ne refufira d'aller <strong>par</strong><br />
•a tu mus con<strong>du</strong>iras* Ayant donc laiffe à Cratère la<br />
garde <strong>du</strong> camp, avec l'infanterie qu'il commandoit d'ordinaire<br />
, les troupes qui étaient fous, les ordres de<br />
Méléagre , & mille archers à cheval, il lui enjoignit<br />
de ne rien changer à la forme extérieure <strong>du</strong> camp, &<br />
d'y faire allumer exprès quantité de feux, afin de mieux<br />
perfuader aux barbares que le roi y étoit enperfonne.<br />
Si d'ailleurs il arrivoit qu'Ariobarzanes eût connoïffance<br />
qu'il cherchoît à entrer <strong>par</strong> ces fentiers détournés 5<br />
fie qu'avec une <strong>par</strong>tie de fes troupes il effayât de fui<br />
couper chemin; Cratère, en lurdennant l'alarme, devoit _<br />
L iij
246 LIBER V. CAP. IV.<br />
Ulato terrore , retineret dd propius periculum<br />
converfum agmen : fin auîem ipfe iojiem fefdllf<br />
fet & faltum occupaffet ; quum trepidantium barbarorum<br />
tumultum exaudiffet perfequent'mm regem ,<br />
id ipfum iter quo pridie puifiJmrant ne dmitaret<br />
ingredi ; quippe vacmm fir§9 hoflibus m fez<br />
met averfis»<br />
15. Ipfe tertîâ vigUiiÈ Jïïenti agmine ac ne<br />
tukâ qwdem dam figm, pergit ad demonfiratum<br />
iter call'mm. Tri<strong>du</strong>i alimenta portare militem juf*<br />
ferat leviter armstum. $ed prmter invms rupes ac<br />
pmrupta faxa , veftigmm fub'mde faUemia , nbc<br />
cumulata vento tngredientes fatigabat : quippe<br />
velut m foveas delati hauriebantur ; & qmm<br />
à commiUtonibus levarentur, trahebant magis adjuvantes<br />
quam fequtbantun Nox quoque , &<br />
ignota regio , ac <strong>du</strong>x, incertum an fàtis fi<strong>du</strong>s ,<br />
nudtiplicabant memm : fi cuftodes ftfellifftt 9<br />
quafi feras befilas ipjbs pojfe deprehendi ; ex<br />
unius captivi vei fide vel anima pendere & régis<br />
falutem & fuam. Tandem. ventre in jugum. A<br />
dexterâ iter ad ipfum Ariobarjanen trot : hic<br />
'Phibtan & Canon, cum Amyntâ & Polyperchôme<br />
, expedham habentes manum, reliquit, <strong>mont</strong>es<br />
ut, quiaeques peditit erat mbctus, quâ pinguiffimum<br />
effet foïum & pabuii fertile fenfim<br />
procédèrent ; <strong>du</strong>ces itineru de capùvis dati. Ipfe9<br />
§um armigeris & alâ quam Agêma appelions,<br />
mr<strong>du</strong>â femitâ , fed longius à ftatianibus hoftitm
LIVRE F. CHAP* IV. 247<br />
le retenir & forcer ce corps à tourner tête pour faire<br />
face au péril le plus prochain : & fi au contraire<br />
le roi trompoit l'ennemi & fe rendoit maître <strong>du</strong> défilé<br />
-, dès que Cratère entendroit lt bruit des barbares<br />
occupés à pourfuivre le roi, il devoit fans héfiter fejeter<br />
dans le chemin d'où les macédoniens avoient été<br />
repouffés la veille ; <strong>par</strong>ce qu'il feroit libre, le roi ayant<br />
attiré fur foi les forces des ennemis,<br />
15. A la troifième veille il fe met en- route <strong>par</strong> le*<br />
fentiers qu'on lui indique, fon efcorte gardant un pro»<br />
fond filence & n'ayant pas même reçu le fignaî de 1a<br />
trompette. îi avoit commandé à fes foldats, qui- étoient<br />
armés à la légère, de fe charger de vivres pour trois<br />
jours. Mais outre la difficulté <strong>du</strong> paffage <strong>par</strong> des <strong>mont</strong>agnes<br />
maccefltbles & des rochers efcarpés, qui manquoient<br />
quelquefois fous les pieds, h neige amoncelée<br />
<strong>par</strong> U wenî augmentoit encore la fatigue de la marche :<br />
suffi les foldats étoient-ils engloutis comme dans des<br />
foffes; & fi leurs camarades cherchoient à les retirer ,<br />
ils entrainoient plus fouvent qu'ils né fuivoient ceux<br />
qui voulaient les aider. D'ailleurs la nuit, un pays<br />
Inconnu, & un guide de la fidélité <strong>du</strong>quel on n'étoit<br />
point affûré, tout contribuoït à redoubler leur crainte:<br />
fi ce guide venait à échapper à fes gardes t on pouyoit<br />
les prendre tous comme des bêtes dans un piège ; dt<br />
la bonne foi ou de la vie d'un feul prifonnier dépendit<br />
le falut <strong>du</strong> roi & le leur propre. Enfin ils <strong>par</strong>-<br />
Tinrent au fommet le plus élevé. 11 y avoit à droite<br />
un chemin pour joindre Ariobarzanes : ce fut là que<br />
le roi fe fé<strong>par</strong>a de Phiîotas , de Cénus, d*Amyntas, &<br />
de Polyperchon, qui commandoient un camp volant ; maH<br />
<strong>par</strong>ce qu'ils avoient de la cavalerie mêlée avec l*infan+<br />
terie, il leur ordonna d'avancer doucement <strong>par</strong> où k<br />
terrain feroit le plus gras & le plus fertile en pâturage<br />
; & il leur donna des prifosniers pour guides.<br />
Pour lui, accompagné de fes gardes & <strong>du</strong> corps de<br />
cavalerie qu'ils appellent Agema, il prit avec bien de<br />
la peine <strong>par</strong> un fentier difficile , mais éloigné des gardés<br />
L iv
.248 LIBER V. CAP. IV.<br />
remotd, multâ cum vexatione procejpt. Médius<br />
erat dm, & fatigatis necejfaria quïes ; quippe<br />
tantumdtm lundis fupererat quantum emenfi erant,<br />
fed minus prœcipiûs aique ar<strong>du</strong>i : kaque refeBis<br />
cibo fomnoque militibus, fecuniâ vigûiâ furgit ;<br />
& Cetera quidem haud œgrè pmteriiu Ceterum ,<br />
qui fê jugum <strong>mont</strong>lum paulatim ad phmiora demittk<br />
s ingtns vorago , concurfu cavata torremtium,<br />
ker ruperat ; ad hac, arborum rami9 aiius<br />
alio implicati & coëuntes , ut perpétuant objecerant<br />
fepem. Defperatio igitur ingens , adtb ut<br />
vix lacrimis abftinerent, incefferat, Pmcipuè obfcuritas<br />
terrori erat ; nam eûam fi qua fidera<br />
internkebant , contimnti fronde te fia' arbores<br />
confpicere prohibebant. Ne aurium quidem ufus<br />
fupererat, filvas quatiente vento , qum, conçuiientibus<br />
ramis 9 majorent quam pro flatu fonum<br />
reddebant.<br />
ï6. Tandem exfpeËata lux omnia qua terribilwra<br />
nox ficerat minuit : circumiri brevî fpaiio<br />
poterat eluvies ; & fibi quhque <strong>du</strong>x kineris<br />
cœperat fieri. Eva<strong>du</strong>nt ergo in editum verticem %<br />
ex quo hojlium flationc confpeBâ, flrenuè armati ,<br />
à tergo Je often<strong>du</strong>nt nihil taie metuentibus : quo~<br />
mm pauci, qui congredi aufi erant , cafi funt ;<br />
kaque hinc morkntium gemitus , hinc ad fuos<br />
recurrentium miferabilis faciès, intégras quoque ,<br />
antea quam difcrimen experiremur, in 'fugam<br />
avertit. Fremitu deindt in caftra quibus Craterus<br />
pmerat illato , ad occupandas anguflias in quibus<br />
pridie hœfitârat miles e<strong>du</strong>citur ; fimul & Phi" '<br />
htas3 cum ' Potyperchonte, Amyntâque , & Ç&-
LIVRE V. CMJP. IF. 24g<br />
tfînêmies»I! étoltimdl,&fes gens excédés de fatigue*<br />
avoient befoin de fe repofer ; car Ils aYoieot encore<br />
autant de chemin à faire qu'ils en avoient fait t quoique<br />
moins efcarpé & moins rude : après avoir donc fait prendre<br />
à fes foîdats de la nourriture & <strong>du</strong> repos , il fe<br />
lève à la féconde veille, & le relie <strong>du</strong> paflage ne<br />
fut pas difficile. Au relie, vers l'endroit ou les <strong>mont</strong>agnes<br />
prennent îofenfiblement une pente plus douce,<br />
-une grande ravine, creufée <strong>par</strong> des torrents , avoit<br />
jompti le chemin ; d'ailleurs, les branches des arbres,<br />
entrelacées les unes dans les autres & formant un<br />
tout , avoient pré<strong>par</strong>é une efpèce de haie fans fin» Le<br />
défefpoir avoit donc faifi les foidats t à tel point qu'ils<br />
en étoient prefque aux larmes. L'obfcurlté furtout les<br />
cffrayoit; car s'il brilloit quelques étoiles-au milieu des<br />
ténèbres, les arbres couverts d'un épais feuillage ne<br />
les îaiflbient point voir. On ne pouvoit plus s'entendre,<br />
à caufe des fecouflfes que le vent doimoiî aux arbres*,<br />
dont les branches agitées les unes contre les autres .<br />
fefoient plus de bruit que le vent même.<br />
16. Enfin la lumière tant déflrée diminua toutes les<br />
horreurs. que la nuit avoit inspirée» : on pouvoir, <strong>par</strong><br />
un petit détour ,, tourner la fondrière ; & chacun cony»<br />
mençolt à fe guider lui-même. Ils <strong>mont</strong>ent donc fur<br />
un fommet élevé, d'où ayant découvert la garde des<br />
ennemis , lis mettent promptement leurs armes en état»<br />
*& fe <strong>mont</strong>rent au dos des barbares qui ne s'attendoient<br />
a rien de <strong>par</strong>eil : le peu d'entre eux qui osèrent en Tenir<br />
aux mains , furent taillés en pièces ; fi bien»que- d'une<br />
<strong>par</strong>t les- gémiffements des mourant», de l'autre f effrèi<br />
de ceux qui règagnoient le gros de leur troupe,. firent<br />
prendre la fukeàux bataillons entiers avant qu'ils euflemt<br />
.tenté le hafard <strong>du</strong> combat. Le bruit de ce défordre<br />
.s'étant porté jufqu'au camp de. Cratère, il fait avancer<br />
fes foîdats pour s-'empaxer des gorges eu ils.avoient<br />
'été arrêtés, la veille; Philo tas ayant en même temps<br />
* reçu |>rdre de donner <strong>par</strong> un autre endroit avec Poljr-<br />
: perchas s v Amyntas, & Cénus, donna aux barbares vna<br />
1* T
250 LIBER V. CAP. V.<br />
mo , diverfmm ker ingredi jujjus , alium terrortm<br />
intutit barbaris. Ergo, undïque macedonum armis<br />
fulgentibus, ancipiti malo opprejft 9 mémorable<br />
tamen pml'wm e<strong>du</strong>nt : ut op'mor, ignav'mm que"<br />
que neccjjitas acuit, & fape dejperatio fpei caufa<br />
eft. Nudi compUàebantur armatos ; ù» ingeml<br />
corporum mole fecum ad terram detrahentes, ipfirum<br />
teïïs pkrosque fidiebant. Armbar\anu ta*<br />
men , quadraginta firme equk'éus & qmnque mil*<br />
tibus peditum ftipatus , per médium macedonum,<br />
cmm multofuorum atque hoftium fanguine, erupk,<br />
Perfepolim , utbem caput regionis, ©ccu<strong>par</strong>e feflinam<br />
: fed â cuftodibus urbis exclu/us, confequutis<br />
flrenuè hoftwus , cum omnibus fuga comki~<br />
bus renovaio pradio , cecidit ; Craterus quoqrn f<br />
raptim agmine OBQ , fuperveniL<br />
V. Rex eodem loco quo hoftium copias fuderat<br />
êaftra communivit* Quanquam emm undique fugat's<br />
hoftts vifloriam concentrant: tamen pmalm prœcifitesque<br />
Joffa, pluribus loch obje&a, abruperant<br />
iter ; fenfimque & cautè progredien<strong>du</strong>merat, ]am,<br />
non hoftium , fed locorum fraude fuspeBâ*, Proccdtnti<br />
ei • literm red<strong>du</strong>ntur â Tyridate > ' mftode<br />
regim pecumm, mdkamtes, eosqm in urbe effènt,<br />
mdim ejus adventu, diripere velh thefauros ';<br />
properaret occu<strong>par</strong>e ; expedimm ker ejffè P quanquam<br />
Araxes amnis interfluat. Nullam virtutem<br />
régis iftius magis quam celeriêatem laudaverim:<br />
reliais enim pedeftribus copiîs-, totâ no&e cum<br />
equkibus , itineris. tanto /patio fatigatts /ad' Arq-<br />
%m prima luce pervemL y}ci eraat m propinfuoj
LIVRE K CJIAP. F. iç.i<br />
nouveau fujet d'épouvante. Quoiqu'ils fe fentiffent donc<br />
preffés de toutes <strong>par</strong>ts & qu'ils viffent briller .de tout<br />
cot4 les armes des macédoniens, ils ne laiffèrent pas<br />
.de combattre d'une manière glorieufe : la néceffité, je<br />
croîs, infpire <strong>du</strong> courage à îa lâcheté même , & fouvent<br />
l'efpérance naît <strong>du</strong> défefpoïr. Sans armes ils faifuToient<br />
des hommes armés; & les entraînant <strong>par</strong> terre<br />
avec eux <strong>par</strong> la pefanteur énorme de leurs corps, Ils<br />
en perçoient plufieurs de leurs propres armes. Cependant<br />
Ariobarzanes , fuivl d'environ quarante chevaux &<br />
de cinq-mille hommes de pied, fe fait jour à travers<br />
les bataillons macédoniens, avec un grand carnage des<br />
liens & des ennemis, ayant deffein de fe jeter prompîeraent<br />
dans Perfépolis, capitale de la province : mais<br />
la garnifon lui ayant fermé les portes, & 1
25Z LIBER V. CAP. V.<br />
quibus dlrmis , pontem ex materid eorum , fmh~<br />
ditis faxis, firenuè in<strong>du</strong>xit. Jamqut haud proad<br />
urbê erant, quum mifirabile agmen, inter pauca<br />
fortunée exempta mémoran<strong>du</strong>m , régi occurrk.<br />
Capùvi erant graci ad' quatuor mîllia firè *, quos<br />
perfa varîo fuppliciorum modo affecerant : aÛos,<br />
pedibus 3 quosdam, manibus auribufque amputa"<br />
tu mufiisqut barbamrum literarum notis, in Iongum<br />
fui ludibrmm refervaverant ; & quum fe queque<br />
aliéna ditionis effe cernèrent* volenus régi<br />
occurrere non prohibuerant. Inufitata femuhchra,<br />
non àomines vidibantur ; nec quïdquam 'm Mis<br />
prater vocem poterat agnofci. Plures igitur lacrimas<br />
commovêre quant profuderant ipfi ; quippe<br />
m tam multiplia varîâque fortunâ fmmdorum ,<br />
intuentibus fimiles quidem Jid tamen dif<strong>par</strong>es panas<br />
, quis maxime mifirabïlis effet liquere non<br />
poterat : m vero Jovem UU tandem , Graci*<br />
ultorem 9 aperuiiïe oculos conclamavire , onuus<br />
<strong>par</strong>i fupplicio ajfk&i fibi videbantur. Rex, ahfterfis<br />
quas profuderat Lacrimis , bonum habere ontmum<br />
jubet, vifuros urbes fuas conjugesque : &<br />
caflra inde <strong>du</strong>o ab urbe ftadia communit.<br />
18. Graci excefferant vatto , deUberaturî quid<br />
potifpmum a rege peurent : quumque aliis fedes<br />
in Afiâ rogare 9 aliis reverù domos placera ;<br />
Eutymon cymaus ita loquutus ad eos firtur : Hi,<br />
qui modo ad opem petendam "ex tenebris &<br />
carcere procedere erabnimus , ut nunc eft , fupplicïa<br />
, quorum nos pudeat magis an pœni-<br />
. eat incertum eft, oôentare Graeciae , velut laeum<br />
fpeûaculutn , cupimus. At ii- optimè mtfe-<br />
* Ad quatuor milUa fin, Exagération à relever<br />
,fTaprè« Suidas , Diodore, & Juûm ; celui-ci (Xi 14»}<br />
n'en compte que huit-cents»
LIVRE V. CHâP. V. 155<br />
iî en conftraïlit diligemment unpont, qu'il appuya fut des<br />
piles de pierres. On étoit déjà proche de la ville, lorsqu'une<br />
troupe malheureufe, digne d'être comptée dans<br />
îe petit nombre des exemples frapantsde la fortune, vint<br />
à îa rencontre <strong>du</strong> roi* C'étoient environ quatre-mille<br />
prifonniers grecs, à qui les perfes avoient fait fubjr<br />
différentes fortes de fupplices : après avoir coupé aux<br />
uns les pieds, à d'autres les mains & les oreilles, &<br />
"les avoir marqués avec le feu de carallèrcs barbares",<br />
ils les avoient réfervés pour être long temps l'objet de<br />
leurs plaifanteries infultantes ; & les perfes, fe voyant i<br />
leur tour paffés foui une domination étrangère, n'empêchèrent<br />
pas îes.grecs d'aller, comme il le défiroient,<br />
au devant <strong>du</strong> roi.Ils reffembloient à des fpeftres extraordinaires<br />
, & non à des hommes ; & Pon ne pouvoit<br />
reconnoître en eux que la <strong>par</strong>ole. Ils tirèrent donc<br />
plus de larmes des ieux qu'ils n'en avoient eux-mêmes<br />
verfé ; car dans cette complication des divers malheurs<br />
de chacun, à la vue de maux femblabîes à la vérité &<br />
néanmoins différents, il n'étoit pas poffibie de juger<br />
lequel étoit le plus à plaindre ; mais quand ils s-'écrièrent<br />
unanimement qu'enfin Jupiter, vengeur de Jâ- Grèce,<br />
avoit ouvert les ieux î il n'y eut perfonne qui ne crût<br />
avoir fubi le même fuppîice. Le roi, après avoir effuyé<br />
fes propres larmes , les exhorta à prendre courage,<br />
puifqulïs reverroient leurs villes & leurs femmes : &<br />
il alla enfuite camper à deux ftades de la ville.<br />
î 8. Cependant les grecs étoient fortis <strong>du</strong> camp, pour<br />
délibérer fur ce qu'ils dévoient principalement demander<br />
au roi : & comme l'es uns étoient d'avis de lui demander<br />
des établiffemests en Àfie , les autres de retourner dans<br />
leur patrie ; on rapporte qu'Eutymon de Cymé leur <strong>par</strong>la<br />
ainfi : Nous, qui tantôt avions honte de fonir des ténèbres<br />
& <strong>du</strong> cachot pour demander <strong>du</strong> fecours, nous voulons t<br />
dans la, conjoncture pré/ente f aller <strong>mont</strong>rer à la Grèce %<br />
comme un fpe&acle bien agréable , l'horreur de nos maux,<br />
dont je ne fais lequel doit nous être le plus fenfibie de la<br />
honu ou ie la peine. Or le meilleur moyen de /apporter
154 LIBER F. CAP. F.<br />
fias feront, qui abfcondiîût ; nec ulla eft tant<br />
famiBaris infelicibus patria , quam folitodo &<br />
ftatûs prions ©blhri© : nam qui multum in fiioram<br />
mifericordià ponunt, ignorant quam celeriter<br />
lacrima» inarefcant. Nemo fideliter diligit,<br />
quem faftidit ; nam & calamitas querula eft ,<br />
& fiiperba félicitas : ita, * foam quifque fortenam<br />
in confilio habet , (furai de aliéna délibérât<br />
; & 5 nifi mutuo euêmus miferi, olim<br />
alius alii potuiffemus effe feftidio. Quîd mirum<br />
eft, fortonatos femper <strong>par</strong>em quserere ? Obfecro<br />
vos , olim vit! defonéli, quaeraraus locum<br />
in quo bac femefa membra obraamus , ubt<br />
hombiles cicatrices eelet exilium. Grati prorfus<br />
conjugibus , quas juvenes <strong>du</strong>ximus, revertemur<br />
! Liberi, in flore & atatis & rerum ,<br />
agnofcent ut patres ergaftuli detrimenta ! Et<br />
•quota <strong>par</strong>s notai tôt obire terras poteft ? procul<br />
Eoropâ 9 in ultima orientis relegati, feues t<br />
débiles , majore membroram <strong>par</strong>te multati,<br />
tolerabimus fcilicet quae armatos & viâores fatigaverant<br />
? Conjuges deinde , cpias captis fors<br />
& neceffitas unicum folatium applicuit , <strong>par</strong>vofque<br />
liberos trahimus nobifcum, an relinquimus<br />
? cum his venientes nemo agnofcere<br />
volet. Relinquemus ergo extemplo praefentîa<br />
pignora, quum incertum fit an yifuri fimus ea<br />
quae petimus ? Inter hos laten<strong>du</strong>m eft qui nos<br />
miferos nofle cepenint.<br />
19. Hœc Euthymon ; contra Themetus athtnunjîs<br />
orfus efl dicère : Neminem p'mm habita<br />
corporïs fuos ajlimaturum , utlque favUid hojlîs,
LIVRE F. CMJP. V. 25c<br />
fis malheurs f efl de.ks cacher; & il m'eft point de patrie<br />
éujji convenable à des malheureux 9 que la. folitude &<br />
toubli de leur premier état ; car qui compte beaucoup fur<br />
la commifération des fiens 9 ignore combien les larmes<br />
tsriffenepromptemenu On n'a pas un attachement <strong>du</strong>rable<br />
p&ur qui caufe <strong>du</strong> dégoût; <strong>par</strong>ce que les malheureux aiment<br />
à Jk phdndre f & que les heureux font enclins â l*orgueil :<br />
âbifi t chacun ptnfe à fon intérêt avant tout, quand il efl<br />
qmfi'mm de l'intérêt d* autrui; & 9 fi notre malheur ne nous<br />
émit commun 9 il y a long temps que nous aurions pu meus<br />
déplaire les uns aux autres. En quoi efl-il étonnant f que les<br />
heureux cherchent \ toujours qui leur reffembte ? Morts<br />
depuis long temps f cherchons, je vous en conjure, un<br />
Heu où n&uj puijpons cacher ces membres à demi confu~<br />
mes t où notre exil dérobe à tous les ieux nos horribles<br />
cicatrices» Notre retour vraiment fera grand plaifir à nos<br />
femmes, que nous avons époufées dans notre jeunejfe ! Nos<br />
enfants, aujourd'hui dans la fleur de leur âge & de leur<br />
fortune, ne manquerom pas de reconnaître pour leurs pères<br />
des échappés de l f efclavage ï Mais combien d'entre nous<br />
font en état de traverfer tant de pays ? loin de l'Europe<br />
, relégués aux extrémités de l'Orient f vieux , affaiblis<br />
, privés de la plu<strong>par</strong>t de nos membres , fupporteronrnous<br />
aifément des fatigues qui ont excédé des gens armés<br />
& victorieux ? D'ailleurs ces femmes f que la fortune & la<br />
nécejîté nous om données pour toute confolation dans<br />
notre efclavage f les jeunes enfants que nous en avons eus t<br />
les traînons-nous à notre fuite f ou les abandonnons-nous?<br />
à notre arrivée avec eux f perfonnt ne voudra nous rec&n~<br />
mitre. Allons-nous donc quitter des biens prêfents , quand<br />
nous n'avons nulle certitude de revoir jamais ceux après<br />
hfquels nous foupirons ? Il nous faut demeurer cachés au<br />
milieu de ceux qui n'ont commencé à nous connoître que<br />
depuis nos malheurs,<br />
19. A ce difcours d'Eutymon , Théétète d'Athènes<br />
Ce mira répliquer : Qùe'perfonne d'humain ne règle-<br />
• Fokfur lès «îfgrâçés <strong>du</strong> a>rps les fentitaientt'quli devoït<br />
à fes proches, qui après tout n'étoient malheureux c|ue
256 LIBER V. CAP. V.<br />
non natura, calamitofis : digmtm effe omni mala>g<br />
qui erubefceret fortuita ; triftem enim dé morfalitate<br />
ferre fentenûam ;. & defperare miferîçordiam<br />
9 quia ipfe akeri denegaturus fit : deos ,<br />
fuod ipfi nunquam aufi optare forent, offerte pa><br />
.triant , conjuges , libéras, & quîdquîd hommes<br />
vel vitâ mftimant vel morte redimunt : qum illi<br />
ex hoc carcere erumperent ; alium domi effe cmU<br />
hauftum, alium lucis afpeËum : mores-, facra9<br />
lingum commer<strong>du</strong>m eùam à barbaris exped ;. qua,<br />
ingtnita ipfi omiffuri fint fus fponte , non oB<br />
aliud tant calamitofi quam quod illis carere coa&ï<br />
effhnt : fe certè rediturum ad pénates & in pa~<br />
triant , tantoque bénéficia régis ufurum ; fi quos<br />
contubernii liberorumqut quos fervitus coëgiffet<br />
' agnofcere amor detineret, relinquerent quihus ml<br />
patrid carias ,efl. Pauci hujus fentenû® fu'ire ;<br />
ceteros confuetudo, naturâ potentmr , vicit* Çomfenferunt<br />
peten<strong>du</strong>m ejfe à rege ut aliquam ipfis<br />
attribuent fedem ; centum ad hoc eleUi funt;quos<br />
Alexander ratus quod ipfe pmftare cogitabat<br />
pethufos, Jumenta, inquit, affignari qua<br />
vos vehérent, & fingulîs veftrûm mille denariâm'dari<br />
jjuiîi: quuni redîeritis ïn Grsciam»<br />
. praeftabo ne quis ftatum fnum., fi hac calamitas<br />
abfit-, veftr© credat-effe mdiorem. Mit9<br />
ebortis lacrimis , terram intuebantur, nec aut<br />
_erigere vultus aut h qui audebant :• tandem rege<br />
triftk'm caufam txigente % -Euthymn famirn us
LIVRE V. CHAP. F. 257<br />
<strong>par</strong> la cruauté de l'ennemi, & non <strong>par</strong> un ¥Îce de nature :<br />
que c'étoit mériter tout fon malheur, que de rougir<br />
des caprices de la fortune ; que c'étoit juger peu favorablement<br />
<strong>du</strong> genre humain; & qu'on ne défefpéroît<br />
tfy trouver de la compaffion » que <strong>par</strong>ce qu'on étoit<br />
difpofé à. n'en avoir point pour autrui : que les dieux<br />
leur offroient, ce qu'ils n'euffent jamais ofé fôuhaiier,<br />
leur patrie , leurs femmes, leurs enfants , & tout ce<br />
que les hommes eftiment autant que la vie ou racheteroient<br />
aux dépens de leurs jours : qu'ils deVoient donc<br />
fortir de cette prifon ; qu'on refpiroit dans fa patrie<br />
un autre air, que le jour y étoit différent : que les barbares<br />
menues font attachés à leurs ufages, à leurs rite<br />
religieux, à leur langue j & que fes compagnons aîloient<br />
néanmoins renoncer volontairement à ces avantages<br />
naturels ,'quoiqu'ils n'euffent été malheureux que pour<br />
en avoir été' privés <strong>par</strong> violence ; que pour lui, Il retourneroit<br />
certainement dans, fa patrie, & profiterok<br />
d'une fi grande faveur <strong>du</strong> prince; que, fi quelques-uns<br />
étoient retenus <strong>par</strong> attachement aux femmes & aux<br />
enfants que l'efclavage les avolent forcés de recon=noitre,<br />
ces mêmes objets feroient abandonnés <strong>par</strong> ceux<br />
qui n'ont rien de plus cher que leur patrie. 11 y en eut<br />
peu de cet avis ; les autres cédèrent à l'habitude , plus<br />
piaffante que la nature même. Ils convinrent qu>'tt folloit<br />
prier le roi de leur accorder un endroit pour<br />
s'établir ; cent députés furent choifis à cet effet : le<br />
roi s'imaginant qu'ils aîloient lui demander ce qu'il Ce<br />
propofoit lui-même de leur donner , J'ai commandé,<br />
leur dit-il, qu'on vous àiftnbuât les <strong>mont</strong>ures nicef-<br />
Jaires peur vous tranfporter f & qu'on délivrât à chacun<br />
il vous mille deniers : quand vous fere{ de retour dans<br />
la Grèce $ je dijpojerai ks chofes de manière f que perf&nne<br />
s a votre malheur près , ne pourra juger fa condi~<br />
non meilleure que la vêtre, Là-deflûs les larmes leur<br />
menant aux ieux, ils les tenolent baiffés contre terre t<br />
& n'ofoient ni les lever ni <strong>par</strong>ler : à la fin îe roi voulant<br />
favoir la caufe de cette fyifteÛe, Eutymon lui
258 LIBER F. CAP. VI.<br />
quœ, in confilio dîxtrat refpondit. Atque iile 1<br />
non fortuna foium eorum , fed etiam pctnitentim<br />
mifertus , terna miilia denariâm fengulis dari<br />
jujfît ; denm veftts adjeikt fum ; & armenta cum<br />
pecoribus ac frumento data , m mil ferique attributus<br />
us ager poffet»<br />
VI. Poftero dît commcatos <strong>du</strong>ces copîarum dbcet,<br />
mdlam infefliorem urbem gracis ejfe quam<br />
ngmm veterum Perfidis regum ; hinc iiia immenfa<br />
agmina infufa ; hinc Darium prius 9 deinde Xerxem<br />
Europa, ïmpium intuliffe bellum : ixcidio<br />
illim <strong>par</strong>tntan<strong>du</strong>m tffe majoribus* Jamque barbari<br />
, deferto oppido , quâ quemque metus âge*<br />
bat dijfugerant, quum rex phahmgem , mail<br />
cun&atus, in<strong>du</strong>cit, Multos urbes refertas opulenîiâ<br />
rtgid <strong>par</strong>tim expugnaverat, <strong>par</strong>ttm in fidem<br />
acceperat ; fed urb'u hujus divitm vicêre pratenta<br />
: m hanc toûus Perfidis opes congejferamt<br />
barbari ; aurum argentumque cunudatum erat ;<br />
veftis ingens mo<strong>du</strong>s ; fupeliex , non ad ufum<br />
modo , fed ad ofttntationem luxûs com<strong>par</strong>ata. haque<br />
inter ipfos vMores ferro dimkabatur; pfm<br />
hofle erat , qui pretiofiorem occupaverat prm*<br />
dam ; & quum omnia qum reperiebantur capere<br />
non pojfent, jam res non ôccupabantur , fed<br />
aftimabantur. Lacerebant regias veftes , ad fe<br />
quifque <strong>par</strong>tem trahtntes ; dolabris•preûofz artis<br />
va fa cœdebant ; nihil neque intaaum erat, me<br />
integrum ferebatur ; abrupta finudachrorum memèra<br />
, ut quifque avdkrat, trahebat. Neque avarida<br />
folum , fed etiam cruddhas m capta urbt
LIVRE V. CM A p. VI. 159<br />
répéta dans fa réponfe les mêmes chofes qu'il avoit<br />
dites dans Fâflemblée. Le prince touché , non feulement<br />
de leur malheur, mais encore de Faffîi&ion qu'il leur<br />
caufoif f leur fit distribuer à chacun trois-mille deniers ;<br />
©n y ajouta dix habits f & on leur donna <strong>du</strong> gros &<br />
<strong>du</strong> menu bétail avec <strong>du</strong> froment s afin qu'ils puffenÊ<br />
cultiver & enfemencer les terres qui leur feroient<br />
aflignées.<br />
VI. Le lendemain ayant convoqué les chefs, il leur<br />
représenta , qu'aucune ville n'avoit été plus fatale aux<br />
grecs que Perfépoîis, réfidence des anciens rois de<br />
Perfe; que de là étoient fortis ces déluges d*armées ;<br />
que de là Darius d'abord, enfu'rte Xerxès avoient<br />
porté en Europe la guerre la plus abominable : qu'il<br />
falloit f en l'exterminant, l'immoler aux mânes de leurs<br />
ancêtres. Déjà les barbares , qui l'a voient abandonnée »<br />
s'étoient enfuis chacun de fou côté fuivant les diverfes<br />
Impreflions de la peur, îorfque le roi f fans différer»<br />
y fit entrer fa phalange. 11 avoit pris jufqu'alors , ou<br />
de force ou <strong>par</strong> compofition, beaucoup de villes d'une<br />
opulence égale à celle des rois ; mais celle-ci l'emportoit<br />
infiniment fur les autres : les perfes y avoient<br />
ramaffé toutes les richeffes de leur pays; l'or & Far-"<br />
gent y étoient amoncelés : il y avoit une provifion<br />
immenfe d'habillements; & un mobilier delliné, non<br />
feulement à l'ufagt, mais furtout à Fomentation <strong>du</strong> luxe.<br />
Aufli les vainqueurs mêmes fe difputolent-iis le pillage<br />
les armes à la main ; on traitoit en ennemi f celui qui<br />
étoit faifi <strong>du</strong> meilleur butin ; & comme il n'étoit pas<br />
poflible d'enlever tout ce qu'on trouvoits on ne fe<br />
jetoit plus fur tous les objets, mais on choififlbit ce<br />
qui <strong>par</strong>oiffoit le plus précieux. On déchirait les vêtements<br />
royaux f chacun en tirant une <strong>par</strong>tie de fon côté ;<br />
on brifoit à coups de haches les vafes précieux pat<br />
Fart <strong>du</strong> travail; rien ne fut é<strong>par</strong>gnés rien ne fut emporté<br />
entier ; les ftatues mifes en pièces, chacun enlevoit<br />
la <strong>par</strong>tie qu'il avoit arrachée. Ce ne fut pas feulement<br />
aux emportements de l'avarice » ce fat encore
i6o LIBER V CAP. VI.<br />
graffata efl ; auro argentoque onufti viKa captl~<br />
vorum corpora trucidabant $ paffimque obvii cœde~<br />
bantur quos antta preiium fui miferabiles fecerat.<br />
Multi ergo hofiium manus voluntariâ morte occupaverunt<br />
, pretiofiffmâ veftium in<strong>du</strong>ti, è mûris<br />
femetipfos cum con\ugibus ac liber'is in pmceps<br />
jaëantes ; quidam ignés , quod pado poft fàèlu*<br />
rus hoftis videbatur , fubjtcerant œdibus $ ut cum<br />
fuis vivi cremarentur. Tandem fuos rex corporibus<br />
& adtu fembmrum abjimere jujfiu Ingens<br />
pecunia captivm mo<strong>du</strong>s traditur , prope ut fidem<br />
excédât : cettrum, ont de <strong>du</strong>s quoqtte <strong>du</strong>bkamus\<br />
au credimus in kujus urbis ga^â fiùiïè c &<br />
XX milita talenta ; ad qua vehtnda ( namque<br />
ad ufus belli fecum portare decreverat ) jumenta<br />
& camelos a Sufis & Babylone contrahi juffiu<br />
Acceffcre ad hanc pecunia fummam, captis Ferfagadis<br />
, (ex mïïïm takntorum : Cyrus Perfar<br />
ga<strong>du</strong>m urbem condiderat, quam Alcxandro prit*<br />
feBus ejus Gobares tradidit.<br />
21. Rex arcem Perfepoiis, in millibus mace~<br />
donum prafidm rtliBis , Nicarîhidem tueri jubet ;<br />
Tyridati quoque, qui gaçam tradidêrat, fervatus<br />
efi konos quem apud Darium habuerat ; magnaque<br />
extrcuûs <strong>par</strong>te & impedimentis ibi reliSis,<br />
Parmtnionem Craterumque pmftcit. Ipfe , cum<br />
• mille equitibus peditumque expeditd manu , inte*<br />
riorem Perfidis regionem % fui ipfum Verglliarum<br />
fi<strong>du</strong>s *, petiit ; mdmque imhrêus & prope m*<br />
* Vergili* font les Pléiades,, fept étoiles dam U<br />
figne <strong>du</strong> Taureau, dont iî ne <strong>par</strong>oît plus que fiz. Quand<br />
elles commencent à <strong>mont</strong>er fur î'horifon & à s'y monrer<br />
après le foîeil couché % le foleil eft à fa fignes de
LIVRE V. CHAP. VI. i5i<br />
mx horreurs de la cruauté que cette ville fut expofé«<br />
après que l'ennemi l'eut prife ; les foldats, chargés d'or<br />
& d'argent f tuoient <strong>par</strong> dédain leurs prifonniers t &<br />
naflâcroient <strong>par</strong>tout où ils les rtncontroient ceux-mêmes<br />
à qui l'efpoir d'une rançon avoit d'abord fait accorder<br />
quelque pitié. Plufieurs en cenféquence, voulant y <strong>par</strong><br />
une mort volontaire , prévenir la fureur des ennemis 9<br />
fe revêtirent de leurs habits les plus précieux & feprécipitèrent<br />
<strong>du</strong> haut des murailles avec leurs femmes<br />
& leurs enfants ; d'autres , jugeant que l'ennemi ne<br />
tarderoit pas à le faire , mirent le feu à leurs maifons,<br />
pour s'y brûler vifs avec leurs familles. Le roi défendit<br />
enfin d'attenter à la pudicité des femmes & de les dépouiller<br />
de leurs ornements. On porte à une quantité<br />
prefque incroyable l'argent qu'on prit dans cette place z<br />
au furplus, Il faut douter de tout le relie., ou croire<br />
qu'il fe trouva dans le tréfor de cette ville jufqu'à'<br />
ceiit-vingt-mille talents ; & Alexandre, les ayant destinés<br />
aux frais de la guerre, fit venir de Suze & de<br />
Babylone des bêtes de charge & des chameaux pour<br />
les emporter. A cette femme furent encore ajoutés fixmille<br />
talents de la prife de Perfagade : cette ville,<br />
fondée <strong>par</strong> Cyrus., fut livrée à Alexandre <strong>par</strong> Gobarès,<br />
qui en étoit gouverneur.<br />
21. Ce prince donna le commandement de la fortereffe<br />
de Perfépolis à Nicarthides, avec une garnifos<br />
de trois-mille macédoniens ; d'autre <strong>par</strong>t, il maintint<br />
dans le rang qu'il avoit auprès de Darius, Tyridates s<br />
qui avoit livré le tréfor ; & laiffant là une grande<br />
<strong>par</strong>tie de fon armée avec les bagages, il en chargea<br />
Psrménion & Cratère.' Pour lui, fuivi de mille cheraux<br />
& 4*un camp volant (Finfanterie, il s'avança dans<br />
l'Intérieur de la Perfe au commencement de l'hiver ; &<br />
quoique contrarié <strong>par</strong> d'abondantes pluies & <strong>par</strong> une<br />
dillance fie dans celui <strong>du</strong> Scorpion ; c'eft donc aux approches<br />
de l'hiver, comme je le dis pour être enten<strong>du</strong> :<br />
les neiges dont il eft <strong>par</strong>lé tout de fuite après s en font<br />
une nouvelle preuve*
%6% LIBER V. CAP. FI.<br />
tolerabUi umpefiam vexaius , procéder* tamen<br />
quo manderai perfeverav'u. Venium erat ad iter<br />
perpemis obfitum nivibus quas frigoîis vis getu<br />
adftr'mxerat ; iocorum fqualor & folkudlms învim<br />
fatigatum militent tembant, humanarum rerum<br />
termines fe videre credeniem ; omnia vafta. atque<br />
fine ulh humani cultûs veftigm attonki intutbantur<br />
; & antequam lux quoque & atlum ipjbs<br />
deficerent, reverti jubcbant. Rex caftigare territos<br />
fuperfedit ; ceterum , ipfe equo dejuih, pedesque<br />
per nivem & concretam glaciem ingredi ccepit*<br />
Erubuerunt non fequi , primum amici , deinde<br />
copiarum <strong>du</strong>ces, ad ulûmum milites : primusque<br />
rex , dolabrd glaciem perfiingens^, iter fibi<br />
fecit ; exemplum régis ceteri imitati fiait* Tandem<br />
propemo<strong>du</strong>m invias filvas emenfi , humani<br />
cultes rara vefiigia & paffim errantes pecorum<br />
grèges reperêre : & incola , qui /<strong>par</strong>fis tuguriis<br />
habkabam quum fe callibus invus feptos effe credidifiint,<br />
ut confpexêre hofiium agmen , interfiâtis<br />
qui comitari fugientes non poterant, dévias <strong>mont</strong>es<br />
& obfitos nivibus petiverunt ; aide per cottoquia<br />
captivomm paulatim ferkate mkigatâ , tradi-<br />
' dire Je régi ; nec ai dedkos graviùs confidtutru<br />
- Vaftatb deinde agris Perfidis, vicisque compluribus<br />
reda&s in potefiatem, ventum eft m mardo~<br />
mm gentem , bellicofijjîmam & rmâtum a ceteris<br />
perfis cultu vite abhorrentem^ Specus in momibus<br />
fodiunt, in quos feque ac conjuges & liberos coti<strong>du</strong>m<br />
; pecorum aut fer arum carne vefcuntur. Ne<br />
femims quidem, pro notant habitu, molliora ingénia<br />
funt ; coma promment Mrta ; vejiis fuper
LIVRE K CM A p. VL 265<br />
faifon prefqwe infoutenable, il ne laifTa pas d'avancer<br />
& de futvre fon projet. On étoit <strong>par</strong>venu à n'avoir<br />
plus qu'un chemin couvert de neiges éternelles <strong>du</strong>rcies<br />
<strong>par</strong> la gelée ; l'horreur de ces lieux, la vue de ces<br />
déferts Impénétrables épouvantoient les foldats , excédés<br />
d'ailleurs de fatigue & fe croyant au bout <strong>du</strong> monde ;<br />
ils contemploient avec étennement ces immenfes foRîudes<br />
, ou il ne <strong>par</strong>oifloit aucune 'trace d'habitation<br />
humaine ; & ils demandoient fortement à retourner ,<br />
avant que le ciel & la lumière vinflent à leur manquer tout<br />
à fait. Le roi ne voulut pas ajouter la réprimande à l'effroi ;<br />
mais il defcendit de fon cheval, & fe mit à marcher à<br />
pied à travers la neige & la glace la plus <strong>du</strong>re. La honte<br />
de ne le pas fuivre fit impreflîon, d%bord fur fes courtifans,<br />
puis fur les Chefs des troupes , Bc enfin fur les<br />
foldats : & .le rot le premier, rompant la glace avec<br />
une coignée., s'ouvrit un chemin; les autres fuivirent<br />
fon exemple. .Enfin après avoir traverfé des forêts<br />
prefque inabordables f ils trouvèrent quelques traces<br />
d'hommes & des troupeaux errants çà & là : & les<br />
habitants, qui logeoient dans des cabanes é<strong>par</strong>fes , <strong>par</strong>ce<br />
qu'ils fe croydient affez défen<strong>du</strong>s <strong>par</strong> la difficulté d'aborder<br />
chez eux , -n'eurent pas plus tôt apperçu l'armée<br />
ennemie .» que tuant ceux qui ne pouvoient les accompagner<br />
dans leur fuite, ils gagnèrent des <strong>mont</strong>agnes écartées<br />
& couvertes de neiges: mais enfuite s'étant apprivoifés<br />
peu à peu <strong>par</strong> leurs entretiens avec les prifonaiers,<br />
ils fe. rendirent au roi; & on ne les traita pas<br />
plus mal après leur foumiffion. Après qu'on eut ravagé<br />
les campagnes de la Perfe & fournis plufieurs bourgades<br />
, on arriva chez les mardes , nation très - belli-<br />
264 LIBER V. CAP. FIL<br />
genua ejl ; fundâ vinciunt fronttm , hoc & orna»<br />
mentum capitis & lelum eft. Sed hanc quoque genlem<br />
idem fortunœ 'impetus donnât, Itaque , trigefi-<br />
•mo <strong>du</strong>, pofleaquam à Perfepoii profeêÊus erat,<br />
€jdem rediit ; dona deinde amicis ceterhque, pro<br />
•cujufque mémo , dédit : proptmo<strong>du</strong>m omnia qum<br />
in eâ urbe ceperat -diftributa.<br />
VIL Cetèrum ,-mgentia animi bona, illam mdoiem<br />
quâ omnes reges' antecejpt, illam in fub~<br />
tandis periculis conjiantiam, in rébus moliendis<br />
effic'undhque velocitaterti , in deditis fidem, m<br />
captivos cUmentiam-, invohptalibus permijfis quoque<br />
& ufitatis temperanûam, haud tolerabili vini<br />
cupiditate fœdavit. Hofle & amulo regni ré<strong>par</strong>ante<br />
mm quum maxime bellum, nuper fuba&'u<br />
LIVRE V. CHAP. FIL x6j<br />
vêtement ne paffe pas les genoux; elles fe ceignent<br />
la tête d'une fronde, qui leur fert d'ornement & d'arme<br />
tout à la fois. Mais cette nation,, cédant comme les<br />
autres au torrent de la fortune, fut également domptée,<br />
Àmfî, trente jours après fon dé<strong>par</strong>t de Perfépolis,<br />
Alexandre y retourna ; il y fit des préfents aux Grandi<br />
de fa cour & aux autres, félon îe mérite de chacun:<br />
il ; diftribua ainfi prefque tout ce qu'il avoit pris dans<br />
©site ville*<br />
VIL Au refte, ces grandes qualités de Pâme, ce<br />
naturel qui Ta mis au deffus de tous les rois s cette<br />
fermeté dans les périls, cette célérité pour entreprendre<br />
-& pour exécuter, cette bonne foi envers ceux qui fe<br />
rendoient, cette clémence'envers les-prifonniers, cette<br />
modération jufque dans les pîaifirs permis & ordinaires f<br />
tout cela fut fouillé <strong>par</strong> fon penchant infupportable<br />
pour l'ivrognerie. Tandis que fon ennemi, fon concurrent<br />
à l'Empire t fefoit les plus grands efforts pour<br />
recommencer la guerre, que les peuples nouvellement<br />
fournis voyoient de mauvais œil la nouvelle puiflance .<br />
qui les avoit fubjugués j il donneit en plein jour des<br />
feftins j où afliftoient des femmes, non pas de celles<br />
à. qui ce fût un crime de manquer, puifque c'étoient<br />
des courtîfanes accoutumées à vivre dans une licence<br />
exceffive au milieu des gens de -guerre. Thaïs, l'une<br />
d'entre elles, s'avife dans l'ivrefle de foutenir, que le<br />
roi l'affûreroit au plus haut degré la bienveillance de<br />
tous les grecs en fefant mettre le feu au palais des<br />
rois de Perfe ; que é'étoit l'attente de ceux dont les<br />
barbares avoient détruit les villes. Quoique ce ne fût<br />
qu'une courtifane gorgée de vin qui donna fon avis fuc<br />
une affaire fi grave , chacun, dans la chaleur <strong>du</strong> vin, fe<br />
hâte d'applaudir ; le roi lui-même, plus emprelfé .que<br />
circonfpecl, s'écrie ; Que tardons-nous donc à venger la.<br />
Crkçe & à brûler la ville? ils étoient tous échauffés <strong>par</strong> le<br />
vin ; ils fe lèvent donc .pour brûler lf dans l'emportement<br />
de Fivreffe, une ville qu'ils avoient é<strong>par</strong>gnée les* armes à •<br />
la main : îe roi le premier mit le feu au palais," & après<br />
Tome L M
i66 LIBER V. CAP. FIL<br />
mvm , & mmîftri, pellicesque. Multa 'ctdro a£~<br />
ficata erat regia , qua , ceîtriter igné concepto $<br />
latè fudk ïncendium. Quod ubi exerchus , qui<br />
haud proad db urbe tendebat, confpexit ; fortetum<br />
ratus, ad opem ferendam concurrit : fed ut<br />
4d veftibulum regia ventum efi , vident regemîpfum<br />
adhuc aggerentem faces ; omiffâ igitur quam<br />
portaverant aquâ 9 aridam maieriam in inandium<br />
jacert catpemnu<br />
'23. Hune exïtum habua régla totîus Orientbï<br />
unde tôt gentes ante jura pttebant , patria tôt<br />
regum, unicus quondam Grœc'm terror ; moiita<br />
mille mvium clajfem & exerchus quibus Eurom<br />
inundataeft, contabulatô mari molibus, perfof<br />
fisque <strong>mont</strong>ibus, in quorum fpe.cus fretum immif<br />
fum efl* Ac m longâ quidem mtate qua exch<br />
dium ejus fequuta efl refurrexit. Alias urbes habuire<br />
macedonum reges, quas nunc habent <strong>par</strong>thi ; aujus<br />
vefligium non inveniretur, nifi Araxes amnis<br />
oflenderet : haud procul nmnibus fluxerat ; inde<br />
urbem fuiffe xx ftadiis diflantem, cre<strong>du</strong>nt magis<br />
quam fciunt accola. Pudebat macedones tam praclaram<br />
urbem à commeffabundo rege deletam effe ;<br />
itaque res in ferium ver fa eft , & imperaverunt<br />
fïbi ut crederent Ulo potijfimum modo fuiffe delendam<br />
: ipjkm , ut primum gravatam ebrietate<br />
mentem quks reddidit* pmnitwjfe confiât & dixif<br />
fi, majores panas perfas gmeis daturos fuiffe %<br />
fi ipfum in folio regiâque Xerxis refpicere coaêi<br />
ejfent. Pôftsro die lycio , iûneris quo Perfidem<br />
ïntranrat <strong>du</strong>â, xxx talenta donp dediu Hinc
LIVRE V. CHAP. VIL 267<br />
lui les conviés , les officiers, & les courtifanes. Ce, palais,<br />
pour îa plus grande <strong>par</strong>tie, étoit en bois de cèdre t<br />
qui, ayant bientôt pris feu , porta aifément l'incendie<br />
au loin. L'armée , qui n'étoit pas campée loin de la<br />
ville, s'en étant apperçue, penfa-que c f étoit un accident<br />
fortuit & s'empreffa d'apporter <strong>du</strong> fecours : mais<br />
arrivés à la porte <strong>du</strong> palais, les foldats voient le roi<br />
lui-même animer le feu; alors au lieu de faire ufage<br />
de l'eau qu'ils avoient apportée, ils fe mettent à jeter<br />
auffi dans le*feu des matières fèches & combuftibîes.<br />
23. Telle fut la fin de la ville capitale de tout<br />
l'Orient, qui au<strong>par</strong>avant donnoit des lois à tant de nations<br />
, qui avoit été la patrie de tant de rois t & qui<br />
-feule depuis long temps étoit la terreur de îa Grèce ;<br />
ville, qui, ayant équippé* une flotte de mille voiles<br />
& mis fur pied des armées dont l'Europe fut inondée f<br />
couvrit la mer de fes vaifteaux , perça les <strong>mont</strong>agnes §<br />
& lit entrer la mer dans leur fein. Et dans le long<br />
intervalle de temps qui s'ell écoulé depuis fa deftruc-tion,<br />
elle ne s'eft point relevée de fa chute.* Les macédoniens<br />
ont poffédé cPautres villes, qui font aujourdhui<br />
au pouvoir des <strong>par</strong>thes ; :mais de celle-ci on. ne<br />
trouverait aucun veftige, fi le fleuve d'Araxe ne fervoit<br />
de renfeignement : il avoit fon cours peu loin de<br />
cette place 5 & c'étoit a la diftance' de.' vingt ftades9<br />
a s'en rapporter, finon aux preuves, <strong>du</strong>* 'moins â l'api»<br />
nion des gens <strong>du</strong> pays. Les macédoniens avoient honte<br />
qu'une ville fi diftinguée eût été détruite <strong>par</strong> leur roi<br />
dans une <strong>par</strong>tie de débauche; auffi tournèrent-ils la<br />
ihofe au férieux,' & ils prirent fur eux de fe perfuader<br />
que c'étoit uniquement de cette manière qu'elle<br />
avoit dû être détruite : mais le prince, quand le fomnteil.tut<br />
diflipé les fumées <strong>du</strong> vin, en.ïut fâché, &,<br />
tt.eft certain qu'il dit, que les grecs auroient été<br />
mieux vengés des perfes, fi ceux-ci avoijçn-t été contraints<br />
de le voir fur le trône & dans le palais de<br />
iCerxès. Le lendemain il fit préfent de trente talents<br />
-au lyci'en qui lui avoit moatrî le chemin de la Perfe.<br />
M ij
a.68 LîSER V. -CAP. FUI<br />
m reghnem Média tranfiu, ubi fupplementum nxh<br />
vorum mïïitum è Cïïiciâ occurrit ; ptdkum eranî<br />
qumque -millia, équités mille ; utrisque-Plato athenîenfo<br />
pmerat : Mis copus auMua s Darium ptf<br />
fequi fiatuk*<br />
• VIE. Me jdm Ecbatam pervenerat , capm<br />
Media : urbem hanc mmc tenent <strong>par</strong>thi, eaqm<br />
mftiva agentèbus fedts eft. Adiré deinde ËaËrâ<br />
deereverat ; fed vertus ne céleritate Alexandri<br />
occu<strong>par</strong>etur % conftlium kerque mutavit : obérât aè<br />
eo Alexander ftadia MD * fed jam nullum inter*<br />
vallum advenus celeritatem ejus fatis tongum vi*<br />
•debatur.; itaque pralio magh quant figes fe pra*<br />
'<strong>par</strong>abaL Triginta mîllia pedkum fequebantur , in<br />
qu'eus grmcorum erant quatuor mîllia , fide erga<br />
regem ad ultimum invUtd. Fun<strong>du</strong>orum quoque &<br />
fagiêtariomm manus quatuor millia expleverat ;<br />
pmter hos\ m mîllia •& ccc tquites- trani ,<br />
maxime bakrianorum : BeJJks prêterai, baêrianm<br />
urbis rfgiomsque pmfeBus* -Cum hoc agmine Darius<br />
paulum declinavit via' militari, juffis prêtéedere<br />
lîxîs impedimentorum ' cujiôdibus. Confilio<br />
deinde advocato-., Si me fum îgnayis, inquït,<br />
& pluris qualemcumque vitam hcmeftâ morte<br />
aeftimantibus foituna junxifTet, tacerem potiùs<br />
quam fraftra yerba confumerem ; fed majore<br />
quam veilem document© fy virtutem veftram<br />
& fidem expertes., magis ;etiatn coimiti debeo<br />
•ut dignus -talibus amicis fim , qaam <strong>du</strong>bitare<br />
an veftri -fimiles adhuc fitis. Ex. tôt millibus<br />
qu» fiib intperio &etunt meo, bis me viébim,<br />
bis fugientem perfequuti eftis ;' fides veftra &<br />
conftantia.ut regem pi£ effç gre^amfacit Prodi^
LèVRE V* CM A P. VIII 26g?<br />
De là il paffa dans- la Médie, où H rencontra- de»<br />
recrues qu'on lui amenoit de la Ciiicie ;. elles confiftoient<br />
ea cinq-mille hommes de pied & mille chevaux, les<br />
uns & les autres fous les ordres de Platon d'Athènes ;<br />
avec ce renfort, il. réfolut de pourfuivre Darius.<br />
VIIL Ce prince-étoit déjà arrivé à Ecbatanev capitale<br />
de la fAéiie : cette ville eft aujourdhui au pouvoir<br />
des <strong>par</strong>thes , & c*e& là- que leurs rois paflent l'été. Ilavoit<br />
eu deffein de palier de là à Baâres ; mais dans:<br />
la crainte qu'Alexandre ne fit allez de diligence pourle<br />
prévenir , il changea d'avis & de* route : Alexandre<br />
étoit à quinze-cents ftades de lui, mais il ne trouvait<br />
plus de dillance affez longue pour le raffûrer contre<br />
la célérité de fa marche ; ainfi, il fe tenoit prêt pour<br />
îe combat plus tek que pour la fuite. Il avoit à fa fuite<br />
trente-mille hommes de pied', y compris quatre-mille<br />
grecs, qui lui gardèrent jufqu'à la lin une fidélité in-<br />
Yiolabïe. 11 atoit encore un corps complet de quatremille<br />
frondeurs & archers; & en outre trois-mille<br />
trois - cents cavaliers, principalement compofés de<br />
ba&riens : ils étoient fous les ordres de BeïTus , Satrapt<br />
de la BaAriane & de fa capitale. Avec cette armée<br />
Darius s'écarta un peu de la voie militaire y après avoir<br />
envoyé devant les valets qui étoient chargés de la •<br />
garde des bagages. Ayant enfuite aflemblé fon Confeil,<br />
Si la fortune , dit-il, m'eût affecté à des lâches ,<br />
qui fiffent plus de cas de la vie, à quelque condition<br />
que ce fui, que d f une mort honorable, j'aimerois mieux<br />
me taire que de perdre mes pamhs avec eux ; mais ayant<br />
eu <strong>par</strong> mom expérience des preuves plus fortes que je ne<br />
voudrois de vmre valeur & de votre fidélité f je dois bien<br />
plus têt m 9 efforcer de mon cûié à me rendre digne de<br />
Mis amis, qu§ de douter fi vous êtes encore femblables<br />
à vous-mêmes. De tant de milliers d'hommes qui émient<br />
fous mes ordres , vous êtes lesfeuls qui aye\ eu. le courage<br />
ik me fièvre 9 quoique vaincu deux fois, quoiqu r obligé deux<br />
fois de prendre la fuite £ il m'y a plus que votre fidélité &<br />
vmre ionfimeesui m laiffent troin que je fuis mi% Les<br />
» M iï\
27© LIMER K CAP.. VIIL<br />
tores & transfuge in urbibus meis régnant ;<br />
non, Hercule ! qui tanto honore digni habeantur<br />
.9 fed ut praemiis eorum veftri foMcitentur<br />
animi. Meam tamen fortunam quam viftorïs<br />
maluiftis fequi , digniffimi quibus, fi ego non<br />
poffim , dii pro me gratiam référant ; &, me<br />
Hercule ! réfèrent : nulla erit tam furda p@fte*<br />
ritas , nulla tam ingrata fama , quae non in ccelum<br />
vos debitis laudibus ferat Itaque, etiamfi<br />
conlilium faga? , à quâ multum abhorret ani—<br />
mus, agitaflem ; veftrâ tamen virtute fretus f<br />
obviam iffem hofti. Quoufque enim in regno<br />
cxulabo & per fines Imperii mei fugiam externum<br />
& advenam regem , quum liceat, experte*belli<br />
fortunam a aut re<strong>par</strong>are quae amifi aut<br />
honeftâ morte defiingî ? nifi forte fatius eft<br />
' exfpeclarê vicions arbitrium, & , Mazaei &<br />
Mithrenis exemplo , precarium accipere regnum<br />
nationis ^unius , ut jam malit ille gîoriae fuae<br />
quam ira obfequi. Nec dii fiverint ut hoc<br />
decus mei capitis aut 4^mere mihi quifquam.<br />
aut condonare poflit ! nec hoc Imperium vîvus<br />
amittam, idemque erit regni mei qui & fpiritûs<br />
finis. Si hic animus, u haec lex ; nulli non<strong>par</strong>ta<br />
îibertas eft : nemo è vobis faftîcfium macedonum<br />
, nemo vultum luperbum ferre cogetur;<br />
fua cuique dextra aut ultionem tôt malorum<br />
<strong>par</strong>iet aut finem. Equid'em quam veriabilis<br />
Fortuna fit documentum ipfe fiim, nec<br />
ïmmerito mitiores vices ejus exîpeclo ; fed fi<br />
jufta ac pia bella dii averfantur , fortibus ta-»<br />
men viris licebit honeftè mon. Per ego vos
LIVRE V. CHAP. FUI. 271<br />
traîtres & les transfuges régnent dans mes villes' ; & cm<br />
n*eft pas r je le jure, qu'on les croye dignes de cet hon~<br />
mur 9 mais c'eft pour tenter votre courage <strong>par</strong>Vappât, des<br />
rtcompenfcs qu'on leur s accordées. Vous AVC\ cependant<br />
mieux aime vous attacher à ma fortune qu'à celle dm<br />
vainqueur, Bien dignes sn cela, fi je ne le peux faire<br />
moi-même , que les dieux vous en récompenfent ;_ & ils le<br />
feront, j'en-fuis sûr: ta poftériti ne fera jamais ajfet<br />
fiupide, la renommée ne fera jamais affei injufte, pour<br />
ne pas porter vos louanges jufqu'au cieL Auffi,' qu'ami<br />
j'aurois eu quelque deffein de lâcher le pied, • ce dont<br />
mon courage eft bien éloigné; foutenu <strong>par</strong> votre, valeur,<br />
je ne laijferois pas daller au devant de l'ennemi. Car<br />
jujqu'à quand enfinferai-je exilé dans mon propre royaume t<br />
& forcé de fuir dans toute Véten<strong>du</strong>e de mon Empire<br />
devant un prince étranger & un aventurier, tandis qu'avec<br />
$ expérience que j'ai de la guerre, je peux encore ou ré<strong>par</strong>er<br />
mes pertes ou obtenir une mort glorieufe ?• fi ce n'eft. peutêtre<br />
qu f il me fait plus convenable d'attendre ce qu'il<br />
plaira au vainqueur (tordonner , &, à Vexemple de<br />
Ma^ée & de Mithrènes, de recevoir de lui la permijjion<br />
précaire de régner fur une feule province, pourvu toutefois<br />
qu'il aime mieux fatisfaire les intérêts de fa gloire<br />
que ceux de fa colère. Veuillent les dieux ne permettre<br />
jamais que perfonne puiffe m'6 ter ou me laiffer à f on gré<br />
la couronne dont ma tète eft ornée ! tant que je vivrai<br />
je ne perdrai point mon Empire 9 & je ne cefferai de<br />
régner qu'en ceffant de vivre. Si vous êtes dans cette<br />
difpofition ific*eftla loi que vous vousprefcrivê[; la liberté<br />
de tous eft affûtée : perfonne de vous ne fera forcé d f ef<br />
fuyer les dédains , de fupporter les regards infultants des<br />
macédoniens i chacun faura de fâ- propre main venger ou<br />
terminer tant de maux. Je fuis fans doute un grand<br />
exemple de l'inftabilitê de la Fortune, & je fui% fondé •*<br />
attendre de fa <strong>par</strong>t quelque révolution plus favorable :<br />
mais fi les dieux ne favorifent pas des entreprifes infpirées<br />
<strong>par</strong> la juftke & <strong>par</strong> la piété, des hommes courageux<br />
pourront <strong>du</strong> m.olns mourir avec honneur. C'eft donc <strong>par</strong><br />
M iv
272 LIBER V. CAP. IX.<br />
décora majorum qui totius Orientîs régna cum<br />
memorabili laude tenuerant, per illos vîros<br />
quibus ftipendium Macedonia quondam tulît,<br />
per tôt nayium claffes in Gneciam miffas r per<br />
îot tropaea . regum oro & obteftor, ut nobilitate<br />
veftrâ gentisque dignos fpiritus capiatis ;<br />
ut, eâdem conflantiâ animoram quâ praterita<br />
toleraftis ; experiamini quidqmd deinde fors<br />
tulerit, : me . certè in perpétuent aut viftoria<br />
egregia nobiHtabit'aut pugna.<br />
IX. Hœc dicente Darïô, prafentis pericuTi fpe~<br />
mes omnium fimul corda animosque àorrore perfirinxerat,<br />
nec aut confiiium fuppetebat aut vox ,*<br />
quum Artabams , vetuflijfimus amkorum , qutm<br />
ho/pitem fuijfe PkUippi fape dbeimus, Nosvero,<br />
inquk, pretiofiffimâ veffium in<strong>du</strong>ti , armisque<br />
quanto maximo cultu poffumus adomati , regem<br />
in aciem fequemur , eâ quidem mente<br />
vicloriam ut fperemus, mortem non reeufemus.<br />
Afiênfu ixcepire ceteri hanc vocem* Sed Nabarçanes<br />
, qui in eodem confilio irai, cum Befib<br />
inauditi antea facinoris focietate irûtâ , regem<br />
fuum , per milites quibus ambo pmerant » com- «<br />
prehendere & vincire decreverant : eâ mente ut»<br />
fi AUxander ipfos infequutus foret, tradito rege<br />
mvo , mirent gratiam viSoris, magns profèëà<br />
€epi£k Darium aftimaturi ; fin autem eum ejfugere<br />
fotuiffent > interfiSo Dario , regnum fibi occu<strong>par</strong>tnt<br />
bellumque renovarent. Hoc <strong>par</strong>ricidium quum<br />
.dût volutajjent, Nabarçancs aditum nefaria fvei<br />
pm<strong>par</strong>ans, Sciome, inquk, fententiam effe aie*<br />
'jtarum prima fpecie faaud quaquam auribus tuîs
LIVRE V. CHAP. IX. 275<br />
ta. gloire de vos ancêtres qui ont tenu l'Empire de tout<br />
VOrient d'une manière fi digne de louange % c*efi <strong>par</strong> les<br />
cendres de ses grands hommes dont la Macédoine fus<br />
anciennement tributaire, e 9 eji <strong>par</strong> le [ouvenir de tant de<br />
floues nombreuses expédiées contre la Grèce » c'ejl enfin<br />
<strong>par</strong> tant de viBoires de vos rois, que je vous prie &<br />
vous conjure de prendre des fentiments dignes de la gloire<br />
nationale & de votre propre nobleffe ; afin que vous foutenie^<strong>par</strong><br />
la fuite [tous les caprices de la Fortune, avec<br />
Autant de confiance & de courage que vous en ave\ <strong>mont</strong>ré<br />
dans les événements paffés : pour moit mon <strong>par</strong>ti efi<br />
pris pour toujours, de me fignaler <strong>par</strong> une iUuftre victoire<br />
ou au moins <strong>par</strong> un combat glorieux.<br />
IX. Pendant ce dîfcours de Darius, l'image <strong>du</strong> danger<br />
préfent avoit faiïi d'horreur les efprits & les cœurs<br />
de tout le monde, & on ne favoit ni que faire ni<br />
que dire; lorfqtt'Artabaze f le plus ancien de fes confidents*<br />
qui, comme nous l'avons fouvent dit, avoit été à -<br />
la cour de Philippe , <strong>par</strong>la ainfi : Jffurément nous avons<br />
pris nos plus riches habits & nos" plus belles armes pour<br />
fuivre le roi au combat, bien déterminés à efpércr la vie»<br />
toire & à ne pas craindre la mort. Les autres furent<br />
•<strong>du</strong> même fentiment. Mais Nabarzanes, qui affiftoit à<br />
ce confeil, ayant comploté avec Beffus un crime jufqu'aîors<br />
inouï dans la Perfe f avoit réfolu de fe faifir<br />
<strong>du</strong> roi & de le charger de chaînes, <strong>par</strong> le mmlftère des<br />
troupes qui étoient fous Les ordres de ces deux officiers<br />
: leur intention étoit, s'ils étoient pourfuivis <strong>par</strong><br />
Alexandre, en lui remettant le roi vif entre les mains >.<br />
d'obtenir les bonnes grâces <strong>du</strong> vainqueur, qui. compteront<br />
fans doute pour beaucoup la prife de Darius ;<br />
û au contraire ils pouvoient lui échapper, de tuer<br />
Darius, de s'em<strong>par</strong>er <strong>du</strong> royaume % & de recommencer<br />
la guerre. Comme ils étoient depuis long temps, occupés<br />
<strong>du</strong> projet de ce <strong>par</strong>ricide ; Nabarzanes-, pour<br />
frayer le-chemin à l'exécution de Tes criminelles efpétances<br />
, Je fais , dit-il» que je vas ouvrir um avis que<br />
êMtpremitr abord il vous déphim d'cmendre-i mais c'efi<br />
M ¥
274 LIBER V. CAP. IX.<br />
gratam : fed medici quoque graviores morbosafperis<br />
remedïis curant ; & gubemator 9 ubi<br />
naufragium timet , jaélurâ quidquld iervari<br />
poteft redimit. Ego tamen , non ut damnum<br />
quidem facias 9 madeof fed ut te ac regnum.<br />
tuum falubri ratione conferves, Diis adverfis<br />
bellum inimus, & pertinax Fortuna perfas urgere<br />
non définit : novis initiis & ominibus opus eft^<br />
aufpïcium & imperinm alii trade intérim f qui<br />
tamdiu rex appeîletur donec Afiâ decedat boftis ,<br />
vi$or deinde regnum tibi reddat. Hoc autem brevi'<br />
futurum ratio promittit : Baôra intafta funt ; indi<br />
& facae in tua poteftate ; tôt populi, tôt exerci—<br />
tus * tôt -equitum peditumque millia ad reno—<br />
van<strong>du</strong>m bellum vires <strong>par</strong>atas habent, ut major<br />
belli moles fuperfit quam exhaufta fit. Quid ruî*<br />
mus belluarum ritu in perniciem non neceffariam<br />
? Fortium viroram eft magis mortem contemnere<br />
quam odifle vitam; faepe taedio laboris<br />
ad vilitatem fui compelluntur ignavi, at<br />
virtus nihil inexpertum omittit : itaque, ulti—<br />
mum omnium mors eft , ad quam non pigrè<br />
ire fatis eft. Proinde, fi Baâra , quod tutiffi^<br />
mum receptaculum .eft 9 petimus ; prafecturm<br />
regionis ejus , Beffum, regem , temporisgratià^.<br />
ftaruamus : compofitis rébus, )ufto régi tibi fi<strong>du</strong>-ciarium<br />
reftituet imperium»<br />
z6> Haud mirum eft. Darium non temperajjc,<br />
animo , quanquam tam impîa vo.cî quantum nefas.<br />
fubtfyct latefaL- -Itaque % Peiîirrmm > mquit*<br />
snancipmm , reperifti optatum tibi tempos quo
LIVRE K CMAF» IX- 2jf<br />
éœji que , dans les maladies les plus graves f les médecins<br />
ont recours aux remèdes violents ; & qu'un, pilote f<br />
Menace <strong>du</strong> naufrage, confint a perdre quelque chofe pour<br />
retenir tout ce qu'il peut fauvef. Mon avis cependant a<br />
pour objet, nom de vous caufer quelque dommage, mais<br />
de vous préfenter un moyen falutaire pour conferver votre<br />
perfonne & votre Empire* Les dieux nous font contraires<br />
dans la guerre que nous ftfons f & la Fortune opiniâtre<br />
ne ceffe de perfécuter les perfes ; nous avons donc befoiû<br />
de recommencer la guerre fous d'autres aufpices ; cédt\<br />
pour un temps les aufpices & l'Empire à un autre, à la<br />
charge qu'il ne gardera le nom de roi que jufqu'à ce que<br />
l'ennemi ait évacué VA fie, & qu'après cette victoire il<br />
vous rendra la couronne. Or que cette révolution ait<br />
Bientôt lieu , il eft ajfe\ raifonnable de l'efpérer : la •<br />
Maûriane eft encore intacle ; les indiens & les faces font<br />
en votre difpofition ; tant de peuples, tant d* armées, tant<br />
de milliers d'hommes de cavalerie & d f infanterie » vous<br />
offrent des forces toutes prêtes pour recommencer la guerre »<br />
qu'il refte en effet plus de moyens pour la terminer qu'elle<br />
n'en a coûté jufqu'à préfent. Pourquoi courons-nous fans<br />
néce£itéf comme des brutes, a notre perte ? Le propre<br />
des grands- courages eft plus tôt de méprifer la mort que<br />
de haïr la vie ; fouvent le dégoût <strong>du</strong> travail & de hê.<br />
peine porte les lâches à ne faire aucun cas d'eux-mêmes 9<br />
mais la valeur effaie de toutes les reffources : puis donc<br />
que la mort eft la dernière de toutes, c'eft affe^ de s'y<br />
préfenter fans lâcheté» Par conféquent, fi nous prenonsle<br />
chemin, de la BaUriane, qui eft une retraite trèsaffûrée<br />
; déférons , à caufe des malheurs, <strong>du</strong> temps, la.<br />
royauté à Beffmt qui a le gouvernement de cette pro~<br />
vinct : quand les affaires feront rétahlies, il vous remettra,<br />
comme au. prince légitime, l'Empire que vous<br />
lui aure\ confié»<br />
26. ÎI n'eft pas étonnant que Darius ne fe (bit pas<br />
modéré, quoiqu'il ne vît pas toute Fhorreur <strong>du</strong> crime<br />
que voiloit un fi déteûable langage» Méchant efclave\<br />
ixt-W 1 crois-tu avoir trouvé MM moment conforme i tes<br />
M. vi
276 . LIBER F. CAP. IX.<br />
<strong>par</strong>ricidium aperires ? ftriBoque aclnace, ÎMer~<br />
fêBurus videbatur ; ni properè Beffus baSrlanique<br />
, triftium fpecie , ceterum , fi perfcveraret »<br />
vinBuri , circumftetiffent. Nabar\anes intérim elapfus<br />
, mox & Btffus fequutus , copias [quibus prtzerantàcetero<br />
exerckufecedere jubent, fecutum bûmri<br />
çonfilmm. Artaba^us, convenkntem pmfenti fortu**<br />
nm fcntcntiam or fus , midgare Dar'mm, temporum<br />
Identidem admonens , cœpit ; ferret aquo anima<br />
qualiumcumqm, fuorum tamen t vel fiultitiam vel<br />
errorem : inflare Alexandrum , gravem eûamfi<br />
omnes praflo efftnt ; quid futurum , fi perfequuti<br />
fugam ipfius alienemur à rege ? Eâ re <strong>par</strong>uit<br />
Artabaqo ; & quanquam movere caftra flatuerat*<br />
mrbatis tamen omnium animis 9 eodem m loco<br />
fubfthit ; fed, attonitus mœftitiâ fimul & defperatione<br />
s tabernacuh fe inclufiu Ergo , in caftris<br />
quœ nullius- regebantur imperio , varii animorum<br />
motus erant, me in commune ut antea- confukbafur.<br />
Dux gracorum militum , Patron ,. arma ca~<br />
père fuos jubet <strong>par</strong>atosque effe ad exequen<strong>du</strong>m<br />
smperium. Perfa fecefferant ; Beffus cum ba&rianis<br />
erat, tentabatque perfas ab<strong>du</strong>cere , Ba&ra,<br />
& intaMm regionis oputentîam, fimulque quœ manentibus<br />
inflarent ptriciâa p ofientans : perforum<br />
omnium eadem firè fuit vox % nefas effe deferi<br />
regem. Inter hac Artaba^us omnibus imperatoriis<br />
fungebatur offciis ; ille perfarum tabernacula circumire9<br />
hortari.9 <strong>mont</strong>re rmne. Jmgulos nunç mû-
LIVRE V. CHAP. IX. iij<br />
iifirs j fom ofir mettre au jour ten projet <strong>par</strong>ricide ?<br />
& tirant fon cimeterre, il <strong>par</strong>ut qu'il alloit le tuer ;<br />
s'il n'eût été fur le champ environné & arrêté <strong>par</strong><br />
Beffus ck les baftriens , qui, en affeâant un aîr de<br />
triftefle, étoient d'ailleurs dans la réfolution de fe<br />
faiiir de lui s'il eût voulu paffer outre. Cependant<br />
Nabarzànes s'étant échappé, & Beflus l'ayant fuivi de<br />
près , fé<strong>par</strong>èrent <strong>du</strong> refte de l'armée les troupes qu'ils,<br />
commandoient, pour tenir entre eus un confeil fecret.<br />
Artabaze , ouvrant un avis conforme aux conjonctures,<br />
effaya de calmer Darius ; en les lui rappelant de temps<br />
en temps, il l'exhorta à fupporter patiemment la folie<br />
ou Terreur de gens qui,. tels qu'ils étoient, ne laiffoient<br />
pas d'être à lui. : qu'il étoit aux prifes avec<br />
Alexandre, qu'il étoit difficile de vaincre même err<br />
réunifiant toutes fes forces ; que feroit-ce donc, fi ceux<br />
qui s'étoient attachés à lui dans la fuite venoient à<br />
l'abandonner f- Le roi déféra à ce confeil d'Artabaze ;<br />
& quoiqu'il eût réfolu de décamper , voyant néanmoins<br />
tous les efprits dans le trouble, il fe tint au<br />
même polie ; mais, plongé tout à la fois, dans la îrifteffe<br />
& dans le défefpoir , il s'enferma* dans fa tente* Ainfi ,<br />
dans un camp dont perfonnne n'avoît la con<strong>du</strong>ite } les<br />
mouvements de tous les efprits étoient différents, &<br />
l'on ne délibéroit plus en commun comme au<strong>par</strong>avant.<br />
Patron , qui commandoit les grecs , leur enjoignit de<br />
prendre les armes & de fe tenir prêts au premier ordre.<br />
Les perfes avoient fait bande à <strong>par</strong>t ; Beflus étoit avec<br />
fes baélriens, x& eflayoit de débaucher les perfes, enmfiftant<br />
avec affectation fur la Battriane , fur l'opulence<br />
de cette province qui n'étoit point eacore entamée,<br />
&. fur les dangers dont étoient menacés ceux qui refiteroient<br />
: mais les perfes répondirent prtfque unanimement<br />
, que c'étoit un- crime infâme d'abondonner le<br />
roi. Pendant ce temps Artabaze rempliflbit toutes les<br />
fonftions de Général; <strong>par</strong>courir les tentes des perfes,<br />
les encourager, leur donner des avis tantôt <strong>par</strong>ticuliers<br />
& tantôt généraux, c'eft ce qu'il ne ceffa do faire
278 LIBER V. CAP. X<br />
verfos , non JMU deftirit quam fatis confiant ïmperata<br />
faBuros : idem mgrè a Dario impitravh,<br />
ta cibum capertt jmimumqne régis*<br />
X. At Bejfus & Nahai\ams alim agitatum<br />
fcehs exfequi ftatuunt, regni cupidkate accenfi ;<br />
Dario autem incolumi » tantas opes fperare non<br />
potcrant : quippe in Mis gentibus regum eximia<br />
majejias eft ; ad nomen quoque barbari convtniant<br />
, & priftinm veneratio fortunœ feqmtur<br />
adverfam. Jnftabat impios animos regio cui<br />
pmerant, armis virisque & fpatio locorum ntdli<br />
earum gent'mm fecunda ; tertiam <strong>par</strong>tent . Afiœ tenet<br />
; multitudo juniomm exercitus quos amiferat<br />
Darius œquabat : kaque , non Ulum modo 3 fed<br />
etiam Alexandrum fpernebant ; inde vires Imperïs<br />
repetituri, fi regionis potiri contigiffeL Dm omnibus<br />
cogitatis , placuit ptr milites baBrianos, ad<br />
omne obfequmm deftinatos, regem comprehendere,<br />
mittique nuncium ad Alexandrum , qui indicant<br />
vivum ajfervari eum ; fi, id quod timebant, prédit<br />
io ne m afpernatus effet , occifuri Darium &<br />
Ba&ra cum fuarum gentium manu petiturL Cmrum,<br />
propalam comprehendi Darius non poteraî,<br />
tôt perfarum millibus laturis opem régi ; grœcc~<br />
mm quoque fides timebatur* Itaque % quod non poterant<br />
vi , fraude ajfequi tentant ; pmnittntiam<br />
fecejfionis fimulare decreverant, & êxcufare apuâ<br />
regem confternationem fuam»<br />
' 28. Intérim qui perfas folicltarent mittunturi<br />
Une fpe 5 hinc metu% milhara animos 'verfam^
LIVRE F. CHAP. X 279<br />
qu'après s'être bien affûré de leur difpofition à obéir r<br />
il obtint aufli, non fans peine, de Darius, qu'il prît<br />
quelque nourriture & qu'il <strong>mont</strong>rât un, courage digne<br />
d'un roi.<br />
X. Cependant Beflus & Nabarzanes', brûlant <strong>du</strong> défir<br />
de régner, font réfolus d'exécuter l'attentat qu'il-s projettent<br />
depuis long temps ; mais tant que Darius vivroit*.<br />
Ils ne poudroient fe promettre un fi grand fuccès : car<br />
<strong>par</strong>mi ces peuples rien de plus facré que la majefté des<br />
rois | au nom feul <strong>du</strong> prince les barbares fe réunilfent,.<br />
& dans fa mauvaife fortune ils honorent encore fon premier<br />
état. Ce qui enfloit le cœur de ces traîtres, c'étoit<br />
la province même où ib commandoient, province là<br />
plus puifîantede ces contrées en armes, en hommes, &<br />
en éten<strong>du</strong>e ; elle fait le tiers de l'Afie ; & une Jeuneffe<br />
nombreufe y égaloit les armées que Darius avoit per<strong>du</strong>es<br />
: ainfi, ce n'étoit pas lui feulement % c'étoit Alexandre<br />
même qu'ils méprifoient j bien perfuadés qu'ils tireroient<br />
de là les forces néceflaires au maintien de leur<br />
Empire, s'ils étoient une fois maîtres <strong>du</strong> pays. Aprèsavoir<br />
long temps médité fur tous les points % ils arrêtèrent<br />
qu'ils fe farfiroient de la perfonne <strong>du</strong> roi <strong>par</strong> le<br />
moyen des. baftriens , qui leur étoient entièrement dévoués<br />
, & qu'ils feroient donner avis à Alexandre qu'on,<br />
le lui gardoit vif; déterminés au furplus, s'il déteftoit<br />
leur trahifon f comme ils l'appréhendoient, à tuer<br />
Darius & à fe retirer dans la Baàriane avec les troupes<br />
de ce pays. Au refte, il n'étoit pas poflible de fe faifir<br />
de Darius- avec éclat , au milieu de tant de milliers de<br />
perfes qui ne manqueroient pas de le fecourir ; on.<br />
redoutoit d'ailleurs la fidélité des grecs. Ce qu'ils ne<br />
pouvoient donc emporter <strong>par</strong> violence , ils effayèrent<br />
de l'obtenir <strong>par</strong> artifice ; ils avoient pris le <strong>par</strong>ti de<br />
feindre qu'ils fe repentoient de leur retraite , & de la<br />
colorer auprès <strong>du</strong> roi <strong>du</strong> prétexte de la crainte que<br />
leur avoir infpirée fon indignation..<br />
.a$. Cependant on envoie des émiffaires pour tenter<br />
les perfes : on effaie d*ébranïer les efprits des feldats,
280 LIBER V. CAP. XL<br />
ruina, rerum Ulos fuhdere capita , in perniciem<br />
trahi ; quum BaEira pateant, exceptura eos donis<br />
& opukntiâ quantam animis concipere non pojfinr.<br />
Mac agitantibus Artaba^us Jupervenit , five<br />
régis jujfu five fuâ [ponte , affirmans mitigatum<br />
•ej/e Darium & eumdeni iiiis amiciïm gra<strong>du</strong>m<br />
patere apud regem : illi, lacrimantes, nunc purgare<br />
fe , nunc Artaba^um orare ut caufam ipforum<br />
tueretur precesque perferret. Sic peraBâ noBe ,<br />
fub lucis ortu Nabarçanes cum ba&riams. militibus<br />
'm veflibulo pmtorii aderat, titulum folemnis<br />
ojficii occulto fceleri prafirens. Darius., figno ad<br />
eun<strong>du</strong>m data, currum priflino mon confcendiu<br />
Nabar\anes ceterique <strong>par</strong>ricidœ., procumbentes hu~<br />
mi, quem paulo pofi in vinculis habituri erant<br />
fuflinuêre venerari ; lacrimas etiam, pœnitentia<br />
indices , profuderunt : adeo humams ingénus <strong>par</strong>ata<br />
fimulatio eji ! Preces deinde fuppliciter admota<br />
Darium, naturâ fimplicem & mitem, non crtdere<br />
modo qua ajfirmabant, fed etiam fiere coëgerunt<br />
: âc ne mm quidem cogitati fceleris pœnituit,<br />
quum intuerentur qualem & regem & virum<br />
fallerenL llle quidem, fecurus pericuii quod inftax<br />
bat, Alexandri manus, quas folas ûmebats ejfis*<br />
gère properabau<br />
XI. Patron aumm 9- gmcorum <strong>du</strong>x, prmcepit<br />
fuis, ut arma » qum in Jarcinh antea ferebantur*<br />
in<strong>du</strong>erent, ad omne imperium fuum <strong>par</strong>ati & intemL<br />
Ipfe currum régis fequebatur s occafioni im*
LIVRE V. CHAT. XL i£t<br />
tantôt <strong>par</strong> fefpérance, tantôt <strong>par</strong> îa crainte : on leur<br />
infinuc qu'ils fe dévouent eux-mêmes fous les ruinesde<br />
l'État, qu'on les entraîne à leur perte } tandis qu'ils<br />
ont la liberté de fe retirer dans la Battriane, qui leur<br />
fournira des biens & une opulence fupérieure à tout<br />
ce qu'ils peuvent imaginer. Durant ces menées , Artakaze<br />
, foit <strong>par</strong> ordre <strong>du</strong> roi foit de fon propre mouvement<br />
, vient tout à coup aflurer Beffus & Nabarzanes,<br />
que Darius eft calmé & qu'ils ont encore îa même <strong>par</strong>t<br />
à fes bonnes grâces ': les traîtres, fondant en larmes,<br />
cherchent à fe difculper, puis à engager Artabaze <strong>par</strong><br />
leurs prières à prendre leur défenfe & à faire agréer<br />
leurs escufes. La nuit s'étant ainfi paffée t Nabarzanes,<br />
au point <strong>du</strong> jour, <strong>par</strong>oît avec les foldats baâriens à<br />
îentrée de la tente <strong>du</strong> roi, couvrant le fecret de fou<br />
projet criminel fous le prétexte <strong>du</strong> devoir publie de<br />
h charge. Lorfque Darius eut donné le lignai <strong>du</strong> dé<strong>par</strong>t<br />
, il <strong>mont</strong>a fur fon char comme de coutume. Nabarzanes<br />
& les autres <strong>par</strong>ricides, fe profternant à terre,<br />
prirent fur eux d'adorer un prince qu'ils alloient bientôt<br />
charger de chaînes ; ils en vinrent même jufqu'aux<br />
larmes, pour donner des fignes de repentir : tant la<br />
dimmulation entre aifément dans les coeurs des hommes,!<br />
Les humbles prières qu'ils y ajoutèrent enfuite firent<br />
que Darius , prince fans déguifement & plein de douceur<br />
f non feulement ajouta foi à leurs ptoteftations.,<br />
mais en vint même jufqu'à répandre des larmes : & dans<br />
cette conjoncture ils n'eurent pas le moindre remords<br />
de leur crime, quoiqu'ils viflent quel roi & quel homme<br />
ils avoient la lâcheté de tromper. Pour Darius, raffûré<br />
furie péril qui le menaçoit, il fefoit diligence pour ne<br />
• pas tomber dans les mains d'Alexandre t le feul ennemi<br />
qu'il redoutât.<br />
XL Mais Patron, chef des grecs, leur enjoignît de<br />
fe pourvoir de leurs armes, qu'on portoit au<strong>par</strong>avant<br />
avec les bagages, &de fe tenir prêts & attentifs à exécuter<br />
tout ce qu'il leur ordonneroit.Pour lui, il fuivoit le<br />
char- <strong>du</strong> roi , épiant l'occafîon de lui <strong>par</strong>ler j car il s'étoit
282 LIBER V. CAP. XL<br />
minens alloquendi eum ; quippe Be£s facinus pré*<br />
J'enferat. Sed Beffus , id ipfum metuens, cujtos<br />
veriks quam cornes, à curru non recedebat. Diu<br />
ergo Patron cunBatus ac fapiàs fermone revotato<br />
, inter fidem ûmoremque hafitans , regem intubatur,<br />
qui ut tandem advertit oculos , Bubacen,<br />
fpadonem inter proximos cutrum fequentem, percontarijubet,<br />
num quid ipfe velit dicere. Patron,<br />
fe vero, fed remetis arbitris > loqm\veUe mm eo<br />
refpondk. Juffusque propius accedere 9 fine interprète<br />
, nam haud rudls graca lingum Darius,<br />
erat, Rex, inquit, ex L millibus grsecoram fuperfumus<br />
pauci, omnis fo-rtunse tuae comités f<br />
& in hoc tuo ftatu iidem qui florente te foimus<br />
, quascumque fedes elegeris, pro patrià &<br />
domefticîs rébus petituri : lecundse adverfeque<br />
res tuae copulavêre nos tecum. Pcr hanc fidem<br />
înviÔam oro & obteftor, in noftris caftris tibi<br />
tabernaculum ftatue, nos corporis toi cuftodes<br />
elle patiarîs.. Amifimus Grsciam ; nulla Baâra '<br />
font nobis ; Ipes omnis in te , utinam & in<br />
ceteris effet ! Plura dici non attinet. Cuftodiam<br />
corporis tui, externes & alienigena , non depofcerem,<br />
û crederem alium poffe prseftare*<br />
30. Bejjus ,' qumquam erat graci fermants<br />
îgnarus , tamtn flimulante confcientiâ , iniiaum<br />
profeclb Patronem detuYiffe credebat.; & interpre»<br />
tis graci remotiom exemta <strong>du</strong>bitath. Darius auêem<br />
, . quantum ex vultu cèncipi paierai , haud<br />
fané territus > pcrcontari Patrona caufam confia
L I V R E F . • C H A P . X L i S j<br />
llouté <strong>du</strong> crime de Beflits. Celui-ci au contraire, qui<br />
craignoit de fon côté d'avoir été pénétré, gardant plus<br />
•entablement le char qu'il ne l'accompagnoit f avoit<br />
grand foin de ne pas s*en éloigner. Après avoir donc<br />
atten<strong>du</strong> long temps & s'être retenu plufieurs fois au moment<br />
de <strong>par</strong>ier, Patron, héfitant entre le devoir & la<br />
crainte, avoit le regard fixé fnr le roi, qui, ayant enfin<br />
tourné les ieux vers lui, lui fit demander <strong>par</strong> l'eunuque<br />
Btibacc, qui étoit un des plus proches à la fuite <strong>du</strong><br />
«har s s'il avoit quelque chofe à lui dire. Patron répondit<br />
.qu'il défiroit véritablement de lui <strong>par</strong>ler, mais fans témoins.<br />
Le roi l'ayant fait approcher. Patron lui dit<br />
fans le fecours d'un interprète, car Darius n'entende! t<br />
pas mal la langue grèque : Seigneur, de cinquante-mille<br />
grées que nous étions nous ne fommes plus qu*um peut<br />
nombre s compagnons de voire fortune in toute cireonfiance,<br />
les mimes dans l'état ou vous êtes que dans votre plus<br />
brillante pmfpérité, & réfolus de fixer notre patrie &<br />
mes affaires domeftiques en quelque lieu qu f il vous plaife<br />
de choifir votre domicile : vosfuccès & vos revers nous ont<br />
également attachés â votre ptrfonne» Je vous prie donc &<br />
vous conjure au nom de cette fidélité à toute épreuve, de<br />
foire dreffer votre tente dans notre quartier, & de nous permettre<br />
d f itre vos gardes <strong>du</strong> corps. Nous avons abandonné<br />
la Grèce $ la Baûriane n 9 eft rien pour nous; toute notre,<br />
ejpérance eft en vous, & plat aux dieux qu f elle pût être de<br />
même dans les autres ! Je ne dois pas en dire davantage.<br />
Cependant étant étranger & d'une nation enntmie, je ne<br />
demanderons pas la garde de votre perfonme s fi je eroyois<br />
qu'un autre pût s 9 en aquiterm<br />
30. Quoique Beflus n'entendit pas le grec* les remords<br />
de fa confeience ne biffèrent pas de lui faire<br />
penfer que Patron avoit à coup sûr donné quelque indice<br />
au roi ; & le foin qu'on avoit eu d'éloigner l'interprète<br />
grec ne hit laiffa là-deffus aucun doute. Mais<br />
Darius , *fans s'effrayer, <strong>du</strong> moins à en juger <strong>par</strong> l'air<br />
de fon vifage, demanda à Patron pourquoi il lui don*<br />
noit ce, confeil. Celui-ci, perfuadé qu'il n'y avoit plus.
284 LIBER F. CAP. XII.<br />
tu quoi afftrrtt 'cvepit- Eté , non ultra diffère»<br />
<strong>du</strong>m rattu , Beffus , inquit, & Nabarzanes ïnfidiantur<br />
tibi ; m ultimo difcrimine es fortune<br />
tuae & vite ; hic dies aut <strong>par</strong>ricidis aut<br />
tibi fatums ultimus. Et Patron quidem egregiam<br />
confervati régis gloriam nderat. Eludant licet,<br />
quibus forte ac temerè humam negotïa volvi agi~<br />
que perfuafum tft. ; equidem mternd conflitutiom<br />
crediderim , nexuque caufarum tatendmm & mulm<br />
ante defiinatarum, fuum quemqm ordmem ïmnrn*<br />
tabiU lege percurrere, Daims certè refpondiê $<br />
quanquam fibi gracorum militum fidès nota fit,<br />
tutnquam tamen a popularibus fuis receffurum ;<br />
difficMius fibi effe damnare quam decipi ;. quiiquid<br />
fors tuliffet, inter fuos ptrpeti malle quam<br />
transpigam fitri ; fera fi perire , fi falvum tfft<br />
fui milites nollent. Patron, defperatâ Jatute régis j<br />
ad eos quibus prœerat redik , omnia pr& fide experiri<br />
<strong>par</strong>atus*<br />
. XII. At Beffus occidendi protinus régis impe»<br />
tum conceperat : fed veritus ne grat'mm Alexandre<br />
, ni vivum eum tradidiffet, inire non pofftt,<br />
dilata in proximam noêkm fcekris confilio , agtre<br />
^ratios incipit, quod perfidi kominis infidias ,<br />
jam Akxandri opes jpet~iuntis9 prudemer cauûqut<br />
vitajfet ; donum eum hofli laturum fuijfe reps<br />
caput : nec mirari hominem mercede con<strong>du</strong>Bum<br />
omnia kabere venalia ; fine pignore , fine lare,<br />
ierrarum orbis exulem, ancipitem hofiem , ad nu*<br />
tum ticentium circumferrL Purganti demie fe ê<br />
'deosque patrios teftes fidei fia mvocami^ Daim
LITRE K CMAP>. XII. 2%<br />
-fe-temps à perdre, Be]fus% dit-il., & Nahar{anes vous<br />
dreffem des embûches; voire couronne & votre vie font<br />
dans le dernier péril; &*e d&k être-aujourd'hui h dernier<br />
jour des <strong>par</strong>rkides ou le vôtre* II faut convenir que<br />
Patron a¥oit fait tout ce qui dépendoît de lui pour avoir<br />
h gloire de fauver îe roi.- Qu'ils relient» s'ils veulent,<br />
dans leur erreur, ceux qui croient que les cnofes humaines<br />
font abandonnées au ha fard & roulent à l'aven-'<br />
ture; pour moi, je_ fuis perfuadé qu'une tuTpofition<br />
éternelle & un enchaînement-dé caufes cachées & préordonnées<br />
depuis long temps, fait <strong>par</strong>courir à chacun<br />
•fa carrière-d'après une loi immuable. Ce qu'il y a de<br />
certain , c'eft que Darius répondit, que tout afluré<br />
qu'il étoit de la fidélité des foldats grecs, il ne fe fépa-<br />
, reroît jamais de ceux .de fa nation ; qu'il fe fefoit plus<br />
de peine de les condamner que d'en être trompé j que<br />
quelque malheur que la fortune lui pré<strong>par</strong>ât, il aîmoît<br />
mieux le fouffrir au milieu des fieris que de s'y dérober<br />
en transfuge ; & qu'après tout il mourroit encore trop<br />
tard, fi fes propres foldats ne vouloient plus qu'il<br />
vécût. Patron., défefpérant alors de fauver le roi, rejoignit<br />
ceux qu'il commandoit, dans la réfolution de tout<br />
tenter pour remplir fes engagements avec fidélité.<br />
X1L Cependant il vint à Beflus une violente envie<br />
de tuer le roi dans le moment : mais dans la crainte de<br />
ne pas rendre un fervice alfez agréable à Alexandre,<br />
s'il ne lui livroit fon ennemi vif, il différa jufqu'à la<br />
nuit fuivante , & fe mit à féliciter Darius , de ce qu'il<br />
avoit eu la prudence & Tadrefle d'efquiver les embûches"<br />
d'un traître, que tentoient les richefles d'Alexandre;<br />
qu'il n'auroit pas manqué .de faire préfent à ce prince<br />
de la tête <strong>du</strong> roi ; •& qu'il a'étoit point- furpris qu'un<br />
mercenaire ' mit tout -à prix d'argent ; qu'un homme<br />
fans bien, fans aveu, exilé de tout pays , également<br />
ennemi -des deux <strong>par</strong>tis , paflat perpétuellement <strong>du</strong><br />
côté de ceux qui lui ofFrolent le plus. Comme il entama<br />
enfuite fon apologie s & qu'il prenoit à témoin de fa<br />
âdélité les dieus de la patrie, Darius «ut Pair de le;
i85 LIMER F. CAP. XII.<br />
vuku affentiebat 9 haud <strong>du</strong>bius quin vera déferre®*<br />
'tur à gratis ; fed eo rerum ventum erat > ut tam<br />
periculofum effet non credere fuis quant decipi :<br />
xxx mttlia erant,. quorum inclinata in fceba<br />
levitas timebatur ; IV milita Patron habebat,<br />
'quibus fi credidijfet falutem fuam, damnatâ populariumfide,<br />
<strong>par</strong>ricidio excufationem videbat ojferri;<br />
itaque pmoptabat immerito quam jure yiolaru<br />
Beffo tamen , infidiarum conJÛium purganti, ref<br />
pondit 9 Alexandri fibi non minus jufikiam quam<br />
virtutem effe perfpeëam ; falli eos qui prodktionu<br />
ab eo pmmium exfpeBent, violatm fidei nem'mem<br />
acriorem fore vindicem ultoremque, Jamque nox<br />
œppetebat, quum perfa, more folito armispofitis 9<br />
•ad neceffaria ex proximo vico ferenda difcurrunt<br />
; at baBriani^ ut imperatum erat a Bejfo%<br />
•armati fiabanL<br />
32. Inter frac Darius Artaba^um accirî jubeî ;<br />
^xpofitisque que Patron detulerat, haud <strong>du</strong>bitart<br />
Artaba^us quin tranfeun<strong>du</strong>m effet in caflra graco-<br />
•mm , perfas quoque periculo vulgato fequuturos*<br />
•Deflinatus forti fua & jam nutaus falubris con-<br />
Jilii patienS'S umcam in Ml a fortunâ opem , Arta-<br />
•barum9 ultimum illum vifurus, ampleBitur, per-<br />
_fufusque mutuis lacrimis 9 inharentem fibi avelB<br />
jubet ; capite deindê velato -, ne inter gemitus digredientem<br />
vel à 'tergo intuerttur^ in humum pro»<br />
num corpus abjecit, Tum vero cuftodia ejus ajfueti9<br />
•quos régis falutem vel periculo vita tueri oportebat,<br />
dilapfi funt, cum armatis , quos jam adventare<br />
credebant , haud rati fe juturos <strong>par</strong>es.:<br />
ingens ergo in tabcrnaculo JoUmdo erat3 pauds
LirRE V. CHAP. XIL i8y<br />
croire, quoiqu'il ne doutât point que l'avis des grecs<br />
se fût vrai ; mais les chofes en étoient au point, qu'il<br />
couroit autant de riïque à fe défier de fes fujets qu'à<br />
fe Iaiffer tromper : il y avoit trenté*mille hommes * dont<br />
il avoit .à craindre la légèreté trop portée au crime;<br />
pour les quatre-mille aux ordres de Patron, fi, en leur<br />
confiant la garde de fa perfonne,, il eût ren<strong>du</strong> fufpecte<br />
h fidélité des liens, il eût donné <strong>par</strong> là une couleur<br />
(pécieufe au <strong>par</strong>ricide ; c'eft pourquoi il aimoit mieux<br />
être victime de l'injuftice que de donner le moindre<br />
fondement à cet attentat. Cependant Beflus fe disculpant<br />
toujours de tout projet infidieux, il lui répondit,<br />
que la juftice d'Alexandre ne lui étoit pas moins connue<br />
que fa valeur; que ce feroit fe tromper que d'attendre<br />
de lui la récompenfe d'une trahifon, & que perfonne<br />
se puniroit & ne vengeroit une déloyauté avec plus<br />
d'ardeur que lui. Déjà la nuit approchoii, lorsque les<br />
perfes, ayant quitté les armes à l'ordinaire, allèrent<br />
au fourrage dans un village voifin ; au lieu que les<br />
baftriens, <strong>par</strong> ordre de Beffus, demeurèrent armés.<br />
32. Cependant Darius fit appeler Artabaze j & après<br />
qu'il lui eût appris ce que Patron lui avoit révélé, Artabaze<br />
ne douta point que le roi ne dût fe retirer au<br />
' quartier des grecs, & que les perfes ne Py fuiviffent dès<br />
qu'ils îe (auraient en danger. Mais livré <strong>par</strong> fa deftinée<br />
à (on malheurenx fort & ne pouvant plus écouter aucun<br />
confeil falutaîre, il embraffe pour la dernière fois Artabaze,<br />
fon unique confolation dans cette conjoncture, &<br />
tout baigné des larmes qu'ils répandoient l'un & l'autre t<br />
il fe le fait arracher d'entre les bras; fe couvrant enfuite<br />
la tètç pour ne pas même le voir <strong>par</strong> derrière fortir de<br />
chez lui dans cet état d'afflîftions il fe jette le vifage<br />
contre terre. Dans ce même moment, fes gardes <strong>du</strong><br />
corps ordinaires, obligés à la défenfe <strong>du</strong> prince au péril<br />
même de leur vie , s'échapèrent les uns après les autres,<br />
ne fe jugeant pas en état de faire tête aux gens armés<br />
qu'ils croyoient déjà avoir fur les bras : fa tente devint<br />
mm défert©# n'étant relié auprès <strong>du</strong> roi qu'un petit
i'8'g LISEM-K CAP. XIL<br />
jpadonïbus , quia qu& difcederent non habtbanï J<br />
circumftanûbus regem. Aï ille , remous arbitris 9<br />
âiu aliud atque aliud confilium anima volutabat ;<br />
jamque folitudimm , 4114/n /*« , confulite vobls , ad ultimum<br />
régi veftro , ut decebat , fide exhibitâ»<br />
Ego hîc kgem -fiiti mei exfpeâo : forfitan mireris<br />
quod vitam non finiam ; aBeno fcelere<br />
quam meo mori mai©. Pofl hanc vocem fpado<br />
gemku , non modo tabernaculum, fed etiam cafira<br />
complevit : irrupire deinde alii 9 laceratisque vcj- •<br />
tïbus, lugubri G» barbare uhdatu regem 'déplorait<br />
cœpcrmt*<br />
33; Perfiz, ad ilios çlàmore perlato 9 attomtt<br />
metu , nec arma captre ne in baBrianos mciderent,<br />
me quiefeere amie h mi ne impie de fer ère • regem<br />
viderentur. Varius ac diffènus clamor , fine <strong>du</strong>ce<br />
ac fine imperio, tous caftris referebatur. Beffo^ & •<br />
Nabarfani nunciaverant fui ; regem à femetipfo<br />
mteremmm ejfe ; planËus eos deceperat : kaque ^ citatis<br />
equis advolant > fequentibus quos ad minifi<br />
terium feeleris delegerant ; & quum tabernaculum<br />
intraffent, quia regem vivsre fpaâonts indicabant,<br />
comprehendi vincirique jujferunt* Rex, curru paulo<br />
ante veBus & deorum à fuis honoribus cultus ,<br />
nullâ externâ opt admotâ captivus fervorum fuQ-*<br />
-mm-, m fordi<strong>du</strong>m vehiculumpellibus undique con-<br />
$eBum imponitur. Pecunia régis & fupdlex , quajt<br />
nombre
LITRE K CMâP. XIL 289<br />
BOfnbre d'eunuques, qui ne favoient ©u fé retirer.<br />
'Darius, après la retraite de tous ces témoins, s'occupa<br />
long temps à rouler dans fon efprit divers projets ; &<br />
bientôt déteftant la foiitude , qu'un peu au<strong>par</strong>avant il<br />
«•oit défîrée comme un moyen de coafolation., il fait<br />
appeler Bubace : dès qu'il le voit, Alle\, lui dit-il 9fonge^<br />
mus à votre sûreté, après avoir été fidèles à votre roi<br />
jufqu 9 au dernier moment, comme vous le devie{. F-our<br />
mwi% j'attends ki Varrêt de ma deftinéei peut-être es-tu<br />
Jurpris que je ne tranche pas le fil de mes jours ; c'eft<br />
que j i aime mieux que ma mort foit h crime d'un autre<br />
que le mien. A ce difcours l*eunuque fit retentir île<br />
Ces géraiflements f non feulementJa tente <strong>du</strong> ïM , mais<br />
tout le. camp : les autres accoururent enfuite, & déchirant<br />
leurs vêtements, ils fe mirent à pouffer fur le<br />
fort <strong>du</strong> roi des hurlements lugubres à la manière des<br />
barbares»<br />
13. Les perfes, au bruit de ces cris, faifis d'épouvante<br />
, n'ofoient, ni prendre les armes de peur d'avoir<br />
affaire aux baétriens f ni demeurer dans l'ma&ion dans<br />
la crâiste de <strong>par</strong>oître avoir manqué à un devoir facré<br />
en abandonnant leur roi. Ce n'étoit que clameurs confufes<br />
& difcordantes <strong>par</strong> tout îe camp , où il n'y avoiî<br />
plus ni chef ni commandement. Les <strong>par</strong>tifans de Beffus<br />
& de Nabarzanes leur avoient annoncé que le rot<br />
t'étoit tué lui-même; & c*étoient les gémilïemmts<br />
qu'ils avoient enten<strong>du</strong>s qui les avoient jetés dans cette<br />
erreur : ces chefs accourent donc à bride abattue, fuivis<br />
de c«ux qu'ils- avoient choifis pour l'exécution de<br />
leur crime ; & dès l'entrée de la. tente f les eunuques<br />
leur ayant fait entendre que le roi vivoït -encore > ils<br />
le font faîfir & charger de chaînes» Ce roi, élevé peu<br />
au<strong>par</strong>avant fur un char & â qui fes peuples rendoient<br />
les honneurs des dieux mêmes, devenu alors prifonnier<br />
de fes propres fujets fans qu'aucune puiffance étrangère<br />
s*en foit mêlée f eft jeté dans une miférable charette<br />
Couverte de peaux de tous côtés. On pille, comme<br />
<strong>par</strong> le droit de k guerre t l'argent & les équipages <strong>du</strong><br />
Tome L N
loo LIBER V. CAP. XIlî.<br />
mre belli, diripitur ; omftque pmdâ per fcelm<br />
idtimum <strong>par</strong>ti, fugam intendant. Artabajus-, cum<br />
us qui imperïo <strong>par</strong>ebant grmcisque mdmbus , Par-<br />
Menen peubat, omnia nuiora <strong>par</strong>rkidarum cor**<br />
tuitu rams. Perfa , promiffis Beffi omrati ,<br />
'maxime quia nemo alius trat quem fêquerentur»<br />
comunxertft baBriams, agmen eomm tertio ajfequuti<br />
dk. Ne tamen honos régi non haberemr»<br />
auras compedibus Darium vmciwnt ; nova ludibria<br />
fubinde excogitante Fortunâ : 6» ne forte<br />
cuhu regio pojet agnofci , fordidis peïïibus veâiculum<br />
intexerant ; ignod jumenta agebants m<br />
percontantibus in agrnme monftrari pojfet ; cuftodes<br />
procui fequebautun<br />
'XIII. Alexander , audito Darium movife ah<br />
Ecbatanis , omjfo iûnere 'quoi patebat^ m Mediam<br />
, fugkntem inftqui pergit ftrenue. Tabas<br />
oppi<strong>du</strong>m eft in Pamtacem uhima ; ibi transfuge<br />
nZciant, pmcipitem fugâ baBra petere Darmnu<br />
Certiora deinde cognofck ex Bagyjttene babylonio,<br />
non equidem vinéhim regem , fed mpencutotiïe<br />
aut mortis aut vincuhrum. Rex , <strong>du</strong>cOus<br />
fomocatis, Maximum, inquit, oons.fed labor<br />
brevïffimns fuperefL Darius haud procui deftitutus<br />
à fuis aut oppreffus : in fflo corpore pofita<br />
eft viâoria noftra ; & tanta res, celentatis<br />
pramium. Omnes <strong>par</strong>iter conclamant <strong>par</strong>atos<br />
ipfos fiqui , nec labori me perkido <strong>par</strong>ceret.-<br />
Mtur raptim agmem cursus magis quam Umeru<br />
modo <strong>du</strong>cit , ne noBurnâ quidem qmett diunmmiaborem<br />
relaxante : Uafue quingtnta ftadm pror
LIVRE V. CHAP. XI! 1. 291<br />
toi ; & les traîtres, chargés d'un butin qui eft le prix de<br />
leur dernier crime, prennent enfin la fuite. Artabaze,<br />
accompagné de ceux qui demeuroient dans i'obéiflance<br />
& des Coldats grecs, prit la route de la Parthiène,<br />
jugeant tout autre <strong>par</strong>ti plus fur que de relier avec des<br />
<strong>par</strong>ricides. Les perfes, comblés des promettes de Beffus s<br />
mais décidés fur-tout <strong>par</strong> l'embarras de choifîr un chef,<br />
s'affocièrent aux baôriens s qu'ils rejoignirent trois<br />
jours après. Cependant pour ne pas manquer de rendre<br />
honneur au roi, on l'attacha avec des chaînes d'or; la<br />
Fortune inventant de fois à autre de nouvelles manières<br />
pour fe jouer de ce prince : & afin qu'aucune décoration<br />
royale ne pût le faire reconnokre , on avoir, couvert<br />
la charette de mauvaifes peaux ; les con<strong>du</strong>ôeurs<br />
ne le connoiflbient pas , afin qu'ils ne puflent le <strong>mont</strong>rer<br />
dans la marche à aucun de ceux qui le chercheroient ;<br />
ceux qui le gardoient ne le fui voient que de loin.<br />
XIIL Alexandre, ayant appris que Darius, étoit<br />
<strong>par</strong>ti d'Ecbatane, au lieu de fuivre la route de la Médit,<br />
fe mit promptement fur les traces de fa fuite. Il y a<br />
aux extrémités de la Parétacène une ville nommée<br />
Tabas; là des transfuges apportent la nouvelle que<br />
Darius s'enfuit précipitamment vers la Ba&riane. On<br />
fait enfuite avec plus de certitude <strong>du</strong> babylonien Bagyfthène,<br />
qu'à la vérité le roi n'eft pas encore arrêté,<br />
mais qu'il eft en grand danger de perdre ou la vie ou<br />
la liberté, Alexandre affemble fes chefs, & leur dit;<br />
M nous refie à faire le coup h plus important, mais de<br />
F exécution la plus facile. Darius eft, à peu de diftance<br />
d'ici, abandonné ou maltraité <strong>par</strong> les fiens : c'efljh per~<br />
forme qui eft l'objet principal de notre victoire ; & un fi<br />
grand fuccès fera le prix de notre diligence. Tous répondent<br />
unanimement, qu'ils font prêts à le fuivre, &<br />
qu'il ne craigne pour eux ni peine ni danger. Il emmène<br />
donc fon armée précipitamment, la fefant plus tôt courir<br />
que marcher, & ne lui accordant pas même pendant<br />
la nuit le repos néceflaire après la fatigue dct<br />
jour: il <strong>par</strong>courut de cette manière einc-:ents ftades;<br />
Nij
291 LIBER F. CAP. XI IL -<br />
ctjfit ; perventumque erai m vicwn m qm Da*><br />
rium Beffm comprtheuderaL Ibi Melon , Dar'd<br />
interprts* excipkur : corpore ager9 non potuerat<br />
agmen feqm ; & dtprehenfus cdcritate régis ,<br />
iramfmamje -effi finulatat. Ex hoc aËa cogmof<br />
€Ït ; fid fatigatis mctffarta quies erat : itaque<br />
dek&is eqtdtum fex millibus, -trecentos, quos Ditnachas<br />
* appeuant , adjungit ; âorfo hi) gravïora<br />
a.rma portabant, ceterum eqtâs vehcbantur ;<br />
quum res hcusque pofceret, pedefiris acies erat* Bm<br />
Mgtntem Ahxandmm adeunt Orfdlos & Mythracentsj<br />
qul9.Bê£i<strong>par</strong>ricidmm exofi, transfugeront*;<br />
numiabantque ftadia .u abejfe perfas , ipfos brevius<br />
Mer manftratum* Grams régi adventus<br />
transfagarum fait : kaque prima vefperâ $ <strong>du</strong>cir<br />
eus ufdem, cum txpedkâ equitum manu, monftratmm<br />
viam ingreditur, phalange quantum feftinare<br />
poffet Jiqui juffa ; ipfe 9 quadrato agmint<br />
îmcedens, ita curjum regebat ut primi conjtmgi<br />
idtinâs pojfent.<br />
3.5. Treeenta ftadia procejferam.9 quum oceurrit<br />
Érocubelus , Ma^m filius , Syrm quondam<br />
prmtor : is quoque transfuga mmciabat, Beffum<br />
èaud ampliàs quam CC ftadia abeffe ; jcxerciium 3<br />
mtpote qui mhil pracaveret^ incompofitum îmordhmatumque<br />
première ; Myrcaniam videri petituros ;<br />
fifeftinaret fequi, palantibus fupervemurum ; Dafmm<br />
adhuc vivere. Sirenuo ai'mqui cupidkatem<br />
gonfequendi transjuga injecemù Itaque adcarém<br />
. * Dimaéwt. Soldats qui , comme îîOS dragons , fe<br />
battaient f félon le befoia , ou à pied ©u à cheval.<br />
Ccftce que marque leur nom, compoféde Alç ( dt
LIVRE F. CHAP* XIIL 29$<br />
êi on étoït <strong>par</strong>venu au bourg où Beflus avok arrêté<br />
Darius. On y prit Melon, fon interprète : une indifpofition<br />
l'avoit empêché de 'Cuivre l'aimée ; & fe voyant<br />
furprls <strong>par</strong> la célérité d'Alexandre, il feignit de paffer<br />
à fon fervïce. C'eft de lui que Ton fut tout ce qui<br />
s'étoit fait ; mais les foldats fatigués avoïent befoin de<br />
repos : le roi ayant donc composé un corps de lismille<br />
chevaux d'élite, y ajouta trois-cents hommes de<br />
ceux qu'ils appelent Dinmches : ils étoient armés pefanrinenî<br />
, & ils étoient à cheval ; mais- quand Pôccafion &<br />
le lieu le requéroieitt, ils combattoient à pred. Tandis<br />
qu'Alexandre fefoit ces difpofîtions, arrivent Orfille &<br />
Mythracènes f qui avoient abandonné Beflus em haine<br />
de fon <strong>par</strong>ricide; ils annoncent au roi que les perfes<br />
se font qu'à cinq-cents ftades y mais qu'ils lui <strong>mont</strong>reront<br />
un chemin plus court. L'arrivée de ces transfuges lui<br />
Ht pîaifir : suffi, i l'entrée de la nuit, prit-il, fous leur<br />
direction 9 la route qu'ils lui indiquèrent, accompagné<br />
d'un gros de cavalerie légère, ayant faiffï Tordre à fa<br />
phalange de le fuivre le plus vite qu'elle pourroit ;<br />
pour lui, marchant en bataillon quarré, il modéroit Fa<br />
courte de manière que les premiers purent faire cofpt<br />
avec les derniers.<br />
35. On étoit déjà avancé de trois-cents ftades,<br />
quand on rencontra Brocubèle f fils de Mazée y & ancien<br />
gouverneur de Syrie : ce transfuge déclara aufli,<br />
que Beflus n'étoit plus qu'à deux-cents ftades | que fou<br />
armée , ne fe déliant de rien s marchoit débandée &<br />
fans ordre ; qu'elle <strong>par</strong>oifloit tourner vers fflyreanie;<br />
mais que, s'il fe mettoit promptement à la fuite des<br />
ennemis , il les furprendroit dans leur défordre ; qu'an<br />
refte Darius vivoit encore. Alexandre, d'ailleurs plein<br />
de feu, trouva dans ce rapport un nouvel aiguillon qui<br />
l'anima à la pourfuite» Les Macédoniens piquant donc<br />
deux manières)% & de MdxO^CCi (je combats ) ; &<br />
c'eft aufli la définition qu'en donne Q. Curce.<br />
N iij
^94 LIBER V. CAP. XI IL<br />
fubdku 9 effufo curfu etmt : jamque fremïms hof<br />
tium iter ingredientium exaudiebatur ; fed profpeêum<br />
ademerai puiveris nubes* Paulifper ergo<br />
inhibuii curfum, donec confideret pulvis. Jamque<br />
confpeËi à barbaris erani, & abeuntium agmen confpexerant<br />
; nequaquam futurî <strong>par</strong>es, fi Bejfo tan*<br />
tum anîmi fuiffet ad pmlium quantum ad <strong>par</strong>riciâmm<br />
fueràt ; namque & numéro barbari praftahaut<br />
& robore, ad hoc , refeBi cum fatigatis cet"<br />
tamen inituri erant : fed nomen Altxandri & fuma<br />
, maximum in bello utique momenium , pavi-<br />
•dôs in fugam convertit* Bejfus & ceteri fâchions<br />
tjus <strong>par</strong>ticipes , vehiculum Dam ajfequuti$ car<br />
perunt hortari eum ut confcenderet equum & ft<br />
âofti fugâ eriperet : ille deos uitores adefiè teftatur<br />
; & Alexandri fidem implorans, negat fe pat"<br />
ricidas velle comitaru Tum vero ira quoque ac-<br />
€enfi9 iela injiciunt in regem, muitisque confijfum<br />
vuheribus relinquunt ; jumenta quoque , ne longws<br />
profequi fojfent, convuherantur 9 <strong>du</strong>obus ferv'ù<br />
qui regem comitabantur occifis,<br />
• 3 6. Hoc edito facinore , ut vefiigiafuga- J<strong>par</strong>ge*<br />
tent $ Nabar^anes Hyrcaniam 9 Bejfus Baifra,<br />
paucis equitum comitantibus > petebant : barbari,<br />
<strong>du</strong>cibus dejiituti, quâ quemque aut fpes <strong>du</strong>céaî<br />
am pavor y dijfipabantur £ D tantum équités conr<br />
gregaverant fe , incerti adhuc refifterene melms<br />
effet an fugere» Alexander % hoft'mm trépidation*<br />
mmperta, Nicanorem cum equitum <strong>par</strong>te ad m-<br />
Mbendam fugam pmmittk ; ipfe cum ceteris feqër<br />
tur. Tria ferme millia refiftenûum occifa font;<br />
reliquum agmen more pecu<strong>du</strong>m mta&um agebsur^
LIVRE F. CHAP. XIII. 195<br />
des deux <strong>par</strong>tent à toute bride : & ils entendoient enfin<br />
* le bruit des ennemis dans leur marche ; mais un nuage<br />
de pouflière en déroboit la vue. Alexandre fufpendit<br />
donc un peu fa marche f jufqu'à ce qu'elle fût tombée.<br />
Déjà les barbares «voient apperçu les macédoniens f &<br />
ceux-ci les voyoient battre en retraite ; quoique<br />
la <strong>par</strong>tie n'eût pas été égale, fi Beffus avoit eu<br />
autant de réfoîution pour le combat que pour le <strong>par</strong>ricide<br />
; car les barbares I'emportoient & <strong>par</strong> te nombre<br />
& <strong>par</strong> la vigueur s d'ailleurs c'étoient des troupes rafraîchies<br />
qui auroient eu affaire à des gens haraffés:<br />
mais le nom & la réputation d'Alexandre, ce qui à la<br />
guerre eft <strong>du</strong> plus grand poids , les épouvanta au point<br />
de les mettre en fuite. Beffus & les autres complices de<br />
fon crime , s'étant approchés <strong>du</strong> char de Darius, entreprirent<br />
de lui perfuader de <strong>mont</strong>er à cheval, & de ft<br />
dérober à l'ennemi <strong>par</strong> la fuite : mais il leur fait remarquer<br />
que les dieux vengeurs fe <strong>mont</strong>rent, & en<br />
invoquant la protection d'Alexandre, il leur déclare<br />
qu'il ne veut point fuivre des <strong>par</strong>ricides. Outrés alors<br />
de colère,'ils décochent leurs dards fur ce prince, &<br />
le laiffent percé de plufieurs coups ; on Méfie en même<br />
temps les chevaux qui le traînent, afin qu'ils ne puiffent<br />
aller plus loin, & deux efclaves qui accompagnoient<br />
le roi font maffacrés.<br />
36. Après l'exécution de ce crime, Nabarzanes &<br />
Beffus, dans îa vue de répandre de pîufieurs côtés les<br />
•eftiges de leur fuite, fe portèrent, accompagnés d'un<br />
petit nombre de cavaliers, le premier vers î'Hyrcanie,<br />
le fécond vers la Baôriane : les barbares, n'ayant plus<br />
de chefs, prirent différentes routes, félon les fuggeftions<br />
différentes de l'efpérance ou de la crainte ; cinqcents<br />
chevaux feulement fe rallièrent, fans favoir encore<br />
s'il yaloit mieux faire face que de fuir. Alexandre ,<br />
voyant l'épouvante des ennemis, fait avancer Nicanor<br />
ivec une <strong>par</strong>tie de la cavalerie pour les arrêter ém§<br />
leur fuite ; & lui-même fe met à leurs trouffes avec<br />
k relie. Environ trois*mil!e hommes qui fe mirent ea<br />
N iv
296 LIBER V. CAP. XI IL<br />
jubente rege m œdibus abfimeretur. Nemo captzvorum<br />
erat qui monflrare Darii vehkukim poffet :<br />
fingult , ut quaque prekenderant » fcrutabantur ^<br />
mec tamen ullum vefligium fugm régis exflabat*<br />
Fejlinantem Aïexandrum vix tria millia equitum<br />
pêrfequuta funt : at in eos qui kntius fequtbantuf<br />
meidebant umverfa fugkntium agmina. Vix credibih<br />
dieu ! plures captivi quam qui caperent erant ; adeè<br />
&mnem fenfum territis Fortuna pemtus excufferai 9<br />
ut nec hojiium paucitatem me multitudinem fuam<br />
fatis cernèrent. Intérim jumenta qum-Uarium veh&*<br />
bant, nulb régente , decefferant militari via ; &<br />
errore deiata per IV ftadia, in quidam valiè<br />
-confîiterant , ttft'u fmuique vulneribus fatigata*<br />
'"Haud procui erat fins , ad quem monflratum i<br />
periiis Polyftratus *' macedo » fui macéra tus , ac~<br />
£iffit ; ac <strong>du</strong>m galed hauftam aquam forbet, teia<br />
jumtntorum deficientium corporibus infixa confpexit*<br />
Miratusquc confijh potius quam abaOa ejffe, /*mivivi<br />
* [ hommis mrpus, quum propihs accef*<br />
fijfet, in fordido vehïcuh pettibus conteËo fitum<br />
reperit ; atque Darium , multis quidem vulneribus<br />
confoffum > adhuc tamen fpirantem, effi cogno»<br />
vit. Qui, applicito captiva, quum civem ex voct<br />
çognovijfet > id faltem pmfends fortuna. folafmm<br />
fe habere dixit 9 quod apud inteUeâumm wcutums<br />
effet nec incajfum poflremas vocts ewûffurus. Mmeque<br />
Akxandro perferri jubet : fe. nullis m eum<br />
meruorum 0ficus, maximorum' autem illi débita*<br />
rem mori r agere tamen ci maximas gratias pm<br />
' * Ce qui fuit ce crochet )ufqu*à la fin , & le commencement<br />
da livre futvant jufqu'au crochet renverfé t<br />
a été fuppîéé<strong>par</strong> Freinshemius-. Cette fin eft tirée à peu<br />
près de Juftin, XI. 15, Le commencement <strong>du</strong> îivre VI<br />
eft de Freinshémius,
LèVRE V. CHAP XIII. 197<br />
'défenfe furent taillés en pièces ; on mena le reft«<br />
comme un troupeau de bêtes fans coup férir, <strong>par</strong>c*<br />
que îe roi avoit ordonné qu'on s'abftint de répandre<br />
le fang. Aucun des prifonniers n'étoit en état, de fturjB<br />
connoître la toiture de Darius : chacun avoit foin de<br />
les examiner toutes à mefure qu'on les prenoit; &<br />
néanmoins iî ne <strong>par</strong>oifioit aucun veftige de îa fuite<br />
de ce roi. Alexandre avoit fait tant de diligence qu'à<br />
peine trois-mille chevaux avoïent pu îe futvre.: mat»<br />
tous les pelotons de fuyards tomboienî entre les main»<br />
de ceux qui venoient plus lentement après lui. Chofe<br />
Incroyable ! il y avoit plus de prifonniers que de gens<br />
pour les prendre ; la Fortune avoit tellement troublé<br />
le fens à ces malheureux dans leur effroi , qu'ils ne<br />
firent affez détention ni au petit nombre des ennemis<br />
ni à leur propre fupériorité. Cependant les chevaux qui<br />
îrainoient Darius avoient f faute de con<strong>du</strong>cteur , quitté<br />
la voie militaire ; & après avoir erré l'efpace de quatre<br />
ftades , ils s'étoient arrêtés dans un vallon s excédés <strong>par</strong><br />
la chaleur & <strong>par</strong> leurs- bleffures. 11 y avoit près de là<br />
une fontaine, où vint, fur l'indication de ceux qui la<br />
connoiffoient, îe macédonien Polyftrate, preffé <strong>par</strong> Ut<br />
foif j & tout en buvant l'eau qu'il y avoit puifée avec fou<br />
cafque , il remarqua que des chevaux mourants avoient<br />
le corps percé de javelots. Etonné qu'on les eâ,t<br />
bleffés de la forte plus tôt qu'emmenés , il s'approche<br />
de plus près» trouve le corps d'un homme demi-mort<br />
couché dans une mauvaife charette couverte de peaux ,<br />
& reconnoîî que c'eft Darius , véritablement criblé de<br />
coups, mais refpirant encore. 11^fait approcher un pri*<br />
fonnler; & le prince, l'ayant reconnu pour perfe à<br />
fon langage , dit que,'dans l'état où il fe trouve, il<br />
va <strong>du</strong> moins avqir la. çonfolation de <strong>par</strong>ler à quelqu'un<br />
qui l'entendra s & «Petré afluré que fes dernières <strong>par</strong>oles.<br />
se feront point per<strong>du</strong>es. 11 îe charge de dire à Alexandre z<br />
qu'il meurt fans l'avoir jamais obligé > & qu'au contraire<br />
il lui a les plus grandes obligations : que cependant il<br />
lui rend mille grâces pour les bienfaits dont il a comblé<br />
N ¥
098 "LIBER F. CAP. XIII.<br />
éemfiéis m mairem f conjugem , Uterosque fws<br />
•impenps ; us enim vitam , &priflim Jtatûs me—<br />
rent'mm digmtatemque concejjam ; fihl autem è<br />
'€ùgnads atque amicis , quitus & régna & vitant<br />
dederit, 'Ma omnia erepta effi : precari fe ut 'dis<br />
viBori un arum omnium imperium comlngat: uU<br />
ûonem fceleris erga fe perpttrati , non fohsmfua,<br />
'fid extmpB ommumqm regum caufi , non negH-<br />
.gère Mil quum décorum tum utile futumm* Jamque<br />
deficiens aquam popofcit ; quam oMaiam pojiqmm<br />
ê'éit,. Polyftratô , qui eam tukrat : Qaisqms es<br />
snoitalium, inquit, hoc miM extremum univerfae<br />
calamitatis genus accidiî* ut pro tant© In me<br />
bcneficio dignas tîbi grates referre nâoueam :<br />
at référât Alexander ; Alexandre vero dii, pro<br />
€jus fommâ in meos humanitate ac dementiâ:<br />
cui hoc fidei regiae unicum dextra pignus pro<br />
me dabis. Hac dicentem , accepta Potyftrati<br />
manu, vita deflituii- Quitus Alexandro mmciar<br />
m , ad corpus demonui perveniem , tam matgnam<br />
Mb faftigio mortem îacrimis profequutus eft : demtique<br />
fiti cMamyde 9 corpus 'Mius contexh; atque<br />
regio ornatum cultu, ad mairem Sijygamtin, putrio<br />
regioque more fepelien<strong>du</strong>m aique regiis mai®*<br />
mm fuorum tumulu infiren<strong>du</strong>m , mijk»
LIVRE V.CMAF. XI IL 29-9»<br />
fâ mère, fon époufe, & fes enfants ; puifqu'ïl leur m<br />
confervé îa vie t avec tout l'ap<strong>par</strong>eil & toute îa dignité<br />
de leur premier état ; au lieu que fes propres<br />
<strong>par</strong>ents & fes amis, qui tenoient de lui des royaumes<br />
& la vie même f viennent de lui ravir l'un & l'autre :<br />
qu'il prie les dieux d'accorder à fon vainqueur l'empire<br />
de l'univers : que non feulement fon intérêt perlonnel,<br />
mais celui même de l'exemple & de tous les fou»<br />
Têrains lui <strong>mont</strong>re la vengeance de l'attentat commis<br />
en fa perfonne s comme une entreprife honorable &<br />
utile. Alors fé fentant défaillir t il demanda de l'eau $<br />
quand on la lui eut préfentée, il but,. & dit à Polyftrate,<br />
qui l'a voit apportée : Qui que vous foyt\, voici<br />
It comble de tous mes malheurs t de ne pouvoir vous témoigner<br />
dignement ma reconnoiff&nce pour le fervice-im~<br />
figne que vous vent\ de me rendre : mais veuille Alexandre<br />
vous en tenir compte; & daignent les dieux le récompenfer<br />
lui-mime de l'excès de fes bontés &defa clémence<br />
envers les miens : au moins donne\-luif pour affermes<br />
de mon sffeSion royale > ce gage unique de ma main,<br />
Là-deflus prenant la main de Polyfttrate,. il rendit<br />
l'efprtL Ces chofes ayant été rapportées à Alexandre »<br />
il fe rendit auprès <strong>du</strong> prince mort, & répandit des<br />
larmes fur une fin fi peu conforme à l'élévation de fa<br />
fortune : détachant eafuite fon manteau, il en couvrit<br />
fon corps ; & après l'avoir fait revêtir des ornements<br />
royaux , il l'envoya à Syfîgambis fa mère »<br />
pour lui faire des funérailles félon l'ufage <strong>du</strong> pays 8c<br />
des rois de Perfé, & le dépofer dans les tombeaux<br />
de fes prédéeeffeurs*<br />
N YJ
LIBER SEXTUS.<br />
L Praelii inter lacademonios atqae macedones<br />
defcriptio : pax ab Alexandro viôore 5 graecis<br />
qui eo abfente defecerant, conceffa.<br />
IL Alexander , bello mviâus, otio & deKciïs<br />
frangitur ; Mode- rusaor in caftris, qui torpentem<br />
excitât»<br />
'IIL Hoitatoria Alexandri ad milites orario,. ut<br />
bellum in Afiâ inchoatum perfequantur &L<br />
abfolvant.<br />
'IV. Zioberis ,. miri flominis ? defcriptio. Aiexander<br />
Nabarzani, pet litteras. falutem qoaerenti'<br />
> Yeniam polficetur : dekde , mari<br />
Cafpio & Hyrcanise proximHS , quofda»<br />
Darii prafeâos recipit in gratiam.<br />
V. Artabazo bénigne accepto, grsecîs qui Darium<br />
adjuverant <strong>par</strong>cit Alexander; & mardoram<br />
gente debellaîâ ,• amazonic* cujufdam<br />
regtnx petitioni fatisfacit.<br />
VI Macedones Alexandri offen<strong>du</strong>ntur moribiis ,*<br />
qui, ut feditionem a-verteret, ad bellum<br />
Jjeffo inferen<strong>du</strong>m mentem convertit : quod<br />
. & ïtratagematê- inchoat ; ac Satibarzanem ,<br />
quod deleciffet, primum profequitur ; barbares<br />
à <strong>mont</strong>ibus difpellit \ Artacacnaja expwgnat»
LIVRE SIXIÈME.<br />
I. Defcriptbn de la hataîlïe donnée entre les tacédémoniens<br />
& les macédoniens r Alexandre,<br />
après la vMoire, donne la paix aux grecs qui<br />
s'étaient révoltés en fin abfcence.<br />
H. Alexandre 9 invincible à la guerre , fi laîffi<br />
amollir <strong>par</strong> toïfiveté & les délices ; de la des<br />
murmures dans le camp , qui le tirent de cet<br />
affiupiffiment.<br />
'M. Difiours d r Alexandre â fis fildats r pour les<br />
exhorter a pourfuivre & â achever la guerre<br />
quils ont commencée en Afie. • • .<br />
IV.* Defiription <strong>du</strong> Ziobéris 9 fleuve merveilleuse*<br />
Nabariants ayant demandé fis fur étés <strong>par</strong> écrit,<br />
Alexandre lui promet fin <strong>par</strong>don : enfulte , étant<br />
dans le voifinage de la mer Cajpienne & de FHyr~<br />
canie r il reçoit en grâce quelques officiers de<br />
Darius.<br />
.V. Alexandre reçoit Artaba^e avec bonté , &<br />
<strong>par</strong>donne aux grecs qui avaient prêté fi cours à<br />
Darius ; & après avoir dompté la nation des<br />
mardès 9 il fatisfait à la demande d % une reine<br />
des amazones.<br />
VL Les macédoniens font choqués des mœurs<br />
d'Alexandre, qui , pour prévenir une émeute 9<br />
prend la réfilution de faire la guerre â Beffus :<br />
il la commence <strong>par</strong> unftratagême ; Satiharçanes ,<br />
qui avait quitté fin <strong>par</strong>ti 9 efl le premier qu'il<br />
pour fuit ; il chaffi les barbares de leurs <strong>mont</strong>a-*<br />
gnes ; il prend la ville i* Artaeacnt*
302 LIBER VI. CAP. 1.<br />
VIL Conjurationem in Alexandram Ehrimit»<br />
Nicomacho , hic per Cebalinum fratrem<br />
Alexandre detegit : lune mors Dymni, qui<br />
ipfe fibi marais infert<br />
VIII. AmicoruOT regioram confilio 9 Philotâs f<br />
Parmenionis fiîius , conjurationis auclor aut<br />
<strong>par</strong>ticeps crédites , capkur ac velato capite<br />
in regiam ab<strong>du</strong>citur.<br />
IX. De conjurations advers&s Philotan expoftulatoria<br />
Alexandri ad milites oratio ; coram<br />
quibus Philotâs ad<strong>du</strong>ûus defenfionem <strong>par</strong>ât.<br />
X. Apologetica Philotae oratio , quâ conjurationis<br />
accufationern prolixe refêllit.<br />
XL Concio 5 a quodam Belone accenfa 5 îs<br />
Philotan furgït. Is , paulo poft , ut fe craciatibus<br />
liberet , conjurationis circomftantiâs<br />
aperit ; cumque aliis qui accufantur à Nicomacho<br />
faxis obnritur»<br />
I. LJ v M ea per Afiam geruntur , ne m Gracia<br />
quidem Macedoniaque tranquille res fuerc. Régnabat<br />
apud lacedamonios Agis, Arckidami films ,<br />
qui, tarentinis opem ferens , ceciderat eodem die<br />
qw Philippus athenienfes ad Chmroneam vicit*<br />
Is , Alexandri per virtutem amulus , cives fuos<br />
ftimulabat 9 ne Graciant fervitute macedonum dmtiàs<br />
premi paterentur ; nifiin temporeproviderent,<br />
idem jugum ad ipfos tranjiturum ejfe ; adniten<strong>du</strong>m<br />
igitur , ,<strong>du</strong>m aliqua adhuc pcrfis ad refijien*<br />
ium tires -efifient ; iltis opprejis , advenus, umm*
LIVRE-VI. CMAP. 1. JOJ<br />
VII. Dymnus découvre a Nieomacke um conjuration<br />
contre Alexandre , & Nkomache en inftruit<br />
ce prince <strong>par</strong> fon frère Cêbalmus : ce qui eji<br />
caufe de la mort de Dymnus 9 qui fe me de jk<br />
propre main.<br />
VIII. -De l*avis des courtifans , Phihtas , fils de<br />
Parmênion9 <strong>par</strong>oijfant l'auteur ou le complice<br />
de la conjuration, efl arrêté & amené au palaisla<br />
tête couverte d 9 un voile.<br />
IX. Difcours d'Alexandre aux troupes contre Phi*<br />
lotos au fujet de la conjuration ; & Phihtas ,<br />
amené en leur préfence , fi pré<strong>par</strong>e a fi défendre*<br />
X Apologie , <strong>par</strong> laquelle Phihtas fi juftifiepleinement<br />
d % avoir eu <strong>par</strong>t à la conjuration*<br />
XL Uaffimblêe , irritée- <strong>par</strong> un certain Bêhn ,<br />
s*élève contre Phihtas. Lui-même 9 un peu après,<br />
pour fi délivrer des tourments , révèle les circonfiances<br />
d'une conjuration ; & il efl lapidé avec<br />
les autres qui avoient été accufis <strong>par</strong> Nicomache»<br />
I. JL ANDIS que ces clîofes fe paffolent en Âûe, la<br />
Grèce même & la Macédoine ne furent pas tranquiles.<br />
Les lacédémoniens avoient pour roi Agis f fils- de cet Archidame<br />
f qui » étant allé au fecours des tarentins-, avoit<br />
été tué le jour même que Philippe vainquit les athéniens<br />
auprès de Chéronée. Ce prince > à qui la valeur<br />
d'Alexandre infpiroit de l'émulation » exhortoit fes concitoyens<br />
à ne pas fouffrir que la Grèce demeurât.<br />
plus long temps affervie aux macédoniens; que, s'ils<br />
n'y pourvoyoient à temps, le même joug ne manqueroit<br />
pas de paffer fur leur propre tête ; qu'ils dévoient<br />
donc tourner leurs forces vers cet objet s tandis<br />
qu'il en reftoit encore affez aux perfes pour réfifter;<br />
-que, fi ces peuples étoient une fois fubjugués, ea vain
304 LIBER VI. CAP. t.<br />
nem potentiam frufira avka libmaùs memom<br />
futuros. Sic inftinBh arâmh, occajionem btUÀ ex<br />
commodo ceptaniï circumfpiciebam : igkur ftÛ*<br />
eitate Memnonis invkati , c&njïïia cum ipfi mif<br />
cere agrejji funt ; & poflquam ille rerum lœtanm<br />
inïûa intenipcflivâ morte defti'tuk , nihib remijffws<br />
agtbant. Sed ad Pharnabaqum & Autophradaten<br />
pr&fiêus Agis, triginta argtnti talenta decemque<br />
trirèmes impetravit, quas Agefilao fiatri mifit ut<br />
' in Cretam navimret, eu jus infulœ cuUores inter<br />
iacedamonios & mactdonas diverfis Jiudiis dkèraàebaamr.<br />
Legaû qmque ad Daman miffl funt *<br />
qui in ufum belli ampliorem vint pecunm phresque<br />
naves peterent. Atque hmc eomm cepta claies ai<br />
IJfttm ( nam ta intervenerat) adeo non interpellavit,<br />
ut etiam adjuverit : quippe fugieritem infequë"<br />
tus Alexander in longinqua loca magis magkqm<br />
rapiebatur ; & ex ipfopmlio mercenariorum mgens<br />
multitudo in Grmciam fugâ penetraverat : quorum<br />
-oBo tnillia perficâ pecuniâ con<strong>du</strong>xit Agis, eorum*<br />
que opéra plerasque cretenfium urbes recepk. Qimm<br />
deinceps Menon , in Thraciam ab Alexandre<br />
miffus , barbaros ad deftBionem impuliffet, adqm<br />
eam comprimendam Antipater exercimm ex Macedoniâ<br />
in Thraciam <strong>du</strong>xijfet; opportunitate tempo»<br />
ris firenuè ufi hcedmmomi totam Peloponnefum,<br />
paucis urbibus exceptis 9 in <strong>par</strong>as traxerunt, confeëoque<br />
exercitu vigimi miïïium pedkum cum equitibus<br />
bis mille-, Agidi fummam imperii detulemm.<br />
Antipater , ea re compertd, beïïum in Thra*<br />
ciâquibus poteft conditionibus comporàt i rapthnque<br />
in Grmciam regrejfus s ab amkis fo disque<br />
civkatibus auxUia cogit y quibus convenkntfbus<br />
. md quadragmta pugnatarum millia rtcesfuit. Ad*
LIVRE VL CM A P. L 305<br />
•le fouTÎendroît - on de" l'ancienne liberté contre une<br />
puiffance devenue exceffive. Les efprits ainfi pré<strong>par</strong>és.,<br />
Ils épièrent l'occafion de commencer la guerre avec<br />
avantage : fi bien qu'engagés enfin <strong>par</strong> les heureux fticcës<br />
de Memnon ,. ils prirent des mefures pour fe concerter<br />
avec lui; & après fa mort, arrivée à contre-temps<br />
"dès les commencements de cette flaîteufe entr'eprife ,<br />
Hs n'agirent pas avec moins de vigueur. Mais Agis,<br />
s*étant ren<strong>du</strong> près de Pharnabafe & d'Autophradates „<br />
en obtint trente-taîents d'argent & dis trieèmes , qu*tl<br />
envoya à fon frère Agéfiiaûs afin qu'il paillt dans la<br />
Crète, dont les.habitants , divifés entre eux t.tenoieat,<br />
les uns pour les lacédémoniens % les autres pour les<br />
macédoniens. On envoya aufli à Darius des ambaffadeurs*<br />
chargés de lui demander une augmentation d'argent<br />
& de vaiffeaux pour foutenir la guerre. Au relie<br />
îa perte que fur les entrefaites Tes perfes avoient<br />
effuyée près diffus, loin de faire obftacfe à ce feeours*<br />
y contribua tout au contraire : car Alexandre, animé<br />
à pourfuivre Darius , s'enfonçoit dans des pays de plus<br />
em plus éloignés ; & un nombre prodigieux de foldats<br />
foudoyés, échappés de cette bataille, avoient en<br />
fuyant gagné îa Grèce : Agis en engagea huit-mille<br />
avec l'argent des perfes y & avec leur feceurs il reprit<br />
la plu<strong>par</strong>t des. villes de Crète. Depuis ,.Iorfque Ménon»<br />
qu'Alexandre, avait envoyé dans la Thrace, eut pouffé<br />
les barbares à la révolte % & qu'Antipater, pour l'étouffer<br />
, y eut mené une armée de la Macédoine ; les<br />
lacédémoniens x profitant habilement ctes circoaftances,.<br />
attirèrent à leur <strong>par</strong>ti- tout le Péîoponnèfe, à quelques<br />
villes près, & ayant mis fur pied une armée de vingtmille<br />
hommes d'infanterie & de deux-mille.chevaux, ils<br />
en donnèrent à Agis. îe commandement général.. Antidater,<br />
en ayant eu avis,, termina la guerre de Thrace<br />
aux meilleures conditions qu'il put* & repaffant promptement<br />
dans la Grèce, il leva, fur les peuples amis<br />
& alliés d'Alexandre, un corps de troupes auxiliaires»<br />
qui <strong>mont</strong>oit à quarante-mille combattants quand il ea
306 LIBER VI. CAP. L<br />
vénérai & ex Pebponnefo valida manus : fed quia<br />
<strong>du</strong>bïam ipforum fidem refciveraî , dijfinudatâ fufpicione,<br />
grattas egit quod ad defendendam adversus<br />
lacedœmonios Alexandri dignitatem adfuijfent;<br />
fcripturum fe id régi , gratiam in tempore relar<br />
iuro : in pmfens nihil ©pus ejfe majoribus copiïs<br />
; haque domos redirent , fitderis mceffkam<br />
expktd. Nuncios deinde ad Alexandrum mittit,<br />
de motu Graciai cerûerem faâuros : atque Es<br />
regem apud Ba&ra demum confequuù font ; qmm<br />
intérim 9 Anûpatri viëor'm & nece Agiés in<br />
Arcadiâ % tranfa&um effet. Sanè jam pridem<br />
tumtdtu lacedmmoniorum cognito , quantum tût<br />
terrarum fpatiis difcretus potuit 9 providerat :<br />
Amphôterum cum cypri'u & phceniciis navibus m<br />
Peloponnefum navigare ; Meneten tria msUia talentum<br />
ad mare déferre juffirat, ut ex propinqw<br />
pecwâam Anùpatro fubminiftroret quanta iMum<br />
indigere cognovijfet. Probl enim perfpexerat,<br />
quanti ad omma momenti motus iftbu îndimîk<br />
jktura effet ; quanquam dèinceps , adepto vUb*<br />
rim mmcio , fuis operibus id djfcrimen compa-<br />
• tons , murium eam pugnam fuiffe eavillatus efl.<br />
Ceterum prmcmia ejus beui haud impwfpem<br />
tacedœmoniis <strong>par</strong>e. Juxta Çorrhamm , Maado*<br />
nim cafiellum 9 cum Antipatri mmtibus congreffi,<br />
viBores existeront; & rei bene geflmfàmd, eimm<br />
qui fufpenfis mentibus fortunam fpeSmerant infecte<br />
totem eorum pertro&i fùnt* Una , ex elms achatsque<br />
urbibus , Pellene fa<strong>du</strong>s ojpernabatur : & m<br />
Arcadiâ » Megahpolis fida macédoniens , ob<br />
PhWppi memonam * â quo bénéficiés affefk fis»
LIVRE VI. CHAP» L JCJ<br />
fit la revue après la réunion. Il lui étoiî auffi venu <strong>du</strong><br />
Péloponnèfe un puiffant fecours : mais ayant fu qu'il<br />
y avoit à douter de leur fidélité, fans rien témoigner<br />
de fa défiance, il les remercia de ce qu'ils étoient venus<br />
pour défendre l'honneur d'Alexandre contre les lacédémoniens<br />
; qu'il en écriroit au roi * qui en temps &<br />
lieu leur en marqueroiî fa reconnoiffance : que pour<br />
le préfent il n'avoit aucun befoin de renfort; & qu'eit<br />
conféquence ils retournaient chez eux, après avoir<br />
fatisfait ainfi. aux devoirs de l'alliance. 11 dépécha enfuite<br />
des couriers à Alexandre, pour l'inftruire des<br />
mouvements de la Grèce : ils le joignirent enfin auprès<br />
de Beftres j îorfque, <strong>par</strong> la vi&oire d'Antipater & îa<br />
mort d'Agis en Arcadie , tout étoit déjà terminé. A îa<br />
vérité il y avoit déjà long temps que le roi, ayant<br />
été averti de ce mouvement des lacédémoniens, avoit<br />
pris des mefures en conféquençe , autant qu'il lui avoit<br />
été poffible à une fi grande diftance : il avoit donné<br />
ordre* à Amphotère, de fe rendre au Péloponnèfe fur<br />
des vaifleaux de Cypre & de Phénicie; à Ménète, de<br />
porter vers la mer trois-mille talents, afin de fournir<br />
de près à. Aniipater tous les fecours d'argent qu'il lut<br />
fauroit néceflaires. Car il avoit bien prévu combien<br />
cette fédition pouvoit avoir d'influence fur tout* le<br />
relie; quoique depuis, après la nouvelle de la victoire<br />
,. com<strong>par</strong>ant cette affaire avec fes propres expéditions<br />
, il ait dit en plaifantant que ce n*avoit été qu'un<br />
combat de fouris. Au relie les commencements- de cette<br />
guerre ne furent point malheureux pour les lacédé-<br />
• menions. En étant venus aux roams, près de Gorrhage 9<br />
fortereffe de Macédoine , avec les gens d'Antipater p<br />
'ils en étoient fortb victorieux.;. & te bruit de cette<br />
viôoire avoit entraîné dans leur alliance ceux mêmes<br />
qui jufques là avoient obfervé dans l'indécifion le cours<br />
de la fortune. H n*y avait » de toutes les villes det<br />
éléens & des achéens, que Pellène qui dédaignât leur<br />
alliance : & dans l'Arcadie 9 MégalopoKs. demeurait fidèle<br />
aux macédoniens » en mémoire de Philippe, de qui
308 .LIBER VI. CAP. I.<br />
rat ; fed kac, ar&è circumfejja, haud proctd Jediàone<br />
aberai, nife taûdem Anûpater fubvenif-<br />
~fet. Is , poftquam eaftra caftrïs contuiit » feqwt<br />
numéro miiitum aVwque ap<strong>par</strong>atm fuperiorem<br />
confpexit, quamprimum de fummâ rerum pmïïo<br />
eontendere flatuït ; mque iacedamonu detreBavire<br />
certamen : ita commiffa eft pugna, qwz rem<br />
f<strong>par</strong>tanam majorem in mo<strong>du</strong>m affiixit. Quum<br />
enim anguftïu locorum in quibus pugnaèatur<br />
confift , ubi hofti nullum mulùmdbûs' ufum<br />
futurum credtbant, animosè congreff. efftnt 9<br />
neque macedones impigrè refiflerent , Hhdtum<br />
fanguinis fufum eft. Sed poftquam Antïpater<br />
mtegram fubinde manum laborantiBus fitis fubji-<br />
' dm mittebat , impulfa lacedœmoniorum acies gra<strong>du</strong>ai<br />
paulifper rendit : quod conjpicatus Agis ,<br />
cum cohorte regia , qum ex fortiffimis conftabat,<br />
fe in médium ] * pugnœ dïfcrimen immifit, obtnmcatifque<br />
qui promptiks refiftebant , magnam<br />
<strong>par</strong>tem Imftium propulit. Cœperant fugere viBores;<br />
& doneç mndms fequenies 'm planum de<strong>du</strong>xirt,<br />
muiti eadebant : fed ut primum hcus in qwo ftare<br />
foffet fiât , aquis viribus dimicatum eft. Inttr<br />
omnes tamen lacedamonios rex eminebat , non •<br />
armorum modo & corporis fpecie 9 fed etiam magnitudine<br />
animî, quo uno v'mci non potuit : undique<br />
f nunc cominus mmc emmus , peîebatur ;<br />
diuque arma circumferens, alia teta elypeo exci*<br />
piebat, corpore alia vitabat ; donec haftâ femora<br />
perfoffa, piarimo fangume ejjfufo , deftkmre pwgnantem<br />
: erga elypeo fuo exceptum armigeri<br />
* Ici finit U fupplément de Freinshémius*
LIVRE VI. CUAP. L 309<br />
tic ***it reçu des bienfaits ; mais étant ferrée de près,'<br />
elle étoit fur le point de fe rendre s fi Antlpater ne fût<br />
enfin venu à fon fecours. Ce Général, ayant affis fon<br />
camp tout près de celui des ennemis , & ayant reconnu<br />
qu'il avoit là fupériorié <strong>du</strong> nombre & des autres chofes<br />
aéceffaires, ré fol ut de décider promptement la querelle<br />
<strong>par</strong> une bataille; & les lacédémomess ne refusèrent<br />
pas le combat : ainli s'engagea une aftion , qui<br />
teuma au grand dëfavantage -des f<strong>par</strong>tes. Car ayant<br />
attaqué avec courage, dans la perfuafion que le champ<br />
de bataille refferré où Ton étoit rendroit inutile la multitude<br />
des ennemis , & les macédoniens leur ayant ©p-.<br />
feCé une réûftaace également vigoureufe, il y eut<br />
beaucoup de fang répan<strong>du</strong>. Mais comme Antlpater ne<br />
ceflbit d'envoyer des troupes fraîches au fecours de*<br />
liens lorsqu'ils étoient preffés, l'armée lacédémonienne<br />
pouffée yivement plia un peu : à cette vue Agis t accompagné<br />
de fa garde, qui étoit compofée de ce qu'il<br />
y avoit de plus braves, fe jeta au milieu de la mêlée,<br />
& ayant taillé en pièces les premiers qui réfiôèrent,<br />
il fit reculer nue grande <strong>par</strong>tie -des ennemis. Ceux qui<br />
avoient d'abord été victorieux commencèrent à fuir ^<br />
& plufieurs d'entre eux tombèrent fous les coups de<br />
Tenneml, juûpi'à ce qu'ils eurent attiré dans la plaine<br />
ceux qui les pourfuivoient avec trop d'ardeur: mais<br />
dès qu'ils furent en place! pouvoir faire ferme, ©s<br />
' combattit des deux côtés à forces égaies. Cependant<br />
entre tous tes lacédémoniens oniï&mpiok le roi, non<br />
feulement <strong>par</strong> l'éclat de (es armes &de fa bonne mine,<br />
mats furtout <strong>par</strong> la grandeur de fon courage , en quoi<br />
perfonne ne put Jamais le furpaffer : tantôt de prè*<br />
tantôt de loin, on tlroit fur lui de toutes <strong>par</strong>ts ; il fe<br />
fontint Longtemps en préfentant (es armes de tous côtés<br />
<strong>par</strong>ant plufieurs coups avec le bouclier & efquivant les<br />
autres <strong>par</strong> adreffej lorfqu'enfin ayant eu les cuiffes<br />
percées d'un javelot* après avoir per<strong>du</strong> beaucoup de<br />
ïangf elles lui refusèrent le fervice pour continuer de<br />
combattre ; fe* écuyers le mirent alor§ fur fou bon-
3IO' LIëER VI. CAP. L<br />
rapîîm in taftra referebant, jaBatmnem vuherum<br />
âaud facile tokrantem.<br />
2. Non tamen omijert lacedmmomi pugnam ;<br />
«S» ut primumfibi quam hôfti mquiorem. heum capère<br />
potuerum , denfath ordinibus effusè fluentem<br />
m fe aciem excepere. Non aïiud diferimen vehementius<br />
fuijfe mémorise proâimm cfl. Duarum no-<br />
Vdijfimarum bello gentium exercitus <strong>par</strong>i Marte<br />
pugnabant. Lacedmmomi vetera , macedones pmfentia<br />
décora intuebantur ; iUi pro iibertate » M<br />
pro domïnatiom pugnabant ; lacedmmoniis <strong>du</strong>x 9<br />
macedonibus locus deerau Diei quoque unius tant<br />
' multiplex cafus modo fpem modo metum utriusque<br />
<strong>par</strong>tis augebat , velut de in<strong>du</strong>ftriâ inter fortijfimos<br />
viros certamtn tzquante Fortunâ : ceterum,<br />
anguftia hei in quo hœferat pugna non patiebantur<br />
tous congredî viribus '; fpeBabant ergo<br />
plures quam inkrant pmlium , & qui extra telï<br />
jaëum erant clamore invicem fuos accendebant»<br />
'Tandem laconum acies languefeere , lubrica arma<br />
fudore vix fuftinens ; pedem deinde referre cœpit ,<br />
urgente hofte , ac apertius fugere. Infequebatur<br />
dijjlpatos viéior; & emenfus curfu omne fpatium<br />
quoi acies laconum obtinuerat, ipfum Agim perfequebatun<br />
Elle , ut fugam fuorum & proximos<br />
koftium confpexit 9 deponi fe juffit : expertusque<br />
membra an impetum animi fequi poffent » poft»<br />
quam defteere fe fenfit $ poplitibus femet excepit;<br />
galeJque Jlrenuè fumtd 9 cfypeo protègent corpus A
LIVRE VL CBâP. L 311<br />
tuer pour le reporter promptemenî au camp , quoiqu'il<br />
eût bien de la peine , à caufe de les bleffures, à fup*<br />
porter cette agitation,<br />
%» Les lacédémoniens ne ceflerent pas pour cela de<br />
combattre ; & dès qu'ils purent fe faifir d'un pofte plus<br />
avantageux pour eux que pour l*ennemi, ils ferrèrent<br />
les rangs pour foutenir le choc de fes nombreux bataillons,<br />
11 n'y a point eus de mémoire d'homme, de combat<br />
plus furieux» Les deux plus belliqaeufes. nations <strong>du</strong><br />
monde étoient aux mains avec des forces égales. Les<br />
lacédémoniens fongeoient à leur ancienne gloire, les<br />
macédoniens à leur gloire préfente ; les premiers combattoient<br />
pour la liberté, les derniers pour l'empire;<br />
ceux-là manquoient de chef, ceux»ci d'un terrein<br />
favorable. D'ailleurs les incidents fi multipliés<br />
dans un feul jour augmentoient alternativement l'efpéraoce<br />
& la crainte dans chacun des deux <strong>par</strong>tis, comme<br />
fi la Fortune eût affeâé de tenir la balance égale entre<br />
ces vaillants hommes : <strong>du</strong> refte, le peu d'éten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> lieu<br />
où la bataille s'étoit fixée ne leur permettoit pas de<br />
déployer toutes leurs forces ; de forte qu'il y avoit plus<br />
de fpeftateurs que de combattants, & que ceux qui<br />
étoîent hors de la portée <strong>du</strong> trait animoient refpeÂi- •<br />
vement leurs camarades <strong>par</strong> leurs acclamations. Enfin<br />
farinée lacédéraonienne, pouvant à peine tenir les<br />
armes <strong>par</strong> l'excès de la fiieur, commença à combattre<br />
plus foiblement; puis, preffée <strong>par</strong> l'ennemi, à reculer, &<br />
bientôt à prendre plus décidément la fuite. L'ennemi victorieux<br />
ferroit de près les fuyards ; & après avoir traversé<br />
en courant Pefpace où les lacédémoniens s'étoient<br />
• défen<strong>du</strong>s, il fe mit à pourfuivre Agis lui-même. Ce<br />
prince, voyant fon armée en fuite & les plus avancés<br />
des ennemis qui approchoient, fe fit mettre à terre 2<br />
& après avoir e-ffayé fi les forces de fon corps pourroient<br />
féconder l'ardeur de fon courage, comme ii fe<br />
fentit défaillir, il fe mit lui-même fur fes genoux; fe<br />
hitant alors de prendre fon cafque & de fe couvrir<br />
de fon bouclier, il agitoit un javelot qu'il tenoit à la main ,-<br />
& défiait celui des ennemis qui ôferoit entreprendre,
3xi LIBER VI. CAP. L<br />
kaftam -dexira vibrabat, ultro votons hoftem , fi<br />
quis jacenti fpoUa itmert •audtnu Nec quifquam<br />
fuit qui fuftineret commus congredi. Precul mifft-<br />
Obus appetebatur » ta ipfa in hofttm rétorquées ,<br />
âonec lancea nudo ptBori- infixa eft ; quâ ex<br />
vulntre evulfa., mctmatum ac deficiens caput<br />
clypto paulisptr txctpit ; dimdt Uquente fpiritu<br />
<strong>par</strong>iter-ac fangume ^ maribun<strong>du</strong>s in arma prota*<br />
buk*<br />
3. Cecidtre lacedamonhrum V mlllia Ccczx »<br />
tx macedonibus kaud amplius ccc ; cettrum, vix<br />
qtàsquam râfi faucïus revtrtit in caftra. Mac<br />
viBoria, non S<strong>par</strong>tam modo fociosque ejus , fed<br />
ttiam omnts qui fortunam belli fptBavtrant /régit.<br />
Nec faUebat Anûpatrum , difftnûre ab anim'u<br />
gratulantium vultus ; ftd btllum finirt eupienti<br />
opus erat decipi : & quamquam fortuna,<br />
rerum plactbat , invidiam tamtn, quia majores<br />
res erant
LIVRE VI. Cm A p. L 315<br />
renverfé comme il étoit^ de fe faifir de fa dépouille.<br />
Perfonne n'eut l'aflûrance de l'attaquer de près. On<br />
lui lançoit de loin des "traits, qu'il lançoit à fon tour<br />
contre l'ennemi, ce qu'il continua jufqu'au moment où<br />
un dard lui perça la poitrine : il le retira de la plaie y<br />
pencha la tête de défaillance, & l'appuya un peu fur<br />
fon bouclier ; à la fin perdant la vie avec fon fang,<br />
il tomba mort fur fes armes.<br />
3. Cette journée coûta la vie à cinq-mille troiscents<br />
foixante lacédémoniens , & à trois-cents macédoniens<br />
feulement; <strong>du</strong> refte à peine un feul rentrat-ii<br />
dans le camp fans bleffure. Cette viélolre concerna 9<br />
non feulement S<strong>par</strong>te & fes alliés, mais encore tous<br />
ceux qui pour fe décider attendoient l'iffue de cette<br />
guerre. Aufii Antipater ne fe trompa-t-il pas fur les<br />
fentiments contraires de ceux qui <strong>par</strong>oiïlbient le féliciter<br />
avec joie de fes fuccès ; mais voulant mettre fin<br />
à la guerre , il falloit bien qu'il s'en laifsàt impofer : &<br />
quoique fes heureux fuccès lui fiflent grand plaifir, il<br />
ne laiffbit pas de redouter l'envie, <strong>par</strong>ce qu'ils étoient<br />
plus grands que ne le comportoit la condition d'un<br />
fimple lieutenant <strong>du</strong>,roi: Alexandre en effet avoit déliré<br />
que fes ennemis fuffent vaincus ; mais que ce fût<br />
<strong>par</strong> Antipater, il en étoit outré jufqu'au point de ne<br />
pouvoir s'en taire y regardant comme une perte pour<br />
la gloire tout ce qui contribuoit à celle cf ancrai Ceft<br />
pourquoi Antipater y d'après la connoiffance qu'il avoit<br />
<strong>du</strong> caraftère <strong>du</strong> roi 9 n'ofa pas régler <strong>par</strong> lui-même les<br />
fuites de îa viftoire : mais il confulta la-deflus Faffemblée<br />
générale des grecs ; & les lacédémoniens , n'ayant<br />
demandé que îa permiffion d'envoyer des ambaflàdeurs<br />
au roi, en obtinrent le <strong>par</strong>don de leur révolte, excepté<br />
pour ceux qui en étoient les auteurs* Quant aux:<br />
mégalopolitains ? dont la ville avoit été affiégée depuis la<br />
rébellion, les achéens & les étoliens eurent ordre de<br />
leur donner cent-vingt talents. Telle fut l'iffue d'une<br />
guerre, qui, s'étiot allumée taut à coup* fut toute»<br />
Tomt l O
314 LIBER VI. CAP. IL<br />
prias tamen finîmm eft quant Darium Akxandtr<br />
mpud Arbela fuperareL<br />
• H. Sed ut primum inflanàbus curh laxatus eft<br />
animas , mUkarium rerum quam qukûs ofdqut<br />
patknùor 9 excepêre mm vohptates ; & quem<br />
arma perfarum non frtgerant, vida vicemnL Inumpeftiva<br />
conviv'm , & perpotandi pervigMandique<br />
infana <strong>du</strong>lcedo , ludique , & grèges peiikum ,<br />
cmma in externum hpfa [uni morem : quem œmu~<br />
Uius quafi pot'mremjuo , iîa poptdarium animas<br />
ocuhsque <strong>par</strong>ker ojfendk 9 us a pkrisque amk®~<br />
rum pro ho fie habtretur ; tenaces quippt difciplinm<br />
fua , folkosque <strong>par</strong>co ac <strong>par</strong>aUli vi&u ad<br />
bnplenda naturm defideria - defungi, in peregrina<br />
& devMarum gen<strong>du</strong>m mata impuieraL Mine fitpïùs<br />
com<strong>par</strong>ât® in caput ejus infi<strong>du</strong>t , fecefjio<br />
mUkum, & libermr inier mutuas quereûs dohr ;<br />
ipfius deinde nunc fufpkmms quas. exckahai inconfultus<br />
pavor 9 ceteraque his femUia quœ deinde<br />
dkentur* Igkur quant intempeftivk conyiviis dies<br />
<strong>par</strong>ker noMesque cônfumerti f fatietatem epm~<br />
larum ludh interpolabat, non contentas artificum<br />
quos è Gracia exckaverat turba ; quippt captivm<br />
feminarum jubebantur fuo rku contre mconditum<br />
& abhorrens vertgrims aurièus carmrn* Inter quas<br />
unam rex ipfe confpcxu, mœftiorem quam ceteras*<br />
& pro<strong>du</strong>centibus eam verecundè reluBamtem ; tx°*<br />
ceilens erat forma , & formant pudor honeftabat 9<br />
dejeëis in terram oculis &, quantum licebat, ore<br />
vuato : fufpkiomm prmbuk régi ê mbUkrem êffe
LIVRE VI. CHAP. IL 315<br />
fois terminée avant qu'Alexandre eût remporté fur<br />
Darius la vi&oire d'Arbeîles.<br />
IL Mais dès qui! eut l'efprît débarraffé de fes grandes<br />
inquiétudes, plus propre à fupporter les fatigues de la<br />
guerre que les dangers <strong>du</strong> repos & <strong>du</strong> loifîr, il s'abandonna<br />
aux voluptés ; & n'ayant pu être vaincu <strong>par</strong> les<br />
armes des perfes, il fut fubjugué <strong>par</strong> leurs vices.<br />
Des feftins à contretemps, le plaifir de pafler les nuits<br />
à boire & fans dormir^ des jeux, des troupes de femmes<br />
per<strong>du</strong>es, tout prit la forme des ufages étrangers : en<br />
adoptant ces ufages comme préférables à ceux de fon<br />
paj§ * il choqua fi fort le goût èc les îeux de fes. compatriotes<br />
t que la plu<strong>par</strong>t des courtifans mêmes le regardaient<br />
comme un ennemi ; <strong>par</strong>ce qu'à des hommes ©bfervateurs<br />
d'une exaôe difcipline ; qui habituellement<br />
ufoîent d'aliments communs & en petite quantité feulement<br />
pour fubvenïr aux befoins de la nature, il «voit<br />
donné l'exemple fé.<strong>du</strong>ifant des vices des nations étrangères<br />
& vaincues. De là ces fréquentes confpirations<br />
contre fa perfonne, ces mutineries des foldats, ces<br />
plaintes immodérées dans leurs entretiens mutuels ; de<br />
là en conféquence f dans le prince même, ces foupçons<br />
ombrageux, fruits naturels de la frayeur & de l'imprudence<br />
, & autres mifères femblables-qui feront détaillées<br />
<strong>par</strong> la fuite. Paflant donc les jours & les nuits<br />
dans des feftins défordonnés ; il les entremêloit de feux<br />
dans les intervalles de fatiété, mais fans fe contenter<br />
de la multitude d'aôeurs qu'il avoit fait venir de la<br />
Grèce ; car il exigeoit que' les femmes captives qu'il<br />
avoit à fa fuite chantaient , à leur mode, des chanfons<br />
de' mauvais goût & choquantes pour des oreilles qui<br />
n'y étoient point faites. Le roi lui-même lit attention<br />
à l'une de ces femmes, qui étoit plus trille que les<br />
autres, & qui toute honteufe fe réfutait aux efforts<br />
de ceux qui voûtaient la mettre en vue ; elle étoit d'une<br />
excellente beauté f & fa pudeur en augmentoit encore<br />
réclat, car elle fe tenoit les ieux baiffés & le vifage<br />
€ôavert autant qu'elle pouyoît ; cela lit fousçonaec<br />
Oij
316 LIBER VI. CâF. IL<br />
quam ut înter convivales ludos deberet ofiendL<br />
Ergo interrogata quanam effet, nepîem fe Ochi,<br />
qui imper regnajfet in perfis , filio ejus genïtam<br />
ejji rtjpondit ; uxsrem Hyflaspis fuiffe : propinr<br />
quus hic Darii fuerat , maffù & ipfe exerchus<br />
pramr. Adhuc in arùmo régis termes reliquia prif<br />
ûBî mêfis hmrebant : itaque , firtwmm regiâ ftirpe<br />
genkœ & tam célèbre nomen rmeritus, non dimnâ<br />
modo capûvam , fed etiam reftkui ei fuas opes<br />
jufflt; vvrum quoque requîri9 ut reperto conjugem<br />
reâderet, Poftero autem die pracepit HephmJBôni,<br />
ut omnes captivas m Regiam juberet ad<strong>du</strong>ci ;<br />
ubî 9 fingulorum nobiBtate Jpeffata , fecrevit a<br />
vulgo quorum emmtbat genus : decem Ai fuerunt;<br />
mter qims repertm eft Oxathres , Darii /rater,<br />
non iilim fortuna quam indole animi fed -clarior.<br />
Sex & viginti mïUm tahntûm proximâ pmdi.<br />
redaÊa eranï : è quibus tredecim mUlia in congMrium<br />
milkum abjumta funt ; <strong>par</strong> kmic pecunim<br />
fumma cufto<strong>du</strong>m fraude fubtra&a eft. Oxydâtes<br />
trat nobîlis perfes 9 qms a Dario capitali fuppïicio<br />
de (Imams , cohibebatur in v'mculîs ; kuk<br />
liberam fatrapeam Media attribuit : fratremque<br />
Darii recepit in cohortem amicorum 9 omm yetufim<br />
clarkatis honore ftrvato*<br />
ç. Mm m Parthhmn pervenmm eft , tune<br />
obïlem gentem, mine caput omnium qui, poft<br />
f phraten & Tigrim amnes fia , rubm mari ter*<br />
minantun Scytha regionem camptftrem ac fera"<br />
km occupaverunt , graves adhuc accola : fedes<br />
habmt & m Europe & m Afid ; qui fuptr Bos-
LIVRE FL CMAP, 11. 317<br />
«3 roi qu'elle étoit trop bien née pour être donnée<br />
en fpeâacle dans des réjouïffances & des feftins. Lorfqu'en<br />
effet on lui eut demandé qui elle étoit, elle<br />
répondit qu'elle étoit petite-fille d'Ochus, qui avoit<br />
été roi de Perte il n'y avoiî pas long temps, qu'elle<br />
étoit fille de fon fils, & qu'elle avoit époufé Hyftafpe :<br />
c'étoit un proche <strong>par</strong>ent de Darius, & il avoiî eu le<br />
commandement en chef d'une grande armée. 11 reftoiî<br />
encore dans le cœur <strong>du</strong> roi quelques traces de fes anciens-<br />
principes: ainfi, refpeôant le malheur d'une princefle<br />
<strong>du</strong> fang royal & te nom ïllultre de fa maifon,<br />
non feulement il la remit en liberté, mais il lui restitua<br />
fes biens; il donna même ordre de faire la recherche<br />
de fon mari, pour la lui rendre. Le lendemain<br />
il chargea Hépheftion d'amener au palais tous les prifonniers;<br />
& après avoir pris connoifTance <strong>du</strong> plus ou<br />
moins de noblefle de chacun, il fé<strong>par</strong>a <strong>du</strong> commun ceux<br />
qui étoient d'une naiflànce diftinguée : il y en avoit dis ; &<br />
l'on trouva <strong>par</strong>mi eux Oxathrès, frère de Darius, aufli<br />
illuftre <strong>par</strong> fes qualités perfonnelles que <strong>par</strong>.la dignité<br />
émïnente de fon frère. On avoit tiré vingt-fîx-; •le<br />
talents <strong>du</strong> dernier butin : on en avoit employé treize<br />
en gratifications pour les foldats ; & une <strong>par</strong>eille fomme<br />
avoit été détournée <strong>par</strong> l'infidélité des dépofitaires. Un<br />
noble perfan, nommé Oxydâtes, ayant été deftiné <strong>par</strong><br />
Darius au dernier fupplice , étoit gardé dans les fers ;<br />
Alexandre l'en délivra, & le fit fatrape de Médie : il<br />
admit auffî le frère de Darius au nombre de fes favoris ,<br />
en lui confervant tous les honneurs de fon ancienne<br />
dignité.<br />
j. On pafla enfuite dans le pays des <strong>par</strong>thes, peuple<br />
alors fans renom, aujourdhui la principale -de toutes<br />
les nations qui, placées au delà de FËuphrate & <strong>du</strong><br />
Tigre, s'étendent jufqu'à la mer rouge. Les fcythes fe<br />
font em<strong>par</strong>és d'un pays plat & fertile, & ont été juf»<br />
qu'à prêtent des voifins incommodes : ils ont des éta~<br />
bliflements en Europe & en Afie; ceux qui habitent<br />
au deffus <strong>du</strong> Bofphore, ap<strong>par</strong>tiennent à l'Afie ; mais<br />
O iij
3x8 LIBER FI. CAP. IL<br />
phorum cokmi, adfiribuntmr A fia, ; ai qui m Eu<br />
rôpâ fimt, â Imvo Thracim latere ad Boryfthr<br />
nem atque inde ad Tanam , aiium amnem, reéld<br />
plagd atûnent ; Tonals Europam & Afiam medius<br />
imerfiuu ; mec <strong>du</strong>bitatur qum fcytkm qui<br />
<strong>par</strong>thrn eondidere 9 non i Bofpkaro , fed ex région*<br />
Eur&pm penetraverwL Urbs erat ei tempe f<br />
taie clora Hecammpybs 9 condita i grmîs : m<br />
flattva rex èobmit, tommeaûbus undique aéveétis*<br />
Moque mmor, otiofi mifitis viàum , fine auBore<br />
percrebuh9 regem , eontentum rébus quas gefi<br />
fi£et9 m Maeedomam promus redire ftamij/è :<br />
difcurrunt » fymphatis fimiles , in tabemactda ,<br />
6* kineri farcinas optant ; figrmm damm crederes<br />
ut vafa colligerem : totis caflris tumuhus 9 hmc<br />
cmntukernales fuos requirenùum, hmc oneramimm<br />
plaufira , perfermr ad regem. Fecerant fidem rumen<br />
temerè vtdgato grmci milites redire jujfi<br />
d.'+'js, quorum equitibus finguâs ienariorum fena<br />
millm dono dederat : ipfis quoque finem milkim<br />
adeffè credebant. Haud fecks quam <strong>par</strong> erat ter~<br />
ritus AUxander 9 qui indos atqwe ultima Orienûs<br />
peragrareftatuiJfet9pmfeêos œpiarum inprmtorium<br />
c&ntrahii ; obortisque ïacrimis , [ex medio gioriœ /patio<br />
revocarife, viHi magis quam viBoris fortunam<br />
m patr'mm retaturum » eonqueftus eft : necfibi ignawam<br />
mÏÏitum obfiart9ftd deorum invidiam; qui for»<br />
ûffimis viris fubitum patr'm defiderium adm&viffent9<br />
patdo poft4fs eamdem eum majore Èaude fa*<br />
plaque redituris* Tum vero pro fi qui/que operam<br />
fuam ojferre ; difficittima quoque pofctre ; poh%<br />
ceri miiiium quoque obfequium , fi animos eorum
LIVRE VI. CM A P. IL 319<br />
ceux d'Europe s'étendent depuis le côté gauche de ta<br />
Thrace jusqu'au Boryftlièae y & delà tout droit jufqu*à<br />
un autre fleuve 9 qui eft le Tanaïs : celui-ci coule entre<br />
l'Europe & l'Afie ; & il eft hors de doute que les fcy thés<br />
fondateurs des <strong>par</strong>thes font venus , non des rives <strong>du</strong>'<br />
Bofphore , mais <strong>du</strong> pays qu'ils tiennent en Europe. Il y<br />
avoit une ville nommée Hécatompyîe,alors fort célèbre,<br />
qui avoit été bâtie <strong>par</strong> les grecs : le roi s'y arrêta & y<br />
fit Tenir des vivres de toute <strong>par</strong>t. Cela donna lieu à<br />
un bruit qui fe répandit fans qu'on en pût connoître<br />
Fauteur % vice ordinaire de la foldatefque oifive , que<br />
le roi, content de ce qu'il avoit fait, avotî réfolu de<br />
retourner inceflamment en Macédoiae : les foldats, femblables<br />
à des frénétiques f courent aux tentes , & font<br />
leurs paquets pour la marche ; on diroit que le figeai eft<br />
donné pour plier bagage : le bruit qui fe fait dans tout<br />
le camp, <strong>par</strong> l'empreflement des uns à chercher leurs<br />
camarades & le mouvement des autres pour charger les<br />
chariots , <strong>par</strong>vient jusqu'aux oreilles <strong>du</strong> roi. Ce qui<br />
avoit donné deJa vraiffemblance à ce bruit répan<strong>du</strong> fortuitement,<br />
c'eft qu'il avoit licencié les foldats grecsf<br />
& donné à chacun de leurs cavaliers une gratification<br />
de fix-miite deniers : les autres crurent suffi que la<br />
guerre étoit finie pour eux. Alexandre, juftement alarmé<br />
, <strong>par</strong>ce que fon intention étoit de fe porter jufqu'aux<br />
Indes & aux extrémités de l'Orient, affemble les chefs<br />
des troupes dans fa tente; & les larmes aux ieux,<br />
il fe plaint qu'au milieu de la carrière la plus glorieufe<br />
on le force de retourner en arrière t pour rentrer dans<br />
fa patrie plus tôt en vaincu qu'en vainqueur : que l'obftacie<br />
venoit, non de la lâcheté des foldats, mais de<br />
l'envie des dieux ; puifqu'ils avoient jeté tout à coup<br />
dans les cœurs de ces vaillants hommes un ft grand<br />
défîr de leur patrie 9 où ils n'auroient pas manqué dans<br />
peu de retourner avec plus de gloire & de célébrité.<br />
La-deffus chacun s'emprefle de fe dévouer à fes ordres ;<br />
®n follicite les commUfions les plus difficiles; on'lui<br />
lépcmd de l'obéiflance même des foldats, pour peu<br />
O iv
310 LIBER FI. CAP. ///.<br />
. Uni &^ aptd oraiione permukere voluiffet : mmquant<br />
^ injraâos & abjeBos receffffe 9 quoties ipfws<br />
alacrkatem & tanti animi fpirkus haunre potuiffent.<br />
lia fe faQurum êffe refpondk , illi vulgi<br />
aures pm<strong>par</strong>arent fél Satisque omnibus qum in rem<br />
vidcbantur ejje compôfitis , vocari ad conciomm<br />
exercitum jujfit , apud quem talem oraî'wnem<br />
hdhmi :<br />
. III. Magnitudinem reram qms geffimus ,<br />
Milites , intuentibiis vobis, minime miram eft<br />
& defiderium quietis & fatietatem glorise occur-<br />
.rere. Ut omittam illyrios, triballos , Bœotiam ,<br />
Thraciam , S<strong>par</strong>tam, achœos, Peloponnefum ,<br />
quorum alla <strong>du</strong>ftu meo 9 aîia imperio aufpicioqne<br />
perdomei ; ecce orfi bellum ad Hellefpontum,<br />
ionas, iEolidem fervitio barbariae impotentis<br />
exemimos : Cariam , Lydiam , Cappaclociam<br />
, Phrygiam, Paphlagoniam, Pamphyliam<br />
, pifidas, Ciliciam , Syriam , Pbœniceiî,<br />
Armeniam, Perfidem, medos , Parthienen hàbemus<br />
in poteftate : plures^provincias cornplexus<br />
fiim quam alii orbes ceperant ; & nefcio<br />
an enumeranti mihi quaedam ipfarum reram<br />
multitude mb<strong>du</strong>xerit Itaque fi crcaerem fatis certain<br />
effe pqffeffionem terraram quas tantâ ve-<br />
Socitate domuimus : ego vero, Milites, ad penates^<br />
meos , ad <strong>par</strong>entem fororefque & cete-*<br />
ros^civêSç vel reiiitentibus vobis , erumperem ;<br />
ittibi potiffimiim <strong>par</strong>ti vobifcum laude & gloriâ<br />
fraerer, ubi nos uberrima viôoriae praemia<br />
exfpeâant, liberorum , conjugum, <strong>par</strong>entumque<br />
laetitia, pax , quies , reram per virtutem<br />
<strong>par</strong>taram fecura pofleffio,<br />
Sed in noyo &, fi veram fateri volumus %
LIVRé, VL CMAP. 111. 321<br />
qu 1 !! ait-la eomplaifance de les calmer en leur <strong>par</strong>lant<br />
avec douceur & d'une manière convenable aux circonstances<br />
: qu'ils ne s'étoient jamais retirés avec l'air<br />
morne & abattu, toutes les fois qu'ils - avoîent été à'<br />
portée de puifer en quelque forte dans fa refpïration<br />
la gaieté & la magnanimité. Il répondit qu'il le feroit,<br />
que de leur côté ils 'difpofaflent la multitude à l'entendre<br />
favorablement. Après avoir pris toutes les me-<br />
Aires qui <strong>par</strong>oifîbient néceffaires à les vues, il fit cou»<br />
•oquer l'armée, & lui <strong>par</strong>ia en ces termes:<br />
111. La grandeur de nos exploits, Soldats 9 quand vous<br />
y faites attention, ne permet pas d'être furpris que vous<br />
défirie\ le repos & que vousfoye^ raffajp.es de gloire* Sans<br />
<strong>par</strong>ler des illyriens f des triballes, de la Biotie § de la<br />
Thrace , de S<strong>par</strong>te 9 des achiens, <strong>du</strong> Pél&ponnèfe, que<br />
j 9 ai fournis <strong>par</strong>tie en perfonne t & <strong>par</strong>tie <strong>par</strong> mes ordres<br />
& fous mes aufpiees ; vous voye\ que, depuis que nous<br />
avons commencé la guerre fur l'Hella/pont, nom avons<br />
affranchi d'une barbare fervitude les ioniens & l'ÉoUde:<br />
la Carie , la Lydie » la Cappadoce , la Pkrygie , la Pa»<br />
phlagonie, la Pamphylie, les pifidiens , la Cilicie , la<br />
Syrie» la Phê'nicie, VArménie f la Perfe , les mèdes, la<br />
Parthiènefont en notre puiffance: j'ai embraffi dans mes<br />
€onquêtes plus de provinces que les autres m'ont pris de<br />
villes ; & je ne fais fi, dans le détail que je viens de<br />
faire, la multitude mime des objets ne m'en a pas fait<br />
oublier quelques-uns* Si je croyois donc affe\ affûries<br />
des conquêtes faites avec tant de promptitude : je vous<br />
l'avoue, Soldats, malgré vos oppofitims je vous éckape*<br />
rois pour aller revoir ma patrie, ma mère, mes fœurs, &<br />
mes autres concitoyens ; je voudrois furtout jouer de im<br />
réputation & de la gloire que j f ai aquife avec vous*<br />
dans le lieu mime oà nous attendent les fruits les plus<br />
abondants de la viBoire, je veux dire la joie de nos<br />
mfants, de nos époufes, dew nos <strong>par</strong>ents, la paix M le repos f<br />
& la poffeffion tranquih des biens <strong>du</strong>t nous avons' aquis<br />
<strong>par</strong> notre valeur»<br />
ijtais dans un Empire nouveau, &, pourOrt la vérité*<br />
O V
jit LIBER VI. CAP. 11L<br />
precario imperîo * adhuc jogum ejus rigïdâ cer*<br />
vice fîibeuntibus barbaris, tempore, Milites r<br />
opus eft, <strong>du</strong>m mitioribus ingeniis imbuantur<br />
& efferatos molfior confiietudo permulceat,<br />
Frages quoque matnritatem ftatoto tempore<br />
ejrfpeftant ; adeo etiam iïla 9 fondas omnis ex*<br />
pertia, tamea fui lege mitefcunt I Qnid ? creditb<br />
tot gentes , alterius imperi© ac nomine<br />
affuetas, non facris, mon morifeus* non. commercio<br />
Hsguae nobifcum cobaerentes y eodem.<br />
praelio domitas effe quo vï&x funt ? Veftris<br />
armis continentur, non luis moribus ; & .qui<br />
prafentes mettront, in abfentiâ boftes erunt :<br />
cum' feris beftiis res eft, quas captas & incluras<br />
, quia ipfaram natura non poteft,- îongior<br />
dies.mkigat. Et adhuc fie ago, tanquatn- om*<br />
nia fubaéîa fint araiis quae fiierunt m ditione<br />
Darii. Hyrcaniam Nabaraanes occopavit ; Bactra<br />
non poffidet fokun pameida Beffus , fed<br />
etiam minatur ; fogdiani, dahae , maffagetae 9<br />
faca» , indT, fui juris funt Omnes hi, fimul terga*<br />
noftra Yiderint, lèquentur ; iHi enim ejufdem<br />
nationis font, nos aBenigen* & exterm; fuis<br />
autem quique <strong>par</strong>ent placidiîis , etiam quum<br />
b praeeu qui magis timeri poteft, Proinde , aut<br />
qu« cepimus omittenda finit , aut qu« non ha*<br />
bemiis occupanda. Skut in corporibus «gris %<br />
Milites 3 nihl quod nociturum ett ntedici relinquant<br />
s fie nos quidquid obftat imperio recidamus<br />
: <strong>par</strong>va fepe fcintUla contemta magnum<br />
excitant tncendium. Nihil tuto. in kofte defpicitur;<br />
quem (preveris, Yalentiorem negligentiâ<br />
faciès. Ne Darius quidem hereditarium perforum<br />
acceplt Imperimn j fed in fedem Cjri f
LIVRE VL. Cm A P. lit. jtj<br />
mmu précaire » au joug <strong>du</strong>quel les harbar.es m'ont- juf~<br />
qu'ici fournis leur tête que malgré eux 9 il faut attendre <strong>du</strong>*<br />
temps t Soldats, qu'il adouciffe leur caractère , & que de*<br />
manières plus aifées mnoliffenk leur férocité» Les fruits<br />
<strong>par</strong>eillement attendent pour mûrir la faifon marquée j tant<br />
les chofes mimes -dénuées de fentiment dépendent pour Je<br />
perfeBionner de la loi qui leur eft impofée l Quoi ? penfe\~<br />
vous que tant de nations-s accoutumées à l'empire & au<br />
nom d'un autre prince f qui n'ont d'ailleurs avec mm<br />
amcmme Uaifon de religion, de mœurs , de langage , ayent<br />
été domptées en même temps que vaimcms ? Ce font va*<br />
armes qui les contiennent, & mon leur penchant | ik vous<br />
redoutent <strong>par</strong>ce que vous êtes prêfents f en votre abfence<br />
• ils feront vos ennemis : nous avons affaire à des bites<br />
féroces , qui prifes & enfermées ne peuvent s f apprivoifer<br />
qu'à la longue, puifqu'on ne peut l f attendre de leur naturel»<br />
Et encore je <strong>par</strong>le icif comme fi nous avions conquis <strong>par</strong><br />
nos armes tout ce qui émit fous* la puiffance de 3ariu§,<br />
Mais Nabar\anes s'efi em<strong>par</strong>é de- l'Hyreanie; h <strong>par</strong>ricide<br />
Beffus, mon content de pofféder la Èa&rime, êfi même<br />
nous menacer;, ksjbgdkns , les.dahés9 les maffagètes, les<br />
faces f les indiens, font eneore leurs maîtres; Tous cet<br />
peuples 0 dès qu f ils nous verront h dos tourné, fuivront<br />
hur exemple ; c'efi qu'ils font de la même nation, & que nous<br />
fommes pour eux ' des étrangers & des gens d'un autre<br />
monde ; or chacun obéit plus volontiers â des princes de<br />
fa nation, quand mime le dépofitaire de l'autorité fero.it<br />
plus redoutable» H faut donc , ou abandonner ce que nous<br />
mons conquis, ou nous em<strong>par</strong>er de ce que nous n'avons<br />
pas encore* A l'exemple des médecins % qui, dans les corps<br />
attaqués de maladies. 9 ne laiffent rim qui puiffe nuire 9<br />
iibarra£hns»n@m aujfi de tout ce qui fait obfiach à V'afm<br />
fermiffement de notr% empire : me- fo$bh himetih négligé*<br />
a fouveni confié un grand incendie* Il n'y a point de<br />
fureté à rien dédaigner dans un ennemi $ en- le méprifant,<br />
votre négligence augmente fes forces* Darius, même n'a<br />
pas eu_ l'Empire des perfes <strong>par</strong> droit defuccejfion j et fut ' •<br />
piv UfeçQurs ifiBsgom , d'un 'vil eunuque, qu'il fut agréé<br />
• • * • OVvj •
324 LIBJSR VI. CAP. III.<br />
benefiei© Bagoa , caftrati hommis , admiflïîs t<br />
ne vos magno' labore credatis Beffum vaeuui»<br />
regnum ©ccupaturam.<br />
Nos vero peccavimus , MiBtes, fi Barrant<br />
©b hoc vicimus ut ferv© ejus traderemiis Im—<br />
perium; qui , ultimum auius fcelus , regem<br />
îuum , etiam extemae ©pis egentem, certè cui<br />
nos viôores peperciffemus % quafi captivum im<br />
vinculis habuit, ad ultimum, .ne à nobis COIîfèrvari<br />
poffet, ©cxidk. Hune TOS regnare patiemmi,<br />
quem equidem craci affixum videre<br />
feftino, omnibus regibus gentibusque fidei quam<br />
yiohvit méritas pœnas Folventem \ At, Hercule<br />
! fi mox eumdem graeçorura urbês aut Hellefpontum<br />
yaïlare nunciatiim erit vobîs ;. quo*<br />
dolore afnciemini, Beffum. pramia Yêftrae oe«cupaffe<br />
viftori* ï tune ad repetendas res fefH—<br />
natifis, tune arma eapïetis ; quant© aneem ,pr«£*.<br />
fat terrkum adhuc & vbc mentis- fuae compotem<br />
opprimere ! Quatri<strong>du</strong>i nobis iter ïupereft %<br />
qui tôt. procnlcavimus niines, tôt amnes fiiperavimus<br />
, tôt <strong>mont</strong>iujn jtsga tranfeurrimus r nom<br />
mare itlud , quod exseftuaiis iter fluâibus occu- -<br />
pat, euntès nos moratur; non Ciliciae fauces»<br />
& anguftiae inclu<strong>du</strong>nt; plana ©mnia & prona.<br />
font ; in ijpfo Emme ¥î£loria ûamus ; paucm<br />
nobis - fogitivi & domini fui interfeôores- feper-r<br />
fimt Egregkîîii f me Hercule 1: ©pus & mter<br />
prima gtorbe veftra numeran<strong>du</strong>m pofteritatt<br />
Jamaëque traéetis ; Darium qiioque hoftem*..<br />
finito poil morte» ejus odio, effe TOS nhos ,<br />
neminem impium efugiffe manm veftras. Hoe<br />
perpétrât©, quant© creditis perfas obfequentio—<br />
res fore 9 mam inteËexerint vos pîa Bella fii£»<br />
cipere, & Beflifcçkri » EOB aomini fiio * îrafcii "
LIVRE VI. CMAP. 1T1. JIJ<br />
pour <strong>mont</strong>er Jur k trêne de Cyrus : mmfit n*alk\ pas croire<br />
que Beffus ah grande peine à s'em<strong>par</strong>er <strong>du</strong> royaume fi mm<br />
l'abandonnons*<br />
Mais nom ferions bien coupables % Soldats f fi nous<br />
m 9 avions vaincu Darius que pour livrer fen Empire àfim<br />
efilave, lequel, <strong>par</strong> le plus horrible attentat contre fin<br />
maître , qui auroit même eu bejbin que des étrangers<br />
winffent à fin fecours, & qu'àffûrement nous aurions nous*<br />
mêmes é<strong>par</strong>gné dans la viBoiref Fa tenu dans les fers<br />
tomme un > captif9 & pour noms è*ter k moyen de lue<br />
Jkuwer la vie9 a fini <strong>par</strong> le mafiacrer* Çhmî ymi$ laiffe-*<br />
rki régner um monfire, que je brûk de voir en croix*<br />
payer à tous les rois & à tomes les nations la jufte peine,<br />
de fa perfidie ? Mais , en vérité ! fi on vient dams peu vous<br />
apprendre qu'il déjoie les villes de la Grèce ou VHcUefi<br />
pont % quelle fera votre douleur s de voir qu'un Beffus s'em<strong>par</strong>e<br />
dm fruit de vos viBoires ?'vous vous empreffere\ alors<br />
de reprendre ce qui eft à vous % vous courre^ alors aux<br />
mrmes ; mais qu'il vaut bien mieux achever de l'accabler,<br />
tandis qu'il eft encore effrayé de fin propre crime & qu'il<br />
fi rec&tmok à peine ! Il ne nous refie plus que quatre jours<br />
de marche, a nous qui avons paffé tant de neiges t tra~<br />
verfé tant de fleuves » franchi ksfimmets de tant de mon-»<br />
tsgnes : nous n'avons plus Vobftacle de cette mer % qui<br />
dans fis bouillonements couvre k chemin de fis vagues j<br />
nous ne fimmes plus dans ks gorges & les défilés de la<br />
Glicie; tout eft fimple & aifé j nous touchons à la vie»<br />
toire; il ne nous refte à exterminer que quelques <strong>par</strong>ri*<br />
eides fugitifs, La plus éclatante de vos actions, je kjuref<br />
k titre k plus marqué de votre gloire aux hux de Im<br />
foflérité, fera qu'après la mort de Darius votre ennemi r<br />
toute votre haine étant éteinte, il ait trouvé en vous deê<br />
vengeurs t & qu'aucun fiéUrat n'ak échappé à vos moins*<br />
Après cet exploit, ' combien ne voye\-vous pas que ks.<br />
f&rfes feront plus difpofés à l'obéîffance, quand ik ver»,<br />
mm évidemment que vous entreprenez des guerres juftesp<br />
& que c'eft contre k crime de Beffus f non contre kur<br />
notion , 'que rom êtes irrités t
326 LIBER FI. CAP. IK<br />
• IV. Somma mUkum alacntate , jubenùmm qmeumque<br />
veUet <strong>du</strong>ceret, oratio exmpta eft. Née<br />
rex moratus impetum, ieri'mque per Partfûenen<br />
die ad fines Hyrcanïœ pénétrât ; Cratère reliélo<br />
cum lis copïis quém praerat & eâ manu quam<br />
Amyntas <strong>du</strong>cebat, sé<strong>du</strong>is fixtentis equkibus &<br />
tottdem fagittdriis, ut aê incurfiane barbarorum<br />
Partfâmen tueretur. Erygyutm impedimenta» mth<br />
4k& prmfidm dato , campeftri iûnere <strong>du</strong>eere )u~*<br />
bet : ipfe , am phalange & equitatu CL fladm<br />
ememfus, caftra m voue qui Hyrcamam adeum<br />
tommmnk. Nemus prmaMs denfisque arboribus um-<br />
•brofem eft , pingue lyaMis foium rigantibus aquis<br />
qum ex pétris immmentibus manant» Ex ipfis radkibus<br />
môntium Zioberis amnis effundkur, qui<br />
tria firè ftadia in hngitudmem umverfus fiuk ;_<br />
deinde 9 faxo quoi atveolum mterpeUaf repercuffus,<br />
<strong>du</strong>o it'mem veht difpenfatis aqms aperk ;<br />
mde torrcns , & fax&rum per qum mcurrh afpemate<br />
vklentkfr, terram- prmceps fubk : -per cce<br />
fiadm condkus iabitur ; mrsusque 9 veht ex dm<br />
fonte cencepms, edimr & novum alveum inten*<br />
dit, priare fui <strong>par</strong>te fpatiofior, quippe in Éatimdinem<br />
xin ftaimrum dijfunditur ; rursùfque anguftioribus<br />
eoërcitus ripis iter cogit > tandem in<br />
alterum amnem cadit cul Rhidago nomen eft.<br />
Incola affirmabant , qumcumque dimijfa ejfent m<br />
cavernam qum -prop'wr eft fond , rursès, uU aUud<br />
m • amnis aperk , exiftere : itaque Akxamkt<br />
<strong>du</strong>os êauros quâ fubeum aqum terram prmcipb*<br />
tari jubét, quorum corpora , ubi rursùs erumph,<br />
expulfa vidire qui mijfi erant m exciperenî*<br />
2. Quarmmjam diem eodem bco quietem m'diti<br />
iederat, qûum'Utcras Nabarianis , qui Darium
LIVRE FL CMAP. IK JIJ<br />
^ IV. Ce difcours fut reçu avec les phi» grands-applaudîflementsde<br />
la <strong>par</strong>t des foldats, qui demandèrent qu'on<br />
Jes menât où l'on voudroit. Le roi profite fans délai<br />
de cette bonne volonté, & traverfant la Parthiène ». Il<br />
arrive en trois jours aux fronîièrts de rHyrcaniej mais<br />
il laiffe Cratère avec les troupes qu'il commandait'Ôc<br />
le corps qui étoit fous les ordres d'Amyntas » & y<br />
ajoute fix-cents chevaux & autant d'archers, pour dé*<br />
fendre la Parthiène contre les courtes des barbares»<br />
11 charge Erigyias de con<strong>du</strong>ire les bagages <strong>par</strong> la plaine<br />
avec une petite efeorte : & lut, s'étant avancé de cent<br />
cinquante ftades , établit fon camp dan» une vallée <strong>par</strong><br />
©u l'on entre dans l'Hyrcanie. 11 y a là un bois épais<br />
d f arbres très-grands & très-touffus, & des eaux qui 9 coulant<br />
des rochers voifins, arrofent le fol fertile <strong>du</strong><br />
vallon. Du pied même des <strong>mont</strong>agnes fort le fleuve<br />
Ziobéris t qui coule en un feu! lit environ fefpace de<br />
trois ftades ; puis repouffé <strong>par</strong> un roc qui interrompt<br />
fa courfe, il s'ouvre deux canaux entre lefquels il <strong>par</strong>tage<br />
Ces eaux ; devenu enfuiîe plus rapMe 9 & les rochers<br />
qu*il rencontre augmentant encore fon impétuo*<br />
M, il fe précipite fous terre: il y coule & y demeure<br />
caché Fefpace de trois-cents âades ; alors comme resaillant<br />
d'une autre fource 9 il fe re<strong>mont</strong>re & entre<br />
dans un nouveau canal f occupant bien plus de place<br />
que dans la première <strong>par</strong>tie ' de fon cours » car il a<br />
treize ftades de large ; refferré après cela dans un lit<br />
plus étroit , il roule fes eaux avec plus de viteffe, &<br />
tombe enfin dans un autre fleuve nommé Rhiâ&ge. Les<br />
habitants aflOuroient, que tout ce qu'on jetoif dans le<br />
fouterrain qui eft le plus proche de la fource 9 re<strong>par</strong>oïflbit<br />
à l'endroit où le fleuve s'ouvre une autre iffue i<br />
Alexandre lit donc jeter deux taureaux à l'endroit où<br />
les eaux paffent fous terre, & ceux qu'on avoit en»<br />
voyés pour reconnoître ce qui en étoit en virent<br />
(ortir les corps au lieu même où le fleuve fe re<strong>mont</strong>re.<br />
8. 11 y avoit déjà quatre jours qu'il fefoit rafraîchir<br />
fou armée dans ce polie t quand il reçut des lettres de
328 LIBER VI. CAP. IF.<br />
€um Seffb interceperat f acdph ; quamm fiententïa<br />
hac erat : Se Darlo non fùtffi inimicum ,<br />
immb cûam qmt credidiffit uûiia effi fiuafijffi ; &<br />
quia fidèle confillum régi dedijfei, prope occifium<br />
ab eo : agkajfe Darium cuftodiam corporis fid,<br />
contra jus fasqut, peregrino militi tradere , damnota<br />
popuîarmm fide, quam per <strong>du</strong>cenios & tri"<br />
gmta amms mv'mlatam regibus fias pmfthijfent :<br />
fit 9 in prmcipiû & Uibrico fiantem, mnfûium à<br />
prafinti necejfitate repetijfe ; Darium qmoqme ,<br />
quum occidijfet Bagoan, hoc excufiatione fiaûsfie*<br />
cijfe popuiar'éus, quod mfidiantem fibi ïnteremififit<br />
: nihil ejfe miferis mortdibus Jpiritu carias;<br />
amore ejus ad aliimn ejfe propulfium ; fed ea ma"<br />
gis ejfe fiemmtum qum coëgijfet necejfitas , qmm<br />
qua optajjet : in commum calamitate fiuam quem^<br />
que habtre fibrtunam : fi venire fie juberet 9 fine<br />
metu ejfe vtnturum ; non timere m fidem datam<br />
tanins rex violant , deos à deo faiii non fiolere :<br />
eeterum 9 fi ad fidem daret videremr indignas ,<br />
tmdta exilia patere Jkgknd ; patriam ejfit, ubi*<br />
cumque vir finis fidem eUgerit. Nec daékavit<br />
Alexander fidem quo per fia, modo accîpiebant dare ,<br />
inviolatum , fi venijfit , fibre. Quadrato tamen<br />
agmine & compofito ibat , fipecuhtores fiubmde<br />
pmmittens qui explorarent loca ; kvis armatura<br />
<strong>du</strong>cebat agmtn , -phalanx eam fiequebatur È pofl<br />
pedites erant impedimenta : & gens beUicofia &<br />
matura fitûs difficiles aditu curam régis intende*<br />
t*t. Namque perpétua vdtis jacet ufiqut ad mare
LIVRE VL CM A P. IV. 329<br />
ce Nabarzanes, qui avoit arrêté Darius conjointement -<br />
avec Beffus ; elles portoienî : qu'il n'avoit jamais été<br />
ennemi de Darius , qu'au contraire il lui avoit toujours<br />
confeilîé ce qu'il avoit cru être de fon fervice ; 8c<br />
que , pour lui avoir donné un avis fidèle, il avoit même<br />
été en péril d'être tué de fa propre main : que Darius,,<br />
contre toute juftice., avoit eu deffeîn de confier la<br />
garde de fa perfonne à une milice étrangère, condamnant<br />
<strong>par</strong> là la fidélité des nationaux , quoiqu'ils<br />
l'euffent inviolablement confervée à leurs rois <strong>du</strong>rant<br />
l'efpace de deux-cents trente ans : que pour lui, fe<br />
voyant au bord da précipice , il avoit pris confeil de<br />
la néceflké des conjonûures; que Darius lui-même,<br />
après avoir tué Bagoas, ne s'étoit juftifié auprès de<br />
fes fujets qu'en leur fefant entendre qu'il s'étoit défait<br />
d'un homme qui vouloît le perdre : que les malheureux<br />
mortels n'ont rien de plus cher que la vie ; que c'étok<br />
cet attachement qui Favoît * porté à des extrémités ;<br />
mais qu'il avoit plus fuivi en cela Fimpuîfîon de la néceflité<br />
que celle de fon cœur : que, dans une calamité<br />
publique f chacun eft occupé de fon propre fort : qu'au<br />
relie , s'il étoit mandé, il fe préfenteroit fans crainte ;<br />
qu'il ne craignoit pas qu'un fi grand roi violât fa <strong>par</strong>ole ,<br />
<strong>par</strong>ce qu'un dieu n'a pas coutume de tromper les dieux :<br />
que d'ailleurs s'il ne le jugeoit pas digne qu'il lui engageât<br />
fa foi f il trouveroit bien des retraites dans fon<br />
exil; qu'un homme de cœur trouvoit une patrie <strong>par</strong>tout<br />
où il choifîffoit la demeure. Alexandre ne fit aucune<br />
difficulté de lui promettre, de la manière qui eft<br />
en ufage chez les perfes, que, s*îl venoit, il n'auroit<br />
rien à craindre. Cependant il marchoit en bon ordre<br />
& en bataillon quarré, envoyant de temps en temps<br />
des coureurs pour reconnoître les lieux ; les troupes<br />
légères marchoient * à la tête, la phalange fuivoit,<br />
les bagages étoient à la fuite de l'infanterie : c'étoit<br />
l'humeur belliqueufe de la nation, c'étoit la fituation<br />
naturelle <strong>du</strong> pays dont les avenues font difficiles , qui<br />
infpiroit au roi cette circQnfpeûion. En effet la' vallée
330 LIBEM FL CAP. IF.<br />
Cafpium patens : <strong>du</strong>o urrm- ejm veiui bracUa est<br />
tutrunt; média fiexu modîm firmm fachmt, lunm<br />
maxime fimikm quum emment cormm non<strong>du</strong>m totem<br />
orbem fidere implente : cercetœ , mofyni t &<br />
chalybes à Imvâ fimt; ah altéra <strong>par</strong>te leucofyn<br />
& ama^onum campi ; & iUos , qui vergk ad<br />
Septentrionem f hos 9 ad Occafim comerfa 9 prof<br />
peâat.<br />
9. Mare Cafpîum, dtdcïus ceterïs , ïngentis<br />
magmtudinis ferpentes aiit & pifces longé diverfi<br />
ab aliis coloris : quidam Cafpium , quidam Hyrcairam<br />
appellant : aiiî fimt qui Maotim paludem<br />
in id cadere putent ; & argumenium afferma »<br />
aquam , quo dtâcwr fit qua/n cetera maria , infufo<br />
paludis kumore mitefcere, À Septentrione ingeus<br />
in liîus mare incumbit, hngeque agh fiu&us , &<br />
magna <strong>par</strong>te exmfluans ftagnat : idem , alio caë<br />
fiatu , recipit in fe firetum , eodemque impetu quo<br />
effufum efi relabens, terram naturm fum reddit :<br />
& quidam credidere , non Cafpium mare effe ;<br />
fed ex India m Hyrcarâam cadere , cujus fafih*<br />
gium, ut fupra diâum efi , perpétua vaMe fuh~<br />
mutkur. Mine rex xx ftadm proceffit , femiti<br />
propemo<strong>du</strong>m invia cui Java imminebat : torrentes»<br />
que & ehvies ker morabantur ; nuïïo tamen kofte<br />
çbvio , penetravit, tandemque ad uJteriora perven*<br />
tum efi. Prater alios commeatus , quorum tum<br />
€opid regio abundabat, pomorum quoque ingens
LlFRE VI. CMAP. IV. 3JI<br />
va fans interruption jufqu'à la mer Cafpienne : deux<br />
chaînes de <strong>mont</strong>agnes s'étendent de <strong>par</strong>t & d'autre<br />
comme deux bras ; elles fe courbent us peu vers le<br />
milieu » & préfentent un enfoncement affez femblable<br />
au croiffant de la lune lorfqu'elîe n'eft pas encore dan*<br />
fon plein : les cercètes , les mofyniens f & les cha*<br />
lybes font à gauche; de fautre côté les leucofyriens<br />
& les terres des amazones, ceux-là Yers le Septentrion,<br />
& celles-ci vers le Couchant*<br />
9. La mer Cafpienne, dont Feau et plus douce que<br />
celle des autres mers , nourrit" des ferpents d'une grandeur<br />
prodigieufe & des poiflbns d'une couleur fort<br />
extraordinaire : les uns la nomment Cajpienne }les autres ,<br />
mer d'Hyrcanie : il y en a qui croient que les palus<br />
méotides s'y. déchargent ; & la preuve qu'ils en donnent<br />
, c'eft que feau n'y eft plus douce qu'ailleurs que<br />
<strong>par</strong>ce qu'elle eft corrigée <strong>par</strong> le mélange de celle de<br />
ces palus. Du côté <strong>du</strong> Septentrion cette mer a un rivage<br />
îrès-éten<strong>du</strong>t elle y pouffe fes vagues fort loin, &<br />
dans les marées elle inonde une grande plage ; mais<br />
fous un autre afpeél <strong>du</strong> ciel , elle fe retire fur- ellemême<br />
, & rentrant dans fes limites avec la même impétuosité<br />
qu'elle les avoit franchies, elle rend la terre<br />
à fon état naturel : quelques-uns ont penfé que ce<br />
a'eft pas la mer Cafpienne -, mais que c'eft celle des<br />
Indes qui tombe dans l'Hyrcanie, dont la <strong>par</strong>tie élevée t<br />
en s*abaiffanî, forme, comme on fa dit plus haut t<br />
une longue vaîîée non interrompue. De là le roi s'avança<br />
de vingt ftades, <strong>par</strong> un chemin prefque inaccefible<br />
au deflbus d'une forêt : des torrents & des ravines<br />
retardoienî encore fa marche ; mais ne rencontrant<br />
aucun ennemi, il ne laifla pas de percer » & on arriva<br />
enfin au delà de ces lieux difficiles. Outre les autres<br />
efpèces de vivres s dont il y avoit alors une grande<br />
abondance dans le pays, il y croît encore beaucoup<br />
de fruits» & le fol y eft très-fertile en vin. L'arbre<br />
qu'on y trouve le plus communément a de la reffemblance<br />
avec le chêne : les feuilles de cet arbre fe
3 î I • L I B E R VI. C A P . V.<br />
moins nafcitur, & uberrimum gignendis uvis /fe<br />
hm efi. Frequens arbor faciem quercûs habit :<br />
cujus folïa mdto mette t'mguntur ; fed mfi folîs<br />
ortum incola occupaverint 9 vtl modico tepore fuc-<br />
€us extinguitur. Triginia hinc fladia procéderai ,<br />
quum Phrataphernes ci occurrït, feque & eos qui<br />
poft Darii mortem profugerani dedens ; qu'eus<br />
bénigne exceptis $ ad oppi<strong>du</strong>m Arvas pervenit.<br />
Hic ei Craterus & Erygyius occurruni ; prmfecmm<br />
tapyrorum gémis Phradaten ad<strong>du</strong>xerani : hic<br />
quoque in fidem recepms multis exemplo fuit experiendi<br />
clementiam regb. Satrapem deinde Hyr*><br />
camm dédit Mtnapim ; exul hic régnante Ocho,<br />
ad Philippum pervemrat : tapyrorum quoque gentem<br />
Phradati reddidit*<br />
V. Jamqm rex tâtima Hyrcamœ. intraverat %<br />
quum Artaba{us, quem Dario fidiffimum fuijfe<br />
fupra diximus t cum propinquis Darii, ac fuis<br />
liberis, modicdque gracorum miliium manu, oc<br />
currit : dextram venienti obtulit rex ; quippe &<br />
hofpes Phïlippi fuerat quum Ocho régnante exuJa~<br />
ret, & hofphii pignora in regem fuum ad ukimum<br />
fides confervata vincebat. Comiter igitur exceptas<br />
9 Tu quidem , inquit È Rex, perpétua felicitate<br />
floreas / Ego, ceteris laetus, hoc uno torqueor,<br />
quod , praecipiti fene£lute, diu frai tuâ<br />
bonitate non poffum ( nonagejmum & qumtmm<br />
annum agebat ). Novem juvenes , eâdem maire<br />
geniti, patrem comitabantur ; kos Artaba^us<br />
dextrm régis admovit 3 precatus mt-tam diu viverem<br />
donec utiles Alexandro ejffènt. Rex pedibus<br />
iter plerumque faciebat ; tunc^, admoveri fibi &<br />
"Artaba^p equos jujfît, m, ipfo ^mgrediente pedi*
LIVRE VI. CHAP. V. 331<br />
couvrent d'une couche abondante de miel ; mais fi les<br />
gens <strong>du</strong> pays ne préviennent le lever <strong>du</strong> foleil, la<br />
moindre chaleur fait évaporer ce fuc délicat. Le roi<br />
étoit arrivé à trente fhdes de ià, lorfqu'il rencontra<br />
Phrataphernes t qui venoit fe rendre à lui avec ceux<br />
qui avoienî pris la fuite après la mort de Darius; il<br />
les reçut avec bonté t & fe rendit enfuite dans la<br />
ville «TArves. 11 y fut joint <strong>par</strong> Cratère & <strong>par</strong> Erigyîus,<br />
qui lui amenoient Phradates, gouverneur des<br />
tapyriens; la manière dont fut agréé fon ferment de<br />
fidélité fut un exemple, qui en détermina plulieurs<br />
autres à faire répreuve de la clémence <strong>du</strong> roi. Il fit<br />
enfuite Ménapis fatrape d'Hyrcanie, qui, ayant été<br />
exilé fous le règne d'Ochus, s'étoit réfugié auprès de<br />
Philippe : il rendit auili le gouvernement des tapyriens<br />
à Phradates*<br />
V. Le roi «voit déjà pénétré jufqu'aux extrémités de<br />
fHyrcanie, lorfqu'Artabaze, dont nous avons remarqué<br />
ci-deflus la fidélité inviolable pour Darius, fe préfenta<br />
accompagné des <strong>par</strong>ents de ce malheureux prince, de<br />
Ces propres enfants, & d'un petit corps de foîdats grecs :<br />
le roi, à fon arrivée, lui préfenta la main ; c'eft qu'il<br />
s*étoit retiré près de Philippe pendant fon exil fous le<br />
règne d'Ochus, & que ù, confiante fidélité pour fon<br />
prince l'avoit emporté jufqu'à la fin fur les engagements<br />
même» de Phofpitalité. Enchanté donc d'un accueil<br />
fi favorable, PuiJJie^vous , Seigneur, dit-il à Alexandre f<br />
jouir d'un bonheur perpétuel ! Pour moi 3 comblé de joie à<br />
tous autres égards , k feul regret que j'aye , tfl que mon<br />
extrême vieilhffe ne me permette pas de jouir long temps de<br />
vos bontés, ( il étoit dans fa quatre-vingt-quinzième<br />
année). 11 «voit à fes côtés neuf jeunes hommes, fes<br />
fils, nés de la même mère : il les préfenta au roi »<br />
priant le ciel de leur conferver la fie tant qu'ils feraient<br />
utiles i fon fervice. Le roi le plus ordinairement<br />
marchait à pied; mais il fit alors amener des chevaux<br />
pour lui & pour Artabaze s dans la crainte que t<br />
tandis qu'il iroit à pied, ce vieillard n'eût honte d'être
334 LIBER-VL CAP. V.<br />
bus , finex equo vehi erubefiereL Deinde 9 ut cafi<br />
tra funt pofita, gmcos quos Artaba^us ad<strong>du</strong>xerat<br />
comocari jubcî ; at ïlli f nifi lacedamomis<br />
fides damur, refponâent fi quid agen<strong>du</strong>m ^ ipfis<br />
foret deliberaturos : legati erant lacedmmomorum<br />
mîjfi ad Darium ,. quo vUto applkaverant fi<br />
gruzeis mercede apud perfis militantibus. Rex ,<br />
wiùffis fponfionum fideique pimoféus , ventre eos<br />
jujfit , frrtumm quam ipfi dediffet habituros.<br />
Diu cunBantes , plerisque eonfiUa variantibus ^,<br />
tandem venturos fe pollicenmn At Démocrates 9<br />
sihmimjis , qui maxime macedonum opibus fimper<br />
obftkerat, vend defperata» glad'io Je tramsfigk;<br />
ceteri, fient conjiituerant, dkmni Alexandre<br />
fe ipfos permutant : mille •& D milites erant,<br />
pmter hos legati ad Darium miffi jrc. In fupplementum<br />
diftributus miles ; ceteri remijfi domum,<br />
prmter lacedamonios, quos tradi in eufio-<br />
4iam juffit.<br />
il. Mardorum erat-gens confims Hyrcanut 9<br />
€ultu vit* afpera & latrociniis affueta : h*c<br />
fila née kgatos miferat nec, viéebatur imptrata<br />
fa&ura* Itaque rex indignatus, fi una gens pofi<br />
fit efficere ne invi&us effet , ïmpedimenûs cum<br />
prmfidh reliais , invi&i manu comitante procedit:<br />
noBu iter fecerat 9 & prima luce hofiis in eonfi<br />
peêu erat : tumultus magis quam prélium fuit ;<br />
deturbati ex collibus quos occupaverant, barbari<br />
profughmt ; proximique vici, ab incolis défini,<br />
capiuntur. înteriora regionis ejus haud fine adiré<br />
fine magnâ vexaûone exerckus poterat : juga<br />
<strong>mont</strong>ium pmaim filvm mpesque invi* fepimt :<br />
ia qwz plana funt novo mummenti génère impe<strong>du</strong>rant<br />
barbari ; arbores dm fi funt ex în<strong>du</strong>firiâ
LIVRE VL CHAP. F. 33j<br />
à cheval. Lorfqu'enfulte on fut campé f il lit appeler<br />
les grecs qu'Artabaze avoit amenés ; mais ils répondirent<br />
que , fi fon ne donnoit fureté aux lacédémonîens,<br />
ils aviferoient fur le <strong>par</strong>ti qu'ils avaient à prendre :<br />
c'étaient des ambafladeurs envoyés <strong>par</strong> les lacédémoaiens<br />
à Darius» après la défaite <strong>du</strong>quel ils s'étoient<br />
joints aux grecs qui étoient à la folde des perfes. Le<br />
roi f fans leur donner ni promettes ni fauf-con<strong>du</strong>it,<br />
feur commanda de venir, pour recevoir telle*loi qu'il<br />
'Jugeroït à propos. Après avoir long temps héfité entre<br />
différeats avis qui varioient fans ceffe, ils promirent<br />
enfin de fe préfenter. Mais Démocrate, d'Athènes t<br />
•qui s'étoit toujours déclaré avec force contre la puiffance<br />
des macédoniens f défefpérant de fon <strong>par</strong>don , fe<br />
perça de fon épée ; les autres , comme ils Favoient<br />
arrêté, s'abandonnèrent à îa difcrétion d'Alexandre : ils<br />
/étoient au nombre de quinze-cents, fans compter les<br />
-quatre-vingt dix ambafladeurs envoyés à Darius. Les<br />
foldats fervirent à recruter les troupes; les autres<br />
furent renvoyés chez eux, à la réferve des iacédémo-<br />
Biens t qu'il lit mettre fous bonne garde»<br />
11. Les mardes étoient un peuple qui touchoit aux<br />
frontières de PHyrcanie, peuple greffier & accoutumé<br />
aux brigandages : il étoit le feu! qui n'eût pas envoyé<br />
«Tambafladeurs 9 & il se <strong>par</strong>oiffoit pas difpofé à obéir.<br />
Le roi v indigné que cette nation feule pût lui difputer<br />
le titre d'invincible, laifla donc les bagages fous une<br />
efcorte , & s'avança avec la fleur de les troupes ; il<br />
avoit marché de nuit, & au point <strong>du</strong> jour il étoit en<br />
préfence de l'ennemi : ce fut plus tôt une déroute qu'un<br />
combat; les barbares, chartes des collines dont ils<br />
s'étoient faifis , prirent la fuite; & les bourgades voîfines,<br />
abandonnées des habitants f furent aifément prifes.<br />
L'armée ne pouvait pénétrer dans l'intérieur <strong>du</strong> pays<br />
fans une extrême fatigue : le haut des <strong>mont</strong>agnes eft<br />
défen<strong>du</strong> <strong>par</strong> d'épaifles forêts & <strong>par</strong> des rochers inac*<br />
ceflibles : les barbares avoient embarraffé les plaines<br />
far un nouveau genre de fortification j ils y ont planté
336 LIBER VI. CAP. V.<br />
confiât, quarum teneros adkuc ramos manu fltcêunt<br />
% qws intonos- rursus inferunt terrœ ; mde<br />
velut ex alid radice latiores virent trunci ; kos<br />
quâ naiura fert adokfcere non finunt ; quïppe<br />
alium aiu quafi nexu conferunt, qui, ubi mukâ<br />
fronde veftlti funt, operiunt terram ; itaque 00<br />
cuhi nexus ramorum velut laqueï perpétua fepe-<br />
Mer cludmii, Una ratio erat cmdendo aperire folium<br />
: fed hoc quoque magni oper'u ; crebri namque<br />
nodi <strong>du</strong>raverant ftipites $ & in fe implicati<br />
arborum rami , fufpenfis circuits fimiles , lenm<br />
vimmt fruftrabantur i&us ; incolst autem , ritu '<br />
fer arum virgulta fubire foliti, tum quoque întravermi<br />
fakum occultisque tells hofiem laçeffehanu^<br />
\%. IUe 9 venant tum modo, hûbula fcrutatus *<br />
plerosque confodit ; ad ukimum circumire faltum<br />
milites juèet, ut, fi quâ patent, brrumperent z<br />
fed ignoûs hcis plerique oberrakanL Excepté fimt<br />
quidam ; inter quos equus reps, ( Bucephaluin<br />
%mcakmi ) quem Alexander non eodem quo ccteras<br />
pecudes animo mftimabat : nam ille nec m<br />
dorfo mfidere fuo paûebatur alium ; & regem 9<br />
quum veUet afcenaere, fponte fuâ genua fubmittens,<br />
excipiebat ; credebaturque fendre quem whertt.<br />
Majore ergo quam decebat irâfimul ac do*<br />
Ure fiirmâatus , equum veftigari jubet, & per inurprettm<br />
pr&Mumsari , m reddidijfent » mmmim<br />
à
LIVRE' VI. CRAP. V. 337<br />
4-deCTein îles arbres fort près les-uns des autres, dont<br />
ils courbent avec la main les branches encore tendres,<br />
jafqu'à ce qu'ils puiflent les faire rentrer en terre : de<br />
là , comme d'une autre racine # fortent de nouvelles<br />
tiges plus vigoureufes, qu'ils ne biffent pas croître a«<br />
gré de la nature ; mais ils lient en quelque forte Ses<br />
unes avec les autres ; & quand elles font chargées d'un'<br />
•épais feuillage, elles couvrent la'terre': de forte que<br />
les entrelacements cachés des-branches , ferablables aux<br />
mailles 4'un rets, présentent <strong>par</strong>tout une haie impénétrable.<br />
11 n'y avoiî *le xeffource «ni'à couper pour<br />
ouvrir u» paffage ; mais cela même étoit d'un grand<br />
travail; <strong>par</strong>ce que les nœuds multipliés avoient fort<br />
tlurci les troncs, & que les branches, tournées comme<br />
•des cercles fufpen<strong>du</strong>s, rendaient les coups vains far<br />
leur flexibilité;, d'ailleurs tes habitants , accoutumés à<br />
paffer fous les buiffons comme -des bêtes fauvages •<br />
s'ëtoient alors enfoncés dans ce bois & tiroient à couvert<br />
fur. l'ennemi.<br />
* 12. Le TOI , à la manière -des chafleurs, ayant reconnu<br />
leurs repaires , en tua un grand nombre j à hà<br />
fin il commanda à Ces foîdats d'invertir le bois, & de<br />
s'y jeter s'ils trouvoient quelque ouverture : mais plusieurs<br />
s'égarèrent, faute de connoître les lieux. Quelques-uns<br />
furent- pris ; & avec eux fe trouva le cheval<br />
4u roi s nommé Bucifhaît, dont Alexandre fefoit bien<br />
un autre cas que <strong>du</strong> refte des animaux : en effet ilse<br />
fe laiflbit <strong>mont</strong>er <strong>par</strong> aucun autre ; & quand le roi<br />
vouloit s'en fervir,' il pBoit de lui-même les genoux<br />
pour le recevoir ; en un mot on étoit perfuadé qu'il<br />
fentoit la grandeur de celui qu'il portoit. Auifi le roi,<br />
entré de colère & de douleur au delà de toute brenféance,<br />
fit chercher fon cheval, & publier <strong>par</strong> un interprète<br />
:que-, fi on ne le lui rendait, il ne feroit gracé<br />
4t la vie à .perfoime : les barbares, effrayés <strong>par</strong> cette<br />
proclamation, lui ramenèrent fon cheval avec d'autres<br />
préfents ; mais cette déférence même ne l'ayant point<br />
appaifé , il fit couper les bois & apporter de deffus les<br />
Tome h P
338 LIBER FI. CAP. F.<br />
effe viAirum : hac demmciaûone ttrriû , mm<br />
àeteris donis equum ad<strong>du</strong>eunt ; fed ne fie qu'idem<br />
mitigatus, cadi 'filvas jubet, aggeftâque humo è<br />
<strong>mont</strong>ibus planitum ramîs impeditam exaggerari,<br />
Jam aiiquantuium aldtudinis opus crèverai, quum<br />
barbarl, dtfperato regionem quam occupaverant<br />
pojfe retinerî, gentem fuam dedidire : rex $ obfidihus<br />
accepûs, Phradad tradere eos jujfit. Inde<br />
qumto die in ftativa reverùmr ; Artabaqtm demie<br />
, geminato honore qwem Darius habuerat ei,<br />
remittit domum* Jam ad urbtm Myrcania in qui<br />
«gM Darii fuit ventum erat : ibi Nabar^anes ,<br />
mcepfâ fide, occurrit, dona ingentia ferens ; inter<br />
qum Bagoas erat, fpecîe fingulari fpado atque in<br />
ipfo flore puerii'm , cm & Darius fuerat aj[ue~<br />
tus & mox Alexander ajfuevit, ejusque maxime<br />
preclbus motus Nabarçani ignovit.<br />
13. Erat, ut fupra £Bum eft , Myrcania finitima<br />
mm ama^onum $ circa Thermod&onta amnem<br />
TJmnifcym ineolentium campos : reginam<br />
imbibant Tkakjirm , omnibus inter Caucafum<br />
<strong>mont</strong>em & Phafin awmem imperuantem. Hmc ,<br />
cupidine vifendi régis accenfa , finibus regni fui<br />
exceffit ; & quum haud proctâ abeffet, pramifit<br />
indicantes , venijfe reginam adeundi ejus. cognofcendiqué<br />
avidam. Prot'mùs faBa poteftate- veniendi9<br />
ceteris juffis fubfiftere , ecc feminarum<br />
comitata procejfit; atque ut primum rex in conf<br />
peêm fuit 3 equo ipfa défilait, <strong>du</strong>os ianceas dextm'.pmferens.<br />
Veftis non toto ama^pmim corpore.<br />
Mucitur ; nam lava-<strong>par</strong>s ad pe&us eft nuda ,<br />
cetera deinde. velantur-; nec tamtn finus veftis ><br />
quem nodo colUgunt, infra genua defcendït: altéra<br />
papilh intaBa fervatur, qui mùlïebris fexûs
LIVRE VI. CHAP, V. 339*<br />
<strong>mont</strong>agnes aflfez de terre pour mettre à l'uni îa plaine qut<br />
les branches embarraflbient. L'ouvrage étoit déjà un peu<br />
avancé , quand ces malheureux t défefpérant de pouvoir<br />
conferver le .pays où ils s'étoient établis, firent 1er<br />
foumiflwns de toute îa nation: le roi, ayant acceptéleurs<br />
otages t les fit remettre entre les mains de Phra«dates.<br />
Au bout de cinq jours il retourna à fon camp|<br />
& après avoir ren<strong>du</strong> à Artabaze îe double des honneurs»<br />
qu'il aYoit reçus de Darius f il le renvoya chez lui*<br />
"Déjà on étoit arrivé à îa ville d'Hyrcanie où Darius.,<br />
tenoit fa cour : c'eft là que Nabarzanes fe préfenta<br />
fous un fauf-con<strong>du</strong>it, & apporta de riches préfents :<br />
iî y comprit Bagoas, eunuque d'une rare beauté, qui<br />
étoit dans îa fleur de îa jeunette , qui avoit plu à<br />
Darius, qui plut bientôt à Alexandre , &. dont les<br />
prières furtout obtinrent de ce prince îe <strong>par</strong>don de"<br />
-Nabarzanes.<br />
ï 3. On trouvoit, comme on fa dit ci-devant f ies'ama.- .<br />
«©nés aux confins de l'Hyrcanie , fur les rives <strong>du</strong> fleuve<br />
Thermodoon f dans les plaines de Themifcyre : Thaleftris<br />
, leur reine f commandoit à tout ce qui ell entre<br />
îe «ont Caucafe & le fleuve Phafis. Cette. princeïTe,<br />
brûlant <strong>du</strong> défir de voir le rois fortit de fes États; &<br />
lorsqu'elle fut affez près 9 elle envoya l'avertir de l'arrivée<br />
d'une reine qui avoit un extrême défir de' le voir '<br />
& de le connoitre. Le roi ayant auffitôt agréé cette<br />
vifite, elle fit arrêter le relie de fe fuite ; & vint accompagnée<br />
feulement de trois - cents femmes ; dès<br />
qu'elle apperçut le prince., elle defcendit légèrement"<br />
de fon cheval, portant deux lances' à la ' main droite."-<br />
L'habit des amazones ne leur couvre pas tout le corps ;.<br />
car le côté gauche eft nu jufqu'au fein, & Je refte eft"*<br />
couvert ; -toutefois- le pan de leur robe, qu'elles re-.<br />
trouvent avec un aeeud, ne leur patte pas les genoux ;<br />
«Iles gardent une mammélle pour nourrir leurs filles î<br />
pij
34Q LIBER VI. CAP. VI.<br />
liberos -allant ; a<strong>du</strong>rimr dextra , ut mrcus fach<br />
lias intendant & tela vibrent. Interrito vtdtu regem<br />
Thakftru intuebatur , habitum ejus , kaud<br />
quaquam rerum fanuz farem % oculis perùijirans ;<br />
quippt homimbus barbaris in corporum majeftate<br />
wemraao eft ; magmmmque eperum mm aiim tapâtes<br />
putant- , quant quos eximiâ fpeck donare<br />
riatura dignata cfl. Ceterum interrogata num aliquid<br />
pettrt vellct, haud <strong>du</strong>bitavit Jateri , ad cornmunicandos<br />
cum rige liberos fe veniffe s dignam<br />
ex qui ipfe regni générant keredes ; femimni fexûs<br />
fe retenturam, marem reddkwam patrL AUxan»<br />
der 9 an, cum ipfo militare veïïet 9 interrogat ; &<br />
iUa3 caufata fine cuftode regnum reliqmffe 9 pe~<br />
ttrt perfeverabat ne Je irritam fpei pateretur abite*<br />
Acrior ad Venerem femimz tupido quant, régis,<br />
ut pautos dies fubfifieret perpdit ; xui dits in<br />
objequium defiderii ejus abfumti funt ; mm 'Ma,<br />
regnum fmtm , nx Partbienen petiverunt.<br />
VL Hîc veto palàm- empiétâtes fuas foivit ;<br />
tonHnentiamque & • moderationem 3 m altiffimâ<br />
qmaqut fortunâ eminenùa bona , in fuperbiam ac<br />
lafàviam ' vertit : patrios mores , difeiplinamque<br />
macedonum regum falubriter temperatam, & civilem<br />
habitum, velut ieviora màgmtudine fui <strong>du</strong>cens,<br />
perfitm regm <strong>par</strong> deorum potentim fafiigmm<br />
Aitmliéatur ; jacere humi ventrabundos pati cmfjit,<br />
•paulatimque ferviïibus •mmifteriis tôt viBôrts<br />
gtmwm unbuere & capdvis <strong>par</strong>es facert expetebat.<br />
Itaque purpureum diadema difi'mëum a3o ,<br />
fmak Darius àabueras9 capin cimmdedk , wf
LIVRE VL CM A P. FI. 341<br />
«îîes brûlent la droite f pour avoir plus de facilité à<br />
bander Tare & à îancer les traits. Thaleftris coafidéroiî<br />
le roi feus étonneraient, <strong>par</strong>courant des ieux tout<br />
Ion extérieur, qui ne répondoit pas à la réputation<br />
de fes exploits : car les barbares n'ont de vénération<br />
que pour la majefté corporelle j & ne croient propres<br />
aux grandes entreprifes , que ceux que la nature a doués<br />
d'une phyfîonomie diflisguée. Au telle comme on lut<br />
eut demandé fi elle défiroit quelque chofe, elle ne fit<br />
pas difficulté d'avouer, qu'elle étoit venue dans l'intion<br />
d'avoir des enfants <strong>du</strong> roi, fe croyant digne de<br />
lui donner des héritiers de fon empire ,* que , fi elle<br />
avoit.une fille, elle la garderoit, & fi c'était un fils,<br />
elle le rendroit à fon père. Alexandre lui. demanda fi<br />
elle voudroît le fuivre à la guerre; & s'exeufant fur<br />
ce qu'elle avoit quitté fon royaume fans en commettre<br />
la régence à perfonne, elle continua de le prier qu'il<br />
se la renvoyât point farts remplir fes efpérances. Les<br />
inftances de cette femme, plus échauffée d'amour que<br />
le.roi, le déterminèrent à fé}ourner quelque temps:<br />
treize jours furent employés à la fatisfaclion -de fes<br />
défirs; puis elle prit la "route de fon royaume, & te<br />
roi celle de la Parthiène.<br />
FI. Ce fut là qu'il lâcha publiquement la bride à<br />
toutes fes pallions ; la continence & îa modeftie , vertus<br />
gui honorent la plus haute fortune f firent plac»< 3T*<br />
Forguei! & à la diffolution ; les coutumes de fon pays,<br />
la manière de vivre des rois de Macédoine réglée fur<br />
les befolns de la fanté, l'habillement de fes concitoyens<br />
, tout cela lui <strong>par</strong>oiflant au deffoui de fa grandeur<br />
, il affe&a le fafte de la cour de Perie femblable<br />
à la magnificence des dieux; il commença à fou&rir<br />
que l'on fe profternât à terre pourvu! rendre hommage<br />
, & infenfibîement il exigea que Ses vainqueurs<br />
de tant de nations s'habituaflent à des foe&ions ferviles<br />
& fuffent cemroe des efclaves. Il prit donc un diadème<br />
de pourpre mêlé de blanc, tel que l'avoit porté Darius,<br />
& adopta la fobe perfienne, fans craindre le préfage<br />
P ii)
•34^ . LIBER FI. CAP.'FI.<br />
temque perficam Jumfit, ne omtn quidtm 'péri"<br />
tus, quod à viBoris infignibus in devi&i tran»<br />
'fret hahitum : & ilk fe quidem perfarum fpolia<br />
ge/iare dictbat ; fid cum Mis quoque morts in<strong>du</strong>erat,<br />
fuperblamque habitas animi infolenûa fequetatur*<br />
L'itéras quoque quas in Europam mitteret<br />
veteris amdi gemma obfignabat , lis quas in Afiam<br />
fcriberet Darii anulus imprirnebatur ; ut ap<strong>par</strong>eret<br />
'nnum animum <strong>du</strong>orum non capere fortunam. Amieos<br />
vero & équités, cumque his principes militum,<br />
afpernantes quidem fed recufare non aufos 9 perfir<br />
eis omaverat veftibus* Pellices ccc & LX, mû'<br />
dem quot Darii filtrant , regiam implebant ; quas<br />
fpadonum grèges , & ipfi muliebria pati ajfiteti s<br />
fequebantur*<br />
15. Mac luxu & peregrinis infcBa morihus<br />
weteres Philippi milites x rudis natio ad volupta^<br />
tes , palam averfabantur ; toûsqut caftris unus<br />
omnium fenfus ac ferma erat tfhts amijfum Victoria<br />
quam betto qumfimm ejfe ; mm maxime<br />
vinci ipfos dedique alienis morihus & externis ;<br />
tantôt morm pretium 9 domos quafi in captivo habim<br />
rêverfuros ; pudtre jamfui regem , viBis quam<br />
viBoribus fimïïiortm s ex Macedonia imperatore<br />
Darii fatrapen fa&um* Ilk > non ignarus &prin~<br />
tipes amkorum & txtrcitum graviter offendi x gratiam<br />
liberalitatt donuque recuperare ttntabat :<br />
fed , opinor, liheris pretium fervitutis ingramm<br />
eft. Igitur, ne im feditionem res verteretur 9 otium<br />
mterpellan<strong>du</strong>m erat betto , cujus materia oppor*<br />
iunè alebatur; namque Btffus , vefle regiâ fumtâ%
LIVRE VI. CHAP. VI. 345<br />
auquel il donnoit lieus en fubftituant aux habits <strong>du</strong><br />
vainqueur la <strong>par</strong>ure <strong>du</strong> vaincu : il avoit foin à la vérité<br />
de dire qu'il fe <strong>par</strong>oit des dépouilles des perfes ; mais<br />
il en avoit pris aufli les mœurs, & l'orgueil <strong>du</strong> vêtement<br />
amenoit à fa fuite î'infolence <strong>du</strong> coeur. Aux lettres<br />
qu'il envoyoit en Europe il appofoit le cachet df<br />
fon ancien anneau, & pour celles qu'il écrivait en<br />
Afîe il fe fervoit de l'anneau de Darius ; ce qui fembloit<br />
<strong>mont</strong>rer qu'une feule tête n'eft pas fuffifante au<br />
bonheur de deux. Ses courtifans, fes gardes, & avec eux<br />
les chefs des troupes, malgré leur répugnance n'ayant<br />
©fé.s'y refufer, avoient pris <strong>par</strong> fes ordres l'habille*<br />
'ment perfien. Trois-cents foixante concubines, autant<br />
qu'en avoit eu Darius, rempliflbîent fon palais ; tk<br />
elles avoient à leur fuite des troupes d'eunuques, accoutumés<br />
eux-mêmes comme des femmes à une infâme<br />
proftituîion.<br />
15. Ces excès, provenus <strong>du</strong> luxe & de îa contagion<br />
des mœurs étrangères, étoient dételles tout haut <strong>par</strong><br />
les vieux foldats de Philippe, gens qui n'entendoient<br />
rien aux raffinements de la volupté ; & dans le camp<br />
tous s'accordoient à penfer & à dire, qu'on avoit<br />
per<strong>du</strong> <strong>par</strong> la victoire plus que nevaloientîes conquêtes»<br />
qu'ils étoient eux-mêmes vaincus <strong>par</strong> cet afferviflemen|<br />
à des ufages indécents & étrangers ; que , pour prîn<br />
d'une fi longue abfence, ils retourneroient chez eu*<br />
vêtus comme des efclaves ; que déjà ils fefoient bontt<br />
•à Alexandre, plus femblabîe en effet aux vaincus qu'auf:<br />
•.vainqueurs, & de roi de Macédoine devenu fatrape df<br />
•Darius. Ce prince, qui n'ignoroit pas que les premier*<br />
àt fa Cour & l'armée entière étoient grièvement choqués,<br />
eflayoit de regagner leur affeûion <strong>par</strong> fa libé*<br />
sauté & <strong>par</strong> des préfents ; mais je crois qu'à de?<br />
hommes libres le prix de la fervitude eft toujours défagréable.<br />
Pour aller donc au devant de îa fédition , îl<br />
fâiloit interrompre <strong>par</strong> quelque entreprife de guerre<br />
le loifir où l'on étoit* & il s'en préfentoit une occafioa<br />
bien favorables car Beffus, ayant pris la robe<br />
P iv
344 LIBER VL CAP. FL<br />
Artaxêrxem appelUri fi juffèrat % fcytUasque &><br />
cèleras Tandis accolas contrahebaL Hec Satitartanes<br />
nunàabat ; quem, receptum in fidem 9<br />
regioni quam antea pbtinuerat praficit. Et 'quum<br />
grave fpoiiis ap<strong>par</strong>atuque hxurm agmen vix<br />
moùeretur ; fkas primum, deinde tonus extrckûs<br />
farcïnas 9 excepiis admo<strong>du</strong>m necejfariis s confirri<br />
juffit in médium : pianitits fpaiiofa erat in quam<br />
vekicuia onuft'a per<strong>du</strong>xerant ; exfpeëantibus cunctis<br />
quid deinde effet imperaturus f jumenta jujpt<br />
db<strong>du</strong>ci, fuisque primum farcinis face fubdita y.<br />
ceteras ïncendi prœcepit. flagrabant, exurentièm<br />
dom'mis, qum utintaEla ex urbibus hoftium râpèrent„<br />
fape^flammas refi'mxerant^ nuïïo fanguinu prertium<br />
audente de fiere9 quum régi as opes idem ignis<br />
êxureret. Brevis deinde oratm miûgavit dolorem £<br />
kabilesque militm & ad omrâa <strong>par</strong>ati, lœtabaMmr<br />
farcinarum potim quam difcipiinm fici£t.<br />
jaêuram.<br />
i& 'fgitur Baërianam rtgïonem peteBamt.. Sei<br />
Micamfp Parmenioms filius , fubitâ morte correptus,.<br />
magno defiderio fui afftcemt. am&os ;<br />
rex, antt omnês mstftus., cupiebat quidem fu&*><br />
fifltre fumri adfuturus, fid penuria commeatuum<br />
jeft'mare cogebat : itaqut PhUotas mm il -milli-<br />
''bus &• ne rtUëus* ut jufta fratri perfdveret ;<br />
ipfe ' contenait ad Beflum. her fadenti litem ei<br />
ajpruntur a finitïmis Jatra<strong>par</strong>um è quibûs cognofm*<br />
Beffum quUem koftiîi anima oeccurrtre cum<br />
exercim ;, ceterum. Satibat^anm z quem fatrapm
LITRE VI. CMAP. VI 345^<br />
royale , fe fefoit appeler Armxêrxes, & leroît des^<br />
troupes chez les fcythes & les autres > peuples qui<br />
habitent les rives <strong>du</strong> TaBa'is,: il, en était - averti <strong>par</strong>.<br />
Satibarzanes, qui lui avoit prêté ferment » & à qui il<br />
a voit ren<strong>du</strong> le gouvernement dont il jouïflbit au<strong>par</strong>avant.<br />
Mais l'armée étant fi chargée de butin & de fuperiuités<br />
f qu'elle avoit peine à fe mouvoir j il fit expo- -<br />
fer en public premièrement fon propre bagage, puis<br />
ceux de toute l'armée ? à la réfe'rve'des choies les plus-'<br />
néceffaires : c'étoit dans use vafte plaine qu'on avoir<br />
mené les chariots qui en étoient chargés 5 & comme.<br />
tout le-monde étoit 'dans l'attente'de ce qu'il alloit<br />
ordonner, il fit retirer les chevaux ,• & après avoir<br />
mis lui-même le feu à ce qui lui ap<strong>par</strong>tenott, il commanda<br />
qu'on brûlât de même tout le refte. Ainfi périffoient<br />
dans le feu, qu'allumoient les propriétaires<br />
mêmes", des richeffes que foiivênt ils n'avôient enlevées<br />
entières des villes ennemies qu'en éteignant le<br />
feu qui les dévoroit; & perfonne n'eût'ofé regretter<br />
des effets qui étoient le-prix de leur fang, puifque<br />
ceux mêmes <strong>du</strong> roi étoient confumés <strong>par</strong> les mêmes<br />
flammes. Une courte harangue les confola énfuite ; &<br />
avec les difpofitions qu'ils avoient pour la guerre &.<br />
pour tout entreprendre, ils fe félicitoient d'avoir per<strong>du</strong><br />
leurs bagages. plus tôt que leur 'ancienne difcipîine.<br />
16. Ils fe pré<strong>par</strong>oient donc à tourner leurs'pas vers<br />
la Baftriane. Mais Nicànor > fils de Parménïon, enlevé .<br />
<strong>par</strong> une mort fubite,' avoit laiffé des regrets à tout ïe<br />
monde ;
346 LIBER FI CAP. VL<br />
ar'mrum ipfi pmfecifet., deficiffe ab eo. Imqse *<br />
quamquam Beffo immmebat , tamen ad Saàbar~<br />
IOMB opprimen<strong>du</strong>m prmverii optimum ratus , k~<br />
vem armamram & equeftres copias t<strong>du</strong>ck, totâque<br />
mai firenuè fa£b kïmrt ,• improvifus hofiï<br />
jupervenit. Cujus cognito adventu , Saùbar^anes w<br />
cum il mlÏÏêus equitum , nec enïm paires fitbko<br />
contrahï poterant, Boita perfugk ; tettri proxïmos<br />
<strong>mont</strong>es occupaverumt. Prmrupta rupes trot quâ<br />
fpiBdt Ocàdenam ; eadem, qui vergkad Orientent.<br />
kmùfi fubmifia faftigm , muMs amoriàm obfita *<br />
' peremnem habet fonum ex qw largm aqum manant<br />
: çircmmkus ejus xxx & 11 flaSa comprehendk<br />
; m vertice herbi<strong>du</strong>s campus : m hoc multkudmem<br />
îmbelkm confidtre jubent ; ipfi, qui<br />
rupes fédérât, arborum truncos & faxa obmolummr<br />
; XW millia armata étant»<br />
17. In fmrum obfidione Craten nBêb,- ipfe<br />
Satibarianen fequi feftinat ; fr quia imgiàs eum<br />
abeffe cognoverat, ad expugnandos eos qui eika<br />
<strong>mont</strong>ium occupaverant redit, ac primo repurgad<br />
jubet quidquïd ingredi poffent. 'Deinde ut occur-<br />
rebant mvm cotes pmruptmque rupes r<br />
irrkus<br />
labor videbatur obfimte naturd : ilk , ut .ernt am-<br />
' mifemper obiu&antk di^cdtatêus 9 qutm & pro~<br />
gredi ar<strong>du</strong>um.-&- reverû pencukfum effet r wfabatji<br />
ad owmès coskatmmes , aiiud atque aMud ,<br />
ka ut foeri foiet mi prima -quaque dammwms p<br />
fubjkiinte animo ; hœfilanû, quoi ratio non pond*<br />
,' forïuna .couJUium frbmimpavk. Vehemens<br />
'Fayoniùs- erat£ & muitammaseriam ceuderat mi-
LIVRE VI. CMâP. VL '347<br />
sMtoît encore révolté. Sur cet avis, quoiqu'il en voulût<br />
direftement à Beffus, jugeant néanmoins que îe mieux<br />
étoit de tourner d'abord contre Satibarzanes -afin de<br />
le furprendre, il emmena fon infanterie légère avec<br />
fa cavalerie s & ayant fait diligence toute k nuit 9 il<br />
tomba fur l'ennemi à l'imptovifte, A îa nouvelle de fon<br />
arrivée, Satibarzanes s'enfuit à Baftres avec deux-mille<br />
chevaux, n'ayant pu tout d'un coup en mettre fur pied<br />
en plus grand nombre ; le relie s'em<strong>par</strong>a des mon»<br />
îagnes voifines. 11 y avoit là un roc efcarpé <strong>du</strong> côté<br />
de l'Occident ; mai* <strong>du</strong> côté de l'Orient, il a une pente<br />
plus douce, eft couvert de beaucoup d'arbres , & jouît<br />
d'une fource d'où coule fans ceffe une eau abondante :<br />
ce roc a trente-deux ftades de tour ; & à fon fommet<br />
eft une plaine fertile en herbes : c'eft là que les ennemis<br />
logèrent tous ceux qui n'étoient pas en état de<br />
combattre ; pour eux, ils fe -fortifièrent fur la pente<br />
de la <strong>mont</strong>agne avec des troncs d'arbres &des quartiers<br />
de rochers ; ils étoient au nombre, de treizemille<br />
hommes armés,<br />
17. Le roi, ayant laiffé à Cratère la commiflion de<br />
les bloquer, fe hâta de pourfuivrê Satibarzanes 5 puis<br />
ayant appris qu'il étoit déjà trop loin, il revint pour<br />
.donner la chaffe à .ceux qui s'étoient em<strong>par</strong>és des foinmets<br />
des <strong>mont</strong>agnes , & fit d'abord nettoyer tout ce<br />
qui étoit abordable. Comme on ne rencontrok plus<br />
'après cela que hauteurs inacceffibles & rochers efcarpés,<br />
il femblok que c'étoit peine per<strong>du</strong>e de vouloir<br />
forcer les ©bftacles de la nature : mais comme il avoit<br />
un courage qui fe roidiffbit toujours contre les difficultés,<br />
voyant qu'il étoit également difficile d'avancer<br />
• & dangereux de reculer, il rouloit dans fon efprit touWs<br />
.fortes de projets qui fe fucçédoient l'un à l'autre,<br />
comme c'eft l'ordinaire dans ces moments d'irréfolu*<br />
tien où l'on condamne tout ce qui fe préfente;<br />
dans cette perplexité f la fortune lui fournit un expédient<br />
que la raifon n'avoit pu lui infpirer. Un vent<br />
d'Oueft fottffloit violemment j & le foldat, pour fe faire<br />
P vj
3# LIBSJL FI. CAP. FI.<br />
' les ,* aditum per fdxaf molitus t kac vaport tôt**<br />
rida inaruerat ;. ergo aggeri alias arbores Jubet'^<br />
& igni dan alimenta r celeriterque .fiîpkibus cumur<br />
lotis fafiigium <strong>mont</strong>is aquatum efî*. Tune undiqùc<br />
ignis injeaus cunBa comprekendtf : fiammam in<br />
ora kofiium. ventus. firebat i fumus ingens velut<br />
quâdem nube abfionderat ce<strong>du</strong>m; -fimabant incendia<br />
JUva ;.- aêque ta. quoqut qaa- non- incenderatmUes,<br />
conetpio. igné,. proxima quoique a<strong>du</strong>rebant..<br />
' Barbari Jupplkiorum ultimum > fi qui- intermo**<br />
' rtretur. ignis , effugere tentabant ^ fid qua flamma<br />
dederat tocum, kofiis obfiabat : varia igitur<br />
cmde confumti funt ; al'ii in medios ignés , aiii ut<br />
petras pra.dpita.vere fi ;. quidam manibus kofiium<br />
fi obtmerunt i pmd fimïufidaû vemrc m poîefitatenu<br />
18. -Mine ad Cratèrum', qui Artacâcnam oèfîdébat<br />
s redit r Me , omnibus pra<strong>par</strong>atis , régisexfpeëubat<br />
aèventum* capta-urbis- titulo-, ficutpdr<br />
trat * cèdent. Igitur Aîexander mires admoveri<br />
jubeti ipfoqut. afpe&u terrid barbari, e mûris Ju-pinas<br />
manus- tendantes » orare emperunt y iram ut<br />
Satibarçanen dtfiBioms auMorem refir%arit x fup~<br />
plicihus fimet dedentibus- <strong>par</strong>ceret 1 rex $c data'<br />
veniâ,. non obJuHomm. modo- falviî ^ fid omniafm<br />
imolh reddidit^ Ab km- urée 'digrejfb fupplementum<br />
novorum miiimm occumt t Zoilus i> équités<br />
ex Gracia ad<strong>du</strong>xtrat ; lit millia- ex Eiyricù-<br />
Antipater mifirat ; tktjfali équités- cr 6r xxx cum*.<br />
Pkilippo erant ;. ex Lydidir milita & n c* pèregrima<br />
miles % advcmUnt^ ecc équités gmtis cjjus*r
LIVRE VL CiïdF. VI. j4$<br />
art- chemin- à traveis ks mchen, avoir coupé quan~<br />
.tiré de bois-: l'ardeur <strong>du</strong> foleil avoir fécbré ces abatis,^<br />
ce qui fuggéta au roi l'idée de Caire enteffer d'autres,<br />
arbres <strong>par</strong> deffus pour fournir des aliments au feu, ëc<br />
lientôîies troncs accumulés s'élevèrent à la hauteur delà<br />
<strong>mont</strong>agne. Le feu qu'on y mit alors de tout cotécmbrafa*<br />
toute cette maffe : le vent portoif la flamme<br />
au vifage des ennemi»; une fumée horrible dérobofrr<br />
comme \m épais nuage,- la vue <strong>du</strong> ciel ; les bois» retentiflbient<br />
<strong>du</strong> bruit des flamm.es ; &.les <strong>par</strong>ties mêmes :<br />
que le foldat a'avort point embrafées-, venant à prendrefeu<br />
% portoient l'incendie de proche en proche. Si le<br />
fe.u s'éteignoit quelque <strong>par</strong>t, les barbares eflayoient<br />
de fe dérober <strong>par</strong> ce vide au-plus affreux des fùpplices r<br />
mais dans les endroits où la flamme laiffoit un paf-<br />
Cage, rennemî fefoit face: ils périrent donc de différentes<br />
manières ;. ily fe précipitèrent, les uns au<br />
milieu des feuxs les autres fur les rochers ; quelques.uns<br />
fe jetèrent dans les armes de leurs ennemis ; on ;<br />
»*en- pfit que fort peu qui étoîent à demi brûlés.<br />
1.8. -Le roi fe rendit de ,!à auprès de Cratère , qui"<br />
affiégeoit Artacacne r cet officier f ayant fait toutesles<br />
difportions, attendôît l'arrivée de fbn.maître,,,pour<br />
lui îaiffer, comme il convenoit r l'honneur de prendre<br />
cette ville. Alexandre fit' donc approcher les* tours ^<br />
& les. barbares* effrayés à cet afpeét, tendant Humblement<br />
ks mains de deffus les murailles,. le prièrent:<br />
de ' réferver fa "coîère contre Setibarzanes q&* étoir<br />
Fauteur de la* révolte , 8e d'é<strong>par</strong>gner des malheureux<br />
€|ui implordient fa clémence & fe fôumettoient volontairement<br />
: le roi -leur fit grâce r & non- content de*<br />
lever le fiège , il rendit tous leurs, biens aux habitants.<br />
Après avoir abandonné cette ville ,, il rencontra un\<br />
jfenroct de .nouveaux foldats :• Zoïleavoife .amené cinqcents<br />
chevaux de Grèce; 1Antipater en .avok'envoyétrois*mille<br />
dlllyrie ; il y en avoit cent-trente de Tliejfclie<br />
fous la con<strong>du</strong>ite xle'Philippe'; & *il etoft arrivé<br />
de Lydie deux-mille £x-eenîs. foldats. étrangers,. fuivis
5^o LIBER VL CAP. FIL<br />
dm fequebantur. Mat manu adje&d drmgas per*<br />
venu ; bellieofa natto eft : fatrapes erat Bar-»<br />
laëntes, fcekru in regem fuum <strong>par</strong>ticcps Sejfo ;<br />
u, fuppticiorum qum meruerat metu, profugk in<br />
Indiam.<br />
VIL Jam normm dkm flaûva iront , quum^,<br />
extemâ vi non inserritus modo rex fcd invUhu ,<br />
mteftino facmore petebatur. Dymnm , modkm<br />
apud regem auMêrkatis & gratm, exoleti, cm<br />
Ivicomacho erat nomen, amore fiagrabat, obftquio<br />
uni fibi didiû corporîs viêÊus* 1s , quod ex<br />
vidtu quoque perfpki poterat, fimtlh attomto,<br />
remous arbkrh , mm juvene feceffit in iempium,<br />
'arcana fe & filenda afferre prafaius ; fufpenfumque<br />
exfpeBatione per muiuam carkatem &<br />
pign&ra utriufque animi romt9 m affirmet jurejurando<br />
qum commififfct fueittio effe teêurum : &<br />
Mie , raius nihU quod et'mm cum perjurw detegem<strong>du</strong>m<br />
foret indkatumm , per prafentes deos jurai.<br />
Tum Dymotus aperk $ int tertium diem mfidks<br />
régi com<strong>par</strong>atas, feque ejus confilii fortitus vins<br />
& illuftribus effe <strong>par</strong>ticipent. Quitus juvenk audku<br />
, fe vero fidern in <strong>par</strong>rkidio dediffe conf<br />
ianter atnuit, me ullâ religion* ut feelus tegat<br />
pojfe conftringL Dymnus , & amore & metu<br />
amens-s dextram exoleti complexus & lacrimams s<br />
orare primum , ut <strong>par</strong>ticeps confiai operuque fieret<br />
; fi id fuflmere non pojfet, attamtn ne proderet<br />
*fe , cujus erga ipfum benevokntim prater<br />
alia quoque haberet fortiffimum pignus , quod<br />
caput fuum permifijfet fidei adhuc inexpertm. Ad<br />
idtimum averfari feelus ptrfeverantem metu morth<br />
te net; ab ulo'cap'iie conjurâtes pukherrimum
L'IVRE FI. CHAP. VIL 551<br />
ie trois-cents chevaux de la même nation. Avec ce<br />
renfort il arriva chez les dranges, peuple belliqueux:<br />
leur fatrape étoit Barzaëntès t " complice <strong>du</strong> régicide<br />
de Beffus; mais craignant de fubir le fupplice qu'il avoit<br />
mérité , il s'enfuit dans l'Inde.<br />
VIL II y avoit déjà neuf jours que Ton étoit campé t<br />
quand le roi, non feulement intrépide mais invincible<br />
contre les attaques <strong>du</strong> dehors , fe vit expofé à un<br />
attentat domeRique. Dymnus, qui n'avoit auprès <strong>du</strong><br />
roi que bien peu de crédit & de faveur 9 aimoiî paffionnément<br />
un débauché, sommé Nic&macke, qu'il"<br />
croyoit ne s'être proftitué qu'à lui. Ce Dyronus, d'un<br />
air éper<strong>du</strong> , après aveir écarté tous les témoins, tire le<br />
jeune hojnme à l'écart dans un temple, & lui annonce<br />
d'abord qu'il va lui apprendre des chofes fecrètes & qui<br />
"ne doivent point être révélées ; après l'avoir tenu en<br />
fufpens, il le prie, <strong>par</strong> l'amour qu r iîs ont Tue pour<br />
l'autre & <strong>par</strong> les gages .réciproques de leur affe£tionf<br />
de jurer qu'il gardera le filence fur ce qu'il va lui<br />
confier : celui-ci, perfuadé qu'on ne lui dira rien qui<br />
doive être révèle* malgré le ferment, fait celui qu'on<br />
exige en atteftant les dieux pré fe ai s dans le temple.<br />
Alors Dymnus lui déclare ' que dans trois jours on<br />
exécutera une conjuration contre le. roi, & qu'il a<br />
<strong>par</strong>t à ce projet avec des gens de cœur & d'une qualité<br />
distinguée. Sur cela le jeune homme proteRe confîamment<br />
qu'il n'a pas engagé fa foi pour un <strong>par</strong>ricide f<br />
& qu'aucun ferment ne l'oblige à garder le filence fur<br />
cet attentat. Dymnus, éper<strong>du</strong> d'amour & de crainte,<br />
prend la main de fon ami , & les larmes aux îeux II<br />
le prie d'abord de prendre <strong>par</strong>t au projet & à l'exécution<br />
i maïs s'il ne peut s'y réfoudre f <strong>du</strong> moins de<br />
me pas trahir un homme, qui, outre bien d'autres<br />
marques d'attachement* lui en donne actuellement la<br />
plus forte ' preuve, en confiant fa vie à fa bonne foi<br />
fans l'avoir encore mife à répreuve. Le voyant pouffer<br />
}ufqu*au bout fon averfion pour ce crime, il effate de<br />
l'ébranler <strong>par</strong> la crainte de la mort, en l'aflurant que
jft LIBER VI. CAP: FIL<br />
fac'mus inchoatttros. Aliâs demie effemînamm &<br />
muïïebriter tlmi<strong>du</strong>m , allas proditorem amatorls<br />
appellans , mine ingentia promimns mter<strong>du</strong>mque<br />
regnum quoque , verfabat animum tanto facinore<br />
procid aèhorrentem* StriBum demie giadium moda<br />
illius modo fito admovens juguh , fuppkx idem<br />
& tnfiftus, expreffit tandem , ut non folum filennom<br />
ftdetmm operam polliceretur : namque abonde<br />
conftantis ammi, & digmts qui .pudkus effet,<br />
nihil • ex priftind voluntate mutavtrai ; fed fe ,taptum<br />
Dymm amore , fitmâabat nihil recufare.<br />
Scifcitari inde perpt 9 cum quibus tantôt rei focietatem<br />
buffet; plurimum riferre quales viri tam<br />
memorabili operi admoturi manus effent* Elle , &<br />
amore & fcelen malefarms , firmd grattas agit,<br />
fimul gratidatur, quod fortiffimis juvenum non<br />
<strong>du</strong>bkaffet fe jungere , Dtmetrio corporis aiftodi,<br />
Peucolao , Nkanori ; adjkit his Apkafetum 9<br />
Lmeim, Dioxermm, ArchepoUm % & Amyntawu<br />
20. Ab hoc fermant dimiffus Nicomachus, ad<br />
fiatrem ( Cebalino erat nomen ) qua: acceperat<br />
defirt. Placet ipfum fuhfifiere in tahernaculo ,<br />
ne, fi regiam mtraffet non affuetus adiré régent,<br />
cûnjuraà proditos fe tffe refàfcerenu- Ipfe<br />
Cebalmm ante veftibulum regia , neque enim<br />
propius aditus ei patebat 9 confiait r epperiens<br />
aUquem ex prima cohorte amicorum qua iatro<strong>du</strong>ceretwr<br />
ad regêm. Forte ceterh dimiffis 9 mus<br />
Philotas , Parmemonis filins, imertum quam ofr<br />
caufam , fubffliterat m rend ; huic CebaMmis,<br />
ère confufo ' inagn® pcrturhationïs notas pra fe.
hiVRE VI. CHAP. FIL Jç'J<br />
€?€& <strong>par</strong> iui que les . conjurés commenceront cette<br />
brillante .entreprife. M rappelle tantôt efféminé & pol~<br />
iroa comme une femme, tantôt traître à l'homme qui<br />
Faime le mieux ; dans cfautres moments il lui promet<br />
des merveilles,. quelquefois même jufqu'à un royaume j<br />
il le tourne ainfi de tout côté fans pouvoir affoiblir en<br />
lui l'horreur nd crime. Il tire enfin fon é*pée*»<br />
& la portant tantôt à la gorge <strong>du</strong> jeune homme , tantôt<br />
à îa Tienne, fuppliant & menaçant tout à îa fois , il '<br />
lui arrache enfla îa promeffe, non feulement de fe<br />
taire , mais même d'agir : car cet homme*, d'une confiance<br />
rare, & digne d'avoir des mœurs plus honnêtes.,,<br />
n'avoit réellement rien, changé à fa première réfolutioa<br />
i mais il feignit que p <strong>par</strong> tendreffe pour Dymnus +<br />
il ne pouvort lut rien refufer» 11 lui demanda enfuite avec<br />
qui il s'étoit affbcié pour une affaire de fi grande confé-»<br />
quence ; que rien nlmportoitplus que le choix descoopérateurs<br />
dans une entreprife fi mémorable. Dymnus p<br />
à qui fà paffion 8c. fon. crime avoient ôté le jugement p<br />
fe répand tout enfemble en aôions de grâces & en<br />
félicitations,. de ce que Nicomache n'avoit pas craint<br />
• de fe- joindre à la Jeunette la plus brave % à Démé.*<br />
•trius capitaine des gardes, à Peucolaîis, à Nicanor; il<br />
y ajoute Aphœbétus % Locée % Dioxènes % Archépolis „<br />
20. Nicomache, congédie après cette eonverfation „<br />
alla rendre ce qu'il avoit appris à fon frère, nommé<br />
Cibaïïnus. Il fut arrêté que le premier refteroit dans<br />
fa tente & de peur que, s'il entroitchez le roi n'ayant<br />
pas coutume d'y <strong>par</strong>oitre, les conjurés ne s*apperçuffent<br />
qu*ils étoient découverts. Quant à Cébalinus ,,<br />
il fe tint devant le veâibule <strong>du</strong> roi, nfayaot pas droit<br />
d'aller plus avant, & il attendit quelqu'un des principaux<br />
courtïCans pour l'intro<strong>du</strong>ire auprès <strong>du</strong> prince*<br />
Tous. les autres <strong>par</strong> hafard étant fortis „ Phiîotas y<br />
fils de Parménion % étoit refté feul avec lui on ne fait<br />
pourquoi : Cébalinus, donnant <strong>par</strong> fon air confus toutes<br />
les marques, d'un grand trouble » lui découvre ce qu'il
354 'LIBER VI. CAP. FIE<br />
ferem , aperk qua ex fratre compererat, & fine<br />
amëatkme nunciari régi jubct. Philotas, laudato<br />
€0 , prot'mks intrat ad Akxandrum ; multoque<br />
invicem de alîis rébus confumto fermone 9 nikil<br />
eorum qua ex Cebalîno cognoverat nunciat* Sxb<br />
yefperam eum prodeuntem in veflibuio regia excipit<br />
juvenis, an mandatum exfequutus foret requirens<br />
; UU , non vacaffe fermons regem caufatus ,<br />
difcejjit. Poflero die Çebdbms vementi in regiam<br />
pmfto eft , intrantemque admomt pridie commu-<br />
.nicata cum ipfo rei; ilk cura fibi effe refpondk,<br />
ac m tum quidem régi qua audkrat aperk, Coeperat<br />
Ctbalino effe fufpeBus ; kaque non ' ultra<br />
interpellan<strong>du</strong>m rams, nobili juveni ( Metroe erat<br />
ei nomen ) fuper armamentarium pqfito 9 quod fcelus<br />
<strong>par</strong>aretur indicat : Me Cebalîno in armamen-<br />
' tario"'abfcondito, protmus regi$ corpus forte curants,<br />
quid ei index detuUffet oflendit.<br />
21. Rex , ad comprehenden<strong>du</strong>m Dymnum miffs<br />
fâtelBtibw , armamentarium intrat : ibi Cebalinus9<br />
gaudio eiatus, Habeo te, inquk, incolttmem,<br />
ex impioram masibus ereptum ! Perçoit*<br />
tatus deinde Akxander qua nofcenda iront ,<br />
ûrdine cunBa cognofck : rursusque mflkk quarere,<br />
quotus dies effet ex quo Nîcomachus ad eum detuliffet<br />
ïndicïum ; atque ilio fatente jam tertium<br />
effe , exiftimans haud mcorruptâ, fide tanto pofi<br />
déferre qua audierat, v'mciri eumjuffki Mie CMmitare<br />
cœpk, eodem temporis momento quo atsdif<br />
fet ad Phihtan decurriffe ;, ab eo percontaretur.<br />
Rex item quarens, an PâUotam adiffet, an mfiitiffet<br />
ei ut perveniret adfe; perfeverante eo affirmait<br />
qua dixerat , manus ad ce<strong>du</strong>m ttndem,<br />
mananûbus iacrimis, hanc fibi a cariffmo quon-
LIVRE VI. CHAP. FIL .355<br />
mvoit appris de fon frère, & îe prie d'en inftraire le<br />
roi fans délai. Philotas, après lui avoir donné des<br />
louanges , rentre auflitôt chez Alexandre ; ils s'entretiennent<br />
long temps d'autres objets , & le courtifan<br />
ne lui dit pas un mot de ce que Cébalinus lui avoit rapporté.<br />
Comme il fortoit fur le foir, le jeune homme<br />
le prend à la porte dir veftibule, & lui demande s'il<br />
a fait ce dont il l'avoit prié ; celui-ci donne pour raifosi<br />
qu'il n'a pu <strong>par</strong>ler au roi f & fe retire. Le lendemain<br />
Cébalinus fe préfente à lui comme il entroit<br />
chez le roi , & lui rappelle ce qu'il lui a communiqué<br />
la reille; il lui répond qu'il y penfe férieufement,<br />
.& .cependant il ne dit encore rien au roi de -ce qu'il<br />
avoit appris. Cela commence' à le rendre fufpeét à<br />
Cébalinus 1 jugeant donc qu'il ne falloit plus s'adreffer<br />
à lui, il découvre l'attentat qu'on médite à un Jeune<br />
.feigneur, nommé Mitron, qui avoit l'intendance de<br />
l'arfenal : il y cache Cébalinus , & va fur le champ<br />
rendre compte de cette délation au roi 9 qui <strong>par</strong> hafard.<br />
étoit alors dans le bain,<br />
ai. Le roi envoie d'abord des gardes pour arrêter<br />
Dymnus, puis il paffe à l'arfenal : auflitôt Cébalinus<br />
s'écrie , îranfporté de joie > Je vous vois donc enjtm<br />
hors de danger, & fauve des mains des méchants! Alexandre<br />
l'ayant enfuite interrogé fur tout ce qu'il défiroit<br />
de favoir, il en apprit tout le détail : il revint<br />
à lui demander depuis combien de jours Nicomache lui<br />
avoit fait ce rapport ; &r fur fon aveu qu'il y avoit<br />
trois jours f le roi penfant que ce n'étoit pas fans coanivencequ'il<br />
révéloit fi tard ce qu'il faToit » le fit mettre<br />
aux fers : Cébalinus s'écria , que f dès l'înftant qu'il<br />
en avoit eu l'avis, il s'étoit hâté de s'adreffer à Philotas<br />
} qu'on pouvoit le favoir de lui. Le roi lui demanda<br />
encore, s'il s'étoit adreffé à Philotass $*il avoit<br />
infifté pour lui être préfenté ; & comme il perfifta à<br />
foutenir la vérité de ce qu'il avoit dit, le prince f<br />
levant alors les mains au ciel, fe plaignit avec larmes<br />
de trouver une telle reconnoiflânce dans un homme
35^ LIBER VI CAP. Vil.<br />
dam amicorum reiatam gratiam querebatur. Inter<br />
hmc Dymnus, haud ignarus quam ob caufam<br />
acccrfcretur à rege, ghdio quo forte eraî cinéhs<br />
graviter fe vulnerat ; occurfuque JateUitum inkibitus<br />
, perfertur in regiam. Quem intuens rex ,<br />
Quod , inquit, in te , Dymne , tantum cogLtavi<br />
nefas9 ut tibi macedonum regno dignior<br />
Philotas me quo que ipfo vider etur ? Ilhim jam<br />
defecerat vox ; haque , cdito gemitu vulluque à<br />
confpe&u régis averfo, fub'mde coUapfus exfiinguitur.<br />
22. Rex 9 Phïhtâ venire In reglam jujfo ,<br />
Cêbalinus f inquit 9 ultimum fupplicium meritus<br />
fi in caput meum prae<strong>par</strong>atâs infidias bi<strong>du</strong>o<br />
texit , hujus criminis reum Philotan fubflkult t<br />
ad quem protinès indicium detuliffe fè affirmât.<br />
Quo proplore gra<strong>du</strong> amicitia me contingis ,<br />
boc majus eft diffimulationis tuae facinus ; &<br />
ego Cebalino magis quam Philotae id convenire<br />
fateor : faveetem habes Judicem, û quod admltti<br />
non oportuit faltem negarï poteft. Ad hoc<br />
Philo tas, haud fane trepi<strong>du</strong>sfi animas vuku œftï- '<br />
maretur, Cebalinum quidem fcorti fer <strong>mont</strong>ai ad fe<br />
detuliffe, fed ipfum tam levi auBori nihil crédit<br />
diffe refpondit, veritum ne jurgium inter amato~<br />
rem & exolttum non fine nfu atmrum detuliffet ;<br />
quum Dymnus mteremerit fe ipfum , qualiacum-que<br />
erant non fiàjfe reticenda : complexusque<br />
regem orart cctpit, ut prateritam vitam potius<br />
quam culpam , filentii tamen non fafli uttius ,<br />
intueretun Haud facile dixerîm , credideritne es<br />
rex an altius iram fupprefferit ; dextram reconciliam<br />
gratiœ pignus obtulii, & contemtum ma*»<br />
gis quam ceLzium indicium ejfe videri fibi dixiu
LIVRE VI. CM A p. VU 357<br />
qui étoit depuis long temps îe plus cher de fes amis.<br />
Cependant Dymaus, qui n'ignoroit pas pourquoi le roi<br />
fenvoyoit chercher , fe bleffa grièvement de Pépée<br />
qu'il avoit <strong>par</strong> hafard à fou côté ; & les gardes, l'ayant<br />
efrnpêché d'achever, le portèrent chez le roi. Ce prince<br />
l*envifageant, De quel fi gsamd crime me erois-tu cou~<br />
fmbh tmvers mi, Dymnrn, lui dit-il, pour juger Phi"<br />
I&ias plus digne que moi <strong>du</strong> royaume de Macédoine?<br />
Mais il avoit déjà per<strong>du</strong> la <strong>par</strong>ole; ainfi, après un<br />
profond foupir, ayant détourné fon vifage de deffus<br />
le roi, il tomba auflitôt en défaillance• & mourut.<br />
22. Alexandre s ayant fait venir Phiîotas: Cébalinus,<br />
lin dit-il, qui eft digne <strong>du</strong> dernier fupplice s'il a gardé<br />
pendant deux jours le fient d'une conjuration tramée'<br />
contre moi, fi décharge de cette aceufation fur Phiîotas f<br />
à qui il affirme qu*il a fait aujfitot fa déclaration Plut<br />
vous awe\ de <strong>par</strong>t à mom amitié t plus votre fihnce eft<br />
trimind ; & j'avoue que et procédé eft plus croyable de<br />
Cibalinus que de Phiîotas : mais vous ave\ un juge fav&»<br />
rablement difpofét fi vous pouve^ <strong>du</strong> moins nier un crime<br />
que vous m*ave\ pas dû commettre» A cela Phiîotas répond<br />
arec traaquiîité, fi Ton peut juger de Pétat de<br />
ï'arae <strong>par</strong> l'extérieur, que Cébalinus à la vérité lui<br />
avoit rapporté le difeours d'un débauché, maïs qu'il<br />
s'a voit donné aucune croyance à une autorité fi peu<br />
digne de foi, dans îa crainte de s'espofer à la rifée<br />
ée tout le inonde en ne rendant compte que d'une<br />
querelle amoureufe entre deux infâmes ; que Dymnus<br />
néanmoins s'étant tué lui-même , il fentoit qu'il fi'sursit<br />
pas dâ garder le filence fur cette déclaration »<br />
quel qu'es pût être l'objet : embraffant alors les genoux<br />
<strong>du</strong> roi, il le. fupplia d'avoir plus d'égard à fa con<strong>du</strong>ite<br />
paffée qu'à la faute qu'il venoit de faire , & qui toutefois<br />
ne le rendoit coupable que de n'avoir point <strong>par</strong>lé<br />
& non d'avoir rien attenté. Il n'eft pas aifé de 4iref<br />
fi" le roi- Pea crut ©u s'il diffimula fon reffentiment ;<br />
nais il'fui donna la nain en figue de réconciliation,<br />
le lui 'dit qu'il lut' <strong>par</strong>oiflbit effeâivemeat avoir plui<br />
tôt méprifé que fiipprimé l'avis^
3^8 LIBER FI. CAP. FUI.<br />
WI. Advocato tamen conJUio amïcorum , cm<br />
tum Phihtas adhibitm non eft , Nicomachum in?<br />
tro<strong>du</strong>ci jubet ; is eadem qua detulerat ad regem<br />
ordine expofuit* Erat Craterus régi carus in paw><br />
cis, & 10 Ph'dotœ, ob amulationem dignkalhs 9<br />
advërsus : neque ignorabat fape Alexandri ami*<br />
eus , nmiâ jaUatione virtutis atque opéra, gravent<br />
faiffè ; & oè ea , non quidem fceUris , fed<br />
• tûMumaciœ tamen fufpeËum. Non aliam premtndl<br />
ïnimici occajîonem aptiorem futuram ratus, odio<br />
fuo pietaûs prœferens fpeciem : Utinam , inquit,<br />
in principio quoque hujus rei nobifcum délibérants<br />
! Suafiffemus, fi Philotae Telles ignofcef<br />
e , patereris potiùs ignorare eom quantum deberet<br />
tibi, quam usque ad mortis metum ad<strong>du</strong>âum<br />
cogères potiùs de periculo fuo quàm<br />
de tuo cogitare beneficio. Ille enim femper<br />
infidiari tibi poterit ; tu non femper Philotae<br />
poteris ignofcere : nec eft quod exiftimes eum<br />
qui tantum facinus aufus -eft veniâ poffe mutari<br />
; fcit eos qui tniferkordiam confumferant<br />
amplius fperare non poffe. At ego , etiam fi.<br />
ipfe vel pœnitentiâ vel beneficio tu© viûus,<br />
quiefcete volet , patrem ejus Parmemonem , •<br />
tanti <strong>du</strong>cem .exercitûs & inveteratâ apud milites<br />
tuos auftoritatc, haud multum infrà magnitudinis<br />
tuae faftigium pofitum , fcio non aequo<br />
animo falutem filii fiii debituram. tibi. Qusdam<br />
bénéficia odimus ; meruiflé mortem confiteri'<br />
pudet ; fiipereft ut malit videri 'injuriam accepiffe<br />
quam vitam : proinde fcio tibi cran iUis<br />
de falute effe pugnan<strong>du</strong>m. Salis, hoftium fuperefl<br />
, ad quos perfequendos ituri • fumus ; la*<br />
tus à domefticis hoftibus muni ; hos fi fubm'o^<br />
Tes, nihil metuo abexterno.
LIVRE- VI. CHAP. Vlll. 359,<br />
VI1L Cependant ayant convoqué le confeil de fes<br />
confidents, où Phîlotas ne fut point admis pour cette<br />
fois f il fit entrer Nicomache, qui dé<strong>du</strong>ifit <strong>par</strong> ordre<br />
îes mêmes chofes qu'il avoit dites au roi. Cratère étoit<br />
l'un des plus Intimes favoris <strong>du</strong> prince, & conféquemment<br />
ennemi de Phiîotas <strong>par</strong> rivalité : ii n'Ignoroit<br />
pas qu'il avoit fouvent importuné le roi, en fefanC<br />
gloire de fa valeur & de fes fervkes ; & que <strong>par</strong> îâ '<br />
il s'étoit -ren<strong>du</strong> fufpeâ a non d'un crime formel, mais<br />
d'une grande difpofîtion à l'indépendance. Perfuadé que<br />
jamais il n'auroit une plus belle occafion de perdre fou<br />
ennemi, & couvrant fa haine <strong>du</strong> voile de l'attachement<br />
à fon prince ; Plût à Duu » dit-il, que dès le<br />
commencement de cette affaire vous nous eu£ie\ confultés<br />
! Notre avis eût été % fi vous voulie\ <strong>par</strong>donner à<br />
Phiîotas, de lui laijfer ignorer quelle obligation il vous<br />
aurok 8 au lieu de le mettre dans le cas, en • lui fefant<br />
voir la mort de fi près f de.fe rappeler plus tôt le dan- •<br />
ger où il fe feroit vu que la grâce que vous lui aurit\<br />
faite. Car il pourra toujours machiner contre vous ; &<br />
vous m fete\ pas toujours en état de lui <strong>par</strong>donner : &<br />
n'aUe\ pas croire qu'après avoir ofé fi rendre coupable<br />
d'un fi grand crime f on puijfe être femfible à la grâce<br />
<strong>du</strong> <strong>par</strong>don; on fait bien qu'après avoirépuifé. la clémence<br />
.on n f a plus rien à-ejpérer. Mais je veux-que, touché de<br />
repentir ou de reconnoiffance pour votre bonté, il foit<br />
déformais tranquile ; je fuis fur que Parménion f fon<br />
père , à la tête d f une fi puijfante armée dont il a Vtfiimt<br />
depuis long temps, & à un degré d'élévation bien peu<br />
au dejfous de votre propre grandeur, ne vous devra pas<br />
volontiers la vie de fin fils. Il efi des bienfaits que<br />
nous avons en horreur ; ©s a honte d'avouer qu 9 on a mérité<br />
la mort ; il me refle alors qu'une reffource, c'efi de faire<br />
croire qu'on, a effuyé une injufiiee plus têt qu'obtenu grâce<br />
deJLa vie ; j'en*conclusfue vous ave\ déformais à défendre,<br />
votre tète contre eux. Il refit affe\ d'ennemis que nous<br />
devons pQurfisivri j défende\-vous feulement des ennemis<br />
iomefiiques : €€us$*€i écartés, je ne crains rien des ennemis<br />
<strong>du</strong> dehorsé
j6o LIMER VI. CA.P. VIII. -<br />
24. Mac Cratcrus ; me ieten ékêhabamî > 4 nom asmare modo, fed etiam famUtarker colloqui<br />
cum m quem damnaverat fufiimk Secundâ<br />
deinde vigdm , lumimbus extinâk , cum pauck<br />
mrngiam emmt Hephmftion , & Craterus, '& Cet-<br />
a* Tel'
LIVRé VI. CHAP. FIIL 361<br />
• 14. Tel fut le'difcours de Cratère; & îes autres<br />
me doutoient pas que , pour fupprimer l'avis de- la<br />
conjuration, il ne fallût en être l'auteur ou le complice.<br />
En effet quel feroit l'homme de bien de de bon<br />
fens, non pas de Tordre des courtifans, mais même<br />
de la lie <strong>du</strong> peuple, qui f après avoir, enten<strong>du</strong> la déclaration<br />
qu'on lui avoit faite, n'eût couru auffitôt chejK<br />
1« roi } Et l'exemple même de Cébalinas , qui lui avoit<br />
révélé ce qu'il tenoit de fon frère, n'y avoit point<br />
déterminé le fils de Parménion, le chef de la cavalerie',<br />
le dépofitaire de tous les fecrets <strong>du</strong> prince ; il avoit<br />
même feint de n'avoir pu <strong>par</strong>ler au rois afia que le<br />
porteur d'avis ne cherchât point un autre médiateur.<br />
Nicomache, quoique fous le lien <strong>du</strong> ferment, s'étoit<br />
hâté de décharger fa confcïence $ & Philotas , ayant<br />
paifé prefque tout le jour en divertiffements & en<br />
plaifanterîes , s'étoit fait une peine , dans un entretien<br />
û long & peut-être inutile, de toucher quelques mots<br />
d'une affaire où la vie <strong>du</strong> roi étoit compromife. Mais<br />
H n'avoit pas ajouté foi aux jeunes étourdis qui lui<br />
avoient fait ce rapport ! Pourquoi donc avoir traîné<br />
la chofe pendant deux jours, comme s'il y croyoit ?<br />
il auroit dû renvoyer Cébalinus, s'il défapprouvoit<br />
fon avis. Chacun, dans fon propre péril, peut faire<br />
<strong>mont</strong>re de courage & d'intrépidité ; mais quand on a à<br />
craindre pour'la vie <strong>du</strong> prince, il faut croire aifément,<br />
il faut même écouter les difcours les plus vains. Ces<br />
réflexions firent conclure unanimement à la queftion,<br />
pour le forcer à la révélation des complices. Le roi t<br />
après avoir ordonné le filence fur ce qui venoit de fe<br />
pafler, les congédia : il fit enfuite publier le dé<strong>par</strong>t<br />
pour le lendemain, afin de ne îaiffer rien foupçonner<br />
de la réfolution qui venoit d'être prife ; il invita même<br />
Philotas à fouper, ce qui fut fon dernier repas ; & Il<br />
«ut la force, non feulement de manger, mais de s'entretenir<br />
même familièrement avec ce courtifan profcrit.<br />
Vers la féconde veille, lorfque les lumières furent<br />
éteintes, arrivèrent au» palais » avec peu de gens, Hé-<br />
Tomc L Q
361 LIBER VI. CAP. Vllï.<br />
nus, 6» Erigyius ; hi ex amicis : ex armïgerh<br />
autem , Perdiccas & Leomtatus. IV hos imperatum,<br />
ut qui ad pratorium excubabant armait<br />
mgdarent.<br />
2.5. Jam ad omnes admis difpojki milites ;<br />
équités quoque itinera obJMere jujffi, ne quis ad<br />
Parmenmmm 9 qui tum Media . magnisque copiis<br />
pmerat, occultas evaderet. Attarras autem cum<br />
trecentis armatis intraverat regiam : kuic decem<br />
fatellkes tra<strong>du</strong>ntur , quorum fingulos déni armigeri<br />
fequebantur ; il ad dm s conjurâtes compre~<br />
hendendos dlftributi font. Attarras, cum trecen~<br />
tis ad Philotan miffus, claufum aditum domûs<br />
moliebatur , quinquagmta juvenum promtijfimis<br />
flipatus ; nam ceteros c'mgere undique domum Juf><br />
ferai , ne occulta aditu Pkilotas pojfet eîabi.<br />
Mum9five fecuritate animi fivt fatigatione refo~<br />
htum , fomnus opprefferat ; quem Attarras torpentem<br />
adhuc occupât. Tandem ei, fopore dif<br />
cuffo , quum injicerentur catenm ; Vick, inquit,<br />
fconitatem tuam , Rex , inimicoram acerbitas :<br />
nec plura bquutum capite velato in regiam ad<strong>du</strong>~<br />
cunt. Poftero die rex edixit omnes armati coïrent :<br />
fex mUÛa firè milkum vénérant, praterea turba<br />
lixarum cabnumque impleverant regiam ; Philo*<br />
tan armigeriagminefuo tegebant, <strong>mont</strong>e confpici<br />
pojfet à vulgo quant rex albquutus milites effet.<br />
De capitalibus rébus, vetmfto macedonum modo,<br />
mquirebat exercitus ; in pace erat vulgi ; nihil<br />
pote fias regum vakbat, nifi prias valuiffet auctoritas<br />
: igitur primum Dymni cadaver infertur,<br />
pUrisque quid patraffet quoye cafu exftin&us effet<br />
îgnaris.
LIVRE FI. CHAP. V11L 36j<br />
pheftion , Céans , & Érlgyius, qui étoient de la cour<br />
<strong>du</strong> prince; & avec eux Perdiccas & Léonnatuss deux<br />
tle fes gardes : ils donnèrent ordre à ceux qui <strong>mont</strong>oient<br />
la garde à la porte <strong>du</strong> roi s de paffer la nuit<br />
fous les armes.<br />
25. On avoit déjà difpofé des foldats fur toutes les<br />
avenues ; & de la Cavalerie fefoit le guet fur toutes<br />
les routes s de peur que quelqu'un n'allât furtivement<br />
avertir Parménion, qui commandoît alors en Médie &<br />
avoit à fes ordres une grande armée. D'autre <strong>par</strong>t Attai*<br />
ras étoit entré dans le palais avec trois-cents hommes<br />
armés : en lui donna dix fatellites s accompagnés chacun<br />
fie dix archers; & ils furent diftribués de différents<br />
côtés pour arrêter les autres conjurés. Attarras, ayant<br />
eu commiffion d'aller faifir Philotas avec fes trois-cents<br />
hommes , en prit cinquante des plus réfolus , pour forcer<br />
la porte qu'il trouva fermée ; il avoit commandé aux<br />
autres d'inveftir la maifon de toute <strong>par</strong>t, afin que Philotas<br />
ne pâtéchaper <strong>par</strong> aucune iffue dérobée. Cependant f<br />
foit fécurité de cônfcience foit accablement de laffîtude,<br />
il dormoit profondément ; & il étoit dans cet état quand<br />
Attarras le faifit. A la fin s'éreillant tout à fait lorsqu'on<br />
le chargeoit de fers ; Ah ! SâgMeur t s'écria-t-il t<br />
la méchanceté de mes ennemis a prévalu fur voire bonté !<br />
Il fe tut, on lui couvrit la tête, & on l'amena au palais.<br />
Le lendemain le roi fit affembler en armes 'tous les macédoniens<br />
: ils fe trouvèrent au nombre d'environ fixmille,<br />
outre quantité de goujats & de valets qui remplirent<br />
le palais ; la troupe des gardes couvroit Philotas,<br />
pour le dérober aux ieuxde la multitude jufqu'à ce que<br />
le roi eût <strong>par</strong>lé aux foldats. Quand il s'agiflbit de crimes<br />
capitaux, c*éteit chez les macédoniens une coutume<br />
ancienne que l'armée, en temps de guerre, ou le peuple »<br />
en temps de paix, en fût informé ; & les rois à cet égard,<br />
s'a voient aucun pouvoir s que quand ils avoient été autorifés<br />
<strong>par</strong> ce préliminaire : ainfif on apporta d'abord le<br />
corps de Dymnus, la plu<strong>par</strong>t des fpeftateurs ne fâchant<br />
si ce qu'il avait fait si pa* quelle aventure il étoit<br />
mort» Q ij
364 LIBER FI. CAP. IX.<br />
IX. Rex deinde m concionem procéda 9 vdm<br />
pmftrms dolorem animi : amicorum quoque<br />
maftitia exfpeêatwnem haud <strong>par</strong>vam rei fccerat.<br />
f<br />
Dm rex, demijfo in îerram vultu 9 attonito flu-<br />
enùqut fimilis ftttiî j tandem recepto ammo :<br />
'enè 9 inquk, Milites , paucorum hominum<br />
fcelere vobis ereptus fiim : deûm providentiâ<br />
& mifericordià vivo ; confpe&usque veftrî venerabilis<br />
cogit ut vehementiùs <strong>par</strong>ricidis irafceîer,<br />
qnoniam fùpremus , immo unus vitae me*<br />
ftuâus eft, tôt fortiffimis viris & de me optimè<br />
meritis referre adhuc gratiam poffe. Interrupît<br />
orathnem militum gemitus , obormque funt omnibus<br />
lacrimœ. Tum rex 9 Quant©, inquk , majorem<br />
in animis veftris motum excitabo , quum<br />
tanti fceleris auôores oftendero ? Quorum mentionem<br />
adhuc reformido , & , tanquam falvi<br />
cffe poflint, nominibus abftineo : fed vincenda<br />
eft memoria priftinse caritatb , & conjurari©<br />
impioram civium detegenda. Quomodo autem<br />
tantum nefas fileam ? Parmenio , illà aetate ,<br />
tôt meis, tôt <strong>par</strong>entis mei meritis devinons ,<br />
omnium nobis amicorum vetuftiffimus , <strong>du</strong>cem<br />
tanto fceleri fe praebuit : minifter ejus, Philotas<br />
, Peucolaum 9 & Demetrium, & hune Dymnum<br />
cu*|us corpus afpicitis , ceterosqoe ejus<br />
amentia in caput meum fubomavit. Fremitus<br />
undique indîgnantium querentiumque totâ concumt<br />
ebftrepebat , qualis filet ejfè multkudbûs & ma~<br />
ximè milkaris, ubi aut ftudio aptur aut ir£<br />
Nicomachus deinde 9 & Metron , & Cebalimus<br />
pro<strong>du</strong>Bi 9 qum quisque demkrat exponunt : nuttius<br />
eorum ïndicio Philotas <strong>par</strong>tietps fceleris deflina*<br />
èatur ; itaque indignatione prcjfâ, v&x iudicum<br />
s
LIVRE Vï. CHAP. IX. 365<br />
IX Le roi vint enfuite à l'affemblée g portant fur le<br />
vifage les marques d'une profonde affli&ion : celle de (QS<br />
courtifans contribuoit de même à tenir les efprits dans<br />
une grande attente. Le roi, les ieux baiffés contre terre f<br />
fut long temps comme interdit ; enfin s'étant remis , Peu<br />
s'en eft fallu, dit-il, hravts Soldats , que je ne vous aye<br />
été ravi <strong>par</strong> F attentat de quelques méchants : c'eft à la pro~<br />
vidence & à la compaffion des dieux que je dois la vie ; &<br />
la vue de cette refpeSable ajemblée juftifie d'autant plus<br />
mou indignation contre les <strong>par</strong>ricides, que le principal, ou<br />
mime tunique avantage que je trouve dans la vie t eft de<br />
pouvoir marquer encore ma reconnoiffance à tant de braves<br />
hommes à qui j 9 ai les plus grandes obligations» Ce difcours<br />
fut interrompu <strong>par</strong> les gémiffements des foldats, & il<br />
n'y en eut point à qui les larmes ne vinffient aux ieux.<br />
Combien augmenterai-je votre indignation, reprit alors le<br />
roi, quand je vous aurai fait connaître les auteurs d'un<br />
fi horrible attentat? Cependant je crains encore d'en <strong>par</strong>ler,<br />
& je m'obtiens - de les nommer > comme s'il étoit poJJibU<br />
de leur faire grâce : mais enfin il me faut oublier mon<br />
ancienne affeBion, & mettre au jour le projet de ces citoyens<br />
<strong>par</strong>ricides. Comment en effet pafferois~je fous filence un fi<br />
grand crime ? Parminion% à l 9 âge ou il eft, comblé de mes<br />
bienfaits, des bienfaits de mon pire, le plus ancien de nos<br />
confidents, s 9 eft mis à la tête ii cette abominable entreprife :<br />
• le miniftre de fis vues f Philotas f a engagé <strong>par</strong> fé<strong>du</strong>âion, •<br />
dans un complot contre ma vie , Peucolaûs > Démétrim, ce<br />
Dymnus dont vous voye\ le corps éten<strong>du</strong> devant vous ,<br />
& d'autres malheureux agités de ta mime fureur. On entendoit<br />
de toute <strong>par</strong>t dans 1*affemblée un murmure d'indi-.<br />
gestion & de'reffentiment, comme il arrive d'ordinaire<br />
dans une multitude, furtout de gens de guerre, lorfqtfelle<br />
eft tranfportée de zèle ou de colère. Nicomaehe,<br />
Métron, & Cébalinus, ayant enfuite été amenés, exposèrent,<br />
ce que chacun d'eux avoit rapporté : aucune de<br />
leurs dépofitions ne chargeoit Philotas d'avoir eu <strong>par</strong>t à<br />
^attentat ; de forte que , l'indignation générale fe calmant<br />
f iâ déclaration des témoins fut reçue dans ua<br />
Q ïl )
366 LIBER VI. CAP. IX.'<br />
fiknûo exeepta eft* Tum rex , Qualïs, înquït 9<br />
erg© animi vobis videtur , qui hujus rei delatum<br />
indicium ad ipfum fuppreffit f quod non<br />
fuiflfë yanum Dymni exitus déclarât ? Incertain<br />
rem deferens fermenta non timuit Cebalinus ;<br />
Metron ne momentum quidem temporîs diftulit<br />
exonerare fe, ut eo ubi lavabar irramperet ;<br />
Philotas folus nihil timuit, nihil credidit. O i<br />
inagei animi viram ! iftes fi régis periculo<br />
commoveretur , vultum non mutaret ? indicem<br />
tantae rei folicitus non audiret ? Subeft<br />
nimirum filentio facinus , & avida fpes regni<br />
prsecipitem animum ad ultimum nefas impulit.<br />
Pater Mediae praeeft ; ipfe , apud mpltos copiarum<br />
<strong>du</strong>ces meis praepotens viribus , majora<br />
quam capit fpirat; ©rbitas quoque meaf quod<br />
fine liberis fiim 9 Ipernitur : fed errât Philotas ;<br />
in vobis liberos, <strong>par</strong>entes, confanguineos haieo<br />
; vobis falvis , orbus effe non poffum.<br />
2,7. Epiftolam demie Parmentonls interceptant %<br />
quam ad films Nïcanorem & Philotan ferip ferai ,<br />
jteitat, haud fane indicium gravioris confilù pm~<br />
ferentem, namquefumma ejus hœc erai : Primum<br />
veftrî curam agite , deinde veftroram ; fie<br />
enim quœ deflinavimus efficiemus. Adjecitquc<br />
rex, fie effe fcrïptam ut, five ad films perveniffet,â<br />
confiais poffet intcUigi ; five Intercepta effet,<br />
faÛertt ignaros. At enim Dymnus , quum ceteros<br />
<strong>par</strong>ticipes fceleris indicaret, Philotan non<br />
nominavit ! Hoc quidem illius, non înnocentiae<br />
9 fed potenti» indicium eft, quod fie ab<br />
iis timetur etiam à quibus prodi poteft, ut f<br />
quum de fe fateantur , illum tamen cèlent»<br />
Ceteram , Philotas ipfius indicat vita : hic
LIVRE VI. CHAP. IX. 367<br />
morne filence. Quelle penfe^-vous donc, dit alors îc roi,<br />
qu l ait héla difpofition d'un homme, qui a fupprimil'avis<br />
qu*&n lui avait donné, & dont la fin de Dymnut met em<br />
évidence la vérité'?''Quoique chargé d'un rapport incertain9<br />
la crainte des tourments n f a pas empêché Cébalinus de le<br />
faire ; Métron n'a pas per<strong>du</strong> un moment pour s*en dibarraf»<br />
fer , puifqu f il s'efl empreffé de venir me chercher jufque dans<br />
h bain : il n'y a que Philo tas qui n'ait rien craint 9 qui<br />
n'ait rien cm, O quelle magnanimité! Quoi9 s'il étoii<br />
touché <strong>du</strong> péril de fin roi, il ne changeroii pas de vif âge ?<br />
il ne donneroit pas une attention inquiète au dénonciateur<br />
d'un projet de fi grande conféquence ? N'en doute\ pas , ce<br />
fiknce couvre un deffeià criminel 9 & le défir de régner s.<br />
forte fin cœur au dernier des forfaits. Le père commande<br />
en Médie ; le fils f abufint, auprès de la plu<strong>par</strong>t des chefs<br />
de mes troupes, de l'excès <strong>du</strong> pouvoir que lui ont donné<br />
mes propres forces, porte fis prétentions au delà des fienmes;<br />
il me méprifi même comme ifiU9 <strong>par</strong>ce que je fils<br />
fans enfants : mais Philotas fi trompe; je trouve en vous<br />
des enfants» des <strong>par</strong>ents 9 des proches; tant que vous<br />
vivre\ 9 je ne fiurois être fins famille,<br />
27. Il fit enfuite leûure d'une lettre Interceptée, que<br />
Parménloa avoit écrite à fes fils Nicanor & Philotas,<br />
& qui certainement ne donnoit pas le moindre Indice<br />
d'aucun deflein de conféquence, puifque telle en étok<br />
la fubftance : Àyeifiim de vous d'abord, puis des vôtres ;<br />
car voilà le feul moyen de réaiïfer nos deffeins* Et îe roi<br />
ajouta qu'elle étoit conçue de manière f fi elle <strong>par</strong>venoit<br />
à fes enfants, à être enten<strong>du</strong>e des complices , &<br />
fi elle étoit interceptée s à ne rien apprendre à ceux qui<br />
t n'étoient pas <strong>du</strong> fecret. Mais Dymnus f continua-t-il ,<br />
en fefant connoure les autres complices s n'a point nommé<br />
'Philotas ! c'efi véritablement un figne, non de fin inno»<br />
ttnce, mais de fin pouvoir', puifqu'il efi fi redouté de ceuxmimes<br />
qui peuvent h dénoncer, qu'en avouant leur propre<br />
crime, ils cachent la <strong>par</strong>t qu'il y a. Du refle f on a affe\,<br />
pour apprécier Philotas , de la vie qu'il a menée : c'efi<br />
hit qui fi rendit l'affocié & k complice d'Âmymast<br />
Q iv
i68 LIBER VL CAP. IX.<br />
Amyntee , qui mihi coiîfobrinus foit & in Ma—<br />
cedoniâ capiti meo impias com<strong>par</strong>avit infidias,<br />
focium fe & confcium adjunxit ; hic Attalo ,<br />
quo graviorem inimicum non habui, fororem<br />
iuam m matrimonium dédit; hic, quum fcripfiffem<br />
ei , pro jure tam familiaris ufûs atque amicicitiae<br />
, quaîis fors édita effet Jovis Hammonis<br />
oraculo, fuftinuit refcribere mihi , fe quidem<br />
gratulari quod in numeram deoram receptus<br />
effem , ceteram mifereri eoram quibus viven<strong>du</strong>m<br />
effet fub eo qui mo<strong>du</strong>m hominis excèderet.<br />
Haec funt etiam animi pridem alienati à<br />
me & inyidentis gîoriae meae indicia : quse quidem,<br />
Milites, quandiu licuit, in animo meo<br />
prelli ; videbar enim mihi <strong>par</strong>tem vifcerum<br />
meorum abrumpere , fi in quos tam magna<br />
contuleram vîliores mihi facerem. Sed jam nos<br />
verba punienda font, linguae temeritas pervenit<br />
ad'gladios ; hos, fi mihi creditis, PhOotas<br />
In me acuit. Id fi ipfe admifit, quo me conferam<br />
, Milites ? cui caput meum credam ï<br />
Equitatui, optima exercîtûs <strong>par</strong>ti, principibus<br />
nobiliffimae Juventutxs unum prafeci ; ialutem ,<br />
fpem, vicloriam meam fidei ejus tutelaque commifi<br />
: patrem in idem faftigîum in ouo me ipfi<br />
pofoîftis admovi ; Mediam y quâ nuÈa opulentior<br />
regio eft, tôt civium fociorumque millia imperio<br />
ejus ditionîque fubjeci. Unde prxfidium<br />
petieram, periculum exftitit. Quam féliciter m<br />
acie occidiffem , potiùs hoftis praeda quam civis<br />
viclîma ! nunc fervatus ex periculis qua<br />
fola timui, in haec incidi quae timere non debui.<br />
Soletis identidem à me, Milites, petere ut<br />
ialuti me« <strong>par</strong>cam ; ipfi mihi praeftare poteftis
LIVRE VI. CHAP. IX. 369<br />
lequel f quoique mon ceufin germain maternel 9 conjura<br />
pmdkmrmttm ma mort en Macédoine; c*eft lmit qui<br />
donna fa fmur en mariage â Àttalus, le plus déterminé de<br />
mes ennemis ; c'eft lui, qui, lorfqu f â raifin de notre liai»<br />
fon & de notre amitié je lui eus mandé la réponfe de Voracle-éU<br />
Jupiter Mammon en ma faveur, eut l f impudence de<br />
me récrire, qu f il me féUckok de ce que j'avois été admis<br />
au rang des dieux , mais que d s ailleurs il plaignoit ceu»<br />
qui avoient â vivre fous un prince fupérieur à l'humanité»<br />
Telles font les marques de fin ancienne indijpofiimn contre<br />
moi & de l'envie qu f il porte à ma gloire : & j'avoue f Sol"<br />
dais s que, tant qu'il m*a étépoJfible9je les ai diffimuUts à<br />
mon cœur ; <strong>par</strong>ce qu'il me femblok que -ce fer oit m 9 arracher<br />
une <strong>par</strong>tie des entrailles, que de me repréfenter comme mépri»<br />
fables des hommes fur qui j'avois accumulé de fi grands<br />
bienfaits. Mais il ne s f agit pas aujourdhui de punir des<br />
propos § de l'indifirétion des <strong>par</strong>oles on en cfi venu jtifqu'aux<br />
poignards; & as poignards, croyez-moi, c'eft.<br />
Philotas qui les a aiguifés contre moi» Mais s'ils*eft<br />
porté â un tel attentat, que deviendrai-je, Soldats ? à qui<br />
confierai-je ma vie ? Je l'ai misfeul à la tête de ma €ava~<br />
Une, de la meilleure <strong>par</strong>tie -de mon armée s de l'élite de<br />
la jeune Noblejfe; mon fa lut, mes efpérances, mes vie»<br />
toires , j'ai tout confié à fa garde, à fa fidélité : quant<br />
à fon père, je l'ai élevé aujjî haut que vous m'avt\ élevé<br />
vous-mêmes ; j'ai mis fous fis ordres & en fa puijfance la -<br />
Médie, qui eft la plus riche de toutes les provinces , avec'<br />
des milliers de nos concitoyens & de nos camarades. C'eft<br />
ou j'avois efpéré de trouver <strong>du</strong> ficours f que je rence-ntrt<br />
le danger. Qu'il m'eût été heureux de pair dans une bataille 9<br />
maffaçré <strong>par</strong> un ennemi plus têt qu'immolé <strong>par</strong> un citoyen !<br />
Echappé aux périls qui font les fiuls que j'aye eu à.<br />
craindre, je me trouve aujourdhui expofé à ceux dont je<br />
n'ai pas dû me défier. Vous ave\ coutume, Soldats, de<br />
m'exhorter fréquemment à ménager ma vie; c'efi vous qui<br />
pouf ei faire pour moi ce qui vous me recommandez ; j'ai<br />
Qv
370 -LIBER FL CAP. IX.<br />
quod fuadetis ut faciatn : ad reliras mairof ;<br />
ad veftra arma confogio ; invitis Yobis falvus effe<br />
nolo ; volentibus , non poffum , nifi vindicor.<br />
28. Tum Philo tan, religatis pofi termm ma~<br />
nibus, obfoUto amiculo veiatum , jujftt in<strong>du</strong>cl<br />
Facile ap<strong>par</strong>ebat motos effe tam miftrabili habitu ,<br />
non fine invidiâ patdo antt confpeBi : <strong>du</strong>cem<br />
equitatûs pridk videront, [cubant régis interfuifft<br />
tomvivio ; repente non reum modo 9 fia ~eûam damnation<br />
, immb vinBum ïntuebantur ; fubibat animos<br />
Parmenionis quoque, tanti <strong>du</strong>cis , tam clari<br />
civis , fortuna ; qui, modo <strong>du</strong>obusfilus ,HeBore &<br />
Nicanore > orbatus, cum eo quefn reliquum calami*<br />
tas fecerat abfins diceret caufam» Itaque Amyntas,<br />
régis prcttor , inclinatam ad mifiricordiam<br />
concionem rursus a/perd in Phïhîan oratione cornmovit<br />
: prodhos eos effe barbaris ; neminem ad<br />
eonjugem fuam , neminem in patriam & ad <strong>par</strong>tntes<br />
fuiffe rediturum ; vetut truncum corpus<br />
demto capite , fine fpiritu , fine nomine , aliéna<br />
terra ludibrium hoftis futuros. Moud quaquam pro<br />
fpe ipfius Amynm oratio grata régi fuk ; quod<br />
conjugum, quod patria admonitos , pigriores ad<br />
cetera munia exfequenda fecijfett Tune Cœnus %<br />
quanquam Philom fororem matrimonio ficum cou»<br />
junxerai, tamen aerius quam quisquam in Philotan<br />
inveBus efl , <strong>par</strong>ricidam effi régis, patria 3<br />
exercitus clamitans ; faxumque quod firte ante<br />
pedès jacebaf eripuit, emiffurus in eum, ut pieriqut<br />
credidêre 3 tormentis fubtrahere cupiens : fid<br />
rex manum épis inhibuit , dicendi prias caufam<br />
debere fieri poteflatem reo, me aliter judicari pafi<br />
furum fi ajjirmans. Tum dieere juffus Philotas 3
LIVRE VI. CBAP. IX 371<br />
Titmrs à v&s bras, à vos armes ; je ne prétends pas à im<br />
vie malgré VOUS ; mais quoique vous le voulU\, il mUfi<br />
impojflble de la c&nferver, fi je ne fuis vengé»<br />
2S. H fait alors amener Philotas, qui avoit les mains<br />
liées derrière le dos & la tête couverte d'un voile mal<br />
propre. II étoit aifé de voir qu'on étoit touché de la mîférable<br />
fîtuation d'un homme, quon ne regardoit pas<br />
fans envie un peu au<strong>par</strong>avant : on l'avoit vu la veille<br />
Général de la Cavalerie, on favoit qu'il avoit été <strong>du</strong><br />
feftin <strong>du</strong> roi -, & tout à coup on le voyoit accufé , condamné<br />
f chargé de chaînes : on fe figutoit en même<br />
temps la fortune déplorable de Parménion, ce grand<br />
capitaine , cet illuftre citoyen ; qui, après avoir per<strong>du</strong><br />
récemment deux de fes fils , Heftor & Nicanor» étoit en<br />
fon abfence impliqué dans le même procès avec celui<br />
qui pour fon malheur lui étoit refté. Àuffi Amyntas , un<br />
des lieutenants <strong>du</strong> roi, voyant que l'affemblée inclinoit<br />
"à îa compaffion, la ranima .<strong>par</strong> une Inve&ive violente<br />
contre Philotas : il leur dit qu'ils avoient prefque été<br />
livrés aux barbares; qu'aucun d'eux n'auroit revu fa<br />
femme, fa patrie* fes <strong>par</strong>ents; que devenus comme<br />
un corps fans tête , fans vie, fans nom, ils auraient été<br />
4ans une terre étrangère le jouet de l'ennemi. Ce difcours<br />
d'Amynîas ne fut pas auffi agréable au roi qu'il<br />
l'avoit efpéré ; <strong>par</strong>ce qu'en rappelant aux foldats le fouvenîr<br />
de leurs femmes & de leur patrie, il leur avoit<br />
infpiré <strong>du</strong> froid pour les autres opérations auxquelles il<br />
les deftinoit. Alors Cénus , quoiqu'il eût époufé la foeur<br />
de Philotas, s'emporta centre lui avec plus de violence<br />
qu'aucun autre, criant fans ceffe qu'il s'étoiî ren<strong>du</strong> coupable<br />
de <strong>par</strong>ricide envers le roi f envers îa patrie ,<br />
envers l'armée ; là-deflus il faifit une pierre qui étoit<br />
à fes pieds pour la lui jeter, dans l'intention, comme<br />
plufieurs l'ont cru, de le fouftraire aux tourments :<br />
mais le roi lui retint la main, déclarant qu'il falloit<br />
d'abord donner, à l'accufé la permûTiôn de fe défendre t<br />
& qu'il ne permettroit pas qu'on le jugeât fans cela.<br />
Philotas | quoiqu'autorifé à <strong>par</strong>ler, étoit alors fi trou-
37^ . LtBE.R VI.,CAF. XJ<br />
five confcunûâ fcelem, five perkuli magnkuSnê<br />
amens & attonkus , non attothre Qcuhs, non hh~<br />
cere audebat ; lacrbnis de'mde manantibus, linqueute<br />
anima , in eum a quo tenebatur incubuit :<br />
abjlerfoque amiculo ejus oculis, paulatim recipiens<br />
fpirhum ac vocem, diêurus videbaiur. Jamque<br />
rex , intuens eum , Macedones , inquit, de te<br />
judicaturi font ; quaero an patrio îermone fis<br />
apud eos ufuras l Tum Philotas, Prêter macedonas<br />
, inquit % plerique adfont, quos faciliùs<br />
quae dicam percepturos arbitror, fi eadem linguâ<br />
faero mus qui tu egifti, non ob aliud,<br />
credo » quam ut oratio tua intelligi poffet à plu*<br />
ribus. Tum rex : Ecquîd videtis adeo etiam îermonis<br />
patrii Philotan taedere ? folus quippe fa£<br />
tidit dicere. Sed dicat fané utcumque coté, eft %<br />
<strong>du</strong>m' memineritis aequè iîîum à noftro more<br />
atque fermone abhorrere. Atque ha conciont<br />
excejpt.<br />
X. Tum Philotas, Verba , inquit, Innocent!<br />
îêpêrîre facile eft ; mo<strong>du</strong>m verboram mifero<br />
tenere difficile : itaque, inter optimam confcieiir<br />
tiam & iniquiffimam fortunam deftkutus, ignoro<br />
quomodo & animo meo & tempori <strong>par</strong>eam.<br />
Abeft quidem optimus caufse meae judex : qui<br />
cur me ipfe audire noluerit non, nie Hercule !<br />
excogito ; quum illi, utrimque cognitâ causa,<br />
tam damnare me liceat quam abiolvere, non<br />
cognitâ vero, lîberarî ab abfente non poffum<br />
qui à praefente damnatus foin* Sed quanquam ,<br />
vinûi nominis , non foperyacua ^folum , fed<br />
etiam invifa defenfio eft , quae judicem non<br />
doçcre videtur, fed arguere ; tamen utcumque v<br />
Hcét dicere 9 memet ipfe non deferam , nec \
LIVRE VI. CMâF. X 371<br />
blé » fi interdit f foit <strong>par</strong> les remords de fa confcience,<br />
foit <strong>par</strong> îa grandeur <strong>du</strong> péril, qu'il n'ofoit ni lever les<br />
ieux ni ouvrir la bouche ; puis fondant en larmes , il<br />
s'évanouît entre les bras de celui qui le te noit : on lui<br />
efluyà les ieux avec fa mante, la refpiration & la voix<br />
lui revinrent peu â peu, &• il <strong>par</strong>oiflbit fe difpofer à<br />
prendre la <strong>par</strong>ole. Le roi f le regardant alors, Ce font<br />
les macédoniens, lui dit-il , qui vont te juger ; je veux<br />
/avoir fi tu se ferviras de la langue <strong>du</strong> pays pour leur<br />
<strong>par</strong>ler? Outre les macédoniens, répliqua Philotas, la<br />
plu<strong>par</strong>i de ceux qui font ici m f entendront, je crois 9 plus<br />
aifémentffije me fers de la même langue dent vous vous<br />
êtes fervi vous-même, dans l'unique vue, je penfe, d'être<br />
compris <strong>par</strong> le plus grand nombre. Eh bien t dit le roi v<br />
voye^-vous â quel point Philotas hait le langage même<br />
de fon pays ? car il efi h feul qui dédaigne dt s'enfervir»<br />
Mais qu'il <strong>par</strong>le comme il voudra, j'y confens , pourvu<br />
que vous vous fouvenie\qu'ila également en horreur nos<br />
ufages & notre langue. Et là-deflus il fortit de l'affemblée.<br />
X. Il efi facile à un Innocent,' dit alors Philotas , de<br />
trouver des <strong>par</strong>oles pour fa défenfe ; mais il efi difficile â uti<br />
homme malheureux de <strong>par</strong>ler avec retenue .* ainfe, livré à moimême<br />
entre une bonne confcience & une fituation déplorable<br />
9 je ne fais comment concilier ce que je dois à mon<br />
cœur avec ce qu f exige la conjoncture préfente» Il efi vrai<br />
que le meilleur juge de ma caufe n'efi point ici ; & en<br />
vérité je n'imagine pas pourquoi il n f a pas voulu m'eny<br />
tendre ; puifqu'après avoir enten<strong>du</strong> le pour & le contre $ il<br />
efi autant le maître de me condamner que de m'abfoudre ,<br />
au lieu que, ma défenfe n'ayant pas été enten<strong>du</strong>e fje ne puis<br />
pas efpérer qu'abfent il me décharge, puifque préfent il m'a.<br />
déjà condamné. Mais quoique la défenfe d'un aceufé qui efi<br />
dans les liens foit, non feulement fuperflue , mais encore<br />
oiieufe , <strong>par</strong>ce qu'elle <strong>par</strong>oi t moins infiruire le juge que<br />
le cenfurer; cependant, à quelque intention qu'il me fois<br />
permis de <strong>par</strong>ler, je m m'abandonnerai pas moi-même,. &
374 'LIBER VL CAP. X<br />
committam ut damnâtes etiam meâ fententii<br />
videar.<br />
Equidem cnjus criminis reps fim non video:<br />
inter conjurâtes nemo me nominat ; de me Nicotnachus<br />
nihil dixit ; Cebalinus plus quam audierat<br />
fcire non potuit. Atqui conjurationis caput<br />
fuiffe crédit rex ! Potuit ergo Dymnus eum<br />
praeterire quem fequebatur , praefertim quum<br />
quaerenti focios vel falfo ftierim nominan<strong>du</strong>s,<br />
quo faciliùs qui verebatur poffet impelli ? non<br />
enim, deteûo facinore , nomen meum praeteriit<br />
ut poffet videri focio peperclffe ; fed Nicomacho<br />
, quem taciturum arcana de femetipfo<br />
credebat, confeffus , aliis nominatis, me unum<br />
fubtrahebat. Quafo , Commilitones , fi Cebalinus<br />
me non adiffet , nihil me de conjuratis<br />
fcire voluiffet ; num hodie dicerem caufam ,<br />
nullo me nominante ? Dymnus fané & vivat<br />
adhuc & velit mihi <strong>par</strong>cerê' : quidcerteri, qui defe<br />
€onfitebuntor, me videlicet fubtrahent ? Maligna<br />
eft calamitas ; & ferè noxius , quum fuo<br />
îupplicio cracietur, acquiefcit alieno : tôt confcii<br />
, ne in equuleum quidem impofiti, veram<br />
latebuntur ? atqui nemo <strong>par</strong>cit morituro, nec<br />
coiquam moriturus, ut opinor.<br />
Ad veram crimen & ad unum reverten<strong>du</strong>m<br />
mihi eft : cur rem delatam ad te tacuifti ? cur<br />
tam fecurus audifti ? Hoc , qualecumque eft ,<br />
confeffo mihi, ubicumque es, Alexander, remififti<br />
; dextram tuam amplexus réconciliât!<br />
pignus animi, convivto quoque interfîu : fi cre-
LIVRE VI. CHAP. X 375<br />
je ne laifferai pas croire quej'aye autorifé ma condamnation<br />
de mon propre fuffrage*<br />
En effet je ne vois pas de quoi F on m'accufe ; perfonm<br />
ne me nomme <strong>par</strong>mi les conjurés ; Nieomacht n'a pas<br />
dit un mot de moi ; Cèhal'mus n'a pu Javoir que ce<br />
qu'on lui avoit 'appris. Cependant le roi me croit le chef<br />
de la conjuration ! Dymnus a donc pu oublier celui qu f il ne<br />
fefoit que fuivre, dans un moment furtout ou, fur la de*<br />
mande qu'an lui fefoit de fis ajfociês, il aurait dû me<br />
nommer mime à faux,, pour engager plus aifiment un homme<br />
qui avoit des craintes ? car après l'aveu <strong>du</strong> complot s s'il a,<br />
paffé mon nom fous filence, ce n* était pas pour <strong>par</strong>aître<br />
ménager fon affacié; mais ayant tout révélé à Nicomache9<br />
fur la difcrétion de qui il comptait pour lui-même, il<br />
nomma les autres, & il n'y eut que moi dont il ne <strong>par</strong>la<br />
point. Je vous le demande , chers Camarades, fi Cébalinus<br />
ne fe fût point adreffé à moi, s'il n'eût rien voulu m'apprendre<br />
fur le compte des conjurés ; ferais-je aujaurdhui<br />
dans le cas de me défendre, n'y ayant perfanne qui m'ac»<br />
cufe ? Suppafans, j'y confens, que Dymnus vive encore &<br />
qu'il veuille me ménager : Quoi ? les autres, qui avoueront<br />
et qui leur eft perfannel% croit-ôn de banne foi qu'ils fe<br />
tairont fur mon compte ? Le malheur infpire de la malignité<br />
; & un criminel, dans les douleurs <strong>du</strong> fupplice f fe<br />
confok prefque <strong>par</strong> le fupplice d 9 autrui ; tant de corn*<br />
plices§ mime fur le chevalet, n'avoueront'ils pas la vérité?<br />
mon opinion efi que perfonne ne ménage un homme deftiné<br />
à mêurirt & qu'un homme dejliné à mourir ne ménage<br />
perfonne.<br />
Il me faut donc revenir au véritable, au feul crime<br />
qu'on puijfe m'imputer', pourquoi a$~tu gardé h filence 9<br />
me dit-on ffur l'avis'qu'on t'avoit donné ? pourquoi l'as»<br />
tu enten<strong>du</strong> avec une fi grande tranquilké? Cette faute, dt<br />
quelque manière qu'on en juge s je vous en ai fait l'aveu s 4<br />
Alexandre, en quelque endroit que vousfoye\ maintenant,<br />
& vous me l'ave\ <strong>par</strong>donnée ; vous m'avc^ donné la maim<br />
pour m'en ajfûrer, &j'ai mime été admis à votre table :fi .<br />
tous m'en avei cru, je fuis abfout j fi vous m'arei fait
376. 'LIBER VL CAP. X.<br />
didifti mîhi , abfolutus fum ; fi peperdftl, dîmiffus<br />
; vel judicium tuum ferva. Quid hac<br />
proximâ* noâe, quâ digreflus fiim à mensâ<br />
tuâ, feci ? quod novum facinus delatum ad te<br />
mutavit animum tuum l Gravi fopore acquiefcebam<br />
, quum me malis indormientem meis inïmici<br />
vinciendo excitârunt; unde & <strong>par</strong>ricidae<br />
& prodito tam alta quies fomni ? Scelerati confcientiâ<br />
obftrepente quum dormire non poffint ,<br />
agitant eos furiae, non cogitato modo fed & confummato<br />
<strong>par</strong>ricidio : at mihï fecuritatem primum<br />
innocentia mea , deinde dextra tua obtûlerant ;<br />
non timui , ne plus' aliéna cradelitati apud te<br />
liceret quam démenti» tuae.<br />
Sed ne te mini credidhTe pœniteat : res ad me<br />
deferebatur à puero , qui , non teftem , non<br />
pignus indicii exhibere poterat, impleturas omnes<br />
metu fi cœpiffet audiri amatoris & fcorti<br />
jurgio interponi aures meas credidi infelix ; &<br />
fidem ejus uifpeâam habui, quod non ipfe deferret,<br />
fed fratrem potiùs fubornaret : timui ne<br />
negaret mandaffe le Cebalino,' & ego viderer<br />
multis amicoram régis fuiffe periculi caufa.<br />
Sic quoque quum Jaeferim neminem , invenï qui<br />
mallet perire me quam incolumem effe ; quid<br />
inimicitiarum creditis excepturam fuuTe, fi infontes<br />
lacefliffem ? • At enim Dymnus fe occidit<br />
! Num igitur faâurum eum divinare potui î<br />
minime : ita, quod foîum indicio fidem fecit,<br />
Id me , quum a Cebalino interpellâtes fum ,<br />
movere non poterat. At Hercule ! fi confcius<br />
Dymno tanti fceleris fuiffem , bi<strong>du</strong>o illo proditos<br />
effe nos diflimulare non debui: Cebalinus<br />
Ipfe tolli de medio nullo negotio potuit ; deinde
Lï-VRE VI. CHJP. X 377<br />
grâce f je fuis hors de procès ; tene^-vous-en <strong>du</strong> moins à<br />
votre propre jugement. Qu'ai-jefait la nuit dernière , depuis<br />
que je fuis fini de votre table ? quelle imputation nouvelle<br />
vous a fait changer de penfée ? J'émis enfeveli dans un pro»<br />
fondfimme'd & endormi fans aucune défiance des maux<br />
qui m 9 attendaient % lorfqu 9 on m 9 a éveillé en me mettant<br />
dans les liens ; comment pourroit repofer fi paifiblement<br />
un <strong>par</strong>ricide qui fe voit découvert ? Les criminels, harcelés<br />
<strong>par</strong> les remords de leur confidence, loin de pouvoir dor~<br />
mir3fint agités <strong>par</strong> les furies , non feulement tandis qu'ils<br />
projettent mais même quand ils ont confommé leur crime :<br />
au lieu que je jouïffais de la fécurité que mon innocence<br />
d 9 abord & votre main enfui te m 9 avaient ajfurée ; & je ne<br />
'craignais pas que la cruauté des autres remportât fur votre<br />
clémence.<br />
Mais n 9 ayei aucun regret de m f avoir cru : Pavis me<br />
venoit d'un jeune homme, qui ne pouvoit fournir ni témoin<br />
ni preuve de fin dire f & qui alloit répandre un effroi<br />
général fi on eût commencé <strong>par</strong> l 9 écouter : j 9 ai eu le mal"<br />
heur de croire qu 9 il me venoit rompre les oreilles d'un diffé*<br />
rend entre deux infâmes ; & je me fuis d 9 autant moins fié<br />
à lui, que Nicçmache, au lieu de faire lui-même fin<br />
rapport, aimait mieux mettre fan frère à fa place ij'aj donc<br />
craint qu'il ne défavouât Cébalinus, & que je ne <strong>par</strong>uffe<br />
avoir voulu compromettre plufieurs 'perfirmes de la Cour.<br />
Quaiqu 9 en me comportant ainfi je n f aye offenfi perfinne,<br />
je ne -laiffs pas d'avoir trouvé quelqu 9 un qui défirc ma perte<br />
beaucoup plus que ma confervation; combien eroyei-vous donc<br />
que je me ferais fait d'ennemis ffij 9 eujfe attaqué des inno*<br />
cents ? Mais enfin Dymnus s'efi tué ! Pouvsis-je donc<br />
deviner qu'il le ferait ? non apurement : ainfi, la feule chofe<br />
qui juflifie l'avis , ne pouvais faire fur moi aucune imprejpon<br />
dans le temps que Cébalinus me h donna. Mais, fi<br />
j'avais eu <strong>par</strong>t à ce crime- énorme de Dymnus f je n'au»<br />
rois certainement pas caché pendant deux jours à mes<br />
complices que nous étions découverts ; rien n'étoit plus<br />
aifé que de fe défaire de Cébalinus : d 9 autre <strong>par</strong>t depuis la<br />
dénonciation qui devoii me faire périr, je fuis entré fine
3 7 8 • L I B E R F I . C A P . X<br />
poft delatum indicium quo perituras eram, eubiculum<br />
régis foins intravi 9 ferro quidem cinctus<br />
; cur diftuli facinus ? an fine Dymno non<br />
fiim aufus ? ille igitur princeps conjurationis fbit ;<br />
fub illius umbrâ Philotas latebam , qui régoum<br />
macedonum affeâo. Et quis è vobis corruptus<br />
eft donis ? quem <strong>du</strong>cem, quem prsefefbm impenfius<br />
colui ?<br />
Mihi quidem objicitur quod focietatem patrii<br />
fermonis afperner , quod macedonum mores<br />
faftidïam ! Sic ergo Imperio quod dedignor<br />
Immineo ? Jam pridem nativus ille ferai©<br />
commercio aliarum gentium exolevit ; tam<br />
vicloribus quam viclis peregrina lingua difcenda<br />
eft. Non , me Hercule ! ifta .me magis lae<strong>du</strong>nt,<br />
quam quod Amyntas , Perdictae filius,<br />
infidiatus eft régi : cum quo quod amicitia<br />
fuerit mihi non recufo defendere , fi fratrem<br />
régis non oportuit diligi à nobis : fin autant<br />
in illo fortune gra<strong>du</strong> pofitum etiam venerari<br />
neceffe erat ; utram, quaefo, quod non diyinavi<br />
9 reus fiim ? an impiorum amicis infontibus<br />
quoque morien<strong>du</strong>m eft? quod fi «quum<br />
eft, cur tam diu vivo ï fi -mjuuum, cur nunc<br />
demum occidor ?<br />
At enim fcripfi, mifereri me eoram quibus<br />
viven<strong>du</strong>m effet lub eo qui fe Jovis filium crederet!<br />
Fides amicitia*, veri confilii periculofa libertas ,<br />
vos me decepiftis ! vos quae fentiebam ne reticerem<br />
impuliftis ! dcripfifle me haec fateor régi, non de<br />
rege fcrîpfiffe : ' non enim faciebam invidiam ,<br />
fed pro eo timebam; dignior .mihi Alexander<br />
videbatur qui Jovis ftirpem tacitus agnofceret,<br />
cpiam qui pradicâtione jaâaret. Sed quoniam
LIVRE VI. CM A p. X. 379<br />
élans la, chambre <strong>du</strong> roi 9 & Pépie au côté ; pourquoi<br />
ai-je différé de confommer le crime ? efi~ce que fans<br />
Dymnus je n'aurois ofé ? c f efi donc lui qui étoit le chef de<br />
la conjuration ; & moi, Philotas, qui prétends, dit-on, à<br />
la couronne de Macédoine, je me cachois à P ombre de ce<br />
nom. Mais qui d'entre vous ai-je effayé de corrompre <strong>par</strong> des<br />
préfents ? quel efl le chef quel efi Vofficier â qui j'ayc<br />
donné des marques extraordinaires d 9 attention ?<br />
On me reproche â la vérité que je refufe de <strong>par</strong>ler comme<br />
les autres le tangage de ma patrie, que je miprife les coutumes<br />
des macédoniens ! € 9 efi donc ainfi que je brigue um<br />
Empire en le dédaignant ? Il y a long temps que le<br />
commerce des nations étrangères nous a fait perdre Pufage<br />
de notre langue maternelle ; vainqueurs & vaincus,<br />
tous font contraints d'apprendre un langage nouveau. Je<br />
vous jure que cela me nuit aujjî peu, que la conjuration<br />
d 9 Amyntas , fils de Perdiceas , contre le roi : je ne pré"<br />
tends pas me défendre de mon attachement pour lui f fi c*efi<br />
un crime â 9 avoir aimé un frère <strong>du</strong> roi ; mais fi Pélévation<br />
eu la Fortune Pair oit placé exigeoit même le plus profond<br />
refpeB ; comment, je le demande, fuis-je coupable<br />
pour n'avoir pas été devin ? Les amis des ' coupables t<br />
quoiqù % innocents, doivent~ils fubir la même peine capitale ?<br />
Si cela efljufte, pourquoi ai-je vécu fi long temps ? s 9 il ne<br />
Pefi pas f pourquoi veut-on ma mort aujourdhui?<br />
€*eft que j 9 ai écrit, que je plaignois ceux qui avoient à<br />
vivre fous un homme qui fe croyoit fils de Jupiter! Ofidé~<br />
l'ti de P amitié t ê périlleufe franchife â donner des confeils<br />
vrais, e 9 efl, vous qui m i ave\ trompé ! c f eji vous qui<br />
m'avei encouragé à ne pas déguifer mes véritables fenti»<br />
mente ! J'avoue que j 9 ai écrit en ces termes au roi s mais<br />
fans P entendre <strong>du</strong> roi : car loin d'irriter P envie contre lui9<br />
je la redoutois pour lui; il me femblokplus convenable<br />
è Alexandre de f avoir fans en <strong>par</strong>ler qu'il étoit fils de<br />
Jupiter, que de s % en vanter en le publiant. Mais puifqu'om<br />
doit une foi entière à P oracle, que Jupiter fait le têmoim
380 . LIMER VI. CAP. X<br />
©raculi fides certa eft, fit deus caufae meae teftis<br />
: retinete me in vinculis , <strong>du</strong>m . confulitnr<br />
Hammon in arcanum & occultum fcelus ; inte^<br />
rim 5 qui regem noftram dignatus eft filium ,<br />
neminem eorum qui ftirpi iuae infidiati funt latere-<br />
patietur : fi certiora oraculis creditis eflê<br />
tormenta, ne banc quidem exhibendae veritatis<br />
fîdem deprecor.<br />
Soient rei capitis adhibere vobis <strong>par</strong>entes.<br />
Duos fratres ego nuper amifi ; patrem nec ©ftendere<br />
poflum nec invocare audeo, quum & ipfe<br />
tanti criminis reus fit ; <strong>par</strong>um eft enim tôt<br />
modo liberoram <strong>par</strong>entem, in unie© filio acquiefeentem,<br />
eo quoque orbari, ni ipfe in rogum<br />
meum imponitur. Ergo, cariffime Pater,<br />
& propter me morieris & mecum ! ego tibi<br />
vitam adimo , ego feneâutem tuam exftinguo !<br />
Quid enim me procreabas infelicem advertantibus<br />
diis ? an ut hos ex me fructus perciperes<br />
qui te manent ? Nefcio adolèfcentia mea riiiferior<br />
fit , an feneâus tua : ego in ipfo robore<br />
setatis eripior ; tibi carnifex fpiritum adimet,<br />
quem, fi Fortuna exfpeâare voluiflet, natura<br />
repofcebat.<br />
Admonuit me patris mei mentio, quam timide<br />
& cunftanter qua Cebalinus detulerat ad me<br />
indicare debuerim. Parmenio enim, quum audiffet<br />
Tênenum à Philippo medico régi <strong>par</strong>ari »<br />
deterrere eum voluit epiftolâ feriptâ quominus<br />
medicamentum biberet quod medicus dare conftituerat<br />
: num creditum eft patri meo ? trnm<br />
ullam auôoritatem ejus literae habuerant' ?' Ego<br />
ipfe, quoties quae audieram detuli, eum luaibrio<br />
cre<strong>du</strong>jitatis repulfùs ium. Si, & quum indi-
LITRE VI. CMAP. X. 381<br />
•de mon innocence : retenez-moi ions les fers, jufqu'à ce<br />
qu'on ait confulté U 'dieu fur cet attentat ténébreux &<br />
caché : après avoir reconnu notre roi pour fon fils, il ne<br />
laiffera échapper à votre connoiffance dans cet intervalle<br />
aucun de ceux qui ont confpirê contre fon fang : fi vous<br />
croye\ la voie de la queftion plus sûre encore que celle des<br />
oracles, je ne me tefuft pas même à ce moyen de faire pa~<br />
roître la vérité au grand jour,<br />
C'eft Vufage que ceux qui font prévenus d'un crime capital<br />
fajfent <strong>par</strong>oître leurs <strong>par</strong>ents devant vous. Je viens<br />
de perdre deux frères ; quant à mon père, je n'ai, ni le<br />
pouvoir de le <strong>mont</strong>rer, ni la hardieffe de réclamer fon<br />
intervention, puifqu'on Vaccufe lui-même de complicité;<br />
car après s 9 être vuf il m*y a pas long temps , père d'une<br />
fi nombremfe famille f & n'ayant plus aujourdhui d'autre<br />
appui qu'un fils unique, c'eft trop peu pour lui de h<br />
perdre, s'il n'eft encore immolé fur' le même bûcher. Il efi<br />
donc vrai, mon très-cher Père, que vous mourre\ & à<br />
caufe de moi & avec moi ! C*eft moi qui vous ôte la vie f<br />
qui précipite votre vieilleffe au tombeau ! Eh, malheureux<br />
que je fuis ! pourquoi dans leur colère les dieux ont~ils<br />
permis que vous me donnaffie\ le jour? étoit-ce pour vous<br />
tn faire recueillir les fruits qui vous attendent? Je ne fais<br />
lequel eft le plus digne de compaffion, ou moi dans ma jeu»<br />
neffe f ou vous dans votre vieilleffe : je fuis enlevé dam<br />
la vigueur de mon âge ;&un bourreau va vous ôter une vie s<br />
que la nature allo'u vous redemanderf fi la Fortune eue<br />
-voulu attendre.<br />
Ce que je viens de dire de mon père m'a rappelé avec<br />
quel ménagement & quelle circonfpeBion j'ai dû révéler<br />
ce que Cébalinus m'avoit rapporté. Parménion en effet 9<br />
• ayant eu avis que h médecin Philippe vouloit empoifon*<br />
mer le roi , écrivit â ce prince pour le détourner de<br />
prendre le remède que ce médecin avoit réfolu de lui donner:<br />
en crut
jS% LIBER FI. CAP. XL<br />
camus, invifi, & quum tacemusj fufpeôi fumus<br />
; quid facere nos oportet ? Quumqut unus<br />
è cirtumfiantium turbâ txclamajfit, Bene meritis<br />
non infidiari : PhMatas, Reôè, inquk, quifquis<br />
es , dicls. Itaque , û infidiatus ium , pœnam<br />
oon deprecor ; & finem facio dicendi, quoniam<br />
ultima Yerba gravia fiint vila auribus veftris.<br />
^.b<strong>du</strong>ckur deindc ab Ms qui cuftodkbanz eum*<br />
XL Erat mur <strong>du</strong>ces manu ftrenuus Selon qui~<br />
dam , pacis artium & avilis habitas rudis , vêtus<br />
miles , ab kumili ordine ad eum gra<strong>du</strong>m in quo<br />
tune erai promotus ; qui , tacentibus ceteris , fto*<br />
lidâ audaciâ ferox , admonere eos cctpit9 quoties<br />
puisque diverforiis qum occupaient proturbatus<br />
tjfit% ut purgamenta fervorum 'Philata reciperen-*<br />
tur eo unie commilkoms expuliffit : aura argentoque<br />
véhicula ejus onufta totis vicis fteùffè ; ac<br />
ne in vicinrn quidem dwerforïï quemquam commili*.<br />
tanum receptum effe ; fid per difpofitos , quoi ad<br />
fmmnum habtbat, omnes procul relegatas9 ne fimina<br />
Uh murmurantium inter fi filtntia venus<br />
quam fono excitaretur : ludibrio ei fiàjfi rujiicos<br />
hommes , phrygas^uf & papfalagonas appelhms<br />
; qui non embefieret, macedo natus, hommes<br />
lingua fum per interpretem audire : cm Hammo»<br />
nem confuU veUet ? eumdem Jovis arguiffi mem»<br />
dacium , AUxandrum filium agnofeentis ; feilictt<br />
veritum ne invidiofum effet quod <strong>du</strong> offerremt: quum<br />
mfidiaretur capiii régis &' amici, non confidmiffe<br />
tum Jovem : mine ad oraculum mittere , <strong>du</strong>m pater<br />
ejus falicitaretur qui profit in Media , &<br />
pecunm , cujus eufiodia commija fit 9 ptrdhos
LIVRE VI. CHAP. XL 383<br />
tu fi taijant 9 9tifi rtnâfufpecl; que faut-il donc faire ?<br />
Là-deffus quelqu'un des affiliants ayant dit à haute voix ,<br />
Ne pas conjpirer contrefis bienfaiteurs : C'eft très-bien dit,<br />
qui que vous puijjîêi être, répliqua Philotas. Aujfi t s'il<br />
efi vrai que j f aye conjpiré, je ne me défends pas <strong>du</strong> châ-*<br />
liment ; & je ceffe de <strong>par</strong>ler 9 puifque mes dernières <strong>par</strong>oles<br />
fimblent avoir choqué vos orsilles. Alors il fut emmené <strong>par</strong><br />
fes gardes,<br />
XL II y aYoiî <strong>par</strong>mi les chefs un certain Bélon f vaillant<br />
homme, n'entendant que la guerre & d'ailleurs<br />
groffier & incivil, vieux foldat, <strong>par</strong>venu <strong>du</strong> rang le<br />
plus bas au pofte qu'il occupoit alors; voyant que les<br />
autres gardoient le filence, il ôfe avec une audace<br />
brutale leur repréfenîer, combien de fois il étoit arrivé<br />
à chacun d'eux d'être chafTés de leurs logements, pour<br />
y voir mettre la lie des efclaves de Philotas à îa place<br />
de fes compagnons d'armes qu'il avoit expulfés : que<br />
fes chariots chargés d'or & d'argent avoient toujours<br />
rempli des villages entiers ; qu'il n'avoit jamais fouffert<br />
qu'aucun de fes camarades logeât dans le voifinage même<br />
de fon quartier 5 mais qu'on les écartoit au loin, au<br />
moyen des fentinelles prépofées à la tranquilité de fon<br />
fommeil, & chargées d'empêcher que le murmure des<br />
•voifins, plus approchant <strong>du</strong> lilence que <strong>du</strong> moindre<br />
bruit, n'éveillât cet efféminé : qu'il s'étoit toujours moqué<br />
des hommes peu polis., qu'il appeloit phrygiens &<br />
paphlagoniens ; lui qui, né en Macédoine, n'avoit pas<br />
honte de s'expliquer <strong>par</strong> interprète avec fes compatriotes<br />
: pourquoi vouloit-il que l'on confultàt Hammon ;<br />
puifque Jupiter ayant reconnu Alexandre pour fon fils f<br />
il avoit aceufé l'oracle de menfonge, fous prétexte de<br />
craindre que ce qu'offroient les dieux ne fît haïr le<br />
prince } que, quand il avoit confpiré contre fon roi cX<br />
fon bienfaiteur, il n'avoit pas confulté Jupiter: qu'au*<br />
jourdhui il vouîoit renvoyer à l'oracle, afin qu'on eût le<br />
temps de mettre en mouvement fon père qui commande<br />
en Médie, & de gagner d'autres complices de fon crime<br />
avec l'argent dont on lui avoit confié la garde ; qu'ils
•384 LIBER VI. CAP. XL<br />
homines ad 'focictatcm fcéleris ïmpellat : ipfos<br />
mijfuros ad oraculum, non qui Jovem interrogent<br />
quad ex rege cognoverint, fed qui gratias agant,<br />
qui vota pro incalumitate régis optimi perfolvant.<br />
Tum vero univerfa concio 'accenfa eft ; & à corports<br />
cuflodibus initium fa'Bum , clamantihus dif<br />
cerpen<strong>du</strong>m effè <strong>par</strong>ricidam manibus eorum. Id quidem<br />
PhUotas , qui gravipra fupplicia metueret $<br />
haud font imquo anima audiebat. Rex, in concionem<br />
reverfus, five ut in cuftadia quoque torqueret9<br />
five ut diligentius cunBa cognofceret, con*<br />
cilium in pofterum diem diflulit ; & quanquam in<br />
vefperam inclinabat dies, tamcn amicùs convocari<br />
jubet. Et céleris quidem placebat macedonum<br />
more obrui [axis : Hephaftion autem , & Crate"<br />
rus, & Cœnus , tormentis veritatem exprimendam<br />
ejje dixerunt ; & iili quoque qui aliud fuaferant<br />
in horum fententiam tranfeunt.<br />
31. Conc'ûw ergo dimijfo , Hephaftion cum<br />
Cratero & Cœno ad quœftionem de PhUotâ • habendam<br />
confutgunu Rex , Cratero accerfito , &<br />
fermone habita cujus fumma non édita eft % in intimant<br />
diverforii <strong>par</strong>tem fecejftt, & remotis arbitris<br />
, in multam noBem quaftionis exfpe&avit eventum*<br />
Tortares in confpeBu Philota omnia crudelitatis<br />
inftrumenia proponunt ; & Me ultra, Quid<br />
ceffatis, inquit$ régis inimicum , interfeftorem,<br />
confitentem occidere ? Quid quseftione opus eft ?<br />
cogltavi 9 volui. Craterus exigere $ ut qua confiteretur<br />
m tormmtis quoque diceret : <strong>du</strong>m corripitur,<br />
<strong>du</strong>m obligantur oculi, <strong>du</strong>m veftis exuitur ,<br />
deos patrios , gent'mm jura , nêquidquam apud<br />
furdas aures invocabat. Per ultimos dèinde cruciatus<br />
9 utpote damnatus & inimkis in gratiam<br />
dévoient
Li ru E Vt. CMâ P. XI.. 385<br />
Revoient effectivement envoyer à l'oracle, dans l'in.<br />
teotion, son pas d'interroger Jupiter fur ce qu'ils<br />
«voient appris de fa bouche <strong>du</strong> roi, mais _de lui rendre<br />
grâce, mais d'acquitter les vœux qu'ils lui avoient faits<br />
pour la conservation <strong>du</strong> meilleur des rois. Toute raflerailée<br />
devint alors furieufe ; & les gardes <strong>du</strong> corpsfurent<br />
les premiers à crier, qu'ils vouloient de leurs<br />
propres maies mettre en pièces ce <strong>par</strong>ricide. Cet emportement<br />
ne dépîaifoit point à Philotas, qui Penten-<br />
«foit, <strong>par</strong>ce qu'il appréhendoit de plus grands tourments,<br />
te roi t étant retourné 4 l'aflemblée f foit qu'il voulûtlut<br />
«îI faire fubir dans la prtton mêmes foit qu'il délirât<br />
-d'être plus exactement inftruit de toutes les <strong>par</strong>ticularités<br />
» remit la délibération au lendemain ; & quoique<br />
le jour baiflat, il fit aifembler fes confidents. La plu<strong>par</strong>t<br />
opinèrent à le faire lapider félon l'usage des macédoniens<br />
: mais Héphe'ftion, Cratère, & Cénus fou*<br />
tinrent qu'il falloir l'appliquer à la question pour avoir<br />
révélation de la vérité ; & ceux mêmes qui avoient été<br />
d'un autre avis revinrent au leur.<br />
31. Le confeîl étant donc fini, Hé'phêfHon avec Cratère<br />
& Cénus fortirent pour faire fubir la queftion â<br />
Philotas. Le roi ,• ayant rappelé Cratère & lui ayant<br />
•dit quelque chofe dont ©n n'a eu aucune connoiffance t<br />
fe, retira dans foh ap<strong>par</strong>tement le plus intérieur y &<br />
«'ayant gardé perfonne avec lui., il y attendit jufque<br />
biejî avant dans.la nuit le réfultat de la queftion. Les<br />
queftfonnaires ayant expofé aux ieux de Philotas tous*<br />
les înftruments de la cruauté la'plus atroce, il leur dit<br />
de lui-même : Que tarder-fous à faire mourir un homme f<br />
qui avoue qu*il efl Vennemi <strong>du</strong> roi & qu'il m woulm<br />
le tuer ? Q^efi-il befbm de queflioû ? oui, § f a été 0#A<br />
projet» ma volonté» Cratère voulut qu'il foutînt'à la<br />
torture ce qu'il avouait' èe fon propre mouvement :<br />
tandis qu'on le faifit, qu'on lui bande les ieuxs qu ? oii<br />
le
3-86 LIBER VI. CAP. XL<br />
.régis wrqumâbus , laceratttr.' Ac primo * quam~<br />
quam fane ignés, Mme verbtra , jam mm ad<br />
jjuaftiotum , Jed ad pœnam ingerebantur , mm vo-<br />
.cem modo, Jed etiam gemitus hmbukt m poteftattz<br />
Jed poftquam mtumefeens corpus ulceréus 9 fia* '<br />
geUorum ïBm nudb ojfibus încuffbs ferre non po~<br />
&rat $ fi tormenth adhibïturî mo<strong>du</strong>m ejfent, diBumm<br />
Je qum feire expturent poUicetur ; fed finem.<br />
qumfmmi fort jurare tes x <strong>par</strong> Akxandri falutem<br />
volebat , temoveriqm tenons* Et utroqut. împesram,<br />
Cratère mqtdt, Die quid. me yelis dicere*<br />
Jilo indignante ludificari • eum rurfusque revotante<br />
mrtorés, tempus petere tapit ium recipertt Jjpiri*<br />
tum j çun&a aum fcket mdicaturm*<br />
• 51, Intérim eqmm ; mobMiJJîmus qmsque , S<br />
M maxime qui Parmenhsem pmpinquâ cogtmwm<br />
tontmgeèam , poflquam Phihtan torqueû fams<br />
vulgaverat, îegem maeedormm verki, quâ camum<br />
mat ut propinqui eorum qui régi * imfidèad erant^<br />
mm ipfis neearentur, aUife intërficiunt, ain m<br />
devios'<strong>mont</strong>es va fiasque Joiitudims fugiunt'î. l mgenti<br />
per tota cafira terrort diWufo, aonet rex ,<br />
mmuim .cognito, legem fe de Jupplicio conjunBis<br />
fontmm remittere edixit. Philotas verone an mm~<br />
'dacjo Hberart fe à cruemia voiuerit aneeps corn*<br />
jeifara
LIVRE ri. CHAP XL -$f<br />
damné r& que c'étoient d'ailleurs fer ennemis qui, fous*<br />
le prétexte de l'intérêt <strong>du</strong> roi, dirtgeoient la torture*.<br />
' D'abercI, quoiqu'on employât alternativement Le feu &•<br />
les- fouet»,, moins <strong>par</strong> manière-dequeftion qpeée fup-plice»<br />
W ^ € poffécla jufqu'au point de ne pas éehaper r<br />
son- feulement une <strong>par</strong>ole f mais même une plainte r<br />
mais îorfqu'enfin, fon corps étant, couvert de plaies enflammées<br />
, il ne put plus en<strong>du</strong>rer les coups de fouet qui<br />
f ©notent à nud fur les os dépouillés de leurs chairs';<br />
à promit de déclarer tout ce - qu'on voulolî favoirr<br />
pourvu qu-oïi mit fin k fes tourments; mais-il demanda<br />
-qu'ils- juraffent <strong>par</strong> la vie d'Alexandre de ne plus le<br />
remettre à la torture &de renvoyer les- queftionnaîres»<br />
Quand il eut obtenu l'un & l'autre, il dit à Cratère-,.<br />
Dites-moi et que vous voulc^qut je dife» Ceîui-ci indigné<br />
qu'on ©fit le Jouer & rappelant les queftionnaîres ^<br />
Phiîotas demanda qu'on fui' donnât le temps de re~<br />
prendre 'haleine, avec promette'de révéler tout;<br />
32. Cependant les plus diftingués de la cavalerie $ Ut<br />
frincl<strong>par</strong>ement ceux qui ap<strong>par</strong>tenoient'de plus près à<br />
Parménion, ayant fo <strong>par</strong> le bruit public qu'on donmoit<br />
la fueftion à Phiiotas*, & craignant l'exécution i§<br />
la loi des macédoniens» qui- ©rdonnoit que les <strong>par</strong>ents<br />
des criminels de lèfe-majefté fuffent mis à mort avec<br />
euxr les uns Ce tuèrent eux-mêmes, les autres s'en»<br />
fuirent vers des <strong>mont</strong>agnes écartées & dans- des coiw<br />
trées déTertes ; de manière que l'effroi étoit générale^<br />
ment répan<strong>du</strong> dans tout le camp , jufqu'à ce que le roi r<br />
îiîftruitde ce trouble, fit publier qu'il dérogeait à I*<br />
loi de mort portée contre les <strong>par</strong>ents des coupables.<br />
Si ce fut en confeflant la vérité'- ou en fefant une<br />
fauffê déclaration, que PhUotas- voulut fe délivrer de<br />
la torture,, c'eft un point dont la décifion eft fort douteufe<br />
r <strong>par</strong>ce qu'en difant Yrai ou en difant faux, c'eft<br />
toujours- la fin de fes tourments qu'on- envifage.- Vmm<br />
m 3 ignort\ pas f àït-\\ au furplus, l'étroite liaifon de mon<br />
gère avec HégéUqut ; je <strong>par</strong>le de cet Hégéloque qui eft<br />
mmt en. comèaumm : ^ejthi qui- a- été'la caufi de tom<br />
Rij.
388 LIBER VI. CAP. XL<br />
.rum nobis caufa fuit. Nam qunm primum Jûvis<br />
-fitimm fe faktari juffit rcx, id indigné ferais<br />
flic, » ffknc ^tatr r*gw» agnofcimus , -inquit ,<br />
*» fni PMiippum dedipmtur patrem ? tfflkw f/î
LirRR. VI. CMAP. XI. 3§çf<br />
Wm'malheurs*- En effet H roi n'eut pas plus tôt'ordonné<br />
qvïon- l'Honorât comme- fils de Jupiter, qu % Mégéloque,<br />
révolté'contre cent prétention. »»Nous reconnoiflbns donc<br />
n- pour roi, dit-il, cet ambitieux qui dédaigne Philippe<br />
s»' pour fon père } c'en eu fait de nous, fi nous l'en<strong>du</strong>rons.<br />
»- Cèft méptifer » non feulement les Hommes-, mais les<br />
?» dieux;mêmes, que de vouloir paffer pour un dieu*<br />
n-Nous-avions per<strong>du</strong> Alexandre, nous avons per<strong>du</strong><br />
s* notre roi j^nous fommes-à îa difcrétion- d'un tyran-,<br />
n- dont l'orgueil eft également înfupportable aux dieux,<br />
*»• à qui-il s'égale r& aux hommes,-, à qui il renonce,<br />
*• N*avons-fîous répan<strong>du</strong> notre fang que pour faire ua<br />
n di«u, qui nousméprife , qui dédaigne de communiquer<br />
» avec des mortels? Croyez-moi ; & nous'auffi, fi nous-<br />
?f femmes gens de cœur, nous ferons adoptés <strong>par</strong> lesn<br />
dieux.-Qui- a' vengé* le" meurtre de fon bifaïeuî<br />
M Alexandre , d'Archélaus, de Perdrccar?" lui-même a<br />
»* fait grâce aux meurtriers de foif père ««. Tels furent<br />
Its propos d'Régélbque à le fin d f unfouper>; &--k Unie~<br />
maM-t à la- pointe- <strong>du</strong> jour, mon père-me*, fit appeler;- il<br />
étoit triftt\ & me• voyait conflerné ;: car nous avions es»<br />
ten<strong>du</strong> des chofes propres â jeter dans l'anxiété.-Afin donc.'<br />
de juger, fi ce qu'Hégéloque-avoit-dit étoit fimplement une.mdifçréûon<br />
d'ivreffe, ou fi c'était le réfukat d'un deffem-*.<br />
plus approfondit,nous fumes d'avis it l f envoyer cher-cher-<br />
: il vint ;•& après nous avoir répété lès mêmes chofes'dit<br />
fùn propre mouvement, il ajouta ' que, fi nous ' avions Ii'<br />
courage de nous mettre 4* là tête ,. il 'm manqueront pas de<br />
nous féconder, &fi noms nous y refufions, il enfev éliraitfom<br />
projet dans un filensce éternels Parménien'jugea-quer dm<br />
rivant de 3afius*f tentrepeife éoif hors de propos ; <strong>par</strong>ce*<br />
fuesee ferait9 nom pas nous-^mair-Darius qui profiterais dé,<br />
la mon <strong>du</strong> roi-: au -lieu q$'aprh h mort, <strong>du</strong> perfan r VAfit-<br />
& tout l'Orient obéiraient a ceux, qui fi. déferaient d*Ak~xaadre~-Ccr<br />
avis ayant- été approuvé r on s'engagea réù~yroquement'pour<br />
l'exécution* Quant au fait èe D'ymnusy<br />
jp-nlèn-ai aucunecmnoi£anM$&'• après-les aveux? queff.
$$o LIBER VI. CAP. XL<br />
fcîo; & hac confeffiiSj întelKgo non ptocfeUe<br />
mihi quod hujus fceleris expers fimu<br />
33. Wi t rursus tormtntîs aimons , quum ipji<br />
§u@§m haflk os oadosquê- ejus tverberarent , ut<br />
koc quoque crimen confiurctur exprejfêre* Exigent'eus<br />
demie ut orimem cogkati fcekrîs exponeretf<br />
quum iiu BaËra retenmra regem viderentur, //•<br />
muiffh refpondit m pater, ixx mtus annos 9 tanû<br />
txerçitûs iux, tantm ptçunim cuftos , intérim exfiingueretur<br />
, ipfique , fpoliato tamis viribus , occidenii<br />
régis cou/a non effet ; 'fijiina£èé ergo fe ,<br />
<strong>du</strong>m pmmium haberet in manibusj reprafentareçonfiuum<br />
; confcium patrem non fidjfe nifi codèrent<br />
9 tarrmnta quanquam tolerare non poffet,<br />
tamm non recufare* Mi, coUoquuêi fatis quafitum<br />
videri, ad regem revertuntur ; qui pofteradie, &<br />
$um confefus erat Phibtas recitari y & ipfum %<br />
quia ingredi nom poterat, jujpt affèrrL Omnia<br />
agnofcente eodem, Demetrius , qui proximi fce~<br />
hris <strong>par</strong>ticeps ejje arguebatur, pro<strong>du</strong>citur : multâ<br />
affirmatione, ammique <strong>par</strong>iter confiantiâ, & vultm<br />
wrwens quÙquam fibi in regem cogitatum ejfe ,.<br />
tormenta etiam iepofcebat mfêmetipfum Quum,<br />
Phibtas circumlatis ocuiïs incident m Câlin quemdam,<br />
haud procul ftantem , propiàs eum }u£ît<br />
scceiire : iUô perturbai® & recufanie tranfire ad<br />
mm, Patieris , înquit » Demetriom 'mentiri rarsùsque<br />
me excraciari} Câlin vox fanguisque de~<br />
feceram : & macedones PMhtan inquinare inmo~<br />
xios velle fufpicabantur » quia nec à Nicomacho »<br />
me 4b ipfo Pàibtd quum mrqutretur > nmmnmus •
LIVRE VL CM A P. XL 391<br />
9 Uns de faire f je conçois ajfe[ qu'il'ne Me fin âttunic<br />
s'avoir aucune <strong>par</strong>i à fin forfait,<br />
3 j. Les trois feigpeurs , l'ayant fait là-deHus appliquer<br />
de nouveau à la queftion, & le frappant eux-mêmes<br />
de leurs javelots fur la bouche & fur les ieux, le forcérent<br />
encore à confeffer ce crime. Comme ils exigèrent<br />
enfuite qu'il leur expoiat le plan de la conjuration;, it •<br />
répondit, que le roi <strong>par</strong>oKTant être arrêté pour long,<br />
temps dans la Baâriane, il avoit craint que fon père,,<br />
âgé de foixante & dix ans', ayant en fon pouvoir une fi.<br />
belle armée & en fa garde .un îréfor fi considérable, ne<br />
vînt cependant à lui manquer» & que, privé de ces puiffantes<br />
reffourcess il n'eût plus le moyen de faire périr<br />
îe roi ; qu'il s'étoit donc hâté de mettre fon projet à<br />
exécution , tandis qu'il pouvoit encore en profiter 5. que<br />
fon père ignoroit fa réfolution, & que, fi on ne l'en*<br />
croyoit pas , quoiqu'il ne fût plus en état de fupporter<br />
la queftion, il -ne laiffoit pas de s'y foumettre. Ayant<br />
conféré entre eux & jugé que les informations étoient<br />
fuffîfantes, ils retournèrent chez le roi ; & il ordonna<br />
que le lendemain on lût les dépofitions de Philotas dans<br />
l'aflemblée, & qu'on l'y apportât lui-même, <strong>par</strong>ce qu'il<br />
ne pouvoit marcher. Quand iî fut demeuré d'accord de<br />
tout, on amena Démétrius,. accufé d'avoir trempé dans<br />
la dernière conjuration j mais , <strong>mont</strong>rant un courage<br />
ferme & une contenance affùrée, il nia avec de grands<br />
ferments qu'il eût jamais rien projeté contre le roi ; il demanda<br />
même d'être mis- à la queftion. Cependant Philotas<br />
, promenant fes regards de tout côté,. apperçut, à<br />
peu de diftance , un certain Calis, à qui il dit d'approcher<br />
: celui-ci, dans le trouble où il étoit, refufant<br />
d'avancer, Quoi ! lui dit-il, tu fiuffriras que Dimârius.<br />
m impofi & qu'on me remette à la torture ? Calis étoit<br />
Cans voix & à demi mort : & les macédoniens foupçonnoieat<br />
Philotas de vouloir charger des innocents »<br />
<strong>par</strong>ce que ai Nicomache% ni Philotas même dans laquef- .<br />
tion» n'avoieat fait aucune mestiorkdê ce jeune homme i
J9* LIVR-K FT CAP.- -XX<br />
effer adblêfiensj qui w m prmfeëm' FCjps'circum^<br />
JBtntes fe vMk % Dememum & femtûpfum'M fa^<br />
cinus cogiïaffh'- confejftis efti Omnes ergo* £ Nhcomacho<br />
nomihatùs, morcpatrio , datojtgrnrr faxh<br />
wbrwnm. M'agno, non modo f<strong>du</strong>tïs, fiitetiamvim<br />
perkulo liberatus' erat Mexandèr ? quïppf<br />
ParmenÎQ- & Ph'dotas y. principes amicorum, nijf<br />
palÀm fônim r fine indignatiom totiïu exerehus non<br />
potuiffent' damnant Itaque. anceps quaftîài fiât r<br />
<strong>du</strong>m-inficïatuf efl-facinus 9. crudeîker wrquerïvide--<br />
Baiur ;• pofl' confejfionem, PhUotas ne màcomm<br />
éffddem mïferkordiam' mruiu-<br />
Mais- primi Vôfiimims*-
LIVRE VI. CM A p. XL 395<br />
maïs f dès qu'il fe vit environné des officiers <strong>du</strong> roi, if •<br />
avoua que I>émétrius & lui-même étoient entrés dans<br />
la conjuration. On donna donc le lignai t & tous ceux<br />
que Nicomache avoit dénoncés furent lapidés, félon la<br />
coutume <strong>du</strong> pays. Alexandre étoit délivré <strong>par</strong> là d'ua<br />
grand danger de perdre, non feulement la tranquilité »<br />
mais même la vie ; car Parmémon & Phiiotas r qui étoient<br />
les premiers de fa cour, à moins d'être publiquement<br />
convaincus t n'auroient pu être condamnés fans irriter<br />
toute l'armée. Àuffi la recherche en fut-elle inquiétante<br />
: tant que Phiiotas nia le crime, la queftion <strong>par</strong>ut<br />
pleine de cruauté ; quand il en eut fait l'aveu , il n'obtint<br />
pas la moindre pitié de fes amis mêmes*<br />
Un <strong>du</strong> premier Fokm»