13.12.2012 Views

par quinte-curce. - Notes du mont Royal

par quinte-curce. - Notes du mont Royal

par quinte-curce. - Notes du mont Royal

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>Notes</strong> <strong>du</strong> <strong>mont</strong> <strong>Royal</strong><br />

www.notes<strong>du</strong><strong>mont</strong>royal.com<br />

Ceci est une œuvre tombée<br />

dans le domaine public, et<br />

hébergée sur « <strong>Notes</strong> <strong>du</strong> <strong>mont</strong><br />

<strong>Royal</strong> » dans le cadre d’un exposé<br />

gratuit sur la littérature.<br />

Source des images<br />

Google Livres


H 1 STOI RE<br />

D'ALEXANDRE<br />

LE GRAND,<br />

PAR QUINTE-CURCE.<br />

TOME I.


HISTOIRE<br />

D'ALEXANDRE<br />

LE GRAND,<br />

FAR QUINTE-CURCE?<br />

Tra<strong>du</strong>ite <strong>par</strong> MMS ë'â îr Z'è £ 9- de- l* Académie'<br />

Framçmfe &*de celle délia Crufca > derAcadé^<br />

mies royales de Rouen fJe Met[ #>& d*Arras f<br />

Profefftw royal èmèrm de l'École militaire ^<br />

& Secrétaire - interprète de MmiSMlGMB-VM^<br />

CQUTE M'ARTOIS,<br />

T ( } ME<br />

L È * ^injC, fiiif ••*-•—-fcjg LLjfc^«


Bayerfsche" j<br />

Staatsbibliothtlc'<br />

Mûncheo J


A MONSEIGNEUR<br />

L £ D UC<br />

D\\NGOULEME.<br />

ONSEIGNEUR,<br />

L*iiÈ€ÂNCE & les agréments dé Qukte-<br />

Curée U feront entrer fans mute dam h plan di<br />

vos études $ l'honneur que foi d'être l'un des Se-»<br />

èrémires-interprètes de MONSEIGNEUR COMTé<br />

®*ARTOIS, me fait un devoir de vous confacrer<br />

la Tra<strong>du</strong>Bion de cet auteur, pour vous enfacUker<br />

l'intelligence. Cefl Vhiftorien latin que je me propofi<br />

de vous faire connoître en françoisf w ce<br />

nefl point '<strong>du</strong> tout Alexandre le grand que je<br />

viens préfenter comme un modèle au fils de Saint<br />

Louis.<br />

Vous VOUS Indigneriez avec raifort, MOJT-<br />

SEIGNEUR, <strong>du</strong> rapprochement de ces deux héros fi<br />

:peu-JimMablcs : ïun3 qui n'a point d*autre motif<br />

'• fui' fa vanité', point d'autre droit que fan épée M<br />

point d'autre règle que fet paffwns » point d'autre


ïj DÉDICACE.<br />

vertu 'q£une valeur bmtak •& fouvent timimm f<br />

l'autre , qui ne fe décide que <strong>par</strong> des moûfs êe<br />

juftice, qui-refptBe ks droits de [es ennemis am<br />

préjudice mime de fes intérêts 3 qui règle confiant*<br />

ment fa con<strong>du</strong>ite fur tes maximes Jacrées de la<br />

Religion 9 & qui m connoit ks payons que pour<br />

ies combattre % ks vices que pour ks détefter : k<br />

premkr mfpira fouvem à fes amis la défiance 9 le<br />

mépris , la terreur ; k'fécond força l'admiration \<br />

iefiime , la confiance mime de fes 'ennemis : la<br />

Terre, dévafiée <strong>par</strong> k brigandage & déshonorée<br />

<strong>par</strong> ks crimes j c'eft aujfi ce que fe propofent ks Sages<br />

i qui l'on «4$ confié k dépôt précieux de votre<br />

é<strong>du</strong>cation.<br />

Je fuis avec un très-profond refpëS ,<br />

MONSEIGNEUR*<br />

' Votre très-humble & très-obéiffanf<br />

! ferriteur, BEAUZéE»


PRÉFACE<br />

ET<br />

ÏNTRODV€TÎO&<br />

JLAll une fuite des vues qui m*avoient dlter*<br />

'•miné à tra<strong>du</strong>ire SALLFSTE , j'ai dû, pour donnet<br />

plus déten<strong>du</strong>e à mon expérience » entreprendre<br />

iencore ïa tra<strong>du</strong>âion afun autre écrivain : car ce<br />

rfeft pas affex de favoir tra<strong>du</strong>ire les langues ; il<br />

£aut encore tra<strong>du</strong>ire en quelque forte les ftyles ><br />

& chaque auteur a le fie». Le peu d'éten<strong>du</strong>e des<br />

œuvres qui nous reftent de SALLUSTE , m*a fait<br />

préférer dans le temps cet hiftorien » d'ailleurs<br />

eftimé 8c digne de Fêtre , à tout autre qui aurait<br />

-Ité plus volumineux, & qui m'aurait détourné<br />

plus long temps de mon objet principal : aujourdhui,<br />

avec la mime intention &L le même be*<br />

loin de gagner <strong>du</strong> temps, fai dû càoifir tm ou*'<br />

vrage, aflez long pour fonder fuffifamment mes<br />

observations, allez court pour ne pas me diftraire<br />

trop long temps de mon travail rar la Grammaire<br />

générale-* & aflex eftimé pour intérefler la curiofité<br />

<strong>du</strong> Public fur la tra<strong>du</strong>âion qu*on M en pré*<br />

tenterait.<br />

Q„ CtrutE m\ <strong>par</strong>u d'autant plus propre &<br />

réunir tous ces avantages , que nous n'ayons de<br />

Cet élégant écrivain que la tra<strong>du</strong>âion de'M. DJE<br />

VAUGELAS , qui mérita peut-être d'être accueillie<br />

^uand elle <strong>par</strong>ut il y a cent trente ans., dont la.<br />

m J îi


IV PHèF'ACE<br />

réputation s'eft foutenue jufqu'à nos jours iaute<br />

de mieux, .mais dans laquelle on peut toutefois<br />

trouver bien des chofes à reprendre. Sans <strong>par</strong>ler<br />

<strong>du</strong> langage, qui eft devenu furanné dans beaucoup<br />

a endroits ; on peut reprocher au tra<strong>du</strong>cteur<br />

des omiflions , des fens eftropiés , des contre-fëns,'<br />

des interpolations d'idées, 'quelquefois<br />

des commentaires au lieu de tra<strong>du</strong>ctions. Le ftyle<br />

de l'original n'a pas été plus ménagé que fon langage<br />

\ <strong>par</strong> exemple, des difcours. qui ne font<br />

prefentës qu'indireôement en' latin, font direûsen<br />

françois. Mais mon jugement fur la tra<strong>du</strong>cliort<br />

de VAUGELAS pourroit <strong>par</strong>oitre fufpeft ; & il ne<br />

me conviendrait en aucune manière de vouloir<br />

l'appuyer, <strong>par</strong> la com<strong>par</strong>aifon de ma manière<br />

avec la fienne dans les endroits oh je penfe qu'il<br />

s^eft trompé : j'aime mieux cirer un écrivain ,<br />

dont le travail a été couronné en 1772 <strong>par</strong> l'Académie<br />

royale des Infcriptions & Belles lettres ;<br />

c'eft M. le Baron DE SAINTE-CROIX , dont voici<br />

la Date Y. fur fon Examen des MJioriens d*Ak-»<br />

xandre :<br />

n M. DtJPUY* dit-il, auffli distingué <strong>par</strong> fou<br />

.favoir que <strong>par</strong> la place qu'il occupe dans la république<br />

des lettres , remarque très-bien que<br />

y AûGELAS a fupprimé , dans fa tra<strong>du</strong>ftion > une<br />

<strong>par</strong>tie <strong>du</strong> <strong>par</strong>tage de QUINTE-CURCE ou, » après<br />

79' avoir décrit la. confternation que répandit dans<br />

*i l'armée d'Alexandre une éclipfe de Lune , cet<br />

i> Wftorien obferve que' les devins égyptiens f<br />

ii que ce prince fit conïulter, favoient fort bien<br />

.$ la raifon de ce phénomène , mais qu'ils la te-<br />

*>. noient cachée- au vulgaire : at Wi 9 ce font fes<br />

i' <strong>par</strong>oles!, (rvvx.'ty.)yvi ftfU fiùcut umpàtm


ET INTRODUCTION. :v<br />

y> orbes: impkre deftinatas vices, Lunamque deficerç<br />

p quum aut terram fubiret aut foie premeretur, ra~<br />

p tionem quidem ipfis. perceptam non tdocent vuhp<br />

gus. L'hiftorien a-*-il eu une idée bien nette de<br />

» Ta caufe des éclipfes lunaires? 11 femble, â<br />

»>, l'entendre, que la Lune peut s'éclipfer en deuy<br />

7t cas 5 ou lorïque terram fubit, .ou lorfque pre^<br />

» mitur â foie : on peut donner un bon ïens a la<br />

» première expreffion, <strong>par</strong>ce cu'effeâivement<br />

j> la Lune s'éclipfe lorfira'elle pafle fous la terre<br />

si ( terram fubit) qui eu entre elle & le foleil;<br />

» mais qu*a-t-il préten<strong>du</strong>, lorfqu'il a dit que la<br />

s> Lune louffire éclipfe quum foie premitur 9 lorf?<br />

» qu'elle eft preffée <strong>par</strong> le foleil? « {'Hjft* de<br />

VAcad. des Infir. Tom. XXIX. pag. 324. ) On ne<br />

ïauroitfans doute donner un iens rauonnable'aû<br />

texte de QUINTE-CURCE , l'obfcurité de ce<br />

paflage- dé<strong>mont</strong>re l'ignorance de cet écrivain.<br />

M« I5UPUY relève encore plufieurs fautes échappées<br />

à VAUGELAS ; ce tra<strong>du</strong>fteur, d'ailleurs très-<br />

Eabile, en a commis un grand nombre. Son plus<br />

grand défaut eft de conferver rarement dans fa<br />

tra<strong>du</strong>ôion le fens figuré de fon auteur, & d'en<br />

affoiblir <strong>par</strong> là les images. Enfin cette tra<strong>du</strong>ftion<br />

manque en général de grâce & de vie u.<br />

• " Le jugement de ce favant écrivain, confirmé<br />

iar celui <strong>du</strong> fecrétaire de l'Académie des Belles-<br />

Î<br />

étires, fiiffit fans doute pour juftifier le befoia<br />

de présenter au Public une nouvelle tra<strong>du</strong>ftioft<br />

de QUINTE -CURCE, Je prendrai néanmoins la<br />

liberté de ne pas fouferire également à ce qu'ils<br />

f ; enfent, ainfi que JEAN LE CLERC , f Àrs crit.<br />

art, III. feft. u). cap. 2. §. 2. ) de rhiftôrien<br />

latin au fujet de l'éclipfe de Lune. Ce n'eft pas.<br />

•a iij


vj PRÉFACE<br />

que je prétende faire une apologie générale decet<br />

auteur ; je fais trop combien on peut lui re~<br />

f>rocher de fautes réelles : mais n*eft-il pas de-<br />

^équité de ne le rendre refponfabîe que de celles<br />

qui lui font propres, & de ne pas îe charger de<br />

celles qui viennent peut-être de l'inattention oncle<br />

l'ignorance de fes copiftes h<br />

'• Jules-Cêfar avolt reformé le calendrier to~*<br />

main ; & cette réforme * non feulement fuppofbit'de<br />

grandes connohTances aftronomiques dans<br />

ceux qui forent chargés <strong>du</strong> trayait, mais <strong>du</strong>t en*<br />

core fixer fur cet objet Fattention de beaucoup,<br />

•de gens dVfprît, & répandre des notions de cette<br />

fcience Jufques dans la multitude. Le fiècle d'Au-*<br />

gufte , auquel QUI^TI-CURCF ap<strong>par</strong>tient ou.<br />

mérite d'ap<strong>par</strong>tenir , loin de détruire ce goût<br />

iiaiflant chez les romains, <strong>du</strong>t au contraire le foin<br />

tifier & fétendre i & il eft raifcnnabk de croire<br />

que notre hiftorîen % fè mêlant de raîfonner &r<br />

une êclipfe de Lune dans un ©image qu'il def*<br />

tinoit au Public , en favok fans doute ce que<br />

n'ignorent pas aujourdhui de fimples écoliers %<br />

©u qu'au moins il eut aflèz d'amour propre pour<br />

comulter quelque homme inftraît dans ce genre*<br />

Mais il femme, dit M. DUPUT, qu'il veuille<br />

faire entendre que la Lune peut s*éclipfer en deux<br />

cas, *ou lorfque terram fitbît, ©u lorfque premitiir<br />

'à foie. L'excès même de cette ignorance me porte<br />

à croire % que lliiftorîen a feulement voulu ex*<br />

cliquer en deux façons la manière unique dont la<br />

Lune peut s*écKpfer ; & qu*au lieu de premeretur^<br />

intro<strong>du</strong>it <strong>par</strong> Quelque copïfte, fauteur avoit mis<br />

privaretur, qui en diffère bien peu. SoU prîvart<br />

eft pour k Lune une fuite nfceflake de çewam


ET INTRODUCTION. .vy<br />

fiêlre ; & cette correâion f que f ai fume dans<br />

ma tra<strong>du</strong>éHon , fans ofer toutefois k faire paffet<br />

dans le latin-, fait dif<strong>par</strong>oître la difficulté : les<br />

devins égyptiens favoiçnt que 1a Lune s'éclipfc<br />

qtmm oui terram fukireê autfoïe privaretur , (quand<br />

elle fe cache fous k terre ©u qu'elle eft privée <strong>du</strong><br />

folêU).<br />

On m'objeéle que «-la répétition de ont an4<br />

nonce clairement deux fortes d'éclipfe de Lune ,<br />

& qu*il n'y auroit qu'on oui, û la féconde <strong>par</strong>afe<br />

n'étoit qu f une explication ou une conféquence de<br />

-la première. En examinant de près le principe<br />

dont on s'appuie ici , peut-être ne (èroit-il pas<br />

ïmpoffible aen prouver la faufleté <strong>par</strong> de bons<br />

exemples : mais je veux bien l'adopter ; & dans<br />

ce cas-là même, le km de QUINTE-CURCE<br />

peut encore devenir raifonnabk <strong>par</strong> deux chanements<br />

légers ,- dont les commentateurs ont<br />

f<br />

onné plus d'un exemple, & que la jufttce.ré*<br />

clame en faveur de Fhiftorien. Que L'on • change<br />

le premier mt en im , & le fécond ea ut ; on<br />

aura quum ka terram fubiret ut foie privaretur +<br />

{ quand eHe fe cache fi bien fous la terre qu'elle<br />

eft privée <strong>du</strong> folël ). Ne pas fe prêter f <strong>par</strong> des<br />

correftions autorifées, à la juftifieatiott d'un écrivain<br />

d'ailleurs efBmable, eft un trait criant de<br />

<strong>par</strong>tialité ; & j'aimerois .autant qu'on l'accusât<br />

d'avoir eu la maladreffe de commencer fon histoire<br />

<strong>par</strong> la prife de Célènes.. Les lacunes & les<br />

lautes de cet ouvrage .viennent de la même<br />

fource : long temps oublié dans les btbliothè-<br />

«nies 9 & <strong>par</strong> là même abandonné à de mauvais<br />

•copiftes 9 ç'auroit été un prodige qu'il vînt jufqu'à<br />

nous fans aucune imperfection*<br />

a m


vSj PRÉFACE<br />

FREINSBIMIUS, outre quelques lacunes qtfit<br />

a îempMes dans les huit livres qui nous relient ,<br />

a luppléé les deux premiers en entier , avec une<br />

élégance qui approche de celle de l'original , &<br />

une abondance qui peut-être ne fe trouvoit pas<br />

dans QUINTE-CURCE. DU RYER a tra<strong>du</strong>it ce$<br />

luppléments ; mais ces tra<strong>du</strong>ctions étant principalement<br />

deftinées pour îes collèges, où on- ne<br />

fait aucun ufage des luppléments de FREïNSHÉ*<br />

MIUS 3 <strong>par</strong>ce qu'ils font d'une latinité moderne<br />

& fiilpeâe 3 & que d'ailleurs ils font trop éten<strong>du</strong>s<br />

3 une tra<strong>du</strong>ôion que j*en aurois faite auroit<br />

été en pure perte comme celle de Du RYER-.<br />

11 eft pourtant néceffaire d'être intro<strong>du</strong>it à la<br />

kôure de QUINTE-CWRCE, <strong>par</strong> une notice?<br />

fommaire dès faits principaux des premières an*<br />

nées d'Alexandre ; vu fin-tout que <strong>par</strong> la fuite il<br />

y a des allufions à ces faits, dont il ne feroit paf<br />

poffible d'entendre le fens, û Ton ignoroit les<br />

faits mêmes. Eflayons d'efqiiiffer ce tableau»<br />

ALEXANDRE h grand, fib-de PhiKppe, roj[<br />

de Macédoine, & «rOlympias , princeffe d'E*<br />

pire, naquit à Pella, capitale de la Macédoine ,<br />

k première année de la evi ". olymjpiade, Fan<br />

4e Rome 598, & 356 ans avant Jefiis-Chrift.<br />

Le même jour où naquît ce prince, le temple<br />

.de Diane à Ephèfe , l'une des merveilles dît<br />

monde, bâti aux dépens & au nom de toute<br />

l'Aile mineure , fiât ré<strong>du</strong>it en cendres <strong>par</strong> .Fattentat<br />

d'un extravagant, qui voulut <strong>par</strong> la rendre<br />

ion nom célèbre :• image frappante des fiineftes<br />

effets <strong>du</strong> fanatifme de la gloire 9 .& préfage de<br />

•la paffîon dominante <strong>du</strong> prince qui venoit de<br />

"naître & de tous les malheurs de l'Aûe l


'ET INTRODUCTION. ix<br />

Sa naiffance fat, dit-on, annoncée <strong>par</strong> des<br />

prodiges , que la flatterie avoit imagines, que<br />

les préjugés, <strong>du</strong> paganifine ou les prefliges de<br />

l'admiration répandirent, & qui furent crus <strong>par</strong><br />

l'imbécillité. Mais il en eft un, ignoré de tous<br />

les hiftoriens d'Alexandre, & qui a droit d'être<br />

cru de tout l'univers ; c'eft que DANIEL , quelque<br />

deux-cents ans avant la naiffance de ce<br />

Îmnce 9 a prédit très-clairement la rapidité &<br />

a nature de fes conquêtes , la vafte éten<strong>du</strong>e &<br />

la courte <strong>du</strong>rée de fon Empire , & le <strong>par</strong>tage<br />

qui s'en fit auffitôt après fa mort entre fes capitaines<br />

: ( Voy§i Daniel, chap. IL vu. vin. )<br />

rien ne prouve mieux, que ces conquérants fameux<br />

, dont les exploits épouvantent notre foibîefle<br />

& nous jettent dans une ftupide admiration<br />

(a) 3 ne font en effet que les inftraments<br />

aveugles de la Providence divine 9 qui 9 en condamnant<br />

leurs crimes , les fait fervir, fouvent<br />

contre leur gré, à l'exécution de fes vues adorables.<br />

Les Empires détruits , îes trônes renverfés»<br />

Les champs couverts de morts t les peuples difperfés-,<br />

"Et tous ces grands revers que notre erreur commun»<br />

Croit nommer juHement les jeux de la fortune ,<br />

Sont les jeux de celui qui »'maître de nos cœurs t J •<br />

À fes deffeins fecrets fait fervir nos fur «urs t<br />

Et y de nos panions réglant la folle ivreffe %<br />

Ça) Conflliult pmïïa muita , & abtimut omnium «ut»<br />

nhionts , & inurfkcit reges terrm % & ptrtranfi.it vjqm se<br />

fines ttftm , & aecepii fpbtià muhituiinis gentium'^ &<br />

flmt urra m conjpcftu ejus* î^Michak j. %• |»- *


* ' P R É FA C E '<br />

De fes projets <strong>par</strong> elle accomplit la fageffe flj*<br />

Oui, c'eft ce même Dieu qui fait à fes deffein*<br />

Ramener tous les pas des aveugles humains.<br />

Sous d'orgueilleux vainqueurs' quand les villes fuc*<br />

combent ,<br />

Quand r&ffreux contrecoup des Empires qui tombent<br />

Dans le monde ébranlé jette au loin la terreur ;<br />

Que font tous ces héros qu'admire noire erreur *<br />

J-es minillres d'un Dieu qui punit des coupables t<br />

Inftruments de colère % & verges méprifabîes (e).<br />

Philippe 5 lècrètement dirigé <strong>par</strong> celui qui tient<br />

dans fa main'les coeurs des rois, prit de l'é<strong>du</strong>cation<br />

de fon fils les plus grands foins. A la tête<br />

'de cette é<strong>du</strong>cation, étoit Léonidas,. <strong>par</strong>ent de k<br />

reine, homme d'une grande auftérite de mœurs :<br />

fous les ieux fon élève étoit inftrttk » <strong>par</strong> différents<br />

maîtres, de tout ce qui convient à l'héritier<br />

d'un grand royaume. Mais le plus célèbre<br />

& le plus favant de ces maîtres, fk ARISTOTE ?.<br />

refpecté dès lors comme un philofophe <strong>du</strong> premier<br />

ordre 9 & dont la réputation s*eft foutenue<br />

pendant une longue luite de fiècîes & brille encore<br />

avec éclat, même depuis que DESCARTES;<br />

a jeté dans le difcrédit fes fyftêmes philofophi—<br />

ques* Voici 9 d'après AULU-GELLE , qui- nous en<br />

a confervé le texte grec & donné k tra<strong>du</strong>ftioa<br />

en ktin, (JLié* ix. cap. 3.}. la lettre que lui.<br />

écrivit PhiBppe peu de temps après k. nasSanee»<br />

«fAlexandfe ;<br />

(k) Racine fils f Pohnt.it h Rtlïg* eh. iv. 1-8».<br />

(4 Id. ik 577-184.


ET INTRODUCTION. xj<br />

' 'Fûimm miki genhum Sachez qu'il m 9 eft né<br />

'fcko : quod equîdem dis un fils : & je remercie<br />

habeo graûam, non pro- bien fincèrement les<br />

inde quia mains eft , quam dieux, non pas tant de<br />

pro eo quod mm nafci fa naiflance , que <strong>du</strong><br />

contigit tepporibus vim bonheur qu'il a d'être<br />

• mm ; fpeh enim fore ui , né de votre temps ; car<br />

t<strong>du</strong>èus erudkusque ahs j'efpère qu'élevé & infte,<br />

dignus exfijiaê & no- trust <strong>par</strong> vos foins, il<br />

bis & rerum tflarumfuf- fera igné & d'être né<br />

ceptwne. de nous & de prendre<br />

après nous le gouvernement de cet Empire.<br />

Ce .fils profita bien des leçons qu'il reçut, &.<br />

auroit pu paffer pour un homme diftingpé dans<br />

les fciences & dans les lettres, û des-objets plus<br />

brillants n'avoient fait oublier fes autres qualités»<br />

Les amufements de fa jeunefle furent des jeux<br />

héroïques. Le cheval Butéphale n'avoit cédé.à<br />

aucun 'écuyer ; Alexandre robferva, découvrit<br />

ce qui lui fefoit ombrage, & le dompta. On<br />

lui fefok entendre qu'il faudroit un jour qu'il ie<br />

préfentât aux jeta olympiques : Je ie ferai fansdoute<br />

, répondit-il, fi jy trouve des rois pour an*<br />

tagonifkes. Les viftoires que remportok fon père ,<br />

étoient pour lui des fujets d'affliétion ; Mes amis %<br />

difoit-il alors-aux enfants de fou âfô, mon père<br />

prendra tout &• ne nous laiffera rien à faire. Il avoit<br />

d'ailleurs un caraâèrevif& même violent, ferme<br />

dans fes réfolutions, arrêté à fcn.fentiment j<br />

jamais il ne cédoit à la force r mai» oa le ra»—<br />

ineiîok aifément <strong>par</strong> la railon..<br />

• Sa taille étoit médiocre 9 fes- membres bien<br />

proportionnés % fa phyfioaomie imçoiante : il<br />

a Vf


xij PRÉFACE<br />

©voit de la foupleffe, de l'agilité, de la vigueur ;<br />

& il eut grand foin d'entretenir & d f augmenter<br />

<strong>par</strong> Fexercice ces heureufes diipofttions : il <strong>par</strong>vint,<br />

à fe mettre en état de fupporter aifément<br />

les plus grandes fatigues , fè contenait de la.<br />

nourriture la plus fimple, & fav


ET mT^ODUCTlON: xïlj<br />

la vie » 'fi Alexandre n'eût * accouru à'fon fecours<br />

, ne' l'eût- couvert de ft>n bouclier , Ôf<br />

n'eût tué ou:mis .en faite ceux'qui l'afiaiMoient.<br />

Philippe <strong>par</strong>vint -enfiiite <strong>par</strong> des menées lourdes,<br />

à faire acculer les' locriens d'Amphiffe d'avoir<br />

profané une terre facrée près <strong>du</strong> temple de<br />

Delphes, puis à 'ménager fi habilement le Confeil<br />

des amphyâions, qu'on l'y nomma Général<br />

des çrecs pour tirer vengeance de ce facrilège ;<br />

il prit les armes amffit&r* s'avança vers la campagne<br />

de Cyrrhée quï-étok l'objet de la préten<strong>du</strong>e<br />

profanation 3 & oubliant tout à .coup cyr«fhéens<br />

& locriens, il s'em<strong>par</strong>a d'Ekthée, la plus<br />

grande viEe de la Phocide. Thèbes & Athènes<br />

ouvrirent également les ieux fur ce qu'elle^<br />

ayoient à craindre ; & malgré leur rivalité, l'éloquence<br />

de Démofthèoes les réunit pour leur<br />

intérêt- commun : une ligue fat formée contre<br />

Philippe 5 on prit les armes de <strong>par</strong>t & d'autre »•<br />

& les deux armées ennemies fe trouvèrent en<br />

réfence près de Chéronée , ville de la Béotie.<br />

E<br />

«e combat fut rude & opiniâtre , & la victoire<br />

long temps douteufe. Alexandre, à qui fon père<br />

avoit confié le commandement de fon aile gauche<br />

5 <strong>mont</strong>ra dans cette aâion toute la cagacité'<br />

d'un vieux Général avec le courage d'un jeune.<br />

Officier de dix-huit ans : ce fat lui qui détermina<br />

Ja viâoire , en enfonçant le bataiEon facré<br />

des thébains ; & êUe fat fi coniplette , que<br />

toute la Grèce fat contrainte de' faire la paix<br />

telle qu'elle conVenoit à l'ambition de Philippe «"<br />

qui en profita bientôt pour fe faire déclarer dans<br />

l'affemblée des grecs leur Général contre les<br />

Perfes*


xh PR-ÉFACE<br />

Tandis que le roi de Macédoine avoît au de^<br />

hors des fuccès fi brillants, des défordres domeftiqaes<br />

en altéraient la joie. Le mécontente^<br />

ment qu'il avoit de fa femme Olympias , le<br />

porta a la répudier & à époufer Cléopatre ,•<br />

nièce d'Attalus-. Au milieu des réjouïffances <strong>du</strong><br />

feftin & dans ta chaleur <strong>du</strong> vin, Fonde de lanouvelle<br />

reine s'avifa de dire, qu'il ne reftoit<br />

aux macédoniens qu'à prier les dieux qu'elle<br />

donnât inceffamment au roi un fucceffeur légi—<br />

time. Alexandre , naturellement colère , déjà<br />

mécontent de l'humiliation de fa mère, fe fentit<br />

juftement offenfé de ce difcours qui étoit pour<br />

lui une injure perfonnelle : Quoi? Miféraàk%<br />

dit-il à Atfalus, me prends-tu donc pour un bâtard?<br />

en même temps il lui jeta a la tête lacoupe<br />

qu'il tenoit, & Attalus lui jeta <strong>par</strong>eillement<br />

la fieniie. Philippe, qui étoit à une autre<br />

table 5 indigné qu'on osât troubler Iw fête , s'élance<br />

l'épée à la main contre fon fils : mais il"<br />

étoit boiteux , il tomba, & les courtifans eurent<br />

le temps de fe jeter entre deux & d'arrêter lésantes<br />

de cette vivacité. Le plus difficile fut d'empêcher<br />

Alexandre d'achever de fe perdre luimême<br />

3 & il ne fe retira qu'après avoir franchi<br />

toutes les bornes <strong>du</strong> refpeft qu'il devoit à'<br />

fon roi & à fon père. Il prit avec lui fa mère f<br />

la mena en Epire ; & pour lui, il fe retira chez<br />

les illyriens.<br />

La vindicative Olympias engagea aifémenf<br />

fon frère Alexandre , roi d'Epire , à faire laguerre<br />

à Philippe : celui-ci, qui facrifîoit tout<br />

aux vues de fon ambition , voulut fe débarraffer<br />

de cet ennemi, en lui donnant en mariage-


MT-INTRQDUCTIOm * x+<br />

.Cléopatre qu'il avok eue d'Olympias même» Les»<br />

noces s'en firent à Eges., où étoit la fépulture<br />

des rois de Macédoine ; & les princes Yoifins +<br />

ainfi que les ambafladeurs des villes grèques*.<br />

s y trouvèrent en. grand nombre- On y donna<br />

des jeux & des fpeciacles magnifiques^ Philippefe<br />

rendoit fans gardes au théâtre » entre fbn'nlsqui<br />

étoit enfin revenu près de lui & fon geikare,<br />

lorfiroe^ tout à coup il fut poignardé <strong>par</strong><br />

un jeune ieigneur macédonien y nommé Paufanias.<br />

Déshonoré dans fa première jeuneffe <strong>par</strong><br />

Attalus , à la lubricité <strong>du</strong>quel il avait été im?molé<br />

malgré lui, il en avoit reçu depuis peu<br />

m outrage de. même genre % encore plus fan—<br />

glant : il en avoit vainement folMcité la vengeance<br />

auprès de Philippe ,. qui au contraire<br />

comblok tous les jours Attalus ' de nouveaux<br />

honneurs* Le jeune macédonien % outré de «ce<br />

déni de juftice » réfolut enfin de laver fa propre<br />

honte dans le fang même de ce prince*<br />

Olymmas n'eut pas. plus tôt appris k mort, da<br />

roi, qu'elle <strong>par</strong>ut en Macédoine : la nuit même<br />

de fon arrivée, eUe mit une couronne d'or fur<br />

la tête de Paufanias f qui étoit attaché à. un gi*bet<br />

; elle fit tuer k fille de Qéopatre fa rivale<br />

•fur le feîn même de la mère , & ré<strong>du</strong>ifit cette<br />

malheuteufe princeffe à fe pendre.; en un mot<br />

cMe pouffa la vengeance fi loin 8c d'une manière<br />

fi écktante , que perfbœie ne douta- qu'elle<br />

n'eût quelque <strong>par</strong>t au meurtre- de Philippe. Om<br />

alla mejne jufqu'à foupçonner qu^AJexamîre n'em<br />

étoit pas tout a fait innocent<br />

La tyrannie d'Olytiapias » fookàmn où l*oa<br />

était de. k compEcité. cAkiandre, le. mépris


'kvj •' PRÉFACE "•<br />

*qu*on avoit pour on jeune homme de vingt m$i<br />

les différents intérêts des feigneurs macédonien*,<br />

le reffentiment des grecs contre l'ambition de<br />

tPhilippe qni les -avoit preïque aflèrvis', ceM<br />

•des peuples voifins qu'il avoit fubjugués • ou ren<strong>du</strong>s'tributaires<br />

3 tout cela infpira également Pef<br />

'•prit de révolte aux macédoniens &• aux étran-<br />

ers. Mais- le courage & PacHvité <strong>du</strong> jeune roi<br />

f<br />

t face à tout. Son premier foin fut de rendre<br />

à fon père les honneurs funèbres, & cPïmmoler<br />

for fon tombeau ceux qui avoient eu <strong>par</strong>t au<br />

crime de fa mort ; il ne fit grâce qu'à Àlexan*dre-Lvnceftes<br />

5 <strong>par</strong>ce-qu'il-avoit été le premier<br />

•-à le -ialuer comme roi ':, il le défit auifî de ceux<br />

•oui'lui dilputôient la couronne ,• & fpécîalement<br />

tfAttalus -y qui'aurbit. pu penfer à venger fa<br />

'iiièce* :•-..... , - . *<br />

• Quand tout' fut -afluré au: dedans , -on le -vit<br />

-en moins de deux ans ré<strong>du</strong>ire les ttyëualiens rebelles<br />

; -fubjuguer la Thrace ; &• dans un feue<br />

•jour paffer le Danube , battre les grecs, pren-<br />

*dre-une de leurs villes , & repafler le.'fleuve-;<br />

•châtier en revenant les illyriens , & ranger an<br />

• devoir d'autres peuples ; de là voler *à Tïèbes ,<br />

qu'un faux bruit de fa mort -avoit révoltée con-<br />

"tre la garnifon macédonienne ,• & dont Pexera-<br />

• pie avoit entraîné les autres villes de la Grèce :<br />

-en vingt-quatre heures il afliégea5-prit_, & rafa<br />

•cette malheureufe ville ; fix-mille thébains furent<br />

paffés au fil de Pépée, & environ trente-<br />

-mille ré<strong>du</strong>its ea femtude & ven<strong>du</strong>s comme<br />

efclaves.<br />

- Cet exemple de. févérité- répandit une terreur<br />

«uverfejle, & amena à fes pie-ds toutes les t&»


ET INTRODUCTION. xrç<br />

publiques 'de la Grèce : il indiqua' à Corinthç<br />

une affemblée générale, où la qualité de Géséraliffime<br />

des grecs contre les perfes, qui lui<br />

avoit été déférée quelque temps au<strong>par</strong>avant .pas<br />

îes amphlâyons, fut confirmée fans aucune ré-?<br />

clamation. Quand il eut ré<strong>du</strong>it ainft toute h<br />

Grèce au (Uence, & réglé la nature & le nom-?<br />

bre des troupes qu'on lui foumiroit pour l'expédition<br />

contre ks perfes » il reprit k chemin de<br />

ta Macédoine pour mettre ordre à fes affaires<br />

perfonnelles. D y prit toutes- les précautions po£<br />

fibles pour en affûrer la tranquillité pendant fou<br />

abfence : il mit dans fon armée tous les princes<br />

•oifins dont il pouvoit craindre quelque chofe ,<br />

& confia le gouvernement de leurs Etats à des<br />

perfonnes fûres ; il laifla celui de la Macédoine<br />

entre les mains d'Antipater, qu'il regardoit comr<br />

me fon ami. H ne prit pour officiers généraux<br />

que ceux qui avoknt fervi fous fon père & qui<br />

«voient au moins foîxante ans 5 & pour- mkwt<br />

les encourager, Il leur diftribua toui ks revenus<br />

qu'il avoit en Thrace, en Illyrk , en Macédoine<br />

, & en Grèce , ne fe réfervant % comme<br />

il le leur dit, que l'eipérancç.<br />

D étoît à Die, en Macédoine f occupé des<br />

pré<strong>par</strong>atifs de cette. guerre f & penfant aux<br />

moyens de conquérir l'Aile, lorfqu'un fonce ,<br />

qu'on ne peut regarder que comme une impi-»<br />

ration <strong>du</strong> Ciel, lui donna les plus grandes et<br />

sérances de fuccès. Un vieillard lui ap<strong>par</strong>ut fous<br />

Î<br />

a forme & ks vêtetuents <strong>du</strong> grand iacrificatçux<br />

des juifs, l'exhorta à ne rkn craindre f lui dit<br />

de pafler hardiment le détroit de l'Hellcfpontv<br />

& Faffûra que le Dieu dont il étoit k muûftro


xvBj PRÉFACE<br />

marcheroît à la tête de fon année 9 loi dbimc£roit<br />

1a vicloire, & le fer oit affeoir fur le trône<br />

de Darius.. Ce fonge lui <strong>par</strong>at d'abord de bon<br />

augure, en ne le rendant même- que commeun<br />

fonge : mais quand, après la priiè de Tyr 9<br />

(L. iv. iV. 19») il fe rendit à Jérafakm pour<br />

punir les juifs <strong>du</strong> relus qu'ils avoient fait de lui<br />

amener <strong>du</strong> fecours, & qu'a la tête des prêtres<br />

& des lévites il reconnut, dans la perfonne dç<br />

Jad<strong>du</strong>s 9 celui qui lui avoit ap<strong>par</strong>u revêtu des<br />

mêmes habits, & fin-tout quand celui-ci lui eut<br />

<strong>mont</strong>ré & expliqué les prophéties qui le concemoient,<br />

il ne put plus douter que le Ciel même<br />

ne dirigeât Ion entreprife ;. auffi traita-t-if<br />

les juifs avec in<strong>du</strong>lgence , & leur accorda-t-il<br />

tous les privilèges qu'ils voulurent. Ceft <strong>du</strong><br />

m'oins Fhiftorien Juif JosàFHl, qui raconte, ce<br />

fait avec fès. luîtes ; & les prophéties de DANIEL<br />

en établîffent bien la vrailemblance.<br />

Plein de confiance & d'ardeur, il <strong>par</strong>tît enfin<br />

pour la êwtquête de k Perfe, n'emmenant<br />

avec lui qu'une armée de trente-mille hommes<br />

.d'infanterie & de cinq-mille%de cavalerie.. B prit<br />

fa marche le long <strong>du</strong> lac de'Cercihe,. vers Amphipolîs<br />

; pafla le Strimon aux environs de fort<br />

embouchure, puis fHèbre ; & arriva enfin I<br />

Selle après vingt Jours de marche* H' chargea<br />

Parmênion de paner fa cavalerie. & <strong>par</strong>tie de<br />

fon infanterie, de Selle à Abyde % fur cent foixante<br />

galères & plufieurs vaiueaux ronds : pour<br />

lui 5 il paffa avec le relie d'Eléonte au port des<br />

achéens. Quand il fiit.au milieu de PHeuelpont»<br />

il facrifia un taureau à Neptune & aux aèrfides*


£ T'JMTR OD UCTÏO K mm<br />

Arrivé au port à'Abyie 9 avant de deftendre<br />

de fon vaifleau , il lança un javelot fur la terre<br />

d'Afie 9 pour en prendre poiTeffion ; il defcendît<br />

le premier fur cette terre, & y dreffa fur le ri*<br />

vage des autels à Jupiter, à Minerve, & à Hercule.<br />

Il s'avança de là vers Dion ©u l'ancienne<br />

Troie 5 & il y rendit de grands honneurs à h<br />

mémoire d'Achille.<br />

D arriva enfin for les lords <strong>du</strong> Granîque, ri—<br />

- yière de Phrygk. Chemin fefant, il avoit rencontré<br />

une terre que le roi de Çerfe avoit donnée<br />

au rhodien Memnon, le plus habile fans contredit<br />

& le plus fidèle de fes Généraux : Alexandre<br />

défendit qu'on y fît le moindre dégât ; von—<br />

Jant, <strong>par</strong> cet artifice, ©u gagner un ennemi dont<br />

îl redoutoit la capacité 9 ou s'en débarraffer en le<br />

rendant fufpeft à Darius. D'fut mieux fervï <strong>par</strong> larivaHtê<br />

des autres iatrapes.. Memnon* avait été<br />

ctavis de ne point rïfquer un combat, mais de<br />

ruiner le plat pays, pour affamer F armée d* Alexandre<br />

; & pendant que l'armée ennemie fe confomeroît<br />

<strong>par</strong> la difette, de porter la guerre dans,<br />

le fein même de la Macédoine, te confeîl étoit-<br />

' fage .& falutaire : mais Arfites r fatrape de Phry-*pt,<br />

déclara qu'il ne foumiroit pas qu'on défofât<br />

ainfî les terres de- fon Gouvernement $ & Tes au-.<br />

1res fatrapes fe rangèrent de fon avis, perfuadé<br />

que Memnon ne vouloit que tirer la «terre en<br />

•longueur &fe rendre <strong>par</strong> la néceiTaîre,.Ils atten«-<br />

. dirent donc l'ennemi de pied' ferme, pour lu»<br />

difputer te paffage <strong>du</strong> Granique avec une aimée %<br />

qui, félon fe- calcul le plus probable 9 <strong>mont</strong>oit %<br />

à cent-mi'He hommes dlnfanterie & vingH&Ute. '<br />

de cavalerie


~XM ' • " P R É F A C E '<br />

Cet ap<strong>par</strong>eil formidable n'arrêta point Alexandre<br />

: il entra lui-même dans le fleuve avec<br />

Faîle droite, qu'il commandoit ; & Parmértloîi<br />

commandoit Faîle gauche. La cavalerie -pedane<br />

bordoit le rivage, Mormon avec fes fils fe<br />

trouva en tête d'Alexandre, & Fou juge Ken<br />

.qu'il fut difficile d'aborder : mais le courage <strong>du</strong><br />

roi foutenant ou fuppléant celui des macédo^niens,<br />

on aborda enfin, on repoufla les perfes f<br />

& Fon donna à toute Farmée le temps & la facilité<br />

de pafler la rivière. Alors on attaqua les<br />

ennemis de tous côtés : le roi donna «fans le<br />

plus épais de la cavalerie ennemie, ou combattoient<br />

les Généraux ; il y tua d'un coup de<br />

lance Spithridate, gendre de Darius. Rhéfaces,<br />

- frère de Spithridate, décharge alors fur la tête<br />

<strong>du</strong> roi un grand coup de hache, qui abbat le<br />

haut de fon cafque : il-fe-pré<strong>par</strong>e à lui porter<br />

un fécond coup, qui ap<strong>par</strong>emment auroit été<br />

mortel ; mais Gitus vole au fecours d'Alexandre<br />

, & d'un coup de fabre fait tomber le bras<br />

& la hache <strong>du</strong> barbare. Le péril & la bravoure<br />

<strong>du</strong> roi infpirèrent à fes troupes un courage &<br />

une ardeur extraordinaires ; &'la viûoire la plus<br />

complette en fut la récompenfe.<br />

- Alexandre perdit une trentaine de gens de<br />

pied & environ foixante & dix cavaliers, mais<br />

tous gens d'élite : cependant les perfes laiflerent<br />

fiir le champ de bataille vingt-mille hommes<br />

d'infanterie, &.deux-mille cinq-cents de cavalerie<br />

, avec un nombre aflez confidérable d ft of&ciers<br />

généraux. Arfites , qui s'étoit oppofé à<br />

l'avis de Memnon, prit la' fuite, ainft que ce<br />

fcrave capitaine j mais ren<strong>du</strong> à fou Gouv^rn*»


. ET INTRODUCTION. *xj<br />

ment , il ft tua lui-même de regret & de home<br />

tfavbir été caufe de cette défaite,<br />

- Cependant Alexandre fit faire des funérailles<br />

honorables, à ceux qu'il avoit perdm ; fit dreffer<br />

des .ftatues de bronze, faites de la main dé<br />

Lylippe , à vingt*cinq cavaliers de la garde-,,<br />

qui a voient péri-dans te combat; accorda une'<br />

exemption de toute forte de tributs & de fervices<br />

y aux pères & aux enfants des morts ; prit<br />

le plus grand foin des bleffés » qtfil vifita * & h<br />

qui il donna mille témoignages de bonté. Mais<br />

ce qui acheva de caraftérifer un prince prudent<br />

& fage y c'eft qu'en envoyant à fa mère, <strong>du</strong><br />

î>utin qu'il avoit fait fur les perfes , de la vaiffelled'or<br />

& d'argent, des tapis de pourpre, &<br />

d'autres meubles précieux, il envoya à Athènes<br />

trois-cents boucliers pour y être dépofés dans<br />

le temple de Minerve, avec cette infcription ;<br />

Alexandre , fils de Philippe, & tous les grecs ,<br />

excepté les lacèdèmoniens, ont remporté ces dépouilles<br />

fur les barbares de VAfie* Cependant il<br />

retint prifonniers les grecs qui étoient au fervice<br />

des Perfes,<br />

- Cette-viôoire éclatante eut les fiâtes les plus<br />

avantageufes. Les.zélites, dans le pays desquels<br />

s'étoit donnée la bataille , fe fournirent d'autant<br />

plus "volontiers , qu'ils n'avoient pris les armes<br />

que forcément. Sardes , qui étoit comme le<br />

boulevard des perfes <strong>du</strong> côté de la mer, ' fe<br />

rendit à Alexandre. Toutes les villes de Lydie f*<br />

de ^Phrygie, de Bithynie, & des bords de la<br />

mer, vinrent lui offrir leurs foumiiïioss. 11 pafla<br />

à Éphèfe y ^oà il rétablit le gouvernement po- .<br />

. j>ulaire». Avant, qu'il fortît de cette ville, les


.»*£ P R È P J C E<br />

habitants de Tfalles, de Magnefie, & de pïtt*<br />

lieras autres villes de Plonie, vinrent fe foumet*<br />

tre. B mar cka enfiike ver s Miïet ; cette ville » encouragée<br />

<strong>par</strong> Memnon qui ij étoit jeté avec un<br />

grand nombre des fens échapés à la défaite*<br />

& comptant d*ailleurs fiir un prompt &jpui4^<br />

tant fecoûrs , ferma fes portes & le défendit<br />

'vigoureufemeftt : mais la flotte des perfes , qui<br />

étoit venue à fon fecours y n'ayant pu engager<br />

«elle des macédoniens au combat, les affiegls y<br />

après les plus grands efforts de bravoure , furent<br />

contraints de capituler ; Alexandre les traita<br />

«humainement, & Memnon fortit avec la gat-<br />

«non.<br />

Ce fut alors que ce prince » regrettant les<br />

frais qtfexigeoit l'entretien de fa flotte & voyant<br />

bailleurs le peu futilité dont elle lui étoit, s'en '<br />

fit un prétexte pour la congédier & ne garder<br />


ET INTRODUCTION. xxïij<br />

iëfefpéraàt de Pemporter fur des ennemis Infa*<br />

ifeables & invincibles, fe retira la nuit dam<br />

tue de Co$ avec tout ce qu'il put emmener<br />

d'hommes & de butin > & en <strong>par</strong>tant il mit le<br />

feu à tous les quartiers de la ville & principalement<br />

aux arfénaux.'Alexandre s'y jeta promptentent<br />

& arrêta l'incendie.<br />

Il réactif alors la Carie f dont Halrctmaffé<br />

Itoït la capitale, à la princefle Ada, à qui elle<br />

ap<strong>par</strong>tenoit, &.que Fmjuftice appuyée des' forces<br />

de Darius lui avoit enlevée, Cette princeffe 9<br />

pour témoigner à Alexandre fa vive reconltoif»<br />

lance , lui envoyoit tous les jours des mets recherchés<br />

& des pitiflêries délicieufes, & lui<br />

donna enfin des cuifmiers & des pâtiffiers de<br />

la plus grande habileté : mais il l'en remercia »•<br />

& lui fit dire qu'il avoit reçu de Léonidas, fou<br />

puvemeur, deux cuifmiers bien meiHeufs ; que<br />

f<br />

un lui prépatoit un bon diner, & que c'étoit<br />

ïexercice qu'il fe donnoit dès avant le jour ;<br />


kxb . P~R Ê F A C Ey&ei .<br />

fefla qu'Aiexandre-Lynceftes avoit offert! Datais'ae<br />

fe défaire <strong>du</strong> roi de Macédoiàe-, &<br />

qu'il âpportoit à ce traître la r éponfe ;. que Da*<br />

tins, lui promettoit, s'il pouvoît tùef 'Alexandre f<br />

de lui donner mille talents d'or & de l'établir<br />

lui-même fur le trône de Macédoine. Ce crime<br />

étoit d'autant plus noir? qu'Alexandre lui avoit<br />

déjà fait grâce de la vie , & qu'il venok de le<br />

nommer Général de la cavalerie theffaBenne :<br />

cependant il fe contenta pour lors de le faire<br />

enfermer dans une étroite prifon, dans la crainte<br />

que fa mort* n'occafionnât quelque révolution<br />

dans la Macédoine.<br />

Le roi "<strong>par</strong>tit enfuite de Phafêle , envoya <strong>par</strong><br />

les <strong>mont</strong>agnes une <strong>par</strong>tie de fon armée, & mena<br />

lui-même le refte <strong>par</strong> un fentier étroit entre le<br />

<strong>mont</strong> Climax & la mer de Pamphylie. Il continuait<br />

de faire marcher la terreur devant lui, &<br />

de foumettre avec plus ou moins de facilité tous<br />

les Eeux ou il fe préfentoit. De fon côté Mem^<br />

non, en qui Darius mettoit-toutes fes- espérances<br />

& qu'il avoit enfin déclaré Généralilïime ,<br />

fongeoit à porter la guerre dans le fein de la<br />

Macédoine : il s'étoit em<strong>par</strong>é des polies mal<br />

gardés, & fpécialement de Lampfaque ; il avoit<br />

attaqué les îles, que. les macédoniens né pou-'<br />

voient fecourir <strong>par</strong>ce qu*ils manquoient de vaififéaux<br />

; il avoit fournis les villes- de Lesbos , &.<br />

S avoit commencé dans Méthymne le fiège de •<br />

Mitylène , lprfqù'il mourut' de la pelle y & délivra<br />

Alexandre de l'inquiétude que lui, donnoient<br />

les grandes qualités de ce fage capitaine,"<br />

QUINTE-CURCEé


QUINTE-CURCE.<br />

Tome h


QUINTI CURTII<br />

LIBER TERTIUS.<br />

I. Cêlaenaram urbe & arce receptà, primariâm<br />

Phrygia urbem Alexander ingreditnr , In qui<br />

faîakm Gordiina<strong>du</strong>m iblyitr ac deinde ©b-.<br />

yiam Dario ire ftattiit.<br />

ft Exercîtûs perfici lufiratio; de quo quurn,<br />

Darii jufTu , Charidemus, athenienus , veram<br />

•liberamque protuliflet judicium, capite mulctatus<br />

eft<br />

IIL- Pompa perfarum fegum., orto foie demum<br />

procedentium, tum copiaram Alexandri<br />

defcriptio*<br />

IV. Deiertas ab Arfane, Dam praefeclo,, Gliclse<br />

fauces Alexander opportune occupât.<br />

V* Quum in Cydnum Alexander abluendi corporis<br />

gratiâ intempeftÎTè defcendiffet, graviffimo<br />

morbo corripitar.<br />

VI. Rex à fido fapientique medico , Philippe f"<br />

cul à toto exercito ingentes gratis habentur ,<br />

priftinae valetudlni mox reftituitur.<br />

VIL Vegetior faôus, Darium aggredi cogitât;<br />

Sifmemque, perfam, imprudentlâ ddinqucntem,<br />

occidi jubet»


QUINTE-CURCE,<br />

LIVRE TROISIÈME,<br />

I, Alexandre 9 après avoir pris la ville & la citadelle<br />

de Cèlènes % entre dans la capitale de Pkrygie 9<br />

mi il défait le fatal nœud gordien, & fe refont<br />

enfuite d'aller à la rencontre de .Darius.<br />

IL Revue de Varmée des perfes; & F athénien<br />

Càaridème m ayant porté fin jugement <strong>par</strong><br />

-ordre de Darius, mais avec trop de vérité & de<br />

liberté, H en fat puni de mort.<br />

HI. Pompe des rois -de Perfe , fe mettant tn mar~<br />

che après Je lever <strong>du</strong> fokïï, & defcnptmn de<br />

r armée d'Akxandre»<br />

IV. Arfanes 9 Ikutemmt de Darius," ayant<br />

abandonné les gorges de la Cilkk, Alexandre<br />

s'en faifit à fan avantage.<br />

'Y. Alexandre , s s étant baigné à contre - temps<br />

dans k fieuve Cydnus.9 tombe dans une maUdk<br />

dangerewfe.<br />

!VI. Le roi recomre bientôt fa premkrefaute<strong>par</strong> ks^<br />

' foins de Philippe , fidek & /avant médecin, d<br />

qui toute r armée en fait de grands remer ciments»<br />

yiL-.Xe Roi, s*étant bkn rétabli9.projette 4'at-<br />

• tourner Darius ;. & il fait tuer um perfe, nommé-<br />

•Signes » coupable d'une imprudence.<br />

A ij


4 LIBER III. CAP. L<br />

VIII Darii ante pugnam confilia. Tum exercîtûs<br />

perfici confternatio, proxim* intemeclonis<br />

praefagmm.<br />

IX. Utriufque exercitûs membra & collatio.<br />

X .Alexandri oratio ad milites. •<br />

XI» Pugna craenta, in quâ centum mîllia peditum<br />

ac decem millia eqoitum perfarum occumbunt<br />

, reliquis fiifis fugatilque.( Caftris<br />

Darii & ingenti pradâ potitur Alexander.<br />

XII Matris & uxoris Darii, necnon aliarum<br />

Bôbilium captivaram^ luôum levât Alexander.<br />

XIIL Darii gazant immenfam 9 cum ingenti<br />

lîobilium .numéro, Parmeniom proditoriè tradit<br />

Damafci. praêfec^us. •<br />

I. 1 N T E R hmc Alexander 3 ad con<strong>du</strong>cen<strong>du</strong>m ex<br />

Pelopormefo mUkem Ckaâdro cum pecunid miffb,<br />

Lyciœ Pamphyliaque rébus compofitis , ad urbem<br />

Celœnm exerçitum admovit. Mediam illd tempefiate<br />

interfiuekat Marsyas l ahinis , fabuUfis gmconmcarmimbus<br />

ïndytus* Fora ejus /-


LITRE IIL CMAP.'I. 5<br />

VIII. Projets de Darius avant la bataille* Conf-<br />

• ternaûon de l'armée des Perfes quand le moment<br />

approche , préfage de fa défaite prochaine, .<br />

IX. Détails & com<strong>par</strong>aifon des deux armées,<br />

X. Difœurs d'Alexandre à fes troupes.<br />

XL Bataille fanglante, oh il demeure fur la place<br />

' cent-mille hommes d'infanterie & dix'mille de<br />

cavalerie <strong>du</strong> coté des perfes , & k refte eft ~dif<br />

perfé & mis en fuite. Alexandre fi rend maître<br />

<strong>du</strong> camp de Darius, & y fait un .grand butin.<br />

XII. Alexandre confoh la mère & Vépoufc de<br />

Darius, & les autres dames prifonmèrts.<br />

XIII. Le gouverneur de Damas livre perfidement<br />

à Parmenion les immenfes richeffes de Darius s<br />

avec un grand nombre de gens de qualité»<br />

L^sEPENDâNT Alexandre s -après avoir eaveyé<br />

Cféandre avec de forgent pour lever des troupes dans<br />

le Péloponèfe, & après avoir réglé les affaires de la'<br />

Lycie & de la Pamphyîie s fit approcher (on armée des<br />

murs de Célènes. Cett* ville alors étoit îraverfée <strong>par</strong><br />

k fleuve Marfyas, célèbre dans les poèmes fabuleux<br />

des grecs. Il prend fa fource au Commet d'une<br />

<strong>mont</strong>agne f d f où il tombe avec grand bruit fur un<br />

rocher ; prenant de là fôn cours , il arrofe les campa-*<br />

gnes voifines , toujours clair » & fans recevoir d'ailleurs<br />

d'autres eaux : ce qui, lui donnant une• couleur<br />

femblable à celle de la ster pendant le calme, a fourni<br />

matière à cette fiftion des poètes , que les nymphes-,<br />

éprifes d'amour pour îe fleuve , fétaient leur refidence<br />

fur ce rocher. Au refte, tant qu'il coule dans l'enceinte<br />

des murs f il retient fou nom ; mais hors des rem<strong>par</strong>ts,<br />

devenu plus impétueux & plus confidéîable , il reçoit<br />

le nom de Lycut. Alexandre s'intro<strong>du</strong>it dans la ville,<br />

A iij


6 LIBER 111. CAP. I.<br />

tam a fuis mirai : arcem vero 9 In quam confiigerant,<br />

oppugnare adortus,. ca<strong>du</strong>ceatorem prœmfit,<br />

qui denmnc'mret, ni dederent, ipfos uitima<br />

tffe .pajjuros* Mi ea<strong>du</strong>ceatorem in turrim 9 & fin<br />

& opère mukum edkam s per<strong>du</strong>Bum, quanta effet<br />

shitudê mtueri jubent ; ac rmncmre Alexandro , non<br />

eadem ipfum & incolas oftimatione munimenta metiri,<br />

fi fiire mexpugnabUes e][e, ad ukimum pro<br />

fide morituros. Ceterum9 ut circumfideri arcem &r<br />

vmma fibi in dies arBiora viderunt tffe ; fixaginta<br />

Sérum in<strong>du</strong>e las pa&i 9ut3<br />

nifi intra eos auxilium<br />

Darius ipfis mififfet 9 dederent urbem : pojlquam<br />

mhii inde profidii mktebatur t ad pmflmêtam dkm<br />

permifire fi regL<br />

%* Supiwttâunt demie îegaù athenîenfium, pe*<br />

tentes, ut capti apud Granicum amnem redderemur<br />

fibi : ille , non hos modo 9 fid etiam ceteros gm-<br />

€ôS refiimi fais jujfurum refpondit 9 finito per~<br />

fico btïïo. Ceterum, Darw imminens , quem non<strong>du</strong>m<br />

Euphratem fuperâfft cognovtrat 9 undique omnes<br />

copias contrahu 9 totss vkibus tanti belli diferimen<br />

aditurus. Phrygia erat9per quam <strong>du</strong>cebatur exer~<br />

chus, pluribus vicis quam mrbibus frequens : tune<br />

habebat quondam mobïïem Mîdo regiam ; Goràlum<br />

nomen eft urbi, quam Sangarius amnis interfinit 9<br />

<strong>par</strong>i intervalh pontico & cilicio mari difiantem,<br />

Inter hoc maria anguftijfimum Afio fpatium gffh<br />

•comperimus 9 utroque m arBas fauces compelknte<br />

terram : qua 9 quia continenti adkoret, fid magna<br />

ex <strong>par</strong>te c'mgitur flniiihus 9 fpeciem influa protêt ;<br />

ac9 nifi tenue dffirimen objiceret, maria qua num


LIVRE III. CHAP.-.L y<br />

que (t$ tiabitants avaient abandonnée : nuis ayant réf@în.<br />

de forcer la citadelle, où ils s'étotent retirés f il leur fait<br />

lignifier <strong>par</strong> un héraut que f s'ils ne fe rendent pas »<br />

ils feront traités avec la plus excefinre rigueur. Ceuxci<br />

con<strong>du</strong>ifeat k héraut fur une tour t fort haute tant<br />

<strong>par</strong> fa fituation que <strong>par</strong> fa âructure 9 & lui font remarquer<br />

combien elle eft élevée ; ils le chargent de déclarer<br />

à Alexandre , qu'ils jugent autrement que lui<br />

de leurs fortifications f qu'ils font affârés de ne pouvoir<br />

être forcés, & qu'au pis aller,ils mourront plutôt<br />

que de manquer à leur fidélité. Au furplus , quand ils<br />

.virent que la citadelle étoit inveftie, & que de jour<br />

en jour leur fituation empiroit, ils convinrent d'une<br />

trêve de fonçante jours » à condition de rendre la place,,,<br />

fi dans cet intervalle Darius ne leur envoyoit point<br />

de fecours : ce délai ne leur en ayant procuré aucun ,<br />

Us fe remirent au jour marqué entre les mains <strong>du</strong> ror.<br />

2. Bientôt après arrivent des amban%deurs d'Athènes f<br />

four le prier de leur remettre ceux de leurs concitoyens<br />

qui avoient été pris fur les bords <strong>du</strong> Graoique<br />

: il répondit qu'il feroit rendre & ceux-là & les-'<br />

autres grecs à leurs villes , quand il auroit terminé h<br />

guerre de Perfe. Au refte , comme- il approchoit de<br />

Darius , quoiqu'il fût bien qu'il n'avoit pas encore<br />

paffé l'Èuphrate f il affemble fes troupes de toutes<br />

<strong>par</strong>ts, réfolu à s'expofer avec toutes fes forces aux<br />

hafards d'une guerre fi importante. La Phrygie , <strong>par</strong><br />

©ù il con<strong>du</strong>ifoit fon armée, étoit plus remplie de villages<br />

que de villes : ©si y remarquoit alors le féjout<br />

anciennement fameux <strong>du</strong> Roi Midas ; c'eft une ville<br />

nommée Goriium 9 traverfée <strong>par</strong> la rivière de Sangare,f<br />

%L également diftante de la mer pontique & de celle de<br />

Cilicie. Nous obfervons que c'eft la <strong>par</strong>tie la plus étroite<br />

de l'Afie s à caufe <strong>du</strong> rapprochement des deux mers qui la<br />

îé<strong>du</strong>ifent à une Ample langue de terre : comme cette<br />

langue tient au continent f & que cependant elle eft<br />

prefque toute environnée d'eau, elle reffemble affez à<br />

me île % & fans le petit obftacle qu'elle y oppofe, les<br />

A iv


8 LIBER 111. CAP. L<br />

dividk committeret. Akxander, urbemfuamdiûo*<br />

ûem reda&d, Jovis umphm mirai. Vehiculum , qm.<br />

Gordium, Mtdm pairem, ve&um effe eonflabat,<br />

adfpexk, cuim haud fané âv'diorîèus vulgatifque<br />

Mfu abhorrent : notabife erat jugum adftriêum eompluribus<br />

nodis in femetipfos implicatis & eehmtibus<br />

nexus. Incolis dtinde affirmantibus éditant ejfe oraeuh<br />

fortem, Afia. poûturum qui mexpBcabUe vin-<br />

€uium folviffet » €upido 'metjjït anime finis ejus im* •<br />

pkndm.<br />

3# Gréa regem erat &phrygum turbd & macedû~<br />

mm, Ula exfptÊathne fufpenfa, hoc foïieita ex<br />

temerarid régis fi<strong>du</strong>cie : quippe feries vmculorum'<br />

ha adfiriBa , ut, unde nexus meiperet quoveje<br />

conderet, me radone nec -vifu pereipi poffht, fily<br />

ère aggrtffo injecerat euram ne m omen verteretur<br />

irritum inceptum. Itte, nequaquam dm hBatus.<br />

eum latenûbus nodis , Nihil, inquit , intereft quomodo<br />

folvantur ; ghdîcque ruptis omnibus bris ,<br />

êmadi fortem vil elufit vel implevit. Quum deindt<br />

Darium, ubicumque effet, oecu<strong>par</strong>e ftatuiffet ; ut à<br />

ttrgo tuta relinqueret, Amphoterum claffiad oram<br />

MeUefponù , copiis autem pmfecit Hegelocum,<br />

Lesbum9 & Chium, & Cou prafidiis hoflium liberaturos.<br />

His tdtnta ad belîi ufum qumgenta aêiributa;<br />

adAntipatrum & eos qui gmcas urbes tue*<br />

bantur, fexcenta miffa ; ex fœdere naves fociis imperaia,<br />

qum MeUefponto pmfiderent : nondttm enm-<br />

Memnonem vitd excefffft cognoverat, m quem


LIVRE 111. CM A p. 1. 9<br />

deux mers", aujeurdhuî ré<strong>par</strong>ées, fe réuniroient. Aielexandre<br />

9 après avoir ré<strong>du</strong>it cette ville fous fon ©béifn<br />

fance , entra dans le temple de Jupiter. 11 y confidéra<br />

le chariot, que Fon favoit avoir été celui de Gordius ,<br />

père de Midas, & qui ne différoit <strong>par</strong> aucun ornement<br />

des chariots les plus Amples & les plus communs : on<br />

y remarquoit le joug, qui étoit attaché <strong>par</strong> plufieurs<br />

nœuds entrelacés les uns dans les autres & dont l'en»<br />

chainure fe-déroboit aux iëux.'Les habitants ayant enfuite<br />

aflfôfé , qu'un oracle avoit promis l'empire de<br />

FAfie à celui qui .yiendroit à .bout de .défaire cet enlacement<br />

inconcevable , il lui prit envie ' de remplir<br />

cette deftinée.<br />

3. Il y avoit autour <strong>du</strong> roi un grand nombre de phrygiens<br />

& de macédoniens, les uns attendant Févène-ment<br />

avec incertitude, les autres inquiets de Faudace<br />

préfomptueufe <strong>du</strong> roi : en effet les liens étant û ferrés,<br />

qu'on ne pouvoit ni imaginer ni voir ou commençoient<br />

ni où finiffoient les nœuds ,' cette complication , quand<br />

il eut effayé de les défaire, lui lit craindre à lui-même<br />

qu'on ne tirât un mauvais préfage de l'inutilité de fa<br />

tentative. Mais fans perdre le temps- â chercher le fecret<br />

"de ces nœuds , N'importe y dît—il, de quelle manière<br />

on ks défaffe ; & tranchant toutes les couroies<br />

avec Tépée , il éluda ou accomplit le fèns de Fonde.<br />

Après cela , comme il étoit réfolu à chercher<br />

Darius en quelque endroit qu'il fût ; voulant affûrer<br />

les derrières , il donna à Amphotère le commande*<br />

ment de la flotte qui étoit fur FHellefpont t &. à<br />

Hégéloque celui des troupes s avec ordre de chaffer<br />

les garnifons ennemies des Iles de Lesbos , de Chio %<br />

& de Cos. Il leur affîgna cinq-cents talents pout<br />

les frais de cette expédition ; il en envoya.fix-cents à<br />

Antipater & à ceux qui étoient chargés de la défenfe<br />

des villes grèques ; il exigea des alliés, fuivant leur<br />

traité , des vaiffeaux pour croifer fur FHellefpont :<br />

car il n'avoit encore rien appris de la mort de Memaon<br />

, le feul qui lui caufàt de l'inquiétude , fâchant très*<br />

A Y


io LIBER I1L CAP. IL<br />

omms manderai curas , fatis gnarus- eunBa m txp§*<br />

dko forefemkîl ab eo m&veremr, Jamque ad urîtm<br />

Ancyram venmm trot, ubi numéro copiarum mko9<br />

Paphlagoniam mirai ; huic jun&i erant heneû9<br />

unde quidam vemetos trahtre origmem cre<strong>du</strong>nL<br />

Omnijque fmc regw <strong>par</strong>iât régi ; dotifque obfid'eus<br />

, tr'éuium , quod ne perfis quidem tulijfent »<br />

pendere ne eogerentur impetroverunt. Calas km<br />

regmni pmpofitus eft ; ipfe , affumpûs qui ex Ma*<br />

€edowa nuper advemrani , Çappadoùam petOt*<br />

M. AT Darius, mmtiaiâMemmms morie Aamt<br />

* ficus quam<strong>par</strong> erat motus, omîjfâ omm aliâfpe *<br />

flatuit ipfe decemere ; quippe qum per <strong>du</strong>ces Jitos<br />

aBa erant cunBa damnabat » ratus phribus euram-,<br />

omnibus abfuiffe fortunam. Igitur caftris ai<br />

Babyïonem pofitis , quo majore animo capefferent<br />

BeUum, univerfas vires m confpeËum dédit ; &<br />

-àrcumdato vatlo quod decem m'dUum armatorum<br />

multitudinem eaperet, Xerxis exemph 9 numerum<br />

eopiarum iniit : orto Joli ad mikm agmrns, Jîcut<br />

deferipta erant , mtravire vaUum ; imde occupave*<br />

runt emiffa Mefopotamm campos , equitum pedh<br />

tumqm propemo<strong>du</strong>m mmtmerab'<strong>du</strong> turba , maprem<br />

quam pro numéro fpeckm gerens. Perfarum erant<br />

€entum m'dlia, in quh eques triginta miUia impielot<br />

: medi decem equitum t quinquaginta miïïia pedimm<br />

habebant : barcanorum equitum <strong>du</strong>o milita fuêre ,<br />

armiti bipemâbus levibufque feutis eetra maxime<br />

fpeckm reddent'éus ; pedimm decem miUia <strong>par</strong>i<br />

armaturâ fequebantur : armenii quadraginta miUia<br />

" Qrantpedmsm, additis feptem jmMbrn equhumz


LIVRE lit CMAP.I1. H<br />

bien que tout lui ferolt aifé* fi ce capitaine ne lui préfentoit<br />

point d'obftacie. Déjà il s'étoit avancé jufqu'4<br />

la ¥iiîe d'Ancyre, où ayant fait la revue de fes trou*<br />

pes t il entra dans la Paphiagonie ; elle étoit liée avec<br />

les hénetes, de qui quelques-uns croient que les vénèîes<br />

( ou vénitiens) tirent leur origine. Tout ce pays<br />

fe fournit au roi ; & , en donnant des otages > il obtint<br />

l'exemption de tout tribut, vu qu'il n'en avoit<br />

pas même payé aux perfes, Alexandre en donna le<br />

gouvernement à Calas ; & lui-même emmenant les<br />

troupes nouvellement arrivées de la Macédoine , il<br />

tourna vers la Cappadoce,<br />

II, CEPENDANT Darius, touchéjcomme il convenoit<br />

en apprenant la mort de Memnon > ne fit plus fond<br />

que "fur lui-même , & réfolut de faire la guerre ea<br />

perfonne ; car il étoit mécontent de tout ce qu'avoieat<br />

Ciit fes Généraux, ayant dans l'efprit que la plu<strong>par</strong>t<br />

avoient été négligents, & que toutf avoientété malheureux.<br />

Ayant donc campé près ' de Babylone s afin d'in£»<br />

pirer à fes troupes plus d'ardeur pour cette guerre , il<br />

mit toutes fes forces en évidence ; & après avoir retranché<br />

, à l'exemple de Xerxès, un efpace capable<br />

de contenir dix-mille hommes en bataille » il fit le dénombrement<br />

de fes troupes : depuis le lever <strong>du</strong> foleît<br />

jufqu'à la nuit, elles filèrent <strong>par</strong> cette enceinte félon<br />

leur rang d'ancienneté- ; elles paffèrent de là dans les<br />

plaines de la Méfopotamie, & cette multitude prefque<br />

innombrable de cavalerie & d'infanterie <strong>par</strong>ut encore<br />

plus grande qu'elle n'étoit en effet. Il y avoit cent-mille<br />

perfes , dont trente-mille chevaux : les mèdes avoient<br />

dix-mille cavaliers , & cinquante-mille hommes d'infanterie<br />

: deux-mille cavaliers barcaniens étoient armés<br />

de haches à deux tranchants & de boucliers légers<br />

très-approchants des rondaches j ils étoient fuivis de dixmille<br />

fantaffms armés de même : les arméniens .avoient<br />

envoyé quarante-mille hommes d'infanterie & fept-mille<br />

de cavalerie : les hircaniens , diftingués <strong>par</strong> leur bravoure<br />

entre toutes ces nations, avoient fourni un<br />

A VJ


12 LIBER 111. CAP. IL<br />

hireani, egregii mïnterïïlasgentes, fex mMBa explcverant<br />

equis m'dkatura : derbices quadragmtd<br />

milita peditum armaverant ; pluribus harebant ferm<br />

pmfixœ ha fia , quidam lignum ignî <strong>du</strong>raverant ;<br />

hos quoque <strong>du</strong>o millia equitum ex eâdem gentt comiîata<br />

fum : à cafpio mari 0Ë0 millium pedefer<br />

exercitus venerat, <strong>du</strong>centi équités cum hîs erant :<br />

m ignobiles alhz gentes <strong>du</strong>o millia peditum , equitum<br />

<strong>du</strong>plicem <strong>par</strong>averant numerum* His copiïs trifeinta<br />

millia gracorum mercede con<strong>du</strong>ëa , egregia<br />

juventutis , adjeêafunt : nom ba&r"umos9 & figdm*<br />

nos , & indos, ceterafque rubri maris accolas 9<br />

•ignota etiam ipfi gent'mm nomina , feftmatia pro-<br />

Mbebat accirL<br />

5. Nec quidquam illi minus quam multitude<br />

militum défiât : cujus tum univerfz adfpeBu admo*<br />

<strong>du</strong>m lotus , purpuratis folitd vamtate fpem • ejus<br />

mftantibus, converfus ad Charidemum, athenknfem<br />

belli peritum, & ob exilium infefium Alexanr<br />

dro ( quippe Athaûs jubente eo fuerat expulfus )f<br />

'percontari cœpit, fatifm ei videremr inftruBus ad<br />

obteren<strong>du</strong>m hoftem. At ille 9 & fua fortis & regm<br />

fupêrbim oblitus 3 Veram , inquit, & tu foriaii<br />

audire nolis ; & ego, nifi raine dixero, aliàs<br />

•nequidquam eonfîtebor. Hic tanti ap<strong>par</strong>atûs exer*<br />

citus, hsec tôt gentitim & totius Orientis excita<br />

fedibus luis moles , flnitimis poteft effe terri-<br />

Mis ; nitet purpura auroque , fulget armis &<br />

. opulentià , quantam qui oculis non fiibjecêre<br />

animis concipere non poffunt. Sed macedonum<br />

*acies, torva fané & inculta, clypeis haflifque<br />

immobiles cuneos & conferta robora viroram<br />

tegit : ipùPhalangem vocant peditum Habile agmen;<br />

vir yiro, armis arma coiucrta fujitj ad nutuia


LITRE III. CHAP. IL if<br />

cotps complet de fis-mille cavaliers : les derblees a¥©lent<br />

tais fur pied quarante- mille fantaflîns f la plu<strong>par</strong>t armés<br />

de piques a¥ec des pointes de fer , quelques-uns de<br />

bâtons dards au feu ; BL ils étoient accompagnés de<br />

deux-mille ca¥aliers de la même nation : huit-mille<br />

hommes d'infanterie & deux-cents chevaux étoient venus<br />

des bords de la mer cafplenne : ils étoient accompagnés<br />

de deux mille fantaflîns & <strong>du</strong> double de cavaliers<br />

, fournis <strong>par</strong> les autres peuples moins confidérables.<br />

On avoit ajouté à'ces troupes trente-mille grecs<br />

Coudoyés f tous jeunes gens d'élite : car pour les bactriens<br />

, les fogdiens , les indiens, & les autres peuples<br />

qui habitent les bords de la mer rouge , & dont<br />

les noms étoient inconnus à Darius même , il fut fi<br />

preffé qu'il ne put les convoquer.<br />

5. Effectivement ce qui lui manquoit le moins , côtoient<br />

les hommes : auffi la vue de cette multitude le<br />

comblant alors de joie , & fes courtifans enflant fes<br />

efpérances <strong>par</strong> les vains propos que l'a<strong>du</strong>lation avoFfc<br />

coutume de leur fuggérer, il fe tourna ¥ers l'athénien<br />

Charidème , homme expérimenté dans la guerre , 8fc<br />

ennemi juré d'Alexandre pour avoir été banni d'Athènes<br />

<strong>par</strong> fon commandement > & lui demanda , s'il lui<br />

<strong>par</strong>oiffoit affez en force pour écrafe.r fon ennemi.<br />

Charidème , oubliant & fa lituation & l'orgueil <strong>du</strong><br />

trône , lui répondit : Peut-être n f aimere\ - vous pas à<br />

entendre la vérité; & toutefois, fi je me la dis aujourdhui,9<br />

vainement la dirai-je dans un autre temps» Cette armée<br />

d*unfi grand ap<strong>par</strong>eil, cet' amas de tant de nations que<br />

vous ave\ tirées de tous les coins de V Orient, peut iée<br />

formidable pour vos voifins ; la pourpre $ For, l'éclat<br />

des armes , tout y annonce une opulence , qu'on ne/au»<br />

mit imaginer fi on ne l'avoit vue. Mail l*armée des ma~<br />

cédoniem , véritablement affreufe à voir & fans aucune<br />

<strong>par</strong>ure » ne fait que couvrir de boucliers & de piques fis<br />

bataillons inébranlables & fes forces réunies : ils donnent<br />

h nom de Phalange' â un corps d'infanterie qui combat<br />

de pied ferme; les hommes y font ferrés, les armes éêtltt


14 LIBER 111 CAP. 11L<br />

moeentis intemi * feqai figna 9 ©rdines ferrare dicfr<br />

€ere ; quodimperatur, omnes exaudiunr, obfiftere^<br />

circumire, difcurrere in coraua , ntutare pugnam 9<br />

non <strong>du</strong>ces magis quam milites callent : & ne aori<br />

argentiqoe ftudio teneri putes, adhuciËa difciplina<br />

paupertate magiftrâ ftetit ; fatigatis humus<br />

cubile eft ; cibus quem occupant fatiat ; tempora<br />

fomni arcliora quam no£Hs funt. Jam theflali<br />

équités, & acaraanes, aetolique 9 inviâa belle*<br />

manus, fondis f credo ,.& hafKs igné <strong>du</strong>ratis repellentur<br />

? Pari robore opus eft ; in illâ terra<br />

quae hos genuit auxilia quaerenda fimt ': argentum<br />

iftud atque aurum ad con<strong>du</strong>cen<strong>du</strong>m miHtem mitte.<br />

JErat Dario mite se traBabik ingenium, nifi<br />

fuarn naturam plerumque fortuna corrumpereL Itaque<br />

veritaûs impatiens 5 hofpkem ac fupjplicem ,<br />

tune maxime utuia fuadentem, abftrahi juffit ad<br />

capitale fupplicium* Mie 9 ne tum quïdem libertatu<br />

oblïtus , Habeo , ïnquit, <strong>par</strong>atum mortis meae<br />

ultorem ; expetet peenas mei confilii fpreti is<br />

ipfe contra quem tibi ïùafL Tu quidem, licentiâ<br />

regni tam fiibito mutatus 9 documentum eris<br />

pofteris , àomines , quum fe permifere fortuna,<br />

etiam naturam' dedifeere. Mme vocifirantem<br />

, quitus trat imperatum jugulant. Sera deinde<br />

pmnitentia fubiit regem ; ac ver a dixijfe conftjfus 9<br />

tum fepelirijuJiL<br />

HI. Thymodes erat MenionsfiBus9 impigerjuvenis,<br />

€uipmeeptum ejia rege, utom.àesperegrinos milites,<br />

imquîs phrimum habebat.fpei $ a Pharnabafo âccifret,<br />

opéra corum ufums in bcllo ; ipfe Phartw*.


'LIFMB UL CM A p.-III. iy<br />

Ils fim kérijfés tm rendent impénétrables ; attentifs êm<br />

moindre fignt de km €kef9 ils ont apris à fiivrt leurs<br />

enfdgnes , à garder leurs rangs ; tous obéijfeni au c 0»smanâemem<br />

; foire face à l'ennemi y l'enveloper , fi por*<br />

ter fur lu mîtes $ changer l'ordre de bataille, capitaines<br />

S^fiMau l'entendent tous également : & ne croye\ pas<br />

que F amour de for & de l'argent hs faffe agirt puifque,<br />

€*efiauM leçons de.la pauvreté qu'ils doivent jufqu'à ce<br />

jour h maintien de cette difcipUne ; leur lit de repos eft<br />

la terre j ils fi contentent de ce qu'ils trouvent pour nmr~<br />

riture ; leurjbmmeil ne <strong>du</strong>re jamais toute la muà* Eh Men.l<br />

la cavalerie invincible des theJfaUem, des acarnaniens, des<br />

étoUens t la repoujfera-t.on avec des frondes & avec de<br />

fimpUs bâtons <strong>du</strong>rcis au feu? je n f en crois rien. C'efi è<br />

forces égales qu'il faut les combattre ; c'efi dans leur pays<br />

qu'il faut chercher'de* ficours : envoye\~y eetor'& cet argent<br />

pour y enrêler des filâats. Darius étolt né avec un caractère<br />

doux & flexible, fi la forrane, comme c'eft l'ordinaire,<br />

n'avoit pas chez, lui perverti la nature* Me pouvant,<br />

donc fouftrir la vérité y il condamna à la mort un<br />

homme à qui il,avoit accordé l'hofpitaltté % fftil la lai<br />

avoit demandée s & qui lui donnoit alors des avis utiles.<br />

Celui-ci , confervant encore dans ce moment toute le liberté<br />

t Tai, dit-il, un vengeur mut priti vous fire\ puni<br />

d'avoir méprifé mon confeil <strong>par</strong> celui mime contre qui je<br />

vous l'ai donné» Et vous , que l'abus <strong>du</strong> pouvoir fuprême<br />

afifubitement changé, vous <strong>mont</strong>rere\<strong>par</strong> votre exemple à<br />

Impoftirhé , que» quand une fois les hommes fe font laiffi<br />

aller au gré de h fortune, ils perdent de vie les ftntimtnts<br />

mêmes de la natureJTznÂWt qu'il <strong>par</strong>lait alnfî à Haute voix ,<br />

ceux qui en avoient reçu l'ordre le tuèrent. Le roi s'en<br />

repentit dans la fuite lorsqu'il n'était plus temps ; ÔC<br />

ayant reconnu la vérité de Ces avis » il lui fit rendre les<br />

honneurs de la fépulture.<br />

11L Thy modes, fils de Mentor, était un Jeune homme<br />

aftif, qui eut ordre <strong>du</strong> rot de recevoir des mains ie<br />

PhamaJiafe tousies foldaîs étrangers t es qui il avoit<br />

la plus grande confiance » ^ & 4e les employer dan*


\6 LIMER III.'CAP. lit. .<br />

bafo ' r traditlmperlum f quod ante ^Memnoni dederaK<br />

Aûxium de inftantibus curis , agitaiam etiam pet<br />

'fomnium fpecies imminentium rerum, five Mas œgri~<br />

tudo9five divmatio animi pmfagientis dcctrfiu Caftm<br />

Aiexandri magno ignîs fidgore coUucere ei vifa.<br />

funt ; & pauio poft AUxander ad<strong>du</strong>clad ipfum %<br />

eoveft'u habitu quo ipfe fidffit.; tqm âeinde pet<br />

Babyhnem ve&us 9 fubiio cum ipfa equo ocuUfeffe<br />

•fub<strong>du</strong>Bus. Ad hmc vates varia interprétation* curam<br />

diftrinxeram. Alii iatum id régi fomnium effè éice*<br />

haut, quod caftra hoftium arfejfent, quodAkxandrum<br />

, depofîtâ regia vtfte, m perfico & vulgari<br />

habitu per<strong>du</strong>Bum effe viaiffeu Quidam contra augurabantur,<br />

quippe illuftria macedonum caftra vif A<br />

fidgorem Akxandro portendere ; quem regnumAfia<br />

, occupaturum effe haud ambigere, qwoniam in eodem<br />

habitu Darius fidffit quum appellatus eft rex. Fêtera<br />

quoque omina, ut fit » foUicitudo revocavemti<br />

Darium enim , inprimipio imperii, vaginam aci~<br />

nacis 'perficam jujfiffe mutari m eam formam quâ<br />

gracî uterentur ; protinufque chaldaos interpretatos 9<br />

Imperium perfarum ad eos tranfiturum quorum arma<br />

effet imitants. Ceterumipfe , & vatum refponfo quoi<br />

edebaturin vuigus , & fpecie qiue pèr Jbmnuni oblata<br />

erat admo<strong>du</strong>m iatus, caftra ad Euphratem movtvï<br />

jubet.<br />

7. Patrio more perfarum tradkum eft, orto Sole<br />

demum pmcedere : die jam Muftri $.figmim t $dber~<br />

nacuh régis buccinâ dabatur; Juper tabermatktm,<br />

mde ab ommbus confpictpojfet, imago Soiis cryf.


LIVRE III. CM A P. III. 17<br />

cette guerre ; & Phâmabafe eut îe commandement qui<br />

au<strong>par</strong>avant avoit été donné à Memnon. Accablé de.<br />

foins importants f Darius éîoit encore tourmenté en<br />

dormant <strong>par</strong> les images des événements prochains , foit<br />

que fes Congés fuffent l'effet'des peines de fon efprit »<br />

foit qu'ils Tinflent de quelque preffentiment de fon<br />

malheur. 11 lui fembla qu*ii voyok îe camp d'Alexandre<br />

tout éclatant de feu ; que bientôt après on le lui ame- •<br />

noit fous le'même habillement qu'il avoit porté luimême<br />

; & qu'après s'être promené à cheval dans Babylo**<br />

ne , Alexandre & fon cheval avoient dif<strong>par</strong>u tout à coup..<br />

Sur cela les devins donnèrent différentes, interpréta*,<br />

tions f qui îe jetèrent dans la perplexité. Les uns difoient,<br />

qu'il étoit de bon augure pour le roi t d'avoir vu le<br />

camp ennemi tout en feu , & Alexandre , dépouillé<br />

ée fes habits royaux t amené devant lui fous le vête*<br />

tement «Ton fîmpîe perfe. Quelques-uns au contraire<br />

annonçaient , que l'éclat qu'il avoit vu dans le camp<br />

des macédoniens préfageok celui des fuccès d'Alexandre<br />

; qu'il fe. f endroit maître fans doute de Fem~pire<br />

de l'ÂÎne 9 puisqu'il avoit <strong>par</strong>u habillé comme l'étoit<br />

Darius quand il fut falué roi. L'inquiétude , comme,<br />

c'eft Fordinaire , avoit encore réveillé îe fouveniç<br />

d'anciens préfages : on fe rappeloit que Darius > au<br />

commencement de fon règne, avoit changé la forme<br />

perfîenne <strong>du</strong> fourreau de fon cimeterre pour pren*<br />

dre la mode des grecs; & qu'auffitôt les cïsaîdéens.<br />

tn avoient con<strong>du</strong>, que l'Empire des perfes pafferoit à<br />

ceux fur les armes defquels il avoit modelé les fiennesi<br />

Du relie le roi, également fatisfait , & de l'interprétation<br />

des devins que l'on avoit répan<strong>du</strong>e dans le pu-<br />

Mie , & de la vifion qu'il avoit eue en fonge f fit marcher<br />

vers rEuphrate.<br />

y. C'étoit un ufage national chez les perfes , de ne<br />

fe mettre en marche qu'après le lever <strong>du</strong> Soleil : le'<br />

jour étant déjà grand , la trompette donnoït le lignai<br />

de la tente <strong>du</strong> roi 1 au haut de cette tente > pour être<br />

à la portée de tous les îmx 9 brilloît l'image <strong>du</strong> Soleil-


18 LIBER III. CAP. III.<br />

îaih ïnclufa fidgebau Ordo autêm agmms erat ialk*<br />

Ignis, quem if fi faerum & atemum vocaham , ar»<br />

genteis altarâus pmferebatur : magi proximi patrium<br />

carmen canebant : mages êrecemi & fexo*><br />

ginta quinque juvtnes fequebantur $ pumceis amiculis<br />

velati , diebus tonus anni <strong>par</strong>es numéro / qtâppe<br />

perfis quoque in totidem dits defcriptus eft amws»<br />

Currum de'mde Jovi facraîum albentes vehebant<br />

equi ; kos eximimmagnitudinis equus , quem Solis<br />

appeUabant , fequebatur : aureœ, virga & aBm vefîes<br />

régentes equos adornabanu Hayd procul eranê<br />

véhicula deeem , muko auro argenmque ctdata* Sequebatur<br />

hac equiiatus iuodecim gemium variis<br />

armis & moribus : proximi ibant quos perfit Immortales<br />

vacant, ad decem miMia ; adtus .opulentim<br />

barbam non dios magis honeftabaî ; illi<br />

aureos torques s Mi vtflem auro diftinëam habeèant,<br />

mankatafque tumcas r gemmis etiam adorna*<br />

tas. Exiguë intervallo9 quos Cognatos régis appelions,<br />

decem & quinque mïïïia hominum ; fmc<br />

vero turba, muliebriterpropemo<strong>du</strong>m ctâta x iuxu magis<br />

quam decoris armis confpicm erat. Doryphori<br />

* vocabantur proximum his agmen, filiti<br />

vefiem excipere regaiem ;. ai currum régis omettant,<br />

quo ipje eminens- vehebatun Utrumque cwnrûs latus<br />

deorum fimuiacra ex auro argenmque expreffa déco*<br />

rabane r diftinguebant internitentes gemmm jugum ,<br />

ex qua embubant <strong>du</strong>o aurea fimuiacra cubitaUa *<br />

quorum alterum Nini 9 alterum Bell gerebat effigiem;<br />

inter kmc auream aquilsm pbrnas ixtendtnti<br />

fimilem facraveranî»<br />

^'Dorjpttort, Deryph&ms* Cemotfigaifie littéraîe-


LIVRE 111. CHAP. 111. 19<br />

cnchaffée rfans <strong>du</strong> cryftal. Or voici dans quel ordre ils<br />

marchoient. Le feu r qu'ils appeîoîeni étemel & facré„<br />

étoit porté à la tête de l'armée fur des autels d'argent r<br />

des mages étoient derrière , chantant des hjmnes à<br />

la façon <strong>du</strong> pays : ils étoient fuivis <strong>par</strong> trois-cents faisante<br />

cinq^ jeunes hommes revêtus de manteaux de<br />

pourpre, pour égaler le nombre êes jours de fannée<br />

; car les perfes donnent aufli à leur année ce nombre<br />

de jours. Un. char confacré à Jupiter Yenoit enfuit!<br />

, tiré <strong>par</strong> des chevaux blancs-;, puis un courtier<br />

d'une grandeur extraordinaire y qu'ils appelotent le cheval<br />

<strong>du</strong> Soleil : des houffines d'or & des habits blancs<br />

étoient k <strong>par</strong>ère des con<strong>du</strong>ûeuxs des chevaux* Non<br />

loin de là rouloient dix chariots richement lacrullés<br />

d'or & d'argent. Après cela marchoit un corps de cavalerie<br />

, compofé de douze nations différentes d'armés<br />

& de mœurs : elle étoit fui vie de ceux que les perfes<br />

appellent Immortels y au nombre de dix-mille ; c'étaient<br />

les plus fomptueux des barbares ;, ils portaient des coliers<br />

d'or , des. robes éclatantes de dorures f, & des><br />

tuniques ' à manches , ornées même de pierreries* A<br />

peu de diftance <strong>par</strong>esibieat , au nombre de quinzeaille<br />

% ceux qu'on nomme les Coufim au roi ; troupe<br />

dont k <strong>par</strong>ure approchoit de celle des femmes > &<br />

plus remarquable <strong>par</strong> la fomptuofité que <strong>par</strong> l'éclat des<br />

armes. Us étoient fuivis immédiatement <strong>par</strong> ceux qu'on<br />

appeloit D&ryphores, chargés, ordinairement<strong>du</strong> manteau<br />

royal ; ils précédoient le char fur lequel le r#i étoit<br />

élevé. Les deux côtés de ce char étoient ornés d'images<br />

des dieux en or & en argent : des pierreries éclataient<br />

fur le joug, d'où s'èïevoient deux ftatues d'or<br />

hautes d'une coudée , Tune repréfentant Mirais f &<br />

l'autre Bélus j entre deux était une aigle d'or éployée,<br />

confacrée <strong>par</strong> la religion.<br />

ment Pertefamees ; il vient de ASfU (Mtfis) & de $éfm


20 LIBER 111. CAP. III.<br />

8. Ctdttss régis inter omnia luxurïâ notabatur ;<br />

purpurem tmûcœ médium album intextum erat ; pal~<br />

lam, aura difiinËam , aurei accipitres, vtlut roflris<br />

inter fe corruerent, adornabant ; & [ond aured<br />

muliebriter cinBus acinaccm fufptnderat, cui ex<br />

gemma erat vagma : Cidarim perfiz regium capitis<br />

vocabant infigne, hoc candea fafcia aibo diflinBa<br />

circumibat, Currum decem millm haftatorum fequc»<br />

bantur ; haftas argento exomaias, fpkuh aura<br />

pmftxa geftabant. Dextrd btvdqtu regem <strong>du</strong>cenû<br />

ferme nobUiffimi propinquorum comitabantun Horûm<br />

• agmen claudebatur triginta millibus peditum ,<br />

quos eqm régis quadringenti fequebantur. Intervallo<br />

deinde unius fladii **, matrem .Darii Syfigambim<br />

currus vehebat ; & in alio erat conjux : turba fiminarum<br />

reginas comitanûum equis veBabatur. Qurn-<br />

. dtcim inde, quas Armamaxas appellant, fequebaniur<br />

; in his erant liberi régis & qui e<strong>du</strong>cabant eos 9<br />

fpadonumque grex , haud fane Mis gentibus vitis*-<br />

Tum regia peuices trtcemm fexaginta vekekantmr,<br />

& ipfm regali cultu omatuque; pûft quas pecmûam<br />

régis fixcenû muli&treeenti cameli vekebant, pra*<br />

fidio fagktarwmm profequente. Propinquorum ami"<br />

corumque conjuges faùc agmini proximm , lixarum-<br />

' que & calormm grèges vehebantttr. Ultimi erant cum<br />

fuis qui/que <strong>du</strong>cibus qui cogèrent agmen, leviter<br />

armâtL Contra fi quis acum macedonum mtueretur+<br />

dif<strong>par</strong> acies erat; equis virifque non auro, non dif<br />

, colori vefit, fedferro aêque an fidgentibus : agmm<br />

** 11 refaite des Mémoires far les marches d'Alexandre<br />

, que Q. Curce doit avoir fui vis , que te fiait<br />

s'évalue à 54 de nos toifes ou à 324 pieds. Voyez!*<br />

Tmltê <strong>du</strong> mtfum hmêrahru de M. d*Anville 1 (pag. §4. )


LIVRE IIL.CMAP. 111. %i<br />

8. La <strong>par</strong>ure <strong>du</strong> roi furpaffoit tout le refte -en magnificence<br />

: fa tunique de pourpre étoit rayée de blanc<br />

- au milieu ; fon manteau , broché .d'or # étoit enrichi<br />

iPéperviers d'or qui fembîoient s'attaquer à coups de<br />

bec ; il portoit, à la manière des femmes, une ceinture<br />

d'or , d'oâ pendoit fon cimeterre dans un fourfeau<br />

fait d'une pierre précieufe : les perfes appeloiest<br />

Cidaris l'ornement--de fête qui diftinguoit le toi, c'étoit<br />

une thiare ceinte d'un diadème bleu mêlé de blanc.<br />

Le char étoit fuivi de dix-mille piquiers ; leurs piques<br />

étoient enrichies d'argent f & garnies de pointes d'or*<br />

A droite & à gauche le roi étoit accompagné <strong>par</strong><br />

environ deux-cents de fes <strong>par</strong>ents les plus diJÏingués.<br />

Cette efcorte étoit terminée <strong>par</strong> trente-mille hommes<br />

ek pied y qui étoient failli <strong>par</strong> les chevaux <strong>du</strong> roi au<br />

nombre de quatre-cents. A la diftance d'us ftide, ve-<br />

«oit enfui te, fur un chary Syfîgambis y mère de Darius ;<br />

& fur un autre , .fon époufe : les femmes attachées<br />

aux reines étoient 'à cheval. Elles étoient fuivies de<br />

quinze chariots ou litières , que les perfes appellent<br />

Armamaxes s où étoient les enfants <strong>du</strong> roi avec<br />

leurs instituteurs , & une troupe Jd'eunuques , efpèce<br />

d'hommes que ces peuples font fort loin de méprifer.<br />

Puis fuiraient fur des chats les concubines <strong>du</strong> roi, au<br />

nombre et. trois-cents fixante, vêtues fiûptrées comme<br />

des ternes.; & derrière elles le tréfor <strong>du</strong> mi étoit<br />

porté pur -fix-ceats mulets & trois-cents chameaux »<br />

fous une,, efcorte dWchers. Sur leurs pas venbient les.<br />

femmes des <strong>par</strong>ents & des minières <strong>du</strong> roi , & les •<br />

différents corps de goujats & gens de bagages s tous<br />

<strong>mont</strong>és fur des voitures. La marche étoit fermée <strong>par</strong><br />

des compagnies armées à la légère , ayant chacune,<br />

leurs chefs f pour empêcher qu*on ne s'écartât. SI<br />

au contraire on jetôit' les ieux fur' l'armée des macédoniens<br />

, l'ordre -en étoit bien différent ; les che-.<br />

vaux. & les hommes y brilioient, '-non <strong>par</strong> for ou <strong>par</strong>,<br />

les dtrarfes couleurs des habillements $ mais -<strong>par</strong> l'éclat t<br />

ûu fer & de l'airain : c'était us corps également prêt


%t LIBER HL-CâP* IF.<br />

& flart <strong>par</strong>atum & fequi, née turbâ net Jarcbûs<br />

pragrave ; intentum ad <strong>du</strong>eis, non fignum modo9<br />

fed etiam nutum : & caftris iocus 9 & exereitm<br />

commeatus JuppetébanL Ergo Alexandro m acit<br />

miles non defmt : Darius § tantôt multttttdinis rex n<br />

hci in quo pugnavk angufliis redaOus ejt ad pam<br />

skatem .quam m hoflt conumgfçrau •<br />

TV. IntmaÂkxmier$'AblflamneCappadocié*<br />

•frœpofito, Cilkiam petens mm omnibuscopm;, regio-<br />

Mem qum Cafea Cyri apptllatmr pérvenerat ; \ftaùva<br />

ibi habuerai Cyrus, quum adverfum -Crœfum<br />

in Lydiam <strong>du</strong>ctrtt ). Abtrat ed'regio quinquaginm<br />

fladmab'aditu quo Cilkiamintramus; Pyîas incola<br />

dicunt ar&Jfunas fouets 9 mmûmtnta qum manu<br />

pommas naturaB fim mitante. Igkur Arfams.s qui<br />

Ciîicm pmerat* repumns qmdinkw beUi Mtmmn<br />

Juafiffet, qu&ndam, fœhére confiUmi ' fem ' txjeqm<br />

flatuit : "imi fermqm Cilkiam mftat, : ut hofttfol*tudinem<br />

faeiat ; • qmdquïd ufid "efl* poteft "Mmànpit$<br />

fterile ae mi<strong>du</strong>m folum, quod ttiéri neqmbât, '<br />

reliêurus. Sed longé utilius fiât onguflios adhih<br />

qui Cilkiam aperhvalido occupaTepmfidiô9)ugumque<br />

kineri immmens opportune obtinere, unie imdtus<br />

fubeuntem aut proKêere mit opptimerc hojlem,<br />

pomi£ht* Mme pancis 9qui / caUUms pmfdtrew*<br />

reli&is ,.retm ipfe cmcijjfc* popuïatm terra quam,àpopulatlombus<br />

mndkarè debuemt* Ergo quireBêBtram,<br />

prodkos fe rati, ne'cènfpeihimqmdem-imiis<br />

fuflmtre volutrunts quum velpamiores loeum dit-


LèVRE III. CM A p. IV. ij<br />

A faire halte & à marcher f qui n'étoit furchargé mi de<br />

monde ni de bagages ; & attentif, -non feulement au<br />

lignai -# mais au moindre clin d'oeil «lu Général : tout<br />

lieu lui conveaoit pour camper , toute nourriture lui<br />

CuUfoit. Auflt Alexandre dans Foeeafîon ne manqua<br />

yoïat de foldats : & Darius , à la tête d'une multitude<br />

innombrable s ayant à combattre dans us lieu<br />

trop refferré , fut ré<strong>du</strong>it au périt nombre qu'il avok<br />

«néprifé dans fon ennemi.<br />

IV. Cependant Alexandre, après avoir pourra Ablfb-<br />

«tènes <strong>du</strong> gouvernement de la Cappadoce , marchant<br />

.avec toutes fes troupes vers la Cilicie, étoit arrivé<br />

à l'endroit qu'on appelle Je Camf dt Cyrus $ ( ce prince<br />

y avoit effectivement campé , lorfquftl meaoit fon armée<br />

en Lydie contre Créfut ). Cet endroit étoit à cinquante<br />

ftades de F entrée de'h Cilicie; c'étoient des<br />

gorges très-reflerrées que les habitants nomment Pyle$<br />

( ©u Portes ) , <strong>par</strong>ce qu'elles reffembient, <strong>par</strong> leur<br />

Cituatîôîî naturelle , à des fortifications faites de main<br />

«l'homme. Alors Arfanes', qui commandait en Cilicie t<br />

fe rappelant f avis dont avoit été Memnon au commencement<br />

de la guerre, réfolut hors de (aifon de fuivre<br />

un cenfeil qui eût été faiutaîre dans, le temps : il ravagé<br />

la Cilicie <strong>par</strong> le fer & <strong>par</strong> le feu * pour n'abandonner<br />

à l'ennemi qu'une foHtude; il gâte tout-ce qui peut<br />

être de quelque ufage v afin de ne kiifer que ftérilité &<br />

èifetîe dans un pays t qu*il se pouvoit défendre. Mais<br />

il auroiî été bien plus avantageux d'occuper « <strong>par</strong> un bon<br />

détachement le défilé qui ouvre rentrée de la Cilicie »<br />

& de fe faifîr à temps des hauteurs qui commaodoient.<br />

le chemin , d'où il àuroit pu-fans perte ©u arrêter fentiemi.<br />

au paffage ou féetafer. Dans la conjoncture préfente<br />

9 après avoir làhTé'un petft nombre de foldats pouf<br />

la garde des avenues , il f* retira en arrière f dévaftant<br />

lui-même un* terre qu'il turoitdl garantir de ces rava*<br />

ges. Ceux f u*iS avoit laifles, concluant de là qu'ils étoienî<br />

trahis 9 ne voulurent pas même foutemr 1* vue de l'en*<br />

aérai, quoiqu'ils eurent pu conferfer ce polie mêmt ©m


14 LIBER 111. CAP. IF.<br />

nere potuiffent. Namqueperpetuojugo monùs afperî<br />

ac pmrupti Cilicia inchtdkur , quoi, qmm à mari<br />

furgat, veluùfirm quodam flexuque curvamm* rurfus<br />

altero cornu in diverfum iittus excmrk. Per hoc<br />

dorfum, quâ maxime introrfum mari ceik, afperi<br />

très adkus & perangufti funt, quorum mm Çilic'm<br />

intranda eft* Campeflrk eadem quâ vergk ad mare,<br />

plankkm ejus crebris difiingutntïbus rivis.<br />

10. Pyramus & Cydmis % inciyti amms,flmtnt:<br />

Cydnus, non fpatio aquarum 9 ftd llquore mémordbUis<br />

; quïppe Uni ttaBu t fonûbus labens, purù<br />

folo excipitur, ntc torrentes ineurrunt qui placide<br />

manantis alveum turbent; itaque incorruptus, idemque<br />

frigidijfimus , quippe multd ri<strong>par</strong>um amemkate<br />

"mumbratus , ubique fonûbus fuis fimiUs in mon<br />

tvadit* Multa in ed repom momtmmta, vulgam<br />

carmméus, vetuftas exederat* Monfirabantur «rb'mmfedes<br />

Lyrmjfi & Thebes, Typhonis quoque<br />

fpecus, & corycium nemus , ubi crocum gignitur,<br />

ceteraqm in quibus nlhil prœtef famam <strong>du</strong>raverat*<br />

Ahxandtr fautes jugi qua Pylae appeïïamur intra*<br />

vit: Contemplams locorum fitus , non alias magk<br />

dicitur admirants ejfe felickatem fuam ; obmipo-<br />

. 'pàffe velfaxis confitebatur', fifuifentqui infubemt<br />

tes propelkrent: ker vix- quaternos capiebat armasas<br />

; dorfum monùs imminebat via , non anguft*<br />

modo , fed phrumque prarupm, crebris ûberraM**<br />

eus rivk qui ex radkîbus <strong>mont</strong>ium manant» Thra*<br />

cas tamen leviter armatos pmcedere juffcrat, fcmmoindre


LIVRE III. CMAP. IF. :%y<br />

«oindre nombre. En>effetla Cillcie eft-enfermée <strong>par</strong> une<br />

chaîne nos -interrompue de <strong>mont</strong>agnes rudes & eiear-<br />

§>ées, laquelle s s'-élevant <strong>du</strong> bord de la merf s'en écart*<br />

en fe courbant comme pour former un golphe, & revient<br />

aboutir <strong>par</strong> fon autre extrémité en un autre endroit <strong>du</strong><br />

rivage. 'Dans la <strong>par</strong>tie de cette' chaîne la plus éloignée<br />

de la mer., Il y a trois cols difficiles & fort étroits f<br />

.<strong>par</strong> l'un defquels- il faut néceffairement paffer pour<br />

entrer dans la Cilicie. Cette -province, en tirant vers<br />

la mer , eft une belle pkine, dont les campagnes font<br />

entrecoupées <strong>par</strong> quantité de nûffeaux.<br />

io» Deux fleuves célèbres y ont leur cours, le<br />

•Pyrame & le Cydnus : celui-ci moins remarquable <strong>par</strong><br />

l'éten<strong>du</strong>e de fon canal que <strong>par</strong> fes eaux mêmes; car<br />

prenant -dès fa fource un cours paifîble, il roule fur<br />

un fol très-pur , & ne reçoit aucun torrent qui puiffe<br />

troubler la netteté de fes eanx & la tranquilité de fon<br />

cours ; -de forte qu'il arrive à la mer fans mélange<br />

& confetvant <strong>par</strong>tout la fraîcheur «de fes fources ^<br />

à caufc de îa grande quantité d'arbres qui ombragent<br />

agréablement fes -rives. Le temps avoit détruit dans ce<br />

pays beaucoup de monuments » célébrés <strong>par</strong> les poètes,<br />

On y <strong>mont</strong>roit l'emplacement des villes de.Lyrnefle<br />

& de Thèbes , la caverne de Typhon, la forêt<br />

corycienne., où croît le fafran , & d'autres objets<br />

dont il ne reftoit plus rien que la renommée. Alexandre<br />

entra <strong>par</strong> le col qu'on nomme Fyks. Après qu'il eut<br />

confidéré la fituation des lieux» OR dit qtfil ne fut Jamais<br />

plus furpris de fon bonheur ; H avouoit que rien<br />

fi'étoit plus aifé que -de l'écraïer fous les pierres , -fi


±6 LIBER 111. CAP. V.<br />

Êariqm caîks 9 ne occuttus hoftis injubeuntes emat*<br />

• peret : fagittariorum quoque .manus occupaverat<br />

jugum ; intentas arcus habebant? momiti3 non ittr<br />

ipfos mire, feâ pmliwm. Hoc modo agmen pervenit<br />

ad urkem Tarfon* cui tum maxime perja fhb~<br />

jîciebaM ignem , ne opulentum oppi<strong>du</strong>m hoftis inwadertL<br />

At iik , Parmeniane ad inhïben<strong>du</strong>m incenr<br />

dium cum expeditd manu pmmiffb 9 poftquam barèaros<br />

adventu fuorum fugaws ejfe cognovit, urbem<br />

Àfe conferv.atam iatraL<br />

V- Mediam Cydnus amms, de quopaulo ante dietum<br />

eft, interfluit : & tune œftas erat, cujus calor<br />

non aliam magis. quant Cilic'm Qram vapore Jolis<br />

Mccendit ; •& diei fervidiffimum tempus cotperau<br />

Pulvere ac fudore fimul perfufum regem invitavit<br />

liquor fluminis 9 ut cali<strong>du</strong>m adhuc corpus obluereL<br />

Itaqut vefte depofiîâ in confpeQu agmi~<br />

nis , décorum quoque futurum ratus , fi often-*<br />

diffet fuis levi ac <strong>par</strong>ab'di cuku corporis fe effe<br />

£ontentum » defeendit in flumen : vixque ingrejfi<br />

fubito honore anus rigere cœperunt ; pallor demie<br />

diffufus eft.9 & iotum propemo<strong>du</strong>m corpus vitalis<br />

£aior rtliquit. Exfpiranti fimllem mmiftri manu ex-<br />

€ipiunt , nec fatis compotem 'menas in tabernaculum<br />

déferont. Ingens filicitudo & penè jam luSus<br />

în eafiris] erat» Fkntes querebantur "m tanto impem<br />

turfuque rtrum 9 omnis mrntis ac memorim clariffi»<br />

mum regem* non in aciefaitem, non ah ho fie dejeo*<br />

tum.9 ftd abluentem aqua corpus* ereptum effe &<br />

txflinBum : inflare Darium9 vUlorem antequam<br />

vidiffet hojkm : fibi eafdem terras quas vikores<br />

pgrajgrajfent repetendas ; omnia mi ipfos aut hofie*


LIVRE III. CMAP. V. 27<br />

pour reconnoitre les chemins f & prendre garde que<br />

Vennemi caché ne pût fondre d'en-haut far ceux qui<br />

pafleroient en bas : 'ose troupe d'archers s'étoient auffi<br />

portés fur le Commet ; ils avoîent Tare bandé » étant<br />

bien avertis qu'il s'agiftbit s non de marcher , mais de<br />

•combattre. De cette manière Famée <strong>par</strong>vint jufqu'à la<br />

•ville de Tarfe, où dans ce moment même les perfesmettaient<br />

îe feu , pour ne pas îaiffef prendre à l'ennemi<br />

une ville fi opulente. Mais îe roi ayant détaché «a<br />

avant Parméslon avec un .camp volant .pour arrêter<br />

l'incendie, lorfqu'il fut que les barbares à l'arrivée des<br />

fi. en s avoîent pris la fuite , il entra dans la place qu'il<br />

yen oit de fauver.<br />

V. Le fleuve Cydnus -, dont on vient de <strong>par</strong>ler , la<br />

traverfe <strong>par</strong> le milieu : c'étoit en été f & la chaleur<br />

caufée <strong>par</strong> îa réflexion <strong>du</strong> foleiî n'embrâfe aucune autre<br />

contrée plus que la Cilkie ; d'ailleurs on étoit au plus<br />

chaud <strong>du</strong> jour. Le roi couvert de pouflière & de fueux<br />

fut tenté j en voyant l'eau <strong>du</strong> fleuve, de s'y baigner<br />

«ncore tout échauffé, S'étant doûc déshabillé à la vue<br />

de fou arméef & jugeant que ce fereit une belle chofe<br />

de <strong>mont</strong>rer à fes troupes qu'il fe contentoit pour fora<br />

corps de ce qu'il y avoit de plus ïïmple & de moins<br />

recherché , il defeendit dans le fleuve : mais à peine y<br />

étoit-il entré, qu'un froid fubit lui raidit tous les membres<br />

; bientôt la pâleur fe répandit fur ion corps, §c<br />

-prefque toute la chaleur naturelle l'abandonna. Ses gens<br />

le prennent à demi-mort dans leurs bras , & l'emportent<br />

-dans fa tente fans eonnoiflancë. Wne vive inquiétude<br />

&, pour ainfi dire , le deuil étoit <strong>par</strong> tout le camp.<br />

Tous , fondant en larmes, fe plaignoient, que îe plus<br />

grand roi qui fut jamais leur étoit enlevé dans le cours<br />

rapide de fes fuccès y & qu'il périflbit, noa ézm une<br />

bataille au moins ou <strong>par</strong> le fer de l'ennemi, mais en fe<br />

• baignant ; que Darius étoit proche, & viôorieux avant<br />

d'avoir vu l'ennemi : qu'il leur falloit repaffer <strong>par</strong> les<br />

mêmes pays qu'ils avoîent <strong>par</strong>courus en vainqueurs 5<br />

1 u'eux-mêmes on les ennemis y avoîent tout dévafté ;


•28 LIBER III. CAP. F.'<br />

p&ptdatm ; per vaflas filimdmes9 eûamfi mm<br />

infiqtd velit, eûmes, famé atque inopiâ debeUari<br />

poffè •: quem fignum daturum fugknûbus ? quem<br />

œufurum Akxandro fuccedert ? jam m ad Heïïefpontum<br />

fiigâ pemtrarent , clafftm qui tranfeant<br />

quem pm<strong>par</strong>aiurum ? Rurfus in ipfum regem mifericordiâ<br />

verfâ 9 îllum florem juventa , illam vim<br />

animi, tandem regem & commUitonem , divelli i<br />

fe &aàripi j, immimorcsfuij querebmmr.<br />

12. Inier âme lièerius meare fpirîms cmperat;<br />

mUevabaê rex oeubs, 6» pmdatim redeunte animé<br />

tircumftaMes amicos agnovtrat ; laxataque vis<br />

morbi-oh hoc Jblum videèmtur, quia maguitudinem<br />

mail ftntiebau Ammum autem mgtitudo corporis<br />

urgebat ; quippt Darium quinto die in Ciliciam<br />

fore nunciabatur: vmBum ergo fe tradi, & tan"<br />

tam viBoriam mpifibi è mambus, obfcurâque &<br />

ignobili morte in îoèernaculo fuo exjlmgui fi que~<br />

rebaiur. Admiffifque amicis <strong>par</strong>iter & médias : In<br />

quo me, inquit, artkuJo reram mearam forîusâ<br />

deprehenderit, cernMs. Strepitom hoftiiiust<br />

armoram exaudire mihi yideor ; & qui ultro<br />

intuli bellum, 'jam provocor. Darius ergo ,<br />

cpuim tam fuperbas literas fcriberet, fortunam<br />

meam in confifio hafeuit ; fed nequidqîiam ,' fi<br />

mini arbitrîo meo curarilicet. Lenta remédia &<br />

fegnes medkos non expetunt tempora mea ; vel<br />

mon ftrenuè quam tardé convalefcere mihi melius<br />

cil : proinde, fi quid opis, fi quid artis in medicîs<br />

eu , fciaat me non tam tnortis quam belli re-»


LE VRE 111. CMAP V. 29<br />

qnfayant à traverfer de vaftes déferts s quand perfonne<br />

ne voudrok le* pourfuivre f la famine & la diïette pouvoient<br />

les faire périr : cpi les coa<strong>du</strong>iroit dans leur<br />

fuite } qui ôferoic fuecéder à Alexandre ? & quand enfin<br />

iîs <strong>par</strong>viendroient dans leur retraite jufqu'à l'Hellefpont<br />

, qui leur feroit pré<strong>par</strong>er une ffotte pour le<br />

paffer } Puis revenant encore à des fentiments de cornpaffion<br />

pour le prince , ils fe plaïgnoient, fans retour<br />

fur eux-mêmes , que dans cette fleur de jeuneffe , dans<br />

cette vigueur de courage 9 celui qui étoit en mêmetemps<br />

leur roi & leur compagnon d'armes leur étoit<br />

arraché & enlevé pour jamais»<br />

12. Cependant il commençoit à refpïrer plus libre*<br />

ment ; il entr'ouvroit les ieux , & fe ranimant peu à<br />

peu il avoit déjà reconau fes eourtifans qui l'environnoïent<br />

; la violence de la maladie ne femblort s'être<br />

relâchée , qu'en ce qui! fentoit la grandeur de fon<br />

mal. Mais rindifpofition <strong>du</strong> corps influoit fur fefpritf<br />

d'autant qu'il avoit nouvelle que-dans-cinq purs- Darius<br />

feroit en Glicte : il étoit donc au défefpoir d'être livré<br />

à l'ennemi pieds & poings liés f de fe voir arracher<br />

des mains une fi belle vtôoire t & de terminer fes<br />

jours dans fa tente pat une mort obfcure 6c fans gloire»<br />

Avant fait entrer eâfemble fes courtifans & fes médecins<br />

: Vous voye\, leur dit-il, d'ans quelles conjonctures<br />

la fortuné me fwprend» MmefemUe entendre le cliquetis<br />

des armes ennemies ; & quoique'fàye apporté la guerre ici<br />

de mon, propre mouvement, €*eft moi qu'on défie aujourdhuL<br />

Sans doute que Darius , lorfqu'H'm'écrirait des lettres fi<br />

hautaines, étoit d'intelligence avec ma fortune ; mais<br />

cela mime lui fers mutile ffi on confint de me traiter À<br />

mon gré» L'état de mes affaires ne comporte ni la lenteur<br />

des remèdes ni la eirconfpecHom traînante des médecins ; je<br />

• préfère même une mort prompte â une guérifon tardive :fi les<br />

médecins peuvent donc me donner quelqut fecours s s'ils ont<br />

' quelque reffource dans leur art $ qu'ils fâchent que je cher*<br />

£Âe mwnsàprtvtmr la mort qu'àrétaBBr l'état de la pierre,<br />

1 ïij


3© LIMER 111: CAP. VI.<br />

médium quaerere. Ingentem omnibus incufferat euram<br />

tam pmceps temerhas ejus. Ergo pro fe quife<br />

que precarl cœpêre , nefeftmatione perkulum augertt%<br />

fed effet m poteftaie medenûum : inexpert Aremédia<br />

haud injuria ipfis efft fufpeËa, quum ad<br />

permekm ejus et'mm a latert ipfeus pecunia folicitaret<br />

h&ftk ( quippe Darius mille taknta interfeSori<br />

Akxandri datumm fe.prommc'mrijufferat ) ><br />

itaque, ne aufurumquidem quemquam, arbkrabanmr<br />

experiri remedium quod propter novitatem poffit<br />

effefujpe&um*<br />

VI. Erat înter nêbUes medkos è Macedonid regem<br />

'fequutus Philippus, natione acarnan ?ft<strong>du</strong>s admo<strong>du</strong>m<br />

régi : puero cornes & euftos falutis datas, non<br />

ut regem modo $ fed etiam ut alumnum ,. eximia<br />

cantate diligebau Is non praxeps fe, fed ftremmm<br />

remedium afferrt , tantamque vim morbi potione medicata<br />

levaturum effe promùfiL NuUi promiffum<br />

ejus placebat P prmter ipfum cujus perkufa polâ*<br />

cebatur. Omnia quippe faeUius quam moram per»<br />

peti poterat : arma '& acks m omiis erant, &<br />

vi&oriam in eo pofetam effe arbitrabatur, fe tantum<br />

ante fegna ftare pouâffei ; id ipfum 9. quodpoft<br />

diem tertium medicamentum fumpturus effet ( ite<br />

enim medkus pmdixerat ) agrè ferens. Inter hmc<br />

à Parmemone, fidiffimo purpuratorum, literas occipit,<br />

qmbus ti demmetabat m fahtem fuam Philippo<br />

committertt ; mille talentis , a Dario^ & fpe<br />

nuptiarumfororis ejus, effe corruptum. Ingentem ad"<br />

mo folickudinem Ikerm ineufferant ; & quidquid<br />

in utramque <strong>par</strong>tem aut me tus oui fpes fubjecerat,<br />

fecretâ mfthnatione penfabat* Bibere perfeverem,<br />

ut , û venenum datom fiierit, ne immerito qui-


LIVRE 111. CHAF. VL JI<br />

tfft empreflement fi peit réfléchi donna <strong>du</strong> cnagrns<br />

à tout le monde» Chacun le pria donc arec ïnftaaee w<br />

de ne pas- augmenter <strong>par</strong> trop de précipitation le péril<br />

où il étoit * mais de s'abandonner aux médecins- : que<br />

ce n'étoit pas fans raifon qu'on fe défioit des remèdesextraordinaires<br />

f puifque , pour le perdre,. l'ennemi ten*toit<br />

à pris- d'argent jufqu'à la fidélité de fes domeftiques<br />

( Darius en- effet avoit promis publiquement une<br />

récompenfe de mille talents à celui qui tueroit Alexandre<br />

) ; qu'ainfî $ on étoit perfuadé que perfonne ne<br />

feroit affez hardi pour hafarder un- remède qui <strong>par</strong> fa.<br />

nouveauté pût donner le moindre-foupçon»<br />

VI. Entre plusieurs médecins célèbres , il y en avoît<br />

un qui étoit Tenu de la Macédoine avec le roi ; c'étoît<br />

Philippe f, acarnanien de naiflànce-, très-fidèlement dévoué<br />

au prince : attaché à fa perfonne dès fon enfance<br />

pour raccompagner & pour veiller à fa fanîé , il l'ainoit<br />

avec une tendrefle peu commune», non feulement<br />

comme fon roi » mais encore comme fon aourrîflon. Il<br />

promit une médecine $ non hafardée y mais d'un- effet<br />

prompt,. & répondk d'enlever avec cette potion toute<br />

la violence <strong>du</strong>- mal. Cette propofiîion ne plut à perfonne,<br />

qu'à celui quidevoit encourir les rifques. Ceïf<br />

que tout lui <strong>par</strong>oiffoit- plus fuportable que les inconlïénients<br />

<strong>du</strong> retard : il ne royoit qu'armes & batailles r<br />

& il fe croyoit affûré delà viûoire, s'il pouvoit'feulement<br />

fe <strong>mont</strong>rer à la tête de fes-troupes ; H fuportoit<br />

même avec impatience le délai de trois jours p<br />

qut le médecin avoit fixé pour lui adminiftrer fon remède.<br />

' Dans ces circonftances Parmémon f celui des<br />

Crands de fa cour en qui il avoït le plus de confiance y<br />

Favertit <strong>par</strong> une lettre de ne point confier (a vie à Philippe<br />

; <strong>par</strong>ce que Darius l'avoir, gagné <strong>par</strong> l'offre de<br />

mille talents & en lui faifant efpérer fa foeur en mariage.<br />

Cette lettre le jeta dans une grande perplexité;<br />

& il balançoit en lui-même les- différents- <strong>par</strong>tis que<br />

lui infpiroit la crainte ou l'efpérance. Perfiflerai-je à<br />

orendrs cette médecine 9 peut d&nmr lieu » fi Me eft em»<br />

B VT


3i LIBER 11L CAP. VI.<br />

dem quidqoid accident evcniffe videator ? Dam-^<br />

nem medici fidem ? In tabemacolo ergo me ©p—<br />

primi patiar ? At fatras eft alieno me mori fceîere<br />

quam meto meo. Dm animo m diverfa verfato,<br />

miïïi quid fcriptum effet emmciat ; epiflô-*<br />

lamque, figilb anmdi fui impreffam, pulvino ad<br />

incumbebat fubjeck*<br />

14. Inter has cogitationes hiiuo abfumpto J<br />

îlluxit à medîeo deftinatus dits, & Ole eum pocu*<br />

lo m quo medicamentum diluerai intraviL Quo vifo,<br />

Alexander, levato eorpore in cubhum, epiflolam<br />

à Parmcmone miffam fmiftrâ manu tenens, acêipk<br />

pocukim & haurit interritus ; tum epiftolam Phiiippum<br />

kgere jubet ; née a vultu legemis movii<br />

ûcubs 9 ratus aliquas eonfcientia notas in ipfo<br />

ère poffi deprehendere. liie , epifioU perkBâ ,<br />

plus mdignaûoms quam pavorh ofttndk , proje&if<br />

que amieub & ikeris ante k&um : Rex, mquk,<br />

iemper qoidem fpiritus meus ex te pependit ; fed<br />

mine verè, arbitrer, lacro & venerafcili ore trahitur.<br />

Crimen <strong>par</strong>ricidii quod mihi objeâum eft<br />

tua falus diluet : fervatus à me vitam mihi dederk;<br />

oro- quaefoque: amiffoque metu patere medicamentum<br />

concipi venis; laxa pauiifper animora,<br />

quem mtempefHvàfolicitudine amict 9 fané<br />

fidèles, fed moleftè fe<strong>du</strong>li , turbast. Non feeurum<br />

modo kœc vox, fed etiam latum regem ac plénum<br />

bonee fpei ficit* haque , Si dii, mquitf Philippe<br />

, tibi permififlent quo maxime modo animum<br />

velles experiri meum, alïo profefto vo^»<br />

luiffes , fed certiorem quam expertus es ne optaffes<br />

quidem : hic epiftolaaccepta, tamen qood


LIVRE 11L CMâP* Vt. 33féifomée<br />

f de croire que j'aurai mérité d'être la wiiUme<br />

de l'événement ? Me défierai-je de la fidéUté de mon mèdecim<br />

? Je me laifferai donc accabler dans ma tente ? Mais<br />

non ; il vaut mieux que je périffê <strong>par</strong> le crime d'un autre<br />

que <strong>par</strong> ma propre défonce» Après avoir été long temps<br />

agité de diverfes penfées, il prend le <strong>par</strong>ti de ne communif<br />

lier à perfonne ce qu'on lui avoit écrit ; il appofe<br />

à la lettre le feeau de fon anneau , & la met Cous<br />

fon oreiller,<br />

14. Deux jours paffés dans ces Inquiétudes, arrive<br />

enfin le jour fixé <strong>par</strong> îe médecin, & il entre avec la<br />

coupe où il avoit pré<strong>par</strong>é la médecine. A fa vue f Alexandre<br />

fe foulève en s'appuyant fur le coude t prend<br />

de la main gauche la lettre de Parménion, reçoit le<br />

vafe de l'autre , & boit avec intrépidité : il fait lire enfuite<br />

la lettre à Philippe ; & pendant la leûure il ne<br />

détourna pas les ieux de défias lui, efpérant de pou*<br />

voir découvrir fur fon vifage quelques indices de ce<br />

qui fe paicroit dans fon âme. Celui-ci , après avoir<br />

lu y <strong>mont</strong>ra plus «f Indignation que de crainte $ & jetant<br />

devant le lit fon .manteau & la lettre: Seigneur, dit-il,.<br />

. ma vie à la vérité a toujours dépen<strong>du</strong> de vous j mais il<br />

me fembh aujourdhui hors de doute qu'elle n'eft qu'une<br />

avec celle de votre perfonne facrie, L*idée <strong>du</strong> <strong>par</strong>ricide<br />

qu'on m'a imputé dif<strong>par</strong>okra <strong>par</strong> votre guéri fon : que<br />

votre confervation <strong>par</strong> mon mmiftère devienne le principe<br />

de ma vie ; je vous le demande avec infiance : bannifft\ toute<br />

cmimu , & laiffe\ au remède la liberté de s'imfinmer dans vos<br />

veines } égaye\ un peu votre ejprit, que troublent <strong>par</strong> un,<br />

fouci déplacé des anus , \élésfans doute , mais dont les<br />

foins peuvent nuire. Ce peu de mots non feulement raffut<br />

a le foi , mais lui lof pif a encore de la gaieté & de<br />

la confiance. Il lui dit donc : Si les dieux , mon cher<br />

Philippe , vous avoient permis d'éprouver à votre gré mes<br />

difpofitions à votre égard t vous aurie\ certainement choifi<br />

mm autre moyen , mais vous n'en aurie\ pas mime fou».<br />

haité un plus fur : après avoir reçu cette lettre, je m'ai<br />

j?*5 laijfé de boire la potion que veut m'avie\ pré<strong>par</strong>ée ;<br />

"B V


34 'LIBER III. CAP. VL<br />

dilueras bibi ; & mmc credo te non .minus pro*<br />

tuâ flde quam pro meâ falute effe foHcitum. Hmc<br />

elôquutus, dextram PhUippo offert.<br />

15. Ceterum, tanta vis medkammk fuit, ut qmt<br />

'fequuta femt crminationem Parmenîonïs adjuverînt.<br />

Interclufus fpiritus arÛè meabau Nec Ph't*<br />

lippus quidquam inexpertum omifit : 'die fomenta<br />

corpori admoyit ; Me torpentem , nunc cibi mmc<br />

vini odore , excisavit ; atque ut primum mentis<br />

compotem e£e fenfet* modo matris fororumque 9 modo<br />

tenta viëor'm appropinquantis aamonere non defthtit.<br />

• Ut vero medicamentum fe diffudh 'm venas f<br />

&fenfimtoto corpore faiubritas percipi potuit, primo<br />

animus vigorem fuum, deinde corpus quoque<br />

exfpeBationt maturiès recuperavit ; quippe poft<br />

tertium diem quam in hoc ftatu fuerat m confpeêum<br />

miiitum veniu Nec avidius ipfum regem<br />

quam Phïïippum mtuebatur exercitus ; pro fe quifque3<br />

dextram ejus amplexi, grates habebant veht<br />

prmfenti deo : namque kaud facile dieu eft , prêter<br />

iagenitam iUi genti erga reges fuos vénération<br />

nem 9 quantum kujus quoque régis vel admirations<br />

dediti fuerint, vel carkate ftagraverint. Jam pri~<br />

mum nihil nifi divina ope aggredi videbatur ;<br />

nam 9 quum effet praflo ubique fortuna , temeritas<br />

m gloriam cefferat. JE tas quoque, vix tan*<br />

tis matura rébus, fed abundè fufficiens , omnm<br />

ttiam ejus. opéra honejiabai : & qua leviora haberi<br />

filent, pkrumque militari gratiora vulgo funt >;<br />

exercitatio corporis inter ipfos , cultus habitufque<br />

paululum à privato abhorrens , mititaris yigor 1


LIVRE III CM A P. FT+ jy<br />

& maintenant jd fuis perfuadé que vous ne Mfimi pas*<br />

moins h jufllficat'mm de votre fidélité que ma guérijhn.<br />

Ayant aï «fi <strong>par</strong>ié r il lui préfenta la main»<br />

15. Au relie, la médecine agit avec tant de force, que<br />

les fuites donnèrent <strong>du</strong> poids à Vaccusation de Parme-aion.<br />

"La refpiratioa fufpen<strong>du</strong>e étoiî ,à peine fenfible.<br />

Fhillppc defon côté effaya de tous les moyens : il lui<br />

appliqua des topiques adouciflants ; il le ranima <strong>par</strong><br />

l'odeur ou de quelque aliment ou <strong>du</strong> vin-* & dès qu'il<br />

s'apperçut que la connoiflânee lui- étoit revenue , il ne<br />

cefla de l'entretenir, tantôt de fa mère et de fes- fœurs ».<br />

tantôt des approches de la grande mÛGÎrt qui l'attendoit.<br />

Maïs quand le remède fe fut porté <strong>par</strong>tout, &<br />

que fes heureux effets purent devenir feafibles clans<br />

iouî le corps-, l'efprit d'abord reprit fa vigueur, & îe<br />

corps enfuite recouvra fes forces bien plus promptement<br />

qu'on ne l'avoit efpéré; puifque trois- jours après<br />

cette crife il fe <strong>mont</strong>ra à fes foldats. Les regards de<br />

Parmée ne fe tournèrent pas fur îe roi lui-même avecplus<br />

d'empreflement que fur Philippe; chacun vouloifc<br />

lui prendre la main,. & lui rendre des aérions de grâcescomme<br />

à un dieu tutélaire : car outre la vénérationque<br />

ce peuple a naturellement pour fes rois, on ne<br />

fauroît dire à cpiel point ils. étoient pénétrés foit d'admis<br />

cation foit d'amour pour Alexandre en <strong>par</strong>ticulier. Premièrement<br />

il leur fembloit ne rie» entreprendre fans-.<br />

l'aûlftance de quelque divinité ; <strong>par</strong>ce que la fortune*<br />

lui étant <strong>par</strong>tout favorable, fa témérité lui avoit toujours<br />

tourné à gloire. Son âge d'ailleurs. > à peine<br />

au niveau de fi grandes entreprifes, & venant toute»<br />

fois aifémenf à bout de les exécuter,, donnoit bien,<br />

de l'éclat à toutes fes aftions : 8c des chofes qu'on,<br />

a coutume de regarder comme peu importantes, font<br />

fouvent ' fur le commun des foldats une impreÉEos<br />

plus agréable;, comme de prendre <strong>par</strong>t à leurs exercices<br />

, de fe diftinguer peu des <strong>par</strong>ticuliers <strong>par</strong> fon vête»<br />

ment & <strong>par</strong> fes manières , de fuporter avec vigueur<br />

. toutes les- fatigues de la guerre ; qualités , foit naîu-<br />

Evj


36 LIBER 111. CAP. VIL<br />

quh Me vel mgenii dotïbus vel ammî artïbus, ut'<br />

<strong>par</strong>iter carus oc veneran<strong>du</strong>s effets effeceraL<br />

VIL At Darius , nuncio de adversâ vaktu~<br />

'dîne accepta, cehritate, quantam capere tam grave<br />

œgmen poterat, ad- Euphratem contenait ; junRo~<br />

que eo pontibus, quînque tamen ditbus trajecit<br />

€xerciium , Ciliciam occu<strong>par</strong>e feftinans. Jamque<br />

Alexanatr, viribus corpork rcceptis $ ad urbem<br />

Solos pervenerat ; cujus potitus , <strong>du</strong>cehtis talentis<br />

nomme muléÊœ exaûis , arci pmfidium militum<br />

ïmpofmu Vota deinde pro falute fufceptd ptr<br />

lu<strong>du</strong>m atque otium reddcns , & (lendit quanta fi<strong>du</strong>cie<br />

barbaros fpemeret ; 'Mjculapio & M'merva<br />

iudos celtbraviu Speêanti nuncius lœtus affertuf<br />

ex Malicarnaffo, perfas acie à fuis effe Jiiperatos<br />

; myndios quoque, & caunms , & pleraque<br />

traèûs ejus fum faBa ditionis. ïgitur % edito<br />

fpeêaado ïudicro , caftrifque motis , & Pyramo<br />

amne ponte juniio, ad urbem Maikn pervertit ; [<br />

inde alteris caflris, ad .oppi<strong>du</strong>m Caftabahm. lbi<br />

Parmeni© régi occurrit 9 quem pramifirat .adexphran<strong>du</strong>m<br />

iter fakûs , per quem ad urbem<br />

Iffon nomme penetran<strong>du</strong>m erat* Atque ilk an-*'<br />

gufiiis ejus ocempatis, fi» pmfidio modico reliBo ,<br />

Iffon quoque dejertam à barbaris ceperat : inde<br />

progreffus, deturbatis qui interiora mpntîum ob-.<br />

fidebant, prafidiis cunBa firmavit ; occupatoque<br />

iûnere, ficut paulo ante diflum efi, idem fi» aucr.<br />

tor 6» nuncius venit*<br />

17. Iffon inde rex copias admovit » ubi con*»<br />

'filio habita , utrunme ultra progredien<strong>du</strong>m foret,<br />

an ibi opperkndi effent milites novi quos ex Macedoniâ<br />

adventare co&Jlabat, Parmemo non ai'ium


LIVRE 111. CHAP. VIL 57<br />

reliesf foit réfléchies,, qui favoient ren<strong>du</strong> également<br />

cher&refpeâaUe.<br />

VIL Cependant Darius , ayant eu nouvelle de la<br />

maladie d'Alexandre ,. s'avança vers PEuphrate avee<br />

toute la diligence que pouvoit permettre une armée<br />

fi embarraffante ; & ayant jeté des ponts fur ce fleuve,<br />

il ne biffa pas d'être cinq jours à faire paffer fon armée,<br />

ipoiqu'il fit fon poffible pour gagner promptemenî la<br />

Ciiicle. Alexandre t entièrement rétabli, étoit alors<br />

arrivé à la- ville de Soles ;. & s'en étant ren<strong>du</strong> maître,il<br />

en exigea deux-cents talents à titre d'amende, &<br />

mit garnifon dans la citadelle. Puis acquitant ; au milieu<br />

des divertiflfements & dans la tranquilité de l'inaétion %<br />

les vœux qui avoient été faits pour fa-faaté , il fit vois<br />

avec quelle fécurité il méprifoit les barbares ; il celé,<br />

bra des jeux en l'honneur d'Efculape & de Minerve,'<br />

Tandis qu'il affiftoit à ces fpeftacles , on lui aporta"<br />

dUalicarnaffe l'agréable nouvelle, que les perfes avoient<br />

été vaincus <strong>par</strong> les liens en bataille rangée; & que les<br />

• myndïens, les cauntens, avec la plus grande <strong>par</strong>tie<br />

de cette contrée 9 étaient ré<strong>du</strong>its fous fon ©béiffance.<br />

En conféquence , lexique les jeux furent terminés , il<br />

leva le camp , jeta un pont fur le fleuve Pyrame , ô£<br />

' arriva à la ville cLe Malle ;. en une autre journée il fe<br />

porta à Caftabale. Là le roi rencontra Parménion %<br />

qu'il avoit envoyé en avant pour reconnoître îa route<br />

<strong>du</strong> défilé qui con<strong>du</strong>tfok à la ville nommée île* Cet<br />

officier , s'étant faifi des détroits ,- & y ayant laiffé<br />

une garde médiocre , s'étoit auffî em<strong>par</strong>é d'iffe 9 que les<br />

barbares avoient abandonnée : de là pouffant plus avant r<br />

il chaffa ceux qui s'étoient poftés- dans les <strong>mont</strong>agnes ,<br />

& affura tous les polies ; aisfi r s-'étant ren<strong>du</strong> maître<br />

<strong>du</strong> paffage f comme on vient de le dire , il aporta lui-»<br />

même la nouvelle de ce qu'il avoit fait.<br />

17. Le roi fit enfuite marcher fes* troupes vers Iffe f où<br />

ayant été mis. en délibération , fi l'on devoit paffer plus '<br />

loin , ou attendre en ce lieu les recrues que l'on favoit<br />

devoir bientôt arriver de Macédoine, Parménion fat


38 LIBER III. CAP. FIL<br />

iocum pmlio apthrem effe cenfebat: quîppe llltc<br />

utriufifue régis copias numéro futuras <strong>par</strong>es w.<br />

quum anguft'm multkudimm non tapèrent ; plankicm<br />

ipfis campofque effe vkandos , ubi circum*<br />

iri , tel ancipki acie opprimi poffent ; timere<br />

ne , non virtute hoftium r fid lajfkudine fuâ vinterentur<br />

y perfas récentes fié'mdt fucceffuros , fi<br />

laxiàs ftare pomffent. Facile ratio tam falubris<br />

confin accepta eft z itaque mter anguftias faltûs*<br />

hoftem opperiri JiatuiL Erat in exercitu régis Sifi*<br />

nés perfes ,. quondam à pramre Mgflpu mijfus<br />

ad fhilippum ; donifque 6» • omni honore cultus y<br />

exilium patruL fide mutaveraî ; fecutus deinde in<br />

Afiam Akxandrum y mter fideks focios âabebatun-<br />

Huitepiftolam cretenfis miles, obfignatam<br />

snnuio cujus fignum haud fané notum erat , iradidk:<br />

Narba^mes s prator Darii9. mi ferai eam ;.<br />

kortabaturque Sifinem ut dignum diquid nabi*<br />

litate ac moribus fuis ederet, magno id ei apud<br />

regem fmmri fore. Mas literas Sifints , utpote<br />

innoxius, ad Alexandrum fape déferre- tentavit ,.<br />

fid quum tôt curis ap<strong>par</strong>atuque belli regem videret<br />

urgeri * aptius fub'mde tempus exfpeBans, fufpic'wnem<br />

initi fcelefti confilii prabuit : namque,<br />

epiftola y prias quant ei redderetur r in manus<br />

AÎexandri pervemrat y leBamque eam , ignoti<br />

ammdi figiuo impreffo y Sifini dan juffemt y ad<br />

mftimandam fidem barbari ; qui 9 quia per cornphres<br />

<strong>du</strong>s non adierat regem ,. fcekfto conftlio<br />

eam vifus eft fuppreffffe , & in agmine- à creten- •<br />

fibus * haud <strong>du</strong>biè juffu régis % ocdfus eft.


LIVRE 111. CMJP. FIL j£.<br />

Anrîs qu'on- ne- poinroît trouver un champ dé bataille<br />

plus avantageux : fes raifoss étoient, que les forces<br />

des deux rois, y feroicnt égales f. fefpace étant trop<br />

étroit pour contenir une fi- grande multitude ; que les<br />

macédoniens dévoient éviter la plaine & les campagnesouvertes<br />

r ou ils pouvoient être envefopés & accablés<br />

<strong>par</strong> des attaques de toutes <strong>par</strong>ts ; qu'ils avoient à<br />

craindre d'être vaincus , non <strong>par</strong> îa valeur des ennemis,<br />

insûs <strong>par</strong> leur propre laflttude ; & que les perfes Ce<br />

renouvelleraient promptement, s'ils avoient la facilité<br />

de s'étendre. On goûta aifément la raifon d'un avis fi<br />

lalotaire : ainfi, on réfolut d'attendre l'ennemi dans<br />

les gorges <strong>du</strong> défilé. U y avoit dans l'armée macédo-<br />

* nienne un perfe nommé Sifines f que le gouverneur<br />

d'Egypte avoit autrefois envoyé à Philippe; comblé<br />

de biens & d'honneurs <strong>par</strong> ce prince , il avoit renoncé<br />

à fa patrie ; & ayant fuivi Alexandre en Afie t il étoif<br />

do nombre de fes plus intimes confidents. Un foldat<br />

de Crète lui remit une lettre fcellée d'un cachet qu'il<br />

ne conaoiffoit aucunement : elle venoit de Nabarzanes r<br />

- lieutenant de Darius 'r & il exhortoit Sifines à entreprendre<br />

quelque chofe qui fût digne de fa naiffance &<br />

de fon caractère , ce qui lui feroit auprès <strong>du</strong> roi ui*<br />

hoeneur infini* Sifines f dans la Sécurité de l'innocence p.<br />

fe mit plufieurs fois en devoir de porter cette lettre à<br />

Alexandre ; mais comme il le voyoit accablé de tant<br />

de foins & occupé des affaires de îa guerre y à force<br />

d'attendre d'un moment à l'autre quelque oçcafion plus<br />

favorable, il fit naître le foupcon qu'il avoit quelqueprojet<br />

criminel : car avant que la lettre lui fût remife ».<br />

elle étoit <strong>par</strong>venue entre les mains d'Alexandre , qui f "<br />

après l'avoir lue & y avoir appofé un cachet inconnu 9<br />

l'avoit fait paffer à Sifines, pour éprouver Ja fidélité de.<br />

cet étranger; mais celui-ci, ayant été plufieurs jours,<br />

fans voir le roi, <strong>par</strong>ut avoir gardé le filence à mauvaife<br />

intention , &, <strong>par</strong> ordre fans doute <strong>du</strong>. roi, lesr<br />

fyîims de Crète lt tuèrent au milieu tes troupes^


40 LIBER 111. CJP. FUI. •<br />

VIII. Jam graci miRtcs quos Thymodes iPhar^<br />

naba^o acceperat » pradpua Jpes & propemo<strong>du</strong>m<br />

mnica, ad Dar'mm pervenerant* Hi magnopere fuar-<br />

;debant , ut rétro abket fpatiofofque Mefop&tamm<br />

campos • répètent ; fi id confilmm damnant, at<br />

iUe divideret Jaltem copias mmmtrabiles » mu fié.<br />

umm fortuna iêum totas vires repu cadere paterentr.<br />

Mines hoc confilmm régi quam purpuratis ejm<br />

difplicebat : ancipitem fidem , & mereede vtnakm '<br />

proditionem imminere ; & dividi non ob aiiud copias<br />

veUe, quam ut ipfi im diverfa digreff , fi<br />

quid commiffum effet $ traderent Akxanêro : mhii<br />

tutius effe > quam • circumdatos eos exercitu toto<br />

obrui teUs , documentum rmnimdm perfidie, futures*<br />

At Darius 9 m erat fanÛus & mkis , fi<br />

ver© tanmm facinus negat effe faêurum , utjuam<br />

fecuîos fidem, fuos milites, jubeat trucidari : quem<br />

demde ampliès natiomtm exteramm faluum fimm<br />

credimmm fibi, fi tôt miUtum fangulne îmbuiffet<br />

marms ? neminem ftoli<strong>du</strong>m confilmm capite hert<br />

debere ; defkturos enim qui fuaderent, fi fuafiffe<br />

pericubtm effet : demique ipfos quotidie ad fi v


LIVRE 11L CMAP. V11I. 41<br />

V1IK Alors les foldats grecs dont Thymodes avoir<br />

reçu fe commandement des mains de Pharnabaze %<br />

aroient Joint Darius, dont ils étoient la principale &<br />

prefque l'unique efpérance. lis lui confeitloîent fortement<br />

de retourner fur fes pas f & de regagner les vaftescampagnes<br />

de la Méfopotamie ; & , s'il défaprouvoit<br />

. ce <strong>par</strong>ti 9. de <strong>par</strong>tager au moins fes troupes- innombrahits-,<br />

& de ne pas.expofer toutet les force» de fon<br />

royaume à être abatues <strong>par</strong> un feu! revers de fortune*<br />

Ce confeil déplaifok moins au roi qu'à fes court!* -<br />

fans : c'étoit t félon - eux, la preuve d'une fidélité équivoque<br />

& mercenaire , peu éloignée de, la trahifon ; &<br />

les grecs.ne vouloient qu'il divifat fes troupes, qu'afinde<br />

pouvoir , quand ils feraient écartés , livret à Alexan-dre<br />

et qui auroit été confié à leur garde : ils concluoient<br />

que le plus fur étoit de les inveftir avec toute l'armée<br />

ic de les accabler de traits , pour <strong>mont</strong>rer à ' la postérité<br />

que*Fa-perfidie ne demeure point fans, vengeance»<br />

Mais Darius , félon fon caractère de probité & de<br />

douceur , protefte qu'il ne fe chargera jamais <strong>du</strong> crime<br />

horrible, de faire maflacrer des hommes qui l'ont fuivr<br />

fur fa <strong>par</strong>ole & qui font à fon fervice : qui feroient<br />

déformais les étrangers qui prendraient confiance en<br />

lui % s'il trempoit fes mains dans- le fasg de tant de foldats<br />

h que perfonne ne doit payer de fa tète un-confeti<br />

peu fage; <strong>par</strong>ce qu'on ne trouveroit plus qui confulter,.<br />

îi l'on éîoit en péril pour avoir dit fon avis : qu'enfin<br />

fes courtifans. eux-mêmes font tous les jours apelés au<br />

Confeil, qu'ils- y opinent différemment, & que cependant<br />

on ne s'avife pas de regarder comme les plus fidèles<br />

ceux qui ont ouvert les avis- les plus, fenfés. Il fait<br />

donc dire aux grecs s qu'il les- remercié de leur affection<br />

; qu'au refte s s'il reîoumoit fur fes pas f ce ferait<br />

fans contredit livrer fon royaume aux ennemis ; que<br />

la réputation hit tout i la guerre t & que celui qui<br />

recule eft.cenfé fuir : que d'autre <strong>par</strong>t il n'y i guères<br />

moyen de tirer la guerre en longueur i <strong>par</strong>ce qu'une I»<br />

grande armée, aux «proches de l'hiver 9 ne trouve*


4i LIBER 111. CAP. Flllr<br />

uliam effi rathnem ; tant® enim multitudml ^<br />

uûque quum jam hiems inftaret % m réglons vafla-<br />

& invkem à fuis- atque kofte vcxatd, non fuffeBura<br />

alimenta : ne Mvi£i quidem copias pojjc<br />

fervato more majorum-s. qui juùvtrfas vires femper<br />

Sferimmi beliorum obtulerint : & Hercule ,<br />

terribilem antea regem & abfentiâ fuâ ad vanam<br />

fi<strong>du</strong>ciam elatum , pojkaquam adventare fe fenferit<br />

cautum pro îemtrarh fa&um, deBtusjfe inter<br />

anguftias fakûs rim îgmbîimm feramm r qum ,.<br />

flrepitu pmtereuntium audito , filvarum iatehris<br />

fe occuluerunt : jam edam valètudinu fimulationefruftrari<br />

fuos milites ; fed non ampliiis ipfum efft<br />

paffurum detreBare certamen ; in Slo fpecu , in;<br />

quempavidi rectffiffent, opprejfurum effe cunéanas*<br />

Mac magntficemiùs jakata quam vtriùs*.<br />

19. Catemm, pecuniâ' omnî rebufque preùofif»fimls<br />

Dama faim Syrm'cum modico prajtdio milltum<br />

miffis,. reliquas copias m Ciliciam <strong>du</strong>xit r<br />

infeqmntibus more patrio agmtn conjuge & matre ;<br />

virgines quoque cum <strong>par</strong>vo fillo comhabanêur pa~<br />

mm*. Forte eâdem noBe & Alexandtr * ad fautes<br />

quibm Syria adi'tur , & Darius , ad eum lo~<br />

cum. quem amanicas Pylas vocant... pervenit, Nec<br />

<strong>du</strong>bitauerc perfis- qu'm ,. Iffo reliÊd quam cèpetant,<br />

macedones jugèrent ; nom etlam faucii quidam.<br />

& invalldi, qui agmem non poterant perfequi<br />

*. excepti iront. Quos omnes, inflinBu purpuratomm><br />

barbard féritatt fmvienûum , pracifs<br />

a<strong>du</strong>ftifqm- manibus circum<strong>du</strong>ci „ ut copias fuos


LIVRE 111. CHAP. KHI. 4J-<br />

«oit pas- à fubfift'er dans un pays immenfe, ravagé tourà<br />

tour <strong>par</strong> ks fiens & <strong>par</strong> l'ennemi : qu'il n'eft pas<br />

plus poflible de divifer fes troupes , fans déroger à la<br />

coiîtuiï&e de fes ancêtres t qui ont toujours expofé<br />

toutes leurs forces enfembîe au hafard des guerres r<br />

qu'en effet ce roi de Macédoine, fi terrible d'abord<br />

êc que -l'éloignement de l'ennemi avoit rempli d'unefaine<br />

ê€ ©rgueilleufe confiance, fubftituant dès les pre~<br />

miers bruits de fon arriTé'e- la prudence à la témérité r<br />

s'eft r-enfermé dans les gorges dés <strong>mont</strong>agnes à ta<br />

manière ée$ vils animaux, qui ». au moindre bruit despaffants<br />

, fe précipitent dans le plus épais des bois<br />

cour s'y cacher : qu'actuellement même fous prétexte<br />

de maladie il trompe l'attente de fes foldats ; mais<br />

qu'il ne loi permettra plus de refuferle combat ; & qu'il'<br />

ira , matgré leurs efforts pour l'éluder f écrafer les macédoniens<br />

jufques dans le repaire où la frayeur les a ces*<br />

<strong>du</strong>its. Ces propos avoient plus- de magnificence que de<br />

fblidiîé.<br />

19. Au telle, ayant envoyé à Damas ,-Yiîle de Syrie,.<br />

fous une légère efeorte, tout fon tréfor & fes effetsles<br />

plus- précieux, il eon<strong>du</strong>ifit le relie de fes troupesen<br />

Cilicïe , fon époufe & fa mère , félon la coutume<br />

des perfés 9 étant à la fuite de l'armée ; les filles,<br />

mêmes <strong>du</strong> roi & le petit prince fon fils accompli<br />

gnoient leur père. Il fe rencontra <strong>par</strong> hafard qu'en une<br />

même nuk Alexandre , de fon côté , arriva aux gorges<strong>par</strong><br />

où l'on estre en Syrie s & Darius f <strong>du</strong> lien, à cet en»<br />

4roit qu'on apelle lesPyks ( ou Portes ) amamqms. Les<br />

perfes t voyant que les macédoniens avoient abandonné<br />

îa ville d'Ifle dont ils s'étoient em<strong>par</strong>és , ne doutèrent<br />

point qu'ils n'euflent pris îa fuite ; d'autant qu'ils<br />

avoient atteint quelques foldats bleffés ou malades f<br />

qui n'étoient pas en état de fuivre de près le gros de<br />

l'armée, Darius s à l'iaftigatioa de fes courtifans , dont<br />

la rigueur alloit jufqu'à la férocité là plus, barbare f,<br />

après avoir fait, couper & brûler les mains à tous ces.<br />

malheureux, commanda qu'on les promenât <strong>par</strong>tout


44 LIBER III. dp. FUI<br />

mofctrtnt , faûfque omnibus fpiBaûs , mmcîart<br />

qum vidifferit régi fuo juffît. Maàs ergp cafiris r<br />

fuptrat P'marum ammm » m tergis , m credè~<br />

bai, fugïentium hafurus. At Mi quorum amputaverat<br />

manus ad caftra macedonum ptmtrant »<br />

Darium quam maximo curfu poffet jequi nunciames.<br />

Fhc fides habebatur : itaqut fpeculatorts<br />

in maritimas regiones pmmiffos exploran jubet r<br />

ipftnt adeffeî, an pmfeêorum naquis fpeckm<br />

pmbuiffes umvtrfi vmknâs exerdtâs. Std quum<br />

fpuulotores reverterentur, procul ingens mdûtudo<br />

confptëa efi, ignés deinde tous campis collucere<br />

cœperunt ; omnmque velut continenti ïnctndlo ardere<br />

vifa, quum incondita muhhudo , maximl<br />

propter jumentà, laxîùs tendent. Itaque eo ipfa<br />

loco • metari fuos caflra jufferat, lattis, quod omni><br />

expeûverat voto * in Mis potijjimum angufiiis de*<br />

çerntn<strong>du</strong>m ejft*<br />

10. Ceterum,- ut foltt fierï quum ultimi £fcrl~<br />

mims tempus adventat , in folkitudinem verf*<br />

fi<strong>du</strong>cia efi. Illam ipfam fortunam, qua afpimnte<br />

res tam profperè gefferat , verebatur , nec injuria<br />

; ex his qum mbuiffetfibi, quam mutabiiis effet<br />

reputabat : unam fupereffe no&em qum tond d'ifcriminis<br />

moraretur eventum : rurfus occurrebat »<br />

majora perkuiis pramia ; & ficut <strong>du</strong>bium effet<br />

an vinceret, ita Mud utique certum effe x honefil<br />

- & cum magna laude moriturum. Itaque corpora.<br />

milites curare juffn» ac deindc tertia vigilid inftruëos<br />

& armatos effe; ipfe m jugum ediû monûs<br />

afcendit, multifque colluanubus facibus , faim<br />

mon, famficium <strong>du</strong>s pmjïdibus hci fiât»-


LIVRE 111. CMJP. Vlll 45<br />

mfin de leur faire connaître fes forces f &, quand ils<br />

auraient tout examiné à loilir , qu'ils aiiaffent rendre<br />

compte à leur roi de ce qu'ils auraient vu. II décampe v<br />

en confëquence de fon opinion, pafle îa rivière de<br />

Pinare , & croit n'avoir plus qu'à fuivre fes fuyards<br />

en queue. Cependant ceux â qui il avoit fait couper<br />

les mains arrivent an -camp îles macédoniens f & annoncent<br />

que Darius les fwt le plus promptement qu'il<br />

peut. On avoit peine à les croire : de forte qu'Alexan-<br />


46 LIBER 111 CAP. FI1L<br />

Jamque ter<strong>du</strong>m , ficut praceptum erdt -, fignum<br />

tuba miles acceptrat, itineri fimul <strong>par</strong>atus & prœlio<br />

: ftrenuèque jujfi procédera , oriente luce per-<br />

-vemunt ad anguftias quas occu<strong>par</strong>e decreverant<br />

Darmm trigmta inde ftadia abeffe pramiffi indicabant<br />

; tune confiflere agmen jubtt .9 armifque<br />

ipfe fumftis* acitm ordinal.<br />

ai. Darîo advtritum 'hoJRum pavîdi agrefles<br />

munciaverunt, vix credenti occurrere etîam , quos<br />

ut fiigientcs fequebatur. Ergo non mediociu om*<br />

-n'mm animas formido incejferat , qulppe itineri<br />

quam pmlio aptwres erant : raptimque arma car<br />

piebam; fid ipfa feflmatio difeurrentmm fmofque<br />

*ad arms^ vocamtium majûrem metum mcujfit :<br />

>4<strong>du</strong> in jugum <strong>mont</strong>is evaferant , ut hofhium,<br />

agmen mde profpicerem ; equos plerique fmnar<br />

bant ; difeors exercitus nec ad unum intentus im«<br />

'fermai varia tumulm cunHa-turbaverat. Darius,<br />

'initia, <strong>mont</strong>is jugum cum <strong>par</strong>te copiarum occu<strong>par</strong>e<br />

ftatuit 9 '& a fronte & a tergo circum*<br />

ïturus hoflem ; à mari, quoque , quo dextrum<br />

ejus cornu tegebatur , aUas objeàurus, ut undi~<br />

que urgeret. Pmter hmç , viginti millia pramijfa<br />

€um Jagittariorum manu , Pinarum amnem, ma<br />

*<strong>du</strong>o agmina mterfluebat, tranfire & objkere fefe<br />

macedonum copiis jufferat-; fi M pmflare nom<br />

pqffent, retrocedere in <strong>mont</strong>es & occulté circumire<br />

midmos hoftium* Ceterum , deftinata falubriter,<br />


LIVRE HT. CHAP. VIII. 47<br />

tmtés prote&rices <strong>du</strong> lieu. T2éja 'le foldaî , «également<br />

•prêt à marcher & à combattre , avoit enten<strong>du</strong> pour îa<br />

trolfîème fols 9 félon. l'ordre donné, le figaa'l de îa<br />

trompette : on commande aux troupes de doubler le<br />

pas, & à la pointe <strong>du</strong> jour elles arrivent aux gorges<br />

•dont elles avoïent projeté de fe faîfiv. Xes coureurs<br />

f aportoient que Darius -n'étoit plus éloigné que de<br />

trente ftades ; fur cela , le roi fait faire halte , &<br />

prenant lui-même f es -armes y il range fou armée en<br />

'bataille.<br />

21. Des payfans effrayés aanoncèreat Taravc'e des<br />

ennemis à Darius., qui avoit peine à croire que des<br />

gens qu'il pourfuivoit comme fuyards , portaient la<br />

•hardiefle jufqù'à -venir à fa rencontre* Cette nouvelle<br />

jeta une grande épouvante -dans tous les 'cœurs ; car<br />

tous ces hommes étoient plus propres à marcher qu'à<br />

combattre : ils s'armoient avec précipitation ; -mais leur<br />

cmpreflement même à courir de tous côtés & à crier<br />

aux armes augmentoit encore la frayeur : les uns<br />

avoïent gagné le haut de k <strong>mont</strong>agne f peur confidérer<br />

de là les troupes ennemies ; la plu<strong>par</strong>t bricbienî<br />

leurs chevaux; le défaut de concorde & d'unité dans<br />

le commandement rempliffoit l'armée de trouble & de<br />

confufion. Darius., au commencement., réfoîut d'occuper<br />

la croupe de la <strong>mont</strong>agne a^rec une <strong>par</strong>tie de fes<br />

troupes, pour enveloper l'ennemi <strong>par</strong> devant & <strong>par</strong><br />

derrière ; & de lui en oppofer d'autres <strong>du</strong> -côté de la<br />

mer, qui couvroit fon aile droite, pour le harceler<br />

4e toutes <strong>par</strong>ts. En -outre , il avoit envoyé es avant<br />

vingt-mille'hommes & une troupe d'archers, avec ordre<br />

4e paffer la rivière de Pinare f .qui fé<strong>par</strong>oit les deux<br />

armées , & 4e s*oppofer aux troupes macédoniennes ;<br />

ou, s'ils se pouvotent l'exécuter, de Ce retirer fur les<br />

<strong>mont</strong>agnes , & de fe mettre fecrètemest en état d'enveloper<br />

l'arriere-garde des ennemis. Au relie f ces projets<br />

falutaires furent renverfés <strong>par</strong> la fortune , dont la<br />

puiffance remporte fur toute la fageffe humaine : car<br />

la crainte empêche-k les uns d'exécuter ce qu'on leur


4S LIBER III CAP. IX.<br />

fruflra exfequebantur'; qum $ ubi <strong>par</strong>tes tahaMi<br />

fumma turbatun<br />

IX. Acks autem Me modo ftetit. Nabarianes<br />

equitatu dexirum cornu tuebatur, addiiis fundiïomm<br />

faghtariorumque viginti firè miUibus : in t§~<br />

dem Tàymodes irai gmeis peditibus mweede con<strong>du</strong>âis<br />

triginta m'dlibus pmpofttus ; hoc erat kaud<br />

éub'mm robur exercitûs, <strong>par</strong> macédonien phahmgi<br />

actes. In lavo cornu Arifiomedes, thtffalus, vig'mti<br />

millia barbarorum pediium habebat ; m fié-<br />

Jîdiis pugnacif/imas iocaverat gentes : ipfum regem,<br />

In eoâem cornu Hmicaturum, tria mÛlia dekBorum<br />

eqûkum » affueta corporis euftodia, & pedeftris<br />

actes quadragmta milita fequebantur ; kïrtant<br />

demie medique équités ; his proximi ceteramm<br />

gentmm , dextra lavâque difpofiti. Hoc<br />

agmen , ficut diëum efl inftruBum, [ex millia jaadatorum<br />

fimditorumque antecedebant. Qmdqmd<br />

in iliis anguftiis adtri poterat impliveram copia ;<br />

tornuaque hinc âjugo, Mine à mari ftabant; nxorem<br />

matremque régis, & atium femimrum gregem,<br />

m médium agmen acceperant*<br />

2y. Atexander pkalangëm 3 quâ nihil apud ma"<br />

cedonas validius erat # in fronte conftituït. ~3e%«<br />

irum cornu Nicanor , Parmenioms ftlius , tuebatur<br />

4 kuic ffoximi ftabant Csmos, & Perdkcas,,<br />

• €» Meleager, & Ptolemmus , 6* Amyntas , fui<br />

quifque agamis <strong>du</strong>ces. In lavo , quod ad mare<br />

pertinebat, Craterus & Parmenio erant-, fed-Craïerus<br />

Parmenioni <strong>par</strong>ère jujfits. Equités ab utro~<br />

^que cornu locati : dextrum -macedones , theffalis<br />

adjunifts,9 tmvum peioponnenfes tuebantur. Ame<br />

'hanc aciem pqfutrat Junditorum mamm? fagittazus<br />

.admixtis-; ihraces auoque & cretenfts mm<br />

commandoit,


LIVRE I1L CMAP. IX. 49<br />

C^ramândoït , 6c les autres l'exécutoient en vain ; <strong>par</strong>ce<br />

que , quand les <strong>par</strong>tiel vacillent, Je tout eft en défordreP<br />

IJC. Or voici la difpofition de l'armée. Nabarzane»<br />

commandoit l'aile droite avec fa cavalerie & quelque<br />

vingt-mille frondeurs ou archers : <strong>du</strong> même côté était<br />

Thymodes à là tête d'un corps Coudoyé d'infanterie grèque<br />

, au nombre de trente-mille ;' c'étoit véritablement<br />

la force de l'armée, & un corps com<strong>par</strong>able a la phalange<br />

macédonienne. A faile gaucàê ït thefîaliea<br />

Ariitomède* avoit un corps d'infanterie de vingt-mille<br />

barbares ; & il avoit mis en réferve, pour les fouîenir t<br />

les'nations les plus belliqueufes : le roi , qui-devoit<br />

combattre en perfonne à la même aile, "étoit à k<br />

tête de -trois-mille cavaliers «d'élite f fes gardes <strong>du</strong> corps<br />

ordinaires $ & de quarante-mille hommes de pied ; ils<br />

avoient derrière eux la cavalerie des hircaniçns & des<br />

mèdes ; & tout de fuite celle des autres peuples f rangée<br />

à droite & à gauche. A la tête de cette armée 9 difpofée<br />

comme on vient de dire, marchoient ûx-mille<br />

hommes , gens de trait & frondeurs. Tout ce qui étoit<br />

abordable dans ces gorges avoit été rempli de troupes ;<br />

& les deux ailes s'étendoient , l'une jufqu'au haut de<br />

la <strong>mont</strong>agne, l'autre jufqu'à la mer: on.avoit placé au<br />

milieu de l'armée l'épeufe'ôc la mère <strong>du</strong> roi , 'avec le<br />

réfte-des femmes* } i •<br />

13. Alexandre mit au front de la bataille fa phâlange<br />

, qui étoit commandée <strong>par</strong> Niçanorv filtre'Pa*-<br />

•ménlen j & il avoit près de lui Cénus.» Perdkcas, Mél^agre,<br />

Ptolémée, & Amyntas, chacun à la t§t* â f m<br />

corps <strong>par</strong>ticulier. A l'aile gauche , qui s'étendoit ^ers ^1<br />

mer 0 étoient Cratère 6c Parménion , mais le premier<br />

fournis aux ordres <strong>du</strong> dernier. La cavalerie fut jetée<br />

fur les deux ailes : celle des macédoniens, avec les cheffaliens,<br />

couvroit l'aîle droite ; celle <strong>du</strong> Péîoponèfe, l'allé<br />

gauche. Il avoit mis au devant de l'armée un gros de<br />

Irondeurs , entremêlés d'archers ; les thraces & les<br />

Cretois , armés auil à la légère y étaient <strong>par</strong>eillement<br />

Tome L • • C • , >


50 LIBER 111. CAP. X<br />

ngmen ibani9 .& tpfi leviter armatl At ïïs% fui,<br />

pmmiffi à • Daria , • jugum monâs infederant 9<br />

*gfianas-'Oppofisfo i -ex Gracia nuper adveBos :<br />

Parmenwm"'autem pmceperat ut , quantum pof<br />

fet, agmm ad mare extenderet, quo longius ab-<br />

'effet <strong>mont</strong>ibus quos occupaverant barbari. At ilâ<br />

neque pbfiare venientibus , née circumire prœtergrejfos<br />

àufi $ funditorum maxime adfpe&u profit<br />

gérant terra} : ; caque res iumm Alexandro agmi-*<br />

nis lotus,. qmd m, fupernè incefferetur timuerat t<br />

•pmftitm .Triginta & <strong>du</strong>o armatorum or Unes<br />

ibant, neque enim hûks txtendi aciem patiebanmr<br />

anguflim : pauladm demie fe Iaxare finus<br />

<strong>mont</strong>mm & majus fpatium aperire cœperant, ita<br />

ut, non pedes folum pluribus ordinibus incedere,<br />

fed etïam à lateribus eîrcumfundi pojftt eqmtatus9<br />

X. Jam in tonJpeSu i fed extra tell jaËum }<br />

utraque acies erat, quum prions perfa mçondi


LIVRE III CWAP. X y,'<br />

•tancés. Quant à ceux que Darius aroit envoyés es<br />

avant, & qui s'étoieat poftés fur le haut de la mon-<br />

t a l n j * i V T °V°^ lêS ^ rlms » Gemment arrïvés<br />

de la Grèce : & il aroit enjoint à Parméoion, d'é-<br />

«end» foa aile yen le mer autant qu'il pourroit, afin de<br />

s éligner^de plus en plus des <strong>mont</strong>agnes dont s'étoient<br />

-fatfis les barbares. Mais ceux-ci n'ofèrent-ni s'oppofer<br />

aux approches de l'ennemi, .ni prendre en queue ceux<br />

JIM étaient paffés; épouvantés fpécialemem à la vue<br />

de *J TQn * mrs > «soient pris la fuite: ce qui tranqwlifa<br />

Alexandre pour îe flanc de fon armée , pour<br />

•lequel il aroit redouté une attaque d'en haut. On avan-<br />

Soit fur trente-deux hommes de front, les gorges ne<br />

permettant pas à l'année de fe dèyeloper diJLeles<br />

cavités entre les <strong>mont</strong>agnes venant enfuke à s'éteiw<br />

f? Pe S-ki PCU - & à P^ fent «-«n * f P^e plus grand, il<br />

fut^poffible , non feulement de faire marcher finfantene<br />

for un plus grand front, mais de jeter même de<br />

la cavalerie fur les côtés.<br />

X. Déjà les deux armée^itoient en préfence, maie<br />

non a la portée <strong>du</strong> trait, quand les perfes jetèrent les<br />

premiers un cri confus & affreux : auffitdt les macédoniens<br />

pouffèreat'un cri plus grand encore, non <strong>par</strong> l'égalé<br />

de leur armée , mais pas Pécho des <strong>mont</strong>agnes & des<br />

Taftes forêts qui les couwoient; car les bois & les ro~<br />

cjiers voifîss ne manquent jamais de multiplier ayee retenwement<br />

tout fon qui s'y -eft fait entendre. Alexandre<br />

mudioit devant la première ligne, Ment de' temps en<br />

temps figue de la main à fes foklats de modérer leurs<br />

pas , de peur que, fe mettant hors d'haleine <strong>par</strong> troa<br />

€e précipitation, ils nevnffent.à la charge arec moins<br />

d'aétiTité : & paffant à cheval le long des rangs, il adreffqit<br />

aux foldats différents difeoûrs., proportionnés.aux<br />

caraaères de chaque nation. 11 fefofe fouyenirde leur<br />

Acienne valeur les macédoniens, qui fortis vîâorieux<br />

«e tant de guerres- en Europe, 'éteient jiartis, autant<br />

<strong>par</strong> leur propre mouvement que <strong>par</strong> fon impuîfion f pour<br />

tubjuguer l'Aûe & les centrées les.plus reculées de<br />

• Cij


'ci 'IIBMR III CAP. X.<br />

ïpfiùs magis quam fuo <strong>du</strong>éh , profeBi, invité<br />

rata virtuth admonebantur* Bios terrarum orbis<br />

iiberatores* emenfofque ollm Hertulis & Libêri<br />

patris terminas, non perfis modo , fed etiam om°<br />

mibus gentibus impofituros jugum ; macedonum<br />

MaBra & indos fore ; nûnima effe qua nunc intuerentur<br />

* fed omnîa viBoriâ <strong>par</strong>mi : mon pm


LIVRE III. CHâP. X* 55<br />

rOrient. I! leur difoiî qu f iîs aîloient être les libéra-.leurs<br />

de l'univers , & , pouffant leurs conquêtes auflk<br />

loin qu'autrefois Hercule & Bacchus % donner la loi»<br />

non feulement aux perfes, mais encore à toutes les nations;<br />

que les ba&riens & les indiens aîloient fubir le<br />

joug de la Macédoine ; qu'ils ne voyoient actuellement<br />

que peu de chofef mais que la viôoire donnent<br />

droit à tout : que leurs travaux ne fe terarin-eroient pas<br />

fans fruit dans les rochers efearpés de l'Illyrie & dans<br />

les <strong>mont</strong>agnes de la Thrace ; que les dépouiîîes de<br />

tout l'Orient s'offroieat à eux : qu'à peine auroient-iîs<br />

befoin de l'épée ; & que le choc de leurs boucîiers fuffifoit<br />

pour châtier toute cette multitude * déjà chancelante<br />

<strong>par</strong> fa propre frayeur, Là-deflus il invoquoïi Philippe<br />

fon père , vainqueur des athéniens ; & rappeloit<br />

dans les efprits l'image de la Béocie récemment domptée<br />

, & de la plus ffariflante de fes villes détruite jusqu'aux<br />

fondements : il leur remettait devant les ieux,<br />

tantôt la journée <strong>du</strong> &aiiique, tantôt «ne infinité de<br />

villes prifes ou <strong>par</strong> force ou <strong>par</strong> compofition , & tout<br />

ce qui était derrière eux , abattu. & fournis à leur<br />

obéitiance. Quant il venoît aux grecs , il leur représentait<br />

que ces peuples avoient porté la guerre - dans<br />

la Grèce ; une première fois fous la con<strong>du</strong>ite de Da»<br />

rîus s enfuïte fous les ordres de Xerxès, qui avoient<br />

ïnfolemment ofé leur demander l'eau & îa terre , com*<br />

me pour ne leur laitier la liberté, ni de boire les eaux<br />

de leurs propres fontaines, ni de tirer de leur fol les<br />

fubfiftances ordinaires : puis il leur remettait en mémoire<br />

les temples des dieux qu'ils avoient abattus ou<br />

ré<strong>du</strong>its en ^cendres ,. leurs villes qu'ils avoient forcées<br />

$ tous les droits divins & humains qu'ils avoient<br />

violés. Quant aux illyriens & aux thraces , peuples<br />

accoutumés à vivre de rapine , il leur fefoit confidérer<br />

l'armée des ennemis toute éclatante d'or & de pourpre<br />

, &. chargée de butin plutôt que d'armes : ils<br />

n'avoient , difoit - il f qu'à fe préfenter ; des hommes<br />

Courageux enieveroient aifément cet or à^ de fâches<br />

C iij


54 LIBER IIL CAP. XL<br />

viri eripcttnt; afpera <strong>mont</strong>îum fuorum juga , tm~<br />

dofque coUes & perpétua rlgemes geh > ditibus<br />

perfamm eamph agrîfque minorent»<br />

XL Jam ad teB jaËum. ptrvetwraM , qmtm pep*<br />

'forum équités firociter in lavum cornu kofiium m-»<br />

veËi funt ; quippe Darius equeftri pralio decer»<br />

mère optabat, phdangem macedonici exercitûs<br />

robur ejfe conjeëans : jamque etiam dextrum Ale~<br />

xandri cornu circumibatun Quod ubi macedo<br />

confpexit, <strong>du</strong>abus alis equitum ad jugum <strong>mont</strong>is<br />

jujfîs fubfiflere , ceteros in médium belli difcri~<br />

men ftrenuè transfert : Jub<strong>du</strong>Ms deinde ex acte<br />

thejfmis equitibus , pmft&um eorum occulté et"<br />

cumire tergum fuorum jubet , Parmtmomqm<br />

conjungi , & quod h imperaffet impigrè exfequL<br />

Jamque ipfi, in médium perfamm undique circumfiifi,<br />

egregiè fe tuebantur ; fed confêrti & quafi<br />

cohérentes , tela vibrare non poterant : fimul<br />

tram emijfa , in eofdem concurrentia implicabantur<br />

; levique & vano Uht pauca in kojiem, pkra<br />

in humum innoxia cadebant. Ergo cpminus pugnam<br />

coaéii conferere , gladws impigrè Jlringunt.<br />

Tumvero mulîum fongmnis fit/ion eft : <strong>du</strong>m quippe<br />

actes ita cohmrebant , ut amis arma pul/arent ><br />

mucroms in ora dirigèrent* Non timido , non<br />

ïgnavo ceffare mm Ikuit. CoUato pede quafi finguii<br />

Inter fe dimkarent , in eodem veftigio ftabant ,<br />

donec vincendo beum fibi facerent ; tum demum<br />

ergo promovebant gra<strong>du</strong>m\ quum hoftem proftroverant<br />

: at ïllos novus excipiebat adverjarmt<br />

fatigatos ; nec yuhurati, ut alias foknt , ack


LIVRE III. CMAP. XL 55<br />

efféminés ; & rien ne les empêcheroit d'échanger leurs<br />

rochers & leurs <strong>mont</strong>agnes arides & couvertes de glaces<br />

' éternelles, contre les plaises & les fiches campagnes<br />

des pertes.<br />

XL On étoit déjà à îa portée <strong>du</strong> trait, lorfqne la<br />

cavalerie perfe chargea avec fureur Taîle gauche des<br />

ennemis ; car c'étoît principalement avec la cavalerie<br />

que Darius défiroit d'agir y jugeant bien que la phalange<br />

étoit îa plus grande force de Farinée macédonienne :<br />

& l'on commençoit déjà à inveftir auffi l'aîle droite<br />

d'Alexandre. Mais ce prince, s'en étant apperçu, Iaiffé<br />

feulement deux efeadrons de cavalerie fur la <strong>mont</strong>agne f<br />

& fait promptement paffer le relie à l'endroit où l'action<br />

étolt la plus chaude : il détache enfuite <strong>du</strong> corps de<br />

l'armée îa cavalerie theflalienne, ordonne à ion Général<br />

de paffer fecrètement <strong>par</strong> derrière fes bataillons ,<br />

d'aller ainfi joindre Parménion , & d'exécuter ponctuellement<br />

fes ordres. Pendant ce temps les macédoniens<br />

, répan<strong>du</strong>s de tous côtés <strong>par</strong>mi les perfes qui<br />

les envelopoient, * fe défendoient merveilleufement ;<br />

mais ils étoient fi mêlés & fi ferrés, qu'ils ne pouvoient<br />

lancer leurs javelots : dés qu'ils étoient <strong>par</strong>tis,<br />

ifs s'embarraffoieat aTêc ceux qui étoient dirigés<br />

contre eux ; irès-peu atteignoient l'ennemi & ne l'atteignoïest<br />

que légèrement & à faux, la plu<strong>par</strong>t tom*<br />

boient à terre fans effet. Etant donc forcés de combattre<br />

de près t on fe hâta de mettre Fépée à la main.<br />

C'eft alors qu'il fut répan<strong>du</strong> beaucoup de fang : car les<br />

deux armées étoient fi ferrées , quelles armes fe tou-<br />

« choient, & qu'on pointoit les vifages. Il n'y eut alors<br />

homme fi timide ni fi lâche qui pût reculer. Combattant<br />

de main à main comme en un combat fingu'îier, ils<br />

tenoient ferme au même Heu, jufqu'à ce qu'ils fe fiflent<br />

place <strong>par</strong> la victoire; ce n'étott donc qu'après avoir ter*<br />

raffé un ennemi qu'ils avançoientun pas : mais déjà épuifés<br />

de fatigue , ils rencontroient un nouvel ennemi ; _&<br />

les bîeffés ne pouvoient fe tirer de îa mêlée , comme<br />

c'eft l'ordinaire en d'autres ©ccafions , <strong>par</strong>ce que i'enhe-<br />

C iv


56 LIBER 111. CAP. XL<br />

poteram ixcedere, quum hojtis mfiaret à fronm.<br />

& à tergo fia urgerenL<br />

, 26. Alexonder non <strong>du</strong>els; magls quam militis<br />

mumra exfequebatur, opimum decus cafo rege<br />

etpeiens ; qulppe Darius curru fubllmls eminebat<br />

, & fias ad fe tuen<strong>du</strong>m , & hoftlbus ad<br />

incejfen<strong>du</strong>m , ingens inckamentum. Èrgo frôler<br />

ejus Oxathres , quam Alexandrum inftare<br />

ei cerneret , émîtes qulbus praerat ante ipfum<br />

€urrum régis objeck : armls & robote corporis<br />

multum piper ceteros eminens , anima vero &<br />

pie tau in paucijjimis illo utique pratio clar.<br />

rus 9 allos improvidè infiantes profiravk 9 alios<br />

m fugam avertk. -At macedones , ut circa re»<br />

gem erant, mutuâ adhortatione firmati, eum<br />

ipfo in equimm agmen irrumpunt. Tum vero<br />

fimUis ruina firages erau Circa currum Dard<br />

jaeebant nobUlmmi <strong>du</strong>ces, ante ocubs régis egre~<br />

fia morte defan&i , omnes m ora proni ficut<br />

dimkantes procubuerant » adverfo corpore vulne~<br />

ribus acceptls : inter hos Atlçyes , & Màeomithres<br />

, 6» Sabaces prator JEgypti, magnorum<br />

€xercituum prmfeëi, nofckabanmr ; circa eos eumulata<br />

erat pedkum equitumque obfcurior turba.<br />

Macedonum quoque non quidem multi, fed promptijjimi<br />

tamen, cafi funt ; inter quos AUxandrî<br />

dextrum fémur levker mueront ptrfiriBum. efi.<br />

27. Jamque qui Darium vthehant equi , confoffi<br />

hafiis & doiore efferati , jugum quatere &<br />

regem curru excutere empirant ; quum iik, veritus<br />

ne vivus. venlret in hoftium potefiatem ,<br />

éefilh '& in equum , qui ad hoc fequebatur »<br />

imponitur ; infignibus qwque imperii, ne fugam


'LIVRE III. CMAF XL ^j<br />

m! les attaquoit <strong>par</strong> devant & que leurs camarades les<br />

preflbient <strong>par</strong> derrière.<br />

26. Alexandre remplifiblt également les fondions<br />

de Général & de foldat , afpirant fur-tout à l'avantage<br />

diftingué de tuer Darius de fa main j car ce roi, élevé<br />

fur un char, étoît ua fpeftacle bien propre pour encourager<br />

f & les fiens à le défendre , & fes ennemis à<br />

l'attaquer. Oxathrès f fon frère, le voyant donc preffé*<strong>par</strong><br />

Alexandre, -fe jeta devant le char même <strong>du</strong> rot<br />

ayec la cavalerie qu'il avoit à fes ordres : ce prince<br />

écoic remarquable entre tous les combattants <strong>par</strong> fes<br />

armes 8c <strong>par</strong> fa vigueur j mais,donnant, <strong>par</strong>ticulière»<br />

ment en cette occafion 9 des preuves rares, de courage<br />

& d'affeéBon, il renverfa ou mit en fuite ceux qui eurent<br />

l'imprudence de l'attaquer. De leur côté les macédoniens<br />

qui environnoient leur roi, après s'être encouragés<br />

<strong>par</strong> des exhortations mutuelles , fondent avec lui<br />

fur cet efcadron. En un moment le carnage devînt<br />

effroyable. Autour <strong>du</strong> char de Darius étoient renverfé's<br />

les chefs les plus diftingués , morts glorieufement fous<br />

les ieux de leur roi, tous la face contre terre comme<br />

ils étoient tombés en combattant, & n'ayant de blefçfores<br />

que <strong>par</strong> devant : on, recennoiffoit <strong>par</strong>mi eu*<br />

Atizyès , Rhéomithrès , Sabacès gouverneur d'Egypte s<br />

lefquels avoient tous commandé de grandes armées^<br />

autour d'eux étoient entaffés un grand nombre de gens<br />

de pied & de cheval moins confîdérables. Du côté' des<br />

macédoniens il y en eut auffi de tués , non pas à la<br />

vérité en grand nombre , mais, de ceux qui donnèrent<br />

tf abord avec le plus d'ardeur ; & <strong>par</strong>mi eux Alexandre<br />

fut bîeffé légèrement d'un coup d'épée à la cuifle droite.<br />

27. Cependant-les chevaux qui tramoient Darius,<br />

percés de coups & effarouchés <strong>par</strong> la douleur, co.ift»<br />

mençoient à fecouer le joug & allotenfe renverfer le.<br />

roi de deffus fon char ;• lorfque s craignant de tomber<br />

vif entre les mains de fes ennemis, il f« jette en bas &<br />

<strong>mont</strong>e un cheval qui le fuivoit pour cette fin ; il quitta<br />

«*aae.hQMeu£emenUçs-marques de-fa dignité, de-peur<br />

C y


5» LIBER 1IL CAP. XL<br />

proderent, indtcorè abjeOis. Tum vero ceteri dijjîpantur<br />

metu9 & qui culque patebat ad fugam<br />

via erumpunt 9 arma jacientes quœ patdo ante<br />

ad tutelam corporum fumpferant : adeè pavor<br />

iûam auxilia firmidabat ! Inflabat fugientibus<br />

eques a Pamenione mijfus, & fine m id cornu<br />

omnes fuga abftulerat. At in dextrô perfm theffalos<br />

équités vehementer urgebant > jamque una<br />

ala ipfo impetu procukata erat ; quum theffali 9<br />

firenuè circumoBis iquh dUapfi, rurfus m pmlium<br />

redeunt, f<strong>par</strong>jbfque & incompofitos viBorim fi<strong>du</strong>ciâ<br />

barbaros ingenti cœde profiernunt* Equi <strong>par</strong>ittr<br />

equkefque perfarum , ferk laminarum graves , ag-*<br />

men, quod cehrhate maxime confiât, mtrè moliebantur<br />

; qulppe in cîrcumagendis equis fuis theffali<br />

muitos occupaverant* Mac mm profptrâ pugnâ<br />

nunciatd , Alexander, non ante au/us perjeqm<br />

barbaros % utrinque jam vi&or, inftare fugientibus<br />

cœp'iL Haud ampliès regem quam mille- équités<br />

fequêbanmr, quum ingens multkudo hoflium code*<br />

ret : fed quïs, ami in viBoriâ aut in fugâ , JCOpias<br />

numerat? Agebantur ergo à tam pauc'u pecorum<br />

modo 3 & idem metm qui cogebat fugert<br />

fugientes morabatun<br />

2,8. At grmci qui 'm Dariï <strong>par</strong>tibus fleteranê •<br />

Amyntâ <strong>du</strong>ce , (pmtor hic Aie xandri fuit 3 rmnc<br />

transfuga ) abrupti à ccteris, haud faut fùgientibus<br />

finales evajerant, Barbari* longé diverfam fogam<br />

intenderunt ; alii quâ reélum iter in Perfidem<br />

<strong>du</strong>cêbat, quidam çirmmim rupes faltufqm mm*


LIVRE 111. CMAP. XL 59<br />

Qu'elles ne le trahîfient dans fa fuite. Ce fut alors que<br />

l'épouvante difperfa le relie, chacun s'échapanî comme<br />

il pouvoit & jetant les armes qu'un peu au<strong>par</strong>avant iîs<br />

avoient prifes pour leur défenfe : tant la frayeur leur<br />

fefoit redouter jufqu'aux chofes qui pouvoient leur<br />

donner <strong>du</strong> fecours ! Les fuyards étoient ferrés de près<br />

<strong>par</strong> la cavalerie que Parménion avoit détachée à leur<br />

pourfuite , & <strong>par</strong> h a fard la précipitation les avoit tous<br />

emportés vers cette allé. Mais à l'aile droite les perfes<br />

harceloient vivement la cavalerie theffalienne , dont uri %<br />

efcadron avoit été culbuté dès le premier choc ; lorfqw*<br />

les theflaliens, après s'être échapés en tournant prônîp^<br />

tement bride, reviennent à la charge f & trouvant les<br />

barbares é<strong>par</strong>s & en défordre dans la confiance de la.<br />

viftoire f ils en font un grand carnage. Les chevaux &<br />

les cavaliers perfes , furchargés de lames de métaux ,<br />

avoient peine à fe former en corps, ce qui demande<br />

fur-tout de la célérité ; & cela donna aux theflaliens<br />

la facilité de faire beaucoup de prifonniers en fefant<br />

caracoler leurs chevaux. Ayant appris l'heureux fuccès<br />

de ce combat, Alexandre , qui jufques là n'avoit ofé<br />

pourfuivre les barbares , fe voyant enfin vi&orieux des<br />

deux côtés , fe mit auflkôt à leurs trouffes.. 11 n'avoit<br />

pas plus de mille chevaux à fa fuite ; quoiqu'il taillât en<br />

pièces une' multitude prodigieufe d'ennemis : mais qui<br />

s'avife , ou dans la chaleur de la vicloire ou dans le<br />

défordre d'une fuite , de compter les hommes ? Ce<br />

petit nombre de foldats chaffoit donc les fuyards comme<br />

un ttoupeau • de bêtes , & la terreur qui les fefoit<br />

fuir retardoit leur fuite,<br />

28. Quant aux grecs qui avoiént fervî Darius fous<br />

la con<strong>du</strong>ite d'Amyntas, autrefois- lieutenant d'Alexandre<br />

& alors <strong>du</strong> <strong>par</strong>ti contraire , ils fe détachèrent des<br />

autres . & firent une retraite qui n'eut point Fair d'une<br />

fuite. Les barbares dirigèrent la leur <strong>par</strong> des routes<br />

bien différentes ; l'es uns fuiyirent le chemin qui mène<br />

droit ea Perfe , d'autres <strong>par</strong> des détours gagnèrent le<br />

creux des rççhers & les repaires cachés dans les b©is<br />

C vj


6o LIBER 11L CAP. XL<br />

iium occukos paivere 9 pauci caftra Darih Séd<br />

jam illa quoque hoftîs viBor intraverat 9 omm<br />

quidem opulenfm ditia. Ingens aurl argentique<br />

fon<strong>du</strong>s, non btllï fed luxurm ap<strong>par</strong>atum , diripueront<br />

milites : quumque plus râpèrent , paffimftrata<br />

erant itinera vUioribus farcinis , quas m<br />

com<strong>par</strong>atione meliorum avaritia contempferaL Jam."<br />

que ad fi minas perventum erat, quibus , quo car<br />

Tipra ornamtnta [uni , vwlentiks detrahebaniur ;<br />

m$c corporibus quidem vis., ac libido <strong>par</strong>cebat.<br />

Smnia planBu twmdtuqui , prout cuique fortuna<br />

erat ^ caftra repkverant ;• me ulh faciès mais<br />

deerot, quum per omnes -ordmes œtatefqut viBoris<br />

cmdelitas- ac licenûa vagaretun Tune vero<br />

ùnpottntis- fortuna- fpecies confpici potuit ; quum<br />

xi qui tum Darîo tabemaculum txomaverant ><br />

omni luxu & opulenûâ inftruBum , eadem illa<br />

Alexandro , quafi veteri domino 3 refirvabant :<br />

mamque id folum intaBum omiferant milites , ka<br />

îradiîo more , ut viBorem viBi régis tabernareuh<br />

exciperent:<br />

3.9. Sed omnium oculos ammofqm in fima<br />

converteram captivm mater. conjuxque Dard ?<br />

iMa , non majeftate folum 9 fed etiam atate vent" '<br />

rabUis ; hmc, forma pulcàritudine , nec illa quidem<br />

forte corruptâ* Acceperat in finum filium<br />

non<strong>du</strong>m fixtum math annum egrejfum 9 in fpem<br />

tanta- fortuna quantam pauh ante pater ejus<br />

amifirat genitum. Ai in gremio anus aviajacebam<br />

admta virgincs <strong>du</strong>s y non fuo tmtum fed-


'LIVRE 111. CHâP. XL Gt<br />

tfes <strong>mont</strong>agnes , fort peu retournèrent au camp de Dajïus.<br />

Mais Fennemî vainqueur y étoit déjà entré, &<br />

l'avoit trouvé rempli de toutes fortes- de.richefles.<br />

Une quantité énorme d'or & d'argent, deftinés f non<br />

aux befoifjs de la guerre , mais au fafte <strong>du</strong> luxe , avoit<br />

été la proie des foîdats : & comme ils fe furchargeoient f<br />

les chemins étoient couverts de paquets moins précieux,<br />

que leur avidité avoit dédaignés peur d'autres-<br />

«ju'Ils avoient jugés meilleurs. On étoit déjà arrivé<br />

au quarfiei des femmes $ à qui on atrachoit leursbijoux<br />

avec d'autant plus d'emportement qu'elles y font<br />

plus attachées ; leurs perfonnes mêmes ne furent refpeélées<br />

ni <strong>par</strong> la force ni <strong>par</strong> la paifion. Le ca«p retenîîfloit<br />

<strong>par</strong>tout de gémiffements & d'agitations tiimultEeufes<br />

? félon la différence des fituatlons ou chacun<br />

fe îrouvoit $ 8c il n'y manqua aucune forte d'horreui,<br />

toutes les conditions & tous les âges ayant été en proie<br />

à la cruauté & à la licence <strong>du</strong> vainqueur. Mais ce<br />

qui fut alors une preuve frapante de la barbarie de la<br />

fortune r c'eft que les mêmes- officiers qui venoient de<br />

pré<strong>par</strong>er pour' Darius la tente la plus magnifique & la.<br />

plus riche , gardoient dans ce moment toutes ces chofes<br />

pour Alexandre s comme s'il en eût été' l'ancien<br />

maître r car c'étoit la feule chofe à quoi les foldàts<br />

n'euffent point touché , <strong>par</strong>ce qu'il étoit d'un ufâge<br />

ancien de recevoir le vainqueur dans-, la tente <strong>du</strong> roi<br />

vaincu»<br />

29. Mais tous les ieux & tous tes coeurs fe tout*<br />

noient vers la mère & l'époufe de Darius , qui étoient<br />

prifonnières : l'une vénérable , non feulement <strong>par</strong> la<br />

snajefté de fa perfonne, mais encore <strong>par</strong> fonâge ^ l'autre<br />

, <strong>par</strong> fa beauté , qui,. au comble même <strong>du</strong> malheur t •<br />

confervoit encore tout fon éclat. Elle tenoft entre fes<br />

bras fon fils , qui'n'avoir, pas eocore fix ans , & à qui<br />

fa naiffance avoit donné l'efpoir de pofféder un jour<br />

cette grande fortune que fon père venoit de perdre.<br />

Sur le fein de la vieille reine étoient penchées deux<br />

Jeunes princefles en âge d'être mariées, accablées- éi\


'€1 LIBER III CAP. XII<br />

ttiam illlus mœrare confeËa. Ingens circa eam<br />

nobilium feminarum turba confliterat , laceraùs<br />

crinibus , abfcijfdque vcjle, pnflini decoris immemores,<br />

Reginas Dominasgut , veris quondam ,<br />

tune alunis nominibus , invocantes. Illœ, fkm<br />

cahmitatis oblita , utro cornu Darius ftetiffet ,<br />

qum fortuna difcnmmis fiâjfet, requirebant ; megabant<br />

fe captas, fi viveret rex. Sed illmm equos<br />

fubinde mutantem longius fuga abflukrat* In acte<br />

autem œfa funt perforum peditum centum milita,<br />

decem vero mUlia interfeSa equitum : at ex <strong>par</strong>te<br />

Alexandri quatuor & qumgenti faucii fuêre, triginta<br />

omnino & dm ex peditibus defiderati funt,<br />

equitum centum quinquaginta interje&i-i tantula<br />

impendio ingens viêoria ftetit !<br />

XII. Rex 9 diu Darîutn perfequendo fatigatus ~,<br />

pofleaquam & nox appetebat & eum ajfequendi<br />

fpes non eraty in caftra paulo ante à fuis capta<br />

pervenit. Invitari deinde amîces quibus maxime<br />

affueverat jujpt, quippe fumma <strong>du</strong>mtaxat cutis in *<br />

femorc perftriëa non prohïbebat interejfe convhvio ;<br />

quum repente è proximo tabemaculo lugubris clamor<br />

, barbaro uluiaiu phmËuque permiftus , epulantes<br />

conterruh. Cohors quoque qust excubabat ad<br />

iabemaculum régis, verita ne majoris motus principium<br />

effet, armare fe cœperat. Caufa pavoris<br />

fubiti fuit, quod mater uxorque Darii cum captivis<br />

mulieribus nobilibus » regem, quem interfeËum<br />

ejfe credebant , ingenti gemitu ejmatuque deftebanL<br />

Unus namque è capûv'u fpadonibus , qui fine<br />

ante ipfarum tabernaculum fteterat, amiculum 9<br />

fuod Darius , ficut paulo ante diBum efi , ne.


LIVRE III. CMAP. XII. 6j<br />

poids &' de leur douleur & de celle de leur aïeule. Elle<br />

étoit environnée d'un grand nombre de femmes de qualité<br />

, qui s'étoient arraché tes cheveux, qui avoient<br />

déchiré leurs vêtements , fans aucun égard pour leur<br />

ancienne dignité , & qui donnoient à ces princeffes les<br />

noms de Reines & de MaUreffes, qui au<strong>par</strong>avant leur<br />

convenoient à jufte titre, mais qui ne leur a<strong>par</strong>tenoienf •<br />

plus. Oubliant leur propre malheur , elles demandoient<br />

de quel côté avoit combattu Darius , quelle avoit été<br />

riflue <strong>du</strong> combat ; elles ne fe regardoient point comme<br />

captives , fi le roi vivoit» Mais ce prince, changeant<br />

fréquemment de. chevaux f avoit déjà fui bien<br />

loin. Au refte il périt dans cette bataille , <strong>du</strong> côté des<br />

perfes , cent-mille hommes de pied


«4 LIBER 111. CAP. XII.<br />

cuitu proderetur abjecerat, m manibus ejus qn<br />

repertum ferebat, agnovit; ratufque interfc&o detraëum<br />

effe , faïfum mmcium mortis ejus attur<br />

leraL Hoc mulïerum errorê eomperta , Atexander<br />

fortuna Darii & pietati earum ÏÏIacrimaJfe<br />

fertur. Ac primo Mhhrenem r qui Sardes prodiderat,<br />

peritum perficm linguœ , ' ire ad confolandas<br />

eas juffhrat ; vertus, deinde ne prodhor captivarum<br />

iram dobremque gravant, Leormatum ex<br />

purpuratis fuis mijk , • juffum mdicart falfo la~<br />

mentari eas Darium vivum* Mie tum paucis<br />

mrmigeris in tabernacubm m quo captiva- erant<br />

pervenit , miffumque à rege fe nunciarî jubeu<br />

At il qui in veftibub erant, ut armatos conf<br />

pexire, rati aËum eiïe de domînb, m taberm*<br />

culum currunt, vociférantes adejfe fupremam ko*<br />

mm mijfofque qui occiderent captas. Itaque , ut<br />

qwz nec prohibere pojfint nec admittere auderent*<br />

nuUo rejponfo data, tacita operiebantur viBorïs<br />

arbitrium. Leonnatus, exfpe&ato Su qui fe mtromhteret9<br />

pofteaquam nemo procedere audebat, rtliiUs<br />

m veflibul® fatelliûbus , intmt in tabernac<strong>du</strong>m*<br />

Ea ipfa res turbaverat feminas ,. quod irrupiffi<br />

non_ admïffus videbatur. Itaque mater & conjux%<br />

provoluta ad pedes, orare cœperunt,. ut,. priufquam<br />

" interficerentur , Darii corpus ipfïs patrïo<br />

more fepelire permutent ; funBas fupremo. in regem.<br />

cfficio fe impigrè morituras. Leonnatus y & vivere<br />

Darium % & ipfas mu incolumes modo , fed et'mm<br />

ap<strong>par</strong>atu prîftbm fortunœ reginas fort* Tum motet<br />

Dam'aikvari fi paffa eji*


LIVRE III. CHAP. XII. 6f<br />

on vient de le dire , avoit jeté pour n'être point découvert<br />

; & s*imagmant qu'on ne' le lui avoit enlevé qu'ai»<br />

jprès l'avoir tué , ii avoit porté aux dames cette fauffe<br />

nouvelle de fa mort. On dit qu'Alexandre, inftruit de<br />

cette errera", fut touché jusqu'aux larmes <strong>du</strong> fort de<br />

Darius & <strong>du</strong> tendre attachement des princeffes. Àuffitôt<br />

Ion premier mouvement avoit été d'envoyer, pour les<br />

confoler, Mithrènes, qui lui avoit livré Sardes 9 & qui<br />

«ntendoit la langue perfienne; mais craignant enfuite que<br />

la vue d'un traître n'augmentât l'indignation & la douleur<br />

des prifonnières , il leur envoya Léonnatus, l'un de fes<br />

courtifans , avec ordre de leur apprendre qu'elles pieu- '<br />

roïenl mal à propos Darius qui étoit vivant. Celui-ci<br />

arrive avec quelques gardes armés au pavillon des prifonnières<br />

, & leur fait dire qu'il vient de la <strong>par</strong>t <strong>du</strong> roi.<br />

Mais ceux qui étoient à rentrée , s'étant imaginé, I<br />

la vue des foldats en armes , que c'étoit fait de leur*<br />

maitreffes, fe précipitent dans la tente, en criant qu'elles<br />

font à leur dernière heure & qu'on a envoyé des<br />

gens pour les faire mourir. 'Ces dames , se pouvant<br />

donc les empêcher de s'intro<strong>du</strong>ire & n'ofant les faire<br />

entrer , ne fefoient point de réponfe & attendoient en,<br />

filence ce qu'il plaîroit au vainqueur. Léonnatus, après,<br />

avoir atten<strong>du</strong> long temps que quelqu'un l'intro<strong>du</strong>isît %<br />

comme perfonne n'ofoit fe préfenter, ïaiffa fes gardes<br />

à la porte & entra dans la tente. Cela même acheva<br />

de troubler les dames , <strong>par</strong>ce qu'il fe préfenta de luimême<br />

avant d'être invité. Les deux reines, fe jetant<br />

donc à fes pieds, commencèrent <strong>par</strong> le prier de leur<br />

permettre % avant qu'on les, fit mourip % d'enfeveKr le<br />

corps de Darius à la manière de leur pays ; ajoutant,,<br />

qu'après avoir ren<strong>du</strong> ce dernier devoir au roi, elles<br />

mourroient fans regret, Léonnatus leur répondit que<br />

Darius vivoit, &que, pour elles, non feulement elles<br />

n'avoienî rien à craindre, mais qu'elles feroient traitées<br />

en reines avec tout l'éclat de leur première fortune*<br />

Alors la mère de Darius se fe refuft plus à toute coa*<br />

Cotation*


66 LIBER III. CAP. XII.<br />

31. Akxander 9 pofiera die cum cura fepuïm<br />

milkibus quorum corpora mvemrat , perfarum<br />

quoque nob'dijjîmîs eumdem honorent haberi juhtt»<br />

matiique Darii ptrmitti quos vellet pairio mûre<br />

fepeliret. Ma paucos , arSa prûpmqmmte conjunBos<br />

9 pro habim pmfemis fortune , humari<br />

jujfit ; ap<strong>par</strong>atum fumrum que perfst fuprema<br />

officia celebrarent invidiofum fore exiflimans ,<br />

quum viëores haud pretiosè cremarenmn Jamque<br />

jufiis defunëorum corporibus folutis 9 prmmktit<br />

ad captivas, qui nunciarent ipfum venire ; inhibitâque<br />

comkantium turbâ , tabernaculum cum<br />

Hephmfiione intrat. 1s longé omnium amkormm<br />

carijfimus erat régi 9 cum ipfo <strong>par</strong>iter e<strong>du</strong>catus,<br />

fecretorum omnium arbiter : lihertatïs quoque m<br />

sdmonendo eo non alius jus habebat ; quod tamen<br />

ka ufurpabaê , m magis â rege permiffum , quam<br />

vindicatum ab eo videretur. Et fecut atate <strong>par</strong><br />

erat régi , ka corporis habim pmftabat : ergo<br />

reginm illum, regem ejjh rata, fuo more ventram<br />

funt ; inde ex fpadonibus captivis quis Akxander<br />

effet monfirantibus , Syfigambis advoiuta<br />

eji pedibus ejus , igwraûonem nunquam antea vifi<br />

régis exeufans. Quam manu aUevans rex , Non<br />

erraftl, inquit » Mater ; nam & Me Âlexander<br />

eft.<br />

32. Equîdem 9 fi hâc contmentiâ animi ad<br />

ultimum vitm perfeverare .potuiffa 9 feliciorem<br />

fuiffe crtderem, quam vifus efl effe quum Liberi<br />

patris imitaretur triumphum , ab Heliejponto ufque<br />

ad Oceanum omnes gentes viâbrid emenfus : vicifi<br />

fet profeëb fuperbiam atque iram 3 mata inviik ;<br />

abftinuiffêt inter eptâas cmdibus amicorum ; tgregiofque<br />

bello viros, & tôt gentium fecum demi*


LIVRE III. CHAP. XII. 6j<br />

31. Alexandre , ayant fait foigneufement donner le<br />

' lendemain îa fépulture aux foldats dont on avoit retrouvé<br />

les corps, fit rendre le même honneur aux plus<br />

diflingués des perfes t & permit à la mère de Darius<br />

de faire enterrer à la manière de fon pays ceux qui!<br />

lui plairoit. Cette princeffe ne-fit donner la fépulture<br />

qu'à un petit nombre de fes proches, en fe conformant<br />

à l'état préfent de fa fortune ; jugeant que la fomptuofité<br />

des perfes dans leurs cérémonks funèbres feroit<br />

vue de mauvais œil, tandis qu'on bruloit fans grande<br />

éépenfe les corps mêmes des. vainqueurs. Après que ces<br />

derniers devoirs eurent été ren<strong>du</strong>s aux morts f il envoya<br />

prévenir les dames qu'il venoit leur rendre vifite;<br />

& ayant congédié la fuite qui l'accompagnoit r il entra<br />

dans leur tente avec Hépheftion. C'étoit le principal<br />

favori <strong>du</strong> roi > avec qui il avoit été élevé, & qui le<br />

confultoit fur toutes fes affaires fecrètes : • petfonne<br />

àuflï n'avoit comme lui îa liberté de donner des avis au<br />

toi ; mais il en ufoit de manière, qu'il <strong>par</strong>oMbit plutôt<br />

©béir à la volonté <strong>du</strong> prince 9 que s'arroger ce privilège,<br />

lis étoient de même âge % mais Hépheftion avoit meilleure<br />

mine : fi bien que les reines , îe prenant pour le<br />

roi, lui rendirent, félon leurs ufages, les plus grands<br />

honneurs ; mais quelques-uns des eunuques prifoikiers<br />

leur ayant enfuite <strong>mont</strong>ré Alexandre, Sy figambis fe jeta<br />

â fes pieds , & s'excufa de fa méprife fur ce qu'elle ne<br />

.l'avoit jamais vu. Mais le roi lui tendant la main pour<br />

la relever , Non % ma mère , lui dît-il, vous ne vous êtes<br />

point trompée ; car celui-ci tft suffi Alexandre»<br />

32. Certainement, s'il avoit pu conferver cette modération<br />

jufqu'à la lin de fa vie , je l'aurois eftimé bien<br />

plus heureux, qu'il ne <strong>par</strong>ut l'être lorfqu'il triompha<br />

comme Bacchus , après avoir <strong>par</strong>couru en vainqueur<br />

toutes les nations depuis l'HelIefpont jufqu'à l'Océan ;<br />

il auroit dompté l'orgueil & îa colère, défauts dont il<br />

ne put fe rendre maître 1 il n'auroit eu garde au milieu<br />

des feftins d'égorger fes amis ; & il auroit eu horreur<br />

"4e faire mourir , fans les entendre, ces grands capital*


68 LIBER III. CAP. XII<br />

tores , îndiBâ causa vemus effet oeeidere, Sed<br />

non<strong>du</strong>m fbrtuna fe animo ejus fuperfuderat ; ïtaque<br />

orientem eam moderaiè & prudenter tuBt : ad<br />

ultimum magnitudinem ejus- non cepiu Tum qui"<br />

dem ha fe gejfiî , ut omnes ante eum reges &<br />

tontmtnûâ & clementid vinccrentur. Virgmes emm<br />

réglas , exceUenûs fornuz , tant fantm habult %<br />

quam fi eodem quo ipfe <strong>par</strong>ente genitm forent :<br />

conjugem ejufdem , quam nulla atatis fim pukkdtudine<br />

corporis vicit , adeb ipfe non violavit, ut<br />

fummam adhibuerit curam ne quis captiva cor~<br />

pori iltuderet : omnem culmm reddi femims jujfit ; •<br />

me quidquam ex prifiimt fortunœ, magmficentiâ<br />

captivis , prmter fi<strong>du</strong>ciam, défiât* ïtaque Syfi*<br />

gambis, Rex, inquh s mereris, ut ea precemut<br />

tibi quae Dario Bûftro quondam precàt» fumus<br />

; &, ut video , dignus es qui tantum regem<br />

5 non .felicitate folum , fed etiam aequitate<br />

raperayeris. Tu quidem Matrem me & Réginam<br />

voeas ; fed ego me tuam famulam effe<br />

confiteor. Et pratent» fortunae faftiginm capio*<br />

& praefentis jugum pati poflùm : tuâ înterefl<br />

quantum in nos liaient, u id potius démentît<br />

quam faevitia vis effe teftatum. Rex bonum antr<br />

mum habere eas juffit ; Daril dànde filium colh<br />

fuo admoviu Atque nihM ille eonfpeBu tune primum.<br />

à. fe. vifi eonterrïtm, cervieem ejus manibus ample&itur<br />

: motus ergo rex çonfimtiâ pueri, Mephmftiomm<br />

mtutms 9 Quam velkm y inquh »<br />

Darius aBqtrid ex hic indok haufiflet ! Tum<br />

tabemaeulo egreffus*- Tribus aris in ripa Pinart<br />

mmnis, Jovi9 atque Herculi, Minervaque facraùs %<br />

Syriam petit, Damafsum , ubi régis gaça crat,<br />

Patmenione pmmiffo*


LilrAE -111. CMJP* XIL ۤ<br />

nés ,' iriâruments des vi&oires qu'il avoit remportée^<br />

fur tant de peuples. Mais alors la fortune n'avoit pasencore<br />

enivré fon ame ; & c'eft pour cela qu'il en porta<br />

les premières faveurs avec modération & avec fagefle :<br />

à la finjl ne put en foutenïrtoutle poids. Il faut avouer<br />

que dans cette eccafion il fe comporta de manière à<br />

remporter » & <strong>par</strong> fa modération & <strong>par</strong> fa clémence, fut<br />

tous les rois qui l'avaient précédé. Il eut en effet pour<br />

les Jeunes prlnèefles , qui étoient d'une excellente •<br />

beauté, autant • de refpeft que fi dles enflent été fes<br />

propres foeuci : loin d'attenter à la pudkité de la femme<br />

de Darius , qui étoit la plus belle perfonne de fon<br />

temps, il eut un foin extrême d'empêcher que perfonne,<br />

fous prétexte qu'elle étoit captive, ne prît avec elle<br />

aucune liberté offenfante : il fit rendre aux dames tous<br />

S*eurs bijoux ; & dans leur captivité, il ne leur manqua<br />

rien de la fplendeur de leur premier état, que les douceurs<br />

de la confiance. C'eft pourquoi Syfigambis lui<br />

dit : Vous mérite^ , Seigneur , que nous faf/ions pour-vaut<br />

ies mêmes vœux que nous avons fûts autrefois pour notre<br />

€her Darius ; & je vois que vous éùe^ fait, tout grand<br />

roi au'ileji, pour lejurpaffer , non feulement en bonheur 9<br />

mais au£î en vertu» Vous daigne\$ il eft vrai , me quali*'<br />

fier de Mère & de Reine j mais moi , je confejfe que je%<br />

fuis votre fervante,-Sans perdre de vue la dignité de mor^<br />

ancienne fortune , je peux fuporter le joug de ma fortune<br />

fréfmtez c'eft à veus qu'il importe de voir jufqu?6ù doit<br />

aller votre puiffance à notre égard , fi vous aime\ mieux y<br />

foira- éclater votre'clémence que votre rigueur» Le. roi ies<br />

exhorta à prendre courage ; puis il prit dans fes bras .le<br />

fils de Darius. Cet enfant, fans 'être étonné de le voir<br />

pour la première fois » l'embrafle des deux mains : fur.<br />

quoi le toi, touché de fon afturànce , Que je voudrois de<br />

fou c*iir,dit-il âHépheftion en le regardant,^Darius eût<br />

quelque ckofe de ce 'caraHère ! Lâ-defTus il fortit de la tente.<br />

Après SLWôir confacré f fur les bords <strong>du</strong> Pinare, trois au- '<br />

ttls f à Jiftp$£éV, 'à- Hercule $ &' à Minerve,- Il tourna vers<br />

la Syrie, ayant'«u la précaution d'envoyer d'abord Par*<br />

wcnlon à Damas f où étoit le tréfor <strong>du</strong> roi de Perfe»


7o LIMER III. CAP. XIIL<br />

XHL Atque u * quum prmcejfifft Darîï fatr*<br />

pam comperifiet , veritus m pautitas Jkorum<br />

fpcrneretur , accerfere maj&rem manum Jlaîwt*<br />

Sed fine in exploratorês ab eo pramiffbs ïncîik<br />

nadone marins, qui 9 ad Parmenionem per<strong>du</strong>Bus<br />

9 titeras ad Alexandrum- à pmfiBo Da*<br />

mafcï miffas tradit ei ; me <strong>du</strong>bkare eum » qmm<br />

omnem regiam fuppeUeëUem cum pecumâ trodent,<br />

*ad)ecit. Parmenio* ajfervari eo juffb, Itéras ope*<br />

rit 9 in quitus erat fcripmm, ut mature Akxan*<br />

der aliquem ex <strong>du</strong>cibus fuis mUttrtt -cum manu<br />

exigud, Itaque re cognita , mar<strong>du</strong>m, daûs comitibus,<br />

ad proditorem remutit ; Me, è manibus euf<br />

todientum lapfus, Damafcum ante -heem intrat*<br />

Turbaverat ea res Parmenionis animum , mfidms<br />

timentis ;


LIVRE 111. CM A p. XIIL 71<br />

' Xlli* Ce capitaine , ayant eu avis qu'un fatrape.<br />

^e Darius favoit devancé , réfolut de faire Tenir <strong>du</strong><br />

renfort 9 dans la crainte qu'on ne dédaignât le peu de<br />

inonde qui l'accompagnoit* Mais le hafard fait tomber<br />

, entre les mains des coureurs qu'il avoit envoyés<br />

«n avant f un foldat mardien de nation, qui, amené à<br />

Parménion , lui remet une lettre adreffée à Alexandre<br />

<strong>par</strong> le gouverneur de Damas 9 & l'aflure qu'il ne doute<br />

point que cet officier ne livre tous les effets <strong>du</strong> roi &<br />

fou argent. Parménion fait garder cet homme , ouvre<br />

la lettre, qui invite Alexandre à dépêcher quelqu'un<br />

de fes Généraux avec quelques foldats* Inftmit ainû<br />

<strong>du</strong> projet t il renvoie au traître le mardien bien accompagné<br />

; mais celui-ci f s'étant échappé ées mains de fes<br />

gardes, fe rend à Damas avant le jour. Cela inquiéta<br />

Parménion f qui craignit que ce ne fût un piège ; d'ailleurs<br />

il n'ofoit entrer fans guide dans une route inconnue<br />

; fe confiant toutefois en la'-bonne fortune de fou<br />

maître-, il ût prendre des payfans pour le guider ; ©n<br />

en eut bientôt trouvé , qui le quatrième jour le mirent<br />

à la vue de la ville , dans le temps que le gouverneur<br />

craignait déjà qu'on n'eût manqué de confiance en<br />

lui. Alors | comme s'il fe fût défié des fortifications de<br />

la place , Il fait fortir avant le lever <strong>du</strong> foleil l'argent<br />

<strong>du</strong> roi, que les perfes apellent Gaie ( Tréfor ) , avec<br />

les effets les plus précieux s ne voulant réellement »<br />

fous prétexte de fuir f que livrer cette proie à l'ennemi,<br />

34. II étoJt fuivî, quand il fortit de la ville, <strong>par</strong> plu*<br />

fieurs milliers d'hommes & de femmes, capables, de faire<br />

compaffîon à tout le monde, hormis celui à la foi <strong>du</strong>quel<br />

©n les avoit confiés. Car, afin d'obtenir une plus grande<br />

jécompenfe de fa perfidie, il fe pré<strong>par</strong>oit ainfi à présenter<br />

à l'ennemi un butin plus précieux que tout for<br />

. <strong>du</strong> monde f favoit des hommes de qualité , tes femmes<br />

'


jt LIBER III. CAP. XIIL<br />

mtris onera portantes : M quum frims tohtari<br />

"non poffent, ( quippe & proceïïa jubito nivem<br />

effuderat & humus rigebat gela tum adfiriMa )<br />

vefies 9 quas tum pecuma portabant, auro & purpura<br />

mfignes mdmmt 9 nullo prohibtre aufù 9 quum<br />

fortuna régis etiam humilUmis in ipfiim licemiam<br />

facereu Pmbuere ergo Parmeniom non fpernendk<br />

agminû •fpeciem ; • qui intention eurâfims % quafi ai<br />

jufium prmlium , paucis adhortatus 9 equh calcaria<br />

fubdere jubet & acri impetu in hofiem invéhi At<br />

itti qui fié omrtbus erant, vmijfis per me tum, car<br />

peffunt fugam ; , armati qui eos perfequebantur 9<br />

eodem metu arma jaBare ac nota divemctda pe-<br />

§ere cœpemnt : pmfeBus , quafi & ipfe conterritus ,<br />

fimulans , cuncTa pavore compUverat. Jaceèant tous<br />

çamp'u opes regim : illa pecuma fiipendio ingénu<br />

militum pm<strong>par</strong>ata ; iUe cultus tôt nobilium viro-<br />

-mm , tôt Ulufirium feminarum ; aurea vafa 9 aurei<br />

fréta , tabernacula regali magnificentid ornata ;<br />

•véhicula quoque, à fuis deflkuta 9 ingenth opU"<br />

îent'm plena. Faciès, etiam pmdanûbus trifiis , fi<br />

qua res avarkùam moraretur : quippe tôt armorum<br />

mcredibili & fidem excedente fortuna cumuhia 9<br />

tune alia ftirpibus lacératd, alia m cœnum de*<br />

mer fa , eruebantur ; non fufficiebant pradantkm<br />

manus prada*<br />

3Ç. Jamque etiam ad eos qui primï Jugeront<br />

ventum erat : femina pkrmque <strong>par</strong>vos trahentes<br />

liberos ibant ; inter quas très fuêre virgines , Ochi »<br />

f ui ante Darium regnaverat, filim , olim quidem<br />

aux


Liras 111. CMAP. XIIL JJ<br />

lux porte-faix : or ces gangabes, ne pouvant plus en<strong>du</strong>rer<br />

le froid , <strong>par</strong>ce qu'un vent violent avoit fait tomber<br />

tout à coup une grande quantité kée neige &f qu'il<br />

fefoit une forte gelée , fe revêtirent des robes tiffues<br />

d'or & de pourpre qu'ils portoient avec l'argent <strong>du</strong><br />

roi, fans que perfonhe osât s'y oppofer, la mauvaife<br />

fortune de ce prince infpirant aux hommes les plus<br />

abjeûs F audace de lui manquer. Ils <strong>par</strong>urent donc aux<br />

ïeux de Parménlon une troupe qui n'étoit point à<br />

méprifer ; de forte quef fe mettant foîgneufement<br />

fur fes gardes , il encouragea fes gens en peu de mots<br />

comme pour une aéUon férieufe $ & leur ordonna de<br />

piquer des deux & de fondre fur l'ennemi. Mais ceux<br />

-qui portoient ces fardeaux les jetèrent d'épouvante<br />

& prirent la fuite ; ceux qui les efcortoient, également<br />

effrayés , jetèrent leurs armes & gagnèrent les f entiers<br />

détournés dont ils avoient connoiflânce : le gouverneur-,<br />

comme s'il <strong>par</strong>tageoit lui-même la terreur commune ,<br />

rendit l'effroi général <strong>par</strong> fa diffimulation. On voyoit<br />

é<strong>par</strong>fes dans toute la. campagne les richeffes <strong>du</strong> roi :<br />

cet argent deâiné au paiement prodigieux des troupes ;<br />

ces <strong>par</strong>ures de tant de Grands $ de tant de femmes de<br />

qualité; des vafes d'or , des freins dé même matière ,<br />

des tentes d'une magnificence royale ; enfin des chariots<br />

pleins des plus riches eSeîs , & abandonnés de,<br />

leurs con<strong>du</strong>cteurs. Spe&acîe propre à contrifter ceux<br />

mêmes qui pilloient, fi quelque chofe pouvoit fufpendre<br />

la fureur de l'avarice : car de toutes ces précieufes dépouilles<br />

, accumulées pendant une longue fuite d'années<br />

<strong>par</strong> uneprofpéritéincroyable & quipaffe l'imagination,<br />

©n arrachoit les unes toutes déchirées d'entre les ronces<br />

, on retiroit les autres de la fange où elles étoient<br />

enfoncées ; il n'y avoit pas affes de mains pour une<br />

proie fi abondante.<br />

3 y. On étoit déjà <strong>par</strong>venu jufqu'à ceux qui avoient<br />

pris la fuite les premiers : la plu<strong>par</strong>t des femmes trainoient<br />

leurs petits enfants <strong>par</strong> la main ; & <strong>par</strong>fni elles<br />

étoient trois jeunes princeffes, filles d'Ôchus, prédé*<br />

Tome I. D


74 " LIMER 111. CAP. X11L<br />

tx fàftigw paterm » rerum mmtadone , detraêmi<br />

fed mm fortem earum crudeliès aggravante FOP<br />

tuné* M eodem greee uxer quoque ejufdem OcM<br />

fuît; Oxathrifque (frater hic erat Darii) fiHa;<br />

& conjux Artabaii, principis purpuratorum ; &<br />

filius » cm'Ilioneû mmen fiât. Phamabari qw*<br />

que , cm fummum imper'mm maritimes ora rex<br />

dederai, uxor cum film excepta tfi ; Menions<br />

film très ; ac nobïïtjjimi <strong>du</strong>cis Memnonis conjux<br />

& films. Vixque uUa domus purpurati fuit tanta<br />

tla<strong>du</strong> expers. Lacedamonii quoque & athénienfes<br />

, focietatti fide violata , perfas fequuti ; Arif<br />

iogiton 9 Dropides , & Iphicrates, inter athénien*<br />

fes génère famaque* longe clarijjimi ; lacedamo*<br />

nii 9 Paufippus & Onomaftorides, cum Monim<br />

& Callicratide , u quoque domi nobïïes. Summ<br />

pecunim fignatm fiât taUntorum dm millia &<br />

fexaginm ; faÛi argenti pon<strong>du</strong>s quingenta aqua*<br />

bat.Pmterea triginta millia homhmm, cum Jeptem<br />

millibus jumentomm, dorfo ontrapertantium, capta<br />

funu Ceterum, dii taritm fortunm proditorem (a)<br />

celeriter débita pana perfequuti funt ; namque unus<br />

i ' confins ejus, credo , régis vicem etiam in OU<br />

forte reveritus, interfeëi proditoris caput ad Da*<br />

rium îuîii : opportunum folatium prodito ; quippe<br />

& ultus inimicum erat, & non<strong>du</strong>m in omnium anïmk<br />

mem&riam majeftatU fua exolevijfe cemebaL<br />

(2) On garde ici., dans les mff. & dans les Imprimés, I«<br />

mot fipulturA, qui n f a point de fens ou qui fait un conire-fens»<br />

A quoi non tant de refpeft pour un mot, dont<br />

la fupprelTiQo ne. nuit m m® , & dont fociftence cm»<br />

Iwaffc?


• L I V R E I H . - C H A * . X I I I . .yç<br />

ceffeur de Darius, déjà déchues à îa vérité , <strong>par</strong> l'inftabilité<br />

des chofes humaines , <strong>du</strong> faite de la grandeur paternelle<br />

y mais bien plus cruellement traitées alors <strong>par</strong><br />

la Fortune. Dans cette troupe étoit aufli l'époufe <strong>du</strong><br />

même Ochus ; la fille d'Oxathrès, frère de Darius j la<br />

femme cTArtabaze , qui étoit le premier des feigneurs<br />

ée la cour ; & fon fils, nommé Ilioaée. .On y prit auffi<br />

la femme & le fils de Pharnabaze , -à qui le roi avoit<br />

donné le commandement de toutes les côtes maritimes 5<br />

trois filles de Mentor ; avec F époufe & le fils de Filluftre<br />

capitaine Memnon, A peine enfin y eut-il une<br />

maifon qualifiée qui n'eût<strong>par</strong>tàcetteafrreufe calamité.<br />

11 s'y trouva même des lacédémomens & des athéniens 9<br />

qui, au mépris des traités faits ayee Alexandre, avoient<br />

fuîvî le <strong>par</strong>ti des perfes ; d'Athènes, il -y avoit Ariftogïîon,<br />

Dropides, & Iphicrates y perfënnages- dillingués<br />

entre leurs compatriotes <strong>par</strong> leur naiflance &.<strong>par</strong> leur<br />

réputation ; de Lacédémone, Paufippe, Onomaftérïdes 9<br />

Monime y & Callicratides y <strong>par</strong>eillement dillingués chei<br />

eux. Le total de l'argent monnoyé <strong>mont</strong>oit à deux-»<br />

mille foixante talents ; & . l'argent ouvré à cinqcents.<br />

On prit en outre trente -mille perfonnes , 8c<br />

fept-mille bêtes de fomme , qui portoient les bagages.<br />

Au refte, les dieux ne tardèrent pas à ' faire fufcir , an<br />

dépofitaire infidèle de cette immenfe- fortune, la jufto<br />

punition de fon crime ; car un de fer 'complices » ayant<br />

encorey comme je le crois , quelque irefpeâpour le roi<br />

dans fon malheur même y tua le perfide & porta fa fêta<br />

à Darius : efpèce de confolation convenable à un prince<br />

trahi; puisqu'il étoit yengé d'un ennemi, & qu'il voyoit<br />

<strong>par</strong> là que le fouvenir de ce qui étoit éâ à la ma je fié di§<br />

fourërain n'étoitpas encore effacé de tous, les emun.<br />

Dîj


LIBER QUART US.<br />

h Alexander-' lîteris à Dario ftiperbè fcriptis<br />

régie refpondet. Abdolominum Sidoniis regem.<br />

pra?firît. Amyntas , transfoga , miro<br />

modo à peffis occiditur. Vari* .variîs locis<br />

prafeébraiii Darii clades.<br />

IL Tyrii , Alexandram recipere reculantes J<br />

obuden&ur. ". .<br />

IIL Dubiis Jbelli. eventibus Tyr i ©bfidio nobilitatur,<br />

IK Tandem Tyrûs, yi capta, maxîmlqoe hominum<br />

ftrage corrupta, luâuofo deformattir<br />

incendio.<br />

V, Darii iterata de pace ad Alexandrum fubmiffior<br />

legatio ; qui répudiât! , graeci Alexandrum<br />

coranâ aureâ donant : iïïe autem,<br />

, per .prsfèâos 9 multas in poteftatem fuam<br />

. te4igit " ptovîndas. .<br />

VL Ad-bellum-fefeaccingît Darius. Alexander<br />

Gazam exptsgnat, ejufque prsefeftun^ Betim,<br />

cradeli afficit fupplicio.<br />

"VIL Profeôio , & varia Alexandrixpiaefita , ad<br />

Jovis Hammonis ©raculum.<br />

VIIL In' ^gypto Alexandria œndita ;' variai<br />

que. Alexandri bellicse expeditiones.<br />

IX Darius ad Arbela pervenit ; eoque inyito,'<br />

Alexander Granicum fiiperat.<br />

X. Milites f ob lunae defeébm turbatos, per<br />

jegypâQS yates confirmât Alexander : perfas


LIVRE QUATRIÈME.<br />

L Alexandre répond en roi aux lettres kauiames de<br />

Darius. Il donne a Abdobmme h royaume des<br />

fidoniens. Amyntas 9 qui avoit quitte le <strong>par</strong>ti<br />

- des macédoniens, eft puni de mort <strong>par</strong> ksperfes<br />

d'une manière furprenante. Diverfes défaites des<br />

Généraux de Darius en différents lieux. •<br />

II. Les ty riens font ajfiégés 9 pour n 'avoir pas voulu<br />

^ recevoir Alexandre. . -.../, , •<br />

III. Lefiège de Tyr devient fameux <strong>par</strong> les événements,<br />

douteux de la guerre. . -<br />

IV. La ville de Tyr eft enfin prife de force ; on<br />

y fait un horrible carnage ,• m achève de la<br />

détruire <strong>par</strong> le feu.<br />

V. Darius demande une féconde fois [là paix a<br />

- Alexandre d'un ton plus modéré ; Alexandre<br />

l'ayant refufée $ les grecs lui font préfent d'une<br />

couronne d'or : <strong>par</strong> fes lieutenants , il ré<strong>du</strong>it plu*<br />

fleurs provinces fous fon obéiffance.<br />

VI. Darius fe pré<strong>par</strong>e a la pierre. Alexandre force<br />

la ville de Gaça 9 & fait fubirun cruel fupplice<br />

, à Bétis , qui en était gouverneur*<br />

VU. Voyage d'Alexandre, & fes différentes quef<br />

tiens à F oracle de Jupiper Hammon*<br />

VIA. La vilk d'Alexandrie bâtie en Egypte ;divm<br />

fes expéditions d'Alexandre.<br />

El. Darius arrive a Arbelks ; &-nonobftant fes~<br />

mefures 9 Alexandre vaffi le Granique. '<br />

X. Lesfoldats fe troublent à caufe d'une éclipfe de<br />

lune, mais Alexandre les rajfûre <strong>par</strong> Ucntremijt<br />

D iij


78 LIMER IV. CAP. L<br />

vaftatores conjicit in. fugam. Darii- uxor ;<br />

captira , mœrorc confefta , lupremum diem<br />

claudit ; unde Àlexandri laerymae. Darii<br />

' fufpicioiîes , luftus , & vota,<br />

XI» Pacem tertio quaefitam Darius non impetrat;<br />

imo ad deditionem aut ad beUum ah<br />

Alexandre provocatur.<br />

XII • Ad pvœlium <strong>du</strong>m perfarar» ingens exercitas<br />

<strong>par</strong>atur , macedones., panico cpodam<br />

defimôi terrore , arma alacriter capemmt.<br />

XIII Confiliade noôurno prœlio Parmenionîs<br />

• .& Polyperchoiîtîs Alexander damnât ; fomnoque<br />

refeétus, intefrito vultu fuos ad pngnam<br />

aécendit.<br />

-XIV. Alexandri ad graecorum , Darîiqiîe ad<br />

perfknim exercittis, aate pugnam, ©rationes.<br />

XV. Craenti ad Arbela prœlii defcriptio. Viâor<br />

Alexaiîder Darium viftum perfequitur.<br />

'XVI Parmënio, in difcrimlne conftitutus, Aiexandram<br />

retrahit. Tandem intégra viâoriâ<br />

potiti macedones, reliquos perfas, multis luomm<br />

millibus defideratis , fiigâ fibi quarere.<br />

' faktem cogunt.<br />

1. UARJUS'i tanti modo 'exercittis rex, qmi<br />

trbtmphantîs magis quam iimïcanûs more ,. curm<br />

futiimk inierat pmlkm, per loca, que prope im»<br />

mmfis • agmimbus complevcrat, jam 'mania & in*.


L I V R E IF. CM A p. 1. 79<br />

'des devins et Egypte : il met en fuite les perfes qui<br />

fifoUnt le dégât* La femme de Darius, prifimr<br />

mère, meurt de triftejfe ; & Alexandre la pleure*<br />

Lesfoupçons, le deuil, & Us vemx de Darius m<br />

XL Darius demande la paix pour la troifième fois 9<br />

& ne l'obtient pas ; au contraire Alexandre h<br />

fomme ou de fe rendre ou de commuer la<br />

guerre*<br />

Xlî. Tandis que l'armée immenfe des perfes fe<br />

pré<strong>par</strong>e au combat, les macédoniens , revenus<br />

d'une terreur panique dont ils avoient été fra~<br />

pés, prennent délibérément les armes.<br />

XIII. Parménwn & Polyperchon 'ayant été d 9 avis<br />

quon attaquât de nuit, Alexandre les défap~<br />

prouve ; & après avoir bien dormi, il anime<br />

avec intrépidité'fis foldats au combat.<br />

XIV. Harangue d'Alexandre à l'armée des grecs 9<br />

& de Darius à celle des perfes, avant la ba


So LIBER 1K CAP. 1. '<br />

genti folkudine vafta fugiebat. Pauci regem feqw*<br />

bantur : nam nec eodem omnes fugam intenderant ;<br />

& 9 deficuntibus equis, curfum eorum quos rex<br />

fub'mde muiabai aquare non poterant* Unchas<br />

deinde pervenk 9 ubi êxcêpêre eum gracorum qua-*'.<br />

iuor miUïa ; cum quibus ad Euphratem conten*<br />

dit s id dêmum credens fore ipfius quod celeritate<br />

•pmripere potuiffet. At Alexander Parmemonem 9<br />

per quem apud Damafcum recepia erai prmda 3<br />

juffum eam ipfam & capûvos diligenti affervare<br />

£uflodiâ9 Syrias quam Cœlen votant, pmfécit»<br />

Movum ïmperium fyri , non<strong>du</strong>m belli cladibus<br />

faûs domki, afptrnabantur ; fed , cekrker fut-'<br />

MBî 9 obêdienter imperata feccrunt. Ara<strong>du</strong>s quoque<br />

mfula dêditur régi ; maritimam tum oram, &<br />

pleraque longihs etiam a mari recedentia , rex<br />

djus infula Strato poffdébat ; quo in fidem ac-<br />

£epto , caftra movk ad urbem Marathon. Ibi Uli<br />

litem a Daim red<strong>du</strong>ntur , quibus , ut fuperbc<br />

fcriptis 9 vthementer offtnfus efl ; pmcipuè eum<br />

movk-, quod Darius fibi Régis tkulum 9 nec<br />

eumdem Alexandri nomini adfcripferat : poftukbat<br />

autem magis quant petebat % ut accepta pecu*<br />

nia , quantameumque tota Macedonia caperet,<br />

matrem fibi, ac conjugem , liberofque reftkuem ;<br />

de regno 3 aquo , fi vellet, marte contendem : fi<br />

faniora confilia tandem pati potuiffet, contenais<br />

patrio , cederet alieni imperii finibus ; focius ami*<br />

cufque effet ; in ea fe fidem & dare <strong>par</strong>atum &<br />

accipere.<br />

2. Contra, Alexander in hune maxime mo<strong>du</strong>m<br />

refcripfit : Rex Alexander Dario. 111e, cujus<br />

nomen ïumpfifti , Darius , graecos qui oram<br />

HeUefpoisti tenent, coloniafque graeeorum ionias »


LIVRE IV CHâB. I. 8I.<br />

défertes & changées en une vafte foiitude. La .fuite de<br />

ce roi étoit peu nombreufe : car tous n'avoîent pas pris fa'<br />

même route pour fuir ; &, faute de chevaux, iPri'étoit*<br />

pas poffibîe d'aîîer auffi vite que" îe prince tftfî relayeit'<br />

fouvent. Il arrive enfin à Onches , ©ù il éft reçu <strong>par</strong> quatre-mille<br />

grecs ; & avec eux iî s'avance vers PEuphrate ,<br />

convaincu alors qu'il ne peut compter que .fur ce<br />

dont il pourra s'em<strong>par</strong>er le premier <strong>par</strong> fa diligence.<br />

Cependant Alexandre chargea Parménion, qui; «voit;<br />

faifi le butin près, de Damas , de le garder foigneufement<br />

ainfi que les prifonniers s & lui donna le gouvernement<br />

de la Syrie s qu'on appelle teiéVXes Syriens<br />

, que les malheurs rfe la guerre n'avoient pas - encore<br />

affez domptés, réfiftoient'à cette nouvelle domination<br />

; mais , bientôt fournis , ils obéirent enfin aux<br />

©rdres qu'on leur donna. L'Ile d'Arade fe rendit aufli ;<br />

Straton, qui en étoit roi, étoit encore # maître :$e$<br />

côtes, 6c même de'la. plu<strong>par</strong>t des places'éloignées, de<br />

la mer; mais il céda, & Alexandre, ayant reçu fon<br />

ferment, alla camper près de la ville de Marathe. Ce<br />

fut là qu'on lui remit» de la <strong>par</strong>t de Darius, une lettre t<br />

dont îe ton hautain le choqua extrêmement; il fut<br />

piqué furtout que Darius fe fût donné îe titre de Roit<br />

fans îe joindre <strong>par</strong>eillement au nom d'Alexandre : au<br />

refte il exigeoit de -lui plutôt qu'il ne îe prioit? de lui<br />

fendre fa-mère, fa femme,'6tfes'etf£ants pour autant<br />

d'argent qu'il, y en ayoit dans toute la Macédoine $•<br />

quant à l'empire., 'd'en décider, s'il jugeoit à propos^<br />

à armes égales : mais s'il pouvoit enfin entendre à ua<br />

avis plus fage, de fe contenter <strong>du</strong> .royaume de fes<br />

ancêtres, de fe retirer des terres d'une autre domination<br />

f & de devenir fon allié & fon ami : il ajoutoif<br />

qu'à ces conditions il étoit prêt à lui engager fa foi &<br />

à recevoir la fienne.<br />

' 2. De fon côté f Alexandre répondit eh-ces-termes-:<br />

ïf Roi Alexandre à Darius» Ce Darius, dont VOUS uve\<br />

pris h nom „ fit autrefois tous les maux pôjfibjks' • au»<br />

gtêcs qui frakûmi IA *çâu de l'MeMçfpoM, 6» mt% çofc<br />

Dy


%% " LIêER IF. CAP. I.<br />

©mni clade -vàftavit; cum magnodeinde exer*<br />

citu mare-trajecit,, Ulato Macedoniae & Gracia<br />

bello.> Rwrfus rex Xerxes gentis ejufdem<br />

ad oppignandos nos cum immanium barbaromm<br />

copiis venit ; qui, navali prœlio yiâus ,<br />

Mardqnium tamen reliquit in Gracia , ut ,<br />

abféns. auoqùe , popularetur urbes , - agros ure*<br />

ret. 'Philippum yero f <strong>par</strong>entem meum , quis<br />

ignorât ab iis interfecxum ëffe quos ingentis<br />

ecuni^ fpe {blicitaveraht veftri ? Impia cnim<br />

Ê<br />

eïla-ûîfcipitis•;"".& quum habeaîis arma 9 licïta-<br />

mini hofHum capita : ficut tu proximè talentis<br />

mille f tanti exercitûs rex , percufforem in me<br />

emere vohiiftir Repello igitur bellum, non infero<br />

: : : &,.'dik xpioque pro meliore ftantibus<br />

caufa'* magnàm paftem'Afisin ditionem- redegi<br />

meam , : te Ipfuni acie vicî. Quem etfi nihil à<br />

me ImpetrarV oportebat, utpote .qui ne belli<br />

èuidern in me jura fervavéris ; tamen , fi venens<br />

fupplex, & matretn, & conjugem 9 & liberos<br />

fine pretio receptunim te effe promitto. Et<br />

vincere &.- çpnfulere viéKs fcio. Quod fi te<br />

nobis -commitfere times, dabirnus . fidem Un?<br />

punè ventunnn. De cetera , quum' mini fcriles<br />

, • mémento non foluiti régi te f fed etiam<br />

tuo ' fcriberd -Ad -haric perfefendàm Therfippus<br />

mîjfus* Jpfe • m Phœmcen- deinde defcêndk ; '• &<br />

eppl<strong>du</strong>m Byblon , traditum, recepit.<br />

,• 3. Inde-ad Sidom. vemum eft, urbem vetufiatt<br />

famâqm. CQndltorum iticlytanu RegnabM m es<br />

Stratm9--D'àriï -opibus adjurns _ : fed quia dedkîë»<br />

mmê magispvpula-fium quam'fuâfpomt, ftçcral^


LIVRE IF. CMâP. L tj<br />

mhs iomênnes <strong>du</strong>•grecs ; depuis il paffa la mer avec une<br />

gmmét armée , portant la guerre dans lefein de la Macé»<br />

doine & de la Grèce» Une autre fois Xerxès, roi de la<br />

même nation , vint avec une multitude effroyable de<br />

barbares pour nous attaquer $ & quoiqu*il eût été vaincu<br />

en une bataille navale, il laiffa pourtant Mardonius dans<br />

la Grèce , afin de pouvoir y étant même loin de nous f<br />

faccmger nos viUes, incendier nos campagnes» Mais qui<br />

Me fait que Philippe, mon père 9 a été -affaffiné <strong>par</strong> des<br />

mifirakhs que vos-Jùjets avoient fi<strong>du</strong>ks fous Vefpérance<br />

ê 9 ume fortune confidémble ? Car .vout entreprenez des<br />

guerres de brigandage; &, les armes À la main% vous<br />

mettei à prix les têtes de vos^ ennemis : c*efi ainfi que<br />

mus-mime dernièrement t quoiqu'à la tête d f une fi grande<br />

armée s ave^ voulu acheter mille talents, un affaffïn pour<br />

wiêterhvie. Je ne fais donc que me défendre, & je ne fuis<br />

point aggreffeur : auffi eft-ce <strong>par</strong> la proteBion des dieux f<br />

qui fdvorifent la bonne caufe, que j'ai ré<strong>du</strong>it une grande<br />

<strong>par</strong>tie de l'Afie fous mon obéiffance t & que je vous ai<br />

vaincu vous-même en bataille rangée* Quoique vous ne<br />

<strong>du</strong>fie\rUn Mtundre de moi, <strong>par</strong>ce que vous ave\ violé à<br />

mon égard-les droits de la, guerre ; fi cependant vous<br />

vene\ en fupUant f je vous promets de vous rendre fans<br />

rançon & votre mère s & votre femme t,& vos enfants» Je<br />

fais également vaincre & traiter humainement les vain»<br />

eus. .Si toutefois vous craigne\ de ''vous mettre entre mes<br />

mains, je vous donnerai ma <strong>par</strong>ole que vous pourre^ venir<br />

en toute fureté» Du refle, quand vous m f écme\ %fouvene^<br />

9&us que vous écrive\ t non feulement à un roi, mais<br />

â votre roi, La commiflion de porter cette lettre fut<br />

dénnéé à The r%pe. Alexandre paffa enfui te dans la<br />

Phénicie ; & reçut à fou ©béttfance la fille de Bybloi t<br />

.*jul fe rendit à lui*<br />

3. De 14 il mut, à §idont ville remarquable <strong>par</strong> fon.<br />

ancienneté & <strong>par</strong> la renommée de les fondateurs, $ triton<br />

y régnoit, étayé de la protéûion'de Parius : mais<br />

«'étant fournis, plutôt <strong>par</strong> la volonté des citoyens que<br />

fu là fienne-i ©a le "jugea indigne <strong>du</strong> trôifc \ & il fut<br />

D vj


$4 LIBER IF. CAP. L<br />

regno vifus indignus ; Heph&ftioriique permijjum,<br />

ut quem eo faftigio è fidomis dignifiimum arbi*<br />

traretur conftitueret regem. Erant Hevhafliord<br />

hofpitês clari inter fuos juvenes ; qui, ja&â ïpjîs<br />

potejiate regnandi , mgaverunt quemquam patrla<br />

mort in idfaftigium rtcipi, nifi regid ftirpe orttun*<br />

Admiratus Hepkaftio magnitudinem animi 9 fpermentis<br />

quod aiii ptr ignés ferrumque peterem ;<br />

Vos quidem maôi Tirtute, mquit, eftote, qui<br />

Erimi intellexiitis 9 quanto majiis effet regnunt<br />

iftidire quam accipere. Ceterum , date aliquem<br />

régi»- ftirpis , qui memieerit à vobis<br />

acceptum habere fe regnum. At iiii quum mut-<br />

$os imminere tanw fpei cernèrent, fingulis ami-*<br />

corum Alexandri , ob nimiam regni cupiditatem %<br />

a<strong>du</strong>lantes, flatuunt mminem effe potiorem quam<br />

'Abdolomitmm quemdam , hngâ quidem cognationt<br />

fiirpi regia adnexum » fed oh • mopiam fuburba**<br />

num hortum exiguâ colentem ftipe* Caufa « pau*<br />

pertatis, -fient phrifque, probitas erat ; inuntuf<br />

que operi diurno, firepitum armorum qui totam<br />

Afiam concujferat non exaudiebat.<br />

4. Subito deinde , de quibus ante diUum efl f cum<br />

tegia vefiis infignïbus hortum intrant, quem forte<br />

fieriks herbas eligens Abdolominus repurgabat. Tune<br />

rege co falutato,^ ulter ex bis, Habitus. , inquit t<br />

hic , -.quem cemis in meis manibus , cum i$o,<br />

{qualore permutan<strong>du</strong>s tibi eft. Ablue corpus illu*<br />

vie setemifque fordibus, fquali<strong>du</strong>m : cape regk<br />

animum , & m eam fortunam, quâ dignus esp •<br />

'ïftam continentoam profer; '& quum in regali<br />

foHo refidebis , vitae necifque omnium .civium*<br />

dominus, cave, oblivifcaris hujus ftatûs in quo<br />

•acdpls regnum ^ imo Hercule ? propter quem*


fiéprofs à Hé'phtftipn,. de- déférer la couronne k celui<br />

d'entre les fydpniens qu'il croirait le plus cligne de<br />

ce rang- fuprême. Héphefliqn avoit de jeunes hôtes<br />

diflingués <strong>par</strong>mi leurs compatriotes ; le fceptre leur<br />

ayant été offert, ils alléguèrent que, feîon les ulàges<br />

<strong>du</strong> pays, perfonne ne pouvoit être élevé à cette fou-<br />

•eraine puuTance, s'il n'étoit <strong>du</strong> fang royal. Hépheftïon<br />

admirant cette grandeur d'ame « qui'dédaignait ce-que<br />

les autres çoîuimroieutà traders le fer & tes ôammes ;<br />

Croiffe\_ m, gloire $t m vertu* leur 'dfcil, vous qui les<br />

premiers; ave\finû combien, ilefi plus grand -de refufer um,<br />

royaume que.de l'accepter* Au Jhrplus f préfin£e{ quelqu'un<br />

de la famille myale, qui.puiffe Je fouvenir-, quand il fera<br />

roi t que c*eft à vous qu'il en a l'obligation. Eux voyant<br />

un grand nombre de prétendants , qui, <strong>par</strong> l'envie<br />

exceflive qu'ils avoient de régner, fefoient fervilement '<br />

leur cour à chacun des favoris d'Alexandre, déclarent<br />

que perfonne''n'eft plus-digne <strong>du</strong> trône qu'un certain*<br />

Abdoî#mine, qui tenoit véritablement quoique de loin' ty<br />

la Maifon. royale, mais que la pauvreté forçoit de cùltp-*-<br />

•er pour un .modique falair-e un, jardin près -,de la, v^ë.<br />

Sa pauvreté f comme -celle de bien d'autres, venoit de fa '<br />

probité -, & occupé de fon travail journalier, il ne fefoit<br />

aucune attention au bruit des armes qui avoit ébranlé<br />

toute l'Aûe.<br />

4. Bientôt après, les jeunes gens dont ©n a_ <strong>par</strong>lé,<br />

entrent dans îe jardin avec les ornements royâum, Ans<br />

le temps qu'Abdolomine étoit occupé à farcier, les.<br />

mauvaises herbes. D'abord ils'le faluent connais, roif,<br />

puis l'un deux prenant la-<strong>par</strong>ole >'Il vous faut mewçt^<br />

lui dit-il » l'habit que vous voye\ dans mes mains, aie<br />

lieu de ces faks haillons. Nettoye\ votre corps de la '<br />

crajfe & des or<strong>du</strong>res dont il efl couvert depuis long temps : '<br />

prenez un emur de roi, & poru\ votre modération accèu*» l<br />

tumée jufques fur le tronc, dont vous êtes digne $ &-quând %<br />

fous y fert\' ajjis t fouv train arbitre de la vie & de la\<br />

mort de tous les citoyens, gardez-vous d'oublier'- Péta* \<br />

dam lequel 1 f ou plutôt t en eosfide'mthn, <strong>du</strong>quel en voua*


M * LIBER 1V. CâP. 1.<br />

Somme -fimïïh res Abdobmmo vïdibatur ; ïnter*<br />

dam, faûfne fani effhnt, qui tam ' protcrvè fbl<br />

ittuderent, percontàbatur. Sed M cunBanti fquar<br />

lor ablutus eft, & injeBa veftis purpura auroque<br />

diftinBa , & fides à jurantibus faBa ; Jerio jam<br />

rex % iïfdem. wmitantibus in regiam pervenit. Fama<br />

9 uttfeki, ftnsnui tmâ urbe difcwris : aliommftudïmm<br />

»'. aliorum indignatio-emitiebat ; - dhijfr*<br />

-mus quifque humilimtewtqut imopïûmqm -ejus apud<br />

amïcos Ahxandri criminàbatur*' Admkti eum rex<br />

promus- juffit '; t diuque contemplatus , Corporis ?'<br />

inquit, haMtus famae' génois " non répugnât J<br />

fed lïfcet fcire inopiam quâ patientiâ tiueris ?<br />

Tum ille 3 Urîîîam* inquit, eodem anîmo regfiym<br />

pati poffim ! H» manus fuffecêre défi-<br />

4$no, ïi^eo ; . nihil habenti . nihil.- defiiit. Ma**<br />

gna indoVu • fpecimen ex ' hoc fermom.. Abdolo**<br />

•mini-.cêpi£-.: -itaque 9 non -.Stratoms mode regiam<br />

fiipitieëikm attnbui eijuffit 3


'LIVRE IV. CHAP. 7. îf<br />

'àdami ia royauté. Il fembloit à Abdolomine que c'était<br />

lin fonge ; & de temps en temps il leur demandoit s'ils<br />

étoient bien dans leur bon fens, d'ofer ainfi fe mo^<br />

quer de lui. Mais lorfque, nonobftant fes délais $ on<br />

l'eut nettoyé, qu'on lui eut jeté fur les épaules une<br />

robe îiffue d'or & de pourpre , & qu'on l'eut perfuadé<br />

à force de ferments ; voyant enfin qu'il étoit roi tout de<br />

bon, il fe rendit au palais avec eux. Le bruit, comme<br />

c'eft l'ordinaire, en courut bientôt <strong>par</strong> toute la ville :<br />

les uns en témoignoient de îa joie, les autres <strong>du</strong> mécontentement<br />

; il n'y eut'pas un citoyen riche qui ne<br />

cenfurât, auprès des favoris d'Alexandre, la bafleffe de<br />

fon état & fa pauvreté,-11 le fit venir aufliîot ; •& après<br />

•l'avoir long temps confidéré, Votre airt lui dit-il, ne dé*<br />

ment point ce qu'on dit de votre naijjance; mais je vou»<br />

4rois /avoir avec quelle patience vous ave\ fupportê la,<br />

misère ? Fajftnt les dieux s répondit-iî, que je puifft porter<br />

le feeptre avec autant de courage ! Ces mains ont fubvenu%à<br />

tous mes défirs ; tant que je n'ai rien tu, rien ne<br />

m'a manqué» Ce mot d'Abdolomine donna au roi une<br />

grande idée dé fon caraôère: auffi le fit-il mettre en<br />

pofleflîon, non feulement <strong>du</strong> mobilier ' royal de Straton,<br />

mais encore de plufieurs chofes <strong>du</strong> butin fait fur<br />

les perfes; il ajouta même, à fon état une contrée voifine<br />

de la ville. • .-<br />

5. Cependant cet Amyntas f que nous avons dit<br />

avoir abandonné Alexandre pour les perfes, arriva"en<br />

fuyant à Tripoli, accompagné de quatre-mille grecs ,<br />

qui favoîent conftamment fuîvi depuis le champ de<br />

bataille* De là, il embarqua fes gens '& pafla en Chypre<br />

: & comme il imaginoit que, dans l'état aéluel. des<br />

chofes y tout ap<strong>par</strong>tiendroit au premier occupant s<br />

comme <strong>par</strong> droit de pofleflîon ; également ennemi des<br />

deux rois, & fe réglant toujours fur les variations<br />

incertaines des circonftances , il réfolut d'aller^ ea<br />

Egypte. Et pour infpirer à fes foldats l'efpoir <strong>du</strong> fucçès<br />

de cette grande entreprife, il leur repréfente que Sa-*<br />

bac'e, gouverneur d'Egypte, a été tué dans la dernière.


88 'LIBER IF. CAP. L<br />

farum prœfidmm & fine <strong>du</strong>ce effe % & hwali<strong>du</strong>m /<br />

mgyptios 9 femper prouorïbus eorum infenfos, pro<br />

fociis ipfos, non pro hofllbus, œjlimaturos. Dmnia<br />

experin neceffîtas cogebat ; quippe 'quum 'primas<br />

fpes 'fortuna deftituit , futur a pmfentibus<br />

videnîur effe poûora : ighur condamant, <strong>du</strong>ceret<br />

qko videretur, Atque Me uten<strong>du</strong>m animis, <strong>du</strong>m<br />

fpe calèrent, ratus 9 ad Pelufii oflium pénétrât ,<br />

fimulans à Dario fe effe pmmiffhm : potkus erfp<br />

Pelufii , Memphm copias promovit ; ad cujus<br />

famam agyptii , vana gens & novandis quant<br />

gerendis apûor rébus , ex fuis quifque vtcis<br />

urbibufque ad hoc ipfum concurrent , ad delenda<br />

pmfidia perfarum, qui, territi, tamen fpem obtinendi<br />

Mgyptum non anùferunt. Sed eos , AmyntaSy.pralio<br />

fuperatos, in urbem compeUU ; caf<br />

trifque pofitis , viBores ad populandos agros edàxit<br />

; ac , velut in medio pofitis omnibus hoftium><br />

cunBa agebantur» ltaqut Ma^aces, quamquam<br />

infelici pmlio fwrum animas terrims effe<br />

tognoverat , tamen palantes & viBoria fi<strong>du</strong>ciâ<br />

incautos oftentans, perpulit ne <strong>du</strong>bitarent ex urbe<br />

erumpere & res amijfas recuperare, Id confilîum<br />

non raùont prudentius quam eventu feliciUs fuit :<br />

ad unum omnes cum ipfo <strong>du</strong>ce occifi funt* Mas<br />

pornos Amyntas utrique régi dédit 3 nihilo magis<br />

ei ad quem, transfugerat .p<strong>du</strong>s , quam ifli quem<br />

'defemerat. '<br />

6. Darii frottons. qui prèlio ' apud Iffbn fit»<br />

ferfuerant , cum omni manu qua fugientes fe+<br />

fuuta_ irai,. ajfumtd xtiam cappadocum & papota*.


LIVRE IF. CMAP. 1. 9$<br />

bataille ; que la garnifon des perfes eïl foibîe & fans<br />

chef » que les égyptiens, toujours indifpofés contre leurs<br />

gouverneurs, verront les grecs, non comme des ennemis<br />

f mais comme des alliés. La néceffité les forçoit de<br />

tout tenter ; car iorfque les premières efpérances ont<br />

été renverfées <strong>par</strong> la fortune, on préfume aifément<br />

d'un avenir plus heureux : ils s'écrient donc unanimement,<br />

qu'il les mène où il voudra. Auflkôt, jugeant<br />

qu'il falloît mettre à profit cette chaleur que l'efpérance<br />

avoit fait naître 9 ïî entre dans le port de Pélufe, feignant<br />

que Darius l'avoît envoyé en avant ; s'étant ainfi<br />

em<strong>par</strong>é de cette ville, il mène fes troupes à Memphis ;<br />

fur cette nouvelle f les égyptiens, peuple léger & plus<br />

propre à donner dans les nouveautés qu'à fuivre leurs<br />

entreprifes, fortent en foule de leurs villes & de leurs .<br />

bourgades f comme de concert, pour maffacrer les garnirons<br />

des perfes, qui, malgré leur première terreur»<br />

ne perdirent pas l'efpérance de conferver l'Egypte. Mais<br />

Àmyntas, les ayant défaits dans un combat, les chaffa<br />

jufqu'à îa ville: puis après ayoir établi fon camp, il ea<br />

laifla fortir fes foldats victorieux pour fourager les<br />

campagnes ; &. tout fe paflbit, comme fi les ennemis<br />

avoient laiifé tout à l'abandon. Sur cela Mazacès 9<br />

quelque effrayés qu'il vît encore (es gens <strong>du</strong> mauvais<br />

fuccès de leur combat, leur fit fi bien voir le défordre<br />

des ennemis & l'imprudente fécurité où les avoit jetés<br />

la confiance de îa viâoire f qu'il les détermina enfin à<br />

faire une fortie & à reprendre ce qu'ils avoient per<strong>du</strong>.<br />

Cette réfolution fut aulR heureufe <strong>par</strong> l'événement que<br />

le projet, en étoit fage : les ennemis avec leur chef<br />

périrent tous fans en excepte? un feuL C'eft ainfi que<br />

les deux rois furent vengés d'Àmyntas, auffi peu fidèle<br />

à l'un à qui il s'étoit ren<strong>du</strong> s qu'à l'autre qu'il avoit<br />

abandonné.<br />

6. Les Satrapes de Darius qui étoîtnt reftés de la •<br />

bataille d'Iffe, ayant raffemblé tout ce qui les avait<br />

fuivis dans leur fuite, & enrôlé en outre la Jeuneffe<br />

4e Cappadoce & de Paphlagonie, penfoient à re-


$o LIBER IF. CAP. IL<br />

gonum Juventute , Lydiam rêcuperare ientaiaM<br />

Anûgonus , prator Alexandrie Lydia pmerat :<br />

qui, quanquam pkrofque mïlitum ex prœfi<strong>du</strong>s ai<br />

regem dimiferaê , îamtn , barbaris fpretis , "m<br />

aciem fuos e<strong>du</strong>xiu Eadem Mie quoque fortmm<br />

<strong>par</strong>îium fuit ; tiens praliis aliâ atque alm regione<br />

commijfis, perfa fun<strong>du</strong>ntun Eodem tempore<br />

clajjis macedonum ex Gracia accita, Arifîomt*<br />

rien, qui ad Mettefponti oram recuptrandam à<br />

Dario erat ndjjus, capth ejus aut merfis navir<br />

bus, fiiperat. A mïïefiis deinde Phamabaçus,<br />

prafeBus perficm clajjis, pecuniâ exaËâ , & prar<br />

fidio in urbem Chium in'tro<strong>du</strong>ilo , centum nav'éus<br />

Andrum & inde Siphnum petit ; eas quoque h»<br />

fidas prafidiis occupât 9 pecuniâ multaL Magmta*<br />

do belli, quod ah opulentijjimis Europa Afiaqut<br />

regibus, in Jpem wtms orbis occupandi , ' gerebatur,<br />

Gracia quoque & Creta arma commoverai.<br />

Agis , hcedamotâorum rex, oêb mittibus grâcemm<br />

qui ex Cilicid profagi domos repetierant corn<br />

traftis9 bellum Antipatro, Macedonia prafeBo 9<br />

moiiebatur : cretenfes 9 has aut Ulas <strong>par</strong>tes fequuti,<br />

nunc f<strong>par</strong>tanorum 9 mm macedonum prajt<strong>du</strong>s oc»<br />

cupabantur, Sed ieviora inter alios fuêre difcrimina;<br />

unum certamen 9 ex quo cetera pendebamt<br />

intutnte Fortund*<br />

II. Jam tota Syria , jam Phmmce quoqut ,<br />

excepta Tyro, macedonum erant ; habebatqm rex<br />

caftra in contimnû , à quo urbem anguftum fie»<br />

tum dirimit. Tyrus, & claritate & magnitudme<br />

ante omnts urbes Syria Phœnicefque memoraètlis,<br />

facilius focietatem Alexandri acceptura vide*<br />

batur quam imperium, Çoronam igkur auream<br />

kgad donum ajferebam 9 commeatufque krgè &


LIVRE IV. CM A p. IL 91<br />

"Conquérir la Lydie. Antigène, lieutenant d'Alexandre f<br />

mm éîoit gouyerneur : quoiqu'il eût envoyé au roi des<br />

détachements confidérables tirés de Ces garnifons f il ne<br />

laifla pas, <strong>par</strong> mépris pour les barbares, de faire for tir<br />

îe refte en bataille. Les deux <strong>par</strong>tis eurent encore ici<br />

la même fortune ; les perfes furent battus dans trois<br />

combats , donnés en différents lieux. Dans le même<br />

temps la flotte macédonienne, que Ton faifoit venir de<br />

Grèce, rencontra Ariftomènes , que Darius avoir, envoyé<br />

peur reprendre la côte de l'Hellefpont f le délit,<br />

& prit ou coula à fond tous Ces vaifleaux. D'un autre<br />

coté f Pharnabaze f amiral des perfes f après avoir exigé<br />

une contribution des miléfiens, & mis une garnifon<br />

dans la ville de Chio f cingla avec cent voiles vers les<br />

îles d'Andros & de Siphne; il y mit auffi des garnifons t<br />

de en tira de l'argent" à titre d'amende.Cette grande guerre,<br />

que fe fefoient, pour l'empire de l'univers, les deux<br />

plus puiflants rois de l'Europe & de l'Afie f avoit auffi<br />

fait prendre les armts dans la Grèce & en Crète. Agis 9<br />

roi de Lacédémone s ayant affentbié huit-mille des grecs<br />

qui s'étoient retirés ches eux après la défaite de CIlicie<br />

f fefeit îa guerre à Antipater, gouverneur de<br />

Macédoine : la Crète, tantôt d'un <strong>par</strong>ti, tantôt de l'autre<br />

| étoit fucceflivement occupée <strong>par</strong> des garnifons de<br />

f<strong>par</strong>tiates ou de macédoniens. Mais ces différends entre<br />

d'autres que les deux rois étoient de petite confé*<br />

quence ; la Fortune n'ayant les ieux fixés que fur une<br />

querelle unique, d'où dépendoieet toutes les autres,<br />

//• Déjà toute la Syrie , déjà la Phénicie s à la réferve<br />

de Tyr, étoient au pouvoir des macédoniens ; &<br />

le roi étoit campé fur le continent f dont la ville n'eft<br />

fé<strong>par</strong>ée que <strong>par</strong> un petit bras de mer. Tyry la plus<br />

renommée & la plus grande de toutes les villes de la<br />

Syrie & de la. Phénicie ? <strong>par</strong>oiffoït plus difpofée à- accepter<br />

l'alliance d'Alexandre qu'à fe foumettre à fon<br />

empire. En conséquence les ambaffadeurs de cette ville<br />

lui apportèrent une couronne d'or, & lui amenèrent<br />

avecl'empreflement de HipCpitalité des rafraichiffements


ci LIBER IF. CAP. IL<br />

hofpitditer tx oppidû ad<strong>du</strong>xerant. Ilie dona ~9 ui<br />

ab amkis, accipi jufpt ; benignèque legatos aUoquutus<br />

, Merculi , quem pmcipuè tyrii calèrent ,<br />

facrificare velle fe dixit : macedomim reges cre~<br />

dere ab ilh deô ipfos genus <strong>du</strong>cere ; fe vero ut<br />

id facertt etiam oraculo monitum* Legati refpondent,<br />

effe templum Herculis extra urbem 9 m<br />

eam fedem quant Palaetyram ipfi votant ; ibi regem<br />

deo facrum rite JaBurum. Non tentât iram<br />

Alexander, cujus alioqum potens non trot, Itaque,<br />

. Vos quidem , inquit, fi<strong>du</strong>ciâ loci, quod<br />

infiilam incolitis , pedeftrem hune exercitum<br />

fpemitis : fed brevi oftendam In continent! YOS<br />

elle ; proinde fciatls licet , aùt intratoram me<br />

urbem , aut oppugnaturam. Cum hoc refponfo<br />

dimijfbs <strong>mont</strong>re amici caperunt, ut regem 9 quem<br />

Syria, quem Phœnice recepijfet B ipfi quoque urbem<br />

intrare paterentur. At illi, loco jatis fifi , obfi-m<br />

d'wnem ferre dtereverunt.<br />

8. Namque urbem à contînend quatuor fiadia^<br />

mm fretum dividit , Africo maxime objeBum ,<br />

crebros ex alto fluBus in litus ev&lvens* Nec ,<br />

accipiendo operi quo macedones continenti infulam<br />

jungere <strong>par</strong>abant, quidquam magu quam ilie ventus<br />

obftabat. Quippt vix km & tranquilh mari<br />

moles agi pojfunt ; Afikus vero prima qugqm<br />

congefia pulfu Ulifa mari fubmit : me idh tam<br />

firma moles eft s quam non exedamt undœ per<br />

nexus operum mariantes 9 & , ubi acrior ftatus<br />

exfiitit, fummi operis faftigio fuperfufœ. Pmttr<br />

hanc dijficultatem, haud minor alia eraL Muros*<br />

Uirrefque urbis prmaltum mare ambitbat : non wr*


LIVRE 1K CMAP. IL 9$<br />

~«n abondance. 11 ordonna qu'on reçût ces préfents 9<br />

comme offerts <strong>par</strong> des amis; & traitant les ambaffa*<br />

«leurs avec bonté, il leur dit9 qu'il voulok faire un<br />

facrifice à Hercule $ le principal dieu des tyriens : que<br />

les rois de Macédoine croyoient defcendre de ce dieu ;<br />

Se que bailleurs c'étoit un oracle qui le lui avoit<br />

ordonné. Les ambaffadeurs lui répondirent y qu'il y<br />

avoit hors de leur ville un temple d'Hercule, fur remplacement<br />

qu'ils appelloient eux-mêmes l'ancienne Tyr%<br />

& que le roi pourroit y facrifier avec les cérémonies<br />

fequifes. Alexandre ne put retenir fa colère f dont il<br />

n'étoit pas d'ailleurs affez maître. Je vois, leur dit-il<br />

donc » que <strong>par</strong> confi*nce*dans voue fitu&tion $ <strong>par</strong>ce que<br />

vous habite\ une île , vous faites peu de cm de mon armée<br />

de terre i eh bien s je vous ferai voir que vous êtes en terre<br />

ferme ; & facke\ en cmfêquenct, eu que j'entrerai de gré<br />

dans votre ville, ou que je la détruirai» Ils furent congédiés<br />

avec cette réponfë; & leurs amis leur concilièrent<br />

d'ouvrir auffi leurs portes à un roi, que la Syrie<br />

& la Phénicie avôient reçu. Mais les tyriens, fe croyant<br />

affez forts <strong>par</strong> leur pofîtion, réfolurenî de foutenit<br />

le fiège.<br />

• 8. En effet leur ville eft fé<strong>par</strong>ée <strong>du</strong> continent <strong>par</strong><br />

pn détroit de quatre âades f expofé furtout au vent<br />

<strong>du</strong> couchant, & fujet à des tourmentes qui pouffent<br />

fréquemment des <strong>mont</strong>agnes de flots contre le rivage.<br />

Rien n'étoit plus contraire que ce vent à l'exécution<br />

<strong>du</strong> projet qu'avoient les macédoniens, de joindre l'île<br />

a la terre ferme. Car à peine eft-ii poffibîe d'élever<br />

des digues dans une mer paifible & tranquille ; & le vent<br />

<strong>du</strong> couchant, ébranlant les premiers matériaux qu'on<br />

a enîaffés, les a bientôt renverfés dans la mer : en un<br />

mot il n'y a point de chauffée fi forte, que les eaux ne<br />

minent en paffant entre les jointures, & même en<br />

s'èlevant <strong>par</strong> deffus tout l'ouvrage quand le vent eft<br />

plus fort. A cette difficulté s'en joignoit une autre non<br />

moins grande. Une mer très-profonde baignoit les murs<br />

& lu tours de la' ville; QU ne pouvait faire jouer les


•$4 L I B E R IF. C A P . I L<br />

menta, nifi t navibus procul excuffa , emhû }<br />

mon fcalœ, mmiibus applkari , paieront : praceps<br />

in falum murus pedefire interceperat iter : naves<br />

mec habebat rex ; & 9 fi admoviffet , pendent®<br />

& infiabiies mijjilibus arceri poterant* Inter qua<br />

<strong>par</strong>va diBu res tyfwrum fi<strong>du</strong>ciam accendit. Carthaguunfium<br />

legati ad cekbran<strong>du</strong>m anniverfarium<br />

facrum more patrio tune vénérant ; quippe Carthagmem<br />

tyrii condiderunt, femper <strong>par</strong>enmm bm<br />

aâtu Hortari ergû pœni cœperunt, ut obfidmnem<br />

fini animo paterentur ; brevi Carthagme auxii'm<br />

ventura : namque eâ tempejiate magna ex <strong>par</strong>a<br />

punkis clajfibus maria obfidebantur*<br />

9. Igitur bello décréta _9 per mur&s turrefqm<br />

tormenta difponunt ; arma junioribus divi<strong>du</strong>nt;<br />

. opificefque 9 quorum copia urbs abundabat , in<br />

officinal difiréuunt : omnia belB ap<strong>par</strong>atu ftrtpunt*<br />

Ferreœ. quoque manus (Harpagoeas vocant)f<br />

quas operibus hoft'wm mjicerent, corviqut > &<br />

îdia menais urbibus excogitata , pm<strong>par</strong>abanmr.<br />

Sed quum fornacibus ferrum quod excudi oporte»<br />

bat impofimm effet, admotifque follîbus ignem<br />

fiaiu accenderent , fanguinis rivi fié ipfis fiant»<br />

mis exfiitiffi dicuntur ; idque omen in macedonum<br />

metum verterunt tyr'u* Apud macedpnas quoque f<br />

quum forte panem -quidam militum frangeret9 ma*<br />

nantis fanguinis guttas mtaverunt : territoque regt,<br />

Ariflander9 peritiffimms vatum, refpondit, fi ex*<br />

trinfecàs cruor ftuxiffet , maced&nibus id trifie<br />

futurum ; contra, quum ab interbre <strong>par</strong>te mana*<br />

verit, urbi quant obfidere deftinajjent exïûum<br />

portendere* Alexander , quum & clajfcm procul


LIVRE IF. CMAF. IL 9^<br />

,a \ï*îteriês f que de loin, fur des vaiffeaux ; & Il n'étoit<br />

pas pôflîble de planter des échelles. Le mur, pouffé tu<br />

«aiut jufques dans la mer, n'avoit rien laiffé où Ton pût<br />

«mettre le pied: îe roi d'ailleurs n'avoit point de vaif-<br />

£eaux; & s'il en fefoit approcher, toujours mal affuréf<br />

fie en mouvement, il étoiî aifé de les écarter â coup<br />

«le traits. Au milieu de toutes ces confédérations, une<br />

bagatelle mit le comble à la confiance des tyriens, Des<br />

«svoyés de Cannage étoient arrivés pour faire, félon<br />

le rit de leurs pères, un facrifice qu'ils renouveloient<br />

tous les ans; car ce font les tyriens qui ont fondé<br />

Carthâge , & cette ville Its a toujours honorés comme<br />

€es pères. Les carthaginois les exhortèrent donc à foutenir<br />

courageufement le fiège; ils leur promirent un<br />

prompt fecoursde leur <strong>par</strong>t: cardans ce temps-là la mer<br />

n'étoit prefque couverte que de flottes carthaginoifes.<br />

9. Etant donc réfolus à la guerre, ils rangent les<br />

machines fur leurs murailles & fur leurs tours; ils difr<br />

tribuent les armes aux jeunes gens; & ré<strong>par</strong>tiffent dans<br />

les atteiiers les ouvriers f qui étoient en grand nombre<br />

dans la ville: tout retentit des pré<strong>par</strong>atifs de la guerre.<br />

On fabriquoit auffi des mains de fer, qu'ils appellent<br />

Harpoms, pour les lancer fur les ouvrages des ennemis ê<br />

des crocs , & autres femblables Inflruments imaginés<br />

pour la défenfe des villes. Mais quand on eut mis dans<br />

les forges le fer qu'il falloit travailler, & qu'on eut mis<br />

les foufflets en mouvement pour allumer le feu, on<br />

prétend que fous les flammes mêmes on vit couler des<br />

ruifleaux de fang; ce que les tyriens regardèrent comme<br />

un préfage redoutable pour les macédoniens. Pa*<br />

reïllement <strong>du</strong> côté des macédoniens » un foldat venant<br />

à rompre fon pain, on en vit fortîr quelques goûtes<br />

de fang : le roi en étant effrayé, Ariftandre, le plus<br />

habile des devins, fit entendre, que, fi le fang fût venu<br />

<strong>du</strong> dehors fur ce pain f c'eût été un trille préfage<br />

pour les macédoniens ; mais qu'au contraire, étant fortï<br />

de l'intérieur, il annoriçoit îa ruine de la ville qu'on<br />

alloit afliéger, Alexandre, ayant fa flotte loin de là.


# ZIBER IF. CAP. IL<br />

haberet 9 & hngam obfidionem magno fibl ai te*<br />

fera impedimento videreî fore ; ca<strong>du</strong>ceaiores, qui<br />

od pacem eos compellerent, mifit: quos tyriï , cour<br />

ira jus gentium occifos, pmciphaverunt m akum.<br />

Atque me, fuorum tam indigna nece commutas 9<br />

urbem objîdere flattât. Sed mite jacienda moles<br />

trot, qum urbem continent* committeret : ingern<br />

ergo anïmos militum defperatm . inceffit , cernen*<br />

tium profim<strong>du</strong>m mare3 quod vix divmâ ope poffet.<br />

impleri ; qum faxa tam vafta, quos tam proce*<br />

ras arbores pojfe reperiri ? exhauriendas. ejfe re~<br />

giones , utïïlud fpatium aggeraretur ; ! & exa,fluorc<br />

Jemper fretum ; quéque arBiùs volutetur inttr in~<br />

fulam & conti^entem , hoc acrius furere* At Me 9<br />

haud quaquam _ rudis traElandi mUitares animas ,<br />

fpeciem fibi Mercuiis infomno oblatam ejfe promut-<br />

€iat, dextram porrigentis ; illo <strong>du</strong>ce , iUo aperknte,<br />

in urbem intrare fi vifum : inter hmc , ca<strong>du</strong>ceaiores<br />

interfeBos , gentium jura violata , referebat ; unam<br />

tjfe urbem qum curjum viBoris morari au/a effet.<br />

'Ducibus deinde nègotium datur\9 ut fuos quifqm<br />

cafliget : fatifque omnibus ftimulatis , opus orfus<br />

efl. Magna vis faxorum ad manum erat 9 Tyro<br />

vetere pmbmte ; materies ex Lihano <strong>mont</strong>e raû*><br />

bus & mrribus faciendis vehebatur.<br />

ICV Jamque à fundo' maris in altitudinem<br />

<strong>mont</strong>h opus excreverat 3 non<strong>du</strong>m tamen aqum<br />

faflïgmm aquabat; &, qm longiès moles ageèatur<br />

à litore, hoc magis quidquid ihgerebatur<br />

prmaltum abforbebat mare : quum tyrii , <strong>par</strong>vis<br />

navigûs admotis-, per ludibrium exprobrabant,<br />

illosj armis incfytos, dorfo ficut jumenta onera<br />

gtflore ; interrogabant etiam, num major Neptuno<br />

effet Akxanden Bac ipfa infeBatio alacritatem


LèVRE IV. CHAP. IL 97<br />

. 8c voyant qu'un long fîège mettroit un grand obftacie<br />

à fes autres projets, envoya des hérauts aux tyriens,<br />

pour les engager à la paix; mais ils les tuèrent contre<br />

le droit des gens, & les précipitèrent dans îa mer. Le<br />

roi, outré de l'indigne traitement fait à fes envoyés,<br />

réfolùt d'entreprendre îe 'liège. Mais il falloit au<strong>par</strong>avant<br />

cohftruire une digue, qui joignit îa ville au continent<br />

: ce qui jeta un affreuse défefpoïr dans tous le*<br />

coeurs, à la vue d'une mer î\ profonde, que îa toutepuiffanee<br />

divine'elle-même pourroit à peine îa combler<br />

; où trouveroit-oa pour cela d'aflez groffes pierres,<br />

d'aflez grands arbres ? il faudroit épuifer des provinces,<br />

pour combler cet abîme; d'ailleurs cette mer, toujours<br />

en tourmente, 'étoit d'autant' plus" furieufe f qu'elle<br />

étoit plus refferrée entre* 111e & le continent. Mais<br />

Alexandre, qui n'ignoroit pas Fart de manier Pefprit<br />

des foldats , leur déclare qu'Hercule lui a ap<strong>par</strong>u en<br />

longe-, lui tendant la maini & qu'il-lui a femblé que ce<br />

dieu le menoit dans îa ville, 6c lui en ouvroit les por- .<br />

tes : là-defliis il leur rappelle le maffacre de fes hérauts<br />

, la violation <strong>du</strong> droit des gens ; 8c leur représente<br />

que cette viHe eft îa feule qui ait ofé retarder<br />

le cours de fes victoires.' Il charge enfuite les capitaines<br />

de remettre, chacun de fon côté 9 îeurs foîdaîs<br />

'dans le devoir : 6c îorfque tous eurent été fuffifamment<br />

animés t il commença l'ouvrage. On avoit fous la main<br />

une grande abondance de pierres, dans les ruines de<br />

Fancienie Tyr ; 6c l'on amenoit <strong>du</strong> <strong>mont</strong> Liban le boic<br />

néceffaire pour couftruire des radeaux & des tours.<br />

IO. Déjà l'ouvrage s'èlevoit comme une <strong>mont</strong>agne<br />

au fond de la mer, fans être pourtant encore à fleur<br />

4'eau; & plus la digue s'éîoignoit <strong>du</strong> rivage , plus la<br />

profondeur de la mer abforboit les matériaux qu'on<br />

•y apportoit : alors les tyriens, s'avançant fur des efquifs<br />

j plaifantoient ces héros renommés <strong>par</strong> leurs faits<br />

d'armes, qui portoient des fardeaux fur leurs dos comme<br />

des bêtes de charge j ils leur demandoient suffi f s'ils<br />

croyoiest Alexandre plus grand que Neptune, Mais<br />

Tome L ~ E


98 LIBER IF. CAP. III.<br />

milïtum accendit. Jamque paululum moles aquam<br />

eminebat , & fimul aggeris laûtudo crefcebat urbique<br />

admovebatur; quum tyrii 9 magnitudime molh,<br />

cujus incrementum eos ante fefellerat, confpeBâ,<br />

levïbus navlgûs non<strong>du</strong>m commiffum opus circum-<br />

. ire cmperunt, mijjîlïbus eos qwoque qui pro ope'<br />

rt ftabant inceffere : multis ergo impuni vmne~<br />

•raiis, quum & rem&vere & apptllere fcapkas<br />

in expedito effet 9 ad curam femetipfos tuends<br />

ab opère converterant. Igitur rex munientibus<br />

coria velaque jujjit obtendi , ut extra teli i&um<br />

effent ; <strong>du</strong>afque turres ex capite molh erexit, è<br />

quitus m Jubeuntes fcapkas tela ingeri poffent.<br />

Contra, tyrii navigia procul a confpeBu hoflkim<br />

litori appellum , expofitifque militwus % eos qui<br />

faxa gefiabant obtruncant* In Libano quoque<br />

arabum agrefies , incompofitos mactdonas aggreffi\<br />

trigmta firè interficiunt, paucioribms captis*<br />

III. Ea res Alexandrum dividere copias coegit;<br />

& ne fegniter affdere uni urbi videretur , operi<br />

Perdiccam Craterumque pmfecil, ipfe cum expe~<br />

ditâ manu Arabiam petiiL huer h%c tyrii navem9<br />

magnkudine eximiâ , faxk aremque a puppi one*><br />

ratam -ita ut multum prora emineret, bitumine<br />

ac [ulphure illitam , remis concitaverunt ; & quum<br />

magnam vim verni vêla quoque concepiffem, et"<br />

leriter ad molem fuccefft : tune prora ejus acM<br />

'cenfa, rémiges defiliêre in fcapkas qum ad hoc<br />

ipfum pm<strong>par</strong>atœ fequebantur» Navis autem, igné<br />

'concepto, latiiis fuhdere incendium cœpit , quod9<br />

prias quam poffet occurri , turres & cetera opefa<br />

in capite molis pofita ' comprehtndh. At qui<br />

defiUermt in <strong>par</strong>va navigia , faces & quidqmd


LIVRE IF. CHAP. 111. 9.9<br />

foutes ces injures ne fervirent qu'à animer davantage<br />

les foldats. Déjà l'ouvrage <strong>par</strong>oiffoit un peu au deffus<br />

de l'eau 9 & la digue s'éîargiffoit & s'approchoit de<br />

la Tille; lorfque les tyriens, frappés de îa grandeur<br />

de fouvrage, dont ils n'avoient pas d'abord apperçu les<br />

progrès » fe mirent à l'invertir dans des efquifs avant que<br />

les liaifons en fuffent confolidées, $c à tirer fur les<br />

travailleurs : ainfi, pîufîeurs ayant été bleffés impunément<br />

, <strong>par</strong>ce que ces petites barques s'éloignoient &<br />

s'approchoient ayec facilité > ils quittèrent l'ouvrage<br />

pour fonger à fe défendre. Le roi lit donc tendre des<br />

•peaux & des voiles au devant des ouvriers, pour les<br />

garantir des traits ; & il fit élever, à la îête de l'ouvrage*<br />

deux tours d'où l'on pût tirer fur les barques qui approcheroient.<br />

D'un autre côté, les tyriens abordent au rivage<br />

loin de la vue des ennemis f & au moyen de quelques<br />

foldats qu'ils mettent a terre, ils taillent en pièces<br />

ceux qui portoient les pierres. Sur le Liban il y eut<br />

auffi des payfans arabes,• qui, ayant attaqué les macé- '<br />

doniens dans un moment de défordre f en tuèrent trente,<br />

& en firent quelques-uns prifonniers.<br />

III* Ce contre-temps força Alexandre de <strong>par</strong>tager<br />

fes troupes ; & pour éviter le reproche de perdre fon<br />

temps au liège d'une feule place, il remit la con<strong>du</strong>ite<br />

de Fouvrage à Perdkcas Jk à Cratère, & avec un camp<br />

volant il alla en perfonne vers l'Arabie. Cependant les<br />

tyriens prènent un vaiffeau d'une grandeur extraordinaire<br />

, le chargent à l'arrière de pierres & de fabîe de<br />

manière à élever beaucoup l'avant, l'en<strong>du</strong>ifent de bitume<br />

& de fouf&e, & le mettent en mouvement à force<br />

. de rames; dès que les vents eurent enflé les voiles<br />

avec force f il joignit bientôt la digue : alors les rameurs<br />

mirent le feu à la proue, & fe jetèrent dans les cha-<br />

. loupes qui fuivoient exprès pour cela. Le vaiffeau<br />

embrâfé commença à répandre au loin l'incendie, qui,<br />

avant qu'on pût y donner ordre, embrâfa les tours<br />

&. les autres ouvrages placés à la tête de la digue.<br />

' Dt teur côté les matelots qui s'étoien.t jetés dans, les<br />

Eij


IOO LIBER IK CAP. 11L<br />

slmdo igni aptum erat in tadtm opéra ingerunu<br />

Jamque non modo macedonum turres , fed etiam<br />

fumma tabulais conceperant ignem, quum il qui<br />

in mmhms eranî , <strong>par</strong>tim kaurirentur incendm ,<br />

<strong>par</strong>tim amas onùffis m mare femeûpfi immh~<br />

terent : ai tyrii , qui capere e&s quant inter-<br />

-ficert maUeni- , naianiium manm ftiphibus far<br />

xifque lacerabani, donec débilitait impuni navir<br />

giis txcipi voffint. Nec incendio fo'lum opéra<br />

cenfumta : fed fine eodem die vehementior verttus<br />

motum ex profundo mari Ulifit in molem ;<br />

- crebrifque fluBibus coupages operis verberatm fi<br />

laxavire 9 Jaxaque interluens unda médium opus<br />

rupit : promus igitur lapi<strong>du</strong>m cumulis qu'eus £njeBa<br />

terra fuflinebatur , pmceps in profimd/im<br />

mit; tanmque molis vix uUa ^efiigia inyttàt<br />

Arahm ndiens Akxamkr*<br />

la. Hîe , quoi in adverfis rébus filet fieri i<br />

alius in alium culpam refirebat ; quum. omnes<br />

venus de favitid maris queri poffent.'Rex novi<br />

•cperis molem or fus , in adverfum ventum , non<br />

latert 9 fed reëâ fronte direxk , quod cetera<br />

vpera, velut fub ipfi latentia , tuebatur ; lad'<br />

tudinem qmoque aggeri adjecit, ut turres in medm<br />

' ereBa procul tell jaBu abeffenu Totas autem<br />

arbores cum ingentibus ramis in alium jacitbant;<br />

deinde faxis onerabant ; rurfus curmâo eomm<br />

alias arbores mjiciebant; tum humus aggerebatur ;<br />

fuperqm slidjimefaxomm arborumque cumuhtd *


LIVRE IV. CHAP. III. roi<br />

dialoupes f lançoient fur ces ouvrages- des torches<br />

ardentes & tout ce qui pouvoit nourrir le feu. Et déjà<br />

il avoit gagné, non feulement jusqu'aux tours, mais<br />

même jufqu'aux <strong>par</strong>ties les plus èle¥ées des tours %<br />

lorfque des macédoniens qui y étoienî,les uns ayant<br />

déjà péri dans les flammes , les autres fe précipitèrent<br />

fans armes dans la mer : mais les- tyriens s qui aimoient<br />

mieux les faire prifonniers que de les tuer , fe fervoient<br />

de perches & de pierres pour leur eftropier les mains<br />

tandis qu'ils nageoient, afin de pouvoir, après les avoir<br />

mis hors de défenfe» les prendre fans rifque dans les<br />

chaloupes. Le feu ne contribua pas feul à la ruine<br />

des ouvrages: il arriva malheureufement ce même jour<br />

qu'une bourafque pouffa violemment les eaux de la mer '<br />

contre la digue ; ce qui fervoit à lier les <strong>par</strong>ties de l'ouvrage,<br />

à force d'être battu <strong>par</strong> les flots, fe relâcha<br />

entièrement s & l'eau, paffant à travers les pierres 9<br />

rompit la chauflKe <strong>par</strong> îe milieu : ainfi, ces monceaux<br />

êe pierres qui foutenoient la terre une fois renverfés s<br />

tout fut englouti dans la mer ; & Alexandre, à fon retour<br />

d'Arabie, retrouva à peine quelques veftiges d'une '<br />

mafle fi énorme,<br />

12. Alors, comme c'eft l'ordinaire dans les conjonctures<br />

facheufes , on s'en prenoit les uns aux autres ;<br />

tandis que tous pouvoïent avec plus de vérité ne fe<br />

plaindre que de la mer. Le roi fit travailler à une digue<br />

de nouvelle conftruftion, & il dirigea l'ouvrage,<br />

son en préfentant le côté au vent f mais en avançant<br />

directement & de front contre fon cours, le devant<br />

défendant ainfi les autres travaux quil couvroit; il donna<br />

aalTi plus de largeur à la chauffée , afin que les tours<br />

élevées au milieu fuflent hors de la portée <strong>du</strong> trait. On.<br />

jetoit donc dans la mer des arbres tout estiets .avec de<br />

grandes branches ; 00 les chargeoit enfuite de pierres ;<br />

§c fur ce. double lit on recommençait à jeter d'autres,<br />

suhres ; puis on entaflbit de la terre <strong>par</strong> deffus ; &<br />

l'amoncelant de même fur d'autres, lits de pierres &"<br />

d'arbres, on venoit à bout d'en faire comme un lien<br />

E iij


ïoi LIMER IF. CAP. 11L<br />

velut quodam nexu contiuens opus junxerœnt.<br />

Nec iyrii quidquid ad impedkndam molem ex»<br />

cogitari poterat fegnuer exfequebantur. Prœcipuum<br />

auxUium ttat , qui procul koftium conf<br />

peËu fûbîbant aquam, occultoque lapfu ad molem<br />

ufque penetrabant , falcibus palmites arborum<br />

tminentium ad fe trahentes ; qua, ubi fequutm<br />

trant, pleraque fecum m profim<strong>du</strong>m dabaM :<br />

mm levatos outre ftipites truncofque arborum<br />

haud agrè molkbantur ; demde totum opus 9<br />

qmd ftipit'éus fiierat mnbcum, fimdammm lapfi ,<br />

fequebaîun Mgro animi Alexandro , & uirum<br />

perfeverareî an abiret fatis incerto , claffis Cypro<br />

adveniî, eodemque tempore Ckander, cum grtz-<br />

€ts mUîûbus m Afiam nuper adveBus* Cemum<br />

& nonaginta navium claffèm m <strong>du</strong>o dividli cor*<br />

nua : Imvum Pnytagoras , rex cypriorum 9 cum<br />

Çratero iuebatur ; Akxandrum m dexêro qumque**<br />

remis régla vefubaL Nec tyrii, quanquam cUf<br />

ftm habebant % aufi navale inire certamn , tare*<br />

mes omnes ante ipfa marna oppofueruntf qmburex<br />

inveilus , ires demtrjké<br />

13. Poflerâ dît » claffc ad mmnîa admota i<br />

undique tormenùs & maxime arutum pulfu mmvs<br />

quatit : quos tyrii raptim obflntfUs faxis refect*<br />

wum , ïnterwrem quoque murum , m, fi pr'mr<br />

fefelliffiei , illo fe iuereniur', undique orJL Sei<br />

undique vis mali urgebat : moles intra teli jaihm<br />

€rai ; claffis • memia circumibat ; terreftri fond<br />

mavaliqut clade obruebaniur. Quippe binas qm*<br />

drlremes macedoms mer fe ita junxerant m pro*


LIVRE IF. CM A p. III. 103<br />


104 LIMER IF. CAP. 111<br />

m coharerent, puppes intervalle , quantum caJ<br />

père poterant, diftarent ; hocpuppium intervallum , '<br />

anîemûs ajferibufque vallais deligatis , fuperque'.<br />

ios ponûbus flratis qui militent fuftimrent , impleverant<br />

: fie inflruBas quadriremes ad urbem<br />

agebant ; inde miffilia in propugnantes ingerebantur<br />

tuto, quia proris miles tegebatur* Media nox<br />

trot , quum clajfem , ficuti diBum efl <strong>par</strong>atam,<br />

€ircumire muros jubet : jamque naves urbi undique<br />

admovebantur , & tyrii defperatione torpehaut<br />

; quum fubito fpifik nubes intendere fe cmlo<br />

, & quidquid lucis intemitebat effufd caliginc<br />

exftinêum eft. Tum inhorrefeens mare pauhtim levait;<br />

deinde, acriori vtnto concitatum , fluBus<br />

cïere & mter fe navigia cottiderc. Jamque fc'mdi<br />

cetperant vineuîa quibus connexm quadriremes erani p<br />

ruere tabulais, & cum ingenti fragore in profim-*<br />

âum feeum milites trahere. Neque enim conferta<br />

navigia ullâ ope m turbido régi poterant : miles<br />

mimfleria nautarum ', rémiges militis officia- tur*»<br />

babant ; & , quoi in hujufmodi caju accidit ,periti<br />

ignaris <strong>par</strong>ebant ; quippe gubernatores 9 alias<br />

imperare foliti, tum metu mortis juffa exfiquebantur.<br />

Tandem remis pertinaciès everberatum marie %<br />

veluti eripientibus navigia, ClàJJicis ceffit ; ap-_<br />

puifaque funt litori, lacerata pleraque*<br />

14. lifdem diebus fine carthaginenfium legaû<br />

trïginta fuperveniunt, majus obfijfis folatium quant<br />

auxilium ; quippe domeflico beuo pornos impediri%<br />

nec de imperio, fed pro faute , aimicare nunciabant<br />

: fyracufani tune Africam urgebant, & kaud<br />

procul Carthaginis mûris locavprant caftra* Nom ta*<br />

men dêfecêrt animis tyrii, quanquam ah ingenti fpe


LITRE IV. CMAF. III. ioç<br />

les proues fe touchoienf, & que U$ poupes étoient<br />

éloignées autant qu'il étoit poffîble ; ils a vol eut rempli<br />

c-et intervalle entre les poupes, d'antennes &de forte»<br />

pièces de bois liées enfemble , & des ponts <strong>par</strong> deffus<br />

pour y placer des foldats : ils pouffoieat vers la ville<br />

leurs galères ainfi équipées ; & de là on ttroit en fureté<br />

contre les affiégés, <strong>par</strong>ce que les proues cou-'<br />

croient les allégeants. .Le roi, vers minuit % ordonna<br />

à fa flatte, ainfi pré<strong>par</strong>ée, d'inveffir les murs : &déja<br />

les vaifleaux s'approchoient de toutes <strong>par</strong>ts de îa place,<br />

et les tyriens s'abandonnoient <strong>par</strong> défefpoir; lorfque tout<br />

à coup le ciel fe couvrit de nuages épais., & îe peu<br />

qui reftott encore de clarté s'éteignit dans une pro- •<br />

fonde obfcurité. La mer en agitation s'enfle peu à peu;<br />

puis les vents 9 devenus plus forts f foulèvent les flots<br />

& choquent les vaiffeaux les uns contre les autres. Les<br />

cables qui tenoient attachées les gaietés à quatre rangs<br />

fe rompent, les ponts font renverfés,. & avec un fracas<br />

épouvantable entraînent les hommes avec eux daas îa<br />

mer. Car dans ce défordre il n'étoit pas poffibîe de<br />

gouverner des vaiffeaux fi ferrés : le foîdat nuifoit aux<br />

fondions des matelots, les matelots à celles <strong>du</strong> foldat;<br />

& 9 comme il arrive en <strong>par</strong>eil cas f les habiles étoient<br />

à la difcrétion des ignorants ; les pilotes % accoutumés<br />

en d'autres temps à commander , exécutant alors <strong>par</strong><br />

la crainte de îa mort tout ce qu'on leur ordonnoit.<br />

Enfin la mer céda aux efforts opiniâtres des rameurs,<br />

qui fembloient lut arracher de force les vaiffeaux ; ils<br />

regagnèrent le rivage, mais la plu<strong>par</strong>t en mauvais état.<br />

14. Vers ce temps arrivèrent trente ambaflàdeurs<br />

. de Carthage,, plus pour confoler Tyr que pour la Recourir<br />

; car ils apportaient la nouvelle que les cartha- '<br />

ginois avoient eux-mêmes la guerre chez eux, & qu'ils<br />

avoieet à combattre, non pour l'empire, mais pour<br />

leur propre fûraté: les fyraeufains " harceloient alors<br />

l'Afrique y H ils s'étoient campés à- peu de diftance<br />

de Carthage. Les tyriens ne perdirent point courage,<br />

quoiqu'ils perdileat une griade efperaace : mais ils fi-<br />

. . E Y


io6 LIBER IV. CAP. 1IL<br />

defthuti erant : fed conjuges lïberofque devehendùM<br />

Çarthaginem tradiderunt ,* finies quidquid acci«*<br />

dent laturi, Ji cariffmam fui <strong>par</strong>iem extra cornmunis<br />

periculi forum habuiffenu Qmtmque umu<br />

è civibus concioni indicaffet 9 oblatam effe per<br />

fomnum fibi fpeciem Apollinis , quem eximm<br />

religione colerent, urbem deferentis, molemque à<br />

macêdonibus jaÛam in falo in Jïlveflrem faltum<br />

effe mutatam ; quanquam auBor levis trot, tamen<br />

ad détériora eredenda proni metu , aureâ catenâ<br />

dêvinxêre tJimulacrum , arœque Herculis, cujus<br />

mmini urbem dicaverant , inferuire vincubun ,<br />

quafi iUo deo ApoUinem retenturi Syracufis id<br />

fimulacrum devtxerant pœni, & in majore hca~<br />

verant patrîâ ; multifque aiiis fpoiiis mrbium à<br />

femet captarum non Çarthaginem magis quant<br />

Tyrum ornaverant.<br />

15. Sacrum quoque, quod quidem <strong>du</strong>s mimmi<br />

eordi effe. crediderim , multis fecuiis mtermiffum<br />

, repetenâi auBores quidam erant, ut ingenuus<br />

puer Saturno immolaretur : quod facrilegmm<br />

yerius quam facrum carthaginenfes , à conâttoribus<br />

traditum, ufque ad excidmm urbis fum fe~<br />

tiffe dkuntur ; ac niji feniores .obflitiffent, quorum<br />

conjilio cun&a agebantur, humanitatem dira<br />

fuperftkio viciffet. Ctterum , effcacior omrâ arte<br />

imminens neceffitas , non ufitata modo prafidia 9<br />

fed qumdam ttiam nova admonuk Namque ai<br />

impiicanda navigia qua muros fubïbant , vaSr<br />

dis afferibus corvos & ferreas manus cum uncis<br />

ac fakibus illigaverant, ut, quum tormento aff&<br />

res promoviffent, fubito laxatis Jùniius injkerentj


LIVRE IF. CHAP. III. 107<br />

rent pàfler leurs femmes & leurs enfans à Carthage ;<br />

dans îa vue de fupporter avec plus de fermeté tout ce<br />

qui pourroiî leur arriver, quand ils auroient dérobé au<br />

péril commue la plus chère <strong>par</strong>tie d'eux-mêmes. Un de<br />

leurs concitoyens ayant déclaré en pleine aflemblée,<br />

qu'il avoit vu en fonge Apollon, qu'ils révéroient <strong>par</strong>ticulièrement<br />

, abandonner leur ville, & la digue conftruite<br />

dans la mer <strong>par</strong> les macédoniens changée en un<br />

bois touffu ; quoique cette autorité ne fût pas bien<br />

grave, Sa crainte néanmoins leur fefant croire aifément<br />

les chofes les plus fâcheufes, ils lièrent la ftatue d'Apollon<br />

avec une chaîne d'or, & attachèrent cette chaîne<br />

à l'autel d'Hercule t fous la proteftion de qui ils avoienî<br />

mis leur ville, comme pour retenir l'un de ces dieux<br />

<strong>par</strong> l'autre. C'étaient les carthaginois qui avoient apporté<br />

cette ftatue de Syracufe, & qui l'avoient placée<br />

-dans leur mère patrie ; & ils avoient décoré Tyr, avec<br />

autant d'empreffement que Carthage même, de beaucoup<br />

d'autres dépouilles des villes qu'ils avoient prifes.<br />

if. Quelques-uns étaient aufli d'avis d'immoler à<br />

Saturne un enfant de condition libre 9 facrifke difcontinue*<br />

depuis plufieurs fiècles, & qui, à mon fens, ne devoit<br />

pas être fort agréable aux dieux : cette cérémonie,<br />

plus véritablement digne <strong>du</strong> nom de facrilège que de<br />

celui de facrifke, tranfmife aux carthaginois <strong>par</strong> leurs<br />

fondateurs s fe foutint, dit-on, <strong>par</strong>mi eux jufqu*à la<br />

deftruôîon de leur ville ; & fi les anciens, dont la fageffe<br />

f égloit toutes les affaires , ne s'y fuffent oppofés,<br />

cette cruelle fuperftition Veut emporté fur les droits de<br />

l'humanité. Au refêe, l'urgente néceffîtés>plus riche en<br />

reffources que tout l'art <strong>du</strong> monde t non contente des<br />

moyens de défenfe ordinaires, en fuggéra encore de<br />

nouveaux. Àîofi, pour incommoder les vaiffeaux qui<br />

venoient aux pieds des murailles} ils avoient attaché à<br />

de forts madriers des grapins & des harpons avec des<br />

crocs & des faulx, de manière qu'après avoir placé ces<br />

•madriers fur leurs machines , ils puffent, en lâchant<br />

tout à couples cordes,, les lancer avec violence; en<br />

E vj


i o 8 • L I B E R I V . C A P . I V .<br />

wtci quoque & falces ex ufdem afferîbus dépendent<br />

tes , aut propugnatons aut ipfa navigia lactrabant.<br />

Clypeos vero mneos multo igné torrebant, quos,<br />

repktos fervidâ arenâ canoque decoflo, è mûris<br />

fubito devolvcbant. Nec ulla peflis magis tïmebatur<br />

; quippe ubi lorkam corpufque fervens arena<br />

penetraverat, nec ulla vi excuti poterat, & quidquid<br />

attigerat perurebat ; jackntefque arma ,. laceratis<br />

omnibus quibus protegi poterant y vulneriBus<br />

ïnulti patebant.; corvi vero & ferrée mamts tormentis<br />

emijfm plerofque rapkbanu<br />

IV. Hic rex fatigants flatuerat, folutâ objî-<br />

'dione , jEgyptum petere ; quippe quum Afiam<br />

îngenti cekritate percurrijfet , circa muras tmius,<br />

urbis hmebat , toi maximarum rerum opportunitate<br />

dimiffâ* Ceterum , tam difcedere irritum quammorari<br />

pudebat ; famam quoque,, quâplura quart*<br />

armis everterat, ratus leviorem fore , fi Tyrum,<br />

quafi teftem fe poffi vinci, reliquijfet : igitur ne<br />

auid intxpertum omitteret, plures naves admoveri<br />

Jubet dêkëofque militum imponl Et forte belka<br />

inufitam magnkudinis , fuper ' ipfos fluBus dorfo<br />

eminens ,. ad molem quam macedones jecerant ingens<br />

corpus applkuit , diverberatijque fluêii?us<br />

aUevans femet> utrimque confpeBa ,eft ; de'mdt àcapke<br />

molu rurfus alto fe immerfit, ac modo-*<br />

fuper undas eminens magnâ fui <strong>par</strong>te, modo fuperfufis<br />

fluËibus condita, kaud procul munîmentls<br />

urbis emerjïu Utrifque latus fuit bettuœ, afpe&us:<br />

macedones. iter jaciendo operi monjlrafie eam augurabantur;<br />

tyrii , Neptutmm s occupait maris,


LEWRE IV. CM A p. 1K io£<br />

même temps les crocs'& les fauk attachées à ces pièce*<br />

de bois , mettoîent en pièces ou les vaifleaux ou ceux<br />


. no LIBER IV. CAP. IV.<br />

vindicem, arnpuiffe belluam, ac molem hrevi pr


'LIVRE IF. CH'AP. IF. m<br />

pour annoncer la vengeance qu'il vouîoit tirer de ce<br />

qu'on avoit préten<strong>du</strong> maitrifer îa mer, avoit englouti<br />

la .ba'eine, & qu'affûrément la digue feroit bientôt abîmée.<br />

Enchantés de ce préfage, ils s'abandonnèrent aux<br />

pîaifirs de la table & burent à l'excès ; fi bien qu'au<br />

lever <strong>du</strong> foleiî, ils <strong>mont</strong>èrent pleins de vin fur leurs<br />

vaiffeaux, qu'ifs avoient ornés de couronnes & de fleurs :<br />

tant ils goûtoient d'avance, non feulement le préfage9<br />

mais la jouïffance même de la viôoire i<br />

17. Le roi avoit porté fa flotte de l'autre côté, &<br />

n'avoit îaiffé fur ce rivage que trente petits bâtiments ;<br />

les tyriens, en ayant pris deux, avoient donné aux autres<br />

une vive alarme , jufqu'à ce qu'Alexandre , ayant<br />

enten<strong>du</strong> les cris des fiens, lit tourner droit au rivage<br />

d'où le bruit étoit <strong>par</strong>ti. Le premier vaiffeau macédonien<br />

qui <strong>par</strong>ut, fut la galère à cinq rangs, la plus légère<br />

de toutes : dès qu'elle fut à la vue des tyriens ,<br />

deux des leurs allèrent l'attaquer <strong>par</strong> les flancs chacune<br />

de fon côté; comme la réale fe portoit elle-même contre<br />

l'une des deux, elle en rencontra l'éperon qui lut<br />

donna une vive atteinte , mais en même temps elle<br />

l'accrocha. Déjà l'autre galère qui n'étoit point accrochée<br />

, alloit, d'un mouvement libre , attaquer la réale<br />

<strong>par</strong> l'autre flanc ; lorfqu'une galère à trois rangs de la<br />

flotte d'Alexandre, fe préfentant très-à-propos , choqua<br />

fi rudement celle qui menaçoit la réale, que le<br />

pilote îyrien fut jeté <strong>du</strong> haut de' la poupe dans la mer.<br />

Il arrivoit alors plufieurs vaiffeaux macédoniens, & le<br />

roi lui-même y étoit en perfonne, lorfque les tyriens t<br />

fefant force de rames, dégagent à grand'peine le vaiffeau<br />

qui étoit accroché, & retournent vers le port avec<br />

tous leurs navires. Le roi, les ayant fuivis de près, ne<br />

put à îa vérité entrer dans le port, <strong>par</strong>ce qu'on l'en écartoit<br />

à coups de traits <strong>du</strong> haut des murs, mais il prit<br />

©u coula a fond prefque tous leurs vaiffeaux.<br />

18. Après avoir laiffé deux jours de repos aux foldats,<br />

il fit avancer tout à la fois la flotte & les machines<br />

, afin d'attaquer des deux manières les tyriens


ni LIBER IF. CAP. IV.<br />

mam iurrem afcendit, mgenû animo , ptricub ma»<br />

jore ; quîppc regîo înfigni & armû fidgentibus<br />

confpicuus, unus pmcipuè tells petebatur. Et digni<br />

prorjus Jpe&acub edidh : mtdtos è mûris propn*<br />

gnantes haftâ transfixk: quofdam etlam % combms<br />

gladio cfypeoque impuifos , pmciphavit ; quippe<br />

îurris ex quâ dimicahat mûris kôflium propemomo<strong>du</strong>m<br />

coharebat. Jamque, crebris arietïbus faxomm<br />

compage taxatâ, munimenta deficerant, &<br />

clajjîs: mtravérât portum , & quidam macedonum<br />

in turrss hoflium defertas evaferant r quum tyrii »<br />

tôt fimui malis vïBi, aVû fupplices In templa corn*<br />

fkgiunt ;, aM9 foribus œdium obferaûss occupant<br />

lïberum morth arbitrium ; nonmMi ruunt m hoftem<br />

, kaud inulti tamtn perituri ; magna <strong>par</strong>s<br />

fumma teBorum oBtinebat, faxa & qmdquîd mambus<br />

fors dederat mgerentes fubeuntibus. Alexanier,<br />

exceptis qui in templa confuget-ant , omnes<br />

mterfici, ignemque teÊis injici jubé t. Hîs per prmcônes<br />

pronunciatis % nemo îamen armatus fpem a<br />

diis petere fuflmuit : pueri virginefque templa cornpleveraM<br />

; viri in vtftibulo fuarum quifque adium.<br />

ftabant, <strong>par</strong>afa fœvïenùbus turba, Multis tamenfaluti<br />

fuêre fidonii qui intra macedonum pmfedm<br />

êrant : hi urbem quidem inttr viBores intraverant;<br />

fed cognaêioïïk cum tyrus memores ,. ( quippe<br />

utramque urbem Agenorem condidiffe credebant)<br />

mukos tyriomm, kiam protegtntes, ad fua per<strong>du</strong>xêre<br />

mvigia ; quibus çccultatis , Sidona devtftï


LIVRE IV.-CUAP. IF. ii|<br />

épouvantés: lui-même fe plaça fur une très-haute tour ,<br />

aTCc un grand courage f mais avec un péril plus grand<br />

•neore ; car étant aifé à reconnoitre <strong>par</strong> fon manteau<br />

royal & <strong>par</strong> l'éclat de fes armes, on ne îiroit prefque<br />

que fur lui. Aufli fit-il des chofes dignes d'être vues<br />

de toute la terre : il perça de fa lance pluficurs ennemis<br />

qui défendoient les murailles : il en précipita auflt<br />

quelques-uns s en les pouffant de près avec i'épée ou<br />

avec le bouclier ; car la tour d'où il combattoit touchoit<br />

prefque aux murailles de l'ennemi.. Déjà , les<br />

pierres étant détachées les unes des autres <strong>par</strong> les<br />

coups redoublés de béliers, les fortifications n'étoient<br />

plus de défenfe, la flotte étoit entrée dans le port, &<br />

quelques macédoniens s'étoient portés dans les tours<br />

abandonnées <strong>par</strong> les ennemis : lorfque les tyriens fe<br />

voyant accablés de tant de maux à la fois, les uns fe<br />

réfugient dans les temples en fefant des (implications ;<br />

les autres s'enferment dans leurs maifons s pour y terminer<br />

leur vie d'une manière libre ; quelques-uns fe<br />

lancent fur l'ennemi, pour ne pas mourir <strong>du</strong> moins fans<br />

vengeance ; pluficurs, <strong>mont</strong>és au faîte des maifons f<br />

lançoient fur ceux qui paffoient des pierres & tout<br />

ce qui leur venait à la main. Alexandre ordonne qu'on<br />

tue tout, excepté ceux qui s'étoient réfugiés dans les<br />

temples , & qu'on mette îe feu aux maifons* Quoique<br />

des crieurs publics euffent notifié ces ordres, aucun<br />

de ceux qui portoienî les armes ne daigna deman-<br />

• der <strong>du</strong> fecours aux dieux : les Jeunes garçons & les<br />

jeunes filles avoient rempli les temples; les hommes fe<br />

tenoient chacun à l'entrée de fa maifonf difpofés à<br />

iflbuvir la fureur <strong>du</strong> foldat. Plufieurs toutefois furent<br />

fauves <strong>par</strong> les fydoniens qui fervoient dans les<br />

troupes de Macédoine ; ils éioient entrés véritablement<br />

dans la ville <strong>par</strong>mi les vainqueurs j mais en con»<br />

fidération de leur affinité avec le* tyriens » Agésor<br />

paffant pour le fondateur des deux villes, ils en me


ii4 LIBER IF. CAP. V.<br />

funt, Qumdecim miMia hocfkno fub<strong>du</strong>Ëa fmvhîé<br />

funt ; quamumque fangumis fufum fit vei ex hoc<br />

exiftimari poteft, qmod intra munimtnta urbis ftx<br />

milita armatorum tmcidata funu Trifte demie<br />

Jbe&aculum vi&oribus ira prabuit reps : <strong>du</strong>o millia<br />

$ in quibus occidendi deficerat rabies 9 cruch<br />

bus affjci per imens litoris fpatium pependertmL<br />

Çarthaginenfium tegatis pepercit ; additâ demmcio'<br />

ùone belii 9 qwod prafentmm rerum mceffitas mo~<br />

raretw.<br />

19. Tyrus feptimo menfe quam oppugnari cœpta<br />

erat capta eft , urbs 3 & vetuftate originis & cri'<br />

brâ formant varietatê, ad memoriam pofterhaâs<br />

infignis* Condita ab Agenore, diu mare , non vicinum<br />

modo , fed qwdcumque clajfes ejus adierunt,<br />

ditionis fuaficit : &, fifama libet credere , hac<br />

gens literas prima aut docuit oui didiciu Cola*<br />

nia cerû ejus pêne orbe toto diffiifa funt ; Carthagô<br />

m Africâ, in Bœotia Tkeba , Godes ad<br />

Oceanum : credo libero commeantes mari , fa*<br />

plhfque adeundo ceteris incognitos terras f ekgijft<br />

fedes Juventuti, quâ tune abundabant ; feu quia<br />

crebris motibus terra , nam hoc quoque traditur »<br />

cuitores ejus fatïgati , nova 6* txterna domicilia<br />

omis fibimet qumrtre cogêbantur. Multis ergo<br />

cafibus defunUa & poft excidium renota 9 mme<br />

tandem % longâ pact cunBa refovente , fié tmtU<br />

romanm manfuetudmis acqukfck*<br />

V. lifdem ferme dïebus Darïï Uterm aïïata<br />

funt, tandem ut régi feripta* Petebat uti filiam<br />

. fuam , Statim erat nomtn , nuptiïs Akxmdêf


LIVRE IF. CMAP. V. nj<br />

Yetournèrêrtt à Sïdon. Cette efpèce d'infidélité déroba<br />

quinze-mille hommes à la barbarie <strong>du</strong> vainqueur; &<br />

Fou peut juger <strong>par</strong> un feuî article combien il y eut<br />

de fang répan<strong>du</strong>, c'eft qu'il y eut fîx-mille foldats maffacrés<br />

fur les rem<strong>par</strong>ts de la ville. La colère <strong>du</strong> rot<br />

offrît à la fin un fpeétacle affligeant pour les vainqueurs<br />

mêmes : deux-mille hommes s que la rage épuifée avoit<br />

é<strong>par</strong>gnés , furent attachés en croix fur une grande<br />

éten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> rivage. 11 lit grâce aux ambafladeurs de<br />

'Carthage ; mais en leur déclarant la guerre, qu'il no<br />

différoiî que <strong>par</strong> la néceffîté des affaires préfentes.<br />

19. Ce fut après un fiège de fept mois que fut prife<br />

la ville de Tyr, ville devenue célèbre chez la poftérité f<br />

tant <strong>par</strong> l'ancienneté de fon origine que <strong>par</strong> les viciffi*<br />

tudes fréquentes de fa fortune. Fondée <strong>par</strong> Agénor t<br />

elle mit & tint long temps fous fa domination, non<br />

feulement la mer voifine f mais encore toutes celles<br />

©ù fes flottes pénétrèrent : &s s'il faut en croire la<br />

renommée, ce peuple eft le premier qui a inventé les<br />

lettres de l'alphabet ou qui en a étudié I'ufage. Ses colonies<br />

font répan<strong>du</strong>es prefque <strong>par</strong> tout l'univers ; Carthage<br />

en Afrique, Thèbes dans la Béocie, Cadis fur<br />

les côtes de l'Océan : c'eft qu'étant en liberté fur la<br />

mer, & abordant aflez fouvent en âes pays inconnus<br />

aux autres nations, ils ont, je croisf choifi à leur gré<br />

des établtflements pour leur Jeuneffe, dont ils étoient<br />

alors furchargés; ou que tourmentés <strong>par</strong> dt fréquents<br />

tremblements de terre f comme on lé dit auffi s les habitants<br />

de cette île étoient contraints de fe procurer<br />

ailleurs, <strong>par</strong> la voie des armes, de nouvelles demeures.<br />

Ainfi, après plufîeurs révolutions qui l'ont fucceflîveroent<br />

fuinée & rétablie , cette ville , à la faveur d'une longue<br />

paixs fi propre à remettre tout en vigueur, jouït<br />

• enfin d'un profond repos fous la protection paifible<br />

des romains.<br />

V* A peu près vers ce même temps Alexandre<br />

reçut une lettre de Darius, qui enfin le traitoit en<br />

toi Ce prince demandent qu'Alexandre épouCat fa Elle »


il6 LIBER IF. CAP. K<br />

fibi adjungeret : dotem fore ommm regionem Enter<br />

HeUefpontum & Hdyn ammm fitam ; indc Orienr<br />

êem fpeBantibus terris contemum fe fore. Si forte<br />

<strong>du</strong>bitaret qmod offerretur accipere , mmquam dm<br />

eodem veftigio ftare fortunam, femperque homines,<br />

quantamcumque filicitatem habeant, invidiam tamen<br />

fentire majorem. Ver tri ne fe , avium modo,<br />

quas namralis levitas ageret ad fidera 9 imani ac<br />

pueriii mentis affeBu effirret. NihU difficilius efft%<br />

quam in Ma mtate tantam eapere fortunam» Mul>*<br />

tas fe adhuc reliquias habere, nec femper in an*<br />

gufliis pqffe deprehendi : tranfeun<strong>du</strong>m effe AUxandro<br />

Euphraten , Tigrinque , & Araxen , 5*.<br />

Hydafpen , magna munimenta regni fui ; venkn<strong>du</strong>m<br />

in campos, ubi paucitate fuorum erubefcen*<br />

<strong>du</strong>m fit, Mediam 9 Hyrcaniam, BaBra, & indos<br />

Oceani accolas quando aditurum , vel fogdianos<br />

& arackofios , nonùne tantum notas * ceterafqm<br />

gentes ad Çaucafum & Tdnaïm pertinentes ? fi*<br />

nefcen<strong>du</strong>m fore tantum terrarum, vel fine prœlm È<br />

obêuntL Se vero ad ipfum wocare defineret, nam*<br />

que Mius exido effè venturum. Akxander us ïïlh<br />

qui iiteras attukrant refpondit : Darium fibi die*<br />

na promittere , quod totum amiferit velle <strong>par</strong>tiri;<br />

doti fibi dari Lydiam , loniam, JEolidem , HeU<br />

lefponti oram, viBorim fum pramla : teges autem<br />

à viBoribus dici , accipi à viBis. In utro fiatu<br />

ambo effent fifoius ignorant % quamprimum. Marte<br />

décernent. Se quoque, quum tranfiffet mare k non<br />

Çiliciam aut Lydiam ( quippe tanti helli exigmm


LIVRE IKCHAP.V. t 117<br />

tiommée Statira : qu'il prit pour dot tout le pays cemptte<br />

entre PHellefpont & le fleuve Haîys j & que lui, il fe<br />

renfermeroit en deçà dans les terres qui regardent i'O*<br />

rient. Que, s'il fefoit quelque difficulté d'accepter cesoffres,<br />

Il pensât que la fortune n'eft pas toujours la<br />

même, & que, plus les hommes font heureuxf plus ils<br />

font expofés à l'envie. Qu'il étoit à craindre que, fem*<br />

blable aux oifeaux, que leur légèreté naturelle porte<br />

vers les cieux, il ne prit l'eflbr <strong>par</strong> une vaine & puérile<br />

effervefeence de l'âme. Qu'il n'y avoit rien de<br />

plus difficile, que de foutenir à fon âge une fi grande<br />

fortune. Que pour lui,.il avoit encore de grands relies<br />

de la fienne, & qu'il n'étoit pas toujours poflible de le<br />

prendre dans des défilés : qu'Alexandre avoit à paffer<br />

l'Eupbrate, le Tigre, l'Araxe, & l'Hydafpe, qui étoient<br />

4e grandes défenfes pour fon Empire ; qu'il falloit Yenir<br />

dans des plaines, ou il auroit honte de la petite Se<br />

de fon armée. Dans quel temps eiitrerolt-Ii dans la<br />

Médie t dans PHyrcanie s dans la Baftriane, chez les<br />

indiens qui habitent les rives de l'Océan, ou chez les<br />

fogdiens , les arachofiens % peuples dont on ne connolt<br />

que les noms f & les autres nations qui s'étendent juf*<br />

qu'au Caucafe & au Tanaïs ? qu'il vieilliroit à <strong>par</strong>courir<br />

feulement tant de pays f même fans coup férir. Qu'au<br />

relie il cefsât de le défier, <strong>par</strong>ce qu'il n'arriveroit auprès<br />

de lui que pour fon malheur. Alexandre répondit<br />

à ceux-mêmes qui avoient apporté la lettre : que Darius<br />

lui promettoit ce qui n'étoit pas à lui 9 & qu'il<br />

¥oul©it <strong>par</strong>tager ce qu'il avoit per<strong>du</strong> en entier ; qu'il lui<br />

donnoit en dot la Lydie f i'îonie t l'Éolide s & la côte<br />

de l'Hellefpont, qu'il poffédoit déjà comme prix de fa<br />

viôoire : mais que c'étoit aux vainqueurs à faire la loi,<br />

& aux vaincus à s'y foumettre. Que, fi Darius étoit le<br />

feul qui ignorât quelle étoit la condition de l'un & de<br />

f autre, il s'en éclaircît inceffamment <strong>par</strong> une bataille.<br />

Qae pour lui, quand il avoit paffé la mer, il _ s'étoît<br />

propofé d'ajouter à -fon Empire, non feulement la Ci-<br />

Ikie ou la Lydie 9 trop fotble dédommagement des frais


*i8 LïB-ER IF. CAP. F.<br />

hanc effe mercêdem ) ; fed Perfepolim capui regrd<br />

ejus , BaBra de'mde , & Ecbatana , ukimique<br />

Orientis oram Imperio fuo deâinajfe. Quocumque<br />

Ule fugere potuiffet , ipfum fequi poffè ; defineret<br />

terrere fiuminibus $ quum fciret maria tranfijfe.<br />

Meges quidem invicem hacfcripferont*<br />

ai. Sed rhodii urbem fuam portufque dedebant<br />

Alexandre. Ule Ciliciam Socraû tradiderat, Phb*<br />

iota regioni circa Tyrum juffb pmfidere ; Syriam<br />

qum Caele appellatur Andromacho Parmenio ira"<br />

diderat , bello quod fupererat interfuturus. Rex,<br />

Hephmflione Phanicis oram claffe pmtervehi<br />

juffb , ad urbem Ga^an cum omnibus copiis vemL<br />

lifdem feri diebus folemne erat ludicrum ifthmiôrum<br />

y quod conventu tonus Gracia celebratur. h<br />

to concilio , ut funt gracorum temporaria ingénia<br />

, decemunt, ut <strong>du</strong>odecim kgarentur ad regem,<br />

qui, ob res pro falute Gracia ac iièertate gefas,<br />

coronam auream donum vUbriœ ferrent* l'idem<br />

paulo ante incerta famm captaverant auram , ut,<br />

quocumque pendentes animos tuliffet Fortuna, fequt*<br />

rentur. Ceterum, non ipfe modo rex obibat urbts<br />

mperii jugum adhuc recufantes ; fed pmtom<br />

quoque ipfius , egregii <strong>du</strong>ces 9 pkraqme invafe»<br />

rant. Colas , PapUagoniam ; Antigonus , Lycao*<br />

niam ; Balacrus , Idarne, pmtore Darii, fupe»<br />

rato, Miktum cepit : Amphoterus & Hegelochus,<br />

centum fexaginta navium claffe , infmas inter<br />

Ackaïam atque Afiam in didonem Alexandri<br />

redegerunt. Tenedo quoque recepta , Ckium , incolis<br />

ultra vocantibus , ftatueront occu<strong>par</strong>e ; fed<br />

JPharnabaçus 9 Darii pmtor , comprehenfis qui<br />

•res ad ma&doaas irahtbant * rurfus ApolloniS


LIVRE IF. CMAP. V. 119'<br />

tTune û grande guerre; mais encore Perfépolis la capï-<br />

• taie des États de Darius , la Bafirlane, Ecbatane , & les<br />

extrémités les plus reculées de l'Orient. Que <strong>par</strong> tout<br />

où Darius pourroit fuir, lui, Alexandre, pouvoit le Cuivre<br />

; & qu'il ceflat de vouloir l'épouvanter avec des<br />

rivières, fâchant qu'il avoit traverfé des mers* Voilà<br />

ce que s'écrivirent les deux rois.<br />

21. Cependant les rhodiens remettoient leur ville &<br />

leurs ports au pouvoir d'Alexandre. Ce prince avoit<br />

donné à Socrate le gouvernement de la Cilicie , & à<br />

•Philetas celui <strong>du</strong> pays qui eft aux environs de Tyr;<br />

Parménion, pour prendre <strong>par</strong>t à la guerre qui reftoit<br />

à faire, avoit remis à Andromaque la Syrie qu'on appelle<br />

Celé, Le rois après avoir ordonné à Hépheftion<br />

de con<strong>du</strong>ire la flotte au delà des côtes de la Phénicie t<br />

vint à la ville de Gaza avec toutes fes forces. C'étoit<br />

à peu près le temps de la célébration des jeux ifthmi*<br />

ques, où toute la Grèce fe raflemble. Les grecs, dont<br />

Ses efprits changent au -gré des circonstances, arrêtèrent<br />

dans cette affemblée, qu'on enverroit au roi douze<br />

ambafladeurs $ qui, en reconnoiffance des belles aâioes<br />

de ce prince pour le falut & la liberté de la Grèce, lui porteroient<br />

une couronne d'or pour honorer fa victoire. Ces<br />

mêmes grecs un peu au<strong>par</strong>avant prêtoient l'oreille à<br />

tous les bruits de la renommée f dans la vue de fixer Fincertitude<br />

de leurs affeftions <strong>du</strong> côté que tourneroit la<br />

Fortune. Au reftè, ce n'étoit pas le roi feul qui forçoit<br />

les villes qui refufoient de lui obéirj fes lieutenants,<br />

excellents capitaines, avolent eu auffi des fuccès prefque<br />

<strong>par</strong> tout. Calas fournit la Paphlagonie ; Àntigone 9<br />

la Lycaonie; & Balacref la villede Mil et, après avoir<br />

défait Marne, fatrape de Darius : Amphotère & Hégé-<br />

Soque, avec une flotte de cent foixante voiles, mirent<br />

• au pouvoir d'Alexandre toutes les Iles qui font entre<br />

l'Achaïe & l'Afie. Après s'être em<strong>par</strong>é de Ténédos f<br />

ils avoient aufli deffein, fur l'invitation des habitants,<br />

d'emporter Chio ; mais Pharnabaze , lieutenant de Darius<br />

f ayant arrêté ceux qui favorifoient les macédoniens,


;ïIO 'LIBER 1K CAP. K<br />

-€* Atkanagom , fuarum <strong>par</strong>tium viris , urhem<br />

•tum modico pmfedio militum tradit: prafiBi AUxandri<br />

in obfidione urbis perfevtrabant, non tam<br />

fuis viribus quant ipforum qui obfidebantur Vôluntate<br />

; nec fefellit opinio 9 namque inter Apolfonidem<br />

& <strong>du</strong>ces militum orta feditio ïrrumpendi<br />

in urbem occafionem dédit : quumquê porta ejfraââ<br />

•€ohors macedonum intraffet^ oppidani, olim confUio<br />

proditionis agitato » aggregam fe Amphotero<br />

& Hegthcho, perfarumqut prafdio cmfo 9 Pharnaba^us<br />

cum Apolhnide & Athanagorâ vinM<br />

tra<strong>du</strong>ntur ; <strong>du</strong>odecim trirèmes cum fuo milite ac .<br />

rémige prater tas triginta inanes, & piratici<br />

iembi , grœcorumque tria mlMLz a perfis mercede<br />

con<strong>du</strong>Ba. His in fupplementum copiarum fuarum<br />

diftributis , piratifque fupplmo affeBis, captivos<br />

.rémiges adjecêre cUjffijiia.<br />

22. Forte Ariftomcus , methymnmrum tyrannus<br />

, cum piraticis nav'éus , ignarus omnium qua<br />

ad Chium aBa erant , prima vigilid ad portas<br />

tlauftra fuccejjit ; mterrogatufque à cuftodibus<br />

quis effet, Ariftomcum ad Pharnaba^um ventre<br />

refpondit : ilii Pharnabaqm qmdem jam qukf<br />

cere , & non poffe tum adiri ; ceterum patere<br />

focio atqut hofpiti portum, & poftero die Pkar*<br />

naba^i copiam fore affirmant. Nec <strong>du</strong>bitavit<br />

Ariftomcus primus • intrare ; fequuti funt <strong>du</strong>cem<br />

piratici Umbu Ac <strong>du</strong>m applicant navigia crepidmi<br />

portas , objicitur a vigdibus chuftrum , G* qui<br />

proximi excubabant ab iifdem excitantur; nulloque<br />

ex kis aujb repugnare , omnibus catena injeBa<br />

funt, Amphotero deinde Hegelocàoque tra<strong>du</strong>ntur.<br />

rendit


LIVRE IV. CHAP. F. m<br />

readit le gouvernement de la ville, avec une foiblt<br />

garni'fon, à Apolionides &à Athanagoras, qui tenoient<br />

fon <strong>par</strong>ti : les lieutenants d'Alexandre ne laiffèrent pas<br />

de continuer le fiège f comptant moins fur leurs propres<br />

forces que fur la bonne volonté des afliégés ; &<br />

l'opinion qu'ils en avoient ne fut point trompeufe, car<br />

une émeute qui s'éleva entre Apolionides & les chefs<br />

des foldats 'leur fournit l'occafion de fe jeter dans la<br />

ville : lorfqu'un gros de macédoniens y eut pénétré <strong>par</strong><br />

une porte qui fut forcée f les habitants, fidèles à kur<br />

ancien projet de défeftion, fe joignent à Amphotère<br />

& à Hégéloque , égorgent la garnifon perfe , & livrent<br />

pieds & mains Kées Pharnabaze , Apolionides, & Athanagoras<br />

î ils livrent auffi douze galères à trois rangs<br />

avec , les foldats qui les <strong>mont</strong>oient & leurs -rameurs i<br />

outre trente autres fans équipages,' des brigantins, &<br />

trois-mille grecs qui étoient à la folde des perfes. On<br />

' les ré<strong>par</strong>tit dans les troupes de leur nation pour les<br />

recruter, on exécuta les pirates, & l'on employa fur<br />

la flotte d'Alexandre les rameurs qu'on avoit fait prifonniers.<br />

22. 11 arriva qu'Ariftonique f tyran de Métymne, ne<br />

fâchant rien de ce qui s'étoit paffé à Ghio, fe préfenta<br />

à la première veille de la nuit aux barrières <strong>du</strong> port,<br />

avec *des vauTeaux armés en courfei fur le Qui-vive<br />

des gardes, il répondit qu'il étoit Ariftonique & qu'ilvenoit<br />

voir Pharnabaze : les gardes répliquèrent que<br />

Pharnabaze repofoit déjà, & que dans le moment on ne<br />

pouvoit le voir; qu'au furplus le port étoit libre pour<br />

un allié & un ami, & que le lendemain il verroit Pharnabaze<br />

à fon atfe. Là-deflus Ariftonique ne fait point<br />

difficulté d'entrer le premier ; & le chef eft fuivi <strong>par</strong><br />

fes corfaires. Tandis qu'ils • attachent leurs vaifleaux<br />

au quai <strong>du</strong> port, les gardes ferment la barrière, &<br />

éveillent leurs camarades les plus voifins; les nouveaux<br />

venus font chargés de chaînes, fans qu'aucun ôfe fe.<br />

mettre en défenfe, & on les remet enfuite au pouvoir.<br />

«FAmphotère & d'Hégéloque. De là les macédoniens<br />

Tome L ' F


121 LIBER IV. CAP. VI<br />

Bine macedoms tranfiere Miiyknen, quant €ha~<br />

tes athenienfîs 9 nuper occupatam , <strong>du</strong>orum milïium<br />

perjarum pmfidio tentbat : fed quum obfidiomm<br />

'tolérait non poffet ; urbe tradkâ poilus<br />

utincolumï abirt licerct* Imbrum petit. Dé<strong>du</strong>is<br />

macedoms pepercerunL<br />

'/VL Darius, defperatâ pact, quant per Utte-<br />

•ras legatofque impur an poffe crediderat » ad repa-<br />

-randas vires bellumque mpigrè renovan<strong>du</strong>m entendit<br />

animum, Duces ergo copiarum Baèyloniam<br />

convenir* ; Beffum quoque » baBrianorum pmtorem<br />

9 quam maximo pojfet exercitu coaBo9 defeendere<br />

ad fe jubet. Sum autem baBriani inier iiias<br />

gentes momptiffimi ; horridis ingeniis, mulmmque<br />

à perjarum iuxu abhorrtntêus ; fiti haud pro~<br />

mll fcytharûmbeUkofiffimâ gente , & rapto vivere<br />

ajfueti, femperque in amis errant. Sed Beffus,<br />

fufpeBâ perfidie 4 9 haud fane aquo anima m fer<br />

cundo fe continens gra<strong>du</strong>, regem terrebat : nom<br />

quum regnum affeBartt ; proditio 9 quâ folâ id<br />

affequi poterat, timebatur* Ceterum Alexander,<br />

quam regumem Darius peùfftt omni cura veflhgans,'tamtn<br />

exphrart non poterat, more quodam<br />

ptrfarum 9 areana regum mira celantium fide ;<br />

non me tus 9 non fpes elicit vocem quâ prodaMw<br />

occulta. Vêtus' difeiplina regum filentium vit*<br />

periculo fanxerat : Imgua graviùs caftigatur quam<br />

-ullum probrum , nec magnam rem fujiineri poffe<br />

cre<strong>du</strong>nt ab eo mi tacere grave fit 9 quod hommi<br />

faciïïimum voluerit éfft nature Ob hanc caufam<br />

Alexander omnium qum apud hoftem gererentur<br />

imarus^urbtm Gaian obfidcbat* Praerat ti Betis\


LIVRE IF. CMJP. FL 113<br />

faffèrent à Mitylène, que Charès d'Athènes avoit prif«<br />

depuis peu f & qu'il, défendoit avec une garnifon -de<br />

deux-mille perfes : mais comme il n'étoit pas en état<br />

de foutenir un liège j ayant ren<strong>du</strong> la ville ' à condition<br />

d'en fortir la vie fauve , il fe retira à Imbre. Les macédoniens<br />

firent grâce aux habitants après la reddition.<br />

VL Darius, n'efpérant plus îa paix qu'il avoit cm<br />

pouvoir obtenir <strong>par</strong> fes lettres & <strong>par</strong> fes ambaffadeers,<br />

îbngea férieufement à rétablir fes forces & à recommencer<br />

la guerre avec vigueur. Il donne donc ordr«<br />

aux chefs de fes troupes de fe rendre à Babylone ; &<br />

â Beffus , qui eommandoit les baélriens, de lever la<br />

plus grande armée qu'il lui feroiî poffible & de venir<br />

le joindre. Or entre toutes ces nations, les ba&riens<br />

font les plus difpos; leurs efprits fans culture font<br />

tien éloignés de la magnificence des perfes; voilins des<br />

fcythes,peuple très-belliqueux, ils font accoutumés à<br />

ne vivre que de brigandage, & ils font toujours armés<br />

& toujours errants. Mais Beffus, fufpeft de perfidie<br />

, & qui avoit peine à fe contenter <strong>du</strong> fécond rang f<br />

donnoit de l'inquiétude au roi : en effet comme il afpiroit<br />

à la royauté s on craignoit de fa <strong>par</strong>t une trahifon,<br />


ii4 LIBER IV. CAP. VI.<br />

€ximm in regem fimm fidei ; modicoque prœfidm<br />

muros ingentis operis tuebatun<br />

24. Akxander , afilmato locorum fini , agi<br />

cunicuhs juffit , facili ac kvi humo acceptante<br />

occutttm opus : quippe multam arenam vicinum<br />

mare evomit ; nec faxa cotefqut 9 quœ. interpellent<br />

fpecus, obfiabanu Igitur ab eà <strong>par</strong>te ' quam<br />

oppidam confpicere non pojfent opus or fus , ut a<br />

Jenfiu ejus averteret, turres mûris admoveri jubeL<br />

Sed eadem humus , admovendis inutilis turribus3<br />

defidente fabulo agilitatem rotarum morabatur &<br />

tabulata turrium perfringebat ; multique vuherahantur<br />

impuni, quum idem recipiendis qui admo~<br />

vendis turribus iabor eos fatigant. Ergo receptm<br />

figno dato , pofiero die muros corona circumdari<br />

juffit. Ortoque foie, prias quam admoveret exercitum<br />

opem deûm expofcens , facrum patrio more<br />

faciebat : forte pmtervolans corvus glebam quam<br />

unguibus ferebat fubito amifit, qust 9 quum régis<br />

capiti incidiffet , refoluta defiuxit ; ipfa autem<br />

avis in proximâ turrt confiait : Mita erat turris<br />

bitumine ac fulphure ; in quâ alis hmrentibus ,<br />

fruflra fi allevare conatus, à circumftamibus capitur.<br />

Digna res vif a de quâ vates confulerentur ;<br />

& erat non intaBus eâ fuperfiithne mentis. Ergo<br />

Ariflander 3 cui maxima fides habebatur, urbis •<br />

quidem excidium augurio illo portendi ; ceterum<br />

periculum effe , inquit, ne rex vuhus acciperet :<br />

itaque monuit, ne quid eo die inciperet. lUe ,<br />

quanquam unam urbemfibi quominus ficurus JEgypmm<br />

intraret obfiare agrè ferebat , tamen <strong>par</strong>mi<br />

va$i fignumque receptui dédit*


LIVRE IF. CHAP. VI. itç<br />

Il défendoit cette place dont les fortifications étoient<br />

immenfes.<br />

24. Alexandre, après avoir reconnu la fituation <strong>du</strong> local,<br />

fit creufer.des galeries fouterraines, la mobilité<br />

& la légèreté <strong>du</strong> fol fe prêtant à ce travail caché; <strong>par</strong>ce<br />

que la mer voifine y jette beaucoup de fable, & qu'if<br />

n'y avoit ni pierres ni roches qui puflent faire obftacîe<br />

à la direction de la mine. Ayant donc commencé l'ouvrage<br />

<strong>du</strong> côté que les habitants ne pouvoient découvrir,<br />

il- fit approcher les tours des murailles, afin d'en détourner<br />

entièrement leur attention. Mais ce même<br />

terrain, peu favorable au tranfport des tours, retar»<br />

doit <strong>par</strong> les ébouiements <strong>du</strong> fable le mouvement des<br />

roues & fefoit brifer les planchers des tours ; placeurs<br />

foldats y furent néceffairement bleifés , <strong>par</strong>ce<br />

qu'ils avoient autant de peine à dégager les machines<br />

qu'à les faire avancer. 11 fit donc fonner la retraite, &<br />

ordonna pour le lendemain Pinveftiflement de îa place.<br />

Après le lever <strong>du</strong> foleil,'voulant implorer le fëcours<br />

cks dieux avant de faire avancer fes troupes, il fefoit<br />

un facrïfice félon le rit de fbn pays : un corbeau, qui<br />

<strong>par</strong> hasard paffoit <strong>par</strong> là en volant, laifla échapper de<br />

fes griffes une mote de terre, quittant tombée fur la<br />

tête <strong>du</strong> roi ^ fe ré<strong>du</strong>ifît en poudre ; & l'oifeau alla fe<br />

percher fur une tour voifine : cette tour étoit en<strong>du</strong>ite<br />

de bitume & de fouffre ; de manière que les ailes <strong>du</strong><br />

corbeau s'y étant attachées s il fit de vains efforts pour<br />

fe débaraffer, & fut pris <strong>par</strong> ceux qui fe trouvèrent à<br />

portée. La chofe fut jugée digne d'être foumife à la<br />

confultatioii des devins ; & le prince n'étoit pas tout à<br />

fait exempt de cette foibleffe d'efprit. Ainfi, Ariftandre,<br />

en qui l'on avoit le plus de confiance, répondit qu'à<br />

la vérité cet augure préfageoit la ruine de la ville, &<br />

qu'au furplus le roi couroit rifque d'être Weffé ; e'eftpourquoi<br />

il lui confeilla de ne rien» commencer ce jourlà.<br />

De'foh côté, quoiqu'il vit avec impatience qu'une<br />

feule ville l'empêchât d'entrer fans inquiétude en Egypte<br />

f il ne laifta pas d*en croire le devin & il donna le<br />

lignai de la retraite, F iij


n6 LIBER IF. CAP. VI.'<br />

25. Mine animas crevit obfeffis ; egreffzqne<br />

porta readentibus inferunt, figna » cunblationem<br />

koflium fore fuam occafionem ratu Sei acriks<br />

quant conftanùhs pmlium inierunt ; quippe, ut<br />

macedonum figna circumagi videre , repente fifiunt<br />

gra<strong>du</strong>m. Jamque ad regem prœlmntmm ctamor<br />

pervenerat ; qumm9 demmeiati pericuB haud fané<br />

memor 9 hrkam tamen , quam raro mdmbai<br />

mmkk pran^bus , fumfit, & ad prima figna per*<br />

vent* Quo eonfpeSo9 arahs quidam , Darii mues3<br />

majus fommâ fuâ facimis au fus, clypeo gladium<br />

iegens, quafi transfuga genibus régis advolvkur*<br />

Mie affurgere fuppticem- recipique inter fuos jujfit:<br />

at glaOo9 barbarus, firenuè in dtxtram tranflam 9<br />

ctrvicem appétit régis , qui,. exigud corporis declinauone<br />

evitato itTu 9 in vanum manum barbon<br />

lapfam amputât gladw, denunçmto m ilhm diem<br />

perkulo , ut arbitrabamr ipfe 9 defimBms. Sed$<br />

ut opiner 9 inevkabUe efi fatum* Quippe ém inter<br />

primores prompûùs dmicat , fagittâ îBMS efi ?<br />

quam $ per hrkam aiaÉam , fiantem m humem<br />

medicus ejus PhUippus evellk : phrimus demie<br />

fanguis manare cœpk 9 omnibus terriûs 9 quia<br />

nunquam tam alù penetraffe telum lorica obftante<br />

cognoverant* Ipfe % nec oris qu'idem colore mutato 9<br />

fupprimi fangmmm & vuhus obligaû jujfit. Dm<br />

ante ipfa figna, vel MJfimtdato vel viBo dohre 9<br />

perfiiterat , quam fuppreffus paub ante fanges<br />

medicamento , manare loties cœpk; & vmhms 9 quoi<br />

recens adhuc dohrem non moverat 9 frigente fanguine<br />

intumuk* Linqui dekde animo9 & fubmitû<br />

genu cœpk ; quem proximi exceptum in cafim


LIVRE IF. CHAP VL 127<br />

2f• Cela redoubla le courage des allégés; ils font<br />

une fortie f & enfeignes déployées ils attaquent l'ennemi<br />

dans fa retraite, perfuadés que ce délai fer oit pour eus<br />

une ©ccafion favorable. Mais ils s'engagèrent avec plus de<br />

vigueur que de confiance ; cars dès qu'ils virent lèsmacédoniens<br />

faire volte face, ils s'arrêtèrent tout à coup»<br />

Et déjà les cris des combattants étoient <strong>par</strong>venus jufqu'au<br />

roi ; lorfqu'oubliant fans doute le péril dont en l'avoit<br />

menacé, il prit toutefois fa cuiraffe , dont iî fe couvroit<br />

rarement & feulement à la prière de fes courtifans-,. &<br />

alla fe mettre à la tête de fes enfeignes. A fa vue, ua<br />

arabe, foldat de Darius , formant un projet d'une audace<br />

au deffusde fon état, cache un coutelas fous fonbouclier,<br />

& vient comme déferteur fe jeter aux genoux <strong>du</strong> roi.<br />

I*e prince fait lever le fupplîant, & ordonne qu'on le reçoive<br />

dans fes troupes: mais le barbare, faifiuant habilement<br />

le coutelas de la main droite, en décharge un<br />

coup fur la tête <strong>du</strong> roi, qui l'évite en détournant un<br />

peu le corps » & coupe de foa cimeterre la main qui<br />

avoit porté à faux; ce qui-lui fit croire qu'il étoit quitte<br />

<strong>du</strong> danger qu'on lui avoit prédit pour ce jour-là. Mais<br />

• os ne peut t je crois » éviter fa deftiaée. En effet Alexandre<br />

combattant aux premiers rangs avec trop d'ardeur,<br />

il fut atteint d'une flèche s qui perça fa cuiraffe,<br />

lui entra dans l'épaule, & y demeura enfoncée jufqu'à<br />

ce que fon médecin Philippe l'en tirât ; le fang en fortit<br />

alors en abondance 6c effraya tout le monde, <strong>par</strong>ce<br />

que perfonne n'avoit connoiffance qu'un trait fût jamais<br />

entré fi avant à travers" la cuiraffe. Le roi, fans changer<br />

même de couleur, lit étancher le fang & bander la<br />

plaie. Ayant enfuite ©udiffîmulé ou fur<strong>mont</strong>é la douleurt<br />

il étoit déjà refté long temps à la tète de fes troupes s<br />

lorfque îe fang, arrêté d'abord <strong>par</strong> le premier ap<strong>par</strong>eil,<br />

commença à couler plus abondamment ; & la plaie f<br />

qui dans les "premiers moments n'avoit caufé aucune<br />

douleur t enfla à mefure que le fang fe refroidit. Enfuite<br />

il lui prit une foibleffe, iî tomba fur fes genoux ;<br />

& ceux qui étoient près de lui le prirent 6c le repor-<br />

F iv


n8 LIBER IF. CAP. VI.<br />

receperunt. Et Bttïs, interfe&um ratus, urlerm<br />

ovans viËoriâ repetit*<br />

26. At Alexander ,- non<strong>du</strong>m percurato vuînere 9<br />

aggerem quo mœnium alûtudïnem mquaret êxJlrMxit<br />

» & pluribus cuniculis muros fubrui jujpt*<br />

Oppidani ad priflinum fafligmm mœnium novum<br />

exfiruxêre munïmentum ; fed ne id quidem turres<br />

aggeri impojîtas, œquare poterat : itaque interioraquoque<br />

urbis infefta telis erant. Ûltima pefiis<br />

urbis fuit cuniculo fubrutus murus , per cujus<br />

ruinas hoftis intravit. Ducebat ipfe rex ante~<br />

Jignanos ; & <strong>du</strong>m incautiùs fubit, faxo crus ejus<br />

affligitur : innixus tamen telo , non<strong>du</strong>m prioris<br />

vulneris ôb<strong>du</strong>Bâ cicatrice , inter primores dimicat<br />

; ira quoque accenfus, quod <strong>du</strong>o in obfidione<br />

urbis ejus acceperat vulnera. Betim , egregia<br />

. édita pugnâ , multifque vulneribus confe&um . 9<br />

deferuerant fui ; nec tamen fegmùs pmlium capejfebat<br />

, lubricis armis fuo <strong>par</strong>iter atque- hof»<br />

tium fangu'me* Sed quum undique [ unus omnium,<br />

telis peteretur , ad poflremum exhauflis viribus,<br />

vivus in poteflatem tojlium pervenit : quo ad regem<br />

* ] ad<strong>du</strong>ëo , infolenti gaudio juvenis elatus s<br />

alias virtutis etiam in hojie mirator , Non ut vo—<br />

. loiftl , inquit , morieris , Beti ; fed qmdquicl<br />

tormentorum in captivum inyeniri poteft, pa£furam<br />

effe te cogita, llk , non interrito modo ,<br />

fed contumaci quoque vultu intuens regem , nullam<br />

ad minas ejus reddit vocem. Tum Alexander 9<br />

Videtifne ©bftmatum ad tacen<strong>du</strong>m ? inquit.<br />

Num genu pofiiit ? num fopplicem vocem mifit ?<br />

Vincam tamen filentium; & , fi nihil aliud<br />

* Ce qui eft ici entre deux crochets, eft fuppléé<br />

<strong>par</strong> Freinshemîus > & avec bien de îa vraisemblance*


LIVRE IV. CNAP* VU 129<br />

tètent au camp.. Alors Bétis, ie croyant mort f rentra<br />

daas la ville enchanté de fa vicloire.<br />

26. Mais Alexandre, fans attendre la guérifon entière<br />

de fa bleffure, fit élever une terraffe au niveau<br />

its rem<strong>par</strong>ts, & pratiquer plufîews mines fous les<br />

murailles pour les renverfer. Les habitants élevèrent<br />

et nouvelles fortifications fur le'haut des ancien* remfarts<br />

; mais ils ne purent <strong>par</strong> là même les mettre au<br />

niveau des tours qui avôient été placées fur la terraffe :<br />

& le cœur même de la ville refta toujours en butte aux<br />

traits des afliégeants. Ce qui mit le comble à fon malheur<br />

fut la chute d'une muraille minée f qui donna entrée<br />

à l'ennemi <strong>par</strong> la brèche. Le roi étoit lui-même<br />

i ia tète des plus avancés ; & comme il fe préfentoit<br />

a?ec trop peu de précaution, il reçut un coup de pierre<br />

à la jambe : iî ne laiffa pas , en s'àppuyant fur fon javelot,<br />

quoique fa première plaie ne fût pas encore<br />

fermée, de comlMttre au premier rang; piqué d'ailleurs<br />

tfatûlî reçu deux.bJeflures au fiège de cette place,<br />

Bétis, après avoir combattu d'une manière diftinguée ,<br />

& avoir reçu plufieurs ^coups, avoit été abandonné des<br />

fiens ; mais il ne fe battit pas pour cela moins<br />

vaillamment ,. ayant fes.armes teintes tout à la fois.de<br />

fon propre fa.ng' &. de celui'des ennemis. Mais comme<br />

tous les'traits Te réunifibient fur lui de toutes <strong>par</strong>ts,<br />

il s'épuîfa enfin & tomba vif au pouvoir des macédo*<br />

rotas : qûatiA-oAl'eut amené au loi, ce jeune prince, qui<br />

autrefois admiroit la valeur jufques dans-.un ennemi t<br />

tfanfporfjé alors d'une joie extraordinaire s Tu ne m&urras<br />

pas , Bit is » lui dit-il s comme tu le défirois ; mais<br />

attends-toi àfouffrir tout ce qu 7 on peut inventer de tourments<br />

contre un ennemi dont on efi maître» Celui-ci re- .<br />

gardant le roi,.non feulement fans effroi, mais même<br />

avec fierté, ne daigna pas répondre à fes menaces.<br />

Voye^-vùus j dit alors Alexandre, comme il s'obftirie à Je<br />

taite? A-t+W fléchi le genou? lui efi-il échappé un mot<br />

it foumjj/ion ? Mais je lui ferai bien rompre lé fifence ;<br />

^ fi je m*€U tire autre chofe, je lui arracherai <strong>du</strong> moins<br />

F Y


I'JO LïBMR IV. CAP. FIL<br />

certè gemîtu 'interpellabo.. Ira demdi..vertît ïm<br />

rabiem-, jam tum peregrînos ritus nova fuheunte<br />

fortunâ. Ptr tafas enlm' fpiramis lora trajeiLz<br />

funt , religatumque ad currum traxtre ciraz<br />

urbem equï ; g fartante- rege, Ach'dkm,^ quo ge~<br />

nus ipfe de<strong>du</strong>ctret, imitatum fe effe pana in hof-.<br />

tem capientUL Ctàdere perfamm arabumqme circM^<br />

décent milita ; nec macedonibus incntenta vi&orim -<br />

fuit. Obfidio certè non tam claritate urbis nobilîtata<br />

efl , quam geminato perkulo régis, qui 9<br />

Mgyptum adiré feftinans , •Amyntam cum decem<br />

triremibus in Macedoniam , ad inquifitionem no~<br />

vorum militum , mifit : namque praliis etiam fer-1<br />

cundis atterebantur copia ; devi&arumque gem~<br />

t'utm militi minor quam domeftico fides Jtabebatur*<br />

VII. JEgyptii, olim perfamm opibus infenfi ,.<br />

quippe avare & fuperbè impéritatum'fibi tjft cndebant,<br />

ad fptm adventus ejus erexerant ammos ,<br />

utpote qui Amyntam quoque, transfugam & cum<br />

precario imperio vtnïentem , lad rectpijfftnL Igitur<br />

ingens multitudo Pelufium , qu£ intraturus<br />

rex videbatur 9 convenerat : atque ille ^ feptimo<br />

die pofiea quam à Ga^a-copias moverat, jtnregio-.<br />

mm Mgypti, quam mmc Q4ka -Alexandri va~x<br />

€ant9 pervemt ; deinât pedefiribus c&piis Pelufium<br />

petere juffis , ipfe cum expedka ' dekBQrmmi<br />

manu NUo amne ve&us cjt. -Nec fuftinutre adventum<br />

ejus perfa , defe&hne quoque pertehitL<br />

Jamque haud procul Memphi erat; in mjus prœfidio<br />

Maçaces /"fmtor Darîi, reliêlus , ociiis<br />

amnefuperato , 'ofiîngtnta talenta Alexandre omnemque<br />

rtgiam fupelleBUem tradidit. A Memphi ,<br />

'todem fiumine vtBus, ad intertora j$L,gypti pe^<br />

mirât ; compofitifque rébus ka u$ mhil ex patrio


LIVRE IV. CMAP. FIL ijr<br />

in gkmfftmtnts. Sa colère fe convertit alors ea rage,<br />

Ci nouvelle fortune lui ayant déjà fait prendre les ma*<br />

mères étrangères. Il fit donc paffer des courroies à traders<br />

les talons de Bétis encore vivant t qui, attaché à un<br />

•char, fut traîné ainfi <strong>par</strong> des chevaux autour de la ville ;<br />

le roi fe faifant gloire d'imiter, <strong>par</strong> cette vengeance f<br />

Achille, de qui il defcendoit. Il périt environ dix-mille<br />

perfes & arabes ; & la vi&oire coûta auffi <strong>du</strong> fang aux<br />

macédoniens. Ce liège au refte fut moins mémorable<br />

<strong>par</strong>la réputation de la place, que <strong>par</strong> les deux avantures<br />

périîieiîfes <strong>du</strong> r©i, qui, fe hâtant de pafler en<br />

Egypte, envoya Amyntas avec dix trirèmes en Macédoine<br />

f pour y faire de nouvelles levées : car fes victoires<br />

mêmes épuifoient fes forces; & il avoit moins de<br />

confiance aux foldats qu'il tîroit des nations vaincues<br />

qu'à ceux de fa propre nation.<br />

VIL Les égyptiens, ennemis depuis long temps dt<br />

la puiflance des perfes, <strong>par</strong>ce qu'ils n'avoient trouve<br />

dans leur gouvernement qu'avarice & orgueil, fur l'efpoirde<br />

fon arrivée avoient fenti renaître leur courage,<br />

eux qui avoient reçu avec tranfport Amyntas même t<br />

qui n'étoit qu'un transfuge & qui n'avoit qu'un commandement<br />

précaire. Il s'en étoit donc raffemblé un grand<br />

nombre à Pélufe, <strong>par</strong> où il fembîoit que le roi devolt<br />

entrer dans le pays : mais fept jours après fon dé<strong>par</strong>t<br />

de Gaza, il arriva dans cette contrée de l'Egypte, qu'on<br />

appelle aujourdhui h Camp d'Alexandre; de là il fit<br />

défiler fon infanterie vers Pélufe, & il s'embarqua lut<br />

le Nil avec une efeorte d'élite. Les perfes, épouvanté*<br />

d'ailleurs <strong>par</strong> la défeôion des égyptiens, ne tinrent pas à<br />

fon arrivée. Et déjà il étoit proche de Memphisi lorfque<br />

Maiacès, lieutenant de Darius, qui l'avoit hïffé dans<br />

cette place pour la défendre, traverfa promptement le'<br />

fleuve , & remit à Alexandre huit-cents talents & tout*ce<br />

qui ap<strong>par</strong>tenoit au roi. De Memphis, il pénétra <strong>par</strong>le<br />

même fleuve jufqu'au cœur de l'Egypte ; '& après'<br />

avoir réglé toutes chofes fans rien changer aux anciens.<br />

F vj


i3i -LIBER IF. CAP. FIL<br />

agyptiorum mon mutant, adiré Jovis Hamm&ms<br />

oraculum ftatuit.<br />

28. Iter expeditis quoque & pauch vix toléra*»<br />

Mie ingredien<strong>du</strong>m erat : terra cœloque aquarum<br />

penuria efl ; fleriks arenm jacent, quas ubi vapor<br />

félii accendit, fervido foîo exurente veftigia ,<br />

intolerabilis aflus exiflit ; luBan<strong>du</strong>mque efl , nom<br />

tantum cum ardore 6» ficcitate regionis , fed etiam<br />

€Ùm tenacijpmo fabulo, quod, pmaltum & vefligio<br />

cedens , agrè moliunturpedes. Hœc agyptii vers<br />

majora jaBabant. Sed ingens cupido ammumflimulabat<br />

adeundi Jovem , que m generis fui au&orem,<br />

haud contentus mortali faftigio, aut credebat effe<br />

aut credi volebat. Ergo, cum Us quos <strong>du</strong>cere fecum<br />

fiatuerat , feeundo amne defeendlt ad Mareotim<br />

paludem : eo hgatï cyrenenfium dona attulêre, paeem<br />

& ut adiret urbes fuas petentes ; Me, donis ac~<br />

eeptis amiciliâque conjunBd9 deflinata exfequi perfit»<br />

Ac primo quidem & fequenti die, tolerabilis<br />

1<br />

labor vijus ; non<strong>du</strong>m tam vaftis nudifque folim-<br />

iinibus aditis', jam tamen flerili & emorientt<br />

terra. Sed ut aperuere fe campi alto obruti fabur<br />

lo , haud fecus quant profun<strong>du</strong>m tsquor ingrefp. ,<br />

êerram oculis requirebant : nulla arbor , nullum<br />

culti foli occurrebat veftipum ; aqua etiam défieerat<br />

quam utribus cameïi devexerant, & in ando<br />

folo ac fervido fabulo nulla erat. Ad hœc<br />

fol omnia incenderat , ficcaque & a<strong>du</strong>fla erant<br />

omnui ; quum repente, five Mud deorum munus<br />

five cafus fuit, ob<strong>du</strong>Bm cela nuits condidere<br />

folem;- ingens mftu fatigatis , etiamfi aqua defiçe*<br />

miauxilium.£nimverat ut hrgum quoque imbrem


LIVRE IF. CHAP. VIL IJJ<br />

wfages <strong>du</strong> pays, il réfolut "d'aller à l'oracle de Jupiter<br />

Hammon.<br />

2.8. II falîoit prendre une route à .peine pratiquante<br />

même pour une petite troupe fans équipage : on n'y<br />

a ni eau de fource ni eau de pluie ; on n'y voit que des<br />

fables ftériles , qui, échauffés <strong>par</strong> le foleil, mettent fous<br />

les pieds un foi brûlant & eaufent une chaleur infupportabîe<br />

; on a à lutter,, non feulement contre l'ardeur &. la<br />

fècherefle <strong>du</strong> pays, mais encore contre ua fable tenace<br />

, d'où Ton fe tire avec peine, <strong>par</strong>ce qu'il eÛ profond<br />

& qu'il fond fous les pieds à chaque pas. Les égyptiens<br />

exagéroient encore ces difficultés. Mais Alexandre avoir<br />

une envie prodigieufe de faire une vifite à Jupiter, qu'il<br />

croyoit ou vouîoit faire croire fon père, ne fe contentant<br />

pas d'être né au faite des grandeurs humaines.<br />

Prenant donc avec lui ceux qu'il avoit choifîs pour l'accompagner<br />

, il defcendit le fleuve jufqu'au lac Maréôtis :<br />

ce fut là que les ambaffadeurs des cyréniens lui apportèrent<br />

des préfents, lui demandant la paix & la faveur de<br />

le recevoir dans leurs, villes ; il accepta leurs préfents, fit<br />

alliance avec eux. & continua de fuivre fon projet. Le<br />

premier & îe fécond jour , la fatigue <strong>par</strong>ut fupportable ;<br />

<strong>par</strong>ce qu'on n'étoit pas encore entré dans d'immenfes<br />

& arides folitudes , quoique la terre offrît déjà le fpectacle<br />

de la ftérilité & de la langueur. Mais quand ils<br />

découvrirent ies plaines enfevelies fous un fable épais f<br />

ils y entrèrent cemme dans la haute mer, en cherchant,<br />

la terre des ieux : point d'arbres, point de traces de<br />

culture ; l'eau même aportée dans des outres <strong>par</strong> des<br />

chameaux avoit manqué, & \l ne s'en tjrouvoit nulle<br />

<strong>par</strong>t dans un terrein aride & un fable brûlant. D'ailleurs<br />

le foleil avoit tout embrâfé, tout étoit fec & brûlé :<br />

c|uand tout à coup, foit <strong>par</strong> la faveur des dieux foit <strong>par</strong><br />

hazard, des nuages épaiffis dans le ciel cachèrent le foleil<br />

-, ce qui apporta un grand* foulagement aux voyageurs<br />

excédés de chaleur & de fatigue, quoique l'eau'<br />

leur manquât encore. Mais lorfque les fecouffes des<br />

vtnts firent enfin tomber une pluie abondante, chacun-


î34 LIBER IF. CAP. FIL<br />

txcufferunt pmcellm, pro fe quifqwt êxcipere mm;<br />

quidam, ob fiûm impotentes fui, ore quoque hiami<br />

captare cœperunL Quatri<strong>du</strong>um per vaftas foVitMr<br />

Unes abfumptum efl.<br />

19. Jamque kaud procul oraculi fede obérant ;<br />

quum eompiures corvi agmini occurrunt , modico<br />

volatu prima figna antécédentes : & modo kumî<br />

refidebant, quum lentiùs agmen incederet ; modo<br />

fe pennis levabant , antecedentîum iterqut manftrantium<br />

ritu. Tandem ad fedem confecratam dea<br />

ventum efl. Incrèdibile diciu ! inter vaftas folitudines<br />

fita, undique ambknt'éus ramis 3 vix in<br />

denfam umbram cadente foie 9 conteBa efl ; multique<br />

fontes <strong>du</strong>lcibus aquis pajpm manantibus<br />

alunt filvns : ccdi quoque mira temperks , vtrno<br />

tempori maxime fimilis , omnes anni <strong>par</strong>tes <strong>par</strong>i<br />

falubritate percurrit. Accola fedis funt , ab<br />

Oriente , proximi athiopum : in Meridiem versus<br />

arabes fpe&ant ( Troglodytis cognomen efl),<br />

quorum regio ufque ad rubrum mare excurrit : ai<br />

quâ vergit ad Occidentem , alii mthiopes colunt ,<br />

quos Scenitas vocant : À Septemtriont nafamones<br />

funt, gens fyrtica, navigiorum fpoliis quafluofa;<br />

quippe obfident litora, 6» mflu deflituta navigia<br />

nous fibi vadis occupant. Incola nemoris , quos<br />

Hammonios vocant, difperfis tugurus habitant,<br />

Médium nemus pro arce habent, triplici muro circumdatum<br />

: prima munitio tyrannorum veterem regiam<br />

claufit ; in proximi conjuges eorum cum liberis<br />

& pellicibus habitant , hic quoque dei oraculum<br />

efl ; ultima munimenta fatellitum armigerorumque<br />

fedes erant, Efl eûam aliud Mammonis nemus ;<br />

m medio'habet fontem ( Aquam foHs vocant):,


Lime IV. CMAP. Vil. 13c<br />

fit-fa- previliQfl j quelques-uns, n'en pouvant plus de<br />

foif, commencèrent <strong>par</strong> recevoir, !a bouche ouverte s<br />

l'eau qui tomboit.. On fut quatre jours à traverfer de<br />

vaftes déferts.<br />

29. Déjà l'on approchoit <strong>du</strong> lieu où réfide l'oracle;<br />

lorfque quantité de corbeaux vinrent au devant de l'armée<br />

, précédant d'un vol tranquile les premières enfeignes<br />

: tantôt ils fe pofoient à terre s quand l'armée ralentîffoit<br />

fa marche 5 tantôt ils s'èlevoient dans les airs,<br />

comme pour la devancer & lui fervir de guide. Enfin l'on<br />

arriva au temple <strong>du</strong> dieu. Chofe incroyable ! ce temple f<br />

fitué entre des déferts immenfes t eft environné de toutes<br />

<strong>par</strong>ts d'un ombrage qui fe laiffe à peine pénétrer <strong>par</strong> les<br />

rayons <strong>du</strong>foleil; Ôcplufieurs fontaines» qui fourdent de<br />

côté & d'autre f entretiennent ce bois <strong>par</strong> l'agréable fraîcheur<br />

de leurs eaux : la température de l'air y eft aufli<br />

merveilleufe; & femblabîe à celle <strong>du</strong> printemps, elle<br />

conferve la même falubrité pendant toute l'année. Les<br />

habitants de ce lieu font, à l'Orient, voiûns des éthiopiens<br />

: vers le Midi, ils regardent les arabes qu'on appelle<br />

Trogloâites, dont le pays s'étend jufqu'à la mer<br />

rouge : en tournant à l'Occident, on trouve d'autres<br />

éthiopiens , nommés Scinites : & au Septentrion, font<br />

les nafamoniens, qui avoifinent la grande Syrte , & qui<br />

s'enrichiffent des dépouilles des vaiffeaux; ils infeftenî<br />

les rivages, & <strong>par</strong> la connoiffance qu'ils ont des basfonds<br />

ils fe rendent maîtres des navires échoués <strong>par</strong>la<br />

baffe mer. Quant à ceux qui habitent le bois, & qu'on •<br />

appelle Hammonkns j ils logent dans des cabanes é<strong>par</strong>fes.<br />

Ils regardent le milieu <strong>du</strong> bois comme une fortereffe,<br />

Il eft fermé <strong>par</strong> une triple enceinte de murailles: la première<br />

en dedans renferme J'ancien palais des rois; la féconde<br />

, la demeure de leurs femmes, de leurs enfants ,.<br />

& de leurs concubines, & en outre l'oracle <strong>du</strong> dieu; la<br />

troifième étoit le polie des gardes & le logement de<br />

la maifon militaire <strong>du</strong> prince.,Il y a encore un autre bois<br />

• cTHammon, au milieu <strong>du</strong>quel eft une fontaine s qu'on<br />

appelle l'Eau dm Soleil: au point <strong>du</strong> jour, elle eft tiède 5


136 .LIMER IK CAP,- Vil.<br />

fub htçis vrmm, îepida manat ; mêdfa die 5 qtmm<br />

vehemtntijfimm efi caïor 3 frigida eadem finit ;<br />

inclïnato in vefperam , ealefcit ; média no&e ,<br />

fervidè exaftuat ; quoque propiiis nox vergk ad<br />

lucem , multum ex notTurno calore decrefcit , doute<br />

fub ïpfum diei ortum affueto tepore. languef<br />

çat. Id quod pro deo, colitur » non .camdem effigiem,<br />

habet quam. vulgo <strong>du</strong>s _artifices accommodaverunt<br />

; umbilico maxime fimilis efl habitas *<br />

fmaragdo & gemmis coagmmtatus. -Hune , qtmm<br />

refponfum petitur , navigio aurato geflant faeerdotes,<br />

fmdtis argenttis pateris ab utroque navigii<br />

latere pendentibus : fequuntur matronm virgmef<br />

que, patrio more tnconditum quoddam carmen canentes,<br />

quo propitïari Jovem cre<strong>du</strong>nt ut certum<br />

edat oraeulum*<br />

30. At tum quidem regem propius adeuntem<br />

maximus natu è facerdotibus Filium appdlat, hoc<br />

momen Mi <strong>par</strong>entem Jovem reddere affirmons :<br />

itte fe vero ait & accipert & agnofeere , humana<br />

finis obUtus. Confuhk deinde, an tûtius orbis<br />

imperium fatis fibi deflinaret pater : vates, aquèin<br />

a<strong>du</strong>iationem compofitus, terrarum omnium rec~<br />

iorem fore 0fendit. Pofl hac in fiât quarere %<br />

an omnes <strong>par</strong>enûs fui interficlorês pœnas dedif<br />

fent : fzeerdos <strong>par</strong>entem ejus negat uttius feclere<br />

poffe violait, Philippi autem omnes interfeciores<br />

luij/i fupplicia ;• adjecit, myiSlum fore do- "<br />

me excederet ad deos. S.acrificio deinde faEfa 9<br />

dona & facerdotibus & deo data faut ,. permif<br />

fumqm amieis ut ipfi quoque eonfuhrtnt Jovem*<br />

Nihil amplius quafiverunt, quam , an aufhr effet<br />

fibi divinis honoribus- cohndi fuum regèm : hoc<br />

quoque àcceptum fore Jovi vates rtfpondit, ut


LIVRE IV. CHAP. VIL 137<br />

à midi, lorfque la chaleur -eft îa plus grande, elle- eft<br />

froide ; fur le foir, elle s'échauffe ; au milieu de la- nuit,,<br />

elle eft bouillante & très-chaude; & à mefure que le<br />

jour approche, -la chaleur de la nuit diminue ,. jufqu'à<br />

ce qu'au point <strong>du</strong> jour elle reprenne fon degré ordinaire<br />

de tiédeur. Ce qu'on y adore comme un dieu, n'a point<br />

îa figure que les artiftes ont coutume de donner aux<br />

dieux; la forme en eft très-fembîable à celle d'un chaton<br />

, réunifiant une émeraude & des pierres précieufes.<br />

Quand on le confulte, îes prêtres le portent dans un<br />

navire doré, garni de pîufieiirs coupes d'argent qui pendent<br />

de chaque côté : ils font fuivis <strong>par</strong> des dames &<br />

<strong>par</strong> de jeunes filles , qui chantent à la mode <strong>du</strong> pays<br />

certain cantique groffier, <strong>par</strong> où elles, croient fe rendre<br />

Jupiter propice & en obtenir une réponfe bien claire.<br />

30. Ce fut précifément dans cette conjoncture que,<br />

• le roi s'étant avancé, le plus ancien des prêtres lui<br />

donna le nom de Fils, afluraot que c'étoit fon père Jupiter<br />

qui le lui donnoit : & lui , oubliant qu'il étoit<br />

homme, dit qu'il facceptoit & le reconnoiflbit. Il demanda<br />

enfuite, fi fon père ne lui deftinoit pas <strong>par</strong> fes décrets<br />

l'empire de toute la terre : & le dévia, également difpofé<br />

à ra<strong>du</strong>iation, déclara nettement qu'il gouvernerait<br />

toute la terre. 11 continua encore de demander, fi tous<br />

Σs meurtriers de fon père avoient été punis: le prêtre<br />

répondit, que l'immortalité de fon père le mettoit<br />

à l'abri de tous îes attentats, & qu'à i'égard de Philippe<br />

, tous fes meurtriers avoient fubi les peines qu'ils<br />

méritoient; il ajouta que, pour lui, il feroit invincible<br />

jufqu'à ce qu'il paflat au rang des dieux. Quand le fa*<br />

crifice fut achevé, il donna des offrandes au dieu &<br />

des préfents aux prêtres, & permit à fes courtIfans de<br />

çonfulter auffi Jupiter. La feule chofe qu'ils lui deman-»<br />

c!èrefit fut t s'il les autorifoit à rendre à leur roi les<br />

honneurs divins: & le prêtre répondit, qu'ils feroknt<br />

auffi une chofe très-agréable à Jupiter, en honorant


138 LIBER IV. CAP. FUI.<br />

ipfi viibrem regem div'mo honore cotèrent. Ferè &<br />

faiuhrker mfimaMi fidem oraculi9 -vana profi&S<br />

refponfa videri potmffeni ; fed Fortuna, quos uni<br />

fibi credere co'êgit, magna ex <strong>par</strong>te avidos glorimmagis<br />

quam capaçes Jack. Jovis igitur Filium Je<br />

non folum appellan paffus efi , fed etiam Jujfit £<br />

rerumque gefiarum famam 9 <strong>du</strong>m augere vult tali<br />

appelladone , corrumpit : & macedones 9<br />

ajjiuti<br />

quidem, regio imperio 9 fed majore libertatis umbra<br />

quam cetera gentes 9 immortalkatem affc&antem ,<br />

contumaciks quam aut ipfis expediebat oui régi ,.<br />

averfati funt. Sed hac fuo quaque temp&rî refit—<br />

ventur; mme cetera exfequi pergam*.<br />

VIII. Alexander, ab Mammone red&ens 3 ut à<br />

mari ad Mareoûm paiudem, haud procui mfulm<br />

Pharo fitam , venit 9 contemplatus hci naturam*<br />

primum in ipfi infidâ flatuerat urbem novam ton."<br />

iere ; inde , ut ap<strong>par</strong>uit mamm fidîs mfidam<br />

haud capacem , elegit urbi ïocum ubi mme efi<br />

Aiexandria , appeltaûomm trahens ex nomme<br />

auBoris : comptexus quidquid ïoci efi inter paiudem<br />

'& mare, oBogmta Jiadiorum mûris ambitum<br />

dtfimat 3 &, qui œdificandm urbi pmejfem reliais<br />

y Memphim petit. Cupido 9 haud mjufia<br />

quidem ceterum mtempefiiva , incefferat ^ nom<br />

inter'wm modo Mgypti , fed etiam Mthbphm<br />

invifere ; Memnonis Tithomqut cekbraia regia,<br />

cogmfcendm vetufiat'u avi<strong>du</strong>m trahtbat penè extra<br />

Urminos foiis : fed immmens beiium 9 cujus multa<br />

major fupererat moles 9 otiojk peregrinationi tempora<br />

exemerat. Itaque Mgypto pmficit Mfchylum<br />

rhodium & Feucefiem macedonem p fdamm


LIVRE ir. CHAP. Vlîh 139<br />

femme dieu, un roi couronné <strong>par</strong> la viftoire. À jager<br />

fihement &. félon la vérité de la bonne foi de l'oracle t<br />

ces réponfes auroient pu paffer pour illufoires \ mais<br />

ceux que la Fortune a amenés au point de ne plus compter<br />

que fur elle % elle les rend la plu<strong>par</strong>t plus avide*<br />

ite gloire que dignes d'en acquérir. Non feulement donc<br />

il fouffrit, mais il exigea qu'on l'appelât Fils de Jupiter<br />

j & encroûtant <strong>par</strong> cette diftinôion augmenter l'éclat<br />

de (a renommée , il se lit que la ternir : les macédoniens<br />

de leur côté, véritablement accoutumés au gouvernement<br />

monarchique , mais jouïfiânt aufli d'une ombre<br />

de liberté plus grande que les autres peuples, mar-v<br />

«nièrent, pour la prétention <strong>du</strong> roi à l'immortalité, une<br />

averfion plus opiniâtre qu'il n'étoit expédient pour eus<br />

&, pour lui. Mais il faut réferver ces ehofes -pour en<strong>par</strong>ler<br />

en temps & lieu ; quant à préfent je iras reprendre<br />

la fuite.<br />

FIJI. Alexandre, au retour <strong>du</strong> temple de Jupiter<br />

Hammon, étant Tenu de la mer au lac Maréotis, qui<br />

eft peu éloigné de l'île de Phare, examina la nature <strong>du</strong><br />

lieu, & réfolut lie bâtir une nouvelle vïlte d'abord dans.<br />

Fîîe même ; ayant enfuite reconnu que fîfe ne pouvoit<br />

fournir un afTez grand emplacement, il choifît pour fa .<br />

•illerendrait ou eft aujourd'hui Alexandrie, ainfi appe»<br />

lée <strong>du</strong> nom de fon fondateur : il prit tout l'efpace compris<br />

entre le lac & la merf traça pour les murailles une<br />

enceinte de quatre-vingts ftades, îaiffa fur les lieux des<br />

gens chargés de îa con<strong>du</strong>ite de l'ouvrage, & fe rendit<br />

à Memphis. Il avoit conçu Se défîr, non-déraifonnable<br />

mais d'ailleurs déplacé, de vifiters non feulement l'intérieur<br />

de l'Egypte » mais l'Ethiopie même : avide comme<br />

il étoit de connoltre l'antiquité, îa curiofité de voir le<br />

fameux palais de Memnon & de Tithon l'entraina prefque<br />

au delà des bornes <strong>du</strong> foîeil : mais la guerre qu'il avoit<br />

i foutenir f & dont les plus grandes difficultés reôoient<br />

à fur<strong>mont</strong>er, ne lui avoit point laiffé de temps pour un<br />

voyage inutile* 11 donna donc le gouvernement de l'Egypte<br />

au rhodien Efchyle & au macédonien Peuceftes»


140 LIBER IV. CAP. VIIL<br />

mUlibus mïïitum in pmfidmm regionis ejus datis :<br />

tlauftra Nili flumims Pokmonem tueri jubet ,_ triginta<br />

ad hoc trirèmes data : Africœ deinde, quâ<br />

JEgypto junâa eft, pmpofems Apolkmws ; vectigaUbus<br />

ejufdem Africa Mgyptique , Cleomems.<br />

Ex finiùmis urbibus commigrare- Akxandriam<br />

juffis, novam urbem magna mtdtimdim impkvk.<br />

Fama eft, quum rex urbis futur m muros polenta,<br />

ut maced&num mos eft, deftinaffet , avium grèges<br />

advolaffe & polenta effe paft'as ; quumque id<br />

omen pro trifti à pUrifque effet acceptum , refpondijfe<br />

vates , magnam illam urbem advenarwn<br />

frequentiam culturam, multifque eam terris alimenta<br />

pr&bituram*<br />

32. Regem, quum Jecundo amne deflueret, afft~<br />

qui cupiens He&or, Parmenionis filius , ' eximm<br />

iztatis flore , m paucis Alexandro carus, <strong>par</strong>vum<br />

navigium confcendk % pluribus quam captre<br />

poffet impofitis ,• itaque merfa navis omms def<br />

tituit ; Hector ,. diu fluminï obhËatus , quum<br />

modem veftis & aftriBi crepidis pedes natare prohibèrent,<br />

in ripam tamen femianimis evafit ; &•<br />

ut primum fatigatus fpirhum laxavit, que m mttus<br />

& periculum intenderant , nullo adjuvante<br />

( quippe in diverfum evaferant alii ) exammatus<br />

eft. Rex amijffz ejus dtfiderïo vehementer affii&us<br />

eft ; refertumque corpus magnifie® extulit future.<br />

Oneravk hune dolorem mimais mortis Andromachi<br />

» quem pmfecerat Syrim ; vivum fama*<br />

ritee cremaverant : ad cujus imeritum vinàican<strong>du</strong>m<br />

» quanta maximd cekrkate potmt, contenait<br />

; advenkntique fimt iradki tond fsclcrh


LIVRE l.K CMAP. VllL 141<br />

avec quatre-mille hommes pour la défenfe <strong>du</strong> pays:<br />

il chargea Polémon de garder les bouches <strong>du</strong> Nil t &<br />

à cet effet il lui laiffa trente trirèmes : il confia enfuite<br />

à Apollonius le commandement de la <strong>par</strong>tie d'Afrique qui<br />

touche à FÉgypte ; & à Cléomènes, la perception des<br />

tributs dans cette même <strong>par</strong>tie & dans FÉgypte, Il fit<br />

venir des colonies à Alexandrie des Tilles voifines, ce<br />

qui jeta dans fa nouvelle ville une grande multitude<br />

d'habitants. On dit que , le roi ayant tracé avec de la<br />

fat me d'orge, félon la coutume des macédoniens, Fenceinte<br />

des murailles de la ville qu'il vouîok bâtir, il<br />

furvint des troupes d'oifeaux., qui mangèrent la farine;<br />

& que , la plu<strong>par</strong>t regardant ce préfage comme fâcheux ,<br />

lés devins firent entendre, que cette ville feroit fréquentée<br />

<strong>par</strong> un grand nombre d'étrangers, & qu'elle<br />

approvifionneroit de vivres beaucoup de contrées.<br />

32, Tandis que le roi defcendoiî le fleuve, He&or?<br />

fils de Parménien, qui étoit à la fleur de fon âge &<br />

<strong>du</strong> petit nombre de ceux que chérifloit Alexandre 9<br />

voulant joindre le prince* <strong>mont</strong>a un petit bateau , ou<br />

l'on admit plus de monde qu'il n'en pouvoit porter;<br />

de forte qu'il enfonça & fubmergea tous les paffagers :<br />

Heftor lutta pendant bien <strong>du</strong> temps contre îe fleuve ,<br />

<strong>par</strong>ce que fes habits mouillés & la cTiauflure qui lui<br />

embarraflbit les pieds Fempêchoient de nager ; il gagna<br />

pourtant le rivage, mais à demi mort; & lorfque, dans<br />

cet état d'épuifement, il reprit fa refpirations retenue<br />

au<strong>par</strong>avant <strong>par</strong> la crainte & <strong>par</strong> le péril, il mourut faute<br />

de fecours , <strong>par</strong>ce que les autres s'étoient échappés<br />

d'un autre côté. Le roi fut fenfiblement affligé de l'avoir<br />

per<strong>du</strong>; & lorfqu'on eut retrouvé fon corps , il lui<br />

fit fake de magnifiques funérailles. Pour furcroît de<br />

douleur, il reçut la nouvelle de la mort d'Andromaque,<br />

à qui il avoit donné le gouvernement de la Syrie; les<br />

famaritains Pavoient brûlé vif: il <strong>par</strong>tit, avec la plus,<br />

grande diligence poffible, pour venger cette mort ; & à<br />

fon arrivée on lui livra les auteurs d'un fi horrible attentat;<br />

il fit punir <strong>du</strong> dernier fuppliçe ces meuniers de foa


I4i LIBER IV. CAP. IX.<br />

auBorts : Andromacko deinde Memnona fubfliudt'»<br />

affeâis fupplicio qui prmtorem interemerant. Tyrannos<br />

, mur eos methymnaorum^Arifionkum & Chry-<br />

Jblaum, popularibus fuis tradidh; quos iiiiè mûris<br />

ob injurias tort&s necaverunt. Athemenfium dem~<br />

de , rhodiorumque -, & ciâorum kgatos audit,<br />

Athemenfes viBoriam graiulabantur, &ut£aptèvi<br />

grœcorum .fuis reftkuerentur orabant ; rhodii &<br />

•chu de prafidio querebantur -: omnes » mqua défiderart<br />

vifi^ impctraverunt. Miiyienmis quoque, oè<br />

egregiam in <strong>par</strong>tes fuas fidêm & pecuniam quant<br />

ïn bellum impenderant , obfides reddidk > &<br />

•magnam regmnem finibus eorum adjecit* Cyprïo~<br />

mm quoque regibus, qui & à Dario defecerant<br />

&d ipfum & oppugnanti Tyrmm miferant clajfhm *<br />

pro merito honos habhus eft. Amphotems deinde %<br />

claffis pmfiBuS-, ad iiberandam Cretam nàffus<br />

{ namque & perfarum & piratarum armis pteraqut<br />

ejus înfulct obfidébantur) -, ante omnia mare'âpira*<br />

skis dafjibus vindkare juffks ; quippe obnoxium<br />

pmdonibus erat, in bellum utroqme rege c&nverfo.<br />

Mis compofitis , Htrctâi tyrio ex auro craieram<br />

, cum triginta pateris , dicavit ; imminenfque<br />

Dario , ker ad Eupkraten pronunciarijujjit.<br />

IX. At Darius, quum sh Mgypto dmtùffem<br />

r Africam hoftem çomperiffet9 <strong>du</strong>bitaverat, utrumne<br />

circa Mefopotamiam fubfifteret, an imerwra remi<br />

Jki peteret ; haud <strong>du</strong>biè potem'mr auûor pmfens<br />

futurus vlnmis gemibus immigré bellum capejfendi,<br />

quas Mgre per prafeB&s fuos mâliebatmr. Sed uts<br />

idûneis auBoribus., fama vulgavit, AltMandrum


LiTRE IV. CHâP* IX. 145<br />

ffBteaant 9 & donna à Memnon la charge d'Ândroma*<br />

fie. il livra auflî les tyrans , & entre autres ceux d*<br />

Netymne* Ariftonique & Chryfoîaus, à la fureur de<br />

leurs compatriotes s Ôc ceux-ci, pour fe venger des<br />

©aîiages qu'ils en avoient reçus f les mirent à mort ea<br />

les précipitant <strong>du</strong> haut de leurs murailles. Après cela il<br />

donna audience aux ambaffadeurs d'Athènes, de Rho-<br />

4*s, &4e Chio. Les athéniens venoient le féliciter<br />

de fa viôoire f Ôc le prier de rendre aux grecs les prifonniers<br />

de leur nation; ceux de Rhodes & de Chi@<br />

k plaignoient de leurs garaifons : tous, ne <strong>par</strong>oiffant<br />

délirer que des chofes juftes, obtinrent ce qu'ils desuadôient.<br />

Comme les mitylénieas lui avoient donné<br />

èt$ preuves diftinguées de fidélité & avoieat contribué<br />

Beaucoup aux frais de la guerre, il leur rendit auflî leurs<br />

otages , & ajouta à leur territoire use grande éten<strong>du</strong>e<br />

de pays. Il rendit <strong>par</strong>eillement tout l'honneur qu'il crut<br />

devoir aux rois de Chypre, qui a¥oiest le double mérite<br />

d'avoir abandonné Darius pour lui & de lui avoir<br />

envoyé une flotte pendant le liège de Tyr. L'amiral<br />

Ampbotère ayant enfuîte été envoyé pour délivrer la<br />

Crète f dont la plu<strong>par</strong>t des places étoient affiégées <strong>par</strong><br />

. les perfes & <strong>par</strong> les pirates, reçut ordre avant tout de<br />

nettoyer la mer de corfaires; car elle enétoit infefêée,<br />

depuis que les deux rois étoient engagés dans la guerre*<br />

Après ces difpofitions, il confacra, à Hercule tyrienf<br />

un cratère d'or avec trente patères; & ne penfant<br />

plus qu'à joindre Darius, il donna des ordres pour marcher<br />

vers l'£uphrate.<br />

IX Cependant Darias, ayant appris que Pennemï<br />

étoit paffé d'Egypte en Afrique, avoit mis en doute, s'il<br />

refteroit aux environs de la Méfopotamie, ou s'il fe<br />

porteroit au cœur de fes États ; fentant bien que, pré-<br />

Cent en perfonne , il encourageroit plus efficacement t<br />

à faire la guerre avec vigueur, ces nations éloignées 9<br />

dont il avort peine à tirer <strong>par</strong>ti <strong>par</strong> l'entremife de fes<br />

lieutenants- Mais quand, fur des témoignages graves ,<br />

ou fut qu*4i exân ^ r ^ P*^tcad«it le fuivre avec toutes fes


144 LIBER IV. CAP. IX.<br />

cum omâBus copiîs, quamcumqwe ipfi adiffet re~<br />

gionem , petiturum $ haud ignarus quam cum firenuo<br />

rts effet* omnia long'mquarum gentium aux*lia<br />

Babyloniam contrahi juffît. Baclriani 9 fcy~<br />

tkœque , & indi convenerant jam ; & ceterarum<br />

gentium copia <strong>par</strong>ùbus fimul adfuerunt, Ceterum,<br />

quum dimidiô ferme major effet exercitus quam m<br />

Glicîâ fuerat, muliu arma deerant ; qum fourni<br />

cura com<strong>par</strong>ai antur* Equitibus equïfque téguments<br />

erant ex ferreîs laminis firie inter fie cormexis ;<br />

quibus antea pmter jacula nihil dederat , fcuta<br />

gla£ique adjiciebantur ; equorumque domandi grèges<br />

peditibus difiributi fimt , ut major priftîno<br />

effet equkatus ; ingensque , ut crediderat s ténor<br />

hoftium, <strong>du</strong>cenm fidcam quadriga, unicum illarum<br />

gentium auxilium , fiqmim Junt. Ex fummo<br />

tcmone haftœ prœfixa firro eminebant ; utrimque<br />

a jugo ternos direxerant gladios ; & inter radios<br />

rotarum plura fpicula eminebant in adverfum :<br />

alm deinde falces fiumm'u rotarum orbibus hmre-_<br />

bant, & alm in terram dimiffm , quidquid obvium<br />

concitatis equis fidffet amputatur*.<br />

34. Hoc modo inftruBo exercitu ac perarmato ,<br />

Babylone copias mpvit* A <strong>par</strong>te dextrâ erat<br />

Tigris , nobilis fiuvius ; lavam tegebat Eupkratts-<br />

: agmen Mefiopotamiœ campos impleverau<br />

Tigri deinde fuperatè, quum audiffet haud procul<br />

abeffe hoflem, Satropatem , equitum pmfiBum ,<br />

cum mille dele&is pramifit ; Maqto pmtori fix<br />

tnillia data, quibus hoftem tranfitu arums arcereL<br />

Eidem mandatum , ut regionem quam Alexander<br />

effet aditurus popuhretur atque ureret : quippe<br />

credebat , inopiâ debellari poffe nihil habentem<br />

nifi qwdmpiendê occupafftt ; ipfi autan commuafcrces,


LIVRE 1F:_CHAP. IX.. 147<br />

forces, en quelque pays qu'il allât; n'ignorant pas à qui<br />

il avoit affaire , il fit raflembler dans la Babylonie toutes<br />

les troupes auxiliaires des nations éloignées. Déjà les<br />

Baftriêns , les fcythes , & les indiens s'y étoient ren<strong>du</strong>s ; '<br />

& bientôt les'fecours des autres peuples fe joignirent<br />

"à- eux* Au relie, l'armée fe trouvant prefque de moitié<br />

plus grande qu'elle n'étoit dans la Cilicie, pîufieurs<br />

étoient fans armes ; mais on n'é<strong>par</strong>gnoit aucun foin


$46 LIêER 1K CAP. IX.<br />

fus , a§i terra* alïï Tigd amm9 fuhvekebantstr*<br />

Jam pervenerat ad Arbela , vkum nobikm fui<br />

tïade fafkrus* Mîe eommeatuum farcinarumque majore<br />

<strong>par</strong>te dtpofka f fycum amnem ponte pmxii9<br />

& per dks qukmue , Jkm mite MufkraMem , trajeck<br />

emrckum. Mde eâ&gmts fin Êadim progref<br />

fus , mi aèmm mrnam ( Binai© noamn efi )<br />

mflrm p®f*k» Qppmumm exptieanSs eopus régie<br />

trot , eqmksbMis & mfi* piammes : m ftlrpes<br />

q uiéêm & hnvut vîrpdta ùptrhmt fohtm * Éièep*<br />

que profpefltss.' otmwrim eâam ai ta qme proctd<br />

reccjtre ptrmitûtw ; kaque^fi qui campi emme*<br />

Bam9 jujfk mqmn mtumque fifligkm extendL<br />

36. Alexaniro* fà numentm copiamm ejus,<br />

quantum prùcul conje&ari poterani, mftimabant B<br />

yix fêcerum fidem $ tôt mïlUbus caps » majores<br />

copias cfft te<strong>par</strong>atas. Ceterum omms perkmii &<br />

.maxime multkudinis centemptor * uxdtQimus mf><br />

tris perwiiit ad EmpèfMm ; qm mmêièm junMo ,•<br />

équités prmm in. , pèsdanfem fiqm jmèet 3 Ma*<br />

%mo, qui ai mhiben<strong>du</strong>m ifmfimm ejm sum fix<br />

mii&Mê êftâimn êccutrerut, nm amfi fentumà<br />

fui focere. Pautk ikhde , mm ad qttktem , pi<br />

ad repatandbs animes., MeBus dafk mitki , ftre»<br />

'nui ïïoÊtm infequi cmpit , mettons ae interiora.<br />

repii pâ peteret * fêqum<strong>du</strong>fque effet per hca<br />

®mnh fûUmdme atque- umpm vajèa* Igkm ^arm<br />

Me préUer Arêefa pénétras ad Tifrm, Tma mgm<br />

ukra ammm mcesù fimmbat mcenS& ; qmppt<br />

Ma^mm qummmque adiemt 9 haud ficus quam


LIVRE IF. CHAP. IX. 147<br />

& <strong>par</strong> le Tigre. îl étoit déjà arriva aux càvicons d'Arbelles<br />

9 canton qu'il alloit rendre fameux <strong>par</strong> fa défaite.<br />

II y laifla la plus grande <strong>par</strong>tie de fes prtmfîons & de<br />

fon bagage, jeta un pont fur k litière de Lycus, &<br />

ïa fit alnfi pafler en cinq jours â fon armée, comme<br />

il avoit fait autrefois à l'égaré de PEuphrâte. S'étaât<br />

"avancé de là àiadiftaiîce d'environ- Quatre-vingts rtadeS|<br />

il campa fur ies bords d'une autre rlvfère , nommée<br />

•Mumode. Ce lieu «Il prèpre pour ranger îts troupes en<br />

bataille 9 <strong>par</strong>ce que c'eft une plaine fpneieufe & cém*<br />

mode pour îe fervke delà catakrk : le fol n'y efi embarraffé<br />

ni d'arbres ni dé buiions 9 & la rue entièrement<br />

libre peut découvrir les objets mêmes les plus<br />

éloignés ; & pour cet effet, s'il s'y rencontra quelques<br />

emmenées, Darius les fît applanir SI répandre fur<br />

l'éten<strong>du</strong>e de la campagne ce qu'on étoit éa fommet.<br />

36. Ceux qui apprécîoiest îe nombre de fès troupes,<br />

-autant qu'on pouvoit le faire de loin far conjeâure,<br />

41e perfuadèrent pas fans peine à Aiexasdre f qu'après<br />

Ja perte de tant de milliers d'hommes , Darius tut remis<br />

fur pied une armée plus grande que la première.<br />

Bu relie Alexandre, qui bravoit tous les périls & qui •<br />

furtout ne s^eflfrayoit pas <strong>du</strong> nombre, arriva en onze<br />

.jours de marebe jufqu'à rÈuphrate ; & y ayant jeté<br />

ies ponts , il y Ht pafler premièrement fa cavalerie &<br />

eoâiîîe fa phalange $ fans que Mazée, qui s'étoit avance<br />

•avec fix-mille càevanx pour lui dixpùter rè paflage,<br />

••lit' fe mefurer -avec lui. Après avoir -donné au Soldat<br />

quelques jours , non pour fe repofer y iteis feulement<br />

pour reprendre baleine , il fe srit •Igottreufemenî à la<br />

pourfaite de l'ennemi $ dans la crainte qu'il ne ie rett~<br />

Tat au centre de fon royaume , & qu'il ne fallût le ftâ-<br />

¥re à travers des déferts & -des lieux appauvris <strong>par</strong> le<br />

dlglt. ïl fe porte donc eu quatre jours jûfqû'au Tigre,<br />

en paflanî près d'Arbelles, Toute la contrée au delà <strong>du</strong><br />

HeuVe .fumoii encore des relies dé rembrâfemfeift ; car<br />

Usait mtttoic îe feu g çgmm m w^aA,- p"ar ttoft éi<br />

9%


ï-48 LIBER IV. CAP. IX.<br />

éoftis, urebat. Ac primo , caligine quam fumus<br />

ojfuderat obfcurante lucem , Infidiarum metu fuh»<br />

fiith 3 -deinde ut fpeculatores pmmljji 'tuta omnia<br />

nunciavtrunt 9 paucos equltum ad tentan<strong>du</strong>m va<strong>du</strong>m*<br />

fiumlnls pmmïfit, cujus altitudo :s primo<br />

fumma equorum peBora, mox ê .ut in médium alveum<br />

ventum eft , cervicts j$wque œquabat* Nec<br />

fané allus. ad Orienùs plagam tam viokntus ïwehitur<br />

s multorum éorrentium non aquas folum, fed<br />

etiam faxa- ficum trakens. Itaque à .ctîcritate- quâ<br />

'defluit T'igi -nomen eft inditum-, quia perjicd tinguâ<br />

Tïgrim faglttam appellanu<br />

37. Igitur pedes, velut divifus m cornua , cir?<br />

cumdato equitatu, Levatls fiper eaplta armls > kaud<br />

agrè ad Ipfim alveum pénétrât, Primus Inter pedb-<br />

•tes rex tgfejjus in >ripam, va<strong>du</strong>m -mllitibus ma«*<br />

nu -, quando vox exaudirl non poterat, oftcndit.<br />

Sed gra<strong>du</strong>m firmaremx poterant, quum modo<br />

faxa îubrica veftigium fallerent, modo rapidior<br />

unda fub<strong>du</strong>ceret. Pmcipuus • erat labot torum qui<br />

humeris onera portabant ; quippe , quum fenxetïp-<br />

.fis regere non pojfent, In rapldos .gurglies iricommodo<br />

oner.e auferebantur : & <strong>du</strong>m fia quifque<br />

fpoiia confêqui ftudet -, major inter ipfos quam<br />

cum amne mta luBaûo eft ; cumullque farcinarum<br />

pajjim ftukantes plerofque percuteront. Rex<br />

<strong>mont</strong>re, ut fatls haberent arma retinere, cetera,<br />

fe reddlturum : fed neque confilium neque imperium<br />

atcipi poterat ; oèftrepebat hinc metus, prcé-<br />

• ter hune, invicem natantium mutuus clamor. Tandem<br />

, qUa lenlore traclu amnis aperit va<strong>du</strong>m , emer<br />

fere ; neç quidqmm, prater paucas fardnas 9 d&fidera<br />

um eft, *'


LlVRB IV. CHAP. IX. 149<br />

îpafloit. L'efpèce de brouillard que la fumée avoit répan<strong>du</strong><br />

rendant le Jour obfcur § Alexandre , qui craignoit<br />

çwlque embûche, Et cTabord haite; puis ayant fu des<br />

Coureurs qu'il air oit envoyés en avant qu'il n'y avoit<br />

rien à craindre w II cliaxgea quelques Cavaliers d'aller les<br />

premiers fonder le gué", où les chevaux a'voient deTeau<br />

«a entrant jufqu'au poitrail ,& au milieu <strong>du</strong> lit îufqu'au<br />

con. Mûrement de tous les fleuves de l'Orient, le plus,<br />

rapide eft celui-ci , qui non feulement eft groffi <strong>par</strong><br />

l^s eaux de plu£eurs torrents, mais qui entraîne mêmeit<br />

greffes pierres dans fon cours. C'eft cette impétuofité<br />

qui lui a fait donner le nom de Tigre t <strong>par</strong>ce qu'une<br />

flèche s'apelle Tigre en langue perfane.<br />

37- "L'infanterie , ayant donc été comme <strong>par</strong>tagée en<br />

deux aîles 8c foutenue aux deux côtés <strong>par</strong> îa cavalerie,<br />

arriva non fans peine jufqu'au courant de l'eau, •<br />

en portant les armes élevées au deffus de la tète. Le<br />

toi » ayant pafle* avec l'infanterie, <strong>par</strong>ut le premier fur<br />

l'autre bord, & <strong>mont</strong>roit le gué aux foldats avec la main,<br />

ne pouvant faire entendre fa voix. Mats ils avoient<br />

bien de la peine à fe tenir ferme fur leurs pieds, tantôt<br />

gliflant far des pierres mobiles , & tantôt le pied leur<br />

manquant <strong>par</strong> l'exceûlve rapidité <strong>du</strong> flot. Le plus grand<br />

mal étoit pour ceux qui s'étoient chargés de leurs har-'<br />

des ; car ne pouvant fe con<strong>du</strong>ire eux-mêmes f ils étoient<br />

entraînés dans des gouffres rapides <strong>par</strong> cet incommode<br />

fardeau : chacun alors tâchant de ratraper fes nipes f ils<br />

fe nuifoîent plus les uns les autres que le fleuve même<br />

Re leur nui f oit ; & des monceaux de hardes, qui flottoient<br />

de tout côté, en avoient déjà fait tomber plufieurs.<br />

Le roi crioit, que Ton fe contentât de retenir<br />

les armes, & qu'il rendroit le refte : mais il n'y avoit<br />

ni confeil ni commandement qui pût être enten<strong>du</strong> ; la<br />

crainte d'un côté s & de l'autre les cris de ceux qui<br />

luttoient contre l'eau f y mettoienî un obftacle invincible.<br />

Enfin ils fortirent <strong>du</strong> fleuve <strong>par</strong> l'endroit <strong>du</strong> gué<br />

* où l'eau coule plus doucement ; & il n'y eut de per<strong>du</strong>,<br />

en tout que quelques paquets.<br />

G iij


i$o LIBER IF. CAP. X.<br />

38. IMeri p&tmt exerekms, fi qms onfus ej^twncm<br />

; fed perpétua fortuna régis avenu înde<br />

êûftem : fie Grankum, tôt mUUèms equkum peaï-<br />

1 mmque m ulteriore fianâbus ripa % fiupemvk % fie 9<br />

0Mguft$ in CÏÏicw caUibus, tamam multitude<br />

nem koftium. Audacim qmque 3 qui maxime vir<br />

guit ». ram mima pmeft ; mm mmqmsm m dif*<br />

€f"mm verni m umerè fieijfiê. M^imm » qui » fi<br />

mmfiumïkms flmmm fuperwmfikt, kaud diéë<br />

mpprejfwus fini mcompojkos , in ripa demum &<br />

jam perarmatês adequitare cœph : mille adm®~<br />

<strong>du</strong>m équités prmmiferat ; quorum paueitate, AUxander<br />

, txploratâ de'mde comemta M pmfe&um<br />

pmormm equitum, Arifiona % hxmis kabems imtiû<br />

jujffit. Infigtûs eo die pugm equitum, & pmàpuè.<br />

Arifimis , fiât : prafiéhm equkatm perfamm »<br />

Satropatem, direÛa m gai mm èsftd » tramsfixk ;<br />

fiigmmitmqm per medim kûfies amfeqtmtms , ex<br />

eqm prmàpiêamt , & obh&tmd capmt gkdm<br />

demfk, qmd rdatum magna am lande ante régis<br />

pedes pofiàê»<br />

X. Bidm M rex fiasiva habm * m pmxmmm<br />

'de'mde iter prommeiari ji^ffit* Sed prima firè iup*<br />

lia lima déficient, frlmmm mmremfidtris £m c«tdidd<br />

; demde , fmgumis wbne fitfkfa, hmem<br />

Qtme fitâavh : filkkisqm fié ipfim tatmi diferiwûms<br />

cafum, ingens reêigio & ex eâ firmida qua»<br />

dam ineuffa eft, Diis imntis in. ukimas terras<br />

trahi fe querebantw. Jam nec flumhm poffi adiri%<br />

fiec fidera priftimtm pmftare fidgorem ; vaftss<br />

terras , deferta omnia oçcurrere ; in unius ho«


LIVRE IF. Cm A P. X 151<br />

"38. L'armée pouvoit être taillée en pièces • fi quel*<br />

qu'un eût ofé la vaincre ; mais le bonheur <strong>du</strong> roi, toujours<br />

confiant, con<strong>du</strong>ifit l'ennemi loin de là ; ce fut alïili,<br />

qu'à la vue de tant de milliers d'hommes de cavalerie &<br />

d'infanterie qui couvroient le rivage oppofé f iî traverfa<br />

le Granique ; ainfi que , dans les gorges de îa Ciîicie f<br />

il furmenta un fi grand nombre d'ennemis. On peut<br />

même diminuer le blâme de cette intrépidité préfomptueufe<br />

t qui étoit fon caraôère dominant ; en et que<br />

jamais l'événement n f a donné lieu de douter s'il avoit<br />

agi avec témérité, Maxée , qui pouvoit profiter <strong>du</strong> défordre<br />

pour défaire les ennemis, s'il fût furvenu rai»»<br />

dis qu'ils paffoient , ne commença à s'avancer contre<br />

eux 9 que quand ils eurent gagné le rivage & qu'ils furent<br />

fous les armes : il avoit envoyé devant mille chevaux<br />

en tout ; mais Alexandre 9 ayant reconnu & bientôt<br />

méprifé cette poignée de gens s ordonna à Arifton,<br />

qui commandoit la cavalerie péonienne f de les charger<br />

à bride abattue. La cavalerie combattit ce jour-là d'une ,<br />

manière diftinguée $ & principalement Arifton : il porta<br />

iia coup de javeline à la gorge â Satropatc , Généra! de<br />

la cavalerie perfe ; & le poursuivant dans fa fuite à travers<br />

les ennemis, il Se renverfa de fon cheval, &, malgré<br />

fa réfiftance s lui coupa la tête, qu'il apporta glorieufemeat<br />

aux pieds <strong>du</strong> roi.<br />

X. Après avoir campé deux jours en ce lieu 9 le roi<br />

fit fignifier le dé<strong>par</strong>t pour le jour fuivant. Mais vers la<br />

première 'veille de la nuit f la lune s'éclipfant perdit<br />

d'abord l'éclat de fa lumière ; puis elle s'éteignit entièrement<br />

, comme fi elle étoit fouillée & teinte de<br />

fang : & les foldats » déjà inquiets des approches d'une<br />

aâion fi périlleufe > furent pénétrés d'un profond Sentiment<br />

de religion & <strong>par</strong> là même de quelque frayeur.<br />

Ils fe plaignirent qu'on les traînât contre la volonté des<br />

dieux aux extrémités de la terre. Ils ajoutèrent que les<br />

rivières s'oppofoient à leur marche ,. & que les.aftres<br />

leur refufoient leur ancienne clarté ; qu'ils ne trouvoient,<br />

plus que des tjerres dévaftées &, des déferts ; que c'étoit<br />

G iv


151 LIBER IF. CAP. X.'<br />

minis jaBationtm tôt miiiium fanguinem impends :<br />

faflidio effe patriam , abdicari Philippum patrem;<br />

Cœium vanis cogitationibus petL Jampro feditwne<br />

res erat, quum , ad omnia inttrritus 3 <strong>du</strong>ces pr'mcipesque<br />

militum fréquentes adeffe pratorio, œgypfwsque<br />

.vates , quos ccdi ac fiderum peritijjimos<br />

tffe credehat, quidfenûrent expromere jubet. Atilii,<br />

qui fatis [cirent temporum orbes impitre deftinatas<br />

vices, lunamqut deficere quum aut terram fubiret<br />

aut file premeretur *9 rat'mnem quidem ipfis<br />

perceptam non edocent vulms j ceterum affirmant ;<br />

foiem gmcorum, lunam effe perfarum ; quoties Ula<br />

deftciat, ruinam flragemque ittis gentibus portendi :<br />

veteraque exempta percenfent Perfidis regum, quos<br />

adverfis diis pugnaffe haut ofendiffet defeBio. NuMa<br />

res cjfficaciàs multitudinem régit quam fuperftitio ;<br />

aïioqui impotens, fizva , mutabïlh, ubi vanâ religione<br />

capta efl, meliks vatibus quam <strong>du</strong>cibus^ fuis<br />

<strong>par</strong>et : igitur édita in vuigus agyptiorum refponfa<br />

rurfus adfpem & fi<strong>du</strong>ciam erexêre torpentes*<br />

40. Ré.x 5 impetu ammorum uten<strong>du</strong>m ratus, fi*<br />

cunda vigUiâ caftra movit : dextrâ Tigrim habibat 9<br />

fâ lava <strong>mont</strong>es quos Gordaeos vocanL Hoc ingrejfb<br />

iter, fpeculatores qui pramiffi erant, fub hcis<br />

ortum Darium adventare nunciaverunt, InflruBo<br />

* M. de Vaugelas $ ni celui qui a retouché fa tra<strong>du</strong>ction,<br />

n'ont ren<strong>du</strong> ni fait fentir le fens littéral de ce<br />

premeretur ; & cela me <strong>par</strong>olt en effet difficile. Un commentateur<br />

rend ainfi la phrafe : £1 Lunam eclipfim pati<br />

quum vei terra fuhjaeei vei foli fuppmhw•; c'eft fa peufée<br />

qu'il explique plutôt que ceîîe de Q. Curce, encore<br />

les aftronomes trouveront-ils peut-être qu'il auroït dû,<br />

t'iiiv '"onitun J'ai tra<strong>du</strong>it comme s*il y avoît priware^


LIVRE IV. CHAP.X. 153<br />

pour fatisfaire ia vanité d'un feui homme que tant d»<br />

miiiiers d'hommes verfpient leur fang : Ôc qu'il ofoit<br />

dédaigner ia patrie , défavouer fon père Philippe > &<br />

prétendre ridiculement aux honneurs divins. Déjà la"<br />

fédition étoit fur le point d'éclater , lorfqu'AIexahdre ,<br />

qui ne s'épouvantoit • de rien , fit venir dans fa tente<br />

grand nombre de chefs & d'offickrs , & ordonna aux<br />

devins égyptiens , qu'if croyoiî très"-verfés dans la connoiffance<br />

<strong>du</strong> ciel & des aftres , de déclarer ce qu'ils en<br />

penfoient. Eux , qui favoient aflez que les révolutions<br />

des temps rempliflenî exactement les périodes prefcrites,<br />

& que la lune s'édipfe quand elle eft cachée <strong>par</strong> la<br />

terre ou privée '<strong>du</strong> foleii, faos vouloir divulguer leur<br />

fciçnce ? attirèrent d'ailleurs , que le foleii étoit pour<br />

les. grecs , & îa lune pour les perfes ; & que toutes les<br />

fois que celle-ci s'éclipfoit, c'étoit pour ces peuples le<br />

préfage de quelque calamité, lîs citèrent là-deflus d'anciens<br />

exemples de rois de Perfe , qui avoient eu les<br />

dieux contre eux dans des batailles félon le préfage de<br />

quelque éclipfe de lune.. Rien de plus efficace pour<br />

mener la multitude que la fuperftition ; d'ailleurs emportée<br />

, impétueufe, inconftante , dès qu'elle eft préoccupée<br />

d'une vaine image de religion , elle obéit bien<br />

mieux à des devins qu'à fes chefs : auffi les réponfes<br />

des égyptiens s ayant été répan<strong>du</strong>es <strong>par</strong>mi les troupes ,<br />

ramenèrent Fefpoir & ia confiance" dans les cœurs<br />

abattus.<br />

40. Le roi, croyant devoir profiter de cette fermentation<br />

des efprits x décampa à ia féconde veille : il avoit<br />

à fa droite le Tigre, & à fa gauche les <strong>mont</strong>agnes qu'on<br />

appelle G&rdéennes. Quand il fut en marche , les coureurs<br />

qu'il avoit dépêchés en avant, rapportèrent au<br />

point <strong>du</strong> jour que Darius approcboit. Ayant donc prê­<br />

ter , que je n'ai pourtant pas ofé mettre dans ie texte,<br />

mais qui probablement doit J être : je m'en rapporte<br />

aux gens de lettres* - •<br />

G ¥


154 LIBER IF. CAP. X.'<br />

igitur mMke &• compofite agmine , antetedebat<br />

Sid perfumm exphratorts erant mtlîe ferme 3 qui<br />

fpeckm agminis mapû ftcerant; quippe ubi cxplorari<br />

vera non pojfunt , falfa per metum augentun<br />

His cognitis, rex , cum paucis fuorum affiquutus<br />

agmen refugientium ad fuos , ' allas cecidit,<br />

alios cepk ; eqmtefqwe pmmïfit $ Jimul fpectdatum<br />

, Jimul M ignem qw barbari cremave*<br />

rant vicos extmmerent : quippe fupenm mptim<br />

teBis acervifque jmmenti mjecerant flammas, quwf<br />

quum in fummo hœfiffent, ad mferiora non<strong>du</strong>m<br />

pcnetraverant. ExtinBo igitur igné'9 phtrimum frumenti<br />

repertum eft ; copia aliarum quoque rerum<br />

abundare cœpenmt. Ea res ipfa militi ad pcrjèquen<strong>du</strong>m<br />

koftem animum incendit ; quippe urente<br />

& popularité eo terram » fejlinan<strong>du</strong>m erat , ne incendie<br />

amBa pmriperet : m radonem êrgo necejjitas<br />

ver fa ; quippe Ma\mu$ 3 qm antea per otmm<br />

vicos incenderat9 jam Jùgere conunms , pleraqm<br />

mw'wiam hofii reliquk. Alexander haud longiàs<br />

centum quinquagmta ftadiis Darimm abeffi cêmpe*<br />

rerat ; itaque ad fatietatem quoque copia commtatuum<br />

inflruBus 9 quatri<strong>du</strong>o in eodem loco fubjlitit.<br />

41. Intercepta demde J}am litera fum9 quibus<br />

grmci milites folicitakantur m regem inurfi+<br />

cerent oui pmdertM ; <strong>du</strong>bkavitque an cas pro couc'wne<br />

récitant , faêis ç&nfifus grac&rum qwoque<br />

erga fe benevolentia ac fidei. Sed Parmemo détenait<br />

; non ejfe tallbus promijps imbuendas mires<br />

militum , patere vel unîus injidiis regem, nihil<br />

nefqs e£e ayarUM, $equutus cenjuii auBo-


LIVRE IK CMA-P.'X. t^<br />

|nré le foldat & rangé l'armée en-bataille, it fe mit'à<br />

la tête. Mais c'étoient environ- mille coureurs perfes<br />

qui alloient à la découverte, & qu'on avoit pris pouf<br />

en corps d'armée ; la crainte ayant coutume


i$6 'LIBER IF. CAP. X.<br />

rems caftra movit. lier- faciemi fpadù urms ese<br />

captivis qui Darii uxorem camitabantur r deficere<br />

eam nunciat & vix fpiritum <strong>du</strong>cere : itineris con~<br />

tinui iabore animique mgritudim fatimta, inter<br />

focrâs & virginum filiarum manus coïlapfa erat 9<br />

de'mde & extinËa ; id ipfum nuncians alius fur<br />

'pervertît. Et rex , haud fecus quam fi <strong>par</strong>eniis.<br />

fua mors nunciata effet, crebros edidit gemitus ;<br />

lacrimifque obortis quaks Darius profudiffet % m<br />

idhetima<strong>du</strong>m. 'm quo mater erat Darii defunBo<br />

ajfidens , corpori vemt* Hic vero rermvatus eft<br />

mœror, ut proftratam humi vidit. Recenti mah<br />

priorum quoque admoràta , feceperat in gremium<br />

a<strong>du</strong>ltas ^virgines.; magna quîdem mutui doioris<br />

folatia , fed qu'eus ipfa deberet ejfe folatio ; in<br />

'confpe&u erat nepos <strong>par</strong>vulus , ob id ipfum mife»<br />

rabais , quod non<strong>du</strong>m fentîebat calamitatem maximd<br />

ex <strong>par</strong>te ad ipfum re<strong>du</strong>ndantem. Crederes Aiexandrum<br />

t inter fuas mcejfttudims flere, & folar<br />

tia non adhibere fed quœrere* Cibo certè abftmmt9<br />

Qmnemque honorem funeri, patrio perfarum • more ,<br />

fervavit ; dignus, Hercule ! qui mmc quoque tan-*<br />

mm manfuetudinis & continentim ferat fru&um,<br />

Semel omnino eam • viderat, quo die capta eft ;<br />

. nec ut ipfam3 fed- *ut Darii matrem vider et ; exim'mmque<br />

pulchritudinem forma ejus non libidims<br />

habmrat incitamentum, fed gloriœ*<br />

" 44. E fpadonibus qui cirta regmam erant'l<br />

Tyriotes, inter trepidaûonem lugentium, elapfu _


LIVRE IF. CMâP. X. 157<br />

décampa. Pendant la marche t un-des eunuques prisonniers<br />

qui accompagnoient la femme de Darius , vint<br />

lui dire qu'elle étoit à l'extrémité & qu'à peine lui<br />

reftoit-ii un (buffle de vie : accablée <strong>par</strong> la fatigue<br />

d'une marche continuelle & <strong>par</strong> fes peines d'efprit 9<br />

elle étoit tombée de foibîeffe entre les bras de îa reine<br />

fa belle-mère & des jeunes princeffes fes filles, & y<br />

étoit morte bientôt après ; & c'eû" ce que vint ap-«<br />

prendre ua autre envoyé qui furvint. Auflitôt le roi<br />

en gémit 9 comme fi on lui eût annoncé la mort de fa<br />

mère ; & les larmes lui étant venues aux- ieux comme<br />

elles feroient venues à Darius , il fe rendit à la tente<br />

où étoit la mf re de ce prince aflîfe auprès <strong>du</strong> corps.<br />

Dans ce moment toute fa douleur fe renouvela, quand<br />

il vit cette vénérable princeffe aflîfe <strong>par</strong> terre. Son dernier<br />

malheur renouvelant dans fon ame toute l'amertume<br />

des premiers , elle tenoit fur fon fein les princeffes<br />

à la fleur de leur âge ; & elles étoient véritablement<br />

propres â adoucir fon affliâien qu'elles <strong>par</strong>tageoient,<br />

mais elle auroit dû être elle-même leur confolation :<br />

elle voyoit devant elle fon petit-fils , jeune enfant d'autant<br />

plus à plaindre , qu'il ne fentoit pas encore Finfortune<br />

dont le plus grand poids retomboit fur lui. On<br />

auroit dit qu'Alexandre pleuroit au milieu de (es plus<br />

chers amis > & qu'il y étoit, non pour y apporter de<br />

la confolation , mais pour y en trouver. Il ne prit en<br />

effet aucune nourriture , & fit rendre à la reine tous<br />

les honneurs convenables dans fes funérailles , qui furent<br />

faites' à la manière des perfes ; prince véritablement<br />

digne en'cela dejouïr encore au jourdhui <strong>du</strong> fruit<br />

de fa bonté & de fa coatinence» 11 n'avoit vu la reine<br />

- qu'une fois , le jour qu'elle fut prife ; ce ne fut pasmême<br />

à elle , ce fut à la mère de Darius qu'il fit vifite t<br />

& l'excellente beauté de cette princeffe , loin de lé<br />

porter à la volupté , ne fut pour lui qu'une nouvelle<br />

matière de gloire.<br />

42. Tyriotès , l'un des eunuques de la fuite de îa rein©,<br />

tandis qu'on fe livroit à l'affliftion » s'étant échappé <strong>par</strong>


158 LIMER IF. CAP. XJ<br />

per eam portant quœ 9 quia ah kofte averfa erat,<br />

levîks cuftodiebatur , ad ' Darii caftra pervenit ;<br />

txceptufque à vigilibus', in tabemacuium régis<br />

ptrdmitur, gemtns & vefti laceratâ. Quem ut<br />

confpexit- Dariuss mutipUci exJpeBatiom commor<br />

tus, & qmd potijftmum tmeret imertus : Vukus<br />

tuus, inqmit , nefcio cjuod iiîgetis malus» praefert<br />

; fed cave nuferi hominis anribu» pafcas :<br />

didicï enifft effe mfelix ; & fcpe calamitatis fblatium<br />

eft 9 noffe fortem fiiam. Nûm, qaod maximè<br />

fufpicor & loqui timeo , ludibiia meoroni<br />

nunciatiiras es, mihi & 9 ut credo , ipfis quoqiie<br />

omni graviora fupplicio ? Ad hmc Tyriotes,<br />

lftud qiîidem procul abeft, inquit ; quantufciunque<br />

enim regirns honor ab iis qoi <strong>par</strong>ent haberi<br />

poteft 9 tais à viâore ferrâtes eft : fed uxor tua<br />

paulo ante exceflit è vitâ. Tum vero., nom gtwmm<br />

modo , fed etiam ejulatus totis caftrh exmdie*<br />

bantur ; net <strong>du</strong>bitavit Darius quin imerfiêa effet,<br />

quia nequijfet contumeliam pati ; excîanmtque<br />

amens dolore : Quod ego tantom nefas cornmifi<br />

5 Alexander, quem tuorum propiûquoram<br />

necavi r ut banc vlcem isevitîae meae reddas ?<br />

Odifti me, non quidem provocatus : fed fîege<br />

juftutn intuliffe te bellum ; cum feminis ergo<br />

agere débuteras ? Tyriotes affirmare per deos <strong>par</strong>.<br />

trios, nihil in eam gravies tffi c@nfidtmm ; inge*><br />

mmffe etiam Alexandnm wwrù , & nûm <strong>par</strong>ciiis<br />

ftevijfè quam ipfe lacrimaretur, Ob hmc ipfa<br />

a/nantis amimus in folicimdinem fufmciomemqut<br />

revolutus eft, defiêerium captiva profe&o à tonfuetudine<br />

ftupri ortum ejfe conjeBans. Submotis<br />

igitur arbitris , uno <strong>du</strong>ntaxat Tyriote retento,


LIVRE IV. CuAf. X 159<br />

la porté h moins gardée comme oppofêe 'au côté de<br />

l'ennemi, fe rendît au camp de Darius ; & ayant été arrêté<br />

<strong>par</strong> les gardes , il fut mené , fondant en larmes &<br />

déchirant fa robe, à îa tente <strong>du</strong> roi. Dès que Darius<br />

l'apperçut f ce prince f faifi tout à coup de mille apprélienfions,<br />

fans favoir ce qu'il devoit cramdre îe plus :<br />

Ton air, lui dît-il, m 9 annonce quelque grand malheur que<br />

j'ignore ; mais garde-toi de rien déguifer <strong>par</strong> considération,<br />

pour mon infortune : car j 9 ai appris â être malkeu~<br />

rtux ; & fiuvemt c*eft une confolaùon dans Fadverfité ,<br />

que de conmoître toute fi dtfimée, Viem-tu , ainfi qutje<br />

le foupçorme & que jt §rsms de le dire , m f apprendre que<br />

les perfinncs de ma famille ayent été expofées à des indignités<br />

| plus outrageantes pour moi &fans doute pour ellesmêmes<br />

que tous les fupplices <strong>du</strong> monde ? Bien loin de là ,<br />

répond Tyryotès; tout ce que des fujets peuvent rendre<br />

A honneur â leurs reines , a été ren<strong>du</strong> <strong>par</strong> le vainqueur<br />

aux perfonnes de votre fang : mais votre époufe vient de<br />

mourir. Alors tout le camp retentit, non de fîmpîes gémiffements<br />

, mais de cris épouvantables : Darius ne douta<br />

point qu'on ne lui eût ôté la.vie, <strong>par</strong>ce qu'elle n'avoit<br />

pas voulu confentir à être déshonorée ; & il s'écria<br />

dans le défefpoir de fa douleur : Quel fi grand crime<br />

ai-je commis, Alexandre $ â qui des tiens ai-je ôté la vie ,<br />

pour te porter <strong>par</strong> ma cruauté à une vengeance fi cruelle ?<br />

Tum'as pris en haine fansfujet : mais en fuppofant à la<br />

guerre qm tu me fais toute la juftice poffible , devois~tu<br />

t'sn prendre a des femmes ? Là-deflus Tyriotès jure <strong>par</strong><br />

les dieux <strong>du</strong> pays , qu'il n'avoit été fait à îa reine aucune<br />

infulte ; qu'Alexandre avoit <strong>par</strong>eillement été touché<br />

de fa morts & qu'il rfavoit pas verfé moins de larmes<br />

que Darius lui-même. Ces ferments f faits à un mari<br />

éperdûment amoureux, firent naître dans' fon âme,<br />

à la place de fes premières penfées, des idées de jaloufie<br />

& des foupçons; & il conjeâura que tant de regrets<br />

fur la mort d'une captive n'avoient leur fource<br />

que dans une familiarité criminelle. Ayant donc fait<br />

fortir tous les témoins , & ne retenant que Tyriotèt,


160 LIBER IV- CAP, XL<br />

jam non flèns * fed fufpirdns : • Viéefne in te "f<br />

Tyriote, locum menàacio non effe ? Tormeiîta<br />

jam hic étant; fed ne exfpeâaveris , per deos,<br />

fi quid tui tibi régis reverentiae eft : num quod &<br />

icire exfpeclo & quserere pudet aufus eft , & dominus<br />

& juvenis ? Ille quœftioni corpus offerrt,<br />

deos teftes ïnvocart cafte fan&eque habltam effe<br />

reginam. Tandem, -ut fides JaBa eft. vera effe qm<br />

affirmant. Jpado 9 capite velato .dm ftevk ; manamùbufqut<br />

adhuc iacrimis , vefte ab me rejeSâs ad<br />

cœlum manus tendens : Dii patrli, înquit, primum<br />

mini fiabilité regnum ; deinde, fi de me jam<br />

tranfaôum eft, precor ne quis potîùs Àfiae rex<br />

fit quam ifte, tam juftus hoftis , tam mîferkors<br />

Tiftor,<br />

XI. Itaque 9 quamquam , pace fruftra hîspetita9<br />

omnia in belïum conJÙia convtrterat ; vi&us tamen<br />

conûmnùâ hoftis, ad novas pacis conditiones ferendas<br />

dectm Ugatos cognatorum principes miftt :<br />

quos Alexander , Confilio advocato , imtro<strong>du</strong>ci<br />

juffïu E quibus maximus natu ; Darium , inqmt^<br />

ut pacem à te jam hoc tertio peteret nulla vis<br />

fubegit ; fed juftitk & continentia expreffit. Maîrem<br />

, conjugem , liberofque ejns , nifi quod<br />

fine illo funt, captos efTe non fenfit ; pudicitûe<br />

earum quse fuperfunt curam haud feras quam<br />

<strong>par</strong>ens agens , Reginas appelîas ;• Ipeciem priftinae<br />

fortunae retinere pateris, Yultum tuum<br />

video, qualis Darii fuit quum dimitteremur ab<br />

eo : & ille tamen uxorem , tu hoftem luges ;<br />

jam in aeie^ftares, nifi cura te fepukur» ejus'mo-


LIVRE IF. CM A p. XL 161<br />

Il lui dit f non pks en répandant des larmes, mais ea<br />

foiipirant : Vois-tu bien , Tynotes , qu'il ne t'eft pas<br />

permis de m 9 en impofer ? Les tourments font ici tout prêts;<br />

mais m'attends pas jufques-ïà s je t s en conjure <strong>par</strong> les<br />

dieux, s 9 il te refte quelque refpeci pour ten roi : Alexan»<br />

dre , abufant de fort pouvoir & emporté <strong>par</strong> le feu de la<br />

jeuneffe , n 9 a-t-il pas ofé ce que je m 9 attends a apprendre<br />

& que j*aihonte de demander? L'eunuque s'offre luimême<br />

aux tortures, & prend les dieux à témoin que<br />

le vainqueur n'eft jamais forîi s à l'égard de la reine ,<br />

des bornes de l'honnêteté & <strong>du</strong> refpelt. En|in, îorfque<br />

Darius fut perfuadé de îa vérité des ferments de l'eunuque<br />

, il fe voila îa tête & pleura long temps ; puis<br />

les larmes encore aux ieux , rejetant fa robe de deffus<br />

fon vifage & tendant les mains au ciel ; Dieux de ma<br />

patrie , s'écria-t-iî , je vous demande premièrement de<br />

m f affermir fur mon trône ; mais en fuite , s'il efl décidé<br />

de moi autrement j ne permette^ pas, je vous prie , que<br />

Vempire de VAfie tombe en Vautres mains qm 9 en celles<br />

de ce prince , ennemi fi jufte $ &'vainqueur fi fenfible à<br />

la pitié,<br />

XL Quoique Darius, après avoir demandé deux fois<br />

la paix fans fuccès f eût tourné toutes fes penfées <strong>du</strong><br />

côté de la guerre ; gagné toutefois <strong>par</strong> la modération<br />

de fon ennemi, H lui envoya en ambaffade dix des principaux<br />

de fes <strong>par</strong>ents pour lui propofer de nouvelles<br />

conditions de paix : & Alexandre , ayant affemblé fon<br />

Confeiî, les fit entrer. Aucune néceffité% dit alors le plus<br />

ancien d'entre eux, n*a forcé Darius à vous demander aujourdhui<br />

la paix pour la troifième fois ; mais votre juftice<br />

& votre modération Vy ont déterminé. Il n'afemti la cap il»<br />

vite de fa mère, de fa femme, de fes enfants , ' que <strong>par</strong> leur<br />

abftnce; auffi attentif qu'un père à l f honneur des princeffti<br />

qùfurvivent, vous hurdonne\ le nom de Reines *, vous leur<br />

'laljfex l 9 ap<strong>par</strong>eil de leur ancienne fortune. Je vois fur votre<br />

vifage , ce que nous vîmes fur celui de Darius quand<br />

nous prîmes congé de lui : & toutefois c 9 efi une époufe qu'il,<br />

pleure, & reus ne phwê\ qu'une ennemie j VQMS ferie^


i6% LIBER IF. CAP. XL<br />

raretor. Et qeid mirom eft fi. tam aB Mmcm<br />

animo pacem petit? ouid opos eft armis inter<br />

qoos odia fiiblata fiint r Antea imperio tuo deftinabat<br />

Halyn amnem, qui Lydiam terminât ;<br />

noue » cpâdquid inter Hellefpontum & Euphraten<br />

eft in dotera filiaejoffert, qoam tibi tradit : Ochum<br />

fiUum » quem habes , pacis & fidei obfidem rétine ;<br />

matrem & <strong>du</strong>ms Yirgines fîlias redde, pro tribus<br />

corporibus triginta millia talentûm aori precatur<br />

accipias. {Kfi moderationem animi toi notant haberem<br />

; non dicerem hoc effe tempos qoo pacem ,<br />

non dare fokm , fèd etiam occo<strong>par</strong>e deberes. Ret<br />

pice. qoantum poft te reliqoeris ; intuere quantum<br />

petas ! Periculofiim eft pragraye Imperium ;<br />

difficile eft eontinere qood capefe non pofEs r<br />

vide&e ot navigia qu* modom excédant régi<br />

nequeant ? Nefcio an Dartos ideo tam moka<br />

amiferit 9 qoia nimiae opes magna jaôora locumv<br />

faciunt. Facilios eft quaedam vincere craam taeri r<br />

qnam Hercole ! expeditîus inaniîs noftrae rapiont<br />

quara continent ! Ipfa. mors uxoris Darii te admonere<br />

poteft, minus jara mifericordi« tiue Hcere<br />

quam Ecuit<br />

44. Akxanâer , iegatls excedère iaBemaeufa<br />

juffis p quidplacent adCon/iluim refert. Diunem®<br />

quid fcndrct. aufus eft dicere, incertd régis vokmrtaie.<br />

Tandem Psrmenm anse fuaftffe ah „ m captivas<br />

apud Damafium redkmM'éus redderei; |«gentem-<br />

pecumam pottdffi redigï ex us ». qui multi<br />

vînËï viromm firtium occupavirant manus : &<br />

nunc magmpere ctnfere, ut umm anum & <strong>du</strong>os


LIVRE IF. CHAP. XL 16}<br />

déjà prit à en venir aux mains , fi U foin, de fes funkail-<br />

' ks ne retardait votre marche» Quelle merveille donc qu'il<br />

demande la paix à un prince qui <strong>mont</strong>re tant de bienveillance<br />

? qu 'eft-il befoin de guerre , quand il n'y a plus 4*<br />

rejfmtiment ? Autrefois il affignok pour bornes à vôtre-<br />

Empire h fleuve Halys, qui limite la Lydie ; aujourdhui ,<br />

tout ce qui eft entre l'MeUefpont & VEuphrau 9 U voug<br />

l'offre comme dot de fa fille, qu'il vous donne en mariage<br />

: fin fils Qchms §fi entre vos mains 9 garderie corn»<br />

me un gage de la paix & 2e fa foi ; mais rmde\~kdfa mère<br />

&fes deux filles % & il vous prie d'accepter pour leur rnn»<br />

çon trente-mille talents d'or. Si je m conaoiftbis toute votre<br />

fageffe ; je ne vous dirois pas qui voici pour vmus Je moment<br />

, non feulement d'accorder la paix » mou mime delà<br />

rechercher, Confidére\ quelle éten<strong>du</strong>e vous nve\ laifféê<br />

derrière vous ; examine^ quelle éten<strong>du</strong>e vous «i| à con~<br />

quérir ! Ç'eft un fardeau dangereux , qu'un Empire trop<br />

grand ; & il eft difficile de contenir ce qu'en ne peut emêsaffer<br />

: ne voyt^vous pas comme U eft impoffibk de gou~<br />

verner les navires d*me grandetw- dèmefurée f Je ne fais<br />

mimé fi ks grandes pertes qu'a fasses Darius , ne- viennent<br />

fas de ce qu'un* trop grande puiffance donné Heu â de<br />

grands malheur-j. Il y m. des eh&fes qu'il eft plus aifi<br />

d'emporter de force que de ks défendre : §h ! apec combien<br />

plus de facilité nos mains peuvent faifir que retenir ! La<br />

mort mime de l'époufe de Darius'eft bien propre à vous<br />

faire apptreevoir , que votre démence ne peut plus ce qu'elle<br />

a pu»<br />

44. Alexandre, ayant fait fortir ies ambafladeurs de<br />

fa tenf ? demanda au Confeil ce qu'il jugeoit à propos»<br />

On fut long temps fans que perfonne osât dire ce qu*il<br />

penfoit 9 <strong>par</strong>ce qu f on ne favait quelle étoit II ut* 11 ti on<br />

ém TQ\. Enfin Par ménïon dit , qu'autrefois fon mis avoît<br />

été qut le roi rendit les prifonniers t lorfqu'en vouloit<br />

les racheter près de Damas 5 & qu'on auroit pu tirer<br />

alors une fomme immenfe de cette multitude de captifs»<br />

dont la garde occupoit d*ailîeurs beaucoup de bnves<br />

gens : que <strong>par</strong>eillement il étoit encore d'avis que le


164 'LIBER IV. CAP. XL<br />

puellas , k'merum agminumque impedimenta , tnr<br />

ginta millibus talentis auri permutet : opimum<br />

regnum occu<strong>par</strong>i pojfe condition* , non bello ; nec<br />

quemquam alium inter IJirum & Euphraten 'pojfedijfe<br />

terras ingenti [patio intervalloque difcretas :<br />

Macedoniam quoque refpiceret potiàs , quant Battra<br />

& indos intueretun Ingrata oratio régi fuit;<br />

Jaque, ut finem dicendi fecit , Et ego , inquit,<br />

peciiniam quam gloriam mallem , fi Parmenio<br />

effem : nunc , AJexander, de paupertate fecurus<br />

fum ; & me non mercatorem memini effe,<br />

fed regem : nihil quidem liabeo vénale ; fed<br />

fortunam meam utîque non vendo. Captivos fi<br />

placet reddî , honeftiùs dono dabimus quam<br />

pretio remittemus.<br />

45. Intro<strong>du</strong>its deinde îegaûs ai hune mo<strong>du</strong>m<br />

te [pondit : Nunciate Dario, me, qua» fecerim<br />

clementer & liberaliter , non amicitiae ejus tri-<br />

-buiiTe, fed naturae meae. BeUom cum captivis<br />

& feminis gerere non foleo ; armatus fit oportet<br />

quem oderïm. Quod fi faltem pacem boni<br />

fide peteret, deliberarem forfitan an darem :<br />

verum enim vero , quum modo milites meos<br />

literis ad proditionem, modo amicos adperniciem<br />

meam pecuniâ folkitet; ad intemecionem<br />

mthi perfequen<strong>du</strong>s eft , non ut juftus hoftis , fed<br />

ut pereuffor veneficus. Conditiones vero pacis<br />

quas fertis fi accepero , viâorëm eum .{kcnint<br />

Quse poft Euphraten funt liberaliter donat : uM<br />

igitur me affamini ? nempe ultra Euphraten fiim ;<br />

fummum ergo dotis quam promittit terminum<br />

caftra mea tranfeunt : hinc me depellite , ut<br />

feiam Yeftram effe quod ceditis. Eâdem libéra-


LIVRE IV. CHâP. XL 165<br />

roi acceptât trente-mille talents cFor pour une vieille<br />

femme & deux jeunes filles , qui après tout ne fefoieiît<br />

que retarder les marches & embarraffer l'armée : qu'il<br />

pouvoit acquérir un royaume très-puiffani <strong>par</strong> un traité s<br />

fans coup férir; & que perfonne avant lui n'avoit poffédé<br />

ces terres fi éloignées les unes des'autres , comprifes<br />

entre le Danube & l'Euphrate : qu'il lui eonfeilloît<br />

de tourner fes regards Y-ers la Macédoine , plu*<br />

tôt que de penfer à la Baôriane & aux indiens. Ce discours<br />

déplut au roi ; c'e&pourquoi, -dès que Parménion<br />

eut fini, Et moi aujji s dit-il* j'aimerois mieum l'argent<br />

que la gloire , fi 'fètois Parménion z aujourd'hui ^ étant<br />

Alexandre, je ne crains pas la pauvreté; & je ne perds pas<br />

de vue que je fuis roi t & non pas marchand : je n'ai rien a<br />

vendre fans doute ; mais à coup fur 9 ma fortune moins<br />

que tout le refte. Si Von juge À propos de rendre ks.pri~<br />

fonniers , il fera bien plus honnête que nous les donnions<br />

m pur don que de les renvoyer à prix d'argent.<br />

45. Ayant enfuite fait rentrer les-ambaflkdeurs, il<br />

leur fit cette réponfe : Dites à Darius t que, fi j'ai ufé de<br />

clémence & de générofité , j'ai préten<strong>du</strong> s non rechercher<br />

fon amitié\ mais fuivre mon inclination naturelle* le n'ai<br />

pas coutume défaire la guerre aux prifonniers ni aux femmes<br />

; il faut être armé pour provoquer ma vengeance. Si<br />

c f étoit <strong>du</strong> moins de bonne foi que votre maître me demandât<br />

la paix s je mzttrois peut-être en délibération fi je<br />

âevwis la lui donner : mais puifqu'il cherche à engager <strong>par</strong><br />

argent, tantôt mesfoldats à me trahir > tantôt ma amis<br />

à me tuer ; je dois le pourfuivre à outrance, non comme um<br />

ennemi jufte, mais comme un affajfin & un empoifonneurm<br />

Quant aux conditions de paix que vous êtes chargés de •<br />

me fropvftr, fi je les accepte, elles lui afférent les avantages<br />

de la vï&oire. Il m'abandonne génèreufement tout ce<br />

quleft de Vautre cSté de l'Euphrate : ou donc me <strong>par</strong>ler<br />

vous.? vous.voye\ que je fuis au "delà de ce fleuve ; mon<br />

camp a' donc déjà franchi les dernières bornes de la dot<br />

qu'il me promet •; commence\ <strong>par</strong> nie chaffer 'd'ici , pour<br />

meperfuàier que te que vous me cide^ eft à vous. Cejt


t66 LiBË-k IV. CAP. XII.<br />

litâte dat mihi filiam fiiam-, nempe 'quant fcît<br />

alicuï fervomm fiiorum niipturam : multum vero<br />

mihi praftat-, fi me Mazaeo generUm praeponit !<br />

ïte, nunciate régi Teftro f & qua amifit & quae<br />

adhuc habet prsemia effe beÎM; hoc régente»<br />

vtriufque termines regni id quemqne habittironi »<br />

qaod proxim» lucis affigaatorafortona eft. Legari<br />

refpondent} quum hdlum "mmûmofit, facere eum<br />

fimplieber quod fpe pacis mm fruftrantur : if/os<br />

petere, quamprimum dimittamur ad regem ; eum<br />

qwque btllum <strong>par</strong>are debere. Dimijfi • nunciani<br />

sdejfe ccrtametu<br />

XEL Me qtâdem confeftim Ma{mum eum trïhus<br />

miilibus equilum , ad binera qua ho fils peiburus'<br />

irai Qtcupanda » pmmift* Akxmdtr , corpori<br />

uxoris ejus jufiis perjohms, emmfie ^raviort comitatu<br />

intra eadem mummema cmm modico prcefiéio<br />

reliSo, ad koftem côntendit. In <strong>du</strong>o cormm<br />

diviferat pedîtem, in utrumqut lotus équité circum-<br />

-dam ; impedimenta fequeèantur agmen. Prœmiffitm<br />

deinde conclus equhibus Menidam jubetexphrare<br />

uhi Daims effet : st "dk t quum Maym kiwi<br />

procui confedijfet 9 non au/m ultra procé<strong>du</strong>re %<br />

mhil dmd quam feemitem komimm Mmutumque<br />

^quorum exauSffe mmctM. Âiofaus ftoque 3 cmf*<br />

pe&k prcad emplommrifm § M t-êfim fi reeipk,<br />

sdvemûs koftmm Mtttckts. - JJjtlirr Darius , qui<br />

'ht patentons etmpis éttemtre optaiat 9 amuai<br />

mlïtem jîêêtàliêmqm Sfponit. Id fàvè cémuèa&riani<br />

ibani équités , fmtie • adtm<strong>du</strong>m * daâa<br />

totidem, & arachojiï fùjuque quatuor mifEa ex~ •<br />

plebant ; hos quvupmghàa jakati cmrus fiquc-_


LIVRE 4F. CMJP. XII. 167<br />

iMC la mime Uèimiiêé qm*il me dœmê fa fille en maris*<br />

|g, quoiqu'il fmcht que c 9 ej§ un <strong>par</strong>ti defimd à quelqu'un,<br />

kfes efclmves : en vérité il me fait beaucoup d'honneur 9<br />

k me préfértr à Maiée pour être fon gendre ! AU*- f dites<br />

m mi v&tre maître, que ce qu 9 il a per<strong>du</strong> & ce qui lui<br />

nfie efi le prix de la guerre ; que, Jelon te qu'elle en dé»<br />


î68 LIBER IF. CAP. XIL<br />

bantur : proximus quadrigk trot Beffus f cum<br />

. ofto millibus equitum item baBrianis ; maffageta<br />

<strong>du</strong>o'bus mïlïïbus agmen ejus claudebant. Pédites ha<br />

pïurium gentium , non mixtas, fêd fuœ quifque<br />

nationis, junxerant copias. Perfas deinde 'cum<br />

mardis fogdianifque Ariobar^anes & Orobates <strong>du</strong>cebant<br />

: iïli, <strong>par</strong>tïbus copiarum ; fumma Orfincs<br />

pmerat , a feptem perfis ©riun<strong>du</strong>s , ad Cyrum<br />

•quoque nobilijjïmum regem omginem fui referens*<br />

Hos aluz gentes, ne Jbciis qu'idem fatis nom ,<br />

'fequebantur : pofl quàs quinquaginta quadrigas<br />

Paradâtes magno cafpianorum agmine antecede*<br />

bat; indi ceterique rubri maris accola,, nomina<br />

verihs quant auxilia, pofl çurrus erant. Claude*<br />

jatur hoc agmen aliis falcaùs curribus quinquaginta<br />

, qufbus peregrinum militent adjunxerat»<br />

.Hune 9 armenii quos minores vocant ; armenios ,<br />

•babyhnii ; utmfque $ belim & qui. <strong>mont</strong>es cojpco-<br />

•rum incolebant, fequebantur : pofl hos ibant gortua^<br />

gémis quidem euboïcœ , medos quondam<br />

fequuti, fed jam dégénères &-patrii moris ignari ;<br />

applicuerat his phrygas & cataonas : <strong>par</strong>thorum<br />

deinde gens, incolentium terras quas nunc pjrtki<br />

'Scyth'm profeBi temnt9 cïaudebant agmen. Hœc<br />

finiflri cornu aàes fuit.<br />

47. Dextrum tenebat natio majorîs Armenia 9<br />

ca<strong>du</strong>fiique , cappadoces , & fyri-$ & medi ;<br />

-his quoque falcati currus erant quinquaginta. Sum-<br />

'ma totius txercitûs, équités quadraginta quinque<br />

'miUia 9 m pedeflris acies 9 <strong>du</strong>centa niillia expiever<br />

au Hoc modo inflruMi decem fladia • proce<strong>du</strong>nt<br />

; juffique fubfiftere, armati hoftem exfpect.ibanu<br />

Alexandri exercitum pavor ' cujus caufa<br />

Beffu;


LIVRE IF. CHAP. XII 169<br />

Beflus s avec huit-mille chevaux aufli baclriens ; & deuxmille<br />

maffagètes fermoient la marche de ce corps. A<br />

cette cavalerie étoit jointe l'infanterie de plufieurs nations<br />

, non confon<strong>du</strong>es enfemble , mais chacune à <strong>par</strong>t.<br />

Les perfes enfuite avec les mardes & les fogdiens marchoient<br />

fous la con<strong>du</strong>ite cPAriobarzanes & d'Orobates :<br />

ils commandoient chacun une divifion s & le commandant<br />

général étoit Orfînes , iffu de l'un des fept perfes<br />

, & rapportant même fon origine à Cyrus le plus<br />

diftingué des rois. Enfuite venoient d'autres nations ,<br />

affes peu connues de leurs aillés mêmes : puis cincjuante<br />

quadriges , précédés <strong>par</strong> Phradates à la tête,<br />

d'un corps confidérabie de cafpiens ; & à la fuite deschars<br />

s étoient les indiens & les autres habitants des».<br />

# bords de la mer rouge , plus véritablement propres,<br />

à faire nombre qu'à être d'aucun fecours. Derrière ce<br />

corps étoient cinquante autres chariots armés de faulx *<br />

accompagnés des troupes étrangères. Elles étoient<br />

fuivies <strong>par</strong> les foldats de l'Arménie mineure j les arméniens<br />

, <strong>par</strong> les babyloniens ; les uns & les autres , <strong>par</strong><br />

les béîites & ceux qui habitent les <strong>mont</strong>agnes des cofféens<br />

: après eux marchoient les gortues, véritablement<br />

originaires de l'Eubée, qui fuivirent autrefois<br />

les mèdes , mais alors abâtardis & ne tenant plus rien<br />

des ufages de leurs ancêtres ; ils étoient foutenus <strong>par</strong><br />

les phrygiens, ck les cataons : enfin à la queue de tou- .<br />

tes ces troupes étoient les <strong>par</strong>thes , habitants des pays<br />

aujourdhui occupés <strong>par</strong> les <strong>par</strong>thes modernes venus de<br />

la Scythïe. Telle étoit l'ordonnance de l'aîle gauche.<br />

47. La droite étoit compofée des troupes de l'Arménie<br />

majeure f des ca<strong>du</strong>fiens, des cappadociens , des<br />

fyriens , & des mèdes ; ceux-ci avoient aufli cinquante<br />

chariots armés de faulx. L'armée <strong>mont</strong>oit en total à<br />

quarante-cinq mille hommes de cavalerie , & deuxcent-'mille<br />

d'infanterie. Rangés- comme on vient de<br />

dire, ils s'avancèrent de dix ftades 1 puis , ayant eu<br />

ordre de faire halte j ils attendirent l'ennemi fous les '<br />

armes. Quant à l'armée d'Alexandre , elle fut faifie<br />

Tome L H


170 ' LIBER IV. CAP. XII.<br />

nom fuberaf invafit ; quippe lymphati trepidare<br />

cmperum ; • omnium peBora occiâto meta perçut»<br />

rente* Codi fidgor, tempore mftivo ardenti fimiUs<br />

inurnitens , ignis prœbuit fpeciem ; fiamnmsque<br />

ex Dont cafiris fpîendere 9 velut illati temerhpmfidiis,<br />

credebanL Quodfi perculfis Ma^zus , qui<br />

pmfidebat kineri 9 fuperveniffet , îngens clades<br />

accipi potuiî : ÏÏk Jegnis m tô quem occupœverat<br />

tumulo fedet 9 contenais non lace£i. Akxander*<br />

cognko pavore extrcitûs , fignum ut confifterent<br />

dari , ipfos arma deponere ac • kvare corpora<br />

juéit; admonens mâlamfubki caufam effe tîmêrïs ,<br />

èoftem procul ftare* Tandem compotes fuiâ <strong>par</strong>iât<br />

arma & animos ncepêre ; me quïdquam ex prafentibus<br />

tuîïus vifum efi, quam eodem hco cafira<br />

munire»<br />

48. Poftero ilê Mai^us l qui cum dekêBs<br />

equiîum in edito colle f ex quo macedonum pro-<br />

i<br />

fpickbantur cafira , confederat , five mem fiVe<br />

quia fpeculari modo jujfus erat , ad Darium re~<strong>du</strong>t.<br />

Macedones eum ipfum colkm quem deftruerat<br />

occupaverunt ; nam & tutior plsnhw erat, &<br />

inde acies • hoftium qwe in campo txplicabamr<br />

confpici poterau Std caligo quam circa humidi<br />

effuderant <strong>mont</strong>es , univerfam quidem rei faciem<br />

non abfiulit, ceterum, agminum diferimina atque<br />

ordinem prohibuk perJpicL Mûkkudo bmndaverat<br />

campos; fremkusque tôt millium*, etiamproculfianr<br />

tium, aures imp leveraL FluSuari anima rex9 & modo<br />

faum modo Parmenîonis confilium fera ajlimatione


LIVRE IK CHAP. XIL 171<br />

d'une terreur panique ; les foldats hors d'eux-mêmes<br />

étoient faifis d'épouvante y & une crainte fecrète s'em<strong>par</strong>oit<br />

de tous les cœurs. De fréquents éclats de lumière<br />

9 qui fembloient einbrafer le ciel comme pendant les<br />

chaleurs de Fêté , <strong>par</strong>urent être des feux allumés ; Ht<br />

les foldats , jugeant que c'étaient les feus, <strong>du</strong> camp de<br />

Darius f crurent avoir donné imprudemment dans les<br />

gardes avancées. Si, pendant ce trouble, Maséef qui<br />

gardoit les paffages, étoit tombé fur eux, ils pouvoient<br />

recevoir un grand échec : mais il Ce tint les bras croifés<br />

fur une émmence dont il s'était em<strong>par</strong>é, bien conîent<br />

de n'y être point attaqué. Alexandre s inftruit dt<br />

cetce frayeur de fon armée, fait faire halte > commande<br />

aux foldats de mettre bas les armes & de fe repofer,<br />

& leur représente que leur alarme fubîte eft fans<br />

fondement & que l'ennemi eft loin d'eux. Enfin revenus<br />

à eux-mêmes * en reprenant les armes ils reprirent<br />

auffi courage ;.mais on jugea que , pour îe moment,<br />

le plus fur étoit de fe retrancher dans le lieu même<br />

où Fon fe trouvoit.<br />

48. Le lendemain Mazée, qui avec quelque cavalerie<br />

d'élite s'étoit pofté fur une hauteur, d'où l'on<br />

voyoit le camp des macédoniens $ rejoignit Darius ,<br />

foit <strong>par</strong> un mouvement de crainte foit <strong>par</strong>ce qu'il<br />

tt-avoit été chargé que de faire fes obfervatlons. Les<br />

macédoniens fe faifirent de cette émmence même qu'il<br />

àrofc abandonnée ; tant <strong>par</strong>ce que c'étoit un .polie plus<br />

Car que la plaine , que <strong>par</strong>ce qu'on pouvoit de là contempler<br />

à l'aife la-difpofition des ennemis v qui's'étendoient<br />

en rafe campagne. Maïs un brouillard caufé <strong>par</strong><br />

l'humidité des <strong>mont</strong>agnes voifines , fens dérober aux<br />

ieisx l'enfemble général, empêchoit-de diftinguer les'<br />

différents corps 8c l'ordre qu'ils gardoienc entre eux.<br />

Cétôit une multitude énorme qui inondoitf la campagne<br />

| & le bruit confus de tant de milliers d'hommes ,<br />

quoiqu'éloignés, étourdiffqit les oreilles. Le roi alors<br />

tomba dans l'a perplexité, St'fe mitSpefer tantôt fon<br />

avis tantôt celui'de Parménioni mais cet examen f*<br />

Hij


lyx LiBBRlV. CAP. XIII.<br />

perpendere ; • qmppe m -ventum erai unde recipi<br />

exerclms, nifi vïBor mit fine elade-9 non poffèt:<br />

[ movebat etum eum muttitudo koftktm , refpeSn<br />

pamcuaûs fum gentis ; fed Imer<strong>du</strong>m reputabas,<br />

quantas res cum hâc génie pjfiffet quantosque populos<br />

fudlffeu ItaqUe , quum fpes metum vinceret9<br />

perlculofius betium dlfferre raius ne defperar<br />

tlo fuis crefcertt;*\ dlffîmulato eo, mercenarium<br />

tquïttm ex Pmmâ pmcedere jubeL Ipfe phdangem9ftcut<br />

amea dlâum efl9 m <strong>du</strong>o cormm exien*<br />

derai; utrumque cornu eqtdies iegebani» Jamque<br />

nkidlor lux , difcuffa callgme , aciem hoflium oftem><br />

derat ; & macedones , five alacrhate five mdio<br />

ex/pe&ationis, ingentem'9 pugmmium more, edMêrt<br />

cUunorem ; reddîms & à perfis, nemora vallesqm<br />

clrcumjeêas tcrribili fono ùnpUvcrat. Necjamcon*<br />

ûnerl macedones pottrant , quîn curfu quoque ad<br />

hoflem contenderent : melius adhuc ratus m eodem<br />

iumub caftra munire , vdlum jaci jujfit ; flrenuè»<br />

que opère pêrfeib ,. m tabernacutum , ex quo tom<br />

scies hoflmm conjplclebaiur , fecejfit.<br />

XH1. Tumvero unherfafuWrî diftrtmbùs faciès<br />

in oculls erat ; armis injignibus equl vlrlqme fpkn~<br />

debant;& omnla mtem'mre cura prm<strong>par</strong>ari apud<br />

hoftem, folîcîtudo pmtorum agmlna Jua intercqui-<br />

Samsara- oflendebat : ac pkraque mania, ficut fie-<br />

. mltus hotmnum , equorum hlnmius , armorum inier*.<br />

. . * Ce ifuï. «ft compris Ici entre deux crochets s ef|<br />

tiré de Juftin , ( XL 9. ) qui <strong>par</strong>le ainfi d'Aîexan»<br />

4re avant la bataille dlfle f rapportée <strong>par</strong> Q. Curce<br />

(III. 9-12. ) Cette interpolation eft donc déplacée;<br />

& elle fil d'ailleurs d'autant plus inutile t qu'en la


LIVRE IF. CMâP. XIIL 175<br />

lefoit trop tard, puifqu'on étoit fi avancé que F armée<br />

se pouvoit s'en tirer , que viôorieufe ou fans une perte<br />

confidérable : il étoit encore troublé <strong>par</strong> la com<strong>par</strong>aifon<br />

de îa multitude prodigieufe des ennemis avec le<br />

petit nombre de Ces gens ; mais il fe rappelok quelque-<br />

Ibis 9 combien de belles chofts il avoit faites & com*<br />

liien de nations il avoit yaincues avec cette poignée<br />

d'hommes. Ainfi , l'efpérance l'emportant fur la crainte<br />

, il crut, s'ildifféroit davantage d'en venir aux mains »<br />

qu'il courroie le rifque d'augmenter le défefpoir de fes<br />

troupes ; & cachant fou inquiétude , il fit avancer là<br />

cavalerie péonienne qui étoit à fa folde. 11 avoit, ainfi<br />

qu'il a été dit plus haut (a), dèveïopé fa phalange en<br />

deux allés ; fit chaque aile étoit couverte <strong>par</strong> l'a cavalerie*<br />

Le jour devenu plus beau * <strong>par</strong>ce que le brouillard<br />

étoit diflipé t laiffoit vok à découvert l'armée ennemie<br />

: & les macédoniens » foit de joie fok <strong>par</strong> l'ennui<br />

d'une fi longue attente, pouffèrent alors un grand cri<br />

comme s'ils alloient à la charge s ce cri, ren<strong>du</strong> <strong>par</strong><br />

les perfes , fit retentir d'une manière terrible les bois<br />

& les vallons d'alentour. On ne pouvoit plus retenir les<br />

macédoniens qui vouloient courir fur l'ennemi : mais<br />

Alexandre , jugeant qu'il valoit mieux fe fortifier encore<br />

fur cette éminence , ût faïre-des retranchements ; & le<br />

travail ayant été premptement exécuté , il fe retira<br />

éans fa tente , d'où il voyok toute l'armée ennemie.<br />

XML II avoit alors devant les ieux l'image entière <strong>du</strong><br />

péril qui l'attendoit ; les chevaux ainfi que les hommes<br />

éblouiffoient <strong>par</strong> l'éclat des armes ; fie l'activité des<br />

chefs s qui <strong>par</strong>couroient à cheval les bataillons , mon*<br />

troh que les pré<strong>par</strong>atifs de- l'ennemi fe fefoient avec<br />

le plus grand foin : les esofes mêmes les plus vaines f<br />

comme le bruit confus- des hommes, les hennifle*<br />

fupprimant oa se laifle aucun vide dam la continu i<br />

au récit.<br />

(a) Foyei Ou IX.<br />

H ilj


174 LIBER IV. CAP. XIII.<br />

mtentum fidgor , m folkham exfpeËatwne mmtcm<br />

turbaverant» Igimr3five <strong>du</strong>bius animi five ut fuos<br />

experiretur, Confilium adhibet, quid optimum faBm<br />

effet exquirens, Parmenio , perhijjwms mur <strong>du</strong>ces<br />

srtmm belli, fitrto , non pralio, opus ejfe cmfe~<br />

bat : intempeftâ noBe opprimi_ poffe hofles : dïfcordes<br />

moribus, linguis 9 ad hac fomno & improvifo<br />

perkulo territos $ quando in noÛumd trépida*<br />

ûone coïmros ? at interdiu primum ttrribiles occur*<br />

furas Jades fcytharum baêlrianorumque ; Mrm<br />

Ulis ora & mtonfas comas tffe , pmterea «rimmm<br />

vaftomm magnitttdinem corporum : vomis<br />

& inanibus militem magh quam juftis formMinis<br />

caufis moveri : deïnde tantam muldtudinem cir-~<br />

cumfimdi paucioribus pojfe ; nom in Cilkim anguf»<br />

mis & inviis cdlibus , fed in aperta & tatd planifie<br />

dimkan<strong>du</strong>m fore. Omms ferme Parmenionî<br />

afftnthbam ; Polyperchon hrntd <strong>du</strong>biè in eo confia<br />

lio pofitam vMorîam arburabatw. Quem mtuem<br />

rex ; namque Parmemonem , nuper acrihs quam<br />

•veïïet increpimm, rurfrn cafiigare non fufiinebat i<br />

Lâtrmîculoram , inquit, & forum ifta folertia<br />

cil quam praedpitis mihi, quippe illorum votum<br />

unlcum eft fallere ; mea Tero gloria femper<br />

aut abfentiam Dam ? aut anguftias tocoram,<br />

aut furtum noâis obftare non patiar : paHkm<br />

loce aggredi certum eft ; tmlo me fortmiae<br />

pœniteat, quara yiâoria pudeat Ad hae iUud<br />

quoque accedit , vigilias agcre barbaros & ia


LIVRE IV. CHAP* XIIL 17c<br />

neufs des chevaux * les efpèces d'éclairs que jetaient<br />

ks armes t «voient ajouté le trouble à l'inquiétude où<br />

k tenoit l'attente de l'événement. Soit donc qu'il fût<br />

cfctU^ement dans le doute ou qu'il voulût mettre les<br />

leas à l'épreuve » il aflemble fou Confei! , pour<br />

examiner ce qu'il y avoit de mieux i faite. Parme*<br />

mon f le plus enten<strong>du</strong> de tous les chefs dans fart de<br />

îi guerre 9 étoit d'avis d'une furprife s non d'une bataille<br />

en règle : qu'à la faveur d'une nuit ©Meure on<br />

pouvait prendre les ennemis au dépourvu : n'ayant al<br />

les mêmes moeurs ni le même langage s tirés <strong>du</strong> fommeil<br />

<strong>par</strong> la frayeur d'un danger inatten<strong>du</strong> 9 comment<br />

pourrai eut-lis fe rallier dans ks ténèbres & au milieu<br />

des alarmes ? qu'en plein jour y la première chofe<br />

dont on feroit frappé, feroît la vue affreufe des fcytàes<br />

fie des baclriens , leurs barbes hériffées t leurs longues<br />

chevelures 9 & l'énorme grandeur de leur ftature<br />

colofale : que des ap<strong>par</strong>ences vaines & frivoles fefuient<br />

plus d'impreffion fur le foldat % que de juftes<br />

fejets de crainte ; que d'ailleurs une fi grande multitude<br />

pouvoit aifément envelopper une armée moins<br />

nombreufe ; & qu'on aurait à combattre t non dans les<br />

gorges de la Cilicie & dans des détroits inacceffibles ,<br />

mais dans une plaine vafte & découverte. Prefque tous<br />

étoîent de l'avis de Parménlon ; & Polyperchon pré*<br />

tendoit que la viftoïre en dépendoit abfoiument. Le<br />

m * Ce tournant vers lui ; car il n'eut pas le courage de<br />

mortifier Parménlon, qu'il avoit réprimandé depuis peu<br />

i?ec plus de vigueur qu'il n'aurott voulu : Des efeamoieurs<br />

% dit-il » & des filoux peuvent adopter la rufe que<br />

mus me €onfeilie\ , <strong>par</strong>ce qu'ils ne eherckent qu'à tmm*<br />

fer; mms je me feuffrirat pas que ma 'gloire troupe des<br />

ebjkcles perpétuels , ou dans l'abfenee de Darius, ou<br />

im$ Vavamage des lieux, ou dans urne victoire dérobée<br />

à k faveur de fa nuit : 'foi réfoh d % attaquer V ennemi en<br />

plein jour ; & j'aime mieux avoir à me plaindre de ma for*<br />

lm§ f qu'à rougir de ma victoire* Ajome\ à ces €onfidê*><br />

mmm » que je fuis infiruit que ks barbares font fi 'bonne<br />

H iv


176 .LIBER IF. CAP. XIII.<br />

armis ftare, ut ne decipi quidêtn poifint, compertom<br />

habeo. Itaque ad prselium vos <strong>par</strong>ate.<br />

Sic incitâtes ad corpora curanda dimifit.<br />

50. Darius "$ ittud quod Parmenio fuaferal<br />

hoftem faSÊurum effe conjeélans 9 funatos equos<br />

ftare , magnamque exercitas <strong>par</strong>tem in armis effe *<br />

ac yigilias intentiore cura ftrvari jufferat* Ergo<br />

ignibus totà ejus caftra fidgebant : ipfe9 cum '<strong>du</strong>cibus<br />

propinquisque, agmina in armis ftantium circumibat<br />

; Jolem Mithren facrumquë & aternum<br />

ïnvocans ignem, ut Mis dignam vttere gloriâ majorumqm<br />

monumentis fortkudimm infpirarenu Et.<br />

profe&b , fi qua divinœ, opis auguria humanâ mente<br />

concipi pojfent, dtos ftare fecum : illos rmper<br />

macedonum admis fubitam ineuffiffe formidinem ;<br />

adhuc lymphatos ferri agique , arma jacientts ;<br />

expetere pmfides perfamm Imperii deos débitas è<br />

vecordibus pmnas : nec ipfum <strong>du</strong>ctm fanhrem effe ;<br />

quippe, ritu feramm , prœdam modo quam expeteret<br />

mmentem 9 m ' perniciem qua ante pradam<br />

pofita effet^ incurrere. Similis apud macedones.<br />

quoque^ folicitudo erat ; no&emque , vekt m eam<br />

certamine edicTo , metu egerunt* AUxander, non<br />

alias magis terrkus , ad vota & preces Ariftandrum<br />

vocari jubet. Me , m candidâ yefic , wrbenas<br />

manu profèrent , capite velato , prm'éat<br />

prects régi Jovem, Minervam, ' VTBeriamqm propkiahtl<br />

Tune quidem facrifici 0 rite perpetrato ,<br />

reliquum noëis acquktums in tabernaculum rtd'ÙL<br />

Sed nec fomnum capere nec quietem pati poterat<br />

: modo è jugo <strong>mont</strong>is aciem in dextrum per*


LIVRE IV. CM A p. XI II. 177<br />

psrii &ft tie&mcmt fi conjiamment fout les armes % qu 9 om<br />

M /aurait mime les Jhrprmire* Pré<strong>par</strong>erons dom à urne<br />

hzâHk m règle. Après les avoir ainfi, animés , il les<br />

•oroya prendre quelque repos.<br />

50. Darius de fou côté , conje&urant que Fennem<br />

fïeodrolt pré ci Cément le <strong>par</strong>ti que Parraénion avoi<br />

confeillé , airoit ordonné qu'os tint les chevaux en<br />

état, qu'une grande <strong>par</strong>tie de l'armée demeurât fous<br />

les armes » ck que les gardes redoublaient d'attention.<br />

Tout fou camp fut en conféquence éclairé dt feux : il<br />

alla lui-même , avec les chefs & avec Ses princes de<br />

fon fang , vifiter les corps qui étoient fous les armes ;<br />

priant Mitra le foleil & le feu (acre & éternel, de leur<br />

infpirer un courage digne de leur ancienne gloire &<br />

des exemples de leurs ancêtres. Il dlfoit qu'affûrément f<br />

fi l'efprît humain poevoït préfager le fecours de la divinité<br />

s les dieux étoient pour eux : qu'ils avoienî depuis<br />

peu jeté dans Famé des macédoniens une terreur fubite;<br />

qu'encore troublés , ils couraient ça & là jetant leurs<br />

armes -, crue les dieux protetteurs de l'Empire des perfes<br />

fefoîent fubir à ces furieux le châtiment qu'ils méritaient<br />

: que leur chef'même n'étoit pas plus Cage qu'eux j<br />

puifque f comme les bêtes fauvages , n'envifageant que<br />

la proie qu'il convoitoit f il fe précipitoit dans le piège<br />

qu'il trouvoit fur la route avant d'y atteindre. Les macédoniens<br />

avoient aufli <strong>par</strong>eille inquiétude ; & ils paffèrent<br />

la nuit dans la crainte , comme fi la bataille y<br />

avoit été fixée. Alexandre même , qui jamais n'avoit été<br />

plus intimidé que ce jour-là s lit yenir Ariilandrc pour<br />

adreffer au Ciel des vœux & des prières. Ce devin, en<br />

robe blanche , portant en main des branches de verveine<br />

, & ayant la tête voilée f difoit le premier les prières<br />

que le roi répétoit à fa fuite pour fe rendre propices<br />

Jupiter , Minerve , & la Vi&oire. Ce fut alors<br />

qu'après avoir achevé le facrifice dans les formes, il retourna<br />

dans fa tente pour .repofer le reûe de la nuit.<br />

Mais i 1 lui étoit impoflible de dormir ni de 4emeurer<br />

traBQuile : il projetoit, tantôt de fondre <strong>du</strong> haut de la<br />

H V "


178 LIBER IV. CAP. XI IL<br />

farum cornu demitmre agkabat, modo reffd fronU<br />

concurrere hofli ; inter<strong>du</strong>m hœfitare 9 an potiùs<br />

m lavum torqueret agmen : tandem gravatum an**<br />

mi anxktate corpus altior fomnus oppreJpL<br />

fi. Jamque, lueeortâ, <strong>du</strong>ces ad acciplenda im?<br />

perla convoieront, înfolito circa pmtorïum fikntw<br />

attoniti : qulppe allas aceerfere Ipfos , & inter<strong>du</strong>m<br />

morantes caftlgare affueverat; tune ne ultimo qui*<br />

dem rerum dtferimine excltatum ejfi msrabontur ;<br />

& , non -fomno qulefcere , fed pavore marcere<br />

credebanu Non tamen quifquam è cuftodlbus cor*<br />

porls intrare tabemacuium audebat ; & jam tem*<br />

pus Inftabat ; me miles 3 injujfu <strong>du</strong>cis , aut arma<br />

capere poterat aut in ordines ire. Dm Parmenio<br />

amBalus , clbum ut caperent ipfe pronunelat.<br />

Jamque exlre neeejfe erat : tune demum Intrat ta*<br />

bemaculum ; fœpwsque nomme compeUatum , quum<br />

voce non pojfht, taêhi excltavit. Malte lux , in*.<br />

quit, eft ; inftruâam aciem hoftis admovit ;<br />

tiras miles adhuc inermis exfpeâat imperram,<br />

Ubi eft vigor iîle animi tui ? nempe èxcitare<br />

vigiles foies. Ad hœc Alexahder ; Credisne me<br />

priùs fomnum capere potuifle, quam exone»<br />

rarem animum folicituaine quae quietemmorabatur<br />

? Signumque pugnœ tuba dari jujfit. Et<br />

quum In eddem admlraûone Parmtnio perfevtra*<br />

ret [ quod fecurus fomnum ceplffet * ;] Minime ,<br />

* Ces mots compris entre deux crochets <strong>par</strong>otffent<br />

aux meilleurs commentateurs n*être qu'une gîofe %<br />

qui s'eft enfuite gîiffée dans le texte ; leur principale<br />

raifon , c'eft que îa fiippreflîon de ces mots ne feroit<br />

aucun tort au fens. Ceft une foible raifon contre l*una*<br />

sùmîté de tous les exemplaires» .où ©n les trouve ; vti


LIKMM IV. CMAP. XIIL 179<br />

ceUkeavec toute fon armée fur faîle droite des perfes t<br />

tmtot de choquer l'ennemi de front; quelquefois il<br />

foutoit, s'il ne feroit pas mieux d'attaquer pîus tôtPaîle<br />

fauche : enfin fon corps, abattu <strong>par</strong> les inquiétudes de<br />

l'efprit, fuccomba accablé d'un profond fommeil.<br />

51. Déjà , le jour <strong>par</strong>oiffant , les chefs étoient<br />

affembiés pour recevoir fes ordres s fort étonnés <strong>du</strong><br />

ilesce extraordinaire qu'il y a voit autour de fa tente :<br />

car dans d'autres temps fi avoit coutume de les appeler<br />

, & Couvent de réprimander ceux qui tardoient ; ils<br />

étoient furpris que -dans ce moment y où il y allait de<br />

tout, il ne fût pas encore éveillé ; ils penfoient même<br />

qa'au lieu de jouir d'un fommeil paifiblef il étoit tout<br />

à fait abattu <strong>par</strong> la peur. Cependant aucun de fes garées<br />

<strong>du</strong> corps n'ofoit entrer dans fa tente : le temps<br />

coramençoit à preffer ; & îe foldat ne pouvoit, fans<br />

Fordre <strong>du</strong> Général, prendre les armes ni fe mettre en<br />

rangs. Après avoir long temps atten<strong>du</strong>, Parménionprit<br />

fur lui de les envoyer prendre de la nourriture. Alors<br />

il étoit néceflaire de fe mettre en mouvement : il entre<br />

enfin dans la tente ; & comme f après Pavoir appelé plufieurs<br />

fois <strong>par</strong> fon nom , il ne pouvoit venir à^bouî de<br />

Péveiller , il le toucha pour y réuflir. Il efi grand jour f<br />

lui dit-il; termemi s* efi mis cm bataille &marche; vos<br />

foldats attendent vos ordres pour s'armer. Où efi cette<br />

vigueur de courage qui vous diflinguoit? car e'eft vous<br />

qui ave\ coutume d'éveiller les gardes, Croyt^vous , lui<br />

répond Alexandre , qu'il m'ait été poffible de m'endor*»<br />

mur ayant de m'être débarrajfé l'efprit de l'inquiétude<br />

qui s'&ppofoit à mon repos ? Sur cela il fit donner le<br />

lignai <strong>du</strong> combat. Et comme Parménion continuoit de<br />

marquer fa furprife de ce que le roi avoit dormi fans<br />

d'ailleurs qu'ils énoncent la penfée d'Alexandre fous<br />

un autre afpeft : ce prince avoit dit ^p? Un* avoit pu s 9 endormir<br />

avant de fe dêharrajfer Vefprit de toute inquiétude ,<br />

& Parraéiuon conclut qu'il a dormi fans inquiétude*<br />

H VJ


•i8o' L I B E R I F . C A P . X 1 1 L<br />

inquit, miram eft : ego cnim , quum Darius<br />

terras nreretf vicos excideret , alimenta cortumperet<br />

, potens mei non eram; nunc vero<br />

quid metiiam, quum acle decemere <strong>par</strong>et? Hercule<br />

! votum meum implevit. Sed hups quoque<br />

confiUi ratio poftea reddetur : vos ite ad copias<br />

quibus( quifque praeeft ; ego jam adero , & quid<br />

fieri velim exponam, Raro admo<strong>du</strong>m, admonkm<br />

amicorum quum meius. difcrimbûs adtrat9 un foUr<br />

bat munimento corporîs ; mm quoque fumpto 9 proceffit<br />

ad milites. Haud alias tam alacrem viderait<br />

regtm; &, vultu ejus interrito, certamfpem<br />

viêhria augurabantur. Atque ilk 9 prorupto vatto ,<br />

exire copias jubet acumque difponiu<br />

52. In dextro cornu hcati funt équités 9 quos<br />

'Agêma * appdlant ; pmerat his Clitus , cui junxit<br />

Philom turmas 9 ceterosque pmfeBos equimm'<br />

hteri ejus applicuit ; -ukima Meleagri ah ftabat,<br />

quam phalanx fequebatur. Poft phalangem mgyrafpides<br />

erant; lus Nicanor 9 Parmeniofds yfiUus 9<br />

pmerat : in fubfi<strong>du</strong>s cum manu fuâ Cmés , poft<br />

eum oreftes lynceftesque. Poft ilhs-Petyperchon , <strong>du</strong>x<br />

peregrmi militis ; hujus agminis Amyntas princeps<br />

trat : phrygas Baiacms ** regebat, m focietatem<br />

* Le corps de cavalerie défigné <strong>par</strong> ce nom intra<strong>du</strong>isible<br />

, étoit , félon Appien, un corps d'élite :<br />

K'yvjpoù rëp (txiceiôvœv ski ïwmûç eyriXeiclat ;<br />

Agêmamaceâonum funt équités leciiJfimL II eft vraifemblable<br />

que ce nom eft dérivé <strong>du</strong> verbe hym » pris dans<br />

le fens de frmgo , rumpe ; en ce cas c*étoit une cavalerie<br />

qui rompoit les rangs, & dont on caraftérifoit<br />

<strong>par</strong> ce mot la deftinaîion & la bravoure,<br />

** Les textes ordinaires portent Phlhgus hdaerm


- LIVRE IV. CMAP. XII1. 1S1<br />

Inquiétude: Cela n'eft pas furpremant, iui dit-il : car<br />

lorfqut Darius nuttoit le feu <strong>par</strong>tout, défi toit ks villa»<br />

ges f gâtoit les vivres 9 je n'étais pas à moi ; mais qu*aurais-}<br />

e à craindre maintenant f qu'il fe difpofe à en venir<br />

à une bataille ? Par Hercule ! il efl entré dans mes vues.<br />

Mais je m'expliquerai une autrefois fur cette penfèe : pour<br />

vous , que chacun aille fe mettre â la tête <strong>du</strong> corps qu f il<br />

commande ; je vous joindrai dans l f infiant, & vous donnerai<br />

mes ordres» Ce n'étoit que rarement % & fur les<br />

ïnftances de fes amis lorfqu'ils craignoient quelque fâcheux<br />

hafard , qu'il fe couvroit de fes armes ; mais îî<br />

les prit alors, & vint trouver fes gens. Jamais ils n'avoient<br />

vu le roi fi gai ; & de l'intrépidité que fon ait<br />

annonçoit s ils tirèrent un augure infaillible de la victoire.<br />

Pour lui, il fait renverfer îa paliffade , fait fortir<br />

fes troupes f & les range en bataille.<br />

52. A l'aile droite fut placée îa cavalerie qu'ils appellent<br />

Agêma ; elle étoit fous les ordres de Clitus ,<br />

renforcée <strong>par</strong> les efcadrons de Philotas, & appuyée<br />

fur les côtés <strong>par</strong> les autres chefs de cavalerie ; le corps<br />

commandé <strong>par</strong> Méléâgre étoit le dernier, lk H étoît<br />

fuivi de la phalange. Après k phalange venoient les<br />

argyrafpides, commandés <strong>par</strong> Nicanor f fils de Parme* '<br />

nion : ils étoient foutenus <strong>par</strong> la troupe de Gênus, après<br />

lequel marchoient lesoreftes & les lynceftes. A la fuite<br />

de ceux-là, Polyperchon menoit les troupes étrangères,<br />

ont le premier chef étoit Amyntas : Balacre comman-<br />

regehat. Dans ce cas Balacros devroit défigner «ne nation<br />

, qui n'eft connue d'aucun géographe. D'ailleurs<br />

Malacre a déjà été nommé <strong>par</strong> Q. Curce ( IV. §.) ; il<br />

le fera encore ( VIII. zi. ) : & Amen témoigne que<br />

Balacre a eu le commandement des ttoupes auxiliaires<br />

en Phrygiê. Voilà pourquoi j'adopte la correôion propofée<br />

<strong>par</strong> Freinshémius, qui dit <strong>du</strong> moins une chof©<br />

vraifembiabie.


*8i LIBER IV. CAP. XIIL<br />

muper aifckos. Bac dextri cornu faciès trot. In<br />

hzvo » Craterus pehppomnfium equkes habeBat<br />

achaorumque , & hcrenfium & makên turmis fibî<br />

adjunBk ; hos thefiali équités claudebant 9 Phi»<br />

lippo <strong>du</strong>ce : peditum acies equkam tegebamr. Frons<br />

lavi cornu hœc eraL Sed, ne circumiri poffit à<br />

multitudine 9 ulûmum agmen valida manu cinxerai* .<br />

Comua quoque fubfidiis firmavk, non reEtâ fion-<br />

$e 9 fed a ùtere pofitk ; ut 9 fi hoftis cïrcum*<br />

ventre, acum tentajfet, <strong>par</strong>ata pugnm forent : hic<br />

œgriani erant, quibus Attalus prmerat, adjun&is<br />

fagittarik cretenfibus* Ultimos ordines aversk à<br />

fronte, ut totam ackm orbe munket : illyrii hic<br />

erant , adjunih milite mercede con<strong>du</strong>&o ; thracas<br />

quoque fimul objecerat leviter armatos.. Adeèque<br />

'ackm verfatilem pofuit , ut 9 qui uhimi fiabant<br />

ne circumirentur 9 vertitamen & in frontem cireumagi<br />

poffmt : itaque non prima , quam latera £<br />

mon latera munitiora faire , quam terga.<br />

, 53. Mis ka ordinatk , prmcipk ut, fi falcatos<br />

currus cum fremitu barbari emkterent, ipfi<br />

laxatis ordinibus impetum occurrentium fikntio<br />

exciperent ; haud <strong>du</strong>bius fine noxâ tranfcurfa- *<br />

ros 9 fi nemo fe opponeret : fin autem fine fremitu<br />

immififfènt 9 eos ipfi clamore terrèrent pavidosque<br />

equos tel'is utrimque fujfaderenL Qui cor*<br />

n'eus pmerant extendere ea jujfi 9 ita ut me drcumvenkentur<br />

fi arâihs flarent 9 nec tamtn mediam<br />

ackm exmanirent. Impedimenta cum capùvis ,<br />

mter quos mater liberique Dariï-xufiodicbantur ,


LIVRE IV. CMAP. XIII. ig|<br />

kk les phrygiens , nouveaux alliés d'Alexandre. Telle<br />

étoit la difpoution de l'aile droite. A la gauche , Cratère<br />

con<strong>du</strong>irait la cavalerie <strong>du</strong> Péîoponèfe, avec celle<br />

«FAchaïe, de Locres , & de Malée j & derrière celle-ci<br />

étoit la cavalerie theflfalienne f fous la con<strong>du</strong>ite de Philippe<br />

: l'infanterie étoit couverte <strong>par</strong> la cavalerie. Voiîà<br />

fiel étôit le front de l'aile gauche. Mais pour n'être<br />

pas enveloppé <strong>par</strong> la multitude, il avoït placé derrière<br />

les derniers bataillons un ptùflant corps de réferve. Il<br />

afôitaufli fortifié les deux allés <strong>par</strong> des corps auxiliaires p<br />

toaraés , non vers le front de l'armée, mais vers les<br />

cotés ; de manière que , fi l'ennemi teatoh d'jnveftir<br />

famée, ils fuffent tout prêts à combattre 2 là étoient les<br />

agriens, commandés <strong>par</strong> Attale f avec les archers crétois.<br />

Il tourna les derniers rangs dans le fens contraire de<br />

ceux <strong>du</strong> front f afin que l'armée fût en force tout au^<br />

taur : en cet endroit étoient les illyriens, avec les<br />

troupes .qu'il avoit prîfes à fa foîde, & les thraces<br />

armés à la légère. Au relie il avoit fi bien pris fes<br />

mefures pour faciliter les mouvements de fon armée »<br />

fie ceux qui veilloient aux derniers raags pour n'être<br />

pas inveftis , pouvoient néanmoins faire volte-face &<br />

fc porter en tournant vers la tête : de forte que le front<br />

tfttoit pas mieux défen<strong>du</strong> que les flancs, ni les flancs<br />

. sûeux que les derrières.<br />

- jj. Les chofes ainfi difpofées , il ordonna que, û les<br />

barbares pouffoîent avec grand bruit leurs chariots armés<br />

de fculx , fes gens ouvrirent les rangs.pour les recevoir<br />

en filence ; ne doutant pas qu'ils ne les traverfaftout<br />

fans faire de mal, s'ils ne trouvoient point d'obfta-<br />

«Ie: & qu'au contraire, s'ils les pouffoient fans bruit, fes<br />

Coldats effraya ffent leurs chevaux <strong>par</strong> leurs cris & leur<br />

îiraffent alors dans les deux flancs. Ceux qui commandoient<br />

les ailes eurent ordre de les étendre , aflez pour<br />

^es empêcher d'être enveloppées en demeurant trop<br />

ferrées , mais non jufqu'à affoiblir le corps de bataille.<br />

Pour les bagages & les prifonniers , <strong>par</strong>mi lefquefs<br />

étoient la mère & les enfants de Darius , il les mit


184 LISSE IV CAP. XIV.<br />

haud procul ack m edito colle conflituk f modlco<br />

profitât* ftliRo. Lovum cornu , ficut alias, Parmtrùoni<br />

tuen<strong>du</strong>m datum ; ipfe m dextro ftabat»<br />

Non<strong>du</strong>m ad ieli jaBum pervenerànt 9 quum Bion<br />

quidam transfuga , quanto maximo curfu potuerat<br />

9 ad regem pervenk, nuncians murices ferrées<br />

In terram defodiffe Uarium , qud hoflem<br />

équités emiffurum effe credebat ; notatumque certo<br />

figrw locum, ut fraus evitari a fuis poffet. Affervari<br />

transfuga jujfo, <strong>du</strong>ces- convocat ; expofitoque<br />

quod nunciatum erat , monet nt mgiomm<br />

monflratam déciment, equitem^ue periculum edoceaht.<br />

Ceterum 9 hoc tantus exercitus exaudire non<br />

'poterat, ufum aufmm intercipiente fiemitu <strong>du</strong>omm<br />

agmmum ; fed in confpeèu omnium <strong>du</strong>ces &<br />

proximum quemque interequkans aUequebatur:<br />

XIV. Emtnfis tôt terras m fpem viébria, de<br />

quâ dimican<strong>du</strong>m foret 9 hoc unum fupereffe difcrimen.<br />

Granicum hîc amnem Cilic'mque <strong>mont</strong>es, &<br />

Syriam jEgyptumque proeuntibus raptas , ingenr<br />

tia fpéi ghrioque incitameuta 9 referebau Rtprehenfos<br />

ex fiigâ per/as pugnaturos , quia fugere<br />

non pojfent : tertium dkm jam metu exfangues ,<br />

armis fuis oneratos 9 in eodem veJUgio harere :<br />

nullum defperaùoms iUorum majus mdkium effe,<br />

quam quod urbes , quod agros fuos urerent ; quid-<br />

• quid non corrupiffem , hoftium effe confieff» Nomina<br />

modo vana gentium ignotarum ne exiimef<br />

cerent ; neque enim ad belli difcrimen pertinert,<br />

qui ab his fcytho , quive ca<strong>du</strong>fii appellentur : ob<br />

id ipfum quod ignoti effent, ignobiles effe : nuaquam<br />

ignorari viros fortes ; at imbdles, ex late-


LIVRE IF. CMAF. XIV. i?y<br />

itec une garde médiocre fur une colline peu éloignée<br />

<strong>du</strong> champ de bataille.. Parménion eut, comme autrefois,'<br />

Je commandement de Faîle gauche; & le roi prit celui<br />

de la droite. Onn'éîoit pas encore à la portée <strong>du</strong> trait,<br />

qu'un transfuge nommé Bion vint à toute* bride avertir<br />

Alexandre ,. que Darius avoit femé en terre des- chautfe-trapes<br />

de fer, <strong>par</strong> où il croyoit que déboucherait<br />

la cavalerre ennemie ; & qu'il avoit marqué l'endroit<br />

<strong>par</strong> des lignes non- équivoques , afin que les fiens puffent<br />

éviter le piège. Après s'être affûré <strong>du</strong> transfuge »<br />

il affemble les chefs , leur communique l'avis qu'il<br />

fient de recevoir, les avertit de fe détourner de l'endroit<br />

indiqué & de prévenir la cavalerie de ce danger.<br />

Au reûe f cet avis ne pouvojt être enten<strong>du</strong>, d'une fi<br />

grande multitude, <strong>par</strong>ce que les oreilles étoient étourdies<br />

<strong>par</strong> îe bruit exceffif des deux armées ;. mais le roi t<br />

courant à cheval <strong>par</strong>tout, difoit en préfence de tous ,<br />

aux chefs & à ceux qui "étoient les plus'proches:<br />

XIV. Qu'après avoir <strong>par</strong>couru tant de pays, dans<br />

l'efpérance de la victoire , pour laquelle ils alloient<br />

combattre, il ne leur reftoit plus que ce péril à efluyer,<br />

Là-deffus il leur rappeloit, comme de grands motifs<br />

tfefpérance &de gloire, lepaffage<strong>du</strong> Granique & des<br />

<strong>mont</strong>agnes de la Cilicie, la Syrie & l'Egypte enlevées<br />

aux ennemis qu'ils poufloient en avant. 11 ajoutoit que<br />

les perfes , ramenés au combat après avoir fui % ne<br />

combâttroient que faute de pouvoir fuir encore : que<br />

glacés de peur depuis trois jours & furchargés <strong>du</strong><br />

poids de leurs armes f ils étoient comme immobiles à<br />

la môme place : que la preuve la plus certaine de leur<br />

défefpoir étoit, qu'ils incendioient leurs villes & leurs<br />

campagnes ; avouant ainfi que tout ce qu'ils laiffoient<br />

inîaà étoit aux ennemis. Que feulement il ne falloit<br />

- pas s'effrayer des noms abfolument vains des nations<br />

inconnues ; <strong>par</strong>ce qu'en fait de guerre î! n'importe pas<br />

de diftinguer ceux qu'ils apellent fcythes & ceux qu'ils<br />

nomment ca<strong>du</strong>fiens : que <strong>par</strong> la raifon même qu'ils n'é •toient<br />

pas connus , ils ne méritoient pas de l'être : que


1S6 LIMER IV. CAP. XI r.<br />

bris fuis erutos, nihïl pmter nomma afferre : ma*<br />

ced&ms virtute affequutos , ne quk toto orbe hcus<br />

effet qui taies viros ipwrareu Intuereniur barbarorum<br />

inconditum agmen ; aliumniâil pmter jacu*<br />

km habere , alium fundâ [axa ÏÏbrare , pauck'<br />

jufia arma effe : itaque 'Mbit plures ftare 9 hinc<br />

plures dimkaturos. Nec pojiuiare fi m fbrtker<br />

capefferent predhtm » ni ipfe ceteru fortkudims<br />

fuiffet exemplum : fe ante prima figm almicaturum<br />

; [pondère pro [e , quoi cicatrices, mtidemcorporis<br />

décora : [cire ip[os, mmm penè- fi prmdm<br />

commuais exforum, in Mis colem&s omandi[que<br />

u[ur<strong>par</strong>e viBorim prmwûa* Mme [e [ortibus vins<br />

dkere* Si qui diffmiles eorum effent, iUa fuiffe<br />

diëurum : perveniffe eo unde fugere non poffènt ;<br />

tôt terrarum fpatia emenfis 9 tôt amnibus <strong>mont</strong>ibusqué<br />

poff tergum objeêk, ker m-pamam &<br />

pénates manu effe fackn<strong>du</strong>m. Sk <strong>du</strong>ces, fie fro*<br />

ximi militum 'mfimBi [unu<br />

jç. Darius in lava cornu erat, magno fmrtm<br />

agmirn , deleëk equitum peditumque ftipatus ; con*<br />

tempfiratque paucitatem hoffk, vanam aciem effe<br />

extentk comibus ratus* Ceterum » ficut curru emi~<br />

nebat, dextrâ lavaque ad ckcumftanàum agmina<br />

oculos manusque circumfirens : Terraram, mquitp<br />

quas Oceanus hinc alltiit illinc claudit HeHefpontus<br />

paulo ante dominx, jam non de gioriâ,


LIVRE IV. CHAP. XIV. 187<br />

des hommes courageux n'étoient jamais inconnus ; mais<br />

que des lâches , arrachés de leurs retraites , n'apportaient<br />

au combat que leurs noms : que quant aux macédoniens<br />

9 ils avoient mérité <strong>par</strong> leur valeur, qu'il<br />

s'y eût pas un coin fur tout© la terre où Ton n'eût<br />

connoîHânce de gens auffî braves. Qu'ils jetaffent les<br />

Jeux fur cette troupe confufe de barbares ;• où Tua<br />

n'avoir que le javelot 9 un autre la fronde , & bien peu<br />

des armes convenables : de forte que de leur côté il y<br />

avoit plus d'hommes à, la vérité s mais que de celui<br />

d'Alexandre il y auroît plus de combattants* Qu'an<br />

refte il ne les exho^toit à agir vaillamment j qu'autant<br />

qu'il en donneroit lui-même l'exemple aux<br />

autres : qu'il combattrait à la tête des enfeignes j &<br />

qu'il en avoit pour garants autant de témoignages ho*<br />

notables qu'il avoit de cicatrices fur le corps : qu'ils,<br />

n'ignoraient pas qu'il étoit prefque le feul qui n'eût<br />

point de <strong>par</strong>t au butin qui ap<strong>par</strong>teaoit à tous, & qu'il<br />

employait les fruits de la viôoire à mériter leur attachement<br />

& à les enrichir. Qu'il devoit <strong>par</strong>ler ainfi à de<br />

vaillants hommes. Que , s'il avoit penfé qu'il y en eût<br />

d'autres <strong>par</strong>mi eux , il leur aurait dit : qu'ils en étoient<br />

au point de ne pouvoir plus fuir; qu'après avoir traverfé<br />

tant de vaftes contrées , & ïaiffé derrière eux tant de<br />

fleuves & de <strong>mont</strong>agnes , ils ne pouvoient plus retourner<br />

dans leur patrie , qu'en s'en ouvrant le chemin,<br />

Fépée à la main» C'eft ainâ qu'il anima les chefs 9 & les.<br />

foldats qui fe trouvèrent les plus proches de lui*<br />

55. Darius étoit i fon aile gauche, environné d'un<br />

gros des liens, élite de fa cavalerie & de fon infanterie ;<br />

il avoit pris en dédain le petit nombre des ennemis »<br />

perfuadé qu'ils avoient ré<strong>du</strong>it à ries leur corps, de bataille<br />

en étendant leurs ailes. Au furplus, <strong>du</strong> haut <strong>du</strong><br />

char fur lequel il étoit élevé t tournant fes regards &<br />

Ces mains à droite & à gauche vers les troupes qui l'en»<br />

vironnoient : Maîtres il m'y m pas long temps, leur dit-il »<br />

des terms hmgniês d'un, cêté pur VOcéam & terminées


i88 LIBER IV. CAP. XIV. .<br />

fed de falote, & , quod faluti praeponitls, de<br />

libertate pugnan<strong>du</strong>m eft. Hic dies Imperium--,<br />

quo nuBom amplîiis vidit setas , aut confe*<br />

tuet aut finiet. Apod Granicum-j minimâ virram<br />

<strong>par</strong>te cum hofte certavimus ;. in Ciliciâ viâos<br />

Syria poterat excipere , magna nninîmieftta regni<br />

Tigris atque Euphrates erant : Yêntum eft eo<br />

unde pulfis ne nigar qoidem locus eft. Omnia<br />

tain diuîmo Beiîo exhaufta poft tergum font ;<br />

non incolas foos urbes, non ctiltores habent<br />

terra : conjuges quoque & Bberi- fequuntur banc<br />

acïem ; <strong>par</strong>ata hoftibus prada , nifi pro carif*<br />

fimis pïgnoribus corpora opponimus. Quo'd<br />

mearam fait <strong>par</strong>tiura , exercitum quem penà<br />

Immenfa planifies vix caperet com<strong>par</strong>airt ;"<br />

equos, arma diUrikd ; commeatus ne tant»<br />

multitudini deeffent providi ; l'oaim in quo<br />

acies explicari poffet ekgi. Cetera in veftrâ<br />

poteftate font : audete, modo vincere ; famamque<br />

5 infîrmiflimum adv-ersus fortes viros telum,<br />

contemnite. Temeritas eft , quam adhue pro<br />

virtute timuiftis ; quae , ubi primum impetuin<br />

efFudit 9 velut quaedam animalia , amiflo acu«*<br />

leo , torpet Hi Têro campi deprehendére<br />

paucitatem f quam Ciliciae <strong>mont</strong>es abfconde*<br />

rant : videtis ordmes raros , cornua extenta ,<br />

mecliam aciem vanam & exhauftam


LlVKE IV. CHAP* XIV. 189<br />

mm plus pour la gloire, mais pour la vie, &, ce qui veut<br />

iftplus cher que là vie , pour la liberté. Ce jour affermira<br />

eu mnverfera le plus grand Empire' qui fat jamais» Sur le<br />

Qmnique f ce ne fut qu'avec la moindre <strong>par</strong>tie de nos<br />

forets que nous combattîmes ; après notre défaite dans la<br />

Glicie s la Syrie poumit encore. nous fervir de retraite, le<br />

Tigre & PEuphrme étoient - encore deux puifiknts boule»<br />

tards de mon, royaume ; mais nous voici au point 9 qu'il<br />

m nous refit pas même oà fuir* Tout ce qui efi derrière<br />

mous efi êpuifi <strong>par</strong> la longueur de la guerre ; les villes<br />

m'ont plus d'habitants, Us campagnes de cultivateurs •; nos<br />

femmss & mime nos enfants font à la fuite de cette armée ;<br />

Us vont devenir la proie des ennemis, fi nos corps ne leur<br />

fervent de rem<strong>par</strong>t* Tout ce qui étoit de mon devoir efi fait 1<br />

j f ai mis fur pied urne armée que cette plaine immenfe peut à<br />

peine contenir} je l f ai fournie de chevamc & d 9 armes ; j'ai<br />

pourvu à la fubfifianee d'une fi énorme multitude ; j'ai<br />

ehoifi un Ueu propre pour la ranger en bataille. Le refie<br />

dépend de vous : ayt\ feuUment la hardieffe de vaincre ;<br />

& ne faites aucun cas de la réputation des ennemis , arme<br />

bien foibU contre des gens courageux» Ce n 9 efi que téme»<br />

rite 9 ce que vous'ave^ redouté jufqu'ici comme valeur|<br />

témérité, qui, après fon premier feu, femblabie à certains<br />

animaux qui ont per<strong>du</strong> leur aiguillon f tombe dans ht<br />

langueur, JD'ailUurs ces plaines ont mis en évidence Uur<br />

petit nombre, que Us <strong>mont</strong>agnes de la CiUcie nous avoient<br />

caché : vous voyei que hurs rangs font clairs t Uurs ailes,<br />

éten<strong>du</strong>es aux dépens de la profondeur , feur corps de ba»<br />

taiUe foibU & tpuîfé; car ceux qu'il a fait paffer de ht<br />

tête aux derniers rangs + tournent déjà le dos 2 pour Us<br />

fouUr aux pieds des chevaux* il ne faut m vérité que<br />

lâcher contre eux mu chariots armés dé f aulx» Au reflê h<br />

fuccès de la guerre efi entièrement pour nous , fi nous gagnons<br />

la batailU ; car ih n*ont aucune iffue pour fuir :<br />

FEuphmte é f un ce té» U Tigre de l'autre 9' ils font enfer-»<br />

mis de toute <strong>par</strong>ti &'-ce qui aufarawmi Unr dtoit favo»<br />

mèU , imr efi devmu contraire^ Notre armée pmt aifémeut


190 LIBER IF. CAP. XIF.<br />

font. Noftram mobile & expeditum. agmen eft ;<br />

illud , pradâ grave : Implicatos. ergo fpoliis<br />

noftris tracidabimus ; eademcrae res & caula<br />

viâori* erit & fruâus. Quod fi quem è vobis _<br />

aomen gentis movet-; oogitet macedontini illic<br />

arma effe, non corpora : multuin enim fanguinis<br />

invicem haufimus , & fentper gravlor in pancitate<br />

jacrura eft Nam Alexander, quantulcumque<br />

ignavis & timidis videri poteft, unum animal<br />

eft, & 5 fi quid mihi creditis , temerarium<br />

& vecors, adhuc noftro pavore qu'am fui virtute<br />

felicius. Nihil autem poteft effe diuturnuni , cui<br />

non fubeft ratio ; licet félicitas afpirare videatur ,<br />

tamen -ad ulûmumtemeritati non mffick : praeter-<br />

«a brèves & mutabiles vices reram finit, &<br />

Fortuna nuncraam'fimpliciterindîilget. Forfitan<br />

ita dii fata orainaverunt, ut perfaram Imperium ,<br />

quod fecundo curfu per <strong>du</strong>centos triginta annos'<br />

ad fummum laftigium evexerant, magno motu<br />

concuterent magis quam affligèrent ; admonerentque<br />

nos fragilitatis humanaé, cujus nimia in<br />

profperis rébus ' oblivio eft. Modo, graecis idtro.<br />

bellum inferebamus , .nanc in fedibus noftris »<br />

propulfamus illatum; jaftamur invicem varie-»<br />

tate Fortons : videlicet Imperium quod mittuoaffeâamus<br />

una eens non tapit. Ceteram ,<br />

eriamfi fpes non fiïbeffet, neceflitas tamen 1H-*<br />

mulare 4eberet ; ad extrema perventum eft.<br />

Matrem meam,? <strong>du</strong>as filias, Ochum m fpem<br />

Wjus .Imperii genitum, Bios principes-, itlam<br />

fobolem régi», ftirpis. , <strong>du</strong>ces veftros regura<br />

ïnftar5 vinctos ^babei;* nifi quod in vobis,eft ,.<br />

ïpfe ego majore <strong>par</strong>le. captivus. fiim* Eripttevifcera<br />

mea ex vinculis ; reftituite mihi pignora ,


LIVRE IF. CHAP. XIV. 19*<br />

je mouvoir, & m'a point d'empêchement ; la leur efi fur*<br />

âsrgéede butin: nos dépouilles , qui hs embaraffentf nous<br />

eMtront donc à les tailler en puces ; & la même chofi de~<br />

f'màm IM caufe & la récompenfe de la viBoire, S'ileji<br />

fulqu'um <strong>par</strong>mi vous fur qui h nom de ce peuple faffe<br />

mprejpon g qu'il penfe que ce font là en effet les armes B<br />

mm mon les perfonnes des macédoniens : car noms avons<br />

éeja répan<strong>du</strong> bkn <strong>du</strong> fang de <strong>par</strong>t & d'autre , & la perte efi<br />

impurs plus marquée <strong>du</strong> coté <strong>du</strong> petit nombre» Pour AiesêMire<br />

, quelque haute opinion qu'en ayent les lâches &<br />

hsf&kroms , ce défi qu'un brutal f&9fi vous m'en croye\,<br />

ss téméraire» un furieux, plus heureux jufqu*ici <strong>par</strong> notre<br />

payeur que<strong>par</strong>fon courage. Mais rien de ce qui manque de<br />

muiuiîe ne peut être <strong>du</strong>rable ; quoique h bonheur fimbU<br />

d'abord féconder la témérité, à la fin pourtant il lui man~<br />

§m : d'ailleurs les révolutions des chofes font rapides &<br />

tkmgeantes # & hs faveurs de la Fortune ne font jamais<br />

esnfiantes. Peut-être les dieux ont-ils arrêté dans leurs<br />

décrets 9 qu 9 après avoir élevé F Empire desperfes au combh<br />

ie la gloire <strong>par</strong> une prcfpérité de deux-cens trente ans 9<br />

Us iuifcmkm effuyer un grand ch@cf capable de l'ébranler<br />

fhs tôt que de l'abattre; & qu'ils nous feroientfouvefùr<br />

énfi de la fragilité des chofes humaines, qu'on oublie trop<br />

ëlfiment dans les grands fucces. Il n'y a pas long temps<br />

fse nous pert'wns che\ les grecs une guerre offenfive, au*<br />

jêurdhui nous femmes ré<strong>du</strong>its à la défenfive fur nos profret<br />

terres $ nous femmes tour à tour hs jouets de l'inconftmte<br />

Fortune : c'efi que l'Empire auquel nous prétendons<br />

ks uns & hs autres efi fupérkw aux forces d'une feule<br />

nation» Au refle , quand nous n'aurions plus d'efpérance% •<br />

h nêcejfiti fiuh devrait nous animer ; nous en femmes aux<br />

amures extrémités. Ma mère ,. mes deux filles, Ochus.<br />

fm fa naiffance l'efpoir de cet Empire , ces princes, ces<br />

rejetons de ma maijbn f vos chefs femblabhs a des rois 9<br />

font dans les fers ; à ma perfonne près qui efi encore <strong>par</strong>mi<br />

vous 9 je fuis captif dans la meilleure <strong>par</strong>tie de moimime.<br />

Tire\ de leurs liens ces objets de ma tendrejfe ; ren- '<br />

dcçmoi as g^S €s P r ^ eus ^s F mr hfquels je ne refufe pas


ici LIBER IV. €-JP. XV.<br />

pro quibus ipfe mon non recufo : <strong>par</strong>entem i<br />

liberos, ( nam conjugem in illo carcere amifi , )<br />

crédite mine omnes tendere ad vos manus ;<br />

implorare patrios deos ; opem yeftram, mife—<br />

ricordiam, fidem expofcere , nt fèrvitute , ut<br />

oompedibus , ut precario vi£hi ipfos liberetis.<br />

An creditis «quo animo iis fervire , quorum<br />

r-eges effe faftidiunt ? Video admoYêri hoftium<br />

aciem ; fed quo propiîis diferimen accedo , hoc<br />

minus iis quae dki poffum effe contentes. Per<br />

ego vos deos patrios deprecor , aeternumque<br />

ignem qui praefertur altaribos , fulgoremqwe<br />

folis , intrà fines regni mei orientis ; per aeterfîam<br />

memoriam -Cyri'., qui ademtum médis<br />

ly disque 'Imperium primus in ï^erfidem intulit ;<br />

vindicate ab .ultimo -dedecore nomen gentemque<br />

perfarum. Ite alacres & fpe pleni ; ut, quant<br />

gloriam accepiftis à majoribus yeftris , pofteris<br />

relinquatis. In dextris Ycftris jam libertatem ,<br />

opem , fpem fiituri temporis geritis.^ Effiigit<br />

mortem , quifquis contemferit ; timidiilimum<br />

quemque confequitur. Ipfe, non patrio more<br />

ïolum, fed etiam ut confpici poffim, curra vehor<br />

; nec reeufo quominus Imitemini me 5 five<br />

fortitudinis exemplum five ignayise fiiero.<br />

XV. Intérim Akxander, ut & demonflratum^a<br />

transfugâ infidiarum heum circumïret, & Dario ,<br />

qui imvum cornu tuebatur, -occurreret-, agmen obliquum<br />

mctdere jubet. Darius quoque todem fuum.<br />

obvertit, Beffb admonko ut maffagetas •équités {in<br />

Imvum Ahxandri cornu à . latere imébà juberet £<br />

ipfe ante fe fdeatos currus habebat, quos figno<br />

dato univerfos in hoftem effudiu Ruebant iaxalis<br />

habenis aurigœ, quo plurcs, non<strong>du</strong>m faits provîfb<br />

de


„ Lirn£ IV. CMAP. XV. 19*<br />

ii faire le facrifice de ma vie : penfe\ que ma mire s mu<br />

wfants ( car j*ai per<strong>du</strong> mm époufe dans cette prifon ),<br />

tmiemt ftmineemamî leurs mains vers vous ; qu'Us invm".<br />

fseaf les dieux de nôtre patrie ; -qu'ils réclament votre<br />

&§fiance 3 -v&zrc c&mpajfiên, votre proteQion , afin que<br />

tous Us déUvrie\ de leur captivité, de leurs chaînes 9 <strong>du</strong><br />

ytxre de vie précaire fonge\ à la tranfmettre à vos defeen»<br />

imt$m Vous porte\ aujourdhui dans vos mains votre libtr*<br />

ti, votre Jkluê , -l'efpérance de l'avenir. Le moyen d'échoptr<br />

à la mort, c'efl de la méptifer-i ce font ceux -qui la<br />

redoutent le plus qui en font les viâimcs» Qjurnt a moi.<br />

ce n'efl pas feulement pour me conformer'à notre ufage,<br />

t'efi pour pouvoir être vu de tout le monde, que je fui/fur<br />

un char ; & je confens„que vous m'imitie\, quelque exemple<br />

que je vous donne, de courage ou de 'lâcheté. '<br />

XV. Cependant Alexandre, tant pour tourner l'endroit<br />

périlleux que îe transfuge avoit fait connoltre s<br />

que pour aller à la rencontre de Darius, qui menoit ion<br />

aile gauche , fit avancer fon armée <strong>par</strong> un mouvement<br />

oblique. Darius avança aufli avec la même intention,<br />

après avoir enjoint à Beffus de charger en "flanc Fatîe<br />

gtuche cFAlexaiîdre avec la cavalerie des Maffagètef ;<br />

de fon côté il avoit devant lui -les chariots armes , de<br />

faulx » qu'il fit <strong>par</strong>tir tous enfembîe contre l*ennemî <strong>par</strong><br />

un même lignai. Les con<strong>du</strong>cteurs couroient àferide abattue<br />

, afin de renverfer us ploj grand nombre d'ennemis<br />

Tome 1* 1


194 LIBER IV. CAP. XV.<br />

impetu , obtinrent.: alios ergo hafta multum ultra<br />

temoms eminentes , alios ab utmque latere dimijffk<br />

faites laceravire ; nec fenfim mactdones cedebant9<br />

fed tffufâ mrbaverant fuga ordines. Magmas quo


LtruE IK-Cff-AP.'XF. 195<br />

-<strong>par</strong> un dioc qu*ils- n'auraient pas le temps de prévenir:<br />

«a effet les uns furent bleffés <strong>par</strong> les piques qui fait-<br />

Soient <strong>du</strong> bout des timons f les autres <strong>par</strong> les faulx qui<br />

•débordoient de chaque côté ; & les macédoniens plièrent<br />

, non en cédant peu à peu , mais-enfuyant dans<br />

le plus grand défordre. Dans cette première épouvante,<br />

Mazée leur donna encore une autre alarme , en fefant<br />

couler <strong>par</strong> les derrières mille chevaux pour piller les<br />

bagages de l'ennemi ; imaginant que les prifonniers, qui<br />

étorent tous fous la même garde, romproient en même<br />

temps leurs chaînes quand ils verraient approcher<br />

leurs gens. 11 n'avoit pas donné le change à Parménion,<br />

•qui éîoit à l'aile .gauche ; celui-ci envoie donc promptemest<br />

Polydamas vers.le roi, pour l'avertir <strong>du</strong> danger<br />

& prendre, fes ordres en conféquenee; .Le. roi, ayant<br />

.enten<strong>du</strong> Poly damas i'Âlk\9 lui répondit-il, & dites à<br />

Parmi nimbus,- fi nous remportons la viBeire, non finie*<br />

,mcntnous recouvrerons ce qui tfià nous % mais nousjerom<br />

encore, les maîtres aç tout ce qui tfi aux ennemis : il n'y a<br />

donc pas de rai/on 'pour affoiblir en, rien le corps de Bataille<br />

; mais, fins s'embaraffer de la perte <strong>du</strong> Bagage -,<br />

•qu'il fonge à combattre coumgeufimem & d*une manière<br />

-digne de moi & de FhWppe mon père. Cependant les barbares<br />

avoient mis le défordre ^dans' les bagages : iprès<br />

•qu'il* eurent égorgé-une grande *-<strong>par</strong>ti e" -de- "la garde ,<br />

les fmîûmèem de leur', côté s brifaat leurs fers » fe felfiffent<br />

de tout ce, qtfMs rencontrait de propre.à faire<br />

arme ; & fe joignant à leur cavalerie 9 ils fondent fpr<br />

.les macédoniens , qui de cette-manière ont affaire ait<br />

dedans & au dehors : treflaïllant donc de joie autour<br />

de Sifygarabis, ils lui font entendre que Darius eft vainqueur<br />

, que les -ennemis ont été# taillés en pièces , &<br />

qu'enfin ils ont per<strong>du</strong> jufqu'à leurs bagages ; car ils<br />

croyoient qu'il en étoït de même <strong>par</strong>tout s 6e que ce ,<br />

a'étoit qif après la viâotre que les perfes avoient couru<br />

au pillage. Sifygambis * quelque Isiiancê que lui fiffent<br />

les prifonniers de mettre fin à fon affliction , demeura<br />

tfujouri dans h même dlfpofitisa d'efprit qu'au<strong>par</strong>avant ;


i$6 LIBER IV..CAP. XK<br />

quo antrn fuk per/everavit : mn vox tdla -*xcidit<br />

d 9 mon ork -coior vtdtusve mutants eft ; fed<br />

fiditimmob'dis, credo t prmcoce gaudio venta Fortunam<br />

irrkare ; adtb m quïd mallet -muent'ém<br />

jutrh incermm*<br />

çy, Jnter -hac Amymas ~9 pmfeëus equïtum<br />

Akxamdri, cum.paucis mrmls opem impedimenûs<br />

latwus advenerat.; incertum fuone confilm #<br />

an reps mperio : fed non fuftinuk • mdaji&Him<br />

fcytharumqut imp'etum $ quippe" *î% tentMo cet-<br />

• tamine réfugie ad regêm , âiiuffbrum- impedhrien*<br />

torum teftîs magis quant vïndex. Jam 'conjttiùm<br />

Alexandri vicerat _ dolor » 5» 'né aura 'recuperandi<br />

fua miiitem à pralio averteret nonïmmèrUo- vereèatur<br />

: kaqm Areun , <strong>du</strong>cem haflatorum 9 qms<br />

Sariflophoros mcahant r.adversus fcytbàs_ mittiç.<br />

Inter Mac currus , .qui -cire* -frima Jîgrm mrba*<br />

verant asiem , in • phakngem '• inmëi remnt } ' mar<br />

teèoncs tônfirmads ammu m médium-égmen 0cci"<br />

piuni. Vallo-fimkis meus trat-; junkerant'hafias^<br />

& ab utroque latère èetherè • inewrentium- MM fuf><br />

fodiebant : circùmïre deinde ? currus ''& prbpùgnor<br />

tores prœcipkare cœpcrunt. Ingens ruina equorum<br />

aurigarumque aciem comp'leverat\ : • hi territos rc~<br />

gère non poterant; fed Mmm<br />

currus everterant : vulmmê • • mterfekos traheT<br />

bant ; me confiftere terriû , net progredi debïhs<br />

poterant* Pauca tamen. eva/erc quadrige* h uki~


LIVRE IF. CMJP XF. 197<br />

ft ne for-tic pas dte fa-boucheune feule <strong>par</strong>ole % il ne pa»<br />

ni pas le moindre changement dans fa coultur ou dan*<br />

&îI air ;. mmis- elle relia affife fans fe mouvoir 9 dans la<br />

crainte, je penfe , d'irriter la Fortune <strong>par</strong> une joie prématurée<br />

r de forte qu'à la voir on st put juger ce qu'elle<br />

défiroit le plus.<br />

f y. Cependant Amyntas r qui commandait la cavalerie<br />

d'Alexandre ,. étoit venu avec quelques efcadrons<br />

an fecours des bagages ;: Je ne fais û- ce rut de fon- propre<br />

mouvement ou <strong>par</strong> ordre <strong>du</strong> roi : mais il ne put fou*»<br />

tenir le choc des ca<strong>du</strong>fiens & des fcythes ; car à peine<br />

eut-il tenté le combat qu'il fe retira vers le roi, ayant<br />

été le témoin plus que le vengeur de la perte des équipages.<br />

Le dêpH alors remporta fur la première réfolution<br />

^Alexandre , & ce fut avec raifon qu'il craignit<br />

que le défir de Tecouvrer ce qui lui ap<strong>par</strong>tenoit ne détournât<br />

le- foldat <strong>du</strong> combat : il envoya donc $ contre<br />

les fcythes , Arétès- 9 chef des lanciers f qu'ils appeloîent<br />

Ssriffephsrts *. Pendant ce temps les chariots-,<br />

qui avoient mis le déToxdre dans les- premiers, rangs ».<br />

s'étoient portés jufqu'à la phalange ; & les macédoniens<br />

les reçurent avec intrépidité au milieu de leur<br />

Bataillon, Leurs lignes, étoient comme deux paliflàdes ;<br />

& leurs, lances réunies perçoletif de droite & de gauche<br />

tes flancs dès'chevaux qui s'y engagêoî'ent au haiard<br />

: Us- fe- mirent enfuit* à ïoveftir les chariots & à<br />

feire tomber ceux qui y étoient <strong>mont</strong>és pour combattre..<br />

Vu carnage affreux- de chevaux & de con<strong>du</strong>cteurs < cou*<br />

vrïî le champ de- bataille : ceux-ci ne pouvoient pluscon<strong>du</strong>ire<br />

leurs couiéers épouvantés ; & les chevaux r<br />

<strong>par</strong> les fréquents mouvements de leurs têtes, avoient 9<br />

non feulement fecoué le joug f maiS'renverCé même les<br />

chariots : les bleffés entrainoient les morts-i & îls-ne<br />

pouvoient ni s'arrêter à. caufe de leur effroi, ni avancer<br />

à caufe de leur foiblefle. II" y eut pourtant quelques<br />

• * Ceft littéralement Parre-lanc es ; car Xccflft* «ft<br />

fe-nom grecde-la lance-macédonienne.


198 LîBMR 4F. CAP* XF9 '<br />

mam aeiem, ïis quîbus inciderunt mifirahUi morm<br />

confumùs : quippe amputata virorum mtmbra huntijacebant<br />

; & quia calidis adhuc vuheribus abt^<br />

rat dobr , mmei-quoque"& débites arma nom'<br />

êmittebant , donèc , muko fimgume ejfufp % exa-t<br />

mmati pwcumberenu<br />

58. Intérim Arêtes f fcytharum qui impedi-»menta<br />

diripkbant <strong>du</strong>ce occifo ,. gravies territis<br />

inftabat. Supervencre deinde miffi à D.ario bac~<br />

triani , pugnaque vertêre fortunam : mulû ergomacedonum<br />

primo impem obtrïti fimt; flores ad<br />

Alexandrum refugerunt. Tum perfit * ciamore fublato<br />

quakm viêores fiotent edere 9 firocker îrtboftem<br />

3 quafi^ ubique- pmpgatum, mcummu<br />

AUxandtr terrkos cafiigare , adkwtari > prmBmm<br />

quoi jam elanguerat films accendere ; confirmai<br />

msqm tandem amimis9, ire m hoflgm jubet* Rarioracks-<br />

erat in dextm cornu perfimtm, rmmmt imde<br />

baBriam decefferant ad opprimenda impedimenta t<br />

îtaque Ahxander laxatos ordmes învadh * G*<br />

mukâ code hofiium invehitur. Aê qui m lava<br />

cornu erant perfiz % fpe poffe eum mclaS , sgmem<br />

fimm À tergo dimkantis oppomtM 1 iagensquepericuium<br />

in meato âarem adîffit % m équité*<br />

agdatû cdcsrBus fiéikis cireumfufos régi bar*<br />

iaros aéorii effent * averfisque eadendè ' m fi<br />

ebvtrtï coëgiffent* Turbata erat mtraqm acieû<br />

Akxander à fronte & à. tergo- koflem kabebat /<br />

qui averjfb ei inftabant, ab agriams mUuthus pre~<br />

mebanmr ; baëriam , impedhmntis hoflium di*<br />

reptis rtverfi 9 ordines fuos recuperare non poterant<br />

; piurafimui abrupta i ceteris agmbm, ubi~<br />

cumque alium alii fors mifcuerat.,, dimicabanti


LtrRE IF. CHAP. XV. 199<br />

chariots qui percèrent jufqu'à l'arrière-garde, en fefant<br />

périr miférablement ceux qu'ils rencontrèrent dans leur<br />

paffagc : on ne royoit <strong>par</strong> terre que membres coupés ; &<br />

ceux qui a¥otent reçu des 'bleflures * ne Tentant point<br />

de douleur tant que la chaleur fubfîftoït dans leurs<br />

plaies , quoiqu'eflropiés & affbiblis , n'abandonnoient<br />

pas leurs armes s jufqu'à ce qu'épuifés de faag 9 ils tom*<br />

Ment fans vie fur la place. . ,<br />

58. Cependant le chef des fcythes qui pilloient le<br />

bagage ayant été tué ,. Arétès les pourfuivoii virement<br />

dans leur effroi. Mais les baôriens » envoyés bleatôt<br />

après <strong>par</strong> Darius à leur fecours , changèrent la face<br />

<strong>du</strong> combat : plusieurs macédoniens furent renverfés <strong>du</strong><br />

premier choc $ & un plus grand nombre regagnèrent le<br />

quartier d'Alexandre. Les perfes ,. pouffant alors un granà<br />

cri comme on a coutume dans la vî£tôîre,. donnent avec<br />

furie for l'ennemi f comme s'il étoit défait de tous 'cotés;<br />

Alexandre gourmande fes foldats effrayés 9. les excite,<br />

tsnime feul le combat qui ne fe fouteneit plus ; &<br />

après avoir enfin réchauffé leur courage , il les renvoie<br />

à la charge. -L'aile droite des perfes étoit affoiblie ,<br />

<strong>par</strong>ce qu'on en a?oit détaché les ba&riens pour affârer<br />

la priCe des bagages : Alexandre attaque donc ces rangs<br />

éclairck f. & y fait un grand carnage des ennemis. Mais<br />

les perfes de l'aile gauche f comptant pouvoir l'enveloper,<br />

viennent en force le prendre <strong>par</strong> derrière pendant<br />

qu'il combat ; entre deux corps ennemis , il étoit dans un<br />

grand danger f fi Sa cavalerie agrienne f fendant à toute<br />

Iride fur les barbares qui inveftîflbient le -roi ,, ne les<br />

eût forcés, en les chargeant en queue , de faire yolte»<br />

face contre elle-même. Les deux armées étoient également<br />

en défordre» Alexandre aroit l'ennemi <strong>par</strong> devant<br />

fc <strong>par</strong> derrière ; ceux qui l'attaquoient <strong>par</strong> derrière ,<br />

étoient preffés <strong>par</strong> les agriens ; les baftriens, .revenus<br />

4u bagage qu'ils avoient pillé , ne pouvoient reprendre<br />

leurs rangs ; plufieurs troupes, détachées de leurs corps,<br />

combattoient , les unes d'un côté, les autres de l'autre t<br />

Won que le liafard les avoit engagées. Les deux rois-9<br />

l iv


îOO -LIBER IF. CAP. XK<br />

Duo rem', junËis prope agmïnibus , pmïlum<br />

acccndekant : plures perfm cadebant ;. <strong>par</strong> ferme<br />

Mtrinqm mmerus. vmnerabatur. Curru Darius ,<br />

dlexander equo- vthebatur : utrumque Me&i tuebamur,<br />

fui immemores ; quippe , amiffo rege ,<br />

net .vûkbant falvi effe me paieront : ante- oeulos<br />

fui quisque régis mertem oceumbere <strong>du</strong>cebant egre~<br />

gium ; maximum* tamm perk<strong>du</strong>m adibant qui<br />

maxime- tuebanmr, quippe fêi quisque cmfi régis<br />

expetebat dëcus*<br />

59. Citerum,feve luiibriumoeulbrum, five yera.<br />

fpecîes fuit,, qui circa Akxandrum trant, vidiffè<br />

fi crediderunt pauluium fuper caput régis placide<br />

•vohmtem aquilam » non fonitu armorum , non<br />

gemitm morkntium terrkam ; diuque circa equum<br />

Akxandri pendenti magk^ quant volanti fimiiis<br />

ap<strong>par</strong>mt : cène votes Ariftander, ait A vefte in~<br />

iutus & dextrd prmferens êàuream * miiksbus^ m<br />

pugnam intentis avtm monftravk , hmd <strong>du</strong>bmm<br />

fikorim aufpicùtm. Ingens ergo alacritas ac fi<strong>du</strong>eia<br />

-pautb antt terrkos actendk ad pugnam..<br />

Utîque .poftquam aurïga Dariix qui ante ipfum.<br />

fedens- equos regebat > hafiâ iramfixus^ eji , née<br />

aut perfm, aut maeedones <strong>du</strong>bitavtre quinipfe rex.<br />

effet ôccifus. Lugubri erge uklatu & incondka<br />

damorc gemituqm totam firi " aciem adhuc aqua.<br />

Marte- pugnantium mrbavêre eognad Dam &<br />

armigeri ; iavoque cornu m fugjtm effufo, def<br />

tituerant 'cMwn-, qum à dextra <strong>par</strong>te fiipati m<br />

médium agmen receperunt.. Dkitur , acmace flricto\'Darius<br />

<strong>du</strong>bkajp an fugm dedecus honeftâ<br />

morte vitareL Sed tminens curru non<strong>du</strong>m omnem.<br />

fuorum aciem. pmïïo excedentem deftituem erubef*<br />

' cebat. Dum mur fpem & defptratmmm- hmfitat #


LIVRE IF. CMAP. XV. 201:<br />

iîuut prefquo joints » animoient l'action : il tombait<br />

plus- de morts <strong>du</strong> côté des perles. ; le nombre des bluffés<br />

étoit à peu. près• égal de <strong>par</strong>t & d'autre. Darius étoit<br />

fur un char ;. Alexandre , à cheval :. tous deux étoient<br />

environnés-de gens d'élite, entièrement détachés d'euxmêmes<br />

} car f û leur roi étoit venu à périr , ils ne voulaient<br />

ni ne pouvoient lui furvïvre :' chacun d'eux tenoit<br />

à honneur de mourir fous les ieux de fon prince; cependant<br />

les plus-expofés étoient ceux qui le ferroient<br />

de plus*- près r <strong>par</strong>ce que de Fautre côté-chacun ambi*<br />

tionnoiz la gloire de tuer le roi ennemi.de fa. mais.<br />

jo> Au.relie,, foit illufion ,.foit réalité, ceux qui;<br />

étoient près. d'Alexandre crurent avoir vu f un peu au<br />

deffus de la tête de' ce prince t un aigle' voler paifible-<br />

»tnts fans être effrayé ni <strong>du</strong> bruit des armes ni des'<br />

géraiffements des mourants ; & il leur <strong>par</strong>ut pendant -<br />

long temps plus- tôt fufpen<strong>du</strong> en l'air que volant autour<br />

de. fon cheval :.<strong>du</strong> moins dans le fort de ra£Kon , le devin<br />

Ariftandre ». revêtu, de fa robe blanche* &. portant en<br />

main une branche de laurier , tnontra-t-il cet oifeau aux<br />

foldats f. comme un.augure infaillible de leur victoire.<br />

La gaieté & une grande, confiance prenant alors la place<br />

de l'épouvante qu'ils venoient d'avoir, ils chargèrent,<br />

avec plus d'ardeur. ÏUle redoubla fùrtouty quand le<br />

con<strong>du</strong>cteur de Darius , affis devant ce prince pour con»<br />

<strong>du</strong>ire fès chevaux ,< ayant été-percé d'une javeline, ni<br />

perfes-ni macédoniens-ne-doutèrent que ce ne fût le rot<br />

lui-même qui avoit*étd tué. Auffitôt <strong>par</strong> des- hurlements<br />

effroyables*,, <strong>par</strong> des crit confus-, <strong>par</strong> des géraiffements s<br />

les <strong>par</strong>ents.8c.les écuyers de Darius portèrent le.trouble<br />

dans ppefque toute-l'armée ,,qui avoit combattu jufques<br />

là avec avantage; ôtFaîle gauche ayant été-mifeen fuite<br />

, ils avoient abandonné le.char <strong>du</strong> roi-, que ceux de la<br />

droite-reçurent au milieu d'eux en fe ferrant autour. On<br />

dit que Darius tira fon 'cimeterre, & délibéra sll ne<br />

éev4>it-pas éviter-une fuite honteufe.<strong>par</strong> une mort h'on©.*<br />

rable».Mais <strong>du</strong>Maut de fon-char voyant que toute-fon<br />

ara&A'&ott gas f score hocs.de. combat», il eut honte<br />

Ï-.Y.


mi LIBER 1K CAP. XFL<br />

fenfim. perfis cedebant & Lucaveramt ordines* 'AB+<br />

xander , mutât®' equo ». quippe phares fatigave*<br />

rat, refifientium adverfa ora fidiebat, fuguntium<br />

terga. Jamque non pugna » fid cmdts trot r<br />

qitum Darius quoque currum fuum in fugam : vertu»<br />

Mmrebat ïn tcrgu fugientium viBor ;. fed"<br />

profpt&um ocuhmm niées pulveris , qum. ad cahtm<br />

firebatur , abjlukrat* Ergo haud -ficus quam<br />

m umbrh errabam , ad fonimm notas vocts ,•<br />

ut fignum , fub'mde coeuntes : exaudkbantur tan*<br />

mm ftrepkus habenamm , quîbks- eqm currum<br />

trahentes identidem vtrberabantur ;- hmc fila fur<br />

giemu vejiigia excepta funu<br />

XVI.. At in lavo macedonum ' cornu ,. quod<br />

Parmenio t ficut urne di&um ejt r-tuebatur , longéédid<br />

firtunâ umusque <strong>par</strong>tis res gerebatur» Ma-<br />

%jms 9. cum omni fuorum equitatu vehementer<br />

mve&us , urgebat macedonum alas : jamque abnndans<br />

multkuainc aciem circumvehi cœperat r quum _<br />

Parmenio équités nunciare jubet Alexandro m •quoi<br />

difirimme ipfi citent ; nifi mature, fubverûretur >,<br />

non pojfe fifli fugam, Jam multum via • procefi<br />

firat rex » imminens- fugientium tergis % quum à<br />

Parmenione triftis nuncius verni* Refrenarc equosjuJJ!<br />

qui vehebanmr , agmenque confikk £ fren~dente<br />

Akxandro , eripi fibi vitkriam 'è 'manibus<br />

* & Uarium filkiès fugtre quam fiqid fi.<br />

Intérim ad Maqzum fuperati régis fama pervenemt<br />

: kaque , quanquam^ validior erat r foriumî<br />

êamen <strong>par</strong>tium terrkus 9. percul/ls fangui<strong>du</strong>ts injla-<br />

Bat. Parmenio ignorâbaê' quidem> caufam fm<br />

jponù&- gugnai- remiffk ,.. fid occafione


LIVRE IV. CM'AP* XVI. zoj<br />

ie l'abandonner. Tandis qu*il flottoît entre Fefpérance-<br />

& le défefpoir, les perfes plloient infenfiblement &<br />

leurs rings **étoient éclaïrcis. Alexandre s ayant changé<br />

de che¥aî t après en avoir excédé pîufîeurs s ne. ceffoiî<br />

de tuer <strong>par</strong> devant ceux qui lui reliftoient, & paç<br />

derrière ceux qui foyoient» Ce iTétoit plus un combat t<br />

ééîùk une Boucherie f lorfque Darius tourna aufli fou<br />

char p@ur prendre la fuite. Le yainqueur pourfuîvoit de<br />

près les fuyards ; mais un nuage de pouflière , qui s'èle-<br />

•oit jufqu'aux cieux f ôtoit Tufage de la-vûe, Aufli alloit*<br />

•n à l'aventure comme dans les ténèbres f & oa ai Ce<br />

ralUoit qu'au fon des voix de eonaeiflance, qui fenroient<br />

de lignai : on entendent feulement les coups de fouet -<br />

dont on frapoit de temps en temps les chevaux <strong>du</strong> char<br />

de Darius j c'eft le feul indice auquel on put recon-<br />

BOitre la trace de fa faite-<br />

XVI. Mais à Faile gauche des macédoniens ,'quî étoit,<br />

tomme ©n Fa dit , fous le commandement de Pafménion<br />

, la fortune des deux <strong>par</strong>tis étoit bien, différente.<br />

Mazée, ayant chargé vigoureufemeiît avec toute fa* cavalerie<br />

, prefloit les macédoniens en flanc : & il, corn-;mençoit<br />

déjà à les enveloper .<strong>par</strong> la multitude, de (es<br />

troupes , quand Parménion détacha des cavaliers vers<br />

Alexandre r pour lui apprendre le danger ou il étoit s &<br />

que , s'il 'n'étott promptement fecouru, il ne pouvôif<br />

plus empêcher fes gens de prendre la fuite, te iolétolt<br />

déjà loin à la pourfuite des fayards 9 quand il reçut de.<br />

Parménion- cette-trille nouvelle. IL commanda ' à fes cavaliers<br />

de retenir leurs chenaux , & toute fa troupe* Ht<br />

halte ; suis.Alexandre frémit de jragës.de ce cfiie^ta<br />

viéloire lui étoit arrachée des mains s & que fon ennemi<br />

étoit plus heureux dans*fa faite que lui en le pourfuî*<br />

nant. Cependant la bruit de la défaite de Darius étoit/<br />

venu jufqu*à Mazée : aufli, quoiqu'il eût la, fupériorité.*<br />

étonné toutefois <strong>du</strong> malheur de fon <strong>par</strong>ti, il pouflb.it<br />

. moins vivement les ennemis, déjà, ébranlés. Parménion<br />

ignoroit ta tau Ce de ce ralestiffement fp ont a né dit cojri«<br />

bat y mais il grofîtt habilement de cette occafîon poW


204 'LIBER IV. CAP. XVI.<br />

Jîrenùè efl ufus ? thejfalùs équités- ad' fe vocarî<br />

jubet: Écquid', ihquk, videtis iftos , qui ferociter<br />

* modo inftabant, pedem referre , fubito<br />

pavoré perterritos ?' Nimirum. nobis quoque régis<br />

. noûri fortpna vincit : onmïa perfaram caede ftraîa<br />

funt.. Quid ceflatis ?. an-ne fugientibus quidem<br />

<strong>par</strong>es eiiis l Vera dicere videbatur, & fpes Unguentes<br />

quoque, erexerat* Suhûsh cakariens prormêre<br />

in kùfiem^&UB'jam,. non fenfitt, fed cîmto<br />

grain ,. reeedebant ; net quidquam-fugm, nifi quoi<br />

ierga


LirRE-IV.-CBAP. XVI. mf<br />

tamenêr la vicYoîie ; il-'fait approcher la cavalerie tnef*<br />

felienne : Woye\~vous % leur dit-il, que c&usc qui- nom<br />

preflbient MV,SC fureur il n'y & qu'un moment f lâchent /*»<br />

pied & faut falfis d 9 une terreur fouimne?. C*efi que la<br />

fortune de notre roi remporte ta vMoire r mime peur n&us :<br />

tout eft jonché de perfes maffaerés» Que tardt^vous ? ne<br />

vale{-vous pas bien des gens qui fuient? Ce difcours étoit<br />

•raiffemblablé, & il avoit/animé leurs* efpérances» Ils.<br />

fondirent "à. toute bride fur lès ennemis": &•'ceux-ci<br />

reculèrent ,.non d'une manière infenfAIe f mais au pas<br />

redoublé; & il ne leur maoqooitj pour être' décidé»ment<br />

en fuite, que d'avoir tourné le dos. • Cependant*-<br />

Parménioir,. rgnorant-quel foccès le roi avait eu à l'aîle*<br />

droite , modéra l'ardeur de fes foldatt. Mazée de foa.<br />

côté , trouvant de îa facilité dans fa fuite, alla paJTer<br />

le Tigre.» non <strong>par</strong> le.droit chemin, mais <strong>par</strong> un circuit<br />

plus long & <strong>par</strong> là même plus-(ur , & il entra dans Babjlone<br />

avec les débris de l'armée vaincue*<br />

6i. Darius, peu accompagné dans fa fuite, avoir<br />

tiré vers le Lycus ;, & quand il l'eut paffé,, il délibéra-,<br />

s-'il romproit le pont,.<strong>par</strong>ce qu'en lui fefoit entendre.que<br />

rennemi alloit le fuivre de près : mais il voyoit:<br />

qpe tant de milliers de foldats , qui .n'avoîent pas. encore<br />

gagné le fleuve , feroient la proie de l'ennemi fi le •<br />

p©nt étoitcoupé'; & il'eft certain que, Te làiflàntfub*<br />

lifter, il'dît en <strong>par</strong>tant, qu'il ahnoît mieux donner ce<br />

paffage à ceux qui le pourfuivoient-que del'ôter â ©eux<br />

qui fe"faevoteut. Ce prince-, aptes avoir traversé en.<br />

iuyant une grande éten<strong>du</strong>e de pays, arriva enfin à Ârbel-<br />

Les vers le "milieu de la- nuit. Qui pourr®it fe- reptéfen—<br />

ter en e£|>rit'©u rendre fidèlement dans un difœurs tant -<br />

de jeux outrageants delà Fortune, les maffacres iî variésdes<br />

chefs &des corps de troupes , îa fuite des vaincus,<br />

les malheurs généraux & <strong>par</strong>ticuliers ? Peu s'en fallut<br />

que la Fortune n'accumulât dans cette feulé journée, les<br />

événements de tout un fiècle.-Les uns fuyoîent-<strong>par</strong> le<br />

plus court chemin qu'ils pouvoient trouver , lés autres<br />

gagne ient divers défilés- &. if s- fentiers inconnus i ceux-.


io6 LIBER 1K CAP. XVI.<br />

'Armons imrmes 9 inugris dekiks, ïmplkabanturl<br />

Demie nùfericordiâ in meium versa, qui feqtd mmpoterant<br />

inter mutuos gemkus defereëanosr* Skis<br />

pracipuè faûgatos & fauàos perurebat ;: pajfimque<br />

omnibus rivis pofiravcrant corp&ra & pmterftuenttm<br />

aquam hianti ore- captantes r quam quum dm<br />

midi, turbïdam haufijfent , tendebantur extemph<br />

pracordia prememe iimo ;. refolmuque & torpentibus<br />

memhru 9 quum fupervenijfet hoflu r nm>is<br />

vulneribus exckalantur. Quidam r occupons proxinûs<br />

rivu 9 dwerterant iongms ,. m quidquid occuiti<br />

'humons mfquam • mànaret excipereM ; mec<br />

ulla adèè mâa & ficca lacuna erai r qum vefttgantium<br />

fitim [allereu Eproximk vero itimrivkis<br />

Jenum uluhtus feminarumque exaudkbantur, barbaro<br />

rku Barium adhuc regem clamantium.*<br />

62. Aîexander, ut fupra dMum efl'r inhibao<br />

'fitorum curfu , ad Lycum amnem pervmerat 1<br />

uhi -ingens multitude Jugientium onerwmrat pon»<br />

tem ; & pkrique , quum hoflk urgere$r in ftumem<br />

fe pmcipkaverant, gravesque armis & pmlio MC<br />

fugâ defatigaù * mrgitibms- haurkbantqr~ Jamque<br />

non pons modo fugkntes , fed ne amnis quidem.<br />

capkbat r agmina fua improvidè fub'mde cumulantes<br />

: quippe y ubi intravk animos pavor r id fohmt<br />

metuunt quod primum formidare cœperunL Aîexander<br />

, injhntibus fuis impunk abeuntem hoftem fe»<br />

qui permutent £ hebeûa iela ejfe & 'manus fktiga*<br />

tas ,_ tamoqut curfu œr<strong>par</strong>a exfmufla „ & preeceps.<br />

m naSem diei tempus caufotus. eft ; re.verdde. lm®


'LIVRE IV* CJTJF. XVI. %oj<br />

qui' Tes pôurfulvole»*.- Cavaliers* & fantaflîus ,. armés*<br />

êc non armés , feins & malades ,. tous s. fans ordre ôc<br />

fans chef r étoient dans une confufion.- épouvantable.<br />

Bientôt la compaffion fefant place à îa crainte , aprèsdès<br />

gémïflemeiîts' réciproques on abandonnoit ceux<br />

qui ne pouvoient fuivre. Une foif ardente furtout preffoit<br />

violemment ces- 'malheureux ,. excédés de fatigue.<br />

6c enflammés <strong>par</strong> leurs bîeffures ; & ventre à terre defous<br />

côtésle long des ruiffeaux, ils avaloient à longstraits<br />

l'eau- <strong>du</strong> courant : mais après qu'ils avoignt étanché<br />

à loilîr leur foif ardente dans cette eau trouble ,. le<br />

limon, leur gonfloit aufiltôt les entrailles ; & leurs-membres<br />

demeurant comme engourdis ,• l'ennemi furv.enoit'<br />

Scies ranîmoit <strong>par</strong> de nouvelles bîeffures. Quelques-uns ^<br />

trouvant occupés les ruifieaux qui étoient à leur portée ,,<br />

alloient plus loin , pour recueillir toute l'eau, desfources<br />

les plus cachées ; & il n'y eut mare fi écartée ou.<br />

fi ré<strong>du</strong>ite à ïec, qui pût fe- dérober aux recherches degens<br />

fi altérés. Dans les filkg.es près- defquels- an paf—<br />

foit ,. om entendôit. les clameurs des vieillards & dés.<br />

femmes ,. qui, à la manière des barbare*, criéient que<br />

Darius étoit encore leur roi* • ' ,<br />

62. Lorfqu'Alexandre , comme nous avons dît, fuf—<br />

fendit la marche èes fieos , il étoit arrivé au fleuve Lycos<br />

: là la foule des fuyards remplifloit le pont;. & plu—<br />

fieurs ,. preffé's <strong>par</strong> l'ennemi, s'étoient précipités dansl'eau<br />

, où t appefanîis <strong>par</strong> îe poids âm armes Stharaffés<strong>du</strong><br />

combat & de la fuite, ils étoient promptement engloutis.<br />

Alors , non feulement le pont, mais le fleuvemême<br />

regprgeoîent de la quantité des fuyards,.. dont les,<br />

bandes venoient coup fur coup | s'entaffer inconfidéré*<br />

ment les'-unes-fur les autres": ceft que,, quand une foisla<br />

terreur a. faillies efprits ,. ils ne redoutent plus quece.qui<br />

leur a d'abord, caufé de l'effroi* Comme Ale--<br />

'xandrt-- étoit vivement follicité <strong>par</strong>- les- fiens r, de-leur<br />

lalffer poutfiihrre l'ennemi qui fe retîroit impunément;.<br />

-il leur dit que • leurs armes étoient émouflfées;&' leursjnatns.-lafihs^de<br />

frapper, qu'une fi longue-courte a*oifc


2-of LIBER ÎV. CAP. -XVT. '<br />

eôrwù , quod' udhuc in atie'Jlare crt débat*, /bIPcitus;<br />

reverti'ad firendam bpem fiiïsfiàtuiiJ Jarn—<br />

que fi'gna convertirai ». quum- équités a Parmtnîàne<br />

mifit Ulius quaque <strong>par</strong>tis wBoriam numïant. Sed J<br />

mdlum eo die majus perkulum adiit 9 quam <strong>du</strong>m<br />

copias re<strong>du</strong>cit in cafira. Pauci eum & inc&mpQ~<br />

•fiti fiquebanmr ovantes viBoria r quippe &mn£&<br />

àofks> ont- in fugam effufos* am in- acte credebmnz<br />

cecidifie ; quum repente ex adverfo appatmit agmem<br />

'èqukum , qui primo inhibuêre a curjhm » deinde ,<br />

macedonum paucitate confpeBa s turmas in çhi/îos<br />

concitavtrvnu Ante figna rex ib'at , ' dijfimulkit0<br />

magis- periçulù quam {prête* Nec défiât ei per~<br />

petua. in <strong>du</strong>biis rébus félicitas : namque prœfec—<br />

mm equitatus ,. avi<strong>du</strong>m certaminh & ob id ipfhrm<br />

mmmûus in fe-ruentemr haflâ. transfixit ;• qu&<br />

ex eqm lapfo , proximum ac deinde. phires eodem<br />

Mtà confidît» Invajtre tufbamà amici qmoq&e i mec •<br />

-<strong>par</strong>fie mulû cadtban* ;• qwppt non umverfie aciesquam<br />

ha tumultuarim manus vehemtmiks iniêre.<br />

certamen. 'Tandem- barbari, quum abfcura- hicefuga<br />

tutior videretur ejfè quam pugna , dlverfisagminibus<br />

abiére. Rex ,_ extraordinarlà periculà-defimBus<br />

, incojumes fiws re<strong>du</strong>xit in cafifa%^<br />

'6$r Cecidcre ptrfarum J quorum . mmemm wBè~res<br />

finire pomerum fc miHia* X-â;-macedonum mines•<br />

. ,qmm• hmc 4 viBm- -<br />

éam.mxi tmjem ex pdm. virtuth qmm, fmttmmr


LIVRE-IV. CMAV» XVI. 209<br />

épuifé leurs forces s & que îe jour tombait : c'étaient<br />

des prétextes, & la vérité eft qu'étant inquiet de foi*<br />

aile gauche , qu'il croyok encore être aux mains, il<br />

avoit réfoîu de fevenir fur fes pas pour " lui porter fencours.<br />

Déjà fes enfelgnes avoient fait volte-face-, quasdf<br />

des cavaliers que Parménion lui avoit dépêchés lui apprirent<br />

la vi&oire remportée auffi de ce côté-là. MaîsJI<br />

ne courut ce jour-là aucun daager plus grand t que lorfqu'il<br />

ramenoit fes troupes au camp. Ii v étott fuivi de peu<br />

de gens, qui marchoient en défordre dans la joie ©ù ils<br />

étoient de la viôoire, croyant tous les ennemis en fuite<br />

ou reliés fur le champ de bataille ;. lorfque tout à coiifi<br />

il <strong>par</strong>ut en.face un gros de cavalerie, qui d'aberdalla<br />

bride en. main , puis , ayant reconnu le petit nombre<br />

des macédoniens , fondit iinpétueufement fur eux. Le<br />

roi marchoit à ia tête- de fes enfelgnes f diffîmulant le<br />

danger plus qu'il ne leméprîfojt. Le bonheur qui le fuivoit<br />

constamment dans toutes les ©ccafîons périlleufes y<br />

ne Fabandenna pas dans celle-ci : car le commandant<br />

de- cette cavalerie délirant d'en venir aux mains , &<br />

l'ayant en conféquence attaqué avec affez peu de pré*<br />

caution, il le perça de. fon javelot;, & quand*il l'eut<br />

tenverfé de fon. cheval, il tua avec .le même trait le<br />

cavalier le plus proche & plufseurs autres enfuïte. Ses<br />

gens tombèrent en même temps fur les petfes,. que<br />

cet accident avoit étonnés. : mais ceux-ci vendoient<br />

cher leur vie ; car les. deux armées entières n'avoient<br />

pas combattu avec plus de vigueur,.que ne îe firent ces»<br />

deux troupes qui s*éîoient rencontrées" fortuitement.<br />

Enfin les barbares , jugeant que dans l'obfcurité il étoit •'<br />

plus fur de fuir que de combattre % fe retirèrent <strong>par</strong> pe*<br />

lotoos. Le roi, échapé de ce danger qui. n'étoit pas.<br />

dans Tordre accoutumé s ramena fes. gens au camp fans,<br />

aucune perte.<br />

63. Quarante.miîle perfes-, félon- le compte quepurent<br />

en faire les vainqueurs , périrent dans cette joursée<br />

; & les macédoniens perdirent moins de trois-cents.<br />

Sommes, Au refie x le foi fut plus redevable de cette-


*io LîBEH IF. CAP. XVI.<br />

fum dthuk ; anime r *o* »• & *!%ia , loco vïeïù<br />

Nam & aciem perkiffme infirmât ; & promptijfimè<br />

ipfe pugnavk ; & mapm confilm joêuram<br />

farcînarum impedimmtorumque contemfit , quum<br />

in ipfâ ack Jummum ni videret effi difcrimen ;<br />

<strong>du</strong>bioque adhuc pugna eventu , pro vi&ore fe gef*<br />

fit ; perculfos demie hofies fùdit ; fugientes 9 quoi<br />

in iïïû drdore anlmi vix credi potefi, prudentius<br />

quaw avïdms perfequums eft : nam fi, <strong>par</strong>te exer»<br />

mm. adimc m ack fiante , infiart cedemiius perfeveraffet;<br />

aut fuâ culpâ viBus effet 3 aut aliéna<br />

virmti vuiffht. Jam fi mukimdimm equimm oe~<br />

currentmm txûnmïffet, viBori aut fœdè fugien<strong>du</strong>m<br />

aut mîferab'dkir cadm<strong>du</strong>m fuit. Ne <strong>du</strong>ces quiiem<br />

copiarum fuâ iaude fraudandi funt ; quippe vulnera<br />

'qua quuque excepk , indida virtuds fimt..<br />

Mephafiioms brachium haflâ iMum tfi : Per<strong>du</strong>»<br />

CAS; p ac Cœnus » & Menidas , fagittk prope ocdfit<br />

' &, fi' verè mftimare macedonas qui tune erant<br />

v<strong>du</strong>mus ; fatebimur, & regem talibus mbûfim *<br />

& Ubs tastù rege fuijfe dignij[m®s»


LIVRE IV., Crijp* XVI. m<br />

viûoire à lui-même qirfàfon. bonheur-;, il l'obtînt <strong>par</strong> la<br />

force de fon courage % & non, comme autrefois , <strong>par</strong><br />

l'avantage <strong>du</strong> polie. En* effet il difpofâ Ton armée" es.<br />

habile homme'; il paya de fa perfonne- en homme de<br />

courage; ce fut avee.fageffe qu'il ne tint compte de<br />

la perte des baîots & <strong>du</strong> bagage % jugeant bien que le<br />

point capital ~étoit de-gagner -la bataille--5. quoique- le<br />

fuccès en fût encore douteux, il nelaiflâ pas de fe com~<br />

porter "en vainqueur ; des qu'il vit les ennemis ébranlés»,<br />

il acheva de les mettre en déroute ; & quand ils prirent<br />

la fuite , une chofe qu'on a peine à croire d r un courage<br />

fi bouillant, c'eft qu'il mit à leur pourfuite plus de prudence<br />

que d'ardeur : car fi % pendant qu'une <strong>par</strong>tie de<br />

farinée étoit -encore aux mains f • II fe- fût obftiné à la<br />

pourfuite des fuyards- ; ©u il auroit per<strong>du</strong> la viôoire<br />

far fa, faute % 'ou il ne Fauroit <strong>du</strong>e* qu'à la valeur d'an*<br />

trui. Enfin s'il eût été intimidé <strong>par</strong> le nombre des* cava~,<br />

liers qui le rencontrèrent r il étoit ré<strong>du</strong>it > malgré fa,<br />

viâoire f ou à fuir honteufement ou 4 périr miférable*<br />

«tient, il ne faut pas non plus refufer aux chefs les élo*<br />

ges qui leur font <strong>du</strong>s ; puifque les bleffures que reçut<br />

chacun d'eux , font des preuves de leur valeur. Hépheftion<br />

eutim coup'de javelot dans le bras : Pérdiccas ,<br />

Cénus. 9 & Méhîéis faillirent d'être tues à coups de flè«ches<br />

: 6cf û nous voulons'apptéeïer au vrai les macédonien!<br />

de ce temps-là, nous avouerons que le roi<br />

étoit digne d'être fervi <strong>par</strong> de tels hommes f & que cet<br />

hommes étoieat bien dignes d'un te! roi*


LIBER QUINTUS.<br />

I. Dario Media fines ingreffo, • Arbefis potitur<br />

• Akxaiidér & Babylone -, CUJHS fitus, ampli—<br />

tsdo * & corrapti mores defcribuntur.<br />

IL Milîtibus pramia. propoeit , ut iis ©tient<br />

excutîat ; Sufianam urbem. ac regum Perfiar<br />

tbefauros recïpit ; ac Sifygambk: confolatuxv<br />

///• U3doramfC^©îie'fiîperatâ, Madatem, pi*-<br />

- feânm* ac- dédites : & captivôs tum Kberate<br />

tom imtnunitatè douât : Perfidemqiïe ihtrare<br />

cogïtans » ab Ariobarzaoe tetrocedere cogitur*<br />

'"MT- Captiro qeodam iter paucfe cognitum aperiente<br />

9 penaram exercitum 9 ipfo Ariobar-<br />

2ane ocofo, delet Alexander. .- ;<br />

F. Ad Pesfepolim propcrails.r captivonua gracoroiïi<br />


LIVRE CINQUIÈME.<br />

X Darius étant entré dams la Médk$ Alexandre<br />

fe. rend mdm d'ArMks &*de Mabyhne, dont<br />

, 4m ^dicra m h-famtmn É h pondeur ±*& 'les<br />

• meurs, corrompues» „.".....*"• •- .-n/i<br />

IL 11 propofe des prix aux JoUats , pour les fouver<br />

de l'oifivtté : il-reçoit la ville de Sùçe avec<br />

les tréfors des rois de Perfe ; & confole Si/ygambis.<br />

^ .<br />

Ht Après avoir 'fournis ; le canton des uxiens s<br />

Alexandre accorde, & h liberté & l'exemption<br />

dé toute charge à Madates, qui y commandait s<br />

& a ceux .qui s'étaient ren<strong>du</strong>s ou qui avaient été<br />

pris : puis lorfquil projette d'entrer, dans la<br />

Perfe, Ariobarçancs le contraint de reculer.<br />

TV. Un prifennier ayant indiqué un chemin connu<br />

Je peu l de gens;, Alexandre défait l'armée des<br />

perfes , & Ariobar\anes lui-même eft tué,<br />

V, Alexandre, en allant a Perfépolis , rend U<br />

liberté a quatre-mille prifonniers grecs.<br />

yi: Après le pillage de la très-opulente ville de<br />

.Perfépolis ,'il fe <strong>par</strong>u -dans l'intérieur de la<br />

Perfe, & dompte la nation des mardes.<br />

Vît Alexandre, pouffé dans un fifiin <strong>par</strong> Thaïs<br />

& .<strong>par</strong> Sautres courtifanes qui fuivoient far*<br />

' mée9 brûle le palais des rois de Perfe ;enfuitt<br />

il prend la réfohition de pourfuivre Darius.<br />

yiH. Difiours de Darius pour animer lés -fient<br />

au combat*- - ,v ' w<br />

IX. Diferfes èpiâiom des Grand* » & (roubles à


«4. '-'JLIBXR V. CAP. L - -<br />

Nabarzanis , qui cum Beflb proditionis focïe^<br />

tatetn .inierat % confiïium. ' . . ,<br />

-X Beffi & Nabarzanis de Dario prodendoastocciderid©<br />

netaria deMberatio ; quam miris<br />

artibu^ occultant,<br />

JCf..In£di« pfodkofûîa Dario 'aperinntur, qui<br />

graacorum pnefeos tittnmque réunit aiudlium »<br />

<strong>par</strong>atus perire fi ialyum cffe aoleat- (m milites.<br />

. .<br />

XIL Bêffus Darium fiais verbis & laciymis<br />

delufiim comprehendit ; ' aureifqiie vinftum<br />

•compedibus in fordido vehiculo de<strong>du</strong>ci curai*<br />

-XIII Alexander ^ audit© Darîi periciilo, ad<br />

perfaram exercitum contendit. Befliis Darium ,<br />

quia fugientes fequi recufat, muMs confoflum<br />

vulneribus relinquit. Darii corpus repertum<br />

Alexander lacrymis profequitur , & ad Siiygambim<br />

fepeEen<strong>du</strong>m mittit<br />

\C-17 M intérim , <strong>du</strong>&u mtperwque 'Ahxandri9<br />

vtl m Gracia vel in lUyriis ac Tkracid gefta<br />

funt9fi qumque fuis umporibus reddere voktero »<br />

intemunpendm jiint res Âfm ; qims utique ad<br />

fagam ;wmrumqw J)arii whverfas in con/pecTu<br />

dari, & , faut inttr Je cohérent tempore 9. ita<br />

opère ïpfo conjungi , àaud pauh aptius videri<br />

p&teft : iguw mit .quœ prœlw apud Arbtla conr<br />

junMa fum vrdiar dicerê, Darius medm ferè m$&e<br />

Arbeh pervmit ; eodtmqm magam <strong>par</strong>tis amico*<br />

non ejus ac militum fugam Fortuna


LIVRE F. CBAP» I. aiç<br />

Toccafion de l'avis de Naèar^ams 9 qui avok<br />

tramé une trahifon avec Mejfus*<br />

X. Délibération criminelle de Bejfus & de Nabar\anes<br />

pour livrer ou tuer Darius ; mais ils<br />

tachent leur projet <strong>par</strong>_ des artifices étonnants.<br />

XI. On découvre les embûches des traîtres i<br />

Darim, qui refufe le fecours préfent & ajfurê<br />

des grecs 9 étant déterminé à périr fi fes foUats<br />

m veulent pas le fauver.<br />

XII. Après avoir trompé Darius <strong>par</strong> des faujfetés<br />

& des larmes feintes, Bejfus F arrête ; & l'ayant<br />

chargé de chaînes d'or, il le fait emmener dans<br />

une miférable charette*<br />

Xffl. Alexandre , infiruit <strong>du</strong> danger oh émit Dar<br />

nus, marche contre l'armée des perfes. Bejfus 9<br />

piqué que Darius ne voulût pas fuivre les bactnens<br />

dans leur fuite , le ùiffe percé de plur<br />

fieurs coups» Alexandre 9 ayant trouvé fou<br />

corps , le pleure & Venvoie à Sifygambis ,<br />

afin quelle lui donne Us honneurs de la féptdr<br />

'titre»<br />

£ d i je '<br />

: voulofs rapporter dans l'ordre chronologique<br />

toutes les chofes qui fe 'font faites, fous la direftion &<br />

<strong>par</strong> les ordres d'Alexandre, tant en Grèce qu'en Myrie<br />

& en Thrace , il faudroit interrompre îe fil des affaires<br />

de PAfie : mais il peut <strong>par</strong>oftre beaucoup plus conve*<br />

sable d'en préfenîer de fuite le fpeâacle tout carier<br />

jufqu'à la fuite & à la mort de Darius, & de lier enfembîe<br />

dans mon ouvrage des événements qui font enchaînés<br />

les uns aux autres <strong>par</strong> la fuite des temps .* je vas donc<br />

commencer <strong>par</strong> ceux qui tiennent comme dépendances à<br />

la bataille d'Arbeiles. Darius arriva en cette ville vers le<br />

milieu de la nuit; & la Fortune y avoît con<strong>du</strong>it aufli dan*<br />

leur fuiteune grande <strong>par</strong>tie de fes principaux officiert


2ï5 .LIMER V. CAP. I.<br />


Ll VR E F. ' CHAP. 1m. 217<br />

le île fes foldats. Les ayant dose afferabiés, iî leur fait<br />

entendre, qu'il ne fait aucun doute qu'Alexandre ne<br />

fonge à s'em<strong>par</strong>er des villes les pîus célèbres & des<br />

campagnes abondantes en toutes fortes de biens ; qu'un<br />

butin fi riche & û facile fixe fes regards & ceux de fes<br />

foldats : que p#ur lui, dans l'état -ou il eft, cela même<br />

deviendra fareflburce, <strong>par</strong>ce qu'il en gagnera plus aifément<br />

les déferts avec un camp volant; que les provinces<br />

les plus reculées de fon royaume font encore<br />

iotaftes, & qu'il y trouvera fans peine de nouvelles<br />

forces pour foutenir la guerre : qu'il confent que cette<br />

nation infatiable s'em<strong>par</strong>e de fes richeffes & fe raffafîe<br />

enfin de For qu'elle convoite depuis fi long temps,<br />

<strong>par</strong>ce qu'elle ne tardera pas à devenir fa proie à luimême;<br />

que l'expérience lui a appris, que des meubles<br />

précieux, des concubines, des troupes d'eunuques , ne<br />

fefoient que furcharger & embarraffer ; & qu'Alexandre,<br />

à fon tour, les traînant après lui, fera vaincu <strong>par</strong> les<br />

chofes mêmes qui -lui ont d'abord procuré la viûoire.<br />

Tous jugèrent que ce difeours étoit diûé <strong>par</strong> le défefpolr,<br />

<strong>par</strong>ce qu'ils voyoient clairement que Babylons,<br />

cette ville fi opulente, une fois abandonnée, le vainqueur<br />

feroit bientôt maître de Sufe, des autres places<br />

qui fefoient la gloire <strong>du</strong> royaume, & de ce qui étoit<br />

le véritable-fuj et de la guerre. Mais le roi continue de<br />

remarquer j que, dans des conjonctures fàcheufes, il faut<br />

s'attacher, non à des projets magnifiques, mais aux<br />

chofes néceffaires : que c'eft <strong>par</strong> le fer que les guerres<br />

£e terminent, & non <strong>par</strong> l'or; <strong>par</strong> le courage des<br />

hommes, & non <strong>par</strong> les maifons des villes : que tout<br />

réuflit à ceux qui ont les armes à la main ; & que c'eft<br />

ainfî que fes prédéceffeurs, ayant eu de mauvais fuccès<br />

dans les commencements de la monarchie, ont prompîement<br />

ré<strong>par</strong>é leurs pertes. Soit donc qu'il eût en<br />

effet rafTûré leur courage, ou qu'ils déféraient plus"à<br />

fes ordres qu'à fes opinions, il entra dans la Médit,<br />

2- Peu de tems après on rendit Arbelles à Alexandre ,<br />

I|Hî y trouva quantité de meubles de la couronne & uit<br />

Terne L K


n8 'LIBER V. CAP. 1.<br />

milita tdmtûm faire, pmterea pretiofa veftes j<br />

îMîUS , ut fupra di&um efl , exercitus opïbus in<br />

ilhm fedem congeflis. Ingruentibus deinde ' morbis,<br />

quos odor cadaverum tous jacentium campis<br />

vulgaverat , maturiàs caftra movit* Eumi*<br />

bus 9 a <strong>par</strong>ie lava Arabia , odorum fenMkate<br />

nobilb regio 9 campeflre iur efl. Inter Tigrin<br />

& Euphraten jacenùa tam uberi & pingui folo<br />

funt, ut a paflu repelli pecora dicamur , ne fa»<br />

tietas périmât : caufs fertilitaùs efl humor qui<br />

ex utmque amne manat, toto ferefolo propter vernis<br />

aquarum refudante. Ipfi amnes ex Armemm<br />

<strong>mont</strong>ibus profluunt, ac magno deinde aquarum<br />

divortio iter quod cepêre percurrunt ; <strong>du</strong>o mMm<br />

& D fladia tmtnfi funt, qui ampMJflmum inter*<br />

vallmm'circa Armenim <strong>mont</strong>es notaverunt : udem3<br />

quum Media & gordianomm terras fecare cœperunt9<br />

pauhmm m arMius coeunt ; & quo bngius manant,<br />

hë€ anguftius inter fe fpatium terra rtlinqmm :<br />

vkini maxime funt Ms campk quos incolm Mefopotamiam<br />

* appeUant, mediam namque ab utro°°<br />

que latere conclu<strong>du</strong>nt : iidem per babybnbmm<br />

fines in rubrum mare prorumpunt* Alexander<br />

quartis caflris ad Memnin urbem pervemt : caverna<br />

ibi efl ex quâ forts ingénient vim bkumims<br />

ijjfundit, adeb ui fans conflet babyhnios mums*<br />

ingentis ©péris , hujus fontis bitumine intérims<br />

* Si ce nom efl celui que lui donnent fes habitants 9<br />

iî n'en clique la tra<strong>du</strong>âion en grec; car il a pour racines ,<br />

Mê^Qç(miUemt mtre-âeu%)t ^.flOTûC^éç (fleuve)*<br />

c*eft en effet un pays entre deux fleures, le Tigre & l'Eu-


LIVRE V. CMâW. L 219<br />

trlfor confidérâbîe : il y avoit quatre-mille talents &<br />

des habits précieux ; toutes les rkheies de Tannée<br />

ayant été , comme on Fa dit ci-deffus f tranfportées dans<br />

cette place. Les maladies , caufées <strong>par</strong> Fodeur des<br />

cadavres répan<strong>du</strong>s dans toute la campagne, le forcèrent<br />

bientôt de décamper. 11 prit <strong>par</strong> des plaines f laiflânt à<br />

gauche l'Arabie, pays célèbre <strong>par</strong> Fabondance de fes<br />

<strong>par</strong>fums. Les terres entre le Tigre 8c l'Euphrate font<br />

£ graffes , qu'on eft forcé s dit - on f de retirer le bétail<br />

des pâturages, de peur qu'il ne périflfe de réplétion :<br />

la caufe de cette fertilité eft une humidité qui provient<br />

des deux fleuves , & qui fait fourdre des veines d'eau<br />

dans prefque toutes les <strong>par</strong>ties voifines de' ce territoire.<br />

Quant aux fleuves mêmes, ils ont leur fource<br />

dans les <strong>mont</strong>agnes de PArménie t d'où ils continuent leur<br />

cours dans des lits très-éloignés Fun de l'autre ; ceux<br />

qui ont mefuré la plus grande diftance qui les fé<strong>par</strong>e<br />

vers les <strong>mont</strong>agnes de l'Arménie, îa font de deux-<br />

' mille cinq-cents ftades : quand ils font une fois entrés<br />

dans la Médie & dans les terres des gordiens , ils fe<br />

rapprochent peu à peu ; & plus ils avancent , moins<br />

ils laiffent d'intervalle entre eux; le plus étroit eft<br />

celui des plaines que les habitants nomment Mêfipo»<br />

iâmk 9 <strong>par</strong>ce qu'ils bornent éts deux côtés cette contrée<br />

qui eft entre deuxj ils vont de là, en traverfant<br />

les terres des babyloniens, fe jeter dans la mer rouge»<br />

Alexandre arriva en quatre journées à la ville de<br />

Memnis : on y trouve, dans une caverne, une fon»<br />

taine qui jette une fi grande quantité de bitume, qu'il<br />

eft affez confia rament reçu que les murs de fiabylone t<br />

tuvrage énorme» es ont été cimentés»<br />

pihrate. Ce nom eft analogue à celui de fa province de<br />

Ptrrugal y qu'on nomme mm Dmm & Misle y à caufe<br />

des deux fleuves entre lefquels elle eft comprife ; mais<br />

le mat grec et mieux compofé,<br />

Kij


220 Lissa V, CAP. £.<br />

3. Ceterum, Babylomm procèdent! Alexandre<br />

Ma^œus, qui ex' acte in urbem eam confugerat 4<br />

€um a<strong>du</strong>ltis liberis fuppkx Qccurrit 9 urbem feque<br />

dedens. Gratus âdventus ejus fuit régi /<br />

quippe magni operis futura erat obfidio tam munit®<br />

urb'u ; ad hoc 9 vir illufiris, & manu prom- •<br />

tus, famaque etiam proximo pralio cekbris , &<br />

ceteros ad dedkionem fui incîtaturus txemplo vide-*<br />

batun Igitur hune qukkm bénigne cum libefu ex~<br />

cepit, Ceierum quadrato agmme 3 quod ipfe <strong>du</strong>**<br />

abat, velut in aciem irent, ingredi fuos jubet.<br />

Magna <strong>par</strong>s babyloniorum conjliterat in mûris 9<br />

svida cognofeendi novum regem. Plures obviant<br />

egrejfi funt ; inter quos Bagophanes , . arcis &<br />

regm pecunm euftos, ne ftudio a Ma\ao vîneere-*<br />

tur, lotum iter floribus coromsque conftraverat ,<br />

argenteis altanbus utroque taure difpofiûs ,<br />

qua , non thure modo, fed omnibus odoribus<br />

cumulaverat : eum' dona fequebantur 9 grèges<br />

pecorum êquorumque ; koms quoque & <strong>par</strong>daks<br />

caveis prayirebantur. Magi deinde, fuo more pa~<br />

trium carmen canentes. Poft hos chaldmi 3 babyloniorumque<br />

non vates modo fed etiam artifices,<br />

cum ftdibus^ fui generis ibant : laudes H regum<br />

canere foliti ; chaldmi 9 fiderum motus & ftatas<br />

temporum vices oftendere* Equités deinde babyh*<br />

mii, fm Mque equorum cuku ad Iuxuriam magis<br />

quant ad magnificentiam exaBo , ultimi ibant*<br />

Rex 9 armatis ftipatus , oppidanorum turbam poft •<br />

uliimos pedites ire jujpt ; ipfe cum' curru urbem<br />

'ac deinde regiam intravit. Poftero die fupelleBi*<br />

'km Dërii & onmem peamkm recognoyk* '


Ll'VRK.V. C-HAP..'I. 211<br />

. 5. Àtt refte, Alexandre s'avançant vers Babylpne ,<br />

Mazée f qui s'y étoit réfugié après la bataille , vint<br />

humblement» avec ceux de fes enfants qui étoient en<br />

âge de raifon, remettre entre fes mains îa viîLe & ùL<br />

perfonne. Son arrivée fit grand plaffir au roi 5 <strong>par</strong>ce<br />

que c'étoit une entreprife de conféquence , que le<br />

liège d'une ville fi bien fortifiées que d'ailleurs, un<br />

homme de diftinôioo f recommandable <strong>par</strong> fa valeur f<br />

& dont la réputation avoit acquis un nouvel éclat dans<br />

la dernière bataille, fembloît devoir, <strong>par</strong> fon exemple,<br />

porter les autres à fe foumettre auffi ; il le reçut donc<br />

avec bonté ainfi que fes enfants. Quant à la ville f i!<br />

y fit entrer fes troupes en bataillon qtiarré, marchant<br />

lui-même à la tête, comme fi elles alloient au combat»<br />

La plu<strong>par</strong>t des babyloniens s'étaient placés fur les murs,<br />

dans l'impatience de connoître leur nouveau roi. Plu*<br />

fieurs étoient allés dehors au devant de lui ; & de ce<br />

nombre étoit Bagophanes, gouverneur de fa foxterêfle"<br />

& garde <strong>du</strong> îréfor royal, qui, pour ne pas <strong>mont</strong>rer<br />

moins de zèle que Mazée, avoit fait joncher toute la<br />

route de fleurs & de couronnes » & difpofer des deux<br />

côtés des autels d'argent, chargés, non feulement d'en»<br />

cens, mais de toutes fortes de <strong>par</strong>fums : après lui fuivoient<br />

fes préfents-, qui confiftoient en troupeaux & en<br />

chevaux ; & ils étoient précédés <strong>par</strong> des lions & des<br />

panthères que l'on portoit dans des cages- Venoient<br />

•nfuite les mages, chantant félon leur rit le cantique<br />

eu, pays. Ils étoient fuivis des chaldéens, puis des devins<br />

de Babylone & même des muficiens chacun avec les<br />

inftraments de fon genre : ceux-ci font profeffion de<br />

chanter les louanges des rois ; ceux-là f d'expliquer les<br />

mouvements des aftres & les révolutions réglées des<br />

temps, La cavalerie babylonienne marchoit la dernière s<br />

hommes & chevaux dans un ap<strong>par</strong>eil plus tôt de luxe<br />

que de magnificence. Le roi 9 au milieu de fes gardes 9<br />

fit marcher le peuple à la queue de fon infanterie ; il<br />

entra fur un char dans la ville & fe rendit de fuite au<br />

palais* Le lendemain il prit connoiflance des meubles<br />

6c de toutes les finances de Darius. K iij


zit LIBER F. CAP. I.<br />

•4. Cetemm , ipfius urbis ptdchritudo oc vetuftas »<br />

non régis modo, fed etiam omnium oculos m fimet<br />

haud immtrito convertit. Semiramis eam condiderat,<br />

vel, ut plerique credidere , Belus, ca/ax<br />

regia oftenditur* Murus inftruBus latercuio coBMi 3<br />

bitumine interUtus., fpatium xxx & <strong>du</strong>omm pe<strong>du</strong>m<br />

latitudmem ampkBitur ; quadrigœ, inter fe<br />

Gccurrentes fine pericuio commtare diammr : altimdo<br />

mûri c cubitorum eminet /patio, tunes demis<br />

pedibus quam murus aitiores funt : totius<br />

operts ambitus CCCLXVIII ftadm compkBitur.<br />

Singubrum fladiorum ftruBuram finguUs £ebus<br />

perfiBam effe mémorise proditum eft* JEdificia<br />

non funt admota mûris , fed ferè fpatium<br />

unius jugeris abfunt ; ac ne totam quidem urbem<br />

teB'u occupaverunt : per xc'ftadia kabkatur;<br />

me omma continua funt, credo , quia tutms<br />

•vifum eft pluiéus iocis f<strong>par</strong>gi : cetera ferunt coluntque,<br />

ut, fiexterrm vis mgruat, obfeffis aUr*<br />

menta ex ipfius urbis folo fuhmimftrentur. Em<strong>par</strong>âtes<br />

mterfiuit , magnaque moiis crepidbdbm<br />

coërcetur : fed omnium operum magnitudinem cirtumveniwit<br />

caverna ingénies, in dtitudinem pref,<br />

fa ad accipien<strong>du</strong>m impetum ftuminis, quod, vbï<br />

appofim crepidinis faftigium excejjit, urbis tec~<br />

ta corriperet 9 nifi efient fpecus Ucmqut qui<br />

exciperent ; coBili iatercuio ftruBi funt » totum<br />

0pus bitumine aftrmgkur. Pons hpideus , finmini<br />

impofitus., jungk urbem : hk quoqwe inter<br />

mirabiUa Orientés opéra mtmeratus eft ; qùippe<br />

Euphraies almm limum vehit, quo penitus ad<br />

fundamenia jacknda egefto , vix fuffMciendo operi<br />

firmum reperkmt folum ; arena autem fub'mde<br />

cumulatm, & faxis quïbus pons fuftiœtur adne*<br />

xm, morantur_ amnem , qui 9 retentus » acriài.


LIVRE V. CHAP. 1. nj<br />

4. An relie, îa beauté & l'ancienneté de la ville<br />

même fixèrent avec juftice l'attention , non feulement<br />

<strong>du</strong> roi, mais encore de tout le monde. Elle avoit été<br />

bâtie <strong>par</strong> Sémiramis s ou , comme plufieurs Font cm f<br />

<strong>par</strong> Béîus , dont on <strong>mont</strong>re encore le palais. La mu*<br />

raille qui en ferme l'enceinte , faite de brique &'•<br />

cimentée de bitume » a trente deux pieds d'épaiiïeur ;<br />

Uc Ton affûre que des quadriges, venant à s'y ren»<br />

contrer, peuvent y paffer enfemble fans péril : elle a.<br />

cent coudées de hauteur, & les tours font plus hautet<br />

de dix pieds : l'enceinte entière eft de trois-cents foixan*<br />

te huit ftades. On tient <strong>par</strong> tradition que, quand on la<br />

conftruifit, il s'en fefoit <strong>par</strong> jour la longueur d'un<br />

Hade. Les maifons ne touchent point aux murs 9 mais en<br />

font éloignées à peu près d'un arpent; & même toute<br />

Faire de la ville n'eft point occupée <strong>par</strong> dés maifons ; il<br />

n'y en a d'habité que quatre-vingt dix ftades § & tous<br />

les bâtiments ne font pas de fuite , <strong>par</strong>ce qu'on a jugé »<br />

}e penfe , qu'il étoit plus sûr de les difperfer en<br />

différents endroits : on enfemence & on cultive le relie f.<br />

afin, fi l'on étoit attaqué <strong>par</strong> les dehors, de trouver<br />

fur le fol même de l'intérieur la fubfiftance des afliéges.<br />

L'Euphrate traverfe la ville, & eft contenu <strong>par</strong> des'<br />

quais très-èlevés & très-larges : mais ces grands ouvrages<br />

font environnés de fouterrains immenfes , creufés<br />

à une grande profondeur pour recevoir les crues rapides<br />

<strong>du</strong> fleuve, qui, venant à s'élever au deffus <strong>du</strong> quai,<br />

entratneroit <strong>par</strong> fa violence les maifons de la ville, fi<br />

ces antres & ces batflns ne l'interceptoient; ils font conftruits<br />

en brique x & toute la maçonnerie eft en<strong>du</strong>ite dé<br />

bitume. Un pont de pierte, élevé fur le fleuve , joint<br />

les deux côtés de la ville : os Fa mis auffi au nombre det<br />

merveilles de l'Orient ; car l'Euphrate charie -quantité<br />

de limon, qu'il faut enlever entièrement pour creufer<br />

les fondements, & fous lequel on trouve à peint unfond<br />

pour affeoir foîidement l'ouvrage; d'ailleurs les<br />

fables qui s'amoncellent journellemeat & s'attachent<br />

aux piles <strong>du</strong> pont, arrêtent le cours de l'eau, qui, à<br />

K iv


124 -LIBER V. CAP. L<br />

quam fi lilem curfu mearet iliidiiur. Arcem<br />

quoque ambitu xx ftadia complexam kabet :<br />

' xxx pedes in terram iurrium fundamenta de—<br />

mifia funt ; ad LXXX fummum nwmmenti fafligium<br />

pervertit.<br />

5. Super arce , vulgatum grmcorum fabuUs<br />

miraculum, penfiles horti funt, Jummam murorum<br />

altitud'mem mquantes , muitarumque arborum um-<br />

' brâ •& proceritate amœnî. Saxo pila qua totum<br />

mus fuftinent inftruBa funt : fuper pilas lapide<br />

quadraio fohm flratum eft, patiens terra quam<br />

altam injicîunt, & humoris quo rigant terras $<br />

adeèque validas arbores fuftinent moles., ut ftipi"<br />

tes earum vm cubïtorum fpatium crajptudinê<br />

mquent 9 in £ pe<strong>du</strong>m ahkudlnem emintant, &.<br />

frugifem fini ut fi terra fui derentur : & qmtm<br />

vetuftas , non opéra folum manu fa&a , fed<br />

etiam ipfam naturam paulatim exedendo périmat<br />

; hac moles , qum tôt arborum radieibus<br />

premkur tantique nemoris pondère onerata eft 9<br />

inviolata <strong>du</strong>rât : quippe xx loti <strong>par</strong>ietes fuftinent<br />

, undecim pe<strong>du</strong>m intervallô difiantes 1 ut procul<br />

vifenûbus filva <strong>mont</strong>ibus fuis imminere videantun<br />

Syim regem 4 Sabylone regnantem , hoc<br />

opus ejfe molitum , memoria proditum eft, amore<br />

conjugis vi&um , qum , dcfideno nemorum filva**<br />

rumque 'in campeftribus hcîs 9 virum comptait<br />

umœmtatem natura genefe hujus operis imkaru<br />

Duttiùs in hac urbe quam • ufquam conftuu rex ;<br />

mec allas bcus difciplinm militari magis nocuit*<br />

Nihil urbis ejus corruptms moribus, me ad irritandas<br />

illiciendasque immodicas yoluptates inf<br />

truêBus. Liberos conjugesque cum hofpitièus ft»<br />

pro coïre , modo pretium fiaptii detm f <strong>par</strong>entes


LIVRE V. CHâP* L 225<br />

faifon de cet ©bftaele, y brife fes flots avec plus d'impétuofité<br />

que û elle couloit librement II y a aufli une<br />

forîereffe qui a vingt ftades de circuit : les tours ont<br />

trente pieds de fondation dans la terre; 8c le fommet<br />

<strong>du</strong> rem<strong>par</strong>t eft à quatre-vingts pieds d'élévation»<br />

5. Sur le haut de la fortereffe font placés ces jardins fufpen<strong>du</strong>s<br />

, merveille dont les grecs ont tant <strong>par</strong>lé; ils<br />

font au niireau <strong>du</strong> faite des murailles * & agréablement<br />

ombragés <strong>par</strong> quantité d'arbres très-grands. Les piles<br />

qui Contiennent tout l'ouvrage, font confiruites en<br />

pierre : fur,ces piles on a établi des plates-formes de<br />

pierres quarrées, propres à foutentr la terre qui y eâ<br />

tataffée à une grande hauteur, & à réfifter à l'eau des<br />

arrofements; & ces maffes portent des arbres fi forts,<br />

qu'ils ont des troncs épais de huit coudées & hauts de<br />

cinquante pieds, aufli riches en fruits que s'ils étoient<br />

élevés dans leur terroir naturel : quoique le temps' confume<br />

mfenfîblement Ôc détruife enfin, non» feulement<br />

les ouvrages faits de main d'homme, mais jufqu'à la<br />

sature même ; cette grande maffe , tourmentée <strong>par</strong> les<br />

racines de tant d'arbres & chargée <strong>du</strong> poids d'une foret<br />

fi considérable t ne laifle pas de fubfiier fans altération :<br />

c'eft qu'elle eft foutenue <strong>par</strong> vingt murailles épaiffes,<br />

à la diftance de onze pieds les unes des autres ; de<br />

manière que de .loin on croit voir des forêts ombrager<br />

les <strong>mont</strong>agnes ou elles font nées. La tradition eft ,<br />

qu'un roi de Syrie, régnant à Babylone, fit faire ces<br />

ouvrages <strong>par</strong> amour pour fon époufe, qui, regrettant<br />

tes bois & les forêts de îa campagne, engagea fon<br />

van à imiter <strong>par</strong> cet ouvrage Singulier le îpeûa*<br />

cîe délicieux de la nature. Le roi féjourna plus long<br />

temps en cette ville qu'en aucun autre lieu; &. nul<br />

autre ne fut plus nuifible à îa difeipline militaire. Rien<br />

de plus corrompu que les moeurs de cette ville, ni<br />

de plus propre à animer & à faire aimer les voluptés<br />

les plus difloîues. Les <strong>par</strong>ents fouffrent que<br />

leuts enfants , les maris confentent que leurs femmes<br />

^abandonnent aux étrangers, pourvu qu'ils' reçoivent<br />

K V


2i6 LIBER V. CAP. 1'.<br />

maritîque pathtntur. Convivaks ludi totâ Per z<br />

fide regibus purpuratisque cordi funt ; babylo~<br />

nii maxime in vînum & qua ebrietatem fiquuntur<br />

ejfufi funt* Feminarum convivla ineunttunt<br />

m principho modeflus eft habkus ; dem fummaT<br />

qumue amicula exuunt , padaâmque pudorem<br />

profanant; ad ulùmum ( honos auribus fit ) ima<br />

corporum velamenta projiciunt : née meretrkum<br />

hoc dedecus eft , fed matronamm virginumque *<br />

apud quas comitas habetur vulgati corporis vilitas*<br />

6* Inter hmc ftagkia, extrcitus iïïe domitor<br />

Afict 9 per xxxiv dies fagmatus , ad ta qum<br />

fequebantur difcrimina haud <strong>du</strong>biè deb'ûhr fum~<br />

MM fiât » fi hoflem habuiffet. Ceterum , que minus<br />

dammm fenûret, identidem meremento novaba*<br />

tur : namque Amyntas Andromenis ab Antipa-»<br />

tro macedonum peditum fex millia àd<strong>du</strong>xit, o<br />

pmterea ejufdem generis équités ; cum kis ne<br />

tkracas, adjunilis peditibus fuse genûs m milllbus<br />

& D ; & ex Pebponnefo mercenarius miles ad<br />

IV millia advenerat, cum CCCLxxx equitibus.<br />

idem Amyntas ad<strong>du</strong>xerat £ principum Macedo*<br />

nia libéras a<strong>du</strong>lt&s ad cuftodmm corporis ,• quippe<br />

mter epuias ht funt reps mimflri , ûdemqut equos<br />

ineunû pralium admovent, venantemqut comitam~<br />

tur, & vigiliarum vices ante cubiculi fores fer*<br />

vaut : magnorumque pmfe&orum & <strong>du</strong>cum hxc<br />

merementa funt & rudimenta* Igitur arci Babyhrù®,%<br />

rexê Agathone pmfedere juffb cum ucc<br />

macedonum trecentisqm mercedè con<strong>du</strong>Bis ê pm~


L'IVRE KwCHAP. L 117<br />

le prix de cette proftititîon. Les plaifirs de la table<br />

font, dans toute la Perfe , la paffion des rois & des<br />

fatrapes; les babyloniens, font principalement enclins<br />

à l'ivrognerie & aux défordres qui en font la fuite.<br />

Les femmes qui fe trouvent à ces banquets, y <strong>par</strong>oiffent<br />

d'abord avec un maintien modefte; enfuite elles<br />

fe dépouillent de tout ce qui les couvre <strong>par</strong> îe haut f<br />

& oublient peu à peu ce qu'elles doivent à la pudeur; à<br />

la fia (faut* le refpeél qui eft dû aux oreilles chaftes )<br />

elles rejettent encore les voiles deftlnés' à cacher les<br />

<strong>par</strong>ties inférieures de leurs corps : & ce ne font pas<br />

des courtifanes qui s'abandonnent à cettet infamie ; ce<br />

font les femmes & les filles les plus honorables,* qui<br />

regardent cette proftitution aviliûante comme un devoir<br />

de politefle.<br />

6. Cette armée viâprieufe de î'Afie, après avoir<br />

croupi trente quatre j@urs de fuite dans ces impudentes<br />

débauches , fe fût fans doute trouvée trop affoi*<br />

Mie pour fe tirer des périls où elle auroit été enfuite<br />

expofée , fi elle eût eu un ennemi en tète. Au refte f<br />

une chofe qui lui laiffoit moins fentïr cette perte ,<br />

c f eft qu'elle fe renouveloit de temps en temps. <strong>par</strong> des,"<br />

recrues : car Amyntas, fils d'Andromènes, amena fixmille<br />

hommes de pied macédoniens, envoyés <strong>par</strong> Anti*<br />

pater f outre cinq-cents chevaux <strong>du</strong> même pays; ils<br />

étoient accompagnés de fix-cents chevaux thraces ,<br />

avec trois-mille cinq-cents hommes d'infanterie de cette .<br />

nation ; il étoit encore arrivé <strong>du</strong> Péloponnèfe quatre*<br />

taille hommes foudoyés, & trois-cents quatre-vingti<br />

chevaux. Amyntas avoit de plus amené cinquante jeunes<br />

gens , fil* des plus grands feigneurs de Macédoine, pour<br />

être gardes <strong>du</strong> corps <strong>du</strong> roi ;. & ce font ceux qui le<br />

fervent à table , qui lui préfentent fes chevaux pour le<br />

combat, qui Faceompagnent -à la chaffe> & qui. font<br />

tour à tour la garde à la porté de fa chambre.: voilé<br />

îe premier degré & l'apprentiuage des gouverneurs &.<br />

des Généraux les plus diftin'gués. Le roi, ayant donc<br />

fionné à Agatbon le commandement de là fortereffe de<br />

K vj


ai8 LIBER F. CAP. IL<br />

tores, qui regioni Babylonia & cîvitaû pmejjenr»<br />

Menetem & Apollodorum reliquit; his <strong>du</strong>o mUlia<br />

peditum dat cum mille talentis, utrique-pmceptum<br />

ut in fupplementum milites legerent : Ma^zum<br />

transfugam fatrapeâ Babylonia donat ; Bagophanem<br />

, qui • arcem tradiderat, fi fiqui juffii ;<br />

Armenia Mithreni, Sardium proditori, data eft*<br />

Ex pecunïâ demie Babylonia macédoniens equï*<br />

- iibus fixceni denarii tributt ; peregrinus eques<br />

quingenos accepii ; <strong>du</strong>cenis pedeftrwm ftipendmm<br />

menjum efi.<br />

. IL His îta compofiàs. , in regionem qàm Sita*<br />

cène vocatur pervenit. Fertilis terra, copia rerum<br />

&.omni commeatu abundans : kaque diuiiùs ibi<br />

fubflitit ; ac ne defides otio déminèrent ammos-,<br />

judiees dedk, pmmiaque propofuit de virtute militari<br />

certanùbus. OBo qui fortijpmi judicati<br />

effent, Jingulis militum millibus prafuturi erant:<br />

Chiliarchas - vocabant% tum primum in hune nu~<br />

merum copîis dijlributis ; namque antea quingenar'm<br />

cohortes erant , nec fortitudinis prœmia<br />

cejferant, Ingens militum turba convenerat, egregio<br />

interfutura certamini , teffis eadem cujufque<br />

jaBorum & de judicibus îatura fimenimm ;<br />

quippe verone an jfalfo honos emque haberetur È<br />

ignorait nom poteraL Primus omnium virtutis<br />

€amfâ donatus eft Adarchias finior, qui omijfum<br />

apud Halicarnaffon à junioribus pralium unns<br />

maxime accenderat : proximus ei Antigènes vifus<br />

'eft : tertium heum Philotas-Angeus obtinuit : quan-<br />

WsAmynm datas eft : poft hos Antigonus , & ab


LITRE V.~CHAP. IL 119<br />

Banylooe avec fept-cents macédoniens - & trois-cent*<br />

Coudoyés» laifla le gouvernement de la province &<br />

de la ville de Babylone à Menés 8c à Apollodore * il<br />

leur remit deux-mille hommes d'infanterie & mille<br />

talents, avec ordre à Pua & à l'autre de fe compîetter<br />

pat des recrues : il donna à Mazée , qui avoit quitté<br />

le <strong>par</strong>ti de Darius, la fotrapie de Babylone ; il prit à<br />

fa fuite Bagophanes 9 qui îui 'avoit remis la focterefle;<br />

& confia l'Arménie à Mithrènes, qui avoit livré Sardes.<br />

Enfiiite fur Pargeht trouvé à Babylone, chaque cavalier<br />

macédonien reçut une gratification de fîx-cents<br />

deniers j. chaque cavalier étranger, une de cinq-cents ;<br />

& la rétribution-des fantalfins fut réglée à deux-cents,<br />

. IL Après ces difpofitions, il arriva dans le pays<br />

qu*on nomme Sîtacène. C'eft ' un pays fertile , riche ,<br />

& abondant "en vivres .de toute efpèce :"auffi le roi y<br />

féjourna-Nîl plus long temps ; & dans la crainte que le<br />

courage de fes gens ne fe ramollit dans les douceurs<br />

de l'oifiveté*, il nomma des juges * & propofa des prix<br />

pour ceux qur pourroient difputer l'honneur de k bravoure<br />

militaire.. Les huit qui'-feraient jugés les phi§<br />

Taillants, dévoient avoir chacun le commandement d\m<br />

corps de mille hommes : on leur donnoit le nom en<br />

CMUarques, dans cette nouvelle composition des troupes ;<br />

car au<strong>par</strong>avant les corps étoient de cinq-cents hommes.p<br />

& n'avoient point encore été le prix de îa valeur. Les<br />

foldats s r étoient aflemblés enfouie, pour affilier à cet<br />

Hluftre concours, non feulement comme témoins des<br />

aftions de chacun des concurrents, mais avec l'intention<br />

de juger les juges mêmes ; car il étoit impoffibie<br />

de ne pas favoir fi l'honneur des prix feroit accordé,<br />

à chacun avec juftiee ou fans fondement. Le premier<br />

^ui obtint celui <strong>du</strong> courage, fut le vieillard Adarchias,<br />

qui, devant Haîicarnaffe » fut feul le plus ardent à<br />

ramener au combat la Jeuneffe qui avoit plié : Antigènes<br />

en fut jugé le plus digne après lui : Philotas-*<br />

Angée eut le troifième prix : le quatrième fut donné<br />

à Amyntas : après eux on nomma Antigone,' puis Lyn*


t^o Xi MER V. .Cjt-r. IL '<br />

eo Lynctftes- Amyntas -fiât : ftpûmmm bcum l<br />

Theodotus ; ultimum obtmuit Hdlankus* In dif<br />

ciplinâ quoque militaris rei pleraque a majoribus<br />

tradUa militer mutavit. Nam qmm ante equkes<br />

in fuam quifqw gmtem defcr'àerentur feorsèm à<br />

çeteris ; exemto nationum difcrimine, prmfeBk ,<br />

non utique fuarnm gentimm % fed dek&is attribua.<br />

fuba% quum cafira, movere vetkt,fignum dabat,<br />

asjus fonus pterumqu* , tumukmntmm fretmm<br />

exorknte , katid faîis exaudiebatur : ergo perûcam<br />

, qwz undiqm eonfpici pofftt, fupra prato*<br />

rium ftatuit, ex qud fignum. tmmebat <strong>par</strong>iier om*<br />

hibus confpicuum ; obfervabatur ignis noBu, fir<br />

mus interdiiu<br />

. 8. Jamque Su/a adituro Abulites , reghnh<br />

ijus pmfeËus , fivt Dar'û jujfu ut Akxandrum<br />

pmda retineret, fivt fponte, filium obviant mifit,<br />

traditurum fe urbem promittens* Bénigne juvtnem<br />

exctpit rex9 & eo <strong>du</strong>ce ad Choafptn amnem pervènit,<br />

delicatam, ut fama efi 9 vekentçm aquam.<br />

Hic Abulites cum donis regalis opulentiœ, occurrit<br />

: dromades cameli inter dona tram vtlocitatis<br />

èximia ; XII elephanû, à Dario ex Indiâ acciti r<br />

non jam terror , ut fperaverant , macedonum ,<br />

fed auxilium, opes viBi ad viBortm transfèrent^<br />

Fortunâ. Ut v'tro urbem intravit 9 mcrtdibikm<br />

tx thefauris fummam pecunim egejfit ; i milim<br />

tahntûm argenti, non fignaû forma, fêd mdi<br />

pondère : muiti reges tantas opes longâ tttatè<br />

cumulavtrant.liberîs poflerisque9 ut arbitrabanturs<br />

suas una hora in extcrni régis manus intulit.


LIVRE F..CJï^P. IL 231<br />

•ceftes-Amyntas:Je feptième rang fot pour Théeéotej<br />

& le dernier, pour Hellanicus, Il changea auffi avec<br />

avantage , dans la difcipîine militaire , plufieurs difpofîtions<br />

qu'on îenoit de la tradition des anciens. Car au<br />

lieu qu'au<strong>par</strong>avant les cavaliers formoient des corps<br />

fé<strong>par</strong>és , diïlingués chacun <strong>par</strong> fa nation ; il mit la<br />

cavalerie, fans égard à cette diftinâion, fous des chefs,<br />

non nationaux, mais choîfis à fon gré. Quand if vouloit<br />

décamper, il donnoit le fignal <strong>par</strong> le fon de la trompette<br />

s que bien fouvent on avoit peine à entendre,<br />

à caufe <strong>du</strong> bruit qu'occafîonnoit alors le mouvement;<br />

même : il fit en conféquence élever au haut de fa tente<br />

une perche, qui pût être vue de tous côtés, au fommet<br />

de laquelle fe plaçoif le fignal également vifîble à<br />

tout le monde ; c'étoit <strong>du</strong> feu pendant la nuit, & de<br />

la fumée pendant le jour. ' '<br />

8. Comme il approchoït de Suze, Abulltes f gouverneur<br />

de la province, foit <strong>par</strong> ordre de Darius dans<br />

-la vue d'amufer Alexandre <strong>par</strong> le pillage, foit de fon '<br />

propre mouvement, enveya fon fils au devant de lui,<br />

avec promeffe de lui remettre la ville. Le roi reçut<br />

ce jeune homme avec bonté ; & le prenant pour guide,<br />

il fe rendit au fleuve Choafpes , dont l'eau, à ce qu'on<br />

dit, eft délicieufe à boire. Ce fut là qu'Abulites vint<br />

le trouver avec des préfents d'une magnificence royale.:<br />

'on y voyoit entre autres chofes des dromadaires d'une<br />

vitefle peu commune ; douze éléphants s que Darius<br />

avoiî fait venir de l'Inde, devenus alors un fecoucs<br />

pour les macédoniens au lieu d'en être la terreur ,<br />

comme on l'avoit efpéré, la Fortune fefant paffer à<br />

fon gré les forces <strong>du</strong> vaincu dans les mains <strong>du</strong> vainqueur.<br />

Mais quand il fut entré dans la ville, il tira<br />

des tréfors qui y étoient .une fomme prodigieufe ;<br />

favoir cinquante-mille talents d'argent en maffe, non<br />

monnoyé : plusieurs rois avoient accumulé pendant un<br />

très - long temps ces richeffes immenfes pour leurs<br />

enfants & leurs defeendants, félon ce qu'ils Jmagiiioicnts<br />

& un mitant les fit pafler au pouvoir d'un


131 LIBER F.'CJP. IL<br />

ÇonfedU deînde m regiâ felld , mutto extèîfiore<br />

quam pro habita corporis ; itaqut pedes quum<br />

imum gra<strong>du</strong>m non contingerent , unus ex regiïs<br />

pueris menfam fubdïdit pedïbus : & quum fpadonem<br />

qui Dam filtrat ingemifcentem confpexijjk<br />

rex , caufam mœftitm requifivit ; iïïe indicat.,<br />

•Darium vefci in eâ folitum » feque facram ejus<br />

•menfam ad iudibrium recidentem fine lacrimis<br />

confpiccrc non poffi. Subiit ergo regem venau**<br />


LIVRE V. CM A p. IL 13 j<br />

m étranger. Il prit enfuite féance far le trône det<br />

rois» qui fe trouva plus haut qu'il ne convenoit à fa<br />

taille ; de forte que ne pouvant de deflus le liège atteindre<br />

à la dernière marche, un de fes pages lui mit<br />

me table fous les pieds : là deflus îe roi ayant va<br />

gémir un eunuque qui avoit été à Darius , il lui demanda<br />

la caufe de fa triftefle ; & celui-ci fit entendre, que<br />

Darius avoït coutume de manger fur cette table, &<br />

qu'il ne pouvoït voir fans verfer des larmes ce meuble<br />

ficré retombé dans l'aviliflement. Le roi fentit alors<br />

quelque honte d'avoir manqué de refpeét aux dieux<br />

hofpitaKers., & il alloit faire ôter cette table, quand<br />

Pbijotas lui dit : N*en faites riem , $eigmw% regarde^<br />

m centra ire comme un heureux préfage, d'avoir fous ves<br />

pieds la gable eu votre ennemi m&ngeoit*<br />

9. Alexandre f fe propofant de pénétrer dans îa Perfe,<br />

confia la garde de la ville de Suze à Archéîaûs, avec<br />

use garnifon de trois-mille hommes ; & à Xénophile,<br />

celle de la fortereffe , avec d'anciens foldats macédoniens<br />

appefantis <strong>par</strong> l'âge ; Caîîicrates fut chargé de<br />

la garde des tréfors ; & îa fatrapie de la Suziane fut<br />

ren<strong>du</strong>e à Abulites. Il laifla auffî dans cette ville la<br />

mère & les esfants de Darius. Il s'avifa de faire donner,<br />

à Sifygambis 9 des robes macédoniennes & quantité d'étoffes<br />

de pourpre , qu'on lui avoit envoyées de la Macédoine<br />

, & d'y joindre même les ouvrières qui les<br />

a?ôient faites | car il rendoit à cette princeffe tous les<br />

honneurs poflibles , & avoit pour elle une véritable<br />

tendreffe filiale : il lui fit dire en même temps, quef<br />

fi cette efpèce de vêtement étoît à fon- gré, elle pouvoit<br />

accoutumer fes petites-filles à y travailler & leur<br />

apprendre! en faire des préfents. A ces'mots les larmes<br />

tombant-des ieux à cette princeffe firent connoître combien<br />

dans fon ame elle avoit d'horreur pour ce préfent}<br />

c'eft qu'il n*eû rien que les femmes de Perfe regardent<br />

comme plus déshonorant que de, mettre la main à des ouvrages<br />

de laine : ceux donc qui avoient porté ces pré»<br />

{Tënts-i vinrent dire au roi que Sifygambis en étoit affligée^


2j4 LIBER F. CAP. III..<br />

fatWM & fblatio vifa. Ipfe erg® pervenk sd eam'i<br />

& , Mater , inquk , banc veftem qoâ indotos<br />

• iùm 5 fororam non fokttn donom , fed etiam<br />

©pus Tides. Noftri decepere me mores ; cave,<br />

omêcro, in contumeHam accipîas igoorantlam<br />

meam. Qua tui moris efle cognovi, ut fpero,<br />

abundè ferrata fiint : fcio apud vos filium in<br />

confpefto matris nefas effe confidere, nifi quota<br />

illa penmifit ; quotiefcumque ad te yeni, donec<br />

ut eonfiderem anmieres , reftitï : procnmbens<br />

•venerari me fape voklfti ; inhibui : <strong>du</strong>ldiïmae<br />

jnatri Olympiadi nomen debitum tibi reddo.<br />

IH. ACtigato animo ejtss f rex quartis cafttis<br />

pervemt ad fluvlum ; Pafiûgrim imoht vocant :<br />

çritur in <strong>mont</strong>ibus uxiorum , & per i ftadm J%~<br />

veftribus ripis praceps ïnter faxa devolvitur ;<br />

accipiunt deinde eum campi , quos clemenswrê<br />

siveo pmterit , jam navîum patlens ; Dû<br />

ftadla funi moiiioris foli , per quod Uni -traik<br />

aquarum perfico mari fe infinuat. Alexander ,<br />

amne fuperato , cum IX mittibus ptditum , &<br />

agrianis atque gmcorum mercenarm militibm 3<br />

III additts miUibus thracum , m reghnem ux'w~<br />

ru m pervenk. Finiûma Sufis eft & in vrimamPer*<br />

fidem excwrit , arBum mier fe & fufiams ait*<br />

tum relmquens* Madates erat hujus regionis prœ»<br />

feéhs -, haud fané temporum homo ; quippe ultima<br />

pro fide experiri decreverat : fed periti loco*<br />

rum Ahxandrum dotent, ocaâtum iter effe pe?<br />

calles & averfum ab urbe ; fi paucos mîfijfet levi*<br />

ter armatos, fuper capita hoftium evafuros* Q*wȤ


LIVRE F. CMAP. III. -135<br />

& il jugea convenable de lui en faire des excufes &<br />

de îa confoîer. Il vint donc la trouver lui-même s & lut<br />

dit : Ma mère, vous voye\ dans Vhabk que je porte* nom<br />

feulement un préfem de mes fmurs , mais même l'ouvrage<br />

de leurs mains* Ce font nos ufages qui m 9 ont trompé i<br />

me prene\ pas, je vous prie, pour une infulte ce qui n'efi<br />

qu'un effet de mon ignorance. Ce que j'ai fi être confirme<br />

à vos Manières, je me flatte de l'avoir exacte»<br />

ment ohfervi ; je fais, <strong>par</strong> exemple, que che\ vous mm<br />

fils me doit s*affeoir en prifemce de fi mère , que quand<br />

elle le lui s, permis ; aujp, chaque fois qu§ je fuis venu<br />

weus voir, je me fuis tenu debout, jujqu'â ce que vous me<br />

fjft € l fil** ^ € *i'*ff**ir : fouvent vous ave\ voulu vous<br />

profierner devant moi pour m 9 honorer; je Vai empêchez<br />

je vous donne le titre qui eft véritablement dû à ma très*<br />

chère mère Olympias.<br />

* 111, Après avoir ainfi calmé cette princeffe, le roi arriva<br />

te quatre journées au bord <strong>du</strong> fleuve* que les riverains<br />

nomment Pafttigre : il a fa fource dans les <strong>mont</strong>agnes<br />

des uxiens, d'où il fe précipite avec impétuofité dans<br />

un efpace de cinquante ftades à travers les bots & les<br />

rochers ; il trouve enfuite des plaines, où il coule plus<br />

paisiblement, & eft déjà en état de porter batteau;<br />

& après un cours tranquile de fix-cents ftades fur un<br />

fol plus uni, il entre doucement dans le golfe perfîque,<br />

'Ayant traverfé le fleuve , Alexandre, avec neuf-mille<br />

hommes de pied, outre les agrîens & les troupes<br />

grèques foudoyées, & un renfort de trois-mille thraces »<br />

arriva dans le pays des uxiens. Il eft dans le voifînage<br />

de Suie & s'étend jufqu'aux frontières de Perfe, n'étant<br />

fé<strong>par</strong>é des fuzîens que <strong>par</strong> un paffage étroit. Il éîoït<br />

fous le commandement de Madaîes » homme affûrément<br />

dont la fidélité ne fe régloit pas fur les conjonctures;<br />

car il étolî réfolu de tenir à toute extrémité : mais<br />

des gens qui connoiflbient le pays apprirent à Alexandre *<br />

qu'il y avoit <strong>par</strong> des • fentiers un chemin détourné ga»<br />

gnant les derrières de la ville ; que s s'il envoyait <strong>par</strong><br />

là un petit nombre de gens armés à la légère , ils <strong>par</strong>*


136 LIBER K CAP. 111.<br />

•eonfilhun placmiffet, iidem îtmerum fuerunt <strong>du</strong>ces;<br />

M & D mercede con<strong>du</strong>&i & agriani firè M,<br />

Tauroni prœfe&o dati9 ac pofi jolis occafum ksr<br />

îngredi jujji : ipfe , tertiâ vigilïâ caftrîs mous,<br />

circa luc'is ortum fuperavérât anguftias ;. casaque<br />

materia crat'éus & pluteis facien<strong>du</strong>,. ut qui turres<br />

admoverent extra teli i&um effent > utbem obfi*<br />

éere cœpit. Prarupta erant omtùa , faxls .&. CQû~<br />

bus impedita.- nu<strong>du</strong>s ergo vuheribus depulft, si<br />

••quibus, non cum kofie Jolum, fed etiam cum boo<br />

dimican<strong>du</strong>m effet, fubibant tamen ; quia rex inter<br />

primos confliterat, interrogans toi urbîum viRores,<br />

an erubefcerent hmrere in obfidione caftelU exigui<br />

~& ignobilis. Simul j'am inter hœc emînus pctebatur<br />

; quum tejiudme objeBâ milites , qui ut mdk<br />

- difcederet perpefkre nequiv£rantM tuebantur*<br />

il. Tandem Taurom Jupe?; arcem urbis fe cum<br />

fuo agmine oftendit ; ad cujus confpe&um &<br />

animi koftium labare , & macedones acr'ms pm-<br />

Hum mire cmperunt.. Anceps oppidanos • mahm<br />

urgebat ; nec fifti vis koftium poterat : paucis<br />

ad morien<strong>du</strong>m, pluribus ad fitgam animas fiât ;<br />

magna <strong>par</strong>s m arcem concejpt : inde xxx ora*<br />

toribus miffu ad deprecan<strong>du</strong>m, trifte refpomfum â<br />

rege redditur 9 non effe venm locum. Itaque fuppiiciomm<br />

mem perculfi, ad Sifygambîn, D.arû<br />

matrem, occuko iûnere ignotoque koftibus ,. mit»<br />

$un$ qui. peterem ut ipfa regem mkigaret g kaud


LIVRE V.. CMA-P-. 11'L 23-7<br />

ipîen4r0îeùt à fe loger fur la tête des ennemis* Cet<br />

a-vis ajant plû, ils fervirent eux-mêmes de guides»<br />

quinze-cents hommes de troupes foudoyées & envi*<br />

ron mille agrienss mis fous le commandement de Tau»<br />

ron , eurent ordre de fe mettre en chemin après le<br />

coucher <strong>du</strong> foleil : îe roi de fon côté, ayant décampé<br />

à la troifîème veille, avoit franchi les gorges<br />

•ers }a pointe <strong>du</strong> jour; & après avoir fait couper le»<br />

bois néceffaires pour faire Ses claies & des mastelets,<br />

afin de mettre à l!abri des traits ceux qui poufleroient<br />

les tours en avant 9 il commenta le liège de îa ville.<br />

Ce n'étoit de tous côtés que précipices, qu'embarras<br />

de rochers & de cailloux : les foldats , expofés en<br />

conféquence à beaucoup d'accidents 9 comme ayant à<br />

lutter, non feulement contre l'ennemi t mais encore<br />

contre les incommodités <strong>du</strong> lieu, ne laiflbient pas de<br />

tenir ferme ; <strong>par</strong>ce que* le roi tenoit lui-même <strong>par</strong>mi<br />

les plus avancéss & leur demandeit fi, après avoir<br />

forcé tant de villes, ils avoient honte de s'amufer an.<br />

fiège d'une petite & chétive bicoque. Cependant on<br />

tiroit fur lui de loin ; mais les foldats t n'ayant pu l'engager<br />

à quitter ce pofte, firent la tortue avec leurs<br />

boucliers pour le mettre à couvert.<br />

11. Enfin Tauron <strong>par</strong>ut avec fa troupe au deflus<br />

de la fortereffe ; & à cette vue les ennemis commencèrent<br />

à perdre courage, & les macédoniens -<br />

à fe porter au combat avec plus d'ardeur. Les habitants<br />

de la ville étoient preffés de deux côtés ; & il<br />

étoit împoffible de réfîlter aux forces fupérieures des<br />

ennemis : très-peu eurent le courage de'facrifier kur<br />

•vie,- pîufieurs prirent le <strong>par</strong>ti de la fuite ; la plu<strong>par</strong>t<br />

fe retirèrent dans la fortereffe : trente ambaffadeurs,<br />

qu'ils députèrent au roi pour lui demander grâce, en<br />

rapportèrent cette trifte réponfe , qu'ils ne méritoient<br />

point de <strong>par</strong>don. Epouvantés à la vue des châtiments 9<br />

ils envoyèrent donc à Sifygambis t mère de Darius ,<br />

<strong>par</strong> un chemin détourné & inconnu aux ennemis , pour,<br />

ta fuppller d'appaifer le roi, n'ignorant pas qu'il l*ai.


ijB LIBER V. CAP. 111.<br />

ïmari<strong>par</strong>enûs eam hco diligi colique : & Maiaieï<br />

Jororis jÏÏiam fecum matrimonio junxtrat, Darwm<br />

prop'mquâ cognatwne contingens. Diu Sifygamèis<br />

Juppâcum precibus repugnavit3 abnuens depreca*<br />

tionem pro Mis convenire fortunm m qui effet :<br />

adjecitque , metuere fefe ne vUbris inâdgentiam<br />

fatigaret ; Jkpiàs cogkare captivant ejfe fe $ quam<br />

reginam fiàffe* Ad tdtimum viSa3 ikerk Ahxandrum<br />

ha deprecata eft^utid ipfum excufa*<br />

ret quod deprecaretur : petere fe, ut Mis quoque,<br />

fi minas fan » igrmfceret ; pro neceffario ac pro*<br />

pinquo fuo , jam non hofle fed fupplice, tantm<br />

vitam precarl Moderationem ckment'mmque reps,<br />

qua tune fuit, vtl una kmc res poffit oftendtrt :<br />

non Madati modo ignovk ; fed omnes, & didir<br />

tos 9 & captivos 9 libertate atque immmdtate<br />

donavit ; urbem reiiquit intaBam ; agros fine<br />

tributo cokre permifit* A viBore porto plura.<br />

mater non impetraffet* Uxhrum ddnde gentem<br />

fubaëam fufianorum fatrapiœ contribuit : divh*<br />

fisque cum Parmenwne copiis 9 Ulum campeftn<br />

itinerc procédere jubet ; ipfe cum expedko agmine<br />

jugum <strong>mont</strong>ium cepit, quorum perpetuum dorfum<br />

m Perfidem excurrit*<br />

' 12. Omni hac regione vafiaid$ die qtdnto m*<br />

guftias, quas Mi Sufidas Pylas vacant, intrat.<br />

Ariobarçanes bas, cum xxv mMibus pedkum,<br />

occupaverat rupes , abfciffas & undique pmruptas<br />

; m quorum cacumïmbus extra teiija&um bar"<br />

bari ftabant , de m<strong>du</strong>ftriâ qukti & paventibus<br />

fimUes , donec m arÊiffimas fautes pénétrant<br />

^gmen* Quod ubi contemtu fui pergtre vident ,


LIVRE V. CHAP.JII. 139<br />

moit & l'honorait comme fa mère : d'ailleurs Madates<br />

«Toit épsufé la fille de fa foeur, & fe trouvoit ainfi<br />

proche allié de Darius. Sifygambis fe refufa long temps<br />

à leurs prières, prétendant que d'intercéder en leur<br />

faveur étoit une démarche peu convenable à l'état préfent<br />

de fa fortune: elle ajouta, qu'elle craignoit de<br />

laffer l'in<strong>du</strong>lgence <strong>du</strong> vainqueur ; & qu'elle fe rappeîoit<br />

plus fouvent qu'elle étoit actuellement captive t qu'elle<br />

ne fe fouvenoit d'avoir été reine. A la fin fe lâiflant<br />

vaincre , %lle écrivit à Alexandre, & le pria d'excufer<br />

fa hardïeffe à fe rendre médiatrice : qu'elle le conju-'<br />

roit de faire grâce <strong>du</strong> moins à ces malheureux s quand<br />

même il ne lui <strong>par</strong>donneroit pas à elle-même fon importunité<br />

i qu'elle lui deraandoit uniquement la vie d'un<br />

homme dont elle étoit <strong>par</strong>ente & alliée, & qu'il ne<br />

devoit plus regarder comme fon ennemi mais comme<br />

un fuppliant. Jufqu'oà ailoit encore la modération &<br />

la clémence <strong>du</strong> roi, voici un trait qui peut feul le faire<br />

connoître : non feulement il fit grâce à Madates ; il<br />

accorda encore à tous les autres, foit qu'ils fe fuffent<br />

Fen<strong>du</strong>s s foit qu'ils euffent été faits prifonniers, la liberté<br />

%L l'exemption de toute charge ; il conferva la ville<br />

fans aucun dommage ; & n'impofa aucun tribut fur la<br />

culture des terres. Darius vainqueur n'auroit pas accordé<br />

davantage à fa mère. Ayant fournis la nation des<br />

uxiens f il les comprit dans la fatrapie de la Suziane: &<br />

<strong>par</strong>tageant fes troupes avec Parmémon f il le fit avancer<br />

<strong>par</strong> la plaine ; au lieu qu'avec un camp volant il prit<br />

lui-même <strong>par</strong> le haut des <strong>mont</strong>agnes f dont la chaîne<br />

s'étend jufque dans la Perfe.<br />

12.11 fit le dégât dans toute cette contrée, & arriva<br />

le cinquième jour dans les gorges, que dans le pays<br />

même on appelé h Pas de Suie* Ariobarzanes, avec<br />

•ingt-cinq-mille hommes d'infanterie, s'étoit pofté fur<br />

ces rochersf coupés à pic & efcarpés de toutes <strong>par</strong>ts;<br />

& les barbares en ôccupoienî les fommets hors de la<br />

portée <strong>du</strong> trait, ae fefant à deflein aucun mouvement<br />

le <strong>par</strong>oiffant même avoir peur, jufqu'à ce que l'armé*


i4o LIBER V. CAP. IV.<br />

tum vero ingénus 'mapàcudinh faxa per monàunf<br />

prona devolvunt, qua, incuffa Jkpius fttbjacen- '<br />

t'eus pétris , majore vi incidtbanî, nec Jlngufas<br />

modo , fed agmma proterebant ; fondis quoque<br />

txeujjï lapides & fagittm ingerebantur umlique*<br />

Nec id miferrimum fortibus viris erat ; fed qmd<br />

multi, firarum rku , velut in f&veâ deprehenfi »<br />

êœderemtur* Ira igitur in rabiem verfâ, em'mentia<br />

faxa compiexi * ut 4td kofiem perveniant , alim<br />

alium levantes, ' conabantur -afcendere ; ta ipfa »<br />

multorum fimul manibus compta & convulfa, in<br />

eos qui commoverant recidebant : nec ftare ergo 9<br />

me nid 9 nec teftudine quidem protegi poterant9<br />

quumtantm molis onera propellerent barbarL Regem »<br />

non dolor modo , fed etiam pudor temerè in illas,<br />

anguftias conjeBi exercitus angebat : inviBm ad<br />

tam diem fuerat, nihil fruftra aufus ; impuni<br />

Ciliciœ fonces intraverat ; mari quoque novum iter<br />

m Pamphyliam apermrat : tune kâfitabat depfehenfa<br />

félicitas ; nec aliud remedium erat quam<br />

reverti qud venerat* Itaque Jîgno receptui dato ,<br />

denfatis agminibus feutisque fuper capita conftrtis<br />

tetro evadere ex anmfliis jubet : xxx fuêre fia*<br />

dia, qum renunji Juntm<br />

IV. Tum caftris unMque apefto 4o€Q pofitis,<br />

non confultare modo quid agen<strong>du</strong>m effet , fed<br />

votes quoque adhibere cœpit à fuperjiitione animi*<br />

ennemie


LIVRE V. CMâP. IV. %^t<br />

ennemie fe fût engagée dans les <strong>par</strong>tages les plus étroits*<br />

Voyant qu'elle avançôit en effet & fembîoit les méprifer<br />

s ils fe mirent à faire rouler fur la pente des <strong>mont</strong>agnes<br />

des pierres d'une grandeur prodigieufe, qui 9<br />

f efant pîofîeurs bonds fur les rochers qu'elles rencontroient<br />

en descendant, tomboient encore avec plus de<br />

•ioleace , • & écrafoient, nos quelques hommes -<strong>par</strong>-ci<br />

<strong>par</strong>-là, mais des bataillons entiers ; il tomboit encore<br />

de tous côtés des pierres lancées avec la fronde &<br />

une grêle de flèches. Ce n'-étoit pas là ce vqui fàchoit<br />

le plus ces hommos courageux ; c'étoit de fe voir pris<br />

comme dans une foffef aïnfi que des bêtes fauvages,<br />

& d'y être écraféf fans pouvoir en tirer vengeance.<br />

Leur colère fe tournant donc en rage, ils embraffoient<br />

les rochers qui avançaient, & fefoient tous leurs<br />

efforts, en fe foulevant les uns les autres, pour gravir<br />

& arriver jufqu'à l'ennemi ; mais ces rochers, déracinés<br />

<strong>par</strong> les efforts de tant de mains qui les faififfoient<br />

à la fois , tomboient bientôt fur ceux qui les «voient<br />

ébranlés •: ils ne pouvoient donc ni s'arrêter, ni <strong>mont</strong>er,<br />

ni même fe garantir en fefant la tortue, à caufe <strong>du</strong><br />

poids énorme des grandes mafles que les barbares pouffoient<br />

contre eux. Le roi étoit outré, non feulement<br />

de douleur, mais encore de honte, d'avoir engagé inconfidérément<br />

fon armée dans ces gorges : invincible<br />

jufqu'alors s il n'avoit rien tenté fans fuccès ; il avoit<br />

percé fans perte les détroits de la Cilicie; il s'étoit<br />

même ouvert <strong>par</strong> mer une nouvelle route pour la PamphyIle<br />

: ici fa fortune chancelante étoit arrêtée, & il<br />

n'y avoit de remède que de retourner <strong>par</strong> où il étoit<br />

venu. Ayant donc donné le lignai de la retraite , il ordonne<br />

à fes troupes de fe retirer des gorges en ferrant<br />

les rangs & en rapprochant leurs boucliers au<br />

deffus de leurs têtes : il eurent ainfi trente ftades à<br />

rétrogader.<br />

IV. Alors il affit fon camp dans un lieu entièrement<br />

découvert, & fe mit, non feulement à délibérer<br />

fur ce qu'il falloit faire, maïs encore., <strong>par</strong> un raouve*<br />

Tome L L


%^% LIBER K CAP. IF.<br />

Sed quM tune pradicere Ariftander3 cui mm pltf<br />

rimum credebatur ex vatibus, poterat ? Itaque9<br />

damnatis intempeflivis facrificïis 9 peritos locorum<br />

convocari jubeL Per Mediam ker oflendebant<br />

tutum apirtimqu* 4 fed rex dimiuert Milites infepulws<br />

tmbefcebat ; ka tra<strong>du</strong>o mûre ^ ut vbc<br />

tdlum mlkia tam Jblemne effet munus quam humandi<br />

fias. Captivas ergo quos nuper txceperat<br />

vocari juèeê 9 inter quos erat quidam grmcm perfiœque<br />

linguà peritus, qui fruflra tum in Perfidem<br />

momtïum dorfô exercitum <strong>du</strong>cere affirmât :<br />

filveftres ejfe colles , vix fingulis pervios ; omnk<br />

contegi frondibus, implexosque arlorum ramos filpas<br />

commktere. Namqut Ptrfis ., ,ab altero h*<br />

tere, perpetuis <strong>mont</strong>ium jugis clauditur , quod m<br />

longkudinem MDC ftadia, in latkudinem CIXK<br />

procurrit : hoc dorfum à Caucafo <strong>mont</strong>e ad mbrum<br />

mare ptrûnet ; quâqrn defick mons, aliud<br />

munimentum, fretum objeêum efè. Plankks demie<br />

fib radicibus <strong>mont</strong>ium fpatiofa procumbk , firtilis<br />

terra, multisque vicis atque urbibus fréquent<br />

'Arax$s amnis per hos campos multorum aquas<br />

torrenûum evolvk in Me<strong>du</strong>m : Me<strong>du</strong>s ad mares<br />

Meridiem versus , minor amnis eo quem accepk »<br />

evehkur* Gimendaque herba non alius efl apdor3<br />

quiiquid amàt floribus veftiens ; platani quoque<br />

& pôpuli contegunt ripas , ka ut procul vifentibus<br />

continuata videantur momibus nemora ripa"<br />

tum : quippe obumbratus amnis prtffo in fobm<br />

dilabkur alveo ; immmentque colles, ipfi quoque<br />

frondibus Uui , radices eorum humore fubeunte*<br />

Jlegw non aUa iota Afià falubrior habetwr.; ttmr


LIVRE V. CM A p. IV. .24}<br />

ment de fuperftition, à confulter même les devins.<br />

Mais que pouvoit, dans cette conjon&ure , prédirt<br />

Ariftandre, alors le plus accrédité des devins ? Aufli|<br />

Marnant des facrifices hors de faifon, fe borna-t-il à<br />

faire appeler des perfonnes bien inftraites <strong>du</strong> local*<br />

Elles lui indiquoient un chemin sûr & découvert <strong>par</strong><br />

la Médie : mais le roi avoit honte d'abandonner fes<br />

morts fans fépulture ; car il étoit établi <strong>par</strong> un ufagc<br />

immémorial, qu'à peine y avoit-il une fonélion militaire<br />

auffi refpeôable que celle d'enfevelir fes morts.<br />

11 fait donc appeler les prifonniers qu'il avoit faits récemment<br />

, <strong>par</strong>mi lefquels il s'en trouva un qui, <strong>par</strong>lant<br />

grec & perfien, l'affûra qu'en vain il effaieroit de mener<br />

fon armée en Perfe <strong>par</strong> le haut des <strong>mont</strong>agnes : qu'il y<br />

avoit, à travers les bois , des fentiers où Ton pouvo.it à<br />

peine paffer un à un ; que tout y étoit caché fous les<br />

feuilles, & que les branches des arbres entrelacées y<br />

formoient un couvert non interrompu. En effet, la<br />

•Perfe, de l'autre côté, eft fermée <strong>par</strong> une chaîne de<br />

<strong>mont</strong>agnes, qui a feize-cents ftades de longueur, fur<br />

une largeur de cent foixante & dix : cette barrière s'étend<br />

<strong>du</strong> <strong>mont</strong> Caucafe à la mer rouge; & où la <strong>mont</strong>agne<br />

finit, la mer fe préfente comme un autre rem<strong>par</strong>t.<br />

Immédiatement aux pieds des <strong>mont</strong>agnes fe trouve<br />

une plaine fpacieufe, fertile , remplie de villages & de<br />

Villes. Le fleuve Àraxe porte dans le Mède, à travers<br />

ces campagnes , les eaux de plufieurs torrents : te Mède,<br />

moins confidérable en lui-même que l'Araxe qu'il reçoit,<br />

¥a fe rendre à la mer <strong>du</strong> côté <strong>du</strong> Midi. Au relie, nul<br />

autre fleuve n'eft plus propre à faire croître l'herbe,<br />

puifqu'il couvre de fleurs toutes les terres qu'il arrofe;<br />

fes rives font aufli couvertes de platanes &de peupliers,<br />

de manière que de loin on diroit qu'elles ne font avec<br />

les <strong>mont</strong>agnes qu'une même forêt : en effet le fleuve<br />

ainfi ombragé coule dans un lit profond ; & il eft dominé<br />

<strong>par</strong> des collines, également revêtues d'une agréable<br />

ver<strong>du</strong>re, à caufe de Fhumidité qui s'y infinue <strong>par</strong><br />

le hait II n'y s pas dans toute PAfie une autre contrée<br />

M


244 LIBER F..CAP. IF.<br />

feraîum cmlum ; hinc perpetuum jugum opacum<br />

& umbrofum , quod aftus levât ; illinc mare adjun&um<br />

j quod modkû tepore terras foveL<br />

14. His expo fins capthus Interrogatus À rtge3<br />

auditune an ocidis comperta haberet qua diceret,<br />

paftorem fe fuifie & omnes eos colles percurrijfe,<br />

refpondit ; bis captum, fimel âperfis inLyciâ<br />

9 iterum ab ipfi. Subit régis animum memoria,<br />

praculo -édita fortis s ; ;qmpm quippe confulenti refponfum<br />

£rat9 <strong>du</strong>cem in Per fidem fin firentis via lycium cive m<br />

fore. Igitur promijfis, quanta & prmfens neceffitas<br />

txigebat & ipfius fortuna capiebat, omratum ,<br />

armari jubet macedonum more, & , quod bene verieret,<br />

monftraret iter ; quamvis ar<strong>du</strong>um & prmceps ,<br />

tvafurum fe ejfe cum paucis ; nifi forte crederet, .<br />

quo ipfi pecoris caufa ifiet , Akxandrum pro<br />

gloria & perpétua lande îre non pofft. Etiam<br />

atque etiam docere captivas _, quant difficile iter<br />

effet % maxime armaûs : tum rex j Praeckm me f<br />

inquit 9 accipe, neminem eorum qui fequnntur<br />

recolâtorum ire quâ -daces. Cratero igitur ad<br />

cuftodiam caftmmm reliMo , cum peditwus quîs<br />

affueverat, & ils copiis quas Meleager <strong>du</strong>cebat,<br />

& fagktariis equkibus mÙh , pracepit ut, cafi<br />

ttorum fpecie manente , plûtes de m<strong>du</strong>ftriâ ignés<br />

fieri imperaret, quo magis barbari ' crederent ipfum<br />

regem in caftrîs ejffi. Ceterum , fi forte Ariobar-<br />

'canes cognovifiet per callium anfraëus eum in-<br />

/rare, & ad occupan<strong>du</strong>m iter fuum <strong>par</strong>ttm copiarum<br />

ttntaffit opponeu ; Çraterus 3 m eum


LIVRE V. CHàP. IV. 24^<br />

pïus faine : Pair y eft tempéré ; car, d'us côté, on »<br />

cette longue chaîne de <strong>mont</strong>agnes couvertes de bois 9<br />

qui <strong>par</strong> fa fraîcheur madère la chaleur <strong>du</strong> climat ; de<br />

rautre, îa mer voifine » qui entretient dans les- terre*<br />

une chaleur douce.<br />

14. Après cet expofé, le roi ayant demandé' au pri-<br />

Connrer , s'il <strong>par</strong>tait d'après des ouï-dire ou d'après ce<br />

qu'il avoit vu lui-même, il répondit, qu'il avoit été<br />

berger, qu'il avoit <strong>par</strong>couru tous les fenders de ce<br />

canton ; & qu'il avoit été pris deux fois , Tune en Lycie<br />

<strong>par</strong> les perfes % & l'autre <strong>par</strong> lui-même, Là-deffus- le<br />

roi fe rappela ce que Poracle lui avoit prédit ; car ceprince<br />

le confultant, il lui avoit répon<strong>du</strong>, qu'un lycien<br />

le dirigeroit dans la route qui con<strong>du</strong>it en Perfe. Après<br />

fui avoir donc fait toutes les promettes qu'exigeoit la nécefliîé<br />

des cîrconftances & qui convenoient à îa condition<br />

<strong>du</strong> prifonnier, il le fait- armer à la macédonienne ^<br />

te lui commande, en fefant des vœux pour le fuccès ><br />

de lui <strong>mont</strong>rer le chemin ; il lui affûre que , quelque<br />

rade & efearpé qu'il pût être, il y paffera avec une<br />

petite troupe; fi ce n'eft peut-être qu'il crût qu'Alexandre<br />

,. pour acquérir de la gloire & une réputation<br />

Immortelle, ne pourroit pénétrer dans des lieux ou il<br />

avoit été lui-même pour y faire paître fon troupeau. Le<br />

prifonnier tnfifte fur la difficulté <strong>du</strong> chemin , furtout pour<br />

des gens armés : Crois fur ma <strong>par</strong>ole 9 lui dit alors le<br />

roi i que pas un de ma fuite ne refufira d'aller <strong>par</strong><br />

•a tu mus con<strong>du</strong>iras* Ayant donc laiffe à Cratère la<br />

garde <strong>du</strong> camp, avec l'infanterie qu'il commandoit d'ordinaire<br />

, les troupes qui étaient fous, les ordres de<br />

Méléagre , & mille archers à cheval, il lui enjoignit<br />

de ne rien changer à la forme extérieure <strong>du</strong> camp, &<br />

d'y faire allumer exprès quantité de feux, afin de mieux<br />

perfuader aux barbares que le roi y étoit enperfonne.<br />

Si d'ailleurs il arrivoit qu'Ariobarzanes eût connoïffance<br />

qu'il cherchoît à entrer <strong>par</strong> ces fentiers détournés 5<br />

fie qu'avec une <strong>par</strong>tie de fes troupes il effayât de fui<br />

couper chemin; Cratère, en lurdennant l'alarme, devoit _<br />

L iij


246 LIBER V. CAP. IV.<br />

Ulato terrore , retineret dd propius periculum<br />

converfum agmen : fin auîem ipfe iojiem fefdllf<br />

fet & faltum occupaffet ; quum trepidantium barbarorum<br />

tumultum exaudiffet perfequent'mm regem ,<br />

id ipfum iter quo pridie puifiJmrant ne dmitaret<br />

ingredi ; quippe vacmm fir§9 hoflibus m fez<br />

met averfis»<br />

15. Ipfe tertîâ vigUiiÈ Jïïenti agmine ac ne<br />

tukâ qwdem dam figm, pergit ad demonfiratum<br />

iter call'mm. Tri<strong>du</strong>i alimenta portare militem juf*<br />

ferat leviter armstum. $ed prmter invms rupes ac<br />

pmrupta faxa , veftigmm fub'mde faUemia , nbc<br />

cumulata vento tngredientes fatigabat : quippe<br />

velut m foveas delati hauriebantur ; & qmm<br />

à commiUtonibus levarentur, trahebant magis adjuvantes<br />

quam fequtbantun Nox quoque , &<br />

ignota regio , ac <strong>du</strong>x, incertum an fàtis fi<strong>du</strong>s ,<br />

nudtiplicabant memm : fi cuftodes ftfellifftt 9<br />

quafi feras befilas ipjbs pojfe deprehendi ; ex<br />

unius captivi vei fide vel anima pendere & régis<br />

falutem & fuam. Tandem. ventre in jugum. A<br />

dexterâ iter ad ipfum Ariobarjanen trot : hic<br />

'Phibtan & Canon, cum Amyntâ & Polyperchôme<br />

, expedham habentes manum, reliquit, <strong>mont</strong>es<br />

ut, quiaeques peditit erat mbctus, quâ pinguiffimum<br />

effet foïum & pabuii fertile fenfim<br />

procédèrent ; <strong>du</strong>ces itineru de capùvis dati. Ipfe9<br />

§um armigeris & alâ quam Agêma appelions,<br />

mr<strong>du</strong>â femitâ , fed longius à ftatianibus hoftitm


LIVRE F. CHAP* IV. 247<br />

le retenir & forcer ce corps à tourner tête pour faire<br />

face au péril le plus prochain : & fi au contraire<br />

le roi trompoit l'ennemi & fe rendoit maître <strong>du</strong> défilé<br />

-, dès que Cratère entendroit lt bruit des barbares<br />

occupés à pourfuivre le roi, il devoit fans héfiter fejeter<br />

dans le chemin d'où les macédoniens avoient été<br />

repouffés la veille ; <strong>par</strong>ce qu'il feroit libre, le roi ayant<br />

attiré fur foi les forces des ennemis,<br />

15. A la troifième veille il fe met en- route <strong>par</strong> le*<br />

fentiers qu'on lui indique, fon efcorte gardant un pro»<br />

fond filence & n'ayant pas même reçu le fignaî de 1a<br />

trompette. îi avoit commandé à fes foldats, qui- étoient<br />

armés à la légère, de fe charger de vivres pour trois<br />

jours. Mais outre la difficulté <strong>du</strong> paffage <strong>par</strong> des <strong>mont</strong>agnes<br />

maccefltbles & des rochers efcarpés, qui manquoient<br />

quelquefois fous les pieds, h neige amoncelée<br />

<strong>par</strong> U wenî augmentoit encore la fatigue de la marche :<br />

suffi les foldats étoient-ils engloutis comme dans des<br />

foffes; & fi leurs camarades cherchoient à les retirer ,<br />

ils entrainoient plus fouvent qu'ils né fuivoient ceux<br />

qui voulaient les aider. D'ailleurs la nuit, un pays<br />

Inconnu, & un guide de la fidélité <strong>du</strong>quel on n'étoit<br />

point affûré, tout contribuoït à redoubler leur crainte:<br />

fi ce guide venait à échapper à fes gardes t on pouyoit<br />

les prendre tous comme des bêtes dans un piège ; dt<br />

la bonne foi ou de la vie d'un feul prifonnier dépendit<br />

le falut <strong>du</strong> roi & le leur propre. Enfin ils <strong>par</strong>-<br />

Tinrent au fommet le plus élevé. 11 y avoit à droite<br />

un chemin pour joindre Ariobarzanes : ce fut là que<br />

le roi fe fé<strong>par</strong>a de Phiîotas , de Cénus, d*Amyntas, &<br />

de Polyperchon, qui commandoient un camp volant ; maH<br />

<strong>par</strong>ce qu'ils avoient de la cavalerie mêlée avec l*infan+<br />

terie, il leur ordonna d'avancer doucement <strong>par</strong> où k<br />

terrain feroit le plus gras & le plus fertile en pâturage<br />

; & il leur donna des prifosniers pour guides.<br />

Pour lui, accompagné de fes gardes & <strong>du</strong> corps de<br />

cavalerie qu'ils appellent Agema, il prit avec bien de<br />

la peine <strong>par</strong> un fentier difficile , mais éloigné des gardés<br />

L iv


.248 LIBER V. CAP. IV.<br />

remotd, multâ cum vexatione procejpt. Médius<br />

erat dm, & fatigatis necejfaria quïes ; quippe<br />

tantumdtm lundis fupererat quantum emenfi erant,<br />

fed minus prœcipiûs aique ar<strong>du</strong>i : kaque refeBis<br />

cibo fomnoque militibus, fecuniâ vigûiâ furgit ;<br />

& Cetera quidem haud œgrè pmteriiu Ceterum ,<br />

qui fê jugum <strong>mont</strong>lum paulatim ad phmiora demittk<br />

s ingtns vorago , concurfu cavata torremtium,<br />

ker ruperat ; ad hac, arborum rami9 aiius<br />

alio implicati & coëuntes , ut perpétuant objecerant<br />

fepem. Defperatio igitur ingens , adtb ut<br />

vix lacrimis abftinerent, incefferat, Pmcipuè obfcuritas<br />

terrori erat ; nam eûam fi qua fidera<br />

internkebant , contimnti fronde te fia' arbores<br />

confpicere prohibebant. Ne aurium quidem ufus<br />

fupererat, filvas quatiente vento , qum, conçuiientibus<br />

ramis 9 majorent quam pro flatu fonum<br />

reddebant.<br />

ï6. Tandem exfpeËata lux omnia qua terribilwra<br />

nox ficerat minuit : circumiri brevî fpaiio<br />

poterat eluvies ; & fibi quhque <strong>du</strong>x kineris<br />

cœperat fieri. Eva<strong>du</strong>nt ergo in editum verticem %<br />

ex quo hojlium flationc confpeBâ, flrenuè armati ,<br />

à tergo Je often<strong>du</strong>nt nihil taie metuentibus : quo~<br />

mm pauci, qui congredi aufi erant , cafi funt ;<br />

kaque hinc morkntium gemitus , hinc ad fuos<br />

recurrentium miferabilis faciès, intégras quoque ,<br />

antea quam difcrimen experiremur, in 'fugam<br />

avertit. Fremitu deindt in caftra quibus Craterus<br />

pmerat illato , ad occupandas anguflias in quibus<br />

pridie hœfitârat miles e<strong>du</strong>citur ; fimul & Phi" '<br />

htas3 cum ' Potyperchonte, Amyntâque , & Ç&-


LIVRE V. CMJP. IF. 24g<br />

tfînêmies»I! étoltimdl,&fes gens excédés de fatigue*<br />

avoient befoin de fe repofer ; car Ils aYoieot encore<br />

autant de chemin à faire qu'ils en avoient fait t quoique<br />

moins efcarpé & moins rude : après avoir donc fait prendre<br />

à fes foîdats de la nourriture & <strong>du</strong> repos , il fe<br />

lève à la féconde veille, & le relie <strong>du</strong> paflage ne<br />

fut pas difficile. Au relie, vers l'endroit ou les <strong>mont</strong>agnes<br />

prennent îofenfiblement une pente plus douce,<br />

-une grande ravine, creufée <strong>par</strong> des torrents , avoit<br />

jompti le chemin ; d'ailleurs, les branches des arbres,<br />

entrelacées les unes dans les autres & formant un<br />

tout , avoient pré<strong>par</strong>é une efpèce de haie fans fin» Le<br />

défefpoir avoit donc faifi les foidats t à tel point qu'ils<br />

en étoient prefque aux larmes. L'obfcurlté furtout les<br />

cffrayoit; car s'il brilloit quelques étoiles-au milieu des<br />

ténèbres, les arbres couverts d'un épais feuillage ne<br />

les îaiflbient point voir. On ne pouvoit plus s'entendre,<br />

à caufe des fecouflfes que le vent doimoiî aux arbres*,<br />

dont les branches agitées les unes contre les autres .<br />

fefoient plus de bruit que le vent même.<br />

16. Enfin la lumière tant déflrée diminua toutes les<br />

horreurs. que la nuit avoit inspirée» : on pouvoir, <strong>par</strong><br />

un petit détour ,, tourner la fondrière ; & chacun cony»<br />

mençolt à fe guider lui-même. Ils <strong>mont</strong>ent donc fur<br />

un fommet élevé, d'où ayant découvert la garde des<br />

ennemis , lis mettent promptement leurs armes en état»<br />

*& fe <strong>mont</strong>rent au dos des barbares qui ne s'attendoient<br />

a rien de <strong>par</strong>eil : le peu d'entre eux qui osèrent en Tenir<br />

aux mains , furent taillés en pièces ; fi bien»que- d'une<br />

<strong>par</strong>t les- gémiffements des mourant», de l'autre f effrèi<br />

de ceux qui règagnoient le gros de leur troupe,. firent<br />

prendre la fukeàux bataillons entiers avant qu'ils euflemt<br />

.tenté le hafard <strong>du</strong> combat. Le bruit de ce défordre<br />

.s'étant porté jufqu'au camp de. Cratère, il fait avancer<br />

fes foîdats pour s-'empaxer des gorges eu ils.avoient<br />

'été arrêtés, la veille; Philo tas ayant en même temps<br />

* reçu |>rdre de donner <strong>par</strong> un autre endroit avec Poljr-<br />

: perchas s v Amyntas, & Cénus, donna aux barbares vna<br />

1* T


250 LIBER V. CAP. V.<br />

mo , diverfmm ker ingredi jujjus , alium terrortm<br />

intutit barbaris. Ergo, undïque macedonum armis<br />

fulgentibus, ancipiti malo opprejft 9 mémorable<br />

tamen pml'wm e<strong>du</strong>nt : ut op'mor, ignav'mm que"<br />

que neccjjitas acuit, & fape dejperatio fpei caufa<br />

eft. Nudi compUàebantur armatos ; ù» ingeml<br />

corporum mole fecum ad terram detrahentes, ipfirum<br />

teïïs pkrosque fidiebant. Armbar\anu ta*<br />

men , quadraginta firme equk'éus & qmnque mil*<br />

tibus peditum ftipatus , per médium macedonum,<br />

cmm multofuorum atque hoftium fanguine, erupk,<br />

Perfepolim , utbem caput regionis, ©ccu<strong>par</strong>e feflinam<br />

: fed â cuftodibus urbis exclu/us, confequutis<br />

flrenuè hoftwus , cum omnibus fuga comki~<br />

bus renovaio pradio , cecidit ; Craterus quoqrn f<br />

raptim agmine OBQ , fuperveniL<br />

V. Rex eodem loco quo hoftium copias fuderat<br />

êaftra communivit* Quanquam emm undique fugat's<br />

hoftts vifloriam concentrant: tamen pmalm prœcifitesque<br />

Joffa, pluribus loch obje&a, abruperant<br />

iter ; fenfimque & cautè progredien<strong>du</strong>merat, ]am,<br />

non hoftium , fed locorum fraude fuspeBâ*, Proccdtnti<br />

ei • literm red<strong>du</strong>ntur â Tyridate > ' mftode<br />

regim pecumm, mdkamtes, eosqm in urbe effènt,<br />

mdim ejus adventu, diripere velh thefauros ';<br />

properaret occu<strong>par</strong>e ; expedimm ker ejffè P quanquam<br />

Araxes amnis interfluat. Nullam virtutem<br />

régis iftius magis quam celeriêatem laudaverim:<br />

reliais enim pedeftribus copiîs-, totâ no&e cum<br />

equkibus , itineris. tanto /patio fatigatts /ad' Arq-<br />

%m prima luce pervemL y}ci eraat m propinfuoj


LIVRE K CJIAP. F. iç.i<br />

nouveau fujet d'épouvante. Quoiqu'ils fe fentiffent donc<br />

preffés de toutes <strong>par</strong>ts & qu'ils viffent briller .de tout<br />

cot4 les armes des macédoniens, ils ne laiffèrent pas<br />

.de combattre d'une manière glorieufe : la néceffité, je<br />

croîs, infpire <strong>du</strong> courage à îa lâcheté même , & fouvent<br />

l'efpérance naît <strong>du</strong> défefpoïr. Sans armes ils faifuToient<br />

des hommes armés; & les entraînant <strong>par</strong> terre<br />

avec eux <strong>par</strong> la pefanteur énorme de leurs corps, Ils<br />

en perçoient plufieurs de leurs propres armes. Cependant<br />

Ariobarzanes , fuivl d'environ quarante chevaux &<br />

de cinq-mille hommes de pied, fe fait jour à travers<br />

les bataillons macédoniens, avec un grand carnage des<br />

liens & des ennemis, ayant deffein de fe jeter prompîeraent<br />

dans Perfépolis, capitale de la province : mais<br />

la garnifon lui ayant fermé les portes, & 1


25Z LIBER V. CAP. V.<br />

quibus dlrmis , pontem ex materid eorum , fmh~<br />

ditis faxis, firenuè in<strong>du</strong>xit. Jamqut haud proad<br />

urbê erant, quum mifirabile agmen, inter pauca<br />

fortunée exempta mémoran<strong>du</strong>m , régi occurrk.<br />

Capùvi erant graci ad' quatuor mîllia firè *, quos<br />

perfa varîo fuppliciorum modo affecerant : aÛos,<br />

pedibus 3 quosdam, manibus auribufque amputa"<br />

tu mufiisqut barbamrum literarum notis, in Iongum<br />

fui ludibrmm refervaverant ; & quum fe queque<br />

aliéna ditionis effe cernèrent* volenus régi<br />

occurrere non prohibuerant. Inufitata femuhchra,<br />

non àomines vidibantur ; nec quïdquam 'm Mis<br />

prater vocem poterat agnofci. Plures igitur lacrimas<br />

commovêre quant profuderant ipfi ; quippe<br />

m tam multiplia varîâque fortunâ fmmdorum ,<br />

intuentibus fimiles quidem Jid tamen dif<strong>par</strong>es panas<br />

, quis maxime mifirabïlis effet liquere non<br />

poterat : m vero Jovem UU tandem , Graci*<br />

ultorem 9 aperuiiïe oculos conclamavire , onuus<br />

<strong>par</strong>i fupplicio ajfk&i fibi videbantur. Rex, ahfterfis<br />

quas profuderat Lacrimis , bonum habere ontmum<br />

jubet, vifuros urbes fuas conjugesque : &<br />

caflra inde <strong>du</strong>o ab urbe ftadia communit.<br />

18. Graci excefferant vatto , deUberaturî quid<br />

potifpmum a rege peurent : quumque aliis fedes<br />

in Afiâ rogare 9 aliis reverù domos placera ;<br />

Eutymon cymaus ita loquutus ad eos firtur : Hi,<br />

qui modo ad opem petendam "ex tenebris &<br />

carcere procedere erabnimus , ut nunc eft , fupplicïa<br />

, quorum nos pudeat magis an pœni-<br />

. eat incertum eft, oôentare Graeciae , velut laeum<br />

fpeûaculutn , cupimus. At ii- optimè mtfe-<br />

* Ad quatuor milUa fin, Exagération à relever<br />

,fTaprè« Suidas , Diodore, & Juûm ; celui-ci (Xi 14»}<br />

n'en compte que huit-cents»


LIVRE V. CHâP. V. 155<br />

iî en conftraïlit diligemment unpont, qu'il appuya fut des<br />

piles de pierres. On étoit déjà proche de la ville, lorsqu'une<br />

troupe malheureufe, digne d'être comptée dans<br />

îe petit nombre des exemples frapantsde la fortune, vint<br />

à îa rencontre <strong>du</strong> roi* C'étoient environ quatre-mille<br />

prifonniers grecs, à qui les perfes avoient fait fubjr<br />

différentes fortes de fupplices : après avoir coupé aux<br />

uns les pieds, à d'autres les mains & les oreilles, &<br />

"les avoir marqués avec le feu de carallèrcs barbares",<br />

ils les avoient réfervés pour être long temps l'objet de<br />

leurs plaifanteries infultantes ; & les perfes, fe voyant i<br />

leur tour paffés foui une domination étrangère, n'empêchèrent<br />

pas îes.grecs d'aller, comme il le défiroient,<br />

au devant <strong>du</strong> roi.Ils reffembloient à des fpeftres extraordinaires<br />

, & non à des hommes ; & Pon ne pouvoit<br />

reconnoître en eux que la <strong>par</strong>ole. Ils tirèrent donc<br />

plus de larmes des ieux qu'ils n'en avoient eux-mêmes<br />

verfé ; car dans cette complication des divers malheurs<br />

de chacun, à la vue de maux femblabîes à la vérité &<br />

néanmoins différents, il n'étoit pas poffibie de juger<br />

lequel étoit le plus à plaindre ; mais quand ils s-'écrièrent<br />

unanimement qu'enfin Jupiter, vengeur de Jâ- Grèce,<br />

avoit ouvert les ieux î il n'y eut perfonne qui ne crût<br />

avoir fubi le même fuppîice. Le roi, après avoir effuyé<br />

fes propres larmes , les exhorta à prendre courage,<br />

puifqulïs reverroient leurs villes & leurs femmes : &<br />

il alla enfuite camper à deux ftades de la ville.<br />

î 8. Cependant les grecs étoient fortis <strong>du</strong> camp, pour<br />

délibérer fur ce qu'ils dévoient principalement demander<br />

au roi : & comme l'es uns étoient d'avis de lui demander<br />

des établiffemests en Àfie , les autres de retourner dans<br />

leur patrie ; on rapporte qu'Eutymon de Cymé leur <strong>par</strong>la<br />

ainfi : Nous, qui tantôt avions honte de fonir des ténèbres<br />

& <strong>du</strong> cachot pour demander <strong>du</strong> fecours, nous voulons t<br />

dans la, conjoncture pré/ente f aller <strong>mont</strong>rer à la Grèce %<br />

comme un fpe&acle bien agréable , l'horreur de nos maux,<br />

dont je ne fais lequel doit nous être le plus fenfibie de la<br />

honu ou ie la peine. Or le meilleur moyen de /apporter


154 LIBER F. CAP. F.<br />

fias feront, qui abfcondiîût ; nec ulla eft tant<br />

famiBaris infelicibus patria , quam folitodo &<br />

ftatûs prions ©blhri© : nam qui multum in fiioram<br />

mifericordià ponunt, ignorant quam celeriter<br />

lacrima» inarefcant. Nemo fideliter diligit,<br />

quem faftidit ; nam & calamitas querula eft ,<br />

& fiiperba félicitas : ita, * foam quifque fortenam<br />

in confilio habet , (furai de aliéna délibérât<br />

; & 5 nifi mutuo euêmus miferi, olim<br />

alius alii potuiffemus effe feftidio. Quîd mirum<br />

eft, fortonatos femper <strong>par</strong>em quserere ? Obfecro<br />

vos , olim vit! defonéli, quaeraraus locum<br />

in quo bac femefa membra obraamus , ubt<br />

hombiles cicatrices eelet exilium. Grati prorfus<br />

conjugibus , quas juvenes <strong>du</strong>ximus, revertemur<br />

! Liberi, in flore & atatis & rerum ,<br />

agnofcent ut patres ergaftuli detrimenta ! Et<br />

•quota <strong>par</strong>s notai tôt obire terras poteft ? procul<br />

Eoropâ 9 in ultima orientis relegati, feues t<br />

débiles , majore membroram <strong>par</strong>te multati,<br />

tolerabimus fcilicet quae armatos & viâores fatigaverant<br />

? Conjuges deinde , cpias captis fors<br />

& neceffitas unicum folatium applicuit , <strong>par</strong>vofque<br />

liberos trahimus nobifcum, an relinquimus<br />

? cum his venientes nemo agnofcere<br />

volet. Relinquemus ergo extemplo praefentîa<br />

pignora, quum incertum fit an yifuri fimus ea<br />

quae petimus ? Inter hos laten<strong>du</strong>m eft qui nos<br />

miferos nofle cepenint.<br />

19. Hœc Euthymon ; contra Themetus athtnunjîs<br />

orfus efl dicère : Neminem p'mm habita<br />

corporïs fuos ajlimaturum , utlque favUid hojlîs,


LIVRE F. CMJP. V. 25c<br />

fis malheurs f efl de.ks cacher; & il m'eft point de patrie<br />

éujji convenable à des malheureux 9 que la. folitude &<br />

toubli de leur premier état ; car qui compte beaucoup fur<br />

la commifération des fiens 9 ignore combien les larmes<br />

tsriffenepromptemenu On n'a pas un attachement <strong>du</strong>rable<br />

p&ur qui caufe <strong>du</strong> dégoût; <strong>par</strong>ce que les malheureux aiment<br />

à Jk phdndre f & que les heureux font enclins â l*orgueil :<br />

âbifi t chacun ptnfe à fon intérêt avant tout, quand il efl<br />

qmfi'mm de l'intérêt d* autrui; & 9 fi notre malheur ne nous<br />

émit commun 9 il y a long temps que nous aurions pu meus<br />

déplaire les uns aux autres. En quoi efl-il étonnant f que les<br />

heureux cherchent \ toujours qui leur reffembte ? Morts<br />

depuis long temps f cherchons, je vous en conjure, un<br />

Heu où n&uj puijpons cacher ces membres à demi confu~<br />

mes t où notre exil dérobe à tous les ieux nos horribles<br />

cicatrices» Notre retour vraiment fera grand plaifir à nos<br />

femmes, que nous avons époufées dans notre jeunejfe ! Nos<br />

enfants, aujourd'hui dans la fleur de leur âge & de leur<br />

fortune, ne manquerom pas de reconnaître pour leurs pères<br />

des échappés de l f efclavage ï Mais combien d'entre nous<br />

font en état de traverfer tant de pays ? loin de l'Europe<br />

, relégués aux extrémités de l'Orient f vieux , affaiblis<br />

, privés de la plu<strong>par</strong>t de nos membres , fupporteronrnous<br />

aifément des fatigues qui ont excédé des gens armés<br />

& victorieux ? D'ailleurs ces femmes f que la fortune & la<br />

nécejîté nous om données pour toute confolation dans<br />

notre efclavage f les jeunes enfants que nous en avons eus t<br />

les traînons-nous à notre fuite f ou les abandonnons-nous?<br />

à notre arrivée avec eux f perfonnt ne voudra nous rec&n~<br />

mitre. Allons-nous donc quitter des biens prêfents , quand<br />

nous n'avons nulle certitude de revoir jamais ceux après<br />

hfquels nous foupirons ? Il nous faut demeurer cachés au<br />

milieu de ceux qui n'ont commencé à nous connoître que<br />

depuis nos malheurs,<br />

19. A ce difcours d'Eutymon , Théétète d'Athènes<br />

Ce mira répliquer : Qùe'perfonne d'humain ne règle-<br />

• Fokfur lès «îfgrâçés <strong>du</strong> a>rps les fentitaientt'quli devoït<br />

à fes proches, qui après tout n'étoient malheureux c|ue


256 LIBER V. CAP. V.<br />

non natura, calamitofis : digmtm effe omni mala>g<br />

qui erubefceret fortuita ; triftem enim dé morfalitate<br />

ferre fentenûam ;. & defperare miferîçordiam<br />

9 quia ipfe akeri denegaturus fit : deos ,<br />

fuod ipfi nunquam aufi optare forent, offerte pa><br />

.triant , conjuges , libéras, & quîdquîd hommes<br />

vel vitâ mftimant vel morte redimunt : qum illi<br />

ex hoc carcere erumperent ; alium domi effe cmU<br />

hauftum, alium lucis afpeËum : mores-, facra9<br />

lingum commer<strong>du</strong>m eùam à barbaris exped ;. qua,<br />

ingtnita ipfi omiffuri fint fus fponte , non oB<br />

aliud tant calamitofi quam quod illis carere coa&ï<br />

effhnt : fe certè rediturum ad pénates & in pa~<br />

triant , tantoque bénéficia régis ufurum ; fi quos<br />

contubernii liberorumqut quos fervitus coëgiffet<br />

' agnofcere amor detineret, relinquerent quihus ml<br />

patrid carias ,efl. Pauci hujus fentenû® fu'ire ;<br />

ceteros confuetudo, naturâ potentmr , vicit* Çomfenferunt<br />

peten<strong>du</strong>m ejfe à rege ut aliquam ipfis<br />

attribuent fedem ; centum ad hoc eleUi funt;quos<br />

Alexander ratus quod ipfe pmftare cogitabat<br />

pethufos, Jumenta, inquit, affignari qua<br />

vos vehérent, & fingulîs veftrûm mille denariâm'dari<br />

jjuiîi: quuni redîeritis ïn Grsciam»<br />

. praeftabo ne quis ftatum fnum., fi hac calamitas<br />

abfit-, veftr© credat-effe mdiorem. Mit9<br />

ebortis lacrimis , terram intuebantur, nec aut<br />

_erigere vultus aut h qui audebant :• tandem rege<br />

triftk'm caufam txigente % -Euthymn famirn us


LIVRE V. CHAP. F. 257<br />

<strong>par</strong> la cruauté de l'ennemi, & non <strong>par</strong> un ¥Îce de nature :<br />

que c'étoit mériter tout fon malheur, que de rougir<br />

des caprices de la fortune ; que c'étoit juger peu favorablement<br />

<strong>du</strong> genre humain; & qu'on ne défefpéroît<br />

tfy trouver de la compaffion » que <strong>par</strong>ce qu'on étoit<br />

difpofé à. n'en avoir point pour autrui : que les dieux<br />

leur offroient, ce qu'ils n'euffent jamais ofé fôuhaiier,<br />

leur patrie , leurs femmes, leurs enfants , & tout ce<br />

que les hommes eftiment autant que la vie ou racheteroient<br />

aux dépens de leurs jours : qu'ils deVoient donc<br />

fortir de cette prifon ; qu'on refpiroit dans fa patrie<br />

un autre air, que le jour y étoit différent : que les barbares<br />

menues font attachés à leurs ufages, à leurs rite<br />

religieux, à leur langue j & que fes compagnons aîloient<br />

néanmoins renoncer volontairement à ces avantages<br />

naturels ,'quoiqu'ils n'euffent été malheureux que pour<br />

en avoir été' privés <strong>par</strong> violence ; que pour lui, Il retourneroit<br />

certainement dans, fa patrie, & profiterok<br />

d'une fi grande faveur <strong>du</strong> prince; que, fi quelques-uns<br />

étoient retenus <strong>par</strong> attachement aux femmes & aux<br />

enfants que l'efclavage les avolent forcés de recon=noitre,<br />

ces mêmes objets feroient abandonnés <strong>par</strong> ceux<br />

qui n'ont rien de plus cher que leur patrie. 11 y en eut<br />

peu de cet avis ; les autres cédèrent à l'habitude , plus<br />

piaffante que la nature même. Ils convinrent qu>'tt folloit<br />

prier le roi de leur accorder un endroit pour<br />

s'établir ; cent députés furent choifis à cet effet : le<br />

roi s'imaginant qu'ils aîloient lui demander ce qu'il Ce<br />

propofoit lui-même de leur donner , J'ai commandé,<br />

leur dit-il, qu'on vous àiftnbuât les <strong>mont</strong>ures nicef-<br />

Jaires peur vous tranfporter f & qu'on délivrât à chacun<br />

il vous mille deniers : quand vous fere{ de retour dans<br />

la Grèce $ je dijpojerai ks chofes de manière f que perf&nne<br />

s a votre malheur près , ne pourra juger fa condi~<br />

non meilleure que la vêtre, Là-deflûs les larmes leur<br />

menant aux ieux, ils les tenolent baiffés contre terre t<br />

& n'ofoient ni les lever ni <strong>par</strong>ler : à la fin îe roi voulant<br />

favoir la caufe de cette fyifteÛe, Eutymon lui


258 LIBER F. CAP. VI.<br />

quœ, in confilio dîxtrat refpondit. Atque iile 1<br />

non fortuna foium eorum , fed etiam pctnitentim<br />

mifertus , terna miilia denariâm fengulis dari<br />

jujfît ; denm veftts adjeikt fum ; & armenta cum<br />

pecoribus ac frumento data , m mil ferique attributus<br />

us ager poffet»<br />

VI. Poftero dît commcatos <strong>du</strong>ces copîarum dbcet,<br />

mdlam infefliorem urbem gracis ejfe quam<br />

ngmm veterum Perfidis regum ; hinc iiia immenfa<br />

agmina infufa ; hinc Darium prius 9 deinde Xerxem<br />

Europa, ïmpium intuliffe bellum : ixcidio<br />

illim <strong>par</strong>tntan<strong>du</strong>m tffe majoribus* Jamque barbari<br />

, deferto oppido , quâ quemque metus âge*<br />

bat dijfugerant, quum rex phahmgem , mail<br />

cun&atus, in<strong>du</strong>cit, Multos urbes refertas opulenîiâ<br />

rtgid <strong>par</strong>tim expugnaverat, <strong>par</strong>ttm in fidem<br />

acceperat ; fed urb'u hujus divitm vicêre pratenta<br />

: m hanc toûus Perfidis opes congejferamt<br />

barbari ; aurum argentumque cunudatum erat ;<br />

veftis ingens mo<strong>du</strong>s ; fupeliex , non ad ufum<br />

modo , fed ad ofttntationem luxûs com<strong>par</strong>ata. haque<br />

inter ipfos vMores ferro dimkabatur; pfm<br />

hofle erat , qui pretiofiorem occupaverat prm*<br />

dam ; & quum omnia qum reperiebantur capere<br />

non pojfent, jam res non ôccupabantur , fed<br />

aftimabantur. Lacerebant regias veftes , ad fe<br />

quifque <strong>par</strong>tem trahtntes ; dolabris•preûofz artis<br />

va fa cœdebant ; nihil neque intaaum erat, me<br />

integrum ferebatur ; abrupta finudachrorum memèra<br />

, ut quifque avdkrat, trahebat. Neque avarida<br />

folum , fed etiam cruddhas m capta urbt


LIVRE V. CM A p. VI. 159<br />

répéta dans fa réponfe les mêmes chofes qu'il avoit<br />

dites dans Fâflemblée. Le prince touché , non feulement<br />

de leur malheur, mais encore de Faffîi&ion qu'il leur<br />

caufoif f leur fit distribuer à chacun trois-mille deniers ;<br />

©n y ajouta dix habits f & on leur donna <strong>du</strong> gros &<br />

<strong>du</strong> menu bétail avec <strong>du</strong> froment s afin qu'ils puffenÊ<br />

cultiver & enfemencer les terres qui leur feroient<br />

aflignées.<br />

VI. Le lendemain ayant convoqué les chefs, il leur<br />

représenta , qu'aucune ville n'avoit été plus fatale aux<br />

grecs que Perfépoîis, réfidence des anciens rois de<br />

Perfe; que de là étoient fortis ces déluges d*armées ;<br />

que de là Darius d'abord, enfu'rte Xerxès avoient<br />

porté en Europe la guerre la plus abominable : qu'il<br />

falloit f en l'exterminant, l'immoler aux mânes de leurs<br />

ancêtres. Déjà les barbares , qui l'a voient abandonnée »<br />

s'étoient enfuis chacun de fou côté fuivant les diverfes<br />

Impreflions de la peur, îorfque le roi f fans différer»<br />

y fit entrer fa phalange. 11 avoit pris jufqu'alors , ou<br />

de force ou <strong>par</strong> compofition, beaucoup de villes d'une<br />

opulence égale à celle des rois ; mais celle-ci l'emportoit<br />

infiniment fur les autres : les perfes y avoient<br />

ramaffé toutes les richeffes de leur pays; l'or & Far-"<br />

gent y étoient amoncelés : il y avoit une provifion<br />

immenfe d'habillements; & un mobilier delliné, non<br />

feulement à l'ufagt, mais furtout à Fomentation <strong>du</strong> luxe.<br />

Aufli les vainqueurs mêmes fe difputolent-iis le pillage<br />

les armes à la main ; on traitoit en ennemi f celui qui<br />

étoit faifi <strong>du</strong> meilleur butin ; & comme il n'étoit pas<br />

poflible d'enlever tout ce qu'on trouvoits on ne fe<br />

jetoit plus fur tous les objets, mais on choififlbit ce<br />

qui <strong>par</strong>oiffoit le plus précieux. On déchirait les vêtements<br />

royaux f chacun en tirant une <strong>par</strong>tie de fon côté ;<br />

on brifoit à coups de haches les vafes précieux pat<br />

Fart <strong>du</strong> travail; rien ne fut é<strong>par</strong>gnés rien ne fut emporté<br />

entier ; les ftatues mifes en pièces, chacun enlevoit<br />

la <strong>par</strong>tie qu'il avoit arrachée. Ce ne fut pas feulement<br />

aux emportements de l'avarice » ce fat encore


i6o LIBER V CAP. VI.<br />

graffata efl ; auro argentoque onufti viKa captl~<br />

vorum corpora trucidabant $ paffimque obvii cœde~<br />

bantur quos antta preiium fui miferabiles fecerat.<br />

Multi ergo hofiium manus voluntariâ morte occupaverunt<br />

, pretiofiffmâ veftium in<strong>du</strong>ti, è mûris<br />

femetipfos cum con\ugibus ac liber'is in pmceps<br />

jaëantes ; quidam ignés , quod pado poft fàèlu*<br />

rus hoftis videbatur , fubjtcerant œdibus $ ut cum<br />

fuis vivi cremarentur. Tandem fuos rex corporibus<br />

& adtu fembmrum abjimere jujfiu Ingens<br />

pecunia captivm mo<strong>du</strong>s traditur , prope ut fidem<br />

excédât : cettrum, ont de <strong>du</strong>s quoqtte <strong>du</strong>bkamus\<br />

au credimus in kujus urbis ga^â fiùiïè c &<br />

XX milita talenta ; ad qua vehtnda ( namque<br />

ad ufus belli fecum portare decreverat ) jumenta<br />

& camelos a Sufis & Babylone contrahi juffiu<br />

Acceffcre ad hanc pecunia fummam, captis Ferfagadis<br />

, (ex mïïïm takntorum : Cyrus Perfar<br />

ga<strong>du</strong>m urbem condiderat, quam Alcxandro prit*<br />

feBus ejus Gobares tradidit.<br />

21. Rex arcem Perfepoiis, in millibus mace~<br />

donum prafidm rtliBis , Nicarîhidem tueri jubet ;<br />

Tyridati quoque, qui gaçam tradidêrat, fervatus<br />

efi konos quem apud Darium habuerat ; magnaque<br />

extrcuûs <strong>par</strong>te & impedimentis ibi reliSis,<br />

Parmtnionem Craterumque pmftcit. Ipfe , cum<br />

• mille equitibus peditumque expeditd manu , inte*<br />

riorem Perfidis regionem % fui ipfum Verglliarum<br />

fi<strong>du</strong>s *, petiit ; mdmque imhrêus & prope m*<br />

* Vergili* font les Pléiades,, fept étoiles dam U<br />

figne <strong>du</strong> Taureau, dont iî ne <strong>par</strong>oît plus que fiz. Quand<br />

elles commencent à <strong>mont</strong>er fur î'horifon & à s'y monrer<br />

après le foîeil couché % le foleil eft à fa fignes de


LIVRE V. CHAP. VI. i5i<br />

mx horreurs de la cruauté que cette ville fut expofé«<br />

après que l'ennemi l'eut prife ; les foldats, chargés d'or<br />

& d'argent f tuoient <strong>par</strong> dédain leurs prifonniers t &<br />

naflâcroient <strong>par</strong>tout où ils les rtncontroient ceux-mêmes<br />

à qui l'efpoir d'une rançon avoit d'abord fait accorder<br />

quelque pitié. Plufieurs en cenféquence, voulant y <strong>par</strong><br />

une mort volontaire , prévenir la fureur des ennemis 9<br />

fe revêtirent de leurs habits les plus précieux & feprécipitèrent<br />

<strong>du</strong> haut des murailles avec leurs femmes<br />

& leurs enfants ; d'autres , jugeant que l'ennemi ne<br />

tarderoit pas à le faire , mirent le feu à leurs maifons,<br />

pour s'y brûler vifs avec leurs familles. Le roi défendit<br />

enfin d'attenter à la pudicité des femmes & de les dépouiller<br />

de leurs ornements. On porte à une quantité<br />

prefque incroyable l'argent qu'on prit dans cette place z<br />

au furplus, Il faut douter de tout le relie., ou croire<br />

qu'il fe trouva dans le tréfor de cette ville jufqu'à'<br />

ceiit-vingt-mille talents ; & Alexandre, les ayant destinés<br />

aux frais de la guerre, fit venir de Suze & de<br />

Babylone des bêtes de charge & des chameaux pour<br />

les emporter. A cette femme furent encore ajoutés fixmille<br />

talents de la prife de Perfagade : cette ville,<br />

fondée <strong>par</strong> Cyrus., fut livrée à Alexandre <strong>par</strong> Gobarès,<br />

qui en étoit gouverneur.<br />

21. Ce prince donna le commandement de la fortereffe<br />

de Perfépolis à Nicarthides, avec une garnifos<br />

de trois-mille macédoniens ; d'autre <strong>par</strong>t, il maintint<br />

dans le rang qu'il avoit auprès de Darius, Tyridates s<br />

qui avoit livré le tréfor ; & laiffant là une grande<br />

<strong>par</strong>tie de fon armée avec les bagages, il en chargea<br />

Psrménion & Cratère.' Pour lui, fuivi de mille cheraux<br />

& 4*un camp volant (Finfanterie, il s'avança dans<br />

l'Intérieur de la Perfe au commencement de l'hiver ; &<br />

quoique contrarié <strong>par</strong> d'abondantes pluies & <strong>par</strong> une<br />

dillance fie dans celui <strong>du</strong> Scorpion ; c'eft donc aux approches<br />

de l'hiver, comme je le dis pour être enten<strong>du</strong> :<br />

les neiges dont il eft <strong>par</strong>lé tout de fuite après s en font<br />

une nouvelle preuve*


%6% LIBER V. CAP. FI.<br />

tolerabUi umpefiam vexaius , procéder* tamen<br />

quo manderai perfeverav'u. Venium erat ad iter<br />

perpemis obfitum nivibus quas frigoîis vis getu<br />

adftr'mxerat ; iocorum fqualor & folkudlms învim<br />

fatigatum militent tembant, humanarum rerum<br />

termines fe videre credeniem ; omnia vafta. atque<br />

fine ulh humani cultûs veftigm attonki intutbantur<br />

; & antequam lux quoque & atlum ipjbs<br />

deficerent, reverti jubcbant. Rex caftigare territos<br />

fuperfedit ; ceterum , ipfe equo dejuih, pedesque<br />

per nivem & concretam glaciem ingredi ccepit*<br />

Erubuerunt non fequi , primum amici , deinde<br />

copiarum <strong>du</strong>ces, ad ulûmum milites : primusque<br />

rex , dolabrd glaciem perfiingens^, iter fibi<br />

fecit ; exemplum régis ceteri imitati fiait* Tandem<br />

propemo<strong>du</strong>m invias filvas emenfi , humani<br />

cultes rara vefiigia & paffim errantes pecorum<br />

grèges reperêre : & incola , qui /<strong>par</strong>fis tuguriis<br />

habkabam quum fe callibus invus feptos effe credidifiint,<br />

ut confpexêre hofiium agmen , interfiâtis<br />

qui comitari fugientes non poterant, dévias <strong>mont</strong>es<br />

& obfitos nivibus petiverunt ; aide per cottoquia<br />

captivomm paulatim ferkate mkigatâ , tradi-<br />

' dire Je régi ; nec ai dedkos graviùs confidtutru<br />

- Vaftatb deinde agris Perfidis, vicisque compluribus<br />

reda&s in potefiatem, ventum eft m mardo~<br />

mm gentem , bellicofijjîmam & rmâtum a ceteris<br />

perfis cultu vite abhorrentem^ Specus in momibus<br />

fodiunt, in quos feque ac conjuges & liberos coti<strong>du</strong>m<br />

; pecorum aut fer arum carne vefcuntur. Ne<br />

femims quidem, pro notant habitu, molliora ingénia<br />

funt ; coma promment Mrta ; vejiis fuper


LIVRE K CM A p. VL 265<br />

faifon prefqwe infoutenable, il ne laifTa pas d'avancer<br />

& de futvre fon projet. On étoit <strong>par</strong>venu à n'avoir<br />

plus qu'un chemin couvert de neiges éternelles <strong>du</strong>rcies<br />

<strong>par</strong> la gelée ; l'horreur de ces lieux, la vue de ces<br />

déferts Impénétrables épouvantoient les foldats , excédés<br />

d'ailleurs de fatigue & fe croyant au bout <strong>du</strong> monde ;<br />

ils contemploient avec étennement ces immenfes foRîudes<br />

, ou il ne <strong>par</strong>oifloit aucune 'trace d'habitation<br />

humaine ; & ils demandoient fortement à retourner ,<br />

avant que le ciel & la lumière vinflent à leur manquer tout<br />

à fait. Le roi ne voulut pas ajouter la réprimande à l'effroi ;<br />

mais il defcendit de fon cheval, & fe mit à marcher à<br />

pied à travers la neige & la glace la plus <strong>du</strong>re. La honte<br />

de ne le pas fuivre fit impreflîon, d%bord fur fes courtifans,<br />

puis fur les Chefs des troupes , Bc enfin fur les<br />

foldats : & .le rot le premier, rompant la glace avec<br />

une coignée., s'ouvrit un chemin; les autres fuivirent<br />

fon exemple. .Enfin après avoir traverfé des forêts<br />

prefque inabordables f ils trouvèrent quelques traces<br />

d'hommes & des troupeaux errants çà & là : & les<br />

habitants, qui logeoient dans des cabanes é<strong>par</strong>fes , <strong>par</strong>ce<br />

qu'ils fe croydient affez défen<strong>du</strong>s <strong>par</strong> la difficulté d'aborder<br />

chez eux , -n'eurent pas plus tôt apperçu l'armée<br />

ennemie .» que tuant ceux qui ne pouvoient les accompagner<br />

dans leur fuite, ils gagnèrent des <strong>mont</strong>agnes écartées<br />

& couvertes de neiges: mais enfuite s'étant apprivoifés<br />

peu à peu <strong>par</strong> leurs entretiens avec les prifonaiers,<br />

ils fe. rendirent au roi; & on ne les traita pas<br />

plus mal après leur foumiffion. Après qu'on eut ravagé<br />

les campagnes de la Perfe & fournis plufieurs bourgades<br />

, on arriva chez les mardes , nation très - belli-<br />


264 LIBER V. CAP. FIL<br />

genua ejl ; fundâ vinciunt fronttm , hoc & orna»<br />

mentum capitis & lelum eft. Sed hanc quoque genlem<br />

idem fortunœ 'impetus donnât, Itaque , trigefi-<br />

•mo <strong>du</strong>, pofleaquam à Perfepoii profeêÊus erat,<br />

€jdem rediit ; dona deinde amicis ceterhque, pro<br />

•cujufque mémo , dédit : proptmo<strong>du</strong>m omnia qum<br />

in eâ urbe ceperat -diftributa.<br />

VIL Cetèrum ,-mgentia animi bona, illam mdoiem<br />

quâ omnes reges' antecejpt, illam in fub~<br />

tandis periculis conjiantiam, in rébus moliendis<br />

effic'undhque velocitaterti , in deditis fidem, m<br />

captivos cUmentiam-, invohptalibus permijfis quoque<br />

& ufitatis temperanûam, haud tolerabili vini<br />

cupiditate fœdavit. Hofle & amulo regni ré<strong>par</strong>ante<br />

mm quum maxime bellum, nuper fuba&'u<br />


LIVRE V. CHAP. FIL x6j<br />

vêtement ne paffe pas les genoux; elles fe ceignent<br />

la tête d'une fronde, qui leur fert d'ornement & d'arme<br />

tout à la fois. Mais cette nation,, cédant comme les<br />

autres au torrent de la fortune, fut également domptée,<br />

Àmfî, trente jours après fon dé<strong>par</strong>t de Perfépolis,<br />

Alexandre y retourna ; il y fit des préfents aux Grandi<br />

de fa cour & aux autres, félon îe mérite de chacun:<br />

il ; diftribua ainfi prefque tout ce qu'il avoit pris dans<br />

©site ville*<br />

VIL Au refte, ces grandes qualités de Pâme, ce<br />

naturel qui Ta mis au deffus de tous les rois s cette<br />

fermeté dans les périls, cette célérité pour entreprendre<br />

-& pour exécuter, cette bonne foi envers ceux qui fe<br />

rendoient, cette clémence'envers les-prifonniers, cette<br />

modération jufque dans les pîaifirs permis & ordinaires f<br />

tout cela fut fouillé <strong>par</strong> fon penchant infupportable<br />

pour l'ivrognerie. Tandis que fon ennemi, fon concurrent<br />

à l'Empire t fefoit les plus grands efforts pour<br />

recommencer la guerre, que les peuples nouvellement<br />

fournis voyoient de mauvais œil la nouvelle puiflance .<br />

qui les avoit fubjugués j il donneit en plein jour des<br />

feftins j où afliftoient des femmes, non pas de celles<br />

à. qui ce fût un crime de manquer, puifque c'étoient<br />

des courtîfanes accoutumées à vivre dans une licence<br />

exceffive au milieu des gens de -guerre. Thaïs, l'une<br />

d'entre elles, s'avife dans l'ivrefle de foutenir, que le<br />

roi l'affûreroit au plus haut degré la bienveillance de<br />

tous les grecs en fefant mettre le feu au palais des<br />

rois de Perfe ; que é'étoit l'attente de ceux dont les<br />

barbares avoient détruit les villes. Quoique ce ne fût<br />

qu'une courtifane gorgée de vin qui donna fon avis fuc<br />

une affaire fi grave , chacun, dans la chaleur <strong>du</strong> vin, fe<br />

hâte d'applaudir ; le roi lui-même, plus emprelfé .que<br />

circonfpecl, s'écrie ; Que tardons-nous donc à venger la.<br />

Crkçe & à brûler la ville? ils étoient tous échauffés <strong>par</strong> le<br />

vin ; ils fe lèvent donc .pour brûler lf dans l'emportement<br />

de Fivreffe, une ville qu'ils avoient é<strong>par</strong>gnée les* armes à •<br />

la main : îe roi le premier mit le feu au palais," & après<br />

Tome L M


i66 LIBER V. CAP. FIL<br />

mvm , & mmîftri, pellicesque. Multa 'ctdro a£~<br />

ficata erat regia , qua , ceîtriter igné concepto $<br />

latè fudk ïncendium. Quod ubi exerchus , qui<br />

haud proad db urbe tendebat, confpexit ; fortetum<br />

ratus, ad opem ferendam concurrit : fed ut<br />

4d veftibulum regia ventum efi , vident regemîpfum<br />

adhuc aggerentem faces ; omiffâ igitur quam<br />

portaverant aquâ 9 aridam maieriam in inandium<br />

jacert catpemnu<br />

'23. Hune exïtum habua régla totîus Orientbï<br />

unde tôt gentes ante jura pttebant , patria tôt<br />

regum, unicus quondam Grœc'm terror ; moiita<br />

mille mvium clajfem & exerchus quibus Eurom<br />

inundataeft, contabulatô mari molibus, perfof<br />

fisque <strong>mont</strong>ibus, in quorum fpe.cus fretum immif<br />

fum efl* Ac m longâ quidem mtate qua exch<br />

dium ejus fequuta efl refurrexit. Alias urbes habuire<br />

macedonum reges, quas nunc habent <strong>par</strong>thi ; aujus<br />

vefligium non inveniretur, nifi Araxes amnis<br />

oflenderet : haud procul nmnibus fluxerat ; inde<br />

urbem fuiffe xx ftadiis diflantem, cre<strong>du</strong>nt magis<br />

quam fciunt accola. Pudebat macedones tam praclaram<br />

urbem à commeffabundo rege deletam effe ;<br />

itaque res in ferium ver fa eft , & imperaverunt<br />

fïbi ut crederent Ulo potijfimum modo fuiffe delendam<br />

: ipjkm , ut primum gravatam ebrietate<br />

mentem quks reddidit* pmnitwjfe confiât & dixif<br />

fi, majores panas perfas gmeis daturos fuiffe %<br />

fi ipfum in folio regiâque Xerxis refpicere coaêi<br />

ejfent. Pôftsro die lycio , iûneris quo Perfidem<br />

ïntranrat <strong>du</strong>â, xxx talenta donp dediu Hinc


LIVRE V. CHAP. VIL 267<br />

lui les conviés , les officiers, & les courtifanes. Ce, palais,<br />

pour îa plus grande <strong>par</strong>tie, étoit en bois de cèdre t<br />

qui, ayant bientôt pris feu , porta aifément l'incendie<br />

au loin. L'armée , qui n'étoit pas campée loin de la<br />

ville, s'en étant apperçue, penfa-que c f étoit un accident<br />

fortuit & s'empreffa d'apporter <strong>du</strong> fecours : mais<br />

arrivés à la porte <strong>du</strong> palais, les foldats voient le roi<br />

lui-même animer le feu; alors au lieu de faire ufage<br />

de l'eau qu'ils avoient apportée, ils fe mettent à jeter<br />

auffi dans le*feu des matières fèches & combuftibîes.<br />

23. Telle fut la fin de la ville capitale de tout<br />

l'Orient, qui au<strong>par</strong>avant donnoit des lois à tant de nations<br />

, qui avoit été la patrie de tant de rois t & qui<br />

-feule depuis long temps étoit la terreur de îa Grèce ;<br />

ville, qui, ayant équippé* une flotte de mille voiles<br />

& mis fur pied des armées dont l'Europe fut inondée f<br />

couvrit la mer de fes vaifteaux , perça les <strong>mont</strong>agnes §<br />

& lit entrer la mer dans leur fein. Et dans le long<br />

intervalle de temps qui s'ell écoulé depuis fa deftruc-tion,<br />

elle ne s'eft point relevée de fa chute.* Les macédoniens<br />

ont poffédé cPautres villes, qui font aujourdhui<br />

au pouvoir des <strong>par</strong>thes ; :mais de celle-ci on. ne<br />

trouverait aucun veftige, fi le fleuve d'Araxe ne fervoit<br />

de renfeignement : il avoit fon cours peu loin de<br />

cette place 5 & c'étoit a la diftance' de.' vingt ftades9<br />

a s'en rapporter, finon aux preuves, <strong>du</strong>* 'moins â l'api»<br />

nion des gens <strong>du</strong> pays. Les macédoniens avoient honte<br />

qu'une ville fi diftinguée eût été détruite <strong>par</strong> leur roi<br />

dans une <strong>par</strong>tie de débauche; auffi tournèrent-ils la<br />

ihofe au férieux,' & ils prirent fur eux de fe perfuader<br />

que c'étoit uniquement de cette manière qu'elle<br />

avoit dû être détruite : mais le prince, quand le fomnteil.tut<br />

diflipé les fumées <strong>du</strong> vin, en.ïut fâché, &,<br />

tt.eft certain qu'il dit, que les grecs auroient été<br />

mieux vengés des perfes, fi ceux-ci avoijçn-t été contraints<br />

de le voir fur le trône & dans le palais de<br />

iCerxès. Le lendemain il fit préfent de trente talents<br />

-au lyci'en qui lui avoit moatrî le chemin de la Perfe.<br />

M ij


a.68 LîSER V. -CAP. FUI<br />

m reghnem Média tranfiu, ubi fupplementum nxh<br />

vorum mïïitum è Cïïiciâ occurrit ; ptdkum eranî<br />

qumque -millia, équités mille ; utrisque-Plato athenîenfo<br />

pmerat : Mis copus auMua s Darium ptf<br />

fequi fiatuk*<br />

• VIE. Me jdm Ecbatam pervenerat , capm<br />

Media : urbem hanc mmc tenent <strong>par</strong>thi, eaqm<br />

mftiva agentèbus fedts eft. Adiré deinde ËaËrâ<br />

deereverat ; fed vertus ne céleritate Alexandri<br />

occu<strong>par</strong>etur % conftlium kerque mutavit : obérât aè<br />

eo Alexander ftadia MD * fed jam nullum inter*<br />

vallum advenus celeritatem ejus fatis tongum vi*<br />

•debatur.; itaque pralio magh quant figes fe pra*<br />

'<strong>par</strong>abaL Triginta mîllia pedkum fequebantur , in<br />

qu'eus grmcorum erant quatuor mîllia , fide erga<br />

regem ad ultimum invUtd. Fun<strong>du</strong>orum quoque &<br />

fagiêtariomm manus quatuor millia expleverat ;<br />

pmter hos\ m mîllia •& ccc tquites- trani ,<br />

maxime bakrianorum : BeJJks prêterai, baêrianm<br />

urbis rfgiomsque pmfeBus* -Cum hoc agmine Darius<br />

paulum declinavit via' militari, juffis prêtéedere<br />

lîxîs impedimentorum ' cujiôdibus. Confilio<br />

deinde advocato-., Si me fum îgnayis, inquït,<br />

& pluris qualemcumque vitam hcmeftâ morte<br />

aeftimantibus foituna junxifTet, tacerem potiùs<br />

quam fraftra yerba confumerem ; fed majore<br />

quam veilem document© fy virtutem veftram<br />

& fidem expertes., magis ;etiatn coimiti debeo<br />

•ut dignus -talibus amicis fim , qaam <strong>du</strong>bitare<br />

an veftri -fimiles adhuc fitis. Ex. tôt millibus<br />

qu» fiib intperio &etunt meo, bis me viébim,<br />

bis fugientem perfequuti eftis ;' fides veftra &<br />

conftantia.ut regem pi£ effç gre^amfacit Prodi^


LèVRE V* CM A P. VIII 26g?<br />

De là il paffa dans- la Médie, où H rencontra- de»<br />

recrues qu'on lui amenoit de la Ciiicie ;. elles confiftoient<br />

ea cinq-mille hommes de pied & mille chevaux, les<br />

uns & les autres fous les ordres de Platon d'Athènes ;<br />

avec ce renfort, il. réfolut de pourfuivre Darius.<br />

VIIL Ce prince-étoit déjà arrivé à Ecbatanev capitale<br />

de la fAéiie : cette ville eft aujourdhui au pouvoir<br />

des <strong>par</strong>thes , & c*e& là- que leurs rois paflent l'été. Ilavoit<br />

eu deffein de palier de là à Baâres ; mais dans:<br />

la crainte qu'Alexandre ne fit allez de diligence pourle<br />

prévenir , il changea d'avis & de* route : Alexandre<br />

étoit à quinze-cents ftades de lui, mais il ne trouvait<br />

plus de dillance affez longue pour le raffûrer contre<br />

la célérité de fa marche ; ainfi, il fe tenoit prêt pour<br />

îe combat plus tek que pour la fuite. Il avoit à fa fuite<br />

trente-mille hommes de pied', y compris quatre-mille<br />

grecs, qui lui gardèrent jufqu'à la lin une fidélité in-<br />

Yiolabïe. 11 atoit encore un corps complet de quatremille<br />

frondeurs & archers; & en outre trois-mille<br />

trois - cents cavaliers, principalement compofés de<br />

ba&riens : ils étoient fous les ordres de BeïTus , Satrapt<br />

de la BaAriane & de fa capitale. Avec cette armée<br />

Darius s'écarta un peu de la voie militaire y après avoir<br />

envoyé devant les valets qui étoient chargés de la •<br />

garde des bagages. Ayant enfuite aflemblé fon Confeil,<br />

Si la fortune , dit-il, m'eût affecté à des lâches ,<br />

qui fiffent plus de cas de la vie, à quelque condition<br />

que ce fui, que d f une mort honorable, j'aimerois mieux<br />

me taire que de perdre mes pamhs avec eux ; mais ayant<br />

eu <strong>par</strong> mom expérience des preuves plus fortes que je ne<br />

voudrois de vmre valeur & de votre fidélité f je dois bien<br />

plus têt m 9 efforcer de mon cûié à me rendre digne de<br />

Mis amis, qu§ de douter fi vous êtes encore femblables<br />

à vous-mêmes. De tant de milliers d'hommes qui émient<br />

fous mes ordres , vous êtes lesfeuls qui aye\ eu. le courage<br />

ik me fièvre 9 quoique vaincu deux fois, quoiqu r obligé deux<br />

fois de prendre la fuite £ il m'y a plus que votre fidélité &<br />

vmre ionfimeesui m laiffent troin que je fuis mi% Les<br />

» M iï\


27© LIMER K CAP.. VIIL<br />

tores & transfuge in urbibus meis régnant ;<br />

non, Hercule ! qui tanto honore digni habeantur<br />

.9 fed ut praemiis eorum veftri foMcitentur<br />

animi. Meam tamen fortunam quam viftorïs<br />

maluiftis fequi , digniffimi quibus, fi ego non<br />

poffim , dii pro me gratiam référant ; &, me<br />

Hercule ! réfèrent : nulla erit tam furda p@fte*<br />

ritas , nulla tam ingrata fama , quae non in ccelum<br />

vos debitis laudibus ferat Itaque, etiamfi<br />

conlilium faga? , à quâ multum abhorret ani—<br />

mus, agitaflem ; veftrâ tamen virtute fretus f<br />

obviam iffem hofti. Quoufque enim in regno<br />

cxulabo & per fines Imperii mei fugiam externum<br />

& advenam regem , quum liceat, experte*belli<br />

fortunam a aut re<strong>par</strong>are quae amifi aut<br />

honeftâ morte defiingî ? nifi forte fatius eft<br />

' exfpeclarê vicions arbitrium, & , Mazaei &<br />

Mithrenis exemplo , precarium accipere regnum<br />

nationis ^unius , ut jam malit ille gîoriae fuae<br />

quam ira obfequi. Nec dii fiverint ut hoc<br />

decus mei capitis aut 4^mere mihi quifquam.<br />

aut condonare poflit ! nec hoc Imperium vîvus<br />

amittam, idemque erit regni mei qui & fpiritûs<br />

finis. Si hic animus, u haec lex ; nulli non<strong>par</strong>ta<br />

îibertas eft : nemo è vobis faftîcfium macedonum<br />

, nemo vultum luperbum ferre cogetur;<br />

fua cuique dextra aut ultionem tôt malorum<br />

<strong>par</strong>iet aut finem. Equid'em quam veriabilis<br />

Fortuna fit documentum ipfe fiim, nec<br />

ïmmerito mitiores vices ejus exîpeclo ; fed fi<br />

jufta ac pia bella dii averfantur , fortibus ta-»<br />

men viris licebit honeftè mon. Per ego vos


LIVRE V. CHAP. FUI. 271<br />

traîtres & les transfuges régnent dans mes villes' ; & cm<br />

n*eft pas r je le jure, qu'on les croye dignes de cet hon~<br />

mur 9 mais c'eft pour tenter votre courage <strong>par</strong>Vappât, des<br />

rtcompenfcs qu'on leur s accordées. Vous AVC\ cependant<br />

mieux aime vous attacher à ma fortune qu'à celle dm<br />

vainqueur, Bien dignes sn cela, fi je ne le peux faire<br />

moi-même , que les dieux vous en récompenfent ;_ & ils le<br />

feront, j'en-fuis sûr: ta poftériti ne fera jamais ajfet<br />

fiupide, la renommée ne fera jamais affei injufte, pour<br />

ne pas porter vos louanges jufqu'au cieL Auffi,' qu'ami<br />

j'aurois eu quelque deffein de lâcher le pied, • ce dont<br />

mon courage eft bien éloigné; foutenu <strong>par</strong> votre, valeur,<br />

je ne laijferois pas daller au devant de l'ennemi. Car<br />

jujqu'à quand enfinferai-je exilé dans mon propre royaume t<br />

& forcé de fuir dans toute Véten<strong>du</strong>e de mon Empire<br />

devant un prince étranger & un aventurier, tandis qu'avec<br />

$ expérience que j'ai de la guerre, je peux encore ou ré<strong>par</strong>er<br />

mes pertes ou obtenir une mort glorieufe ?• fi ce n'eft. peutêtre<br />

qu f il me fait plus convenable d'attendre ce qu'il<br />

plaira au vainqueur (tordonner , &, à Vexemple de<br />

Ma^ée & de Mithrènes, de recevoir de lui la permijjion<br />

précaire de régner fur une feule province, pourvu toutefois<br />

qu'il aime mieux fatisfaire les intérêts de fa gloire<br />

que ceux de fa colère. Veuillent les dieux ne permettre<br />

jamais que perfonne puiffe m'6 ter ou me laiffer à f on gré<br />

la couronne dont ma tète eft ornée ! tant que je vivrai<br />

je ne perdrai point mon Empire 9 & je ne cefferai de<br />

régner qu'en ceffant de vivre. Si vous êtes dans cette<br />

difpofition ific*eftla loi que vous vousprefcrivê[; la liberté<br />

de tous eft affûtée : perfonne de vous ne fera forcé d f ef<br />

fuyer les dédains , de fupporter les regards infultants des<br />

macédoniens i chacun faura de fâ- propre main venger ou<br />

terminer tant de maux. Je fuis fans doute un grand<br />

exemple de l'inftabilitê de la Fortune, & je fui% fondé •*<br />

attendre de fa <strong>par</strong>t quelque révolution plus favorable :<br />

mais fi les dieux ne favorifent pas des entreprifes infpirées<br />

<strong>par</strong> la juftke & <strong>par</strong> la piété, des hommes courageux<br />

pourront <strong>du</strong> m.olns mourir avec honneur. C'eft donc <strong>par</strong><br />

M iv


272 LIBER V. CAP. IX.<br />

décora majorum qui totius Orientîs régna cum<br />

memorabili laude tenuerant, per illos vîros<br />

quibus ftipendium Macedonia quondam tulît,<br />

per tôt nayium claffes in Gneciam miffas r per<br />

îot tropaea . regum oro & obteftor, ut nobilitate<br />

veftrâ gentisque dignos fpiritus capiatis ;<br />

ut, eâdem conflantiâ animoram quâ praterita<br />

toleraftis ; experiamini quidqmd deinde fors<br />

tulerit, : me . certè in perpétuent aut viftoria<br />

egregia nobiHtabit'aut pugna.<br />

IX. Hœc dicente Darïô, prafentis pericuTi fpe~<br />

mes omnium fimul corda animosque àorrore perfirinxerat,<br />

nec aut confiiium fuppetebat aut vox ,*<br />

quum Artabams , vetuflijfimus amkorum , qutm<br />

ho/pitem fuijfe PkUippi fape dbeimus, Nosvero,<br />

inquk, pretiofiffimâ veffium in<strong>du</strong>ti , armisque<br />

quanto maximo cultu poffumus adomati , regem<br />

in aciem fequemur , eâ quidem mente<br />

vicloriam ut fperemus, mortem non reeufemus.<br />

Afiênfu ixcepire ceteri hanc vocem* Sed Nabarçanes<br />

, qui in eodem confilio irai, cum Befib<br />

inauditi antea facinoris focietate irûtâ , regem<br />

fuum , per milites quibus ambo pmerant » com- «<br />

prehendere & vincire decreverant : eâ mente ut»<br />

fi AUxander ipfos infequutus foret, tradito rege<br />

mvo , mirent gratiam viSoris, magns profèëà<br />

€epi£k Darium aftimaturi ; fin autem eum ejfugere<br />

fotuiffent > interfiSo Dario , regnum fibi occu<strong>par</strong>tnt<br />

bellumque renovarent. Hoc <strong>par</strong>ricidium quum<br />

.dût volutajjent, Nabarçancs aditum nefaria fvei<br />

pm<strong>par</strong>ans, Sciome, inquk, fententiam effe aie*<br />

'jtarum prima fpecie faaud quaquam auribus tuîs


LIVRE V. CHAP. IX. 275<br />

ta. gloire de vos ancêtres qui ont tenu l'Empire de tout<br />

VOrient d'une manière fi digne de louange % c*efi <strong>par</strong> les<br />

cendres de ses grands hommes dont la Macédoine fus<br />

anciennement tributaire, e 9 eji <strong>par</strong> le [ouvenir de tant de<br />

floues nombreuses expédiées contre la Grèce » c'ejl enfin<br />

<strong>par</strong> tant de viBoires de vos rois, que je vous prie &<br />

vous conjure de prendre des fentiments dignes de la gloire<br />

nationale & de votre propre nobleffe ; afin que vous foutenie^<strong>par</strong><br />

la fuite [tous les caprices de la Fortune, avec<br />

Autant de confiance & de courage que vous en ave\ <strong>mont</strong>ré<br />

dans les événements paffés : pour moit mon <strong>par</strong>ti efi<br />

pris pour toujours, de me fignaler <strong>par</strong> une iUuftre victoire<br />

ou au moins <strong>par</strong> un combat glorieux.<br />

IX. Pendant ce dîfcours de Darius, l'image <strong>du</strong> danger<br />

préfent avoit faiïi d'horreur les efprits & les cœurs<br />

de tout le monde, & on ne favoit ni que faire ni<br />

que dire; lorfqtt'Artabaze f le plus ancien de fes confidents*<br />

qui, comme nous l'avons fouvent dit, avoit été à -<br />

la cour de Philippe , <strong>par</strong>la ainfi : Jffurément nous avons<br />

pris nos plus riches habits & nos" plus belles armes pour<br />

fuivre le roi au combat, bien déterminés à efpércr la vie»<br />

toire & à ne pas craindre la mort. Les autres furent<br />

•<strong>du</strong> même fentiment. Mais Nabarzanes, qui affiftoit à<br />

ce confeil, ayant comploté avec Beffus un crime jufqu'aîors<br />

inouï dans la Perfe f avoit réfolu de fe faifir<br />

<strong>du</strong> roi & de le charger de chaînes, <strong>par</strong> le mmlftère des<br />

troupes qui étoient fous Les ordres de ces deux officiers<br />

: leur intention étoit, s'ils étoient pourfuivis <strong>par</strong><br />

Alexandre, en lui remettant le roi vif entre les mains >.<br />

d'obtenir les bonnes grâces <strong>du</strong> vainqueur, qui. compteront<br />

fans doute pour beaucoup la prife de Darius ;<br />

û au contraire ils pouvoient lui échapper, de tuer<br />

Darius, de s'em<strong>par</strong>er <strong>du</strong> royaume % & de recommencer<br />

la guerre. Comme ils étoient depuis long temps, occupés<br />

<strong>du</strong> projet de ce <strong>par</strong>ricide ; Nabarzanes-, pour<br />

frayer le-chemin à l'exécution de Tes criminelles efpétances<br />

, Je fais , dit-il» que je vas ouvrir um avis que<br />

êMtpremitr abord il vous déphim d'cmendre-i mais c'efi<br />

M ¥


274 LIBER V. CAP. IX.<br />

gratam : fed medici quoque graviores morbosafperis<br />

remedïis curant ; & gubemator 9 ubi<br />

naufragium timet , jaélurâ quidquld iervari<br />

poteft redimit. Ego tamen , non ut damnum<br />

quidem facias 9 madeof fed ut te ac regnum.<br />

tuum falubri ratione conferves, Diis adverfis<br />

bellum inimus, & pertinax Fortuna perfas urgere<br />

non définit : novis initiis & ominibus opus eft^<br />

aufpïcium & imperinm alii trade intérim f qui<br />

tamdiu rex appeîletur donec Afiâ decedat boftis ,<br />

vi$or deinde regnum tibi reddat. Hoc autem brevi'<br />

futurum ratio promittit : Baôra intafta funt ; indi<br />

& facae in tua poteftate ; tôt populi, tôt exerci—<br />

tus * tôt -equitum peditumque millia ad reno—<br />

van<strong>du</strong>m bellum vires <strong>par</strong>atas habent, ut major<br />

belli moles fuperfit quam exhaufta fit. Quid ruî*<br />

mus belluarum ritu in perniciem non neceffariam<br />

? Fortium viroram eft magis mortem contemnere<br />

quam odifle vitam; faepe taedio laboris<br />

ad vilitatem fui compelluntur ignavi, at<br />

virtus nihil inexpertum omittit : itaque, ulti—<br />

mum omnium mors eft , ad quam non pigrè<br />

ire fatis eft. Proinde, fi Baâra , quod tutiffi^<br />

mum receptaculum .eft 9 petimus ; prafecturm<br />

regionis ejus , Beffum, regem , temporisgratià^.<br />

ftaruamus : compofitis rébus, )ufto régi tibi fi<strong>du</strong>-ciarium<br />

reftituet imperium»<br />

z6> Haud mirum eft. Darium non temperajjc,<br />

animo , quanquam tam impîa vo.cî quantum nefas.<br />

fubtfyct latefaL- -Itaque % Peiîirrmm > mquit*<br />

snancipmm , reperifti optatum tibi tempos quo


LIVRE K CMAF» IX- 2jf<br />

éœji que , dans les maladies les plus graves f les médecins<br />

ont recours aux remèdes violents ; & qu'un, pilote f<br />

Menace <strong>du</strong> naufrage, confint a perdre quelque chofe pour<br />

retenir tout ce qu'il peut fauvef. Mon avis cependant a<br />

pour objet, nom de vous caufer quelque dommage, mais<br />

de vous préfenter un moyen falutaire pour conferver votre<br />

perfonne & votre Empire* Les dieux nous font contraires<br />

dans la guerre que nous ftfons f & la Fortune opiniâtre<br />

ne ceffe de perfécuter les perfes ; nous avons donc befoiû<br />

de recommencer la guerre fous d'autres aufpices ; cédt\<br />

pour un temps les aufpices & l'Empire à un autre, à la<br />

charge qu'il ne gardera le nom de roi que jufqu'à ce que<br />

l'ennemi ait évacué VA fie, & qu'après cette victoire il<br />

vous rendra la couronne. Or que cette révolution ait<br />

Bientôt lieu , il eft ajfe\ raifonnable de l'efpérer : la •<br />

Maûriane eft encore intacle ; les indiens & les faces font<br />

en votre difpofition ; tant de peuples, tant d* armées, tant<br />

de milliers d'hommes de cavalerie & d f infanterie » vous<br />

offrent des forces toutes prêtes pour recommencer la guerre »<br />

qu'il refte en effet plus de moyens pour la terminer qu'elle<br />

n'en a coûté jufqu'à préfent. Pourquoi courons-nous fans<br />

néce£itéf comme des brutes, a notre perte ? Le propre<br />

des grands- courages eft plus tôt de méprifer la mort que<br />

de haïr la vie ; fouvent le dégoût <strong>du</strong> travail & de hê.<br />

peine porte les lâches à ne faire aucun cas d'eux-mêmes 9<br />

mais la valeur effaie de toutes les reffources : puis donc<br />

que la mort eft la dernière de toutes, c'eft affe^ de s'y<br />

préfenter fans lâcheté» Par conféquent, fi nous prenonsle<br />

chemin, de la BaUriane, qui eft une retraite trèsaffûrée<br />

; déférons , à caufe des malheurs, <strong>du</strong> temps, la.<br />

royauté à Beffmt qui a le gouvernement de cette pro~<br />

vinct : quand les affaires feront rétahlies, il vous remettra,<br />

comme au. prince légitime, l'Empire que vous<br />

lui aure\ confié»<br />

26. ÎI n'eft pas étonnant que Darius ne fe (bit pas<br />

modéré, quoiqu'il ne vît pas toute Fhorreur <strong>du</strong> crime<br />

que voiloit un fi déteûable langage» Méchant efclave\<br />

ixt-W 1 crois-tu avoir trouvé MM moment conforme i tes<br />

M. vi


276 . LIBER F. CAP. IX.<br />

<strong>par</strong>ricidium aperires ? ftriBoque aclnace, ÎMer~<br />

fêBurus videbatur ; ni properè Beffus baSrlanique<br />

, triftium fpecie , ceterum , fi perfcveraret »<br />

vinBuri , circumftetiffent. Nabar\anes intérim elapfus<br />

, mox & Btffus fequutus , copias [quibus prtzerantàcetero<br />

exerckufecedere jubent, fecutum bûmri<br />

çonfilmm. Artaba^us, convenkntem pmfenti fortu**<br />

nm fcntcntiam or fus , midgare Dar'mm, temporum<br />

Identidem admonens , cœpit ; ferret aquo anima<br />

qualiumcumqm, fuorum tamen t vel fiultitiam vel<br />

errorem : inflare Alexandrum , gravem eûamfi<br />

omnes praflo efftnt ; quid futurum , fi perfequuti<br />

fugam ipfius alienemur à rege ? Eâ re <strong>par</strong>uit<br />

Artabaqo ; & quanquam movere caftra flatuerat*<br />

mrbatis tamen omnium animis 9 eodem m loco<br />

fubfthit ; fed, attonitus mœftitiâ fimul & defperatione<br />

s tabernacuh fe inclufiu Ergo , in caftris<br />

quœ nullius- regebantur imperio , varii animorum<br />

motus erant, me in commune ut antea- confukbafur.<br />

Dux gracorum militum , Patron ,. arma ca~<br />

père fuos jubet <strong>par</strong>atosque effe ad exequen<strong>du</strong>m<br />

smperium. Perfa fecefferant ; Beffus cum ba&rianis<br />

erat, tentabatque perfas ab<strong>du</strong>cere , Ba&ra,<br />

& intaMm regionis oputentîam, fimulque quœ manentibus<br />

inflarent ptriciâa p ofientans : perforum<br />

omnium eadem firè fuit vox % nefas effe deferi<br />

regem. Inter hac Artaba^us omnibus imperatoriis<br />

fungebatur offciis ; ille perfarum tabernacula circumire9<br />

hortari.9 <strong>mont</strong>re rmne. Jmgulos nunç mû-


LIVRE V. CHAP. IX. iij<br />

iifirs j fom ofir mettre au jour ten projet <strong>par</strong>ricide ?<br />

& tirant fon cimeterre, il <strong>par</strong>ut qu'il alloit le tuer ;<br />

s'il n'eût été fur le champ environné & arrêté <strong>par</strong><br />

Beffus ck les baftriens , qui, en affeâant un aîr de<br />

triftefle, étoient d'ailleurs dans la réfolution de fe<br />

faiiir de lui s'il eût voulu paffer outre. Cependant<br />

Nabarzànes s'étant échappé, & Beflus l'ayant fuivi de<br />

près , fé<strong>par</strong>èrent <strong>du</strong> refte de l'armée les troupes qu'ils,<br />

commandoient, pour tenir entre eus un confeil fecret.<br />

Artabaze , ouvrant un avis conforme aux conjonctures,<br />

effaya de calmer Darius ; en les lui rappelant de temps<br />

en temps, il l'exhorta à fupporter patiemment la folie<br />

ou Terreur de gens qui,. tels qu'ils étoient, ne laiffoient<br />

pas d'être à lui. : qu'il étoit aux prifes avec<br />

Alexandre, qu'il étoit difficile de vaincre même err<br />

réunifiant toutes fes forces ; que feroit-ce donc, fi ceux<br />

qui s'étoient attachés à lui dans la fuite venoient à<br />

l'abandonner f- Le roi déféra à ce confeil d'Artabaze ;<br />

& quoiqu'il eût réfolu de décamper , voyant néanmoins<br />

tous les efprits dans le trouble, il fe tint au<br />

même polie ; mais, plongé tout à la fois, dans la îrifteffe<br />

& dans le défefpoir , il s'enferma* dans fa tente* Ainfi ,<br />

dans un camp dont perfonnne n'avoît la con<strong>du</strong>ite } les<br />

mouvements de tous les efprits étoient différents, &<br />

l'on ne délibéroit plus en commun comme au<strong>par</strong>avant.<br />

Patron , qui commandoit les grecs , leur enjoignit de<br />

prendre les armes & de fe tenir prêts au premier ordre.<br />

Les perfes avoient fait bande à <strong>par</strong>t ; Beflus étoit avec<br />

fes baélriens, x& eflayoit de débaucher les perfes, enmfiftant<br />

avec affectation fur la Battriane , fur l'opulence<br />

de cette province qui n'étoit point eacore entamée,<br />

&. fur les dangers dont étoient menacés ceux qui refiteroient<br />

: mais les perfes répondirent prtfque unanimement<br />

, que c'étoit un- crime infâme d'abondonner le<br />

roi. Pendant ce temps Artabaze rempliflbit toutes les<br />

fonftions de Général; <strong>par</strong>courir les tentes des perfes,<br />

les encourager, leur donner des avis tantôt <strong>par</strong>ticuliers<br />

& tantôt généraux, c'eft ce qu'il ne ceffa do faire


278 LIBER V. CAP. X<br />

verfos , non JMU deftirit quam fatis confiant ïmperata<br />

faBuros : idem mgrè a Dario impitravh,<br />

ta cibum capertt jmimumqne régis*<br />

X. At Bejfus & Nahai\ams alim agitatum<br />

fcehs exfequi ftatuunt, regni cupidkate accenfi ;<br />

Dario autem incolumi » tantas opes fperare non<br />

potcrant : quippe in Mis gentibus regum eximia<br />

majejias eft ; ad nomen quoque barbari convtniant<br />

, & priftinm veneratio fortunœ feqmtur<br />

adverfam. Jnftabat impios animos regio cui<br />

pmerant, armis virisque & fpatio locorum ntdli<br />

earum gent'mm fecunda ; tertiam <strong>par</strong>tent . Afiœ tenet<br />

; multitudo juniomm exercitus quos amiferat<br />

Darius œquabat : kaque , non Ulum modo 3 fed<br />

etiam Alexandrum fpernebant ; inde vires Imperïs<br />

repetituri, fi regionis potiri contigiffeL Dm omnibus<br />

cogitatis , placuit ptr milites baBrianos, ad<br />

omne obfequmm deftinatos, regem comprehendere,<br />

mittique nuncium ad Alexandrum , qui indicant<br />

vivum ajfervari eum ; fi, id quod timebant, prédit<br />

io ne m afpernatus effet , occifuri Darium &<br />

Ba&ra cum fuarum gentium manu petiturL Cmrum,<br />

propalam comprehendi Darius non poteraî,<br />

tôt perfarum millibus laturis opem régi ; grœcc~<br />

mm quoque fides timebatur* Itaque % quod non poterant<br />

vi , fraude ajfequi tentant ; pmnittntiam<br />

fecejfionis fimulare decreverant, & êxcufare apuâ<br />

regem confternationem fuam»<br />

' 28. Intérim qui perfas folicltarent mittunturi<br />

Une fpe 5 hinc metu% milhara animos 'verfam^


LIVRE F. CHAP. X 279<br />

qu'après s'être bien affûré de leur difpofition à obéir r<br />

il obtint aufli, non fans peine, de Darius, qu'il prît<br />

quelque nourriture & qu'il <strong>mont</strong>rât un, courage digne<br />

d'un roi.<br />

X. Cependant Beflus & Nabarzanes', brûlant <strong>du</strong> défir<br />

de régner, font réfolus d'exécuter l'attentat qu'il-s projettent<br />

depuis long temps ; mais tant que Darius vivroit*.<br />

Ils ne poudroient fe promettre un fi grand fuccès : car<br />

<strong>par</strong>mi ces peuples rien de plus facré que la majefté des<br />

rois | au nom feul <strong>du</strong> prince les barbares fe réunilfent,.<br />

& dans fa mauvaife fortune ils honorent encore fon premier<br />

état. Ce qui enfloit le cœur de ces traîtres, c'étoit<br />

la province même où ib commandoient, province là<br />

plus puifîantede ces contrées en armes, en hommes, &<br />

en éten<strong>du</strong>e ; elle fait le tiers de l'Afie ; & une Jeuneffe<br />

nombreufe y égaloit les armées que Darius avoit per<strong>du</strong>es<br />

: ainfi, ce n'étoit pas lui feulement % c'étoit Alexandre<br />

même qu'ils méprifoient j bien perfuadés qu'ils tireroient<br />

de là les forces néceflaires au maintien de leur<br />

Empire, s'ils étoient une fois maîtres <strong>du</strong> pays. Aprèsavoir<br />

long temps médité fur tous les points % ils arrêtèrent<br />

qu'ils fe farfiroient de la perfonne <strong>du</strong> roi <strong>par</strong> le<br />

moyen des. baftriens , qui leur étoient entièrement dévoués<br />

, & qu'ils feroient donner avis à Alexandre qu'on,<br />

le lui gardoit vif; déterminés au furplus, s'il déteftoit<br />

leur trahifon f comme ils l'appréhendoient, à tuer<br />

Darius & à fe retirer dans la Baàriane avec les troupes<br />

de ce pays. Au refte, il n'étoit pas poflible de fe faifir<br />

de Darius- avec éclat , au milieu de tant de milliers de<br />

perfes qui ne manqueroient pas de le fecourir ; on.<br />

redoutoit d'ailleurs la fidélité des grecs. Ce qu'ils ne<br />

pouvoient donc emporter <strong>par</strong> violence , ils effayèrent<br />

de l'obtenir <strong>par</strong> artifice ; ils avoient pris le <strong>par</strong>ti de<br />

feindre qu'ils fe repentoient de leur retraite , & de la<br />

colorer auprès <strong>du</strong> roi <strong>du</strong> prétexte de la crainte que<br />

leur avoir infpirée fon indignation..<br />

.a$. Cependant on envoie des émiffaires pour tenter<br />

les perfes : on effaie d*ébranïer les efprits des feldats,


280 LIBER V. CAP. XL<br />

ruina, rerum Ulos fuhdere capita , in perniciem<br />

trahi ; quum BaEira pateant, exceptura eos donis<br />

& opukntiâ quantam animis concipere non pojfinr.<br />

Mac agitantibus Artaba^us Jupervenit , five<br />

régis jujfu five fuâ [ponte , affirmans mitigatum<br />

•ej/e Darium & eumdeni iiiis amiciïm gra<strong>du</strong>m<br />

patere apud regem : illi, lacrimantes, nunc purgare<br />

fe , nunc Artaba^um orare ut caufam ipforum<br />

tueretur precesque perferret. Sic peraBâ noBe ,<br />

fub lucis ortu Nabarçanes cum ba&riams. militibus<br />

'm veflibulo pmtorii aderat, titulum folemnis<br />

ojficii occulto fceleri prafirens. Darius., figno ad<br />

eun<strong>du</strong>m data, currum priflino mon confcendiu<br />

Nabar\anes ceterique <strong>par</strong>ricidœ., procumbentes hu~<br />

mi, quem paulo pofi in vinculis habituri erant<br />

fuflinuêre venerari ; lacrimas etiam, pœnitentia<br />

indices , profuderunt : adeo humams ingénus <strong>par</strong>ata<br />

fimulatio eji ! Preces deinde fuppliciter admota<br />

Darium, naturâ fimplicem & mitem, non crtdere<br />

modo qua ajfirmabant, fed etiam fiere coëgerunt<br />

: âc ne mm quidem cogitati fceleris pœnituit,<br />

quum intuerentur qualem & regem & virum<br />

fallerenL llle quidem, fecurus pericuii quod inftax<br />

bat, Alexandri manus, quas folas ûmebats ejfis*<br />

gère properabau<br />

XI. Patron aumm 9- gmcorum <strong>du</strong>x, prmcepit<br />

fuis, ut arma » qum in Jarcinh antea ferebantur*<br />

in<strong>du</strong>erent, ad omne imperium fuum <strong>par</strong>ati & intemL<br />

Ipfe currum régis fequebatur s occafioni im*


LIVRE V. CHAT. XL i£t<br />

tantôt <strong>par</strong> fefpérance, tantôt <strong>par</strong> îa crainte : on leur<br />

infinuc qu'ils fe dévouent eux-mêmes fous les ruinesde<br />

l'État, qu'on les entraîne à leur perte } tandis qu'ils<br />

ont la liberté de fe retirer dans la Battriane, qui leur<br />

fournira des biens & une opulence fupérieure à tout<br />

ce qu'ils peuvent imaginer. Durant ces menées , Artakaze<br />

, foit <strong>par</strong> ordre <strong>du</strong> roi foit de fon propre mouvement<br />

, vient tout à coup aflurer Beffus & Nabarzanes,<br />

que Darius eft calmé & qu'ils ont encore îa même <strong>par</strong>t<br />

à fes bonnes grâces ': les traîtres, fondant en larmes,<br />

cherchent à fe difculper, puis à engager Artabaze <strong>par</strong><br />

leurs prières à prendre leur défenfe & à faire agréer<br />

leurs escufes. La nuit s'étant ainfi paffée t Nabarzanes,<br />

au point <strong>du</strong> jour, <strong>par</strong>oît avec les foldats baâriens à<br />

îentrée de la tente <strong>du</strong> roi, couvrant le fecret de fou<br />

projet criminel fous le prétexte <strong>du</strong> devoir publie de<br />

h charge. Lorfque Darius eut donné le lignai <strong>du</strong> dé<strong>par</strong>t<br />

, il <strong>mont</strong>a fur fon char comme de coutume. Nabarzanes<br />

& les autres <strong>par</strong>ricides, fe profternant à terre,<br />

prirent fur eux d'adorer un prince qu'ils alloient bientôt<br />

charger de chaînes ; ils en vinrent même jufqu'aux<br />

larmes, pour donner des fignes de repentir : tant la<br />

dimmulation entre aifément dans les coeurs des hommes,!<br />

Les humbles prières qu'ils y ajoutèrent enfuite firent<br />

que Darius , prince fans déguifement & plein de douceur<br />

f non feulement ajouta foi à leurs ptoteftations.,<br />

mais en vint même jufqu'à répandre des larmes : & dans<br />

cette conjoncture ils n'eurent pas le moindre remords<br />

de leur crime, quoiqu'ils viflent quel roi & quel homme<br />

ils avoient la lâcheté de tromper. Pour Darius, raffûré<br />

furie péril qui le menaçoit, il fefoit diligence pour ne<br />

• pas tomber dans les mains d'Alexandre t le feul ennemi<br />

qu'il redoutât.<br />

XL Mais Patron, chef des grecs, leur enjoignît de<br />

fe pourvoir de leurs armes, qu'on portoit au<strong>par</strong>avant<br />

avec les bagages, &de fe tenir prêts & attentifs à exécuter<br />

tout ce qu'il leur ordonneroit.Pour lui, il fuivoit le<br />

char- <strong>du</strong> roi , épiant l'occafîon de lui <strong>par</strong>ler j car il s'étoit


282 LIBER V. CAP. XL<br />

minens alloquendi eum ; quippe Be£s facinus pré*<br />

J'enferat. Sed Beffus , id ipfum metuens, cujtos<br />

veriks quam cornes, à curru non recedebat. Diu<br />

ergo Patron cunBatus ac fapiàs fermone revotato<br />

, inter fidem ûmoremque hafitans , regem intubatur,<br />

qui ut tandem advertit oculos , Bubacen,<br />

fpadonem inter proximos cutrum fequentem, percontarijubet,<br />

num quid ipfe velit dicere. Patron,<br />

fe vero, fed remetis arbitris > loqm\veUe mm eo<br />

refpondk. Juffusque propius accedere 9 fine interprète<br />

, nam haud rudls graca lingum Darius,<br />

erat, Rex, inquit, ex L millibus grsecoram fuperfumus<br />

pauci, omnis fo-rtunse tuae comités f<br />

& in hoc tuo ftatu iidem qui florente te foimus<br />

, quascumque fedes elegeris, pro patrià &<br />

domefticîs rébus petituri : lecundse adverfeque<br />

res tuae copulavêre nos tecum. Pcr hanc fidem<br />

înviÔam oro & obteftor, in noftris caftris tibi<br />

tabernaculum ftatue, nos corporis toi cuftodes<br />

elle patiarîs.. Amifimus Grsciam ; nulla Baâra '<br />

font nobis ; Ipes omnis in te , utinam & in<br />

ceteris effet ! Plura dici non attinet. Cuftodiam<br />

corporis tui, externes & alienigena , non depofcerem,<br />

û crederem alium poffe prseftare*<br />

30. Bejjus ,' qumquam erat graci fermants<br />

îgnarus , tamtn flimulante confcientiâ , iniiaum<br />

profeclb Patronem detuYiffe credebat.; & interpre»<br />

tis graci remotiom exemta <strong>du</strong>bitath. Darius auêem<br />

, . quantum ex vultu cèncipi paierai , haud<br />

fané territus > pcrcontari Patrona caufam confia


L I V R E F . • C H A P . X L i S j<br />

llouté <strong>du</strong> crime de Beflits. Celui-ci au contraire, qui<br />

craignoit de fon côté d'avoir été pénétré, gardant plus<br />

•entablement le char qu'il ne l'accompagnoit f avoit<br />

grand foin de ne pas s*en éloigner. Après avoir donc<br />

atten<strong>du</strong> long temps & s'être retenu plufieurs fois au moment<br />

de <strong>par</strong>ier, Patron, héfitant entre le devoir & la<br />

crainte, avoit le regard fixé fnr le roi, qui, ayant enfin<br />

tourné les ieux vers lui, lui fit demander <strong>par</strong> l'eunuque<br />

Btibacc, qui étoit un des plus proches à la fuite <strong>du</strong><br />

«har s s'il avoit quelque chofe à lui dire. Patron répondit<br />

.qu'il défiroit véritablement de lui <strong>par</strong>ler, mais fans témoins.<br />

Le roi l'ayant fait approcher. Patron lui dit<br />

fans le fecours d'un interprète, car Darius n'entende! t<br />

pas mal la langue grèque : Seigneur, de cinquante-mille<br />

grées que nous étions nous ne fommes plus qu*um peut<br />

nombre s compagnons de voire fortune in toute cireonfiance,<br />

les mimes dans l'état ou vous êtes que dans votre plus<br />

brillante pmfpérité, & réfolus de fixer notre patrie &<br />

mes affaires domeftiques en quelque lieu qu f il vous plaife<br />

de choifir votre domicile : vosfuccès & vos revers nous ont<br />

également attachés â votre ptrfonne» Je vous prie donc &<br />

vous conjure au nom de cette fidélité à toute épreuve, de<br />

foire dreffer votre tente dans notre quartier, & de nous permettre<br />

d f itre vos gardes <strong>du</strong> corps. Nous avons abandonné<br />

la Grèce $ la Baûriane n 9 eft rien pour nous; toute notre,<br />

ejpérance eft en vous, & plat aux dieux qu f elle pût être de<br />

même dans les autres ! Je ne dois pas en dire davantage.<br />

Cependant étant étranger & d'une nation enntmie, je ne<br />

demanderons pas la garde de votre perfonme s fi je eroyois<br />

qu'un autre pût s 9 en aquiterm<br />

30. Quoique Beflus n'entendit pas le grec* les remords<br />

de fa confeience ne biffèrent pas de lui faire<br />

penfer que Patron avoit à coup sûr donné quelque indice<br />

au roi ; & le foin qu'on avoit eu d'éloigner l'interprète<br />

grec ne hit laiffa là-deffus aucun doute. Mais<br />

Darius , *fans s'effrayer, <strong>du</strong> moins à en juger <strong>par</strong> l'air<br />

de fon vifage, demanda à Patron pourquoi il lui don*<br />

noit ce, confeil. Celui-ci, perfuadé qu'il n'y avoit plus.


284 LIBER F. CAP. XII.<br />

tu quoi afftrrtt 'cvepit- Eté , non ultra diffère»<br />

<strong>du</strong>m rattu , Beffus , inquit, & Nabarzanes ïnfidiantur<br />

tibi ; m ultimo difcrimine es fortune<br />

tuae & vite ; hic dies aut <strong>par</strong>ricidis aut<br />

tibi fatums ultimus. Et Patron quidem egregiam<br />

confervati régis gloriam nderat. Eludant licet,<br />

quibus forte ac temerè humam negotïa volvi agi~<br />

que perfuafum tft. ; equidem mternd conflitutiom<br />

crediderim , nexuque caufarum tatendmm & mulm<br />

ante defiinatarum, fuum quemqm ordmem ïmnrn*<br />

tabiU lege percurrere, Daims certè refpondiê $<br />

quanquam fibi gracorum militum fidès nota fit,<br />

tutnquam tamen a popularibus fuis receffurum ;<br />

difficMius fibi effe damnare quam decipi ;. quiiquid<br />

fors tuliffet, inter fuos ptrpeti malle quam<br />

transpigam fitri ; fera fi perire , fi falvum tfft<br />

fui milites nollent. Patron, defperatâ Jatute régis j<br />

ad eos quibus prœerat redik , omnia pr& fide experiri<br />

<strong>par</strong>atus*<br />

. XII. At Beffus occidendi protinus régis impe»<br />

tum conceperat : fed veritus ne grat'mm Alexandre<br />

, ni vivum eum tradidiffet, inire non pofftt,<br />

dilata in proximam noêkm fcekris confilio , agtre<br />

^ratios incipit, quod perfidi kominis infidias ,<br />

jam Akxandri opes jpet~iuntis9 prudemer cauûqut<br />

vitajfet ; donum eum hofli laturum fuijfe reps<br />

caput : nec mirari hominem mercede con<strong>du</strong>Bum<br />

omnia kabere venalia ; fine pignore , fine lare,<br />

ierrarum orbis exulem, ancipitem hofiem , ad nu*<br />

tum ticentium circumferrL Purganti demie fe ê<br />

'deosque patrios teftes fidei fia mvocami^ Daim


LITRE K CMAP>. XII. 2%<br />

-fe-temps à perdre, Be]fus% dit-il., & Nahar{anes vous<br />

dreffem des embûches; voire couronne & votre vie font<br />

dans le dernier péril; &*e d&k être-aujourd'hui h dernier<br />

jour des <strong>par</strong>rkides ou le vôtre* II faut convenir que<br />

Patron a¥oit fait tout ce qui dépendoît de lui pour avoir<br />

h gloire de fauver îe roi.- Qu'ils relient» s'ils veulent,<br />

dans leur erreur, ceux qui croient que les cnofes humaines<br />

font abandonnées au ha fard & roulent à l'aven-'<br />

ture; pour moi, je_ fuis perfuadé qu'une tuTpofition<br />

éternelle & un enchaînement-dé caufes cachées & préordonnées<br />

depuis long temps, fait <strong>par</strong>courir à chacun<br />

•fa carrière-d'après une loi immuable. Ce qu'il y a de<br />

certain , c'eft que Darius répondit, que tout afluré<br />

qu'il étoit de la fidélité des foldats grecs, il ne fe fépa-<br />

, reroît jamais de ceux .de fa nation ; qu'il fe fefoit plus<br />

de peine de les condamner que d'en être trompé j que<br />

quelque malheur que la fortune lui pré<strong>par</strong>ât, il aîmoît<br />

mieux le fouffrir au milieu des fieris que de s'y dérober<br />

en transfuge ; & qu'après tout il mourroit encore trop<br />

tard, fi fes propres foldats ne vouloient plus qu'il<br />

vécût. Patron., défefpérant alors de fauver le roi, rejoignit<br />

ceux qu'il commandoit, dans la réfolution de tout<br />

tenter pour remplir fes engagements avec fidélité.<br />

X1L Cependant il vint à Beflus une violente envie<br />

de tuer le roi dans le moment : mais dans la crainte de<br />

ne pas rendre un fervice alfez agréable à Alexandre,<br />

s'il ne lui livroit fon ennemi vif, il différa jufqu'à la<br />

nuit fuivante , & fe mit à féliciter Darius , de ce qu'il<br />

avoit eu la prudence & Tadrefle d'efquiver les embûches"<br />

d'un traître, que tentoient les richefles d'Alexandre;<br />

qu'il n'auroit pas manqué .de faire préfent à ce prince<br />

de la tête <strong>du</strong> roi ; •& qu'il a'étoit point- furpris qu'un<br />

mercenaire ' mit tout -à prix d'argent ; qu'un homme<br />

fans bien, fans aveu, exilé de tout pays , également<br />

ennemi -des deux <strong>par</strong>tis , paflat perpétuellement <strong>du</strong><br />

côté de ceux qui lui ofFrolent le plus. Comme il entama<br />

enfuite fon apologie s & qu'il prenoit à témoin de fa<br />

âdélité les dieus de la patrie, Darius «ut Pair de le;


i85 LIMER F. CAP. XII.<br />

vuku affentiebat 9 haud <strong>du</strong>bius quin vera déferre®*<br />

'tur à gratis ; fed eo rerum ventum erat > ut tam<br />

periculofum effet non credere fuis quant decipi :<br />

xxx mttlia erant,. quorum inclinata in fceba<br />

levitas timebatur ; IV milita Patron habebat,<br />

'quibus fi credidijfet falutem fuam, damnatâ populariumfide,<br />

<strong>par</strong>ricidio excufationem videbat ojferri;<br />

itaque pmoptabat immerito quam jure yiolaru<br />

Beffo tamen , infidiarum conJÛium purganti, ref<br />

pondit 9 Alexandri fibi non minus jufikiam quam<br />

virtutem effe perfpeëam ; falli eos qui prodktionu<br />

ab eo pmmium exfpeBent, violatm fidei nem'mem<br />

acriorem fore vindicem ultoremque, Jamque nox<br />

œppetebat, quum perfa, more folito armispofitis 9<br />

•ad neceffaria ex proximo vico ferenda difcurrunt<br />

; at baBriani^ ut imperatum erat a Bejfo%<br />

•armati fiabanL<br />

32. Inter frac Darius Artaba^um accirî jubeî ;<br />

^xpofitisque que Patron detulerat, haud <strong>du</strong>bitart<br />

Artaba^us quin tranfeun<strong>du</strong>m effet in caflra graco-<br />

•mm , perfas quoque periculo vulgato fequuturos*<br />

•Deflinatus forti fua & jam nutaus falubris con-<br />

Jilii patienS'S umcam in Ml a fortunâ opem , Arta-<br />

•barum9 ultimum illum vifurus, ampleBitur, per-<br />

_fufusque mutuis lacrimis 9 inharentem fibi avelB<br />

jubet ; capite deindê velato -, ne inter gemitus digredientem<br />

vel à 'tergo intuerttur^ in humum pro»<br />

num corpus abjecit, Tum vero cuftodia ejus ajfueti9<br />

•quos régis falutem vel periculo vita tueri oportebat,<br />

dilapfi funt, cum armatis , quos jam adventare<br />

credebant , haud rati fe juturos <strong>par</strong>es.:<br />

ingens ergo in tabcrnaculo JoUmdo erat3 pauds


LirRE V. CHAP. XIL i8y<br />

croire, quoiqu'il ne doutât point que l'avis des grecs<br />

se fût vrai ; mais les chofes en étoient au point, qu'il<br />

couroit autant de riïque à fe défier de fes fujets qu'à<br />

fe Iaiffer tromper : il y avoit trenté*mille hommes * dont<br />

il avoit .à craindre la légèreté trop portée au crime;<br />

pour les quatre-mille aux ordres de Patron, fi, en leur<br />

confiant la garde de fa perfonne,, il eût ren<strong>du</strong> fufpecte<br />

h fidélité des liens, il eût donné <strong>par</strong> là une couleur<br />

(pécieufe au <strong>par</strong>ricide ; c'eft pourquoi il aimoit mieux<br />

être victime de l'injuftice que de donner le moindre<br />

fondement à cet attentat. Cependant Beflus fe disculpant<br />

toujours de tout projet infidieux, il lui répondit,<br />

que la juftice d'Alexandre ne lui étoit pas moins connue<br />

que fa valeur; que ce feroit fe tromper que d'attendre<br />

de lui la récompenfe d'une trahifon, & que perfonne<br />

se puniroit & ne vengeroit une déloyauté avec plus<br />

d'ardeur que lui. Déjà la nuit approchoii, lorsque les<br />

perfes, ayant quitté les armes à l'ordinaire, allèrent<br />

au fourrage dans un village voifin ; au lieu que les<br />

baftriens, <strong>par</strong> ordre de Beffus, demeurèrent armés.<br />

32. Cependant Darius fit appeler Artabaze j & après<br />

qu'il lui eût appris ce que Patron lui avoit révélé, Artabaze<br />

ne douta point que le roi ne dût fe retirer au<br />

' quartier des grecs, & que les perfes ne Py fuiviffent dès<br />

qu'ils îe (auraient en danger. Mais livré <strong>par</strong> fa deftinée<br />

à (on malheurenx fort & ne pouvant plus écouter aucun<br />

confeil falutaîre, il embraffe pour la dernière fois Artabaze,<br />

fon unique confolation dans cette conjoncture, &<br />

tout baigné des larmes qu'ils répandoient l'un & l'autre t<br />

il fe le fait arracher d'entre les bras; fe couvrant enfuite<br />

la tètç pour ne pas même le voir <strong>par</strong> derrière fortir de<br />

chez lui dans cet état d'afflîftions il fe jette le vifage<br />

contre terre. Dans ce même moment, fes gardes <strong>du</strong><br />

corps ordinaires, obligés à la défenfe <strong>du</strong> prince au péril<br />

même de leur vie , s'échapèrent les uns après les autres,<br />

ne fe jugeant pas en état de faire tête aux gens armés<br />

qu'ils croyoient déjà avoir fur les bras : fa tente devint<br />

mm défert©# n'étant relié auprès <strong>du</strong> roi qu'un petit


i'8'g LISEM-K CAP. XIL<br />

jpadonïbus , quia qu& difcederent non habtbanï J<br />

circumftanûbus regem. Aï ille , remous arbitris 9<br />

âiu aliud atque aliud confilium anima volutabat ;<br />

jamque folitudimm , 4114/n /*« , confulite vobls , ad ultimum<br />

régi veftro , ut decebat , fide exhibitâ»<br />

Ego hîc kgem -fiiti mei exfpeâo : forfitan mireris<br />

quod vitam non finiam ; aBeno fcelere<br />

quam meo mori mai©. Pofl hanc vocem fpado<br />

gemku , non modo tabernaculum, fed etiam cafira<br />

complevit : irrupire deinde alii 9 laceratisque vcj- •<br />

tïbus, lugubri G» barbare uhdatu regem 'déplorait<br />

cœpcrmt*<br />

33; Perfiz, ad ilios çlàmore perlato 9 attomtt<br />

metu , nec arma captre ne in baBrianos mciderent,<br />

me quiefeere amie h mi ne impie de fer ère • regem<br />

viderentur. Varius ac diffènus clamor , fine <strong>du</strong>ce<br />

ac fine imperio, tous caftris referebatur. Beffo^ & •<br />

Nabarfani nunciaverant fui ; regem à femetipfo<br />

mteremmm ejfe ; planËus eos deceperat : kaque ^ citatis<br />

equis advolant > fequentibus quos ad minifi<br />

terium feeleris delegerant ; & quum tabernaculum<br />

intraffent, quia regem vivsre fpaâonts indicabant,<br />

comprehendi vincirique jujferunt* Rex, curru paulo<br />

ante veBus & deorum à fuis honoribus cultus ,<br />

nullâ externâ opt admotâ captivus fervorum fuQ-*<br />

-mm-, m fordi<strong>du</strong>m vehiculumpellibus undique con-<br />

$eBum imponitur. Pecunia régis & fupdlex , quajt<br />

nombre


LITRE K CMâP. XIL 289<br />

BOfnbre d'eunuques, qui ne favoient ©u fé retirer.<br />

'Darius, après la retraite de tous ces témoins, s'occupa<br />

long temps à rouler dans fon efprit divers projets ; &<br />

bientôt déteftant la foiitude , qu'un peu au<strong>par</strong>avant il<br />

«•oit défîrée comme un moyen de coafolation., il fait<br />

appeler Bubace : dès qu'il le voit, Alle\, lui dit-il 9fonge^<br />

mus à votre sûreté, après avoir été fidèles à votre roi<br />

jufqu 9 au dernier moment, comme vous le devie{. F-our<br />

mwi% j'attends ki Varrêt de ma deftinéei peut-être es-tu<br />

Jurpris que je ne tranche pas le fil de mes jours ; c'eft<br />

que j i aime mieux que ma mort foit h crime d'un autre<br />

que le mien. A ce difcours l*eunuque fit retentir île<br />

Ces géraiflements f non feulementJa tente <strong>du</strong> ïM , mais<br />

tout le. camp : les autres accoururent enfuite, & déchirant<br />

leurs vêtements, ils fe mirent à pouffer fur le<br />

fort <strong>du</strong> roi des hurlements lugubres à la manière des<br />

barbares»<br />

13. Les perfes, au bruit de ces cris, faifis d'épouvante<br />

, n'ofoient, ni prendre les armes de peur d'avoir<br />

affaire aux baétriens f ni demeurer dans l'ma&ion dans<br />

la crâiste de <strong>par</strong>oître avoir manqué à un devoir facré<br />

en abandonnant leur roi. Ce n'étoit que clameurs confufes<br />

& difcordantes <strong>par</strong> tout îe camp , où il n'y avoiî<br />

plus ni chef ni commandement. Les <strong>par</strong>tifans de Beffus<br />

& de Nabarzanes leur avoient annoncé que le rot<br />

t'étoit tué lui-même; & c*étoient les gémilïemmts<br />

qu'ils avoient enten<strong>du</strong>s qui les avoient jetés dans cette<br />

erreur : ces chefs accourent donc à bride abattue, fuivis<br />

de c«ux qu'ils- avoient choifis pour l'exécution de<br />

leur crime ; & dès l'entrée de la. tente f les eunuques<br />

leur ayant fait entendre que le roi vivoït -encore > ils<br />

le font faîfir & charger de chaînes» Ce roi, élevé peu<br />

au<strong>par</strong>avant fur un char & â qui fes peuples rendoient<br />

les honneurs des dieux mêmes, devenu alors prifonnier<br />

de fes propres fujets fans qu'aucune puiffance étrangère<br />

s*en foit mêlée f eft jeté dans une miférable charette<br />

Couverte de peaux de tous côtés. On pille, comme<br />

<strong>par</strong> le droit de k guerre t l'argent & les équipages <strong>du</strong><br />

Tome L N


loo LIBER V. CAP. XIlî.<br />

mre belli, diripitur ; omftque pmdâ per fcelm<br />

idtimum <strong>par</strong>ti, fugam intendant. Artabajus-, cum<br />

us qui imperïo <strong>par</strong>ebant grmcisque mdmbus , Par-<br />

Menen peubat, omnia nuiora <strong>par</strong>rkidarum cor**<br />

tuitu rams. Perfa , promiffis Beffi omrati ,<br />

'maxime quia nemo alius trat quem fêquerentur»<br />

comunxertft baBriams, agmen eomm tertio ajfequuti<br />

dk. Ne tamen honos régi non haberemr»<br />

auras compedibus Darium vmciwnt ; nova ludibria<br />

fubinde excogitante Fortunâ : 6» ne forte<br />

cuhu regio pojet agnofci , fordidis peïïibus veâiculum<br />

intexerant ; ignod jumenta agebants m<br />

percontantibus in agrnme monftrari pojfet ; cuftodes<br />

procui fequebautun<br />

'XIII. Alexander , audito Darium movife ah<br />

Ecbatanis , omjfo iûnere 'quoi patebat^ m Mediam<br />

, fugkntem inftqui pergit ftrenue. Tabas<br />

oppi<strong>du</strong>m eft in Pamtacem uhima ; ibi transfuge<br />

nZciant, pmcipitem fugâ baBra petere Darmnu<br />

Certiora deinde cognofck ex Bagyjttene babylonio,<br />

non equidem vinéhim regem , fed mpencutotiïe<br />

aut mortis aut vincuhrum. Rex , <strong>du</strong>cOus<br />

fomocatis, Maximum, inquit, oons.fed labor<br />

brevïffimns fuperefL Darius haud procui deftitutus<br />

à fuis aut oppreffus : in fflo corpore pofita<br />

eft viâoria noftra ; & tanta res, celentatis<br />

pramium. Omnes <strong>par</strong>iter conclamant <strong>par</strong>atos<br />

ipfos fiqui , nec labori me perkido <strong>par</strong>ceret.-<br />

Mtur raptim agmem cursus magis quam Umeru<br />

modo <strong>du</strong>cit , ne noBurnâ quidem qmett diunmmiaborem<br />

relaxante : Uafue quingtnta ftadm pror


LIVRE V. CHAP. XI! 1. 291<br />

toi ; & les traîtres, chargés d'un butin qui eft le prix de<br />

leur dernier crime, prennent enfin la fuite. Artabaze,<br />

accompagné de ceux qui demeuroient dans i'obéiflance<br />

& des Coldats grecs, prit la route de la Parthiène,<br />

jugeant tout autre <strong>par</strong>ti plus fur que de relier avec des<br />

<strong>par</strong>ricides. Les perfes, comblés des promettes de Beffus s<br />

mais décidés fur-tout <strong>par</strong> l'embarras de choifîr un chef,<br />

s'affocièrent aux baôriens s qu'ils rejoignirent trois<br />

jours après. Cependant pour ne pas manquer de rendre<br />

honneur au roi, on l'attacha avec des chaînes d'or; la<br />

Fortune inventant de fois à autre de nouvelles manières<br />

pour fe jouer de ce prince : & afin qu'aucune décoration<br />

royale ne pût le faire reconnokre , on avoir, couvert<br />

la charette de mauvaifes peaux ; les con<strong>du</strong>ôeurs<br />

ne le connoiflbient pas , afin qu'ils ne puflent le <strong>mont</strong>rer<br />

dans la marche à aucun de ceux qui le chercheroient ;<br />

ceux qui le gardoient ne le fui voient que de loin.<br />

XIIL Alexandre, ayant appris que Darius, étoit<br />

<strong>par</strong>ti d'Ecbatane, au lieu de fuivre la route de la Médit,<br />

fe mit promptement fur les traces de fa fuite. Il y a<br />

aux extrémités de la Parétacène une ville nommée<br />

Tabas; là des transfuges apportent la nouvelle que<br />

Darius s'enfuit précipitamment vers la Ba&riane. On<br />

fait enfuite avec plus de certitude <strong>du</strong> babylonien Bagyfthène,<br />

qu'à la vérité le roi n'eft pas encore arrêté,<br />

mais qu'il eft en grand danger de perdre ou la vie ou<br />

la liberté, Alexandre affemble fes chefs, & leur dit;<br />

M nous refie à faire le coup h plus important, mais de<br />

F exécution la plus facile. Darius eft, à peu de diftance<br />

d'ici, abandonné ou maltraité <strong>par</strong> les fiens : c'efljh per~<br />

forme qui eft l'objet principal de notre victoire ; & un fi<br />

grand fuccès fera le prix de notre diligence. Tous répondent<br />

unanimement, qu'ils font prêts à le fuivre, &<br />

qu'il ne craigne pour eux ni peine ni danger. Il emmène<br />

donc fon armée précipitamment, la fefant plus tôt courir<br />

que marcher, & ne lui accordant pas même pendant<br />

la nuit le repos néceflaire après la fatigue dct<br />

jour: il <strong>par</strong>courut de cette manière einc-:ents ftades;<br />

Nij


291 LIBER F. CAP. XI IL -<br />

ctjfit ; perventumque erai m vicwn m qm Da*><br />

rium Beffm comprtheuderaL Ibi Melon , Dar'd<br />

interprts* excipkur : corpore ager9 non potuerat<br />

agmen feqm ; & dtprehenfus cdcritate régis ,<br />

iramfmamje -effi finulatat. Ex hoc aËa cogmof<br />

€Ït ; fid fatigatis mctffarta quies erat : itaque<br />

dek&is eqtdtum fex millibus, -trecentos, quos Ditnachas<br />

* appeuant , adjungit ; âorfo hi) gravïora<br />

a.rma portabant, ceterum eqtâs vehcbantur ;<br />

quum res hcusque pofceret, pedefiris acies erat* Bm<br />

Mgtntem Ahxandmm adeunt Orfdlos & Mythracentsj<br />

qul9.Bê£i<strong>par</strong>ricidmm exofi, transfugeront*;<br />

numiabantque ftadia .u abejfe perfas , ipfos brevius<br />

Mer manftratum* Grams régi adventus<br />

transfagarum fait : kaque prima vefperâ $ <strong>du</strong>cir<br />

eus ufdem, cum txpedkâ equitum manu, monftratmm<br />

viam ingreditur, phalange quantum feftinare<br />

poffet Jiqui juffa ; ipfe 9 quadrato agmint<br />

îmcedens, ita curjum regebat ut primi conjtmgi<br />

idtinâs pojfent.<br />

3.5. Treeenta ftadia procejferam.9 quum oceurrit<br />

Érocubelus , Ma^m filius , Syrm quondam<br />

prmtor : is quoque transfuga mmciabat, Beffum<br />

èaud ampliàs quam CC ftadia abeffe ; jcxerciium 3<br />

mtpote qui mhil pracaveret^ incompofitum îmordhmatumque<br />

première ; Myrcaniam videri petituros ;<br />

fifeftinaret fequi, palantibus fupervemurum ; Dafmm<br />

adhuc vivere. Sirenuo ai'mqui cupidkatem<br />

gonfequendi transjuga injecemù Itaque adcarém<br />

. * Dimaéwt. Soldats qui , comme îîOS dragons , fe<br />

battaient f félon le befoia , ou à pied ©u à cheval.<br />

Ccftce que marque leur nom, compoféde Alç ( dt


LIVRE F. CHAP* XIIL 29$<br />

êi on étoït <strong>par</strong>venu au bourg où Beflus avok arrêté<br />

Darius. On y prit Melon, fon interprète : une indifpofition<br />

l'avoit empêché de 'Cuivre l'aimée ; & fe voyant<br />

furprls <strong>par</strong> la célérité d'Alexandre, il feignit de paffer<br />

à fon fervïce. C'eft de lui que Ton fut tout ce qui<br />

s'étoit fait ; mais les foldats fatigués avoïent befoin de<br />

repos : le roi ayant donc composé un corps de lismille<br />

chevaux d'élite, y ajouta trois-cents hommes de<br />

ceux qu'ils appelent Dinmches : ils étoient armés pefanrinenî<br />

, & ils étoient à cheval ; mais- quand Pôccafion &<br />

le lieu le requéroieitt, ils combattoient à pred. Tandis<br />

qu'Alexandre fefoit ces difpofîtions, arrivent Orfille &<br />

Mythracènes f qui avoient abandonné Beflus em haine<br />

de fon <strong>par</strong>ricide; ils annoncent au roi que les perfes<br />

se font qu'à cinq-cents ftades y mais qu'ils lui <strong>mont</strong>reront<br />

un chemin plus court. L'arrivée de ces transfuges lui<br />

Ht pîaifir : suffi, i l'entrée de la nuit, prit-il, fous leur<br />

direction 9 la route qu'ils lui indiquèrent, accompagné<br />

d'un gros de cavalerie légère, ayant faiffï Tordre à fa<br />

phalange de le fuivre le plus vite qu'elle pourroit ;<br />

pour lui, marchant en bataillon quarré, il modéroit Fa<br />

courte de manière que les premiers purent faire cofpt<br />

avec les derniers.<br />

35. On étoit déjà avancé de trois-cents ftades,<br />

quand on rencontra Brocubèle f fils de Mazée y & ancien<br />

gouverneur de Syrie : ce transfuge déclara aufli,<br />

que Beflus n'étoit plus qu'à deux-cents ftades | que fou<br />

armée , ne fe déliant de rien s marchoit débandée &<br />

fans ordre ; qu'elle <strong>par</strong>oifloit tourner vers fflyreanie;<br />

mais que, s'il fe mettoit promptement à la fuite des<br />

ennemis , il les furprendroit dans leur défordre ; qu'an<br />

refte Darius vivoit encore. Alexandre, d'ailleurs plein<br />

de feu, trouva dans ce rapport un nouvel aiguillon qui<br />

l'anima à la pourfuite» Les Macédoniens piquant donc<br />

deux manières)% & de MdxO^CCi (je combats ) ; &<br />

c'eft aufli la définition qu'en donne Q. Curce.<br />

N iij


^94 LIBER V. CAP. XI IL<br />

fubdku 9 effufo curfu etmt : jamque fremïms hof<br />

tium iter ingredientium exaudiebatur ; fed profpeêum<br />

ademerai puiveris nubes* Paulifper ergo<br />

inhibuii curfum, donec confideret pulvis. Jamque<br />

confpeËi à barbaris erani, & abeuntium agmen confpexerant<br />

; nequaquam futurî <strong>par</strong>es, fi Bejfo tan*<br />

tum anîmi fuiffet ad pmlium quantum ad <strong>par</strong>riciâmm<br />

fueràt ; namque & numéro barbari praftahaut<br />

& robore, ad hoc , refeBi cum fatigatis cet"<br />

tamen inituri erant : fed nomen Altxandri & fuma<br />

, maximum in bello utique momenium , pavi-<br />

•dôs in fugam convertit* Bejfus & ceteri fâchions<br />

tjus <strong>par</strong>ticipes , vehiculum Dam ajfequuti$ car<br />

perunt hortari eum ut confcenderet equum & ft<br />

âofti fugâ eriperet : ille deos uitores adefiè teftatur<br />

; & Alexandri fidem implorans, negat fe pat"<br />

ricidas velle comitaru Tum vero ira quoque ac-<br />

€enfi9 iela injiciunt in regem, muitisque confijfum<br />

vuheribus relinquunt ; jumenta quoque , ne longws<br />

profequi fojfent, convuherantur 9 <strong>du</strong>obus ferv'ù<br />

qui regem comitabantur occifis,<br />

• 3 6. Hoc edito facinore , ut vefiigiafuga- J<strong>par</strong>ge*<br />

tent $ Nabar^anes Hyrcaniam 9 Bejfus Baifra,<br />

paucis equitum comitantibus > petebant : barbari,<br />

<strong>du</strong>cibus dejiituti, quâ quemque aut fpes <strong>du</strong>céaî<br />

am pavor y dijfipabantur £ D tantum équités conr<br />

gregaverant fe , incerti adhuc refifterene melms<br />

effet an fugere» Alexander % hoft'mm trépidation*<br />

mmperta, Nicanorem cum equitum <strong>par</strong>te ad m-<br />

Mbendam fugam pmmittk ; ipfe cum ceteris feqër<br />

tur. Tria ferme millia refiftenûum occifa font;<br />

reliquum agmen more pecu<strong>du</strong>m mta&um agebsur^


LIVRE F. CHAP. XIII. 195<br />

des deux <strong>par</strong>tent à toute bride : & ils entendoient enfin<br />

* le bruit des ennemis dans leur marche ; mais un nuage<br />

de pouflière en déroboit la vue. Alexandre fufpendit<br />

donc un peu fa marche f jufqu'à ce qu'elle fût tombée.<br />

Déjà les barbares «voient apperçu les macédoniens f &<br />

ceux-ci les voyoient battre en retraite ; quoique<br />

la <strong>par</strong>tie n'eût pas été égale, fi Beffus avoit eu<br />

autant de réfoîution pour le combat que pour le <strong>par</strong>ricide<br />

; car les barbares I'emportoient & <strong>par</strong> te nombre<br />

& <strong>par</strong> la vigueur s d'ailleurs c'étoient des troupes rafraîchies<br />

qui auroient eu affaire à des gens haraffés:<br />

mais le nom & la réputation d'Alexandre, ce qui à la<br />

guerre eft <strong>du</strong> plus grand poids , les épouvanta au point<br />

de les mettre en fuite. Beffus & les autres complices de<br />

fon crime , s'étant approchés <strong>du</strong> char de Darius, entreprirent<br />

de lui perfuader de <strong>mont</strong>er à cheval, & de ft<br />

dérober à l'ennemi <strong>par</strong> la fuite : mais il leur fait remarquer<br />

que les dieux vengeurs fe <strong>mont</strong>rent, & en<br />

invoquant la protection d'Alexandre, il leur déclare<br />

qu'il ne veut point fuivre des <strong>par</strong>ricides. Outrés alors<br />

de colère,'ils décochent leurs dards fur ce prince, &<br />

le laiffent percé de plufieurs coups ; on Méfie en même<br />

temps les chevaux qui le traînent, afin qu'ils ne puiffent<br />

aller plus loin, & deux efclaves qui accompagnoient<br />

le roi font maffacrés.<br />

36. Après l'exécution de ce crime, Nabarzanes &<br />

Beffus, dans îa vue de répandre de pîufieurs côtés les<br />

•eftiges de leur fuite, fe portèrent, accompagnés d'un<br />

petit nombre de cavaliers, le premier vers î'Hyrcanie,<br />

le fécond vers la Baôriane : les barbares, n'ayant plus<br />

de chefs, prirent différentes routes, félon les fuggeftions<br />

différentes de l'efpérance ou de la crainte ; cinqcents<br />

chevaux feulement fe rallièrent, fans favoir encore<br />

s'il yaloit mieux faire face que de fuir. Alexandre ,<br />

voyant l'épouvante des ennemis, fait avancer Nicanor<br />

ivec une <strong>par</strong>tie de la cavalerie pour les arrêter ém§<br />

leur fuite ; & lui-même fe met à leurs trouffes avec<br />

k relie. Environ trois*mil!e hommes qui fe mirent ea<br />

N iv


296 LIBER V. CAP. XI IL<br />

jubente rege m œdibus abfimeretur. Nemo captzvorum<br />

erat qui monflrare Darii vehkukim poffet :<br />

fingult , ut quaque prekenderant » fcrutabantur ^<br />

mec tamen ullum vefligium fugm régis exflabat*<br />

Fejlinantem Aïexandrum vix tria millia equitum<br />

pêrfequuta funt : at in eos qui kntius fequtbantuf<br />

meidebant umverfa fugkntium agmina. Vix credibih<br />

dieu ! plures captivi quam qui caperent erant ; adeè<br />

&mnem fenfum territis Fortuna pemtus excufferai 9<br />

ut nec hojiium paucitatem me multitudinem fuam<br />

fatis cernèrent. Intérim jumenta qum-Uarium veh&*<br />

bant, nulb régente , decefferant militari via ; &<br />

errore deiata per IV ftadia, in quidam valiè<br />

-confîiterant , ttft'u fmuique vulneribus fatigata*<br />

'"Haud procui erat fins , ad quem monflratum i<br />

periiis Polyftratus *' macedo » fui macéra tus , ac~<br />

£iffit ; ac <strong>du</strong>m galed hauftam aquam forbet, teia<br />

jumtntorum deficientium corporibus infixa confpexit*<br />

Miratusquc confijh potius quam abaOa ejffe, /*mivivi<br />

* [ hommis mrpus, quum propihs accef*<br />

fijfet, in fordido vehïcuh pettibus conteËo fitum<br />

reperit ; atque Darium , multis quidem vulneribus<br />

confoffum > adhuc tamen fpirantem, effi cogno»<br />

vit. Qui, applicito captiva, quum civem ex voct<br />

çognovijfet > id faltem pmfends fortuna. folafmm<br />

fe habere dixit 9 quod apud inteUeâumm wcutums<br />

effet nec incajfum poflremas vocts ewûffurus. Mmeque<br />

Akxandro perferri jubet : fe. nullis m eum<br />

meruorum 0ficus, maximorum' autem illi débita*<br />

rem mori r agere tamen ci maximas gratias pm<br />

' * Ce qui fuit ce crochet )ufqu*à la fin , & le commencement<br />

da livre futvant jufqu'au crochet renverfé t<br />

a été fuppîéé<strong>par</strong> Freinshemius-. Cette fin eft tirée à peu<br />

près de Juftin, XI. 15, Le commencement <strong>du</strong> îivre VI<br />

eft de Freinshémius,


LèVRE V. CHAP XIII. 197<br />

'défenfe furent taillés en pièces ; on mena le reft«<br />

comme un troupeau de bêtes fans coup férir, <strong>par</strong>c*<br />

que îe roi avoit ordonné qu'on s'abftint de répandre<br />

le fang. Aucun des prifonniers n'étoit en état, de fturjB<br />

connoître la toiture de Darius : chacun avoit foin de<br />

les examiner toutes à mefure qu'on les prenoit; &<br />

néanmoins iî ne <strong>par</strong>oifioit aucun veftige de îa fuite<br />

de ce roi. Alexandre avoit fait tant de diligence qu'à<br />

peine trois-mille chevaux avoïent pu îe futvre.: mat»<br />

tous les pelotons de fuyards tomboienî entre les main»<br />

de ceux qui venoient plus lentement après lui. Chofe<br />

Incroyable ! il y avoit plus de prifonniers que de gens<br />

pour les prendre ; la Fortune avoit tellement troublé<br />

le fens à ces malheureux dans leur effroi , qu'ils ne<br />

firent affez détention ni au petit nombre des ennemis<br />

ni à leur propre fupériorité. Cependant les chevaux qui<br />

îrainoient Darius avoient f faute de con<strong>du</strong>cteur , quitté<br />

la voie militaire ; & après avoir erré l'efpace de quatre<br />

ftades , ils s'étoient arrêtés dans un vallon s excédés <strong>par</strong><br />

la chaleur & <strong>par</strong> leurs- bleffures. 11 y avoit près de là<br />

une fontaine, où vint, fur l'indication de ceux qui la<br />

connoiffoient, îe macédonien Polyftrate, preffé <strong>par</strong> Ut<br />

foif j & tout en buvant l'eau qu'il y avoit puifée avec fou<br />

cafque , il remarqua que des chevaux mourants avoient<br />

le corps percé de javelots. Etonné qu'on les eâ,t<br />

bleffés de la forte plus tôt qu'emmenés , il s'approche<br />

de plus près» trouve le corps d'un homme demi-mort<br />

couché dans une mauvaife charette couverte de peaux ,<br />

& reconnoîî que c'eft Darius , véritablement criblé de<br />

coups, mais refpirant encore. 11^fait approcher un pri*<br />

fonnler; & le prince, l'ayant reconnu pour perfe à<br />

fon langage , dit que,'dans l'état où il fe trouve, il<br />

va <strong>du</strong> moins avqir la. çonfolation de <strong>par</strong>ler à quelqu'un<br />

qui l'entendra s & «Petré afluré que fes dernières <strong>par</strong>oles.<br />

se feront point per<strong>du</strong>es. 11 îe charge de dire à Alexandre z<br />

qu'il meurt fans l'avoir jamais obligé > & qu'au contraire<br />

il lui a les plus grandes obligations : que cependant il<br />

lui rend mille grâces pour les bienfaits dont il a comblé<br />

N ¥


098 "LIBER F. CAP. XIII.<br />

éemfiéis m mairem f conjugem , Uterosque fws<br />

•impenps ; us enim vitam , &priflim Jtatûs me—<br />

rent'mm digmtatemque concejjam ; fihl autem è<br />

'€ùgnads atque amicis , quitus & régna & vitant<br />

dederit, 'Ma omnia erepta effi : precari fe ut 'dis<br />

viBori un arum omnium imperium comlngat: uU<br />

ûonem fceleris erga fe perpttrati , non fohsmfua,<br />

'fid extmpB ommumqm regum caufi , non negH-<br />

.gère Mil quum décorum tum utile futumm* Jamque<br />

deficiens aquam popofcit ; quam oMaiam pojiqmm<br />

ê'éit,. Polyftratô , qui eam tukrat : Qaisqms es<br />

snoitalium, inquit, hoc miM extremum univerfae<br />

calamitatis genus accidiî* ut pro tant© In me<br />

bcneficio dignas tîbi grates referre nâoueam :<br />

at référât Alexander ; Alexandre vero dii, pro<br />

€jus fommâ in meos humanitate ac dementiâ:<br />

cui hoc fidei regiae unicum dextra pignus pro<br />

me dabis. Hac dicentem , accepta Potyftrati<br />

manu, vita deflituii- Quitus Alexandro mmciar<br />

m , ad corpus demonui perveniem , tam matgnam<br />

Mb faftigio mortem îacrimis profequutus eft : demtique<br />

fiti cMamyde 9 corpus 'Mius contexh; atque<br />

regio ornatum cultu, ad mairem Sijygamtin, putrio<br />

regioque more fepelien<strong>du</strong>m aique regiis mai®*<br />

mm fuorum tumulu infiren<strong>du</strong>m , mijk»


LIVRE V.CMAF. XI IL 29-9»<br />

fâ mère, fon époufe, & fes enfants ; puifqu'ïl leur m<br />

confervé îa vie t avec tout l'ap<strong>par</strong>eil & toute îa dignité<br />

de leur premier état ; au lieu que fes propres<br />

<strong>par</strong>ents & fes amis, qui tenoient de lui des royaumes<br />

& la vie même f viennent de lui ravir l'un & l'autre :<br />

qu'il prie les dieux d'accorder à fon vainqueur l'empire<br />

de l'univers : que non feulement fon intérêt perlonnel,<br />

mais celui même de l'exemple & de tous les fou»<br />

Têrains lui <strong>mont</strong>re la vengeance de l'attentat commis<br />

en fa perfonne s comme une entreprife honorable &<br />

utile. Alors fé fentant défaillir t il demanda de l'eau $<br />

quand on la lui eut préfentée, il but,. & dit à Polyftrate,<br />

qui l'a voit apportée : Qui que vous foyt\, voici<br />

It comble de tous mes malheurs t de ne pouvoir vous témoigner<br />

dignement ma reconnoiff&nce pour le fervice-im~<br />

figne que vous vent\ de me rendre : mais veuille Alexandre<br />

vous en tenir compte; & daignent les dieux le récompenfer<br />

lui-mime de l'excès de fes bontés &defa clémence<br />

envers les miens : au moins donne\-luif pour affermes<br />

de mon sffeSion royale > ce gage unique de ma main,<br />

Là-deflus prenant la main de Polyfttrate,. il rendit<br />

l'efprtL Ces chofes ayant été rapportées à Alexandre »<br />

il fe rendit auprès <strong>du</strong> prince mort, & répandit des<br />

larmes fur une fin fi peu conforme à l'élévation de fa<br />

fortune : détachant eafuite fon manteau, il en couvrit<br />

fon corps ; & après l'avoir fait revêtir des ornements<br />

royaux , il l'envoya à Syfîgambis fa mère »<br />

pour lui faire des funérailles félon l'ufage <strong>du</strong> pays 8c<br />

des rois de Perfé, & le dépofer dans les tombeaux<br />

de fes prédéeeffeurs*<br />

N YJ


LIBER SEXTUS.<br />

L Praelii inter lacademonios atqae macedones<br />

defcriptio : pax ab Alexandro viôore 5 graecis<br />

qui eo abfente defecerant, conceffa.<br />

IL Alexander , bello mviâus, otio & deKciïs<br />

frangitur ; Mode- rusaor in caftris, qui torpentem<br />

excitât»<br />

'IIL Hoitatoria Alexandri ad milites orario,. ut<br />

bellum in Afiâ inchoatum perfequantur &L<br />

abfolvant.<br />

'IV. Zioberis ,. miri flominis ? defcriptio. Aiexander<br />

Nabarzani, pet litteras. falutem qoaerenti'<br />

> Yeniam polficetur : dekde , mari<br />

Cafpio & Hyrcanise proximHS , quofda»<br />

Darii prafeâos recipit in gratiam.<br />

V. Artabazo bénigne accepto, grsecîs qui Darium<br />

adjuverant <strong>par</strong>cit Alexander; & mardoram<br />

gente debellaîâ ,• amazonic* cujufdam<br />

regtnx petitioni fatisfacit.<br />

VI Macedones Alexandri offen<strong>du</strong>ntur moribiis ,*<br />

qui, ut feditionem a-verteret, ad bellum<br />

Jjeffo inferen<strong>du</strong>m mentem convertit : quod<br />

. & ïtratagematê- inchoat ; ac Satibarzanem ,<br />

quod deleciffet, primum profequitur ; barbares<br />

à <strong>mont</strong>ibus difpellit \ Artacacnaja expwgnat»


LIVRE SIXIÈME.<br />

I. Defcriptbn de la hataîlïe donnée entre les tacédémoniens<br />

& les macédoniens r Alexandre,<br />

après la vMoire, donne la paix aux grecs qui<br />

s'étaient révoltés en fin abfcence.<br />

H. Alexandre 9 invincible à la guerre , fi laîffi<br />

amollir <strong>par</strong> toïfiveté & les délices ; de la des<br />

murmures dans le camp , qui le tirent de cet<br />

affiupiffiment.<br />

'M. Difiours d r Alexandre â fis fildats r pour les<br />

exhorter a pourfuivre & â achever la guerre<br />

quils ont commencée en Afie. • • .<br />

IV.* Defiription <strong>du</strong> Ziobéris 9 fleuve merveilleuse*<br />

Nabariants ayant demandé fis fur étés <strong>par</strong> écrit,<br />

Alexandre lui promet fin <strong>par</strong>don : enfulte , étant<br />

dans le voifinage de la mer Cajpienne & de FHyr~<br />

canie r il reçoit en grâce quelques officiers de<br />

Darius.<br />

.V. Alexandre reçoit Artaba^e avec bonté , &<br />

<strong>par</strong>donne aux grecs qui avaient prêté fi cours à<br />

Darius ; & après avoir dompté la nation des<br />

mardès 9 il fatisfait à la demande d % une reine<br />

des amazones.<br />

VL Les macédoniens font choqués des mœurs<br />

d'Alexandre, qui , pour prévenir une émeute 9<br />

prend la réfilution de faire la guerre â Beffus :<br />

il la commence <strong>par</strong> unftratagême ; Satiharçanes ,<br />

qui avait quitté fin <strong>par</strong>ti 9 efl le premier qu'il<br />

pour fuit ; il chaffi les barbares de leurs <strong>mont</strong>a-*<br />

gnes ; il prend la ville i* Artaeacnt*


302 LIBER VI. CAP. 1.<br />

VIL Conjurationem in Alexandram Ehrimit»<br />

Nicomacho , hic per Cebalinum fratrem<br />

Alexandre detegit : lune mors Dymni, qui<br />

ipfe fibi marais infert<br />

VIII. AmicoruOT regioram confilio 9 Philotâs f<br />

Parmenionis fiîius , conjurationis auclor aut<br />

<strong>par</strong>ticeps crédites , capkur ac velato capite<br />

in regiam ab<strong>du</strong>citur.<br />

IX. De conjurations advers&s Philotan expoftulatoria<br />

Alexandri ad milites oratio ; coram<br />

quibus Philotâs ad<strong>du</strong>ûus defenfionem <strong>par</strong>ât.<br />

X. Apologetica Philotae oratio , quâ conjurationis<br />

accufationern prolixe refêllit.<br />

XL Concio 5 a quodam Belone accenfa 5 îs<br />

Philotan furgït. Is , paulo poft , ut fe craciatibus<br />

liberet , conjurationis circomftantiâs<br />

aperit ; cumque aliis qui accufantur à Nicomacho<br />

faxis obnritur»<br />

I. LJ v M ea per Afiam geruntur , ne m Gracia<br />

quidem Macedoniaque tranquille res fuerc. Régnabat<br />

apud lacedamonios Agis, Arckidami films ,<br />

qui, tarentinis opem ferens , ceciderat eodem die<br />

qw Philippus athenienfes ad Chmroneam vicit*<br />

Is , Alexandri per virtutem amulus , cives fuos<br />

ftimulabat 9 ne Graciant fervitute macedonum dmtiàs<br />

premi paterentur ; nifiin temporeproviderent,<br />

idem jugum ad ipfos tranjiturum ejfe ; adniten<strong>du</strong>m<br />

igitur , ,<strong>du</strong>m aliqua adhuc pcrfis ad refijien*<br />

ium tires -efifient ; iltis opprejis , advenus, umm*


LIVRE-VI. CMAP. 1. JOJ<br />

VII. Dymnus découvre a Nieomacke um conjuration<br />

contre Alexandre , & Nkomache en inftruit<br />

ce prince <strong>par</strong> fon frère Cêbalmus : ce qui eji<br />

caufe de la mort de Dymnus 9 qui fe me de jk<br />

propre main.<br />

VIII. -De l*avis des courtifans , Phihtas , fils de<br />

Parmênion9 <strong>par</strong>oijfant l'auteur ou le complice<br />

de la conjuration, efl arrêté & amené au palaisla<br />

tête couverte d 9 un voile.<br />

IX. Difcours d'Alexandre aux troupes contre Phi*<br />

lotos au fujet de la conjuration ; & Phihtas ,<br />

amené en leur préfence , fi pré<strong>par</strong>e a fi défendre*<br />

X Apologie , <strong>par</strong> laquelle Phihtas fi juftifiepleinement<br />

d % avoir eu <strong>par</strong>t à la conjuration*<br />

XL Uaffimblêe , irritée- <strong>par</strong> un certain Bêhn ,<br />

s*élève contre Phihtas. Lui-même 9 un peu après,<br />

pour fi délivrer des tourments , révèle les circonfiances<br />

d'une conjuration ; & il efl lapidé avec<br />

les autres qui avoient été accufis <strong>par</strong> Nicomache»<br />

I. JL ANDIS que ces clîofes fe paffolent en Âûe, la<br />

Grèce même & la Macédoine ne furent pas tranquiles.<br />

Les lacédémoniens avoient pour roi Agis f fils- de cet Archidame<br />

f qui » étant allé au fecours des tarentins-, avoit<br />

été tué le jour même que Philippe vainquit les athéniens<br />

auprès de Chéronée. Ce prince > à qui la valeur<br />

d'Alexandre infpiroit de l'émulation » exhortoit fes concitoyens<br />

à ne pas fouffrir que la Grèce demeurât.<br />

plus long temps affervie aux macédoniens; que, s'ils<br />

n'y pourvoyoient à temps, le même joug ne manqueroit<br />

pas de paffer fur leur propre tête ; qu'ils dévoient<br />

donc tourner leurs forces vers cet objet s tandis<br />

qu'il en reftoit encore affez aux perfes pour réfifter;<br />

-que, fi ces peuples étoient une fois fubjugués, ea vain


304 LIBER VI. CAP. t.<br />

nem potentiam frufira avka libmaùs memom<br />

futuros. Sic inftinBh arâmh, occajionem btUÀ ex<br />

commodo ceptaniï circumfpiciebam : igkur ftÛ*<br />

eitate Memnonis invkati , c&njïïia cum ipfi mif<br />

cere agrejji funt ; & poflquam ille rerum lœtanm<br />

inïûa intenipcflivâ morte defti'tuk , nihib remijffws<br />

agtbant. Sed ad Pharnabaqum & Autophradaten<br />

pr&fiêus Agis, triginta argtnti talenta decemque<br />

trirèmes impetravit, quas Agefilao fiatri mifit ut<br />

' in Cretam navimret, eu jus infulœ cuUores inter<br />

iacedamonios & mactdonas diverfis Jiudiis dkèraàebaamr.<br />

Legaû qmque ad Daman miffl funt *<br />

qui in ufum belli ampliorem vint pecunm phresque<br />

naves peterent. Atque hmc eomm cepta claies ai<br />

IJfttm ( nam ta intervenerat) adeo non interpellavit,<br />

ut etiam adjuverit : quippe fugieritem infequë"<br />

tus Alexander in longinqua loca magis magkqm<br />

rapiebatur ; & ex ipfopmlio mercenariorum mgens<br />

multitudo in Grmciam fugâ penetraverat : quorum<br />

-oBo tnillia perficâ pecuniâ con<strong>du</strong>xit Agis, eorum*<br />

que opéra plerasque cretenfium urbes recepk. Qimm<br />

deinceps Menon , in Thraciam ab Alexandre<br />

miffus , barbaros ad deftBionem impuliffet, adqm<br />

eam comprimendam Antipater exercimm ex Macedoniâ<br />

in Thraciam <strong>du</strong>xijfet; opportunitate tempo»<br />

ris firenuè ufi hcedmmomi totam Peloponnefum,<br />

paucis urbibus exceptis 9 in <strong>par</strong>as traxerunt, confeëoque<br />

exercitu vigimi miïïium pedkum cum equitibus<br />

bis mille-, Agidi fummam imperii detulemm.<br />

Antipater , ea re compertd, beïïum in Thra*<br />

ciâquibus poteft conditionibus comporàt i rapthnque<br />

in Grmciam regrejfus s ab amkis fo disque<br />

civkatibus auxUia cogit y quibus convenkntfbus<br />

. md quadragmta pugnatarum millia rtcesfuit. Ad*


LIVRE VL CM A P. L 305<br />

•le fouTÎendroît - on de" l'ancienne liberté contre une<br />

puiffance devenue exceffive. Les efprits ainfi pré<strong>par</strong>és.,<br />

Ils épièrent l'occafion de commencer la guerre avec<br />

avantage : fi bien qu'engagés enfin <strong>par</strong> les heureux fticcës<br />

de Memnon ,. ils prirent des mefures pour fe concerter<br />

avec lui; & après fa mort, arrivée à contre-temps<br />

"dès les commencements de cette flaîteufe entr'eprife ,<br />

Hs n'agirent pas avec moins de vigueur. Mais Agis,<br />

s*étant ren<strong>du</strong> près de Pharnabafe & d'Autophradates „<br />

en obtint trente-taîents d'argent & dis trieèmes , qu*tl<br />

envoya à fon frère Agéfiiaûs afin qu'il paillt dans la<br />

Crète, dont les.habitants , divifés entre eux t.tenoieat,<br />

les uns pour les lacédémoniens % les autres pour les<br />

macédoniens. On envoya aufli à Darius des ambaffadeurs*<br />

chargés de lui demander une augmentation d'argent<br />

& de vaiffeaux pour foutenir la guerre. Au relie<br />

îa perte que fur les entrefaites Tes perfes avoient<br />

effuyée près diffus, loin de faire obftacfe à ce feeours*<br />

y contribua tout au contraire : car Alexandre, animé<br />

à pourfuivre Darius , s'enfonçoit dans des pays de plus<br />

em plus éloignés ; & un nombre prodigieux de foldats<br />

foudoyés, échappés de cette bataille, avoient en<br />

fuyant gagné îa Grèce : Agis en engagea huit-mille<br />

avec l'argent des perfes y & avec leur feceurs il reprit<br />

la plu<strong>par</strong>t des. villes de Crète. Depuis ,.Iorfque Ménon»<br />

qu'Alexandre, avait envoyé dans la Thrace, eut pouffé<br />

les barbares à la révolte % & qu'Antipater, pour l'étouffer<br />

, y eut mené une armée de la Macédoine ; les<br />

lacédémoniens x profitant habilement ctes circoaftances,.<br />

attirèrent à leur <strong>par</strong>ti- tout le Péîoponnèfe, à quelques<br />

villes près, & ayant mis fur pied une armée de vingtmille<br />

hommes d'infanterie & de deux-mille.chevaux, ils<br />

en donnèrent à Agis. îe commandement général.. Antidater,<br />

en ayant eu avis,, termina la guerre de Thrace<br />

aux meilleures conditions qu'il put* & repaffant promptement<br />

dans la Grèce, il leva, fur les peuples amis<br />

& alliés d'Alexandre, un corps de troupes auxiliaires»<br />

qui <strong>mont</strong>oit à quarante-mille combattants quand il ea


306 LIBER VI. CAP. L<br />

vénérai & ex Pebponnefo valida manus : fed quia<br />

<strong>du</strong>bïam ipforum fidem refciveraî , dijfinudatâ fufpicione,<br />

grattas egit quod ad defendendam adversus<br />

lacedœmonios Alexandri dignitatem adfuijfent;<br />

fcripturum fe id régi , gratiam in tempore relar<br />

iuro : in pmfens nihil ©pus ejfe majoribus copiïs<br />

; haque domos redirent , fitderis mceffkam<br />

expktd. Nuncios deinde ad Alexandrum mittit,<br />

de motu Graciai cerûerem faâuros : atque Es<br />

regem apud Ba&ra demum confequuù font ; qmm<br />

intérim 9 Anûpatri viëor'm & nece Agiés in<br />

Arcadiâ % tranfa&um effet. Sanè jam pridem<br />

tumtdtu lacedmmoniorum cognito , quantum tût<br />

terrarum fpatiis difcretus potuit 9 providerat :<br />

Amphôterum cum cypri'u & phceniciis navibus m<br />

Peloponnefum navigare ; Meneten tria msUia talentum<br />

ad mare déferre juffirat, ut ex propinqw<br />

pecwâam Anùpatro fubminiftroret quanta iMum<br />

indigere cognovijfet. Probl enim perfpexerat,<br />

quanti ad omma momenti motus iftbu îndimîk<br />

jktura effet ; quanquam dèinceps , adepto vUb*<br />

rim mmcio , fuis operibus id djfcrimen compa-<br />

• tons , murium eam pugnam fuiffe eavillatus efl.<br />

Ceterum prmcmia ejus beui haud impwfpem<br />

tacedœmoniis <strong>par</strong>e. Juxta Çorrhamm , Maado*<br />

nim cafiellum 9 cum Antipatri mmtibus congreffi,<br />

viBores existeront; & rei bene geflmfàmd, eimm<br />

qui fufpenfis mentibus fortunam fpeSmerant infecte<br />

totem eorum pertro&i fùnt* Una , ex elms achatsque<br />

urbibus , Pellene fa<strong>du</strong>s ojpernabatur : & m<br />

Arcadiâ » Megahpolis fida macédoniens , ob<br />

PhWppi memonam * â quo bénéficiés affefk fis»


LIVRE VI. CHAP» L JCJ<br />

fit la revue après la réunion. Il lui étoiî auffi venu <strong>du</strong><br />

Péloponnèfe un puiffant fecours : mais ayant fu qu'il<br />

y avoit à douter de leur fidélité, fans rien témoigner<br />

de fa défiance, il les remercia de ce qu'ils étoient venus<br />

pour défendre l'honneur d'Alexandre contre les lacédémoniens<br />

; qu'il en écriroit au roi * qui en temps &<br />

lieu leur en marqueroiî fa reconnoiffance : que pour<br />

le préfent il n'avoit aucun befoin de renfort; & qu'eit<br />

conféquence ils retournaient chez eux, après avoir<br />

fatisfait ainfi. aux devoirs de l'alliance. 11 dépécha enfuite<br />

des couriers à Alexandre, pour l'inftruire des<br />

mouvements de la Grèce : ils le joignirent enfin auprès<br />

de Beftres j îorfque, <strong>par</strong> la vi&oire d'Antipater & îa<br />

mort d'Agis en Arcadie , tout étoit déjà terminé. A îa<br />

vérité il y avoit déjà long temps que le roi, ayant<br />

été averti de ce mouvement des lacédémoniens, avoit<br />

pris des mefures en conféquençe , autant qu'il lui avoit<br />

été poffible à une fi grande diftance : il avoit donné<br />

ordre* à Amphotère, de fe rendre au Péloponnèfe fur<br />

des vaifleaux de Cypre & de Phénicie; à Ménète, de<br />

porter vers la mer trois-mille talents, afin de fournir<br />

de près à. Aniipater tous les fecours d'argent qu'il lut<br />

fauroit néceflaires. Car il avoit bien prévu combien<br />

cette fédition pouvoit avoir d'influence fur tout* le<br />

relie; quoique depuis, après la nouvelle de la victoire<br />

,. com<strong>par</strong>ant cette affaire avec fes propres expéditions<br />

, il ait dit en plaifantant que ce n*avoit été qu'un<br />

combat de fouris. Au relie les commencements- de cette<br />

guerre ne furent point malheureux pour les lacédé-<br />

• menions. En étant venus aux roams, près de Gorrhage 9<br />

fortereffe de Macédoine , avec les gens d'Antipater p<br />

'ils en étoient fortb victorieux.;. & te bruit de cette<br />

viôoire avoit entraîné dans leur alliance ceux mêmes<br />

qui jufques là avoient obfervé dans l'indécifion le cours<br />

de la fortune. H n*y avait » de toutes les villes det<br />

éléens & des achéens, que Pellène qui dédaignât leur<br />

alliance : & dans l'Arcadie 9 MégalopoKs. demeurait fidèle<br />

aux macédoniens » en mémoire de Philippe, de qui


308 .LIBER VI. CAP. I.<br />

rat ; fed kac, ar&è circumfejja, haud proctd Jediàone<br />

aberai, nife taûdem Anûpater fubvenif-<br />

~fet. Is , poftquam eaftra caftrïs contuiit » feqwt<br />

numéro miiitum aVwque ap<strong>par</strong>atm fuperiorem<br />

confpexit, quamprimum de fummâ rerum pmïïo<br />

eontendere flatuït ; mque iacedamonu detreBavire<br />

certamen : ita commiffa eft pugna, qwz rem<br />

f<strong>par</strong>tanam majorem in mo<strong>du</strong>m affiixit. Quum<br />

enim anguftïu locorum in quibus pugnaèatur<br />

confift , ubi hofti nullum mulùmdbûs' ufum<br />

futurum credtbant, animosè congreff. efftnt 9<br />

neque macedones impigrè refiflerent , Hhdtum<br />

fanguinis fufum eft. Sed poftquam Antïpater<br />

mtegram fubinde manum laborantiBus fitis fubji-<br />

' dm mittebat , impulfa lacedœmoniorum acies gra<strong>du</strong>ai<br />

paulifper rendit : quod conjpicatus Agis ,<br />

cum cohorte regia , qum ex fortiffimis conftabat,<br />

fe in médium ] * pugnœ dïfcrimen immifit, obtnmcatifque<br />

qui promptiks refiftebant , magnam<br />

<strong>par</strong>tem Imftium propulit. Cœperant fugere viBores;<br />

& doneç mndms fequenies 'm planum de<strong>du</strong>xirt,<br />

muiti eadebant : fed ut primum hcus in qwo ftare<br />

foffet fiât , aquis viribus dimicatum eft. Inttr<br />

omnes tamen lacedamonios rex eminebat , non •<br />

armorum modo & corporis fpecie 9 fed etiam magnitudine<br />

animî, quo uno v'mci non potuit : undique<br />

f nunc cominus mmc emmus , peîebatur ;<br />

diuque arma circumferens, alia teta elypeo exci*<br />

piebat, corpore alia vitabat ; donec haftâ femora<br />

perfoffa, piarimo fangume ejjfufo , deftkmre pwgnantem<br />

: erga elypeo fuo exceptum armigeri<br />

* Ici finit U fupplément de Freinshémius*


LIVRE VI. CUAP. L 309<br />

tic ***it reçu des bienfaits ; mais étant ferrée de près,'<br />

elle étoit fur le point de fe rendre s fi Antlpater ne fût<br />

enfin venu à fon fecours. Ce Général, ayant affis fon<br />

camp tout près de celui des ennemis , & ayant reconnu<br />

qu'il avoit là fupériorié <strong>du</strong> nombre & des autres chofes<br />

aéceffaires, ré fol ut de décider promptement la querelle<br />

<strong>par</strong> une bataille; & les lacédémomess ne refusèrent<br />

pas le combat : ainli s'engagea une aftion , qui<br />

teuma au grand dëfavantage -des f<strong>par</strong>tes. Car ayant<br />

attaqué avec courage, dans la perfuafion que le champ<br />

de bataille refferré où Ton étoit rendroit inutile la multitude<br />

des ennemis , & les macédoniens leur ayant ©p-.<br />

feCé une réûftaace également vigoureufe, il y eut<br />

beaucoup de fang répan<strong>du</strong>. Mais comme Antlpater ne<br />

ceflbit d'envoyer des troupes fraîches au fecours de*<br />

liens lorsqu'ils étoient preffés, l'armée lacédémonienne<br />

pouffée yivement plia un peu : à cette vue Agis t accompagné<br />

de fa garde, qui étoit compofée de ce qu'il<br />

y avoit de plus braves, fe jeta au milieu de la mêlée,<br />

& ayant taillé en pièces les premiers qui réfiôèrent,<br />

il fit reculer nue grande <strong>par</strong>tie -des ennemis. Ceux qui<br />

avoient d'abord été victorieux commencèrent à fuir ^<br />

& plufieurs d'entre eux tombèrent fous les coups de<br />

Tenneml, juûpi'à ce qu'ils eurent attiré dans la plaine<br />

ceux qui les pourfuivoient avec trop d'ardeur: mais<br />

dès qu'ils furent en place! pouvoir faire ferme, ©s<br />

' combattit des deux côtés à forces égaies. Cependant<br />

entre tous tes lacédémoniens oniï&mpiok le roi, non<br />

feulement <strong>par</strong> l'éclat de (es armes &de fa bonne mine,<br />

mats furtout <strong>par</strong> la grandeur de fon courage , en quoi<br />

perfonne ne put Jamais le furpaffer : tantôt de prè*<br />

tantôt de loin, on tlroit fur lui de toutes <strong>par</strong>ts ; il fe<br />

fontint Longtemps en préfentant (es armes de tous côtés<br />

<strong>par</strong>ant plufieurs coups avec le bouclier & efquivant les<br />

autres <strong>par</strong> adreffej lorfqu'enfin ayant eu les cuiffes<br />

percées d'un javelot* après avoir per<strong>du</strong> beaucoup de<br />

ïangf elles lui refusèrent le fervice pour continuer de<br />

combattre ; fe* écuyers le mirent alor§ fur fou bon-


3IO' LIëER VI. CAP. L<br />

rapîîm in taftra referebant, jaBatmnem vuherum<br />

âaud facile tokrantem.<br />

2. Non tamen omijert lacedmmomi pugnam ;<br />

«S» ut primumfibi quam hôfti mquiorem. heum capère<br />

potuerum , denfath ordinibus effusè fluentem<br />

m fe aciem excepere. Non aïiud diferimen vehementius<br />

fuijfe mémorise proâimm cfl. Duarum no-<br />

Vdijfimarum bello gentium exercitus <strong>par</strong>i Marte<br />

pugnabant. Lacedmmomi vetera , macedones pmfentia<br />

décora intuebantur ; iUi pro iibertate » M<br />

pro domïnatiom pugnabant ; lacedmmoniis <strong>du</strong>x 9<br />

macedonibus locus deerau Diei quoque unius tant<br />

' multiplex cafus modo fpem modo metum utriusque<br />

<strong>par</strong>tis augebat , velut de in<strong>du</strong>ftriâ inter fortijfimos<br />

viros certamtn tzquante Fortunâ : ceterum,<br />

anguftia hei in quo hœferat pugna non patiebantur<br />

tous congredî viribus '; fpeBabant ergo<br />

plures quam inkrant pmlium , & qui extra telï<br />

jaëum erant clamore invicem fuos accendebant»<br />

'Tandem laconum acies languefeere , lubrica arma<br />

fudore vix fuftinens ; pedem deinde referre cœpit ,<br />

urgente hofte , ac apertius fugere. Infequebatur<br />

dijjlpatos viéior; & emenfus curfu omne fpatium<br />

quoi acies laconum obtinuerat, ipfum Agim perfequebatun<br />

Elle , ut fugam fuorum & proximos<br />

koftium confpexit 9 deponi fe juffit : expertusque<br />

membra an impetum animi fequi poffent » poft»<br />

quam defteere fe fenfit $ poplitibus femet excepit;<br />

galeJque Jlrenuè fumtd 9 cfypeo protègent corpus A


LIVRE VL CBâP. L 311<br />

tuer pour le reporter promptemenî au camp , quoiqu'il<br />

eût bien de la peine , à caufe de les bleffures, à fup*<br />

porter cette agitation,<br />

%» Les lacédémoniens ne ceflerent pas pour cela de<br />

combattre ; & dès qu'ils purent fe faifir d'un pofte plus<br />

avantageux pour eux que pour l*ennemi, ils ferrèrent<br />

les rangs pour foutenir le choc de fes nombreux bataillons,<br />

11 n'y a point eus de mémoire d'homme, de combat<br />

plus furieux» Les deux plus belliqaeufes. nations <strong>du</strong><br />

monde étoient aux mains avec des forces égales. Les<br />

lacédémoniens fongeoient à leur ancienne gloire, les<br />

macédoniens à leur gloire préfente ; les premiers combattoient<br />

pour la liberté, les derniers pour l'empire;<br />

ceux-là manquoient de chef, ceux»ci d'un terrein<br />

favorable. D'ailleurs les incidents fi multipliés<br />

dans un feul jour augmentoient alternativement l'efpéraoce<br />

& la crainte dans chacun des deux <strong>par</strong>tis, comme<br />

fi la Fortune eût affeâé de tenir la balance égale entre<br />

ces vaillants hommes : <strong>du</strong> refte, le peu d'éten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> lieu<br />

où la bataille s'étoit fixée ne leur permettoit pas de<br />

déployer toutes leurs forces ; de forte qu'il y avoit plus<br />

de fpeftateurs que de combattants, & que ceux qui<br />

étoîent hors de la portée <strong>du</strong> trait animoient refpeÂi- •<br />

vement leurs camarades <strong>par</strong> leurs acclamations. Enfin<br />

farinée lacédéraonienne, pouvant à peine tenir les<br />

armes <strong>par</strong> l'excès de la fiieur, commença à combattre<br />

plus foiblement; puis, preffée <strong>par</strong> l'ennemi, à reculer, &<br />

bientôt à prendre plus décidément la fuite. L'ennemi victorieux<br />

ferroit de près les fuyards ; & après avoir traversé<br />

en courant Pefpace où les lacédémoniens s'étoient<br />

• défen<strong>du</strong>s, il fe mit à pourfuivre Agis lui-même. Ce<br />

prince, voyant fon armée en fuite & les plus avancés<br />

des ennemis qui approchoient, fe fit mettre à terre 2<br />

& après avoir e-ffayé fi les forces de fon corps pourroient<br />

féconder l'ardeur de fon courage, comme ii fe<br />

fentit défaillir, il fe mit lui-même fur fes genoux; fe<br />

hitant alors de prendre fon cafque & de fe couvrir<br />

de fon bouclier, il agitoit un javelot qu'il tenoit à la main ,-<br />

& défiait celui des ennemis qui ôferoit entreprendre,


3xi LIBER VI. CAP. L<br />

kaftam -dexira vibrabat, ultro votons hoftem , fi<br />

quis jacenti fpoUa itmert •audtnu Nec quifquam<br />

fuit qui fuftineret commus congredi. Precul mifft-<br />

Obus appetebatur » ta ipfa in hofttm rétorquées ,<br />

âonec lancea nudo ptBori- infixa eft ; quâ ex<br />

vulntre evulfa., mctmatum ac deficiens caput<br />

clypto paulisptr txctpit ; dimdt Uquente fpiritu<br />

<strong>par</strong>iter-ac fangume ^ maribun<strong>du</strong>s in arma prota*<br />

buk*<br />

3. Cecidtre lacedamonhrum V mlllia Ccczx »<br />

tx macedonibus kaud amplius ccc ; cettrum, vix<br />

qtàsquam râfi faucïus revtrtit in caftra. Mac<br />

viBoria, non S<strong>par</strong>tam modo fociosque ejus , fed<br />

ttiam omnts qui fortunam belli fptBavtrant /régit.<br />

Nec faUebat Anûpatrum , difftnûre ab anim'u<br />

gratulantium vultus ; ftd btllum finirt eupienti<br />

opus erat decipi : & quamquam fortuna,<br />

rerum plactbat , invidiam tamtn, quia majores<br />

res erant


LIVRE VI. Cm A p. L 315<br />

renverfé comme il étoit^ de fe faifir de fa dépouille.<br />

Perfonne n'eut l'aflûrance de l'attaquer de près. On<br />

lui lançoit de loin des "traits, qu'il lançoit à fon tour<br />

contre l'ennemi, ce qu'il continua jufqu'au moment où<br />

un dard lui perça la poitrine : il le retira de la plaie y<br />

pencha la tête de défaillance, & l'appuya un peu fur<br />

fon bouclier ; à la fin perdant la vie avec fon fang,<br />

il tomba mort fur fes armes.<br />

3. Cette journée coûta la vie à cinq-mille troiscents<br />

foixante lacédémoniens , & à trois-cents macédoniens<br />

feulement; <strong>du</strong> refte à peine un feul rentrat-ii<br />

dans le camp fans bleffure. Cette viélolre concerna 9<br />

non feulement S<strong>par</strong>te & fes alliés, mais encore tous<br />

ceux qui pour fe décider attendoient l'iffue de cette<br />

guerre. Aufii Antipater ne fe trompa-t-il pas fur les<br />

fentiments contraires de ceux qui <strong>par</strong>oiïlbient le féliciter<br />

avec joie de fes fuccès ; mais voulant mettre fin<br />

à la guerre , il falloit bien qu'il s'en laifsàt impofer : &<br />

quoique fes heureux fuccès lui fiflent grand plaifir, il<br />

ne laiffbit pas de redouter l'envie, <strong>par</strong>ce qu'ils étoient<br />

plus grands que ne le comportoit la condition d'un<br />

fimple lieutenant <strong>du</strong>,roi: Alexandre en effet avoit déliré<br />

que fes ennemis fuffent vaincus ; mais que ce fût<br />

<strong>par</strong> Antipater, il en étoit outré jufqu'au point de ne<br />

pouvoir s'en taire y regardant comme une perte pour<br />

la gloire tout ce qui contribuoit à celle cf ancrai Ceft<br />

pourquoi Antipater y d'après la connoiffance qu'il avoit<br />

<strong>du</strong> caraftère <strong>du</strong> roi 9 n'ofa pas régler <strong>par</strong> lui-même les<br />

fuites de îa viftoire : mais il confulta la-deflus Faffemblée<br />

générale des grecs ; & les lacédémoniens , n'ayant<br />

demandé que îa permiffion d'envoyer des ambaflàdeurs<br />

au roi, en obtinrent le <strong>par</strong>don de leur révolte, excepté<br />

pour ceux qui en étoient les auteurs* Quant aux:<br />

mégalopolitains ? dont la ville avoit été affiégée depuis la<br />

rébellion, les achéens & les étoliens eurent ordre de<br />

leur donner cent-vingt talents. Telle fut l'iffue d'une<br />

guerre, qui, s'étiot allumée taut à coup* fut toute»<br />

Tomt l O


314 LIBER VI. CAP. IL<br />

prias tamen finîmm eft quant Darium Akxandtr<br />

mpud Arbela fuperareL<br />

• H. Sed ut primum inflanàbus curh laxatus eft<br />

animas , mUkarium rerum quam qukûs ofdqut<br />

patknùor 9 excepêre mm vohptates ; & quem<br />

arma perfarum non frtgerant, vida vicemnL Inumpeftiva<br />

conviv'm , & perpotandi pervigMandique<br />

infana <strong>du</strong>lcedo , ludique , & grèges peiikum ,<br />

cmma in externum hpfa [uni morem : quem œmu~<br />

Uius quafi pot'mremjuo , iîa poptdarium animas<br />

ocuhsque <strong>par</strong>ker ojfendk 9 us a pkrisque amk®~<br />

rum pro ho fie habtretur ; tenaces quippt difciplinm<br />

fua , folkosque <strong>par</strong>co ac <strong>par</strong>aUli vi&u ad<br />

bnplenda naturm defideria - defungi, in peregrina<br />

& devMarum gen<strong>du</strong>m mata impuieraL Mine fitpïùs<br />

com<strong>par</strong>ât® in caput ejus infi<strong>du</strong>t , fecefjio<br />

mUkum, & libermr inier mutuas quereûs dohr ;<br />

ipfius deinde nunc fufpkmms quas. exckahai inconfultus<br />

pavor 9 ceteraque his femUia quœ deinde<br />

dkentur* Igkur quant intempeftivk conyiviis dies<br />

<strong>par</strong>ker noMesque cônfumerti f fatietatem epm~<br />

larum ludh interpolabat, non contentas artificum<br />

quos è Gracia exckaverat turba ; quippt captivm<br />

feminarum jubebantur fuo rku contre mconditum<br />

& abhorrens vertgrims aurièus carmrn* Inter quas<br />

unam rex ipfe confpcxu, mœftiorem quam ceteras*<br />

& pro<strong>du</strong>centibus eam verecundè reluBamtem ; tx°*<br />

ceilens erat forma , & formant pudor honeftabat 9<br />

dejeëis in terram oculis &, quantum licebat, ore<br />

vuato : fufpkiomm prmbuk régi ê mbUkrem êffe


LIVRE VI. CHAP. IL 315<br />

fois terminée avant qu'Alexandre eût remporté fur<br />

Darius la vi&oire d'Arbeîles.<br />

IL Mais dès qui! eut l'efprît débarraffé de fes grandes<br />

inquiétudes, plus propre à fupporter les fatigues de la<br />

guerre que les dangers <strong>du</strong> repos & <strong>du</strong> loifîr, il s'abandonna<br />

aux voluptés ; & n'ayant pu être vaincu <strong>par</strong> les<br />

armes des perfes, il fut fubjugué <strong>par</strong> leurs vices.<br />

Des feftins à contretemps, le plaifir de pafler les nuits<br />

à boire & fans dormir^ des jeux, des troupes de femmes<br />

per<strong>du</strong>es, tout prit la forme des ufages étrangers : en<br />

adoptant ces ufages comme préférables à ceux de fon<br />

paj§ * il choqua fi fort le goût èc les îeux de fes. compatriotes<br />

t que la plu<strong>par</strong>t des courtifans mêmes le regardaient<br />

comme un ennemi ; <strong>par</strong>ce qu'à des hommes ©bfervateurs<br />

d'une exaôe difcipline ; qui habituellement<br />

ufoîent d'aliments communs & en petite quantité feulement<br />

pour fubvenïr aux befoins de la nature, il «voit<br />

donné l'exemple fé.<strong>du</strong>ifant des vices des nations étrangères<br />

& vaincues. De là ces fréquentes confpirations<br />

contre fa perfonne, ces mutineries des foldats, ces<br />

plaintes immodérées dans leurs entretiens mutuels ; de<br />

là en conféquence f dans le prince même, ces foupçons<br />

ombrageux, fruits naturels de la frayeur & de l'imprudence<br />

, & autres mifères femblables-qui feront détaillées<br />

<strong>par</strong> la fuite. Paflant donc les jours & les nuits<br />

dans des feftins défordonnés ; il les entremêloit de feux<br />

dans les intervalles de fatiété, mais fans fe contenter<br />

de la multitude d'aôeurs qu'il avoit fait venir de la<br />

Grèce ; car il exigeoit que' les femmes captives qu'il<br />

avoit à fa fuite chantaient , à leur mode, des chanfons<br />

de' mauvais goût & choquantes pour des oreilles qui<br />

n'y étoient point faites. Le roi lui-même lit attention<br />

à l'une de ces femmes, qui étoit plus trille que les<br />

autres, & qui toute honteufe fe réfutait aux efforts<br />

de ceux qui voûtaient la mettre en vue ; elle étoit d'une<br />

excellente beauté f & fa pudeur en augmentoit encore<br />

réclat, car elle fe tenoit les ieux baiffés & le vifage<br />

€ôavert autant qu'elle pouyoît ; cela lit fousçonaec<br />

Oij


316 LIBER VI. CâF. IL<br />

quam ut înter convivales ludos deberet ofiendL<br />

Ergo interrogata quanam effet, nepîem fe Ochi,<br />

qui imper regnajfet in perfis , filio ejus genïtam<br />

ejji rtjpondit ; uxsrem Hyflaspis fuiffe : propinr<br />

quus hic Darii fuerat , maffù & ipfe exerchus<br />

pramr. Adhuc in arùmo régis termes reliquia prif<br />

ûBî mêfis hmrebant : itaque , firtwmm regiâ ftirpe<br />

genkœ & tam célèbre nomen rmeritus, non dimnâ<br />

modo capûvam , fed etiam reftkui ei fuas opes<br />

jufflt; vvrum quoque requîri9 ut reperto conjugem<br />

reâderet, Poftero autem die pracepit HephmJBôni,<br />

ut omnes captivas m Regiam juberet ad<strong>du</strong>ci ;<br />

ubî 9 fingulorum nobiBtate Jpeffata , fecrevit a<br />

vulgo quorum emmtbat genus : decem Ai fuerunt;<br />

mter qims repertm eft Oxathres , Darii /rater,<br />

non iilim fortuna quam indole animi fed -clarior.<br />

Sex & viginti mïUm tahntûm proximâ pmdi.<br />

redaÊa eranï : è quibus tredecim mUlia in congMrium<br />

milkum abjumta funt ; <strong>par</strong> kmic pecunim<br />

fumma cufto<strong>du</strong>m fraude fubtra&a eft. Oxydâtes<br />

trat nobîlis perfes 9 qms a Dario capitali fuppïicio<br />

de (Imams , cohibebatur in v'mculîs ; kuk<br />

liberam fatrapeam Media attribuit : fratremque<br />

Darii recepit in cohortem amicorum 9 omm yetufim<br />

clarkatis honore ftrvato*<br />

ç. Mm m Parthhmn pervenmm eft , tune<br />

obïlem gentem, mine caput omnium qui, poft<br />

f phraten & Tigrim amnes fia , rubm mari ter*<br />

minantun Scytha regionem camptftrem ac fera"<br />

km occupaverunt , graves adhuc accola : fedes<br />

habmt & m Europe & m Afid ; qui fuptr Bos-


LIVRE FL CMAP, 11. 317<br />

«3 roi qu'elle étoit trop bien née pour être donnée<br />

en fpeâacle dans des réjouïffances & des feftins. Lorfqu'en<br />

effet on lui eut demandé qui elle étoit, elle<br />

répondit qu'elle étoit petite-fille d'Ochus, qui avoit<br />

été roi de Perte il n'y avoiî pas long temps, qu'elle<br />

étoit fille de fon fils, & qu'elle avoit époufé Hyftafpe :<br />

c'étoit un proche <strong>par</strong>ent de Darius, & il avoiî eu le<br />

commandement en chef d'une grande armée. 11 reftoiî<br />

encore dans le cœur <strong>du</strong> roi quelques traces de fes anciens-<br />

principes: ainfi, refpeôant le malheur d'une princefle<br />

<strong>du</strong> fang royal & te nom ïllultre de fa maifon,<br />

non feulement il la remit en liberté, mais il lui restitua<br />

fes biens; il donna même ordre de faire la recherche<br />

de fon mari, pour la lui rendre. Le lendemain<br />

il chargea Hépheftion d'amener au palais tous les prifonniers;<br />

& après avoir pris connoifTance <strong>du</strong> plus ou<br />

moins de noblefle de chacun, il fé<strong>par</strong>a <strong>du</strong> commun ceux<br />

qui étoient d'une naiflànce diftinguée : il y en avoit dis ; &<br />

l'on trouva <strong>par</strong>mi eux Oxathrès, frère de Darius, aufli<br />

illuftre <strong>par</strong> fes qualités perfonnelles que <strong>par</strong>.la dignité<br />

émïnente de fon frère. On avoit tiré vingt-fîx-; •le<br />

talents <strong>du</strong> dernier butin : on en avoit employé treize<br />

en gratifications pour les foldats ; & une <strong>par</strong>eille fomme<br />

avoit été détournée <strong>par</strong> l'infidélité des dépofitaires. Un<br />

noble perfan, nommé Oxydâtes, ayant été deftiné <strong>par</strong><br />

Darius au dernier fupplice , étoit gardé dans les fers ;<br />

Alexandre l'en délivra, & le fit fatrape de Médie : il<br />

admit auffî le frère de Darius au nombre de fes favoris ,<br />

en lui confervant tous les honneurs de fon ancienne<br />

dignité.<br />

j. On pafla enfuite dans le pays des <strong>par</strong>thes, peuple<br />

alors fans renom, aujourdhui la principale -de toutes<br />

les nations qui, placées au delà de FËuphrate & <strong>du</strong><br />

Tigre, s'étendent jufqu'à la mer rouge. Les fcythes fe<br />

font em<strong>par</strong>és d'un pays plat & fertile, & ont été juf»<br />

qu'à prêtent des voifins incommodes : ils ont des éta~<br />

bliflements en Europe & en Afie; ceux qui habitent<br />

au deffus <strong>du</strong> Bofphore, ap<strong>par</strong>tiennent à l'Afie ; mais<br />

O iij


3x8 LIBER FI. CAP. IL<br />

phorum cokmi, adfiribuntmr A fia, ; ai qui m Eu<br />

rôpâ fimt, â Imvo Thracim latere ad Boryfthr<br />

nem atque inde ad Tanam , aiium amnem, reéld<br />

plagd atûnent ; Tonals Europam & Afiam medius<br />

imerfiuu ; mec <strong>du</strong>bitatur qum fcytkm qui<br />

<strong>par</strong>thrn eondidere 9 non i Bofpkaro , fed ex région*<br />

Eur&pm penetraverwL Urbs erat ei tempe f<br />

taie clora Hecammpybs 9 condita i grmîs : m<br />

flattva rex èobmit, tommeaûbus undique aéveétis*<br />

Moque mmor, otiofi mifitis viàum , fine auBore<br />

percrebuh9 regem , eontentum rébus quas gefi<br />

fi£et9 m Maeedomam promus redire ftamij/è :<br />

difcurrunt » fymphatis fimiles , in tabemactda ,<br />

6* kineri farcinas optant ; figrmm damm crederes<br />

ut vafa colligerem : totis caflris tumuhus 9 hmc<br />

cmntukernales fuos requirenùum, hmc oneramimm<br />

plaufira , perfermr ad regem. Fecerant fidem rumen<br />

temerè vtdgato grmci milites redire jujfi<br />

d.'+'js, quorum equitibus finguâs ienariorum fena<br />

millm dono dederat : ipfis quoque finem milkim<br />

adeffè credebant. Haud fecks quam <strong>par</strong> erat ter~<br />

ritus AUxander 9 qui indos atqwe ultima Orienûs<br />

peragrareftatuiJfet9pmfeêos œpiarum inprmtorium<br />

c&ntrahii ; obortisque ïacrimis , [ex medio gioriœ /patio<br />

revocarife, viHi magis quam viBoris fortunam<br />

m patr'mm retaturum » eonqueftus eft : necfibi ignawam<br />

mÏÏitum obfiart9ftd deorum invidiam; qui for»<br />

ûffimis viris fubitum patr'm defiderium adm&viffent9<br />

patdo poft4fs eamdem eum majore Èaude fa*<br />

plaque redituris* Tum vero pro fi qui/que operam<br />

fuam ojferre ; difficittima quoque pofctre ; poh%<br />

ceri miiiium quoque obfequium , fi animos eorum


LIVRE VI. CM A P. IL 319<br />

ceux d'Europe s'étendent depuis le côté gauche de ta<br />

Thrace jusqu'au Boryftlièae y & delà tout droit jufqu*à<br />

un autre fleuve 9 qui eft le Tanaïs : celui-ci coule entre<br />

l'Europe & l'Afie ; & il eft hors de doute que les fcy thés<br />

fondateurs des <strong>par</strong>thes font venus , non des rives <strong>du</strong>'<br />

Bofphore , mais <strong>du</strong> pays qu'ils tiennent en Europe. Il y<br />

avoit une ville nommée Hécatompyîe,alors fort célèbre,<br />

qui avoit été bâtie <strong>par</strong> les grecs : le roi s'y arrêta & y<br />

fit Tenir des vivres de toute <strong>par</strong>t. Cela donna lieu à<br />

un bruit qui fe répandit fans qu'on en pût connoître<br />

Fauteur % vice ordinaire de la foldatefque oifive , que<br />

le roi, content de ce qu'il avoit fait, avotî réfolu de<br />

retourner inceflamment en Macédoiae : les foldats, femblables<br />

à des frénétiques f courent aux tentes , & font<br />

leurs paquets pour la marche ; on diroit que le figeai eft<br />

donné pour plier bagage : le bruit qui fe fait dans tout<br />

le camp, <strong>par</strong> l'empreflement des uns à chercher leurs<br />

camarades & le mouvement des autres pour charger les<br />

chariots , <strong>par</strong>vient jusqu'aux oreilles <strong>du</strong> roi. Ce qui<br />

avoit donné deJa vraiffemblance à ce bruit répan<strong>du</strong> fortuitement,<br />

c'eft qu'il avoit licencié les foldats grecsf<br />

& donné à chacun de leurs cavaliers une gratification<br />

de fix-miite deniers : les autres crurent suffi que la<br />

guerre étoit finie pour eux. Alexandre, juftement alarmé<br />

, <strong>par</strong>ce que fon intention étoit de fe porter jufqu'aux<br />

Indes & aux extrémités de l'Orient, affemble les chefs<br />

des troupes dans fa tente; & les larmes aux ieux,<br />

il fe plaint qu'au milieu de la carrière la plus glorieufe<br />

on le force de retourner en arrière t pour rentrer dans<br />

fa patrie plus tôt en vaincu qu'en vainqueur : que l'obftacie<br />

venoit, non de la lâcheté des foldats, mais de<br />

l'envie des dieux ; puifqu'ils avoient jeté tout à coup<br />

dans les cœurs de ces vaillants hommes un ft grand<br />

défîr de leur patrie 9 où ils n'auroient pas manqué dans<br />

peu de retourner avec plus de gloire & de célébrité.<br />

La-deffus chacun s'emprefle de fe dévouer à fes ordres ;<br />

®n follicite les commUfions les plus difficiles; on'lui<br />

lépcmd de l'obéiflance même des foldats, pour peu<br />

O iv


310 LIBER FI. CAP. ///.<br />

. Uni &^ aptd oraiione permukere voluiffet : mmquant<br />

^ injraâos & abjeBos receffffe 9 quoties ipfws<br />

alacrkatem & tanti animi fpirkus haunre potuiffent.<br />

lia fe faQurum êffe refpondk , illi vulgi<br />

aures pm<strong>par</strong>arent fél Satisque omnibus qum in rem<br />

vidcbantur ejje compôfitis , vocari ad conciomm<br />

exercitum jujfit , apud quem talem oraî'wnem<br />

hdhmi :<br />

. III. Magnitudinem reram qms geffimus ,<br />

Milites , intuentibiis vobis, minime miram eft<br />

& defiderium quietis & fatietatem glorise occur-<br />

.rere. Ut omittam illyrios, triballos , Bœotiam ,<br />

Thraciam , S<strong>par</strong>tam, achœos, Peloponnefum ,<br />

quorum alla <strong>du</strong>ftu meo 9 aîia imperio aufpicioqne<br />

perdomei ; ecce orfi bellum ad Hellefpontum,<br />

ionas, iEolidem fervitio barbariae impotentis<br />

exemimos : Cariam , Lydiam , Cappaclociam<br />

, Phrygiam, Paphlagoniam, Pamphyliam<br />

, pifidas, Ciliciam , Syriam , Pbœniceiî,<br />

Armeniam, Perfidem, medos , Parthienen hàbemus<br />

in poteftate : plures^provincias cornplexus<br />

fiim quam alii orbes ceperant ; & nefcio<br />

an enumeranti mihi quaedam ipfarum reram<br />

multitude mb<strong>du</strong>xerit Itaque fi crcaerem fatis certain<br />

effe pqffeffionem terraram quas tantâ ve-<br />

Socitate domuimus : ego vero, Milites, ad penates^<br />

meos , ad <strong>par</strong>entem fororefque & cete-*<br />

ros^civêSç vel reiiitentibus vobis , erumperem ;<br />

ittibi potiffimiim <strong>par</strong>ti vobifcum laude & gloriâ<br />

fraerer, ubi nos uberrima viôoriae praemia<br />

exfpeâant, liberorum , conjugum, <strong>par</strong>entumque<br />

laetitia, pax , quies , reram per virtutem<br />

<strong>par</strong>taram fecura pofleffio,<br />

Sed in noyo &, fi veram fateri volumus %


LIVRé, VL CMAP. 111. 321<br />

qu 1 !! ait-la eomplaifance de les calmer en leur <strong>par</strong>lant<br />

avec douceur & d'une manière convenable aux circonstances<br />

: qu'ils ne s'étoient jamais retirés avec l'air<br />

morne & abattu, toutes les fois qu'ils - avoîent été à'<br />

portée de puifer en quelque forte dans fa refpïration<br />

la gaieté & la magnanimité. Il répondit qu'il le feroit,<br />

que de leur côté ils 'difpofaflent la multitude à l'entendre<br />

favorablement. Après avoir pris toutes les me-<br />

Aires qui <strong>par</strong>oifîbient néceffaires à les vues, il fit cou»<br />

•oquer l'armée, & lui <strong>par</strong>ia en ces termes:<br />

111. La grandeur de nos exploits, Soldats 9 quand vous<br />

y faites attention, ne permet pas d'être furpris que vous<br />

défirie\ le repos & que vousfoye^ raffajp.es de gloire* Sans<br />

<strong>par</strong>ler des illyriens f des triballes, de la Biotie § de la<br />

Thrace , de S<strong>par</strong>te 9 des achiens, <strong>du</strong> Pél&ponnèfe, que<br />

j 9 ai fournis <strong>par</strong>tie en perfonne t & <strong>par</strong>tie <strong>par</strong> mes ordres<br />

& fous mes aufpiees ; vous voye\ que, depuis que nous<br />

avons commencé la guerre fur l'Hella/pont, nom avons<br />

affranchi d'une barbare fervitude les ioniens & l'ÉoUde:<br />

la Carie , la Lydie » la Cappadoce , la Pkrygie , la Pa»<br />

phlagonie, la Pamphylie, les pifidiens , la Cilicie , la<br />

Syrie» la Phê'nicie, VArménie f la Perfe , les mèdes, la<br />

Parthiènefont en notre puiffance: j'ai embraffi dans mes<br />

€onquêtes plus de provinces que les autres m'ont pris de<br />

villes ; & je ne fais fi, dans le détail que je viens de<br />

faire, la multitude mime des objets ne m'en a pas fait<br />

oublier quelques-uns* Si je croyois donc affe\ affûries<br />

des conquêtes faites avec tant de promptitude : je vous<br />

l'avoue, Soldats, malgré vos oppofitims je vous éckape*<br />

rois pour aller revoir ma patrie, ma mère, mes fœurs, &<br />

mes autres concitoyens ; je voudrois furtout jouer de im<br />

réputation & de la gloire que j f ai aquife avec vous*<br />

dans le lieu mime oà nous attendent les fruits les plus<br />

abondants de la viBoire, je veux dire la joie de nos<br />

mfants, de nos époufes, dew nos <strong>par</strong>ents, la paix M le repos f<br />

& la poffeffion tranquih des biens <strong>du</strong>t nous avons' aquis<br />

<strong>par</strong> notre valeur»<br />

ijtais dans un Empire nouveau, &, pourOrt la vérité*<br />

O V


jit LIBER VI. CAP. 11L<br />

precario imperîo * adhuc jogum ejus rigïdâ cer*<br />

vice fîibeuntibus barbaris, tempore, Milites r<br />

opus eft, <strong>du</strong>m mitioribus ingeniis imbuantur<br />

& efferatos molfior confiietudo permulceat,<br />

Frages quoque matnritatem ftatoto tempore<br />

ejrfpeftant ; adeo etiam iïla 9 fondas omnis ex*<br />

pertia, tamea fui lege mitefcunt I Qnid ? creditb<br />

tot gentes , alterius imperi© ac nomine<br />

affuetas, non facris, mon morifeus* non. commercio<br />

Hsguae nobifcum cobaerentes y eodem.<br />

praelio domitas effe quo vï&x funt ? Veftris<br />

armis continentur, non luis moribus ; & .qui<br />

prafentes mettront, in abfentiâ boftes erunt :<br />

cum' feris beftiis res eft, quas captas & incluras<br />

, quia ipfaram natura non poteft,- îongior<br />

dies.mkigat. Et adhuc fie ago, tanquatn- om*<br />

nia fubaéîa fint araiis quae fiierunt m ditione<br />

Darii. Hyrcaniam Nabaraanes occopavit ; Bactra<br />

non poffidet fokun pameida Beffus , fed<br />

etiam minatur ; fogdiani, dahae , maffagetae 9<br />

faca» , indT, fui juris funt Omnes hi, fimul terga*<br />

noftra Yiderint, lèquentur ; iHi enim ejufdem<br />

nationis font, nos aBenigen* & exterm; fuis<br />

autem quique <strong>par</strong>ent placidiîis , etiam quum<br />

b praeeu qui magis timeri poteft, Proinde , aut<br />

qu« cepimus omittenda finit , aut qu« non ha*<br />

bemiis occupanda. Skut in corporibus «gris %<br />

Milites 3 nihl quod nociturum ett ntedici relinquant<br />

s fie nos quidquid obftat imperio recidamus<br />

: <strong>par</strong>va fepe fcintUla contemta magnum<br />

excitant tncendium. Nihil tuto. in kofte defpicitur;<br />

quem (preveris, Yalentiorem negligentiâ<br />

faciès. Ne Darius quidem hereditarium perforum<br />

acceplt Imperimn j fed in fedem Cjri f


LIVRE VL. Cm A P. lit. jtj<br />

mmu précaire » au joug <strong>du</strong>quel les harbar.es m'ont- juf~<br />

qu'ici fournis leur tête que malgré eux 9 il faut attendre <strong>du</strong>*<br />

temps t Soldats, qu'il adouciffe leur caractère , & que de*<br />

manières plus aifées mnoliffenk leur férocité» Les fruits<br />

<strong>par</strong>eillement attendent pour mûrir la faifon marquée j tant<br />

les chofes mimes -dénuées de fentiment dépendent pour Je<br />

perfeBionner de la loi qui leur eft impofée l Quoi ? penfe\~<br />

vous que tant de nations-s accoutumées à l'empire & au<br />

nom d'un autre prince f qui n'ont d'ailleurs avec mm<br />

amcmme Uaifon de religion, de mœurs , de langage , ayent<br />

été domptées en même temps que vaimcms ? Ce font va*<br />

armes qui les contiennent, & mon leur penchant | ik vous<br />

redoutent <strong>par</strong>ce que vous êtes prêfents f en votre abfence<br />

• ils feront vos ennemis : nous avons affaire à des bites<br />

féroces , qui prifes & enfermées ne peuvent s f apprivoifer<br />

qu'à la longue, puifqu'on ne peut l f attendre de leur naturel»<br />

Et encore je <strong>par</strong>le icif comme fi nous avions conquis <strong>par</strong><br />

nos armes tout ce qui émit fous* la puiffance de 3ariu§,<br />

Mais Nabar\anes s'efi em<strong>par</strong>é de- l'Hyreanie; h <strong>par</strong>ricide<br />

Beffus, mon content de pofféder la Èa&rime, êfi même<br />

nous menacer;, ksjbgdkns , les.dahés9 les maffagètes, les<br />

faces f les indiens, font eneore leurs maîtres; Tous cet<br />

peuples 0 dès qu f ils nous verront h dos tourné, fuivront<br />

hur exemple ; c'efi qu'ils font de la même nation, & que nous<br />

fommes pour eux ' des étrangers & des gens d'un autre<br />

monde ; or chacun obéit plus volontiers â des princes de<br />

fa nation, quand mime le dépofitaire de l'autorité fero.it<br />

plus redoutable» H faut donc , ou abandonner ce que nous<br />

mons conquis, ou nous em<strong>par</strong>er de ce que nous n'avons<br />

pas encore* A l'exemple des médecins % qui, dans les corps<br />

attaqués de maladies. 9 ne laiffent rim qui puiffe nuire 9<br />

iibarra£hns»n@m aujfi de tout ce qui fait obfiach à V'afm<br />

fermiffement de notr% empire : me- fo$bh himetih négligé*<br />

a fouveni confié un grand incendie* Il n'y a point de<br />

fureté à rien dédaigner dans un ennemi $ en- le méprifant,<br />

votre négligence augmente fes forces* Darius, même n'a<br />

pas eu_ l'Empire des perfes <strong>par</strong> droit defuccejfion j et fut ' •<br />

piv UfeçQurs ifiBsgom , d'un 'vil eunuque, qu'il fut agréé<br />

• • * • OVvj •


324 LIBJSR VI. CAP. III.<br />

benefiei© Bagoa , caftrati hommis , admiflïîs t<br />

ne vos magno' labore credatis Beffum vaeuui»<br />

regnum ©ccupaturam.<br />

Nos vero peccavimus , MiBtes, fi Barrant<br />

©b hoc vicimus ut ferv© ejus traderemiis Im—<br />

perium; qui , ultimum auius fcelus , regem<br />

îuum , etiam extemae ©pis egentem, certè cui<br />

nos viôores peperciffemus % quafi captivum im<br />

vinculis habuit, ad ultimum, .ne à nobis COIîfèrvari<br />

poffet, ©cxidk. Hune TOS regnare patiemmi,<br />

quem equidem craci affixum videre<br />

feftino, omnibus regibus gentibusque fidei quam<br />

yiohvit méritas pœnas Folventem \ At, Hercule<br />

! fi mox eumdem graeçorura urbês aut Hellefpontum<br />

yaïlare nunciatiim erit vobîs ;. quo*<br />

dolore afnciemini, Beffum. pramia Yêftrae oe«cupaffe<br />

viftori* ï tune ad repetendas res fefH—<br />

natifis, tune arma eapïetis ; quant© aneem ,pr«£*.<br />

fat terrkum adhuc & vbc mentis- fuae compotem<br />

opprimere ! Quatri<strong>du</strong>i nobis iter ïupereft %<br />

qui tôt. procnlcavimus niines, tôt amnes fiiperavimus<br />

, tôt <strong>mont</strong>iujn jtsga tranfeurrimus r nom<br />

mare itlud , quod exseftuaiis iter fluâibus occu- -<br />

pat, euntès nos moratur; non Ciliciae fauces»<br />

& anguftiae inclu<strong>du</strong>nt; plana ©mnia & prona.<br />

font ; in ijpfo Emme ¥î£loria ûamus ; paucm<br />

nobis - fogitivi & domini fui interfeôores- feper-r<br />

fimt Egregkîîii f me Hercule 1: ©pus & mter<br />

prima gtorbe veftra numeran<strong>du</strong>m pofteritatt<br />

Jamaëque traéetis ; Darium qiioque hoftem*..<br />

finito poil morte» ejus odio, effe TOS nhos ,<br />

neminem impium efugiffe manm veftras. Hoe<br />

perpétrât©, quant© creditis perfas obfequentio—<br />

res fore 9 mam inteËexerint vos pîa Bella fii£»<br />

cipere, & Beflifcçkri » EOB aomini fiio * îrafcii "


LIVRE VI. CMAP. 1T1. JIJ<br />

pour <strong>mont</strong>er Jur k trêne de Cyrus : mmfit n*alk\ pas croire<br />

que Beffus ah grande peine à s'em<strong>par</strong>er <strong>du</strong> royaume fi mm<br />

l'abandonnons*<br />

Mais nom ferions bien coupables % Soldats f fi nous<br />

m 9 avions vaincu Darius que pour livrer fen Empire àfim<br />

efilave, lequel, <strong>par</strong> le plus horrible attentat contre fin<br />

maître , qui auroit même eu bejbin que des étrangers<br />

winffent à fin fecours, & qu'àffûrement nous aurions nous*<br />

mêmes é<strong>par</strong>gné dans la viBoiref Fa tenu dans les fers<br />

tomme un > captif9 & pour noms è*ter k moyen de lue<br />

Jkuwer la vie9 a fini <strong>par</strong> le mafiacrer* Çhmî ymi$ laiffe-*<br />

rki régner um monfire, que je brûk de voir en croix*<br />

payer à tous les rois & à tomes les nations la jufte peine,<br />

de fa perfidie ? Mais , en vérité ! fi on vient dams peu vous<br />

apprendre qu'il déjoie les villes de la Grèce ou VHcUefi<br />

pont % quelle fera votre douleur s de voir qu'un Beffus s'em<strong>par</strong>e<br />

dm fruit de vos viBoires ?'vous vous empreffere\ alors<br />

de reprendre ce qui eft à vous % vous courre^ alors aux<br />

mrmes ; mais qu'il vaut bien mieux achever de l'accabler,<br />

tandis qu'il eft encore effrayé de fin propre crime & qu'il<br />

fi rec&tmok à peine ! Il ne nous refie plus que quatre jours<br />

de marche, a nous qui avons paffé tant de neiges t tra~<br />

verfé tant de fleuves » franchi ksfimmets de tant de mon-»<br />

tsgnes : nous n'avons plus Vobftacle de cette mer % qui<br />

dans fis bouillonements couvre k chemin de fis vagues j<br />

nous ne fimmes plus dans ks gorges & les défilés de la<br />

Glicie; tout eft fimple & aifé j nous touchons à la vie»<br />

toire; il ne nous refte à exterminer que quelques <strong>par</strong>ri*<br />

eides fugitifs, La plus éclatante de vos actions, je kjuref<br />

k titre k plus marqué de votre gloire aux hux de Im<br />

foflérité, fera qu'après la mort de Darius votre ennemi r<br />

toute votre haine étant éteinte, il ait trouvé en vous deê<br />

vengeurs t & qu'aucun fiéUrat n'ak échappé à vos moins*<br />

Après cet exploit, ' combien ne voye\-vous pas que ks.<br />

f&rfes feront plus difpofés à l'obéîffance, quand ik ver»,<br />

mm évidemment que vous entreprenez des guerres juftesp<br />

& que c'eft contre k crime de Beffus f non contre kur<br />

notion , 'que rom êtes irrités t


326 LIBER FI. CAP. IK<br />

• IV. Somma mUkum alacntate , jubenùmm qmeumque<br />

veUet <strong>du</strong>ceret, oratio exmpta eft. Née<br />

rex moratus impetum, ieri'mque per Partfûenen<br />

die ad fines Hyrcanïœ pénétrât ; Cratère reliélo<br />

cum lis copïis quém praerat & eâ manu quam<br />

Amyntas <strong>du</strong>cebat, sé<strong>du</strong>is fixtentis equkibus &<br />

tottdem fagittdriis, ut aê incurfiane barbarorum<br />

Partfâmen tueretur. Erygyutm impedimenta» mth<br />

4k& prmfidm dato , campeftri iûnere <strong>du</strong>eere )u~*<br />

bet : ipfe , am phalange & equitatu CL fladm<br />

ememfus, caftra m voue qui Hyrcamam adeum<br />

tommmnk. Nemus prmaMs denfisque arboribus um-<br />

•brofem eft , pingue lyaMis foium rigantibus aquis<br />

qum ex pétris immmentibus manant» Ex ipfis radkibus<br />

môntium Zioberis amnis effundkur, qui<br />

tria firè ftadia in hngitudmem umverfus fiuk ;_<br />

deinde 9 faxo quoi atveolum mterpeUaf repercuffus,<br />

<strong>du</strong>o it'mem veht difpenfatis aqms aperk ;<br />

mde torrcns , & fax&rum per qum mcurrh afpemate<br />

vklentkfr, terram- prmceps fubk : -per cce<br />

fiadm condkus iabitur ; mrsusque 9 veht ex dm<br />

fonte cencepms, edimr & novum alveum inten*<br />

dit, priare fui <strong>par</strong>te fpatiofior, quippe in Éatimdinem<br />

xin ftaimrum dijfunditur ; rursùfque anguftioribus<br />

eoërcitus ripis iter cogit > tandem in<br />

alterum amnem cadit cul Rhidago nomen eft.<br />

Incola affirmabant , qumcumque dimijfa ejfent m<br />

cavernam qum -prop'wr eft fond , rursès, uU aUud<br />

m • amnis aperk , exiftere : itaque Akxamkt<br />

<strong>du</strong>os êauros quâ fubeum aqum terram prmcipb*<br />

tari jubét, quorum corpora , ubi rursùs erumph,<br />

expulfa vidire qui mijfi erant m exciperenî*<br />

2. Quarmmjam diem eodem bco quietem m'diti<br />

iederat, qûum'Utcras Nabarianis , qui Darium


LIVRE FL CMAP. IK JIJ<br />

^ IV. Ce difcours fut reçu avec les phi» grands-applaudîflementsde<br />

la <strong>par</strong>t des foldats, qui demandèrent qu'on<br />

Jes menât où l'on voudroit. Le roi profite fans délai<br />

de cette bonne volonté, & traverfant la Parthiène ». Il<br />

arrive en trois jours aux fronîièrts de rHyrcaniej mais<br />

il laiffe Cratère avec les troupes qu'il commandait'Ôc<br />

le corps qui étoit fous les ordres d'Amyntas » & y<br />

ajoute fix-cents chevaux & autant d'archers, pour dé*<br />

fendre la Parthiène contre les courtes des barbares»<br />

11 charge Erigyias de con<strong>du</strong>ire les bagages <strong>par</strong> la plaine<br />

avec une petite efeorte : & lut, s'étant avancé de cent<br />

cinquante ftades , établit fon camp dan» une vallée <strong>par</strong><br />

©u l'on entre dans l'Hyrcanie. 11 y a là un bois épais<br />

d f arbres très-grands & très-touffus, & des eaux qui 9 coulant<br />

des rochers voifins, arrofent le fol fertile <strong>du</strong><br />

vallon. Du pied même des <strong>mont</strong>agnes fort le fleuve<br />

Ziobéris t qui coule en un feu! lit environ fefpace de<br />

trois ftades ; puis repouffé <strong>par</strong> un roc qui interrompt<br />

fa courfe, il s'ouvre deux canaux entre lefquels il <strong>par</strong>tage<br />

Ces eaux ; devenu enfuiîe plus rapMe 9 & les rochers<br />

qu*il rencontre augmentant encore fon impétuo*<br />

M, il fe précipite fous terre: il y coule & y demeure<br />

caché Fefpace de trois-cents âades ; alors comme resaillant<br />

d'une autre fource 9 il fe re<strong>mont</strong>re & entre<br />

dans un nouveau canal f occupant bien plus de place<br />

que dans la première <strong>par</strong>tie ' de fon cours » car il a<br />

treize ftades de large ; refferré après cela dans un lit<br />

plus étroit , il roule fes eaux avec plus de viteffe, &<br />

tombe enfin dans un autre fleuve nommé Rhiâ&ge. Les<br />

habitants aflOuroient, que tout ce qu'on jetoif dans le<br />

fouterrain qui eft le plus proche de la fource 9 re<strong>par</strong>oïflbit<br />

à l'endroit où le fleuve s'ouvre une autre iffue i<br />

Alexandre lit donc jeter deux taureaux à l'endroit où<br />

les eaux paffent fous terre, & ceux qu'on avoit en»<br />

voyés pour reconnoître ce qui en étoit en virent<br />

(ortir les corps au lieu même où le fleuve fe re<strong>mont</strong>re.<br />

8. 11 y avoit déjà quatre jours qu'il fefoit rafraîchir<br />

fou armée dans ce polie t quand il reçut des lettres de


328 LIBER VI. CAP. IF.<br />

€um Seffb interceperat f acdph ; quamm fiententïa<br />

hac erat : Se Darlo non fùtffi inimicum ,<br />

immb cûam qmt credidiffit uûiia effi fiuafijffi ; &<br />

quia fidèle confillum régi dedijfei, prope occifium<br />

ab eo : agkajfe Darium cuftodiam corporis fid,<br />

contra jus fasqut, peregrino militi tradere , damnota<br />

popuîarmm fide, quam per <strong>du</strong>cenios & tri"<br />

gmta amms mv'mlatam regibus fias pmfthijfent :<br />

fit 9 in prmcipiû & Uibrico fiantem, mnfûium à<br />

prafinti necejfitate repetijfe ; Darium qmoqme ,<br />

quum occidijfet Bagoan, hoc excufiatione fiaûsfie*<br />

cijfe popuiar'éus, quod mfidiantem fibi ïnteremififit<br />

: nihil ejfe miferis mortdibus Jpiritu carias;<br />

amore ejus ad aliimn ejfe propulfium ; fed ea ma"<br />

gis ejfe fiemmtum qum coëgijfet necejfitas , qmm<br />

qua optajjet : in commum calamitate fiuam quem^<br />

que habtre fibrtunam : fi venire fie juberet 9 fine<br />

metu ejfe vtnturum ; non timere m fidem datam<br />

tanins rex violant , deos à deo faiii non fiolere :<br />

eeterum 9 fi ad fidem daret videremr indignas ,<br />

tmdta exilia patere Jkgknd ; patriam ejfit, ubi*<br />

cumque vir finis fidem eUgerit. Nec daékavit<br />

Alexander fidem quo per fia, modo accîpiebant dare ,<br />

inviolatum , fi venijfit , fibre. Quadrato tamen<br />

agmine & compofito ibat , fipecuhtores fiubmde<br />

pmmittens qui explorarent loca ; kvis armatura<br />

<strong>du</strong>cebat agmtn , -phalanx eam fiequebatur È pofl<br />

pedites erant impedimenta : & gens beUicofia &<br />

matura fitûs difficiles aditu curam régis intende*<br />

t*t. Namque perpétua vdtis jacet ufiqut ad mare


LIVRE VL CM A P. IV. 329<br />

ce Nabarzanes, qui avoit arrêté Darius conjointement -<br />

avec Beffus ; elles portoienî : qu'il n'avoit jamais été<br />

ennemi de Darius , qu'au contraire il lui avoit toujours<br />

confeilîé ce qu'il avoit cru être de fon fervice ; 8c<br />

que , pour lui avoir donné un avis fidèle, il avoit même<br />

été en péril d'être tué de fa propre main : que Darius,,<br />

contre toute juftice., avoit eu deffeîn de confier la<br />

garde de fa perfonne à une milice étrangère, condamnant<br />

<strong>par</strong> là la fidélité des nationaux , quoiqu'ils<br />

l'euffent inviolablement confervée à leurs rois <strong>du</strong>rant<br />

l'efpace de deux-cents trente ans : que pour lui, fe<br />

voyant au bord da précipice , il avoit pris confeil de<br />

la néceflké des conjonûures; que Darius lui-même,<br />

après avoir tué Bagoas, ne s'étoit juftifié auprès de<br />

fes fujets qu'en leur fefant entendre qu'il s'étoit défait<br />

d'un homme qui vouloît le perdre : que les malheureux<br />

mortels n'ont rien de plus cher que la vie ; que c'étok<br />

cet attachement qui Favoît * porté à des extrémités ;<br />

mais qu'il avoit plus fuivi en cela Fimpuîfîon de la néceflité<br />

que celle de fon cœur : que, dans une calamité<br />

publique f chacun eft occupé de fon propre fort : qu'au<br />

relie , s'il étoit mandé, il fe préfenteroit fans crainte ;<br />

qu'il ne craignoit pas qu'un fi grand roi violât fa <strong>par</strong>ole ,<br />

<strong>par</strong>ce qu'un dieu n'a pas coutume de tromper les dieux :<br />

que d'ailleurs s'il ne le jugeoit pas digne qu'il lui engageât<br />

fa foi f il trouveroit bien des retraites dans fon<br />

exil; qu'un homme de cœur trouvoit une patrie <strong>par</strong>tout<br />

où il choifîffoit la demeure. Alexandre ne fit aucune<br />

difficulté de lui promettre, de la manière qui eft<br />

en ufage chez les perfes, que, s*îl venoit, il n'auroit<br />

rien à craindre. Cependant il marchoit en bon ordre<br />

& en bataillon quarré, envoyant de temps en temps<br />

des coureurs pour reconnoître les lieux ; les troupes<br />

légères marchoient * à la tête, la phalange fuivoit,<br />

les bagages étoient à la fuite de l'infanterie : c'étoit<br />

l'humeur belliqueufe de la nation, c'étoit la fituation<br />

naturelle <strong>du</strong> pays dont les avenues font difficiles , qui<br />

infpiroit au roi cette circQnfpeûion. En effet la' vallée


330 LIBEM FL CAP. IF.<br />

Cafpium patens : <strong>du</strong>o urrm- ejm veiui bracUa est<br />

tutrunt; média fiexu modîm firmm fachmt, lunm<br />

maxime fimikm quum emment cormm non<strong>du</strong>m totem<br />

orbem fidere implente : cercetœ , mofyni t &<br />

chalybes à Imvâ fimt; ah altéra <strong>par</strong>te leucofyn<br />

& ama^onum campi ; & iUos , qui vergk ad<br />

Septentrionem f hos 9 ad Occafim comerfa 9 prof<br />

peâat.<br />

9. Mare Cafpîum, dtdcïus ceterïs , ïngentis<br />

magmtudinis ferpentes aiit & pifces longé diverfi<br />

ab aliis coloris : quidam Cafpium , quidam Hyrcairam<br />

appellant : aiiî fimt qui Maotim paludem<br />

in id cadere putent ; & argumenium afferma »<br />

aquam , quo dtâcwr fit qua/n cetera maria , infufo<br />

paludis kumore mitefcere, À Septentrione ingeus<br />

in liîus mare incumbit, hngeque agh fiu&us , &<br />

magna <strong>par</strong>te exmfluans ftagnat : idem , alio caë<br />

fiatu , recipit in fe firetum , eodemque impetu quo<br />

effufum efi relabens, terram naturm fum reddit :<br />

& quidam credidere , non Cafpium mare effe ;<br />

fed ex India m Hyrcarâam cadere , cujus fafih*<br />

gium, ut fupra diâum efi , perpétua vaMe fuh~<br />

mutkur. Mine rex xx ftadm proceffit , femiti<br />

propemo<strong>du</strong>m invia cui Java imminebat : torrentes»<br />

que & ehvies ker morabantur ; nuïïo tamen kofte<br />

çbvio , penetravit, tandemque ad uJteriora perven*<br />

tum efi. Prater alios commeatus , quorum tum<br />

€opid regio abundabat, pomorum quoque ingens


LlFRE VI. CMAP. IV. 3JI<br />

va fans interruption jufqu'à la mer Cafpienne : deux<br />

chaînes de <strong>mont</strong>agnes s'étendent de <strong>par</strong>t & d'autre<br />

comme deux bras ; elles fe courbent us peu vers le<br />

milieu » & préfentent un enfoncement affez femblable<br />

au croiffant de la lune lorfqu'elîe n'eft pas encore dan*<br />

fon plein : les cercètes , les mofyniens f & les cha*<br />

lybes font à gauche; de fautre côté les leucofyriens<br />

& les terres des amazones, ceux-là Yers le Septentrion,<br />

& celles-ci vers le Couchant*<br />

9. La mer Cafpienne, dont Feau et plus douce que<br />

celle des autres mers , nourrit" des ferpents d'une grandeur<br />

prodigieufe & des poiflbns d'une couleur fort<br />

extraordinaire : les uns la nomment Cajpienne }les autres ,<br />

mer d'Hyrcanie : il y en a qui croient que les palus<br />

méotides s'y. déchargent ; & la preuve qu'ils en donnent<br />

, c'eft que feau n'y eft plus douce qu'ailleurs que<br />

<strong>par</strong>ce qu'elle eft corrigée <strong>par</strong> le mélange de celle de<br />

ces palus. Du côté <strong>du</strong> Septentrion cette mer a un rivage<br />

îrès-éten<strong>du</strong>t elle y pouffe fes vagues fort loin, &<br />

dans les marées elle inonde une grande plage ; mais<br />

fous un autre afpeél <strong>du</strong> ciel , elle fe retire fur- ellemême<br />

, & rentrant dans fes limites avec la même impétuosité<br />

qu'elle les avoit franchies, elle rend la terre<br />

à fon état naturel : quelques-uns ont penfé que ce<br />

a'eft pas la mer Cafpienne -, mais que c'eft celle des<br />

Indes qui tombe dans l'Hyrcanie, dont la <strong>par</strong>tie élevée t<br />

en s*abaiffanî, forme, comme on fa dit plus haut t<br />

une longue vaîîée non interrompue. De là le roi s'avança<br />

de vingt ftades, <strong>par</strong> un chemin prefque inaccefible<br />

au deflbus d'une forêt : des torrents & des ravines<br />

retardoienî encore fa marche ; mais ne rencontrant<br />

aucun ennemi, il ne laifla pas de percer » & on arriva<br />

enfin au delà de ces lieux difficiles. Outre les autres<br />

efpèces de vivres s dont il y avoit alors une grande<br />

abondance dans le pays, il y croît encore beaucoup<br />

de fruits» & le fol y eft très-fertile en vin. L'arbre<br />

qu'on y trouve le plus communément a de la reffemblance<br />

avec le chêne : les feuilles de cet arbre fe


3 î I • L I B E R VI. C A P . V.<br />

moins nafcitur, & uberrimum gignendis uvis /fe<br />

hm efi. Frequens arbor faciem quercûs habit :<br />

cujus folïa mdto mette t'mguntur ; fed mfi folîs<br />

ortum incola occupaverint 9 vtl modico tepore fuc-<br />

€us extinguitur. Triginia hinc fladia procéderai ,<br />

quum Phrataphernes ci occurrït, feque & eos qui<br />

poft Darii mortem profugerani dedens ; qu'eus<br />

bénigne exceptis $ ad oppi<strong>du</strong>m Arvas pervenit.<br />

Hic ei Craterus & Erygyius occurruni ; prmfecmm<br />

tapyrorum gémis Phradaten ad<strong>du</strong>xerani : hic<br />

quoque in fidem recepms multis exemplo fuit experiendi<br />

clementiam regb. Satrapem deinde Hyr*><br />

camm dédit Mtnapim ; exul hic régnante Ocho,<br />

ad Philippum pervemrat : tapyrorum quoque gentem<br />

Phradati reddidit*<br />

V. Jamqm rex tâtima Hyrcamœ. intraverat %<br />

quum Artaba{us, quem Dario fidiffimum fuijfe<br />

fupra diximus t cum propinquis Darii, ac fuis<br />

liberis, modicdque gracorum miliium manu, oc<br />

currit : dextram venienti obtulit rex ; quippe &<br />

hofpes Phïlippi fuerat quum Ocho régnante exuJa~<br />

ret, & hofphii pignora in regem fuum ad ukimum<br />

fides confervata vincebat. Comiter igitur exceptas<br />

9 Tu quidem , inquit È Rex, perpétua felicitate<br />

floreas / Ego, ceteris laetus, hoc uno torqueor,<br />

quod , praecipiti fene£lute, diu frai tuâ<br />

bonitate non poffum ( nonagejmum & qumtmm<br />

annum agebat ). Novem juvenes , eâdem maire<br />

geniti, patrem comitabantur ; kos Artaba^us<br />

dextrm régis admovit 3 precatus mt-tam diu viverem<br />

donec utiles Alexandro ejffènt. Rex pedibus<br />

iter plerumque faciebat ; tunc^, admoveri fibi &<br />

"Artaba^p equos jujfît, m, ipfo ^mgrediente pedi*


LIVRE VI. CHAP. V. 331<br />

couvrent d'une couche abondante de miel ; mais fi les<br />

gens <strong>du</strong> pays ne préviennent le lever <strong>du</strong> foleil, la<br />

moindre chaleur fait évaporer ce fuc délicat. Le roi<br />

étoit arrivé à trente fhdes de ià, lorfqu'il rencontra<br />

Phrataphernes t qui venoit fe rendre à lui avec ceux<br />

qui avoienî pris la fuite après la mort de Darius; il<br />

les reçut avec bonté t & fe rendit enfuite dans la<br />

ville «TArves. 11 y fut joint <strong>par</strong> Cratère & <strong>par</strong> Erigyîus,<br />

qui lui amenoient Phradates, gouverneur des<br />

tapyriens; la manière dont fut agréé fon ferment de<br />

fidélité fut un exemple, qui en détermina plulieurs<br />

autres à faire répreuve de la clémence <strong>du</strong> roi. Il fit<br />

enfuite Ménapis fatrape d'Hyrcanie, qui, ayant été<br />

exilé fous le règne d'Ochus, s'étoit réfugié auprès de<br />

Philippe : il rendit auili le gouvernement des tapyriens<br />

à Phradates*<br />

V. Le roi «voit déjà pénétré jufqu'aux extrémités de<br />

fHyrcanie, lorfqu'Artabaze, dont nous avons remarqué<br />

ci-deflus la fidélité inviolable pour Darius, fe préfenta<br />

accompagné des <strong>par</strong>ents de ce malheureux prince, de<br />

Ces propres enfants, & d'un petit corps de foîdats grecs :<br />

le roi, à fon arrivée, lui préfenta la main ; c'eft qu'il<br />

s*étoit retiré près de Philippe pendant fon exil fous le<br />

règne d'Ochus, & que ù, confiante fidélité pour fon<br />

prince l'avoit emporté jufqu'à la fin fur les engagements<br />

même» de Phofpitalité. Enchanté donc d'un accueil<br />

fi favorable, PuiJJie^vous , Seigneur, dit-il à Alexandre f<br />

jouir d'un bonheur perpétuel ! Pour moi 3 comblé de joie à<br />

tous autres égards , k feul regret que j'aye , tfl que mon<br />

extrême vieilhffe ne me permette pas de jouir long temps de<br />

vos bontés, ( il étoit dans fa quatre-vingt-quinzième<br />

année). 11 «voit à fes côtés neuf jeunes hommes, fes<br />

fils, nés de la même mère : il les préfenta au roi »<br />

priant le ciel de leur conferver la fie tant qu'ils feraient<br />

utiles i fon fervice. Le roi le plus ordinairement<br />

marchait à pied; mais il fit alors amener des chevaux<br />

pour lui & pour Artabaze s dans la crainte que t<br />

tandis qu'il iroit à pied, ce vieillard n'eût honte d'être


334 LIBER-VL CAP. V.<br />

bus , finex equo vehi erubefiereL Deinde 9 ut cafi<br />

tra funt pofita, gmcos quos Artaba^us ad<strong>du</strong>xerat<br />

comocari jubcî ; at ïlli f nifi lacedamomis<br />

fides damur, refponâent fi quid agen<strong>du</strong>m ^ ipfis<br />

foret deliberaturos : legati erant lacedmmomorum<br />

mîjfi ad Darium ,. quo vUto applkaverant fi<br />

gruzeis mercede apud perfis militantibus. Rex ,<br />

wiùffis fponfionum fideique pimoféus , ventre eos<br />

jujfit , frrtumm quam ipfi dediffet habituros.<br />

Diu cunBantes , plerisque eonfiUa variantibus ^,<br />

tandem venturos fe pollicenmn At Démocrates 9<br />

sihmimjis , qui maxime macedonum opibus fimper<br />

obftkerat, vend defperata» glad'io Je tramsfigk;<br />

ceteri, fient conjiituerant, dkmni Alexandre<br />

fe ipfos permutant : mille •& D milites erant,<br />

pmter hos legati ad Darium miffi jrc. In fupplementum<br />

diftributus miles ; ceteri remijfi domum,<br />

prmter lacedamonios, quos tradi in eufio-<br />

4iam juffit.<br />

il. Mardorum erat-gens confims Hyrcanut 9<br />

€ultu vit* afpera & latrociniis affueta : h*c<br />

fila née kgatos miferat nec, viéebatur imptrata<br />

fa&ura* Itaque rex indignatus, fi una gens pofi<br />

fit efficere ne invi&us effet , ïmpedimenûs cum<br />

prmfidh reliais , invi&i manu comitante procedit:<br />

noBu iter fecerat 9 & prima luce hofiis in eonfi<br />

peêu erat : tumultus magis quam prélium fuit ;<br />

deturbati ex collibus quos occupaverant, barbari<br />

profughmt ; proximique vici, ab incolis défini,<br />

capiuntur. înteriora regionis ejus haud fine adiré<br />

fine magnâ vexaûone exerckus poterat : juga<br />

<strong>mont</strong>ium pmaim filvm mpesque invi* fepimt :<br />

ia qwz plana funt novo mummenti génère impe<strong>du</strong>rant<br />

barbari ; arbores dm fi funt ex în<strong>du</strong>firiâ


LIVRE VL CHAP. F. 33j<br />

à cheval. Lorfqu'enfulte on fut campé f il lit appeler<br />

les grecs qu'Artabaze avoit amenés ; mais ils répondirent<br />

que , fi fon ne donnoit fureté aux lacédémonîens,<br />

ils aviferoient fur le <strong>par</strong>ti qu'ils avaient à prendre :<br />

c'étaient des ambafladeurs envoyés <strong>par</strong> les lacédémoaiens<br />

à Darius» après la défaite <strong>du</strong>quel ils s'étoient<br />

joints aux grecs qui étoient à la folde des perfes. Le<br />

roi f fans leur donner ni promettes ni fauf-con<strong>du</strong>it,<br />

feur commanda de venir, pour recevoir telle*loi qu'il<br />

'Jugeroït à propos. Après avoir long temps héfité entre<br />

différeats avis qui varioient fans ceffe, ils promirent<br />

enfin de fe préfenter. Mais Démocrate, d'Athènes t<br />

•qui s'étoit toujours déclaré avec force contre la puiffance<br />

des macédoniens f défefpérant de fon <strong>par</strong>don , fe<br />

perça de fon épée ; les autres , comme ils Favoient<br />

arrêté, s'abandonnèrent à îa difcrétion d'Alexandre : ils<br />

/étoient au nombre de quinze-cents, fans compter les<br />

-quatre-vingt dix ambafladeurs envoyés à Darius. Les<br />

foldats fervirent à recruter les troupes; les autres<br />

furent renvoyés chez eux, à la réferve des iacédémo-<br />

Biens t qu'il lit mettre fous bonne garde»<br />

11. Les mardes étoient un peuple qui touchoit aux<br />

frontières de PHyrcanie, peuple greffier & accoutumé<br />

aux brigandages : il étoit le feu! qui n'eût pas envoyé<br />

«Tambafladeurs 9 & il se <strong>par</strong>oiffoit pas difpofé à obéir.<br />

Le roi v indigné que cette nation feule pût lui difputer<br />

le titre d'invincible, laifla donc les bagages fous une<br />

efcorte , & s'avança avec la fleur de les troupes ; il<br />

avoit marché de nuit, & au point <strong>du</strong> jour il étoit en<br />

préfence de l'ennemi : ce fut plus tôt une déroute qu'un<br />

combat; les barbares, chartes des collines dont ils<br />

s'étoient faifis , prirent la fuite; & les bourgades voîfines,<br />

abandonnées des habitants f furent aifément prifes.<br />

L'armée ne pouvait pénétrer dans l'intérieur <strong>du</strong> pays<br />

fans une extrême fatigue : le haut des <strong>mont</strong>agnes eft<br />

défen<strong>du</strong> <strong>par</strong> d'épaifles forêts & <strong>par</strong> des rochers inac*<br />

ceflibles : les barbares avoient embarraffé les plaines<br />

far un nouveau genre de fortification j ils y ont planté


336 LIBER VI. CAP. V.<br />

confiât, quarum teneros adkuc ramos manu fltcêunt<br />

% qws intonos- rursus inferunt terrœ ; mde<br />

velut ex alid radice latiores virent trunci ; kos<br />

quâ naiura fert adokfcere non finunt ; quïppe<br />

alium aiu quafi nexu conferunt, qui, ubi mukâ<br />

fronde veftlti funt, operiunt terram ; itaque 00<br />

cuhi nexus ramorum velut laqueï perpétua fepe-<br />

Mer cludmii, Una ratio erat cmdendo aperire folium<br />

: fed hoc quoque magni oper'u ; crebri namque<br />

nodi <strong>du</strong>raverant ftipites $ & in fe implicati<br />

arborum rami , fufpenfis circuits fimiles , lenm<br />

vimmt fruftrabantur i&us ; incolst autem , ritu '<br />

fer arum virgulta fubire foliti, tum quoque întravermi<br />

fakum occultisque tells hofiem laçeffehanu^<br />

\%. IUe 9 venant tum modo, hûbula fcrutatus *<br />

plerosque confodit ; ad ukimum circumire faltum<br />

milites juèet, ut, fi quâ patent, brrumperent z<br />

fed ignoûs hcis plerique oberrakanL Excepté fimt<br />

quidam ; inter quos equus reps, ( Bucephaluin<br />

%mcakmi ) quem Alexander non eodem quo ccteras<br />

pecudes animo mftimabat : nam ille nec m<br />

dorfo mfidere fuo paûebatur alium ; & regem 9<br />

quum veUet afcenaere, fponte fuâ genua fubmittens,<br />

excipiebat ; credebaturque fendre quem whertt.<br />

Majore ergo quam decebat irâfimul ac do*<br />

Ure fiirmâatus , equum veftigari jubet, & per inurprettm<br />

pr&Mumsari , m reddidijfent » mmmim<br />

à


LIVRE' VI. CRAP. V. 337<br />

4-deCTein îles arbres fort près les-uns des autres, dont<br />

ils courbent avec la main les branches encore tendres,<br />

jafqu'à ce qu'ils puiflent les faire rentrer en terre : de<br />

là , comme d'une autre racine # fortent de nouvelles<br />

tiges plus vigoureufes, qu'ils ne biffent pas croître a«<br />

gré de la nature ; mais ils lient en quelque forte Ses<br />

unes avec les autres ; & quand elles font chargées d'un'<br />

•épais feuillage, elles couvrent la'terre': de forte que<br />

les entrelacements cachés des-branches , ferablables aux<br />

mailles 4'un rets, présentent <strong>par</strong>tout une haie impénétrable.<br />

11 n'y avoiî *le xeffource «ni'à couper pour<br />

ouvrir u» paffage ; mais cela même étoit d'un grand<br />

travail; <strong>par</strong>ce que les nœuds multipliés avoient fort<br />

tlurci les troncs, & que les branches, tournées comme<br />

•des cercles fufpen<strong>du</strong>s, rendaient les coups vains far<br />

leur flexibilité;, d'ailleurs tes habitants , accoutumés à<br />

paffer fous les buiffons comme -des bêtes fauvages •<br />

s'ëtoient alors enfoncés dans ce bois & tiroient à couvert<br />

fur. l'ennemi.<br />

* 12. Le TOI , à la manière -des chafleurs, ayant reconnu<br />

leurs repaires , en tua un grand nombre j à hà<br />

fin il commanda à Ces foîdats d'invertir le bois, & de<br />

s'y jeter s'ils trouvoient quelque ouverture : mais plusieurs<br />

s'égarèrent, faute de connoître les lieux. Quelques-uns<br />

furent- pris ; & avec eux fe trouva le cheval<br />

4u roi s nommé Bucifhaît, dont Alexandre fefoit bien<br />

un autre cas que <strong>du</strong> refte des animaux : en effet ilse<br />

fe laiflbit <strong>mont</strong>er <strong>par</strong> aucun autre ; & quand le roi<br />

vouloit s'en fervir,' il pBoit de lui-même les genoux<br />

pour le recevoir ; en un mot on étoit perfuadé qu'il<br />

fentoit la grandeur de celui qu'il portoit. Auifi le roi,<br />

entré de colère & de douleur au delà de toute brenféance,<br />

fit chercher fon cheval, & publier <strong>par</strong> un interprète<br />

:que-, fi on ne le lui rendait, il ne feroit gracé<br />

4t la vie à .perfoime : les barbares, effrayés <strong>par</strong> cette<br />

proclamation, lui ramenèrent fon cheval avec d'autres<br />

préfents ; mais cette déférence même ne l'ayant point<br />

appaifé , il fit couper les bois & apporter de deffus les<br />

Tome h P


338 LIBER FI. CAP. F.<br />

effe viAirum : hac demmciaûone ttrriû , mm<br />

àeteris donis equum ad<strong>du</strong>eunt ; fed ne fie qu'idem<br />

mitigatus, cadi 'filvas jubet, aggeftâque humo è<br />

<strong>mont</strong>ibus planitum ramîs impeditam exaggerari,<br />

Jam aiiquantuium aldtudinis opus crèverai, quum<br />

barbarl, dtfperato regionem quam occupaverant<br />

pojfe retinerî, gentem fuam dedidire : rex $ obfidihus<br />

accepûs, Phradad tradere eos jujfit. Inde<br />

qumto die in ftativa reverùmr ; Artabaqtm demie<br />

, geminato honore qwem Darius habuerat ei,<br />

remittit domum* Jam ad urbtm Myrcania in qui<br />

«gM Darii fuit ventum erat : ibi Nabar^anes ,<br />

mcepfâ fide, occurrit, dona ingentia ferens ; inter<br />

qum Bagoas erat, fpecîe fingulari fpado atque in<br />

ipfo flore puerii'm , cm & Darius fuerat aj[ue~<br />

tus & mox Alexander ajfuevit, ejusque maxime<br />

preclbus motus Nabarçani ignovit.<br />

13. Erat, ut fupra £Bum eft , Myrcania finitima<br />

mm ama^onum $ circa Thermod&onta amnem<br />

TJmnifcym ineolentium campos : reginam<br />

imbibant Tkakjirm , omnibus inter Caucafum<br />

<strong>mont</strong>em & Phafin awmem imperuantem. Hmc ,<br />

cupidine vifendi régis accenfa , finibus regni fui<br />

exceffit ; & quum haud proctâ abeffet, pramifit<br />

indicantes , venijfe reginam adeundi ejus. cognofcendiqué<br />

avidam. Prot'mùs faBa poteftate- veniendi9<br />

ceteris juffis fubfiftere , ecc feminarum<br />

comitata procejfit; atque ut primum rex in conf<br />

peêm fuit 3 equo ipfa défilait, <strong>du</strong>os ianceas dextm'.pmferens.<br />

Veftis non toto ama^pmim corpore.<br />

Mucitur ; nam lava-<strong>par</strong>s ad pe&us eft nuda ,<br />

cetera deinde. velantur-; nec tamtn finus veftis ><br />

quem nodo colUgunt, infra genua defcendït: altéra<br />

papilh intaBa fervatur, qui mùlïebris fexûs


LIVRE VI. CHAP, V. 339*<br />

<strong>mont</strong>agnes aflfez de terre pour mettre à l'uni îa plaine qut<br />

les branches embarraflbient. L'ouvrage étoit déjà un peu<br />

avancé , quand ces malheureux t défefpérant de pouvoir<br />

conferver le .pays où ils s'étoient établis, firent 1er<br />

foumiflwns de toute îa nation: le roi, ayant acceptéleurs<br />

otages t les fit remettre entre les mains de Phra«dates.<br />

Au bout de cinq jours il retourna à fon camp|<br />

& après avoir ren<strong>du</strong> à Artabaze îe double des honneurs»<br />

qu'il aYoit reçus de Darius f il le renvoya chez lui*<br />

"Déjà on étoit arrivé à îa ville d'Hyrcanie où Darius.,<br />

tenoit fa cour : c'eft là que Nabarzanes fe préfenta<br />

fous un fauf-con<strong>du</strong>it, & apporta de riches préfents :<br />

iî y comprit Bagoas, eunuque d'une rare beauté, qui<br />

étoit dans îa fleur de îa jeunette , qui avoit plu à<br />

Darius, qui plut bientôt à Alexandre , &. dont les<br />

prières furtout obtinrent de ce prince îe <strong>par</strong>don de"<br />

-Nabarzanes.<br />

ï 3. On trouvoit, comme on fa dit ci-devant f ies'ama.- .<br />

«©nés aux confins de l'Hyrcanie , fur les rives <strong>du</strong> fleuve<br />

Thermodoon f dans les plaines de Themifcyre : Thaleftris<br />

, leur reine f commandoit à tout ce qui ell entre<br />

îe «ont Caucafe & le fleuve Phafis. Cette. princeïTe,<br />

brûlant <strong>du</strong> défir de voir le rois fortit de fes États; &<br />

lorsqu'elle fut affez près 9 elle envoya l'avertir de l'arrivée<br />

d'une reine qui avoit un extrême défir de' le voir '<br />

& de le connoitre. Le roi ayant auffitôt agréé cette<br />

vifite, elle fit arrêter le relie de fe fuite ; & vint accompagnée<br />

feulement de trois - cents femmes ; dès<br />

qu'elle apperçut le prince., elle defcendit légèrement"<br />

de fon cheval, portant deux lances' à la ' main droite."-<br />

L'habit des amazones ne leur couvre pas tout le corps ;.<br />

car le côté gauche eft nu jufqu'au fein, & Je refte eft"*<br />

couvert ; -toutefois- le pan de leur robe, qu'elles re-.<br />

trouvent avec un aeeud, ne leur patte pas les genoux ;<br />

«Iles gardent une mammélle pour nourrir leurs filles î<br />

pij


34Q LIBER VI. CAP. VI.<br />

liberos -allant ; a<strong>du</strong>rimr dextra , ut mrcus fach<br />

lias intendant & tela vibrent. Interrito vtdtu regem<br />

Thakftru intuebatur , habitum ejus , kaud<br />

quaquam rerum fanuz farem % oculis perùijirans ;<br />

quippt homimbus barbaris in corporum majeftate<br />

wemraao eft ; magmmmque eperum mm aiim tapâtes<br />

putant- , quant quos eximiâ fpeck donare<br />

riatura dignata cfl. Ceterum interrogata num aliquid<br />

pettrt vellct, haud <strong>du</strong>bitavit Jateri , ad cornmunicandos<br />

cum rige liberos fe veniffe s dignam<br />

ex qui ipfe regni générant keredes ; femimni fexûs<br />

fe retenturam, marem reddkwam patrL AUxan»<br />

der 9 an, cum ipfo militare veïïet 9 interrogat ; &<br />

iUa3 caufata fine cuftode regnum reliqmffe 9 pe~<br />

ttrt perfeverabat ne Je irritam fpei pateretur abite*<br />

Acrior ad Venerem femimz tupido quant, régis,<br />

ut pautos dies fubfifieret perpdit ; xui dits in<br />

objequium defiderii ejus abfumti funt ; mm 'Ma,<br />

regnum fmtm , nx Partbienen petiverunt.<br />

VL Hîc veto palàm- empiétâtes fuas foivit ;<br />

tonHnentiamque & • moderationem 3 m altiffimâ<br />

qmaqut fortunâ eminenùa bona , in fuperbiam ac<br />

lafàviam ' vertit : patrios mores , difeiplinamque<br />

macedonum regum falubriter temperatam, & civilem<br />

habitum, velut ieviora màgmtudine fui <strong>du</strong>cens,<br />

perfitm regm <strong>par</strong> deorum potentim fafiigmm<br />

Aitmliéatur ; jacere humi ventrabundos pati cmfjit,<br />

•paulatimque ferviïibus •mmifteriis tôt viBôrts<br />

gtmwm unbuere & capdvis <strong>par</strong>es facert expetebat.<br />

Itaque purpureum diadema difi'mëum a3o ,<br />

fmak Darius àabueras9 capin cimmdedk , wf


LIVRE VL CM A P. FI. 341<br />

«îîes brûlent la droite f pour avoir plus de facilité à<br />

bander Tare & à îancer les traits. Thaleftris coafidéroiî<br />

le roi feus étonneraient, <strong>par</strong>courant des ieux tout<br />

Ion extérieur, qui ne répondoit pas à la réputation<br />

de fes exploits : car les barbares n'ont de vénération<br />

que pour la majefté corporelle j & ne croient propres<br />

aux grandes entreprifes , que ceux que la nature a doués<br />

d'une phyfîonomie diflisguée. Au telle comme on lut<br />

eut demandé fi elle défiroit quelque chofe, elle ne fit<br />

pas difficulté d'avouer, qu'elle étoit venue dans l'intion<br />

d'avoir des enfants <strong>du</strong> roi, fe croyant digne de<br />

lui donner des héritiers de fon empire ,* que , fi elle<br />

avoit.une fille, elle la garderoit, & fi c'était un fils,<br />

elle le rendroit à fon père. Alexandre lui. demanda fi<br />

elle voudroît le fuivre à la guerre; & s'exeufant fur<br />

ce qu'elle avoit quitté fon royaume fans en commettre<br />

la régence à perfonne, elle continua de le prier qu'il<br />

se la renvoyât point farts remplir fes efpérances. Les<br />

inftances de cette femme, plus échauffée d'amour que<br />

le.roi, le déterminèrent à fé}ourner quelque temps:<br />

treize jours furent employés à la fatisfaclion -de fes<br />

défirs; puis elle prit la "route de fon royaume, & te<br />

roi celle de la Parthiène.<br />

FI. Ce fut là qu'il lâcha publiquement la bride à<br />

toutes fes pallions ; la continence & îa modeftie , vertus<br />

gui honorent la plus haute fortune f firent plac»< 3T*<br />

Forguei! & à la diffolution ; les coutumes de fon pays,<br />

la manière de vivre des rois de Macédoine réglée fur<br />

les befolns de la fanté, l'habillement de fes concitoyens<br />

, tout cela lui <strong>par</strong>oiflant au deffoui de fa grandeur<br />

, il affe&a le fafte de la cour de Perie femblable<br />

à la magnificence des dieux; il commença à fou&rir<br />

que l'on fe profternât à terre pourvu! rendre hommage<br />

, & infenfibîement il exigea que Ses vainqueurs<br />

de tant de nations s'habituaflent à des foe&ions ferviles<br />

& fuffent cemroe des efclaves. Il prit donc un diadème<br />

de pourpre mêlé de blanc, tel que l'avoit porté Darius,<br />

& adopta la fobe perfienne, fans craindre le préfage<br />

P ii)


•34^ . LIBER FI. CAP.'FI.<br />

temque perficam Jumfit, ne omtn quidtm 'péri"<br />

tus, quod à viBoris infignibus in devi&i tran»<br />

'fret hahitum : & ilk fe quidem perfarum fpolia<br />

ge/iare dictbat ; fid cum Mis quoque morts in<strong>du</strong>erat,<br />

fuperblamque habitas animi infolenûa fequetatur*<br />

L'itéras quoque quas in Europam mitteret<br />

veteris amdi gemma obfignabat , lis quas in Afiam<br />

fcriberet Darii anulus imprirnebatur ; ut ap<strong>par</strong>eret<br />

'nnum animum <strong>du</strong>orum non capere fortunam. Amieos<br />

vero & équités, cumque his principes militum,<br />

afpernantes quidem fed recufare non aufos 9 perfir<br />

eis omaverat veftibus* Pellices ccc & LX, mû'<br />

dem quot Darii filtrant , regiam implebant ; quas<br />

fpadonum grèges , & ipfi muliebria pati ajfiteti s<br />

fequebantur*<br />

15. Mac luxu & peregrinis infcBa morihus<br />

weteres Philippi milites x rudis natio ad volupta^<br />

tes , palam averfabantur ; toûsqut caftris unus<br />

omnium fenfus ac ferma erat tfhts amijfum Victoria<br />

quam betto qumfimm ejfe ; mm maxime<br />

vinci ipfos dedique alienis morihus & externis ;<br />

tantôt morm pretium 9 domos quafi in captivo habim<br />

rêverfuros ; pudtre jamfui regem , viBis quam<br />

viBoribus fimïïiortm s ex Macedonia imperatore<br />

Darii fatrapen fa&um* Ilk > non ignarus &prin~<br />

tipes amkorum & txtrcitum graviter offendi x gratiam<br />

liberalitatt donuque recuperare ttntabat :<br />

fed , opinor, liheris pretium fervitutis ingramm<br />

eft. Igitur, ne im feditionem res verteretur 9 otium<br />

mterpellan<strong>du</strong>m erat betto , cujus materia oppor*<br />

iunè alebatur; namque Btffus , vefle regiâ fumtâ%


LIVRE VI. CHAP. VI. 345<br />

auquel il donnoit lieus en fubftituant aux habits <strong>du</strong><br />

vainqueur la <strong>par</strong>ure <strong>du</strong> vaincu : il avoit foin à la vérité<br />

de dire qu'il fe <strong>par</strong>oit des dépouilles des perfes ; mais<br />

il en avoit pris aufli les mœurs, & l'orgueil <strong>du</strong> vêtement<br />

amenoit à fa fuite î'infolence <strong>du</strong> coeur. Aux lettres<br />

qu'il envoyoit en Europe il appofoit le cachet df<br />

fon ancien anneau, & pour celles qu'il écrivait en<br />

Afîe il fe fervoit de l'anneau de Darius ; ce qui fembloit<br />

<strong>mont</strong>rer qu'une feule tête n'eft pas fuffifante au<br />

bonheur de deux. Ses courtifans, fes gardes, & avec eux<br />

les chefs des troupes, malgré leur répugnance n'ayant<br />

©fé.s'y refufer, avoient pris <strong>par</strong> fes ordres l'habille*<br />

'ment perfien. Trois-cents foixante concubines, autant<br />

qu'en avoit eu Darius, rempliflbîent fon palais ; tk<br />

elles avoient à leur fuite des troupes d'eunuques, accoutumés<br />

eux-mêmes comme des femmes à une infâme<br />

proftituîion.<br />

15. Ces excès, provenus <strong>du</strong> luxe & de îa contagion<br />

des mœurs étrangères, étoient dételles tout haut <strong>par</strong><br />

les vieux foldats de Philippe, gens qui n'entendoient<br />

rien aux raffinements de la volupté ; & dans le camp<br />

tous s'accordoient à penfer & à dire, qu'on avoit<br />

per<strong>du</strong> <strong>par</strong> la victoire plus que nevaloientîes conquêtes»<br />

qu'ils étoient eux-mêmes vaincus <strong>par</strong> cet afferviflemen|<br />

à des ufages indécents & étrangers ; que , pour prîn<br />

d'une fi longue abfence, ils retourneroient chez eu*<br />

vêtus comme des efclaves ; que déjà ils fefoient bontt<br />

•à Alexandre, plus femblabîe en effet aux vaincus qu'auf:<br />

•.vainqueurs, & de roi de Macédoine devenu fatrape df<br />

•Darius. Ce prince, qui n'ignoroit pas que les premier*<br />

àt fa Cour & l'armée entière étoient grièvement choqués,<br />

eflayoit de regagner leur affeûion <strong>par</strong> fa libé*<br />

sauté & <strong>par</strong> des préfents ; mais je crois qu'à de?<br />

hommes libres le prix de la fervitude eft toujours défagréable.<br />

Pour aller donc au devant de îa fédition , îl<br />

fâiloit interrompre <strong>par</strong> quelque entreprife de guerre<br />

le loifir où l'on étoit* & il s'en préfentoit une occafioa<br />

bien favorables car Beffus, ayant pris la robe<br />

P iv


344 LIBER VL CAP. FL<br />

Artaxêrxem appelUri fi juffèrat % fcytUasque &><br />

cèleras Tandis accolas contrahebaL Hec Satitartanes<br />

nunàabat ; quem, receptum in fidem 9<br />

regioni quam antea pbtinuerat praficit. Et 'quum<br />

grave fpoiiis ap<strong>par</strong>atuque hxurm agmen vix<br />

moùeretur ; fkas primum, deinde tonus extrckûs<br />

farcïnas 9 excepiis admo<strong>du</strong>m necejfariis s confirri<br />

juffit in médium : pianitits fpaiiofa erat in quam<br />

vekicuia onuft'a per<strong>du</strong>xerant ; exfpeëantibus cunctis<br />

quid deinde effet imperaturus f jumenta jujpt<br />

db<strong>du</strong>ci, fuisque primum farcinis face fubdita y.<br />

ceteras ïncendi prœcepit. flagrabant, exurentièm<br />

dom'mis, qum utintaEla ex urbibus hoftium râpèrent„<br />

fape^flammas refi'mxerant^ nuïïo fanguinu prertium<br />

audente de fiere9 quum régi as opes idem ignis<br />

êxureret. Brevis deinde oratm miûgavit dolorem £<br />

kabilesque militm & ad omrâa <strong>par</strong>ati, lœtabaMmr<br />

farcinarum potim quam difcipiinm fici£t.<br />

jaêuram.<br />

i& 'fgitur Baërianam rtgïonem peteBamt.. Sei<br />

Micamfp Parmenioms filius , fubitâ morte correptus,.<br />

magno defiderio fui afftcemt. am&os ;<br />

rex, antt omnês mstftus., cupiebat quidem fu&*><br />

fifltre fumri adfuturus, fid penuria commeatuum<br />

jeft'mare cogebat : itaqut PhUotas mm il -milli-<br />

''bus &• ne rtUëus* ut jufta fratri perfdveret ;<br />

ipfe ' contenait ad Beflum. her fadenti litem ei<br />

ajpruntur a finitïmis Jatra<strong>par</strong>um è quibûs cognofm*<br />

Beffum quUem koftiîi anima oeccurrtre cum<br />

exercim ;, ceterum. Satibat^anm z quem fatrapm


LITRE VI. CMAP. VI 345^<br />

royale , fe fefoit appeler Armxêrxes, & leroît des^<br />

troupes chez les fcythes & les autres > peuples qui<br />

habitent les rives <strong>du</strong> TaBa'is,: il, en était - averti <strong>par</strong>.<br />

Satibarzanes, qui lui avoit prêté ferment » & à qui il<br />

a voit ren<strong>du</strong> le gouvernement dont il jouïflbit au<strong>par</strong>avant.<br />

Mais l'armée étant fi chargée de butin & de fuperiuités<br />

f qu'elle avoit peine à fe mouvoir j il fit expo- -<br />

fer en public premièrement fon propre bagage, puis<br />

ceux de toute l'armée ? à la réfe'rve'des choies les plus-'<br />

néceffaires : c'étoit dans use vafte plaine qu'on avoir<br />

mené les chariots qui en étoient chargés 5 & comme.<br />

tout le-monde étoit 'dans l'attente'de ce qu'il alloit<br />

ordonner, il fit retirer les chevaux ,• & après avoir<br />

mis lui-même le feu à ce qui lui ap<strong>par</strong>tenott, il commanda<br />

qu'on brûlât de même tout le refte. Ainfi périffoient<br />

dans le feu, qu'allumoient les propriétaires<br />

mêmes", des richeffes que foiivênt ils n'avôient enlevées<br />

entières des villes ennemies qu'en éteignant le<br />

feu qui les dévoroit; & perfonne n'eût'ofé regretter<br />

des effets qui étoient le-prix de leur fang, puifque<br />

ceux mêmes <strong>du</strong> roi étoient confumés <strong>par</strong> les mêmes<br />

flammes. Une courte harangue les confola énfuite ; &<br />

avec les difpofitions qu'ils avoient pour la guerre &.<br />

pour tout entreprendre, ils fe félicitoient d'avoir per<strong>du</strong><br />

leurs bagages. plus tôt que leur 'ancienne difcipîine.<br />

16. Ils fe pré<strong>par</strong>oient donc à tourner leurs'pas vers<br />

la Baftriane. Mais Nicànor > fils de Parménïon, enlevé .<br />

<strong>par</strong> une mort fubite,' avoit laiffé des regrets à tout ïe<br />

monde ;


346 LIBER FI CAP. VL<br />

ar'mrum ipfi pmfecifet., deficiffe ab eo. Imqse *<br />

quamquam Beffo immmebat , tamen ad Saàbar~<br />

IOMB opprimen<strong>du</strong>m prmverii optimum ratus , k~<br />

vem armamram & equeftres copias t<strong>du</strong>ck, totâque<br />

mai firenuè fa£b kïmrt ,• improvifus hofiï<br />

jupervenit. Cujus cognito adventu , Saùbar^anes w<br />

cum il mlÏÏêus equitum , nec enïm paires fitbko<br />

contrahï poterant, Boita perfugk ; tettri proxïmos<br />

<strong>mont</strong>es occupaverumt. Prmrupta rupes trot quâ<br />

fpiBdt Ocàdenam ; eadem, qui vergkad Orientent.<br />

kmùfi fubmifia faftigm , muMs amoriàm obfita *<br />

' peremnem habet fonum ex qw largm aqum manant<br />

: çircmmkus ejus xxx & 11 flaSa comprehendk<br />

; m vertice herbi<strong>du</strong>s campus : m hoc multkudmem<br />

îmbelkm confidtre jubent ; ipfi, qui<br />

rupes fédérât, arborum truncos & faxa obmolummr<br />

; XW millia armata étant»<br />

17. In fmrum obfidione Craten nBêb,- ipfe<br />

Satibarianen fequi feftinat ; fr quia imgiàs eum<br />

abeffe cognoverat, ad expugnandos eos qui eika<br />

<strong>mont</strong>ium occupaverant redit, ac primo repurgad<br />

jubet quidquïd ingredi poffent. 'Deinde ut occur-<br />

rebant mvm cotes pmruptmque rupes r<br />

irrkus<br />

labor videbatur obfimte naturd : ilk , ut .ernt am-<br />

' mifemper obiu&antk di^cdtatêus 9 qutm & pro~<br />

gredi ar<strong>du</strong>um.-&- reverû pencukfum effet r wfabatji<br />

ad owmès coskatmmes , aiiud atque aMud ,<br />

ka ut foeri foiet mi prima -quaque dammwms p<br />

fubjkiinte animo ; hœfilanû, quoi ratio non pond*<br />

,' forïuna .couJUium frbmimpavk. Vehemens<br />

'Fayoniùs- erat£ & muitammaseriam ceuderat mi-


LIVRE VI. CMâP. VL '347<br />

sMtoît encore révolté. Sur cet avis, quoiqu'il en voulût<br />

direftement à Beffus, jugeant néanmoins que îe mieux<br />

étoit de tourner d'abord contre Satibarzanes -afin de<br />

le furprendre, il emmena fon infanterie légère avec<br />

fa cavalerie s & ayant fait diligence toute k nuit 9 il<br />

tomba fur l'ennemi à l'imptovifte, A îa nouvelle de fon<br />

arrivée, Satibarzanes s'enfuit à Baftres avec deux-mille<br />

chevaux, n'ayant pu tout d'un coup en mettre fur pied<br />

en plus grand nombre ; le relie s'em<strong>par</strong>a des mon»<br />

îagnes voifines. 11 y avoit là un roc efcarpé <strong>du</strong> côté<br />

de l'Occident ; mai* <strong>du</strong> côté de l'Orient, il a une pente<br />

plus douce, eft couvert de beaucoup d'arbres , & jouît<br />

d'une fource d'où coule fans ceffe une eau abondante :<br />

ce roc a trente-deux ftades de tour ; & à fon fommet<br />

eft une plaine fertile en herbes : c'eft là que les ennemis<br />

logèrent tous ceux qui n'étoient pas en état de<br />

combattre ; pour eux, ils fe -fortifièrent fur la pente<br />

de la <strong>mont</strong>agne avec des troncs d'arbres &des quartiers<br />

de rochers ; ils étoient au nombre, de treizemille<br />

hommes armés,<br />

17. Le roi, ayant laiffé à Cratère la commiflion de<br />

les bloquer, fe hâta de pourfuivrê Satibarzanes 5 puis<br />

ayant appris qu'il étoit déjà trop loin, il revint pour<br />

.donner la chaffe à .ceux qui s'étoient em<strong>par</strong>és des foinmets<br />

des <strong>mont</strong>agnes , & fit d'abord nettoyer tout ce<br />

qui étoit abordable. Comme on ne rencontrok plus<br />

'après cela que hauteurs inacceffibles & rochers efcarpés,<br />

il femblok que c'étoit peine per<strong>du</strong>e de vouloir<br />

forcer les ©bftacles de la nature : mais comme il avoit<br />

un courage qui fe roidiffbit toujours contre les difficultés,<br />

voyant qu'il étoit également difficile d'avancer<br />

• & dangereux de reculer, il rouloit dans fon efprit touWs<br />

.fortes de projets qui fe fucçédoient l'un à l'autre,<br />

comme c'eft l'ordinaire dans ces moments d'irréfolu*<br />

tien où l'on condamne tout ce qui fe préfente;<br />

dans cette perplexité f la fortune lui fournit un expédient<br />

que la raifon n'avoit pu lui infpirer. Un vent<br />

d'Oueft fottffloit violemment j & le foldat, pour fe faire<br />

P vj


3# LIBSJL FI. CAP. FI.<br />

' les ,* aditum per fdxaf molitus t kac vaport tôt**<br />

rida inaruerat ;. ergo aggeri alias arbores Jubet'^<br />

& igni dan alimenta r celeriterque .fiîpkibus cumur<br />

lotis fafiigium <strong>mont</strong>is aquatum efî*. Tune undiqùc<br />

ignis injeaus cunBa comprekendtf : fiammam in<br />

ora kofiium. ventus. firebat i fumus ingens velut<br />

quâdem nube abfionderat ce<strong>du</strong>m; -fimabant incendia<br />

JUva ;.- aêque ta. quoqut qaa- non- incenderatmUes,<br />

conetpio. igné,. proxima quoique a<strong>du</strong>rebant..<br />

' Barbari Jupplkiorum ultimum > fi qui- intermo**<br />

' rtretur. ignis , effugere tentabant ^ fid qua flamma<br />

dederat tocum, kofiis obfiabat : varia igitur<br />

cmde confumti funt ; al'ii in medios ignés , aiii ut<br />

petras pra.dpita.vere fi ;. quidam manibus kofiium<br />

fi obtmerunt i pmd fimïufidaû vemrc m poîefitatenu<br />

18. -Mine ad Cratèrum', qui Artacâcnam oèfîdébat<br />

s redit r Me , omnibus pra<strong>par</strong>atis , régisexfpeëubat<br />

aèventum* capta-urbis- titulo-, ficutpdr<br />

trat * cèdent. Igitur Aîexander mires admoveri<br />

jubeti ipfoqut. afpe&u terrid barbari, e mûris Ju-pinas<br />

manus- tendantes » orare emperunt y iram ut<br />

Satibarçanen dtfiBioms auMorem refir%arit x fup~<br />

plicihus fimet dedentibus- <strong>par</strong>ceret 1 rex $c data'<br />

veniâ,. non obJuHomm. modo- falviî ^ fid omniafm<br />

imolh reddidit^ Ab km- urée 'digrejfb fupplementum<br />

novorum miiimm occumt t Zoilus i> équités<br />

ex Gracia ad<strong>du</strong>xtrat ; lit millia- ex Eiyricù-<br />

Antipater mifirat ; tktjfali équités- cr 6r xxx cum*.<br />

Pkilippo erant ;. ex Lydidir milita & n c* pèregrima<br />

miles % advcmUnt^ ecc équités gmtis cjjus*r


LIVRE VL CiïdF. VI. j4$<br />

art- chemin- à traveis ks mchen, avoir coupé quan~<br />

.tiré de bois-: l'ardeur <strong>du</strong> foleil avoir fécbré ces abatis,^<br />

ce qui fuggéta au roi l'idée de Caire enteffer d'autres,<br />

arbres <strong>par</strong> deffus pour fournir des aliments au feu, ëc<br />

lientôîies troncs accumulés s'élevèrent à la hauteur delà<br />

<strong>mont</strong>agne. Le feu qu'on y mit alors de tout cotécmbrafa*<br />

toute cette maffe : le vent portoif la flamme<br />

au vifage des ennemi»; une fumée horrible dérobofrr<br />

comme \m épais nuage,- la vue <strong>du</strong> ciel ; les bois» retentiflbient<br />

<strong>du</strong> bruit des flamm.es ; &.les <strong>par</strong>ties mêmes :<br />

que le foldat a'avort point embrafées-, venant à prendrefeu<br />

% portoient l'incendie de proche en proche. Si le<br />

fe.u s'éteignoit quelque <strong>par</strong>t, les barbares eflayoient<br />

de fe dérober <strong>par</strong> ce vide au-plus affreux des fùpplices r<br />

mais dans les endroits où la flamme laiffoit un paf-<br />

Cage, rennemî fefoit face: ils périrent donc de différentes<br />

manières ;. ily fe précipitèrent, les uns au<br />

milieu des feuxs les autres fur les rochers ; quelques.uns<br />

fe jetèrent dans les armes de leurs ennemis ; on ;<br />

»*en- pfit que fort peu qui étoîent à demi brûlés.<br />

1.8. -Le roi fe rendit de ,!à auprès de Cratère , qui"<br />

affiégeoit Artacacne r cet officier f ayant fait toutesles<br />

difportions, attendôît l'arrivée de fbn.maître,,,pour<br />

lui îaiffer, comme il convenoit r l'honneur de prendre<br />

cette ville. Alexandre fit' donc approcher les* tours ^<br />

& les. barbares* effrayés à cet afpeét, tendant Humblement<br />

ks mains de deffus les murailles,. le prièrent:<br />

de ' réferver fa "coîère contre Setibarzanes q&* étoir<br />

Fauteur de la* révolte , 8e d'é<strong>par</strong>gner des malheureux<br />

€|ui implordient fa clémence & fe fôumettoient volontairement<br />

: le roi -leur fit grâce r & non- content de*<br />

lever le fiège , il rendit tous leurs, biens aux habitants.<br />

Après avoir abandonné cette ville ,, il rencontra un\<br />

jfenroct de .nouveaux foldats :• Zoïleavoife .amené cinqcents<br />

chevaux de Grèce; 1Antipater en .avok'envoyétrois*mille<br />

dlllyrie ; il y en avoit cent-trente de Tliejfclie<br />

fous la con<strong>du</strong>ite xle'Philippe'; & *il etoft arrivé<br />

de Lydie deux-mille £x-eenîs. foldats. étrangers,. fuivis


5^o LIBER VL CAP. FIL<br />

dm fequebantur. Mat manu adje&d drmgas per*<br />

venu ; bellieofa natto eft : fatrapes erat Bar-»<br />

laëntes, fcekru in regem fuum <strong>par</strong>ticcps Sejfo ;<br />

u, fuppticiorum qum meruerat metu, profugk in<br />

Indiam.<br />

VIL Jam normm dkm flaûva iront , quum^,<br />

extemâ vi non inserritus modo rex fcd invUhu ,<br />

mteftino facmore petebatur. Dymnm , modkm<br />

apud regem auMêrkatis & gratm, exoleti, cm<br />

Ivicomacho erat nomen, amore fiagrabat, obftquio<br />

uni fibi didiû corporîs viêÊus* 1s , quod ex<br />

vidtu quoque perfpki poterat, fimtlh attomto,<br />

remous arbkrh , mm juvene feceffit in iempium,<br />

'arcana fe & filenda afferre prafaius ; fufpenfumque<br />

exfpeBatione per muiuam carkatem &<br />

pign&ra utriufque animi romt9 m affirmet jurejurando<br />

qum commififfct fueittio effe teêurum : &<br />

Mie , raius nihU quod et'mm cum perjurw detegem<strong>du</strong>m<br />

foret indkatumm , per prafentes deos jurai.<br />

Tum Dymotus aperk $ int tertium diem mfidks<br />

régi com<strong>par</strong>atas, feque ejus confilii fortitus vins<br />

& illuftribus effe <strong>par</strong>ticipent. Quitus juvenk audku<br />

, fe vero fidern in <strong>par</strong>rkidio dediffe conf<br />

ianter atnuit, me ullâ religion* ut feelus tegat<br />

pojfe conftringL Dymnus , & amore & metu<br />

amens-s dextram exoleti complexus & lacrimams s<br />

orare primum , ut <strong>par</strong>ticeps confiai operuque fieret<br />

; fi id fuflmere non pojfet, attamtn ne proderet<br />

*fe , cujus erga ipfum benevokntim prater<br />

alia quoque haberet fortiffimum pignus , quod<br />

caput fuum permifijfet fidei adhuc inexpertm. Ad<br />

idtimum averfari feelus ptrfeverantem metu morth<br />

te net; ab ulo'cap'iie conjurâtes pukherrimum


L'IVRE FI. CHAP. VIL 551<br />

ie trois-cents chevaux de la même nation. Avec ce<br />

renfort il arriva chez les dranges, peuple belliqueux:<br />

leur fatrape étoit Barzaëntès t " complice <strong>du</strong> régicide<br />

de Beffus; mais craignant de fubir le fupplice qu'il avoit<br />

mérité , il s'enfuit dans l'Inde.<br />

VIL II y avoit déjà neuf jours que Ton étoit campé t<br />

quand le roi, non feulement intrépide mais invincible<br />

contre les attaques <strong>du</strong> dehors , fe vit expofé à un<br />

attentat domeRique. Dymnus, qui n'avoit auprès <strong>du</strong><br />

roi que bien peu de crédit & de faveur 9 aimoiî paffionnément<br />

un débauché, sommé Nic&macke, qu'il"<br />

croyoit ne s'être proftitué qu'à lui. Ce Dyronus, d'un<br />

air éper<strong>du</strong> , après aveir écarté tous les témoins, tire le<br />

jeune hojnme à l'écart dans un temple, & lui annonce<br />

d'abord qu'il va lui apprendre des chofes fecrètes & qui<br />

"ne doivent point être révélées ; après l'avoir tenu en<br />

fufpens, il le prie, <strong>par</strong> l'amour qu r iîs ont Tue pour<br />

l'autre & <strong>par</strong> les gages .réciproques de leur affe£tionf<br />

de jurer qu'il gardera le filence fur ce qu'il va lui<br />

confier : celui-ci, perfuadé qu'on ne lui dira rien qui<br />

doive être révèle* malgré le ferment, fait celui qu'on<br />

exige en atteftant les dieux pré fe ai s dans le temple.<br />

Alors Dymnus lui déclare ' que dans trois jours on<br />

exécutera une conjuration contre le. roi, & qu'il a<br />

<strong>par</strong>t à ce projet avec des gens de cœur & d'une qualité<br />

distinguée. Sur cela le jeune homme proteRe confîamment<br />

qu'il n'a pas engagé fa foi pour un <strong>par</strong>ricide f<br />

& qu'aucun ferment ne l'oblige à garder le filence fur<br />

cet attentat. Dymnus, éper<strong>du</strong> d'amour & de crainte,<br />

prend la main de fon ami , & les larmes aux îeux II<br />

le prie d'abord de prendre <strong>par</strong>t au projet & à l'exécution<br />

i maïs s'il ne peut s'y réfoudre f <strong>du</strong> moins de<br />

me pas trahir un homme, qui, outre bien d'autres<br />

marques d'attachement* lui en donne actuellement la<br />

plus forte ' preuve, en confiant fa vie à fa bonne foi<br />

fans l'avoir encore mife à répreuve. Le voyant pouffer<br />

}ufqu*au bout fon averfion pour ce crime, il effate de<br />

l'ébranler <strong>par</strong> la crainte de la mort, en l'aflurant que


jft LIBER VI. CAP: FIL<br />

fac'mus inchoatttros. Aliâs demie effemînamm &<br />

muïïebriter tlmi<strong>du</strong>m , allas proditorem amatorls<br />

appellans , mine ingentia promimns mter<strong>du</strong>mque<br />

regnum quoque , verfabat animum tanto facinore<br />

procid aèhorrentem* StriBum demie giadium moda<br />

illius modo fito admovens juguh , fuppkx idem<br />

& tnfiftus, expreffit tandem , ut non folum filennom<br />

ftdetmm operam polliceretur : namque abonde<br />

conftantis ammi, & digmts qui .pudkus effet,<br />

nihil • ex priftind voluntate mutavtrai ; fed fe ,taptum<br />

Dymm amore , fitmâabat nihil recufare.<br />

Scifcitari inde perpt 9 cum quibus tantôt rei focietatem<br />

buffet; plurimum riferre quales viri tam<br />

memorabili operi admoturi manus effent* Elle , &<br />

amore & fcelen malefarms , firmd grattas agit,<br />

fimul gratidatur, quod fortiffimis juvenum non<br />

<strong>du</strong>bkaffet fe jungere , Dtmetrio corporis aiftodi,<br />

Peucolao , Nkanori ; adjkit his Apkafetum 9<br />

Lmeim, Dioxermm, ArchepoUm % & Amyntawu<br />

20. Ab hoc fermant dimiffus Nicomachus, ad<br />

fiatrem ( Cebalino erat nomen ) qua: acceperat<br />

defirt. Placet ipfum fuhfifiere in tahernaculo ,<br />

ne, fi regiam mtraffet non affuetus adiré régent,<br />

cûnjuraà proditos fe tffe refàfcerenu- Ipfe<br />

Cebalmm ante veftibulum regia , neque enim<br />

propius aditus ei patebat 9 confiait r epperiens<br />

aUquem ex prima cohorte amicorum qua iatro<strong>du</strong>ceretwr<br />

ad regêm. Forte ceterh dimiffis 9 mus<br />

Philotas , Parmemonis filins, imertum quam ofr<br />

caufam , fubffliterat m rend ; huic CebaMmis,<br />

ère confufo ' inagn® pcrturhationïs notas pra fe.


hiVRE VI. CHAP. FIL Jç'J<br />

€?€& <strong>par</strong> iui que les . conjurés commenceront cette<br />

brillante .entreprife. M rappelle tantôt efféminé & pol~<br />

iroa comme une femme, tantôt traître à l'homme qui<br />

Faime le mieux ; dans cfautres moments il lui promet<br />

des merveilles,. quelquefois même jufqu'à un royaume j<br />

il le tourne ainfi de tout côté fans pouvoir affoiblir en<br />

lui l'horreur nd crime. Il tire enfin fon é*pée*»<br />

& la portant tantôt à la gorge <strong>du</strong> jeune homme , tantôt<br />

à îa Tienne, fuppliant & menaçant tout à îa fois , il '<br />

lui arrache enfla îa promeffe, non feulement de fe<br />

taire , mais même d'agir : car cet homme*, d'une confiance<br />

rare, & digne d'avoir des mœurs plus honnêtes.,,<br />

n'avoit réellement rien, changé à fa première réfolutioa<br />

i mais il feignit que p <strong>par</strong> tendreffe pour Dymnus +<br />

il ne pouvort lut rien refufer» 11 lui demanda enfuite avec<br />

qui il s'étoit affbcié pour une affaire de fi grande confé-»<br />

quence ; que rien nlmportoitplus que le choix descoopérateurs<br />

dans une entreprife fi mémorable. Dymnus p<br />

à qui fà paffion 8c. fon. crime avoient ôté le jugement p<br />

fe répand tout enfemble en aôions de grâces & en<br />

félicitations,. de ce que Nicomache n'avoit pas craint<br />

• de fe- joindre à la Jeunette la plus brave % à Démé.*<br />

•trius capitaine des gardes, à Peucolaîis, à Nicanor; il<br />

y ajoute Aphœbétus % Locée % Dioxènes % Archépolis „<br />

20. Nicomache, congédie après cette eonverfation „<br />

alla rendre ce qu'il avoit appris à fon frère, nommé<br />

Cibaïïnus. Il fut arrêté que le premier refteroit dans<br />

fa tente & de peur que, s'il entroitchez le roi n'ayant<br />

pas coutume d'y <strong>par</strong>oitre, les conjurés ne s*apperçuffent<br />

qu*ils étoient découverts. Quant à Cébalinus ,,<br />

il fe tint devant le veâibule <strong>du</strong> roi, nfayaot pas droit<br />

d'aller plus avant, & il attendit quelqu'un des principaux<br />

courtïCans pour l'intro<strong>du</strong>ire auprès <strong>du</strong> prince*<br />

Tous. les autres <strong>par</strong> hafard étant fortis „ Phiîotas y<br />

fils de Parménion % étoit refté feul avec lui on ne fait<br />

pourquoi : Cébalinus, donnant <strong>par</strong> fon air confus toutes<br />

les marques, d'un grand trouble » lui découvre ce qu'il


354 'LIBER VI. CAP. FIE<br />

ferem , aperk qua ex fratre compererat, & fine<br />

amëatkme nunciari régi jubct. Philotas, laudato<br />

€0 , prot'mks intrat ad Akxandrum ; multoque<br />

invicem de alîis rébus confumto fermone 9 nikil<br />

eorum qua ex Cebalîno cognoverat nunciat* Sxb<br />

yefperam eum prodeuntem in veflibuio regia excipit<br />

juvenis, an mandatum exfequutus foret requirens<br />

; UU , non vacaffe fermons regem caufatus ,<br />

difcejjit. Poflero die Çebdbms vementi in regiam<br />

pmfto eft , intrantemque admomt pridie commu-<br />

.nicata cum ipfo rei; ilk cura fibi effe refpondk,<br />

ac m tum quidem régi qua audkrat aperk, Coeperat<br />

Ctbalino effe fufpeBus ; kaque non ' ultra<br />

interpellan<strong>du</strong>m rams, nobili juveni ( Metroe erat<br />

ei nomen ) fuper armamentarium pqfito 9 quod fcelus<br />

<strong>par</strong>aretur indicat : Me Cebalîno in armamen-<br />

' tario"'abfcondito, protmus regi$ corpus forte curants,<br />

quid ei index detuUffet oflendit.<br />

21. Rex , ad comprehenden<strong>du</strong>m Dymnum miffs<br />

fâtelBtibw , armamentarium intrat : ibi Cebalinus9<br />

gaudio eiatus, Habeo te, inquk, incolttmem,<br />

ex impioram masibus ereptum ! Perçoit*<br />

tatus deinde Akxander qua nofcenda iront ,<br />

ûrdine cunBa cognofck : rursusque mflkk quarere,<br />

quotus dies effet ex quo Nîcomachus ad eum detuliffet<br />

ïndicïum ; atque ilio fatente jam tertium<br />

effe , exiftimans haud mcorruptâ, fide tanto pofi<br />

déferre qua audierat, v'mciri eumjuffki Mie CMmitare<br />

cœpk, eodem temporis momento quo atsdif<br />

fet ad Phihtan decurriffe ;, ab eo percontaretur.<br />

Rex item quarens, an PâUotam adiffet, an mfiitiffet<br />

ei ut perveniret adfe; perfeverante eo affirmait<br />

qua dixerat , manus ad ce<strong>du</strong>m ttndem,<br />

mananûbus iacrimis, hanc fibi a cariffmo quon-


LIVRE VI. CHAP. FIL .355<br />

mvoit appris de fon frère, & îe prie d'en inftraire le<br />

roi fans délai. Philotas, après lui avoir donné des<br />

louanges , rentre auflitôt chez Alexandre ; ils s'entretiennent<br />

long temps d'autres objets , & le courtifan<br />

ne lui dit pas un mot de ce que Cébalinus lui avoit rapporté.<br />

Comme il fortoit fur le foir, le jeune homme<br />

le prend à la porte dir veftibule, & lui demande s'il<br />

a fait ce dont il l'avoit prié ; celui-ci donne pour raifosi<br />

qu'il n'a pu <strong>par</strong>ler au roi f & fe retire. Le lendemain<br />

Cébalinus fe préfente à lui comme il entroit<br />

chez le roi , & lui rappelle ce qu'il lui a communiqué<br />

la reille; il lui répond qu'il y penfe férieufement,<br />

.& .cependant il ne dit encore rien au roi de -ce qu'il<br />

avoit appris. Cela commence' à le rendre fufpeét à<br />

Cébalinus 1 jugeant donc qu'il ne falloit plus s'adreffer<br />

à lui, il découvre l'attentat qu'on médite à un Jeune<br />

.feigneur, nommé Mitron, qui avoit l'intendance de<br />

l'arfenal : il y cache Cébalinus , & va fur le champ<br />

rendre compte de cette délation au roi 9 qui <strong>par</strong> hafard.<br />

étoit alors dans le bain,<br />

ai. Le roi envoie d'abord des gardes pour arrêter<br />

Dymnus, puis il paffe à l'arfenal : auflitôt Cébalinus<br />

s'écrie , îranfporté de joie > Je vous vois donc enjtm<br />

hors de danger, & fauve des mains des méchants! Alexandre<br />

l'ayant enfuite interrogé fur tout ce qu'il défiroit<br />

de favoir, il en apprit tout le détail : il revint<br />

à lui demander depuis combien de jours Nicomache lui<br />

avoit fait ce rapport ; &r fur fon aveu qu'il y avoit<br />

trois jours f le roi penfant que ce n'étoit pas fans coanivencequ'il<br />

révéloit fi tard ce qu'il faToit » le fit mettre<br />

aux fers : Cébalinus s'écria , que f dès l'înftant qu'il<br />

en avoit eu l'avis, il s'étoit hâté de s'adreffer à Philotas<br />

} qu'on pouvoit le favoir de lui. Le roi lui demanda<br />

encore, s'il s'étoit adreffé à Philotass $*il avoit<br />

infifté pour lui être préfenté ; & comme il perfifta à<br />

foutenir la vérité de ce qu'il avoit dit, le prince f<br />

levant alors les mains au ciel, fe plaignit avec larmes<br />

de trouver une telle reconnoiflânce dans un homme


35^ LIBER VI CAP. Vil.<br />

dam amicorum reiatam gratiam querebatur. Inter<br />

hmc Dymnus, haud ignarus quam ob caufam<br />

acccrfcretur à rege, ghdio quo forte eraî cinéhs<br />

graviter fe vulnerat ; occurfuque JateUitum inkibitus<br />

, perfertur in regiam. Quem intuens rex ,<br />

Quod , inquit, in te , Dymne , tantum cogLtavi<br />

nefas9 ut tibi macedonum regno dignior<br />

Philotas me quo que ipfo vider etur ? Ilhim jam<br />

defecerat vox ; haque , cdito gemitu vulluque à<br />

confpe&u régis averfo, fub'mde coUapfus exfiinguitur.<br />

22. Rex 9 Phïhtâ venire In reglam jujfo ,<br />

Cêbalinus f inquit 9 ultimum fupplicium meritus<br />

fi in caput meum prae<strong>par</strong>atâs infidias bi<strong>du</strong>o<br />

texit , hujus criminis reum Philotan fubflkult t<br />

ad quem protinès indicium detuliffe fè affirmât.<br />

Quo proplore gra<strong>du</strong> amicitia me contingis ,<br />

boc majus eft diffimulationis tuae facinus ; &<br />

ego Cebalino magis quam Philotae id convenire<br />

fateor : faveetem habes Judicem, û quod admltti<br />

non oportuit faltem negarï poteft. Ad hoc<br />

Philo tas, haud fane trepi<strong>du</strong>sfi animas vuku œftï- '<br />

maretur, Cebalinum quidem fcorti fer <strong>mont</strong>ai ad fe<br />

detuliffe, fed ipfum tam levi auBori nihil crédit<br />

diffe refpondit, veritum ne jurgium inter amato~<br />

rem & exolttum non fine nfu atmrum detuliffet ;<br />

quum Dymnus mteremerit fe ipfum , qualiacum-que<br />

erant non fiàjfe reticenda : complexusque<br />

regem orart cctpit, ut prateritam vitam potius<br />

quam culpam , filentii tamen non fafli uttius ,<br />

intueretun Haud facile dixerîm , credideritne es<br />

rex an altius iram fupprefferit ; dextram reconciliam<br />

gratiœ pignus obtulii, & contemtum ma*»<br />

gis quam ceLzium indicium ejfe videri fibi dixiu


LIVRE VI. CM A p. VU 357<br />

qui étoit depuis long temps îe plus cher de fes amis.<br />

Cependant Dymaus, qui n'ignoroit pas pourquoi le roi<br />

fenvoyoit chercher , fe bleffa grièvement de Pépée<br />

qu'il avoit <strong>par</strong> hafard à fou côté ; & les gardes, l'ayant<br />

efrnpêché d'achever, le portèrent chez le roi. Ce prince<br />

l*envifageant, De quel fi gsamd crime me erois-tu cou~<br />

fmbh tmvers mi, Dymnrn, lui dit-il, pour juger Phi"<br />

I&ias plus digne que moi <strong>du</strong> royaume de Macédoine?<br />

Mais il avoit déjà per<strong>du</strong> la <strong>par</strong>ole; ainfi, après un<br />

profond foupir, ayant détourné fon vifage de deffus<br />

le roi, il tomba auflitôt en défaillance• & mourut.<br />

22. Alexandre s ayant fait venir Phiîotas: Cébalinus,<br />

lin dit-il, qui eft digne <strong>du</strong> dernier fupplice s'il a gardé<br />

pendant deux jours le fient d'une conjuration tramée'<br />

contre moi, fi décharge de cette aceufation fur Phiîotas f<br />

à qui il affirme qu*il a fait aujfitot fa déclaration Plut<br />

vous awe\ de <strong>par</strong>t à mom amitié t plus votre fihnce eft<br />

trimind ; & j'avoue que et procédé eft plus croyable de<br />

Cibalinus que de Phiîotas : mais vous ave\ un juge fav&»<br />

rablement difpofét fi vous pouve^ <strong>du</strong> moins nier un crime<br />

que vous m*ave\ pas dû commettre» A cela Phiîotas répond<br />

arec traaquiîité, fi Ton peut juger de Pétat de<br />

ï'arae <strong>par</strong> l'extérieur, que Cébalinus à la vérité lui<br />

avoit rapporté le difeours d'un débauché, maïs qu'il<br />

s'a voit donné aucune croyance à une autorité fi peu<br />

digne de foi, dans îa crainte de s'espofer à la rifée<br />

ée tout le inonde en ne rendant compte que d'une<br />

querelle amoureufe entre deux infâmes ; que Dymnus<br />

néanmoins s'étant tué lui-même , il fentoit qu'il fi'sursit<br />

pas dâ garder le filence fur cette déclaration »<br />

quel qu'es pût être l'objet : embraffant alors les genoux<br />

<strong>du</strong> roi, il le. fupplia d'avoir plus d'égard à fa con<strong>du</strong>ite<br />

paffée qu'à la faute qu'il venoit de faire , & qui toutefois<br />

ne le rendoit coupable que de n'avoir point <strong>par</strong>lé<br />

& non d'avoir rien attenté. Il n'eft pas aifé de 4iref<br />

fi" le roi- Pea crut ©u s'il diffimula fon reffentiment ;<br />

nais il'fui donna la nain en figue de réconciliation,<br />

le lui 'dit qu'il lut' <strong>par</strong>oiflbit effeâivemeat avoir plui<br />

tôt méprifé que fiipprimé l'avis^


3^8 LIBER FI. CAP. FUI.<br />

WI. Advocato tamen conJUio amïcorum , cm<br />

tum Phihtas adhibitm non eft , Nicomachum in?<br />

tro<strong>du</strong>ci jubet ; is eadem qua detulerat ad regem<br />

ordine expofuit* Erat Craterus régi carus in paw><br />

cis, & 10 Ph'dotœ, ob amulationem dignkalhs 9<br />

advërsus : neque ignorabat fape Alexandri ami*<br />

eus , nmiâ jaUatione virtutis atque opéra, gravent<br />

faiffè ; & oè ea , non quidem fceUris , fed<br />

• tûMumaciœ tamen fufpeËum. Non aliam premtndl<br />

ïnimici occajîonem aptiorem futuram ratus, odio<br />

fuo pietaûs prœferens fpeciem : Utinam , inquit,<br />

in principio quoque hujus rei nobifcum délibérants<br />

! Suafiffemus, fi Philotae Telles ignofcef<br />

e , patereris potiùs ignorare eom quantum deberet<br />

tibi, quam usque ad mortis metum ad<strong>du</strong>âum<br />

cogères potiùs de periculo fuo quàm<br />

de tuo cogitare beneficio. Ille enim femper<br />

infidiari tibi poterit ; tu non femper Philotae<br />

poteris ignofcere : nec eft quod exiftimes eum<br />

qui tantum facinus aufus -eft veniâ poffe mutari<br />

; fcit eos qui tniferkordiam confumferant<br />

amplius fperare non poffe. At ego , etiam fi.<br />

ipfe vel pœnitentiâ vel beneficio tu© viûus,<br />

quiefcete volet , patrem ejus Parmemonem , •<br />

tanti <strong>du</strong>cem .exercitûs & inveteratâ apud milites<br />

tuos auftoritatc, haud multum infrà magnitudinis<br />

tuae faftigium pofitum , fcio non aequo<br />

animo falutem filii fiii debituram. tibi. Qusdam<br />

bénéficia odimus ; meruiflé mortem confiteri'<br />

pudet ; fiipereft ut malit videri 'injuriam accepiffe<br />

quam vitam : proinde fcio tibi cran iUis<br />

de falute effe pugnan<strong>du</strong>m. Salis, hoftium fuperefl<br />

, ad quos perfequendos ituri • fumus ; la*<br />

tus à domefticis hoftibus muni ; hos fi fubm'o^<br />

Tes, nihil metuo abexterno.


LIVRE- VI. CHAP. Vlll. 359,<br />

VI1L Cependant ayant convoqué le confeil de fes<br />

confidents, où Phîlotas ne fut point admis pour cette<br />

fois f il fit entrer Nicomache, qui dé<strong>du</strong>ifit <strong>par</strong> ordre<br />

îes mêmes chofes qu'il avoit dites au roi. Cratère étoit<br />

l'un des plus Intimes favoris <strong>du</strong> prince, & conféquemment<br />

ennemi de Phiîotas <strong>par</strong> rivalité : ii n'Ignoroit<br />

pas qu'il avoit fouvent importuné le roi, en fefanC<br />

gloire de fa valeur & de fes fervkes ; & que <strong>par</strong> îâ '<br />

il s'étoit -ren<strong>du</strong> fufpeâ a non d'un crime formel, mais<br />

d'une grande difpofîtion à l'indépendance. Perfuadé que<br />

jamais il n'auroit une plus belle occafion de perdre fou<br />

ennemi, & couvrant fa haine <strong>du</strong> voile de l'attachement<br />

à fon prince ; Plût à Duu » dit-il, que dès le<br />

commencement de cette affaire vous nous eu£ie\ confultés<br />

! Notre avis eût été % fi vous voulie\ <strong>par</strong>donner à<br />

Phiîotas, de lui laijfer ignorer quelle obligation il vous<br />

aurok 8 au lieu de le mettre dans le cas, en • lui fefant<br />

voir la mort de fi près f de.fe rappeler plus tôt le dan- •<br />

ger où il fe feroit vu que la grâce que vous lui aurit\<br />

faite. Car il pourra toujours machiner contre vous ; &<br />

vous m fete\ pas toujours en état de lui <strong>par</strong>donner : &<br />

n'aUe\ pas croire qu'après avoir ofé fi rendre coupable<br />

d'un fi grand crime f on puijfe être femfible à la grâce<br />

<strong>du</strong> <strong>par</strong>don; on fait bien qu'après avoirépuifé. la clémence<br />

.on n f a plus rien à-ejpérer. Mais je veux-que, touché de<br />

repentir ou de reconnoiffance pour votre bonté, il foit<br />

déformais tranquile ; je fuis fur que Parménion f fon<br />

père , à la tête d f une fi puijfante armée dont il a Vtfiimt<br />

depuis long temps, & à un degré d'élévation bien peu<br />

au dejfous de votre propre grandeur, ne vous devra pas<br />

volontiers la vie de fin fils. Il efi des bienfaits que<br />

nous avons en horreur ; ©s a honte d'avouer qu 9 on a mérité<br />

la mort ; il me refle alors qu'une reffource, c'efi de faire<br />

croire qu'on, a effuyé une injufiiee plus têt qu'obtenu grâce<br />

deJLa vie ; j'en*conclusfue vous ave\ déformais à défendre,<br />

votre tète contre eux. Il refit affe\ d'ennemis que nous<br />

devons pQurfisivri j défende\-vous feulement des ennemis<br />

iomefiiques : €€us$*€i écartés, je ne crains rien des ennemis<br />

<strong>du</strong> dehorsé


j6o LIMER VI. CA.P. VIII. -<br />

24. Mac Cratcrus ; me ieten ékêhabamî > 4 nom asmare modo, fed etiam famUtarker colloqui<br />

cum m quem damnaverat fufiimk Secundâ<br />

deinde vigdm , lumimbus extinâk , cum pauck<br />

mrngiam emmt Hephmftion , & Craterus, '& Cet-<br />

a* Tel'


LIVRé VI. CHAP. FIIL 361<br />

• 14. Tel fut le'difcours de Cratère; & îes autres<br />

me doutoient pas que , pour fupprimer l'avis de- la<br />

conjuration, il ne fallût en être l'auteur ou le complice.<br />

En effet quel feroit l'homme de bien de de bon<br />

fens, non pas de Tordre des courtifans, mais même<br />

de la lie <strong>du</strong> peuple, qui f après avoir, enten<strong>du</strong> la déclaration<br />

qu'on lui avoit faite, n'eût couru auffitôt chejK<br />

1« roi } Et l'exemple même de Cébalinas , qui lui avoit<br />

révélé ce qu'il tenoit de fon frère, n'y avoit point<br />

déterminé le fils de Parménion, le chef de la cavalerie',<br />

le dépofitaire de tous les fecrets <strong>du</strong> prince ; il avoit<br />

même feint de n'avoir pu <strong>par</strong>ler au rois afia que le<br />

porteur d'avis ne cherchât point un autre médiateur.<br />

Nicomache, quoique fous le lien <strong>du</strong> ferment, s'étoit<br />

hâté de décharger fa confcïence $ & Philotas , ayant<br />

paifé prefque tout le jour en divertiffements & en<br />

plaifanterîes , s'étoit fait une peine , dans un entretien<br />

û long & peut-être inutile, de toucher quelques mots<br />

d'une affaire où la vie <strong>du</strong> roi étoit compromife. Mais<br />

H n'avoit pas ajouté foi aux jeunes étourdis qui lui<br />

avoient fait ce rapport ! Pourquoi donc avoir traîné<br />

la chofe pendant deux jours, comme s'il y croyoit ?<br />

il auroit dû renvoyer Cébalinus, s'il défapprouvoit<br />

fon avis. Chacun, dans fon propre péril, peut faire<br />

<strong>mont</strong>re de courage & d'intrépidité ; mais quand on a à<br />

craindre pour'la vie <strong>du</strong> prince, il faut croire aifément,<br />

il faut même écouter les difcours les plus vains. Ces<br />

réflexions firent conclure unanimement à la queftion,<br />

pour le forcer à la révélation des complices. Le roi t<br />

après avoir ordonné le filence fur ce qui venoit de fe<br />

pafler, les congédia : il fit enfuite publier le dé<strong>par</strong>t<br />

pour le lendemain, afin de ne îaiffer rien foupçonner<br />

de la réfolution qui venoit d'être prife ; il invita même<br />

Philotas à fouper, ce qui fut fon dernier repas ; & Il<br />

«ut la force, non feulement de manger, mais de s'entretenir<br />

même familièrement avec ce courtifan profcrit.<br />

Vers la féconde veille, lorfque les lumières furent<br />

éteintes, arrivèrent au» palais » avec peu de gens, Hé-<br />

Tomc L Q


361 LIBER VI. CAP. Vllï.<br />

nus, 6» Erigyius ; hi ex amicis : ex armïgerh<br />

autem , Perdiccas & Leomtatus. IV hos imperatum,<br />

ut qui ad pratorium excubabant armait<br />

mgdarent.<br />

2.5. Jam ad omnes admis difpojki milites ;<br />

équités quoque itinera obJMere jujffi, ne quis ad<br />

Parmenmmm 9 qui tum Media . magnisque copiis<br />

pmerat, occultas evaderet. Attarras autem cum<br />

trecentis armatis intraverat regiam : kuic decem<br />

fatellkes tra<strong>du</strong>ntur , quorum fingulos déni armigeri<br />

fequebantur ; il ad dm s conjurâtes compre~<br />

hendendos dlftributi font. Attarras, cum trecen~<br />

tis ad Philotan miffus, claufum aditum domûs<br />

moliebatur , quinquagmta juvenum promtijfimis<br />

flipatus ; nam ceteros c'mgere undique domum Juf><br />

ferai , ne occulta aditu Pkilotas pojfet eîabi.<br />

Mum9five fecuritate animi fivt fatigatione refo~<br />

htum , fomnus opprefferat ; quem Attarras torpentem<br />

adhuc occupât. Tandem ei, fopore dif<br />

cuffo , quum injicerentur catenm ; Vick, inquit,<br />

fconitatem tuam , Rex , inimicoram acerbitas :<br />

nec plura bquutum capite velato in regiam ad<strong>du</strong>~<br />

cunt. Poftero die rex edixit omnes armati coïrent :<br />

fex mUÛa firè milkum vénérant, praterea turba<br />

lixarum cabnumque impleverant regiam ; Philo*<br />

tan armigeriagminefuo tegebant, <strong>mont</strong>e confpici<br />

pojfet à vulgo quant rex albquutus milites effet.<br />

De capitalibus rébus, vetmfto macedonum modo,<br />

mquirebat exercitus ; in pace erat vulgi ; nihil<br />

pote fias regum vakbat, nifi prias valuiffet auctoritas<br />

: igitur primum Dymni cadaver infertur,<br />

pUrisque quid patraffet quoye cafu exftin&us effet<br />

îgnaris.


LIVRE FI. CHAP. V11L 36j<br />

pheftion , Céans , & Érlgyius, qui étoient de la cour<br />

<strong>du</strong> prince; & avec eux Perdiccas & Léonnatuss deux<br />

tle fes gardes : ils donnèrent ordre à ceux qui <strong>mont</strong>oient<br />

la garde à la porte <strong>du</strong> roi s de paffer la nuit<br />

fous les armes.<br />

25. On avoit déjà difpofé des foldats fur toutes les<br />

avenues ; & de la Cavalerie fefoit le guet fur toutes<br />

les routes s de peur que quelqu'un n'allât furtivement<br />

avertir Parménion, qui commandoît alors en Médie &<br />

avoit à fes ordres une grande armée. D'autre <strong>par</strong>t Attai*<br />

ras étoit entré dans le palais avec trois-cents hommes<br />

armés : en lui donna dix fatellites s accompagnés chacun<br />

fie dix archers; & ils furent diftribués de différents<br />

côtés pour arrêter les autres conjurés. Attarras, ayant<br />

eu commiffion d'aller faifir Philotas avec fes trois-cents<br />

hommes , en prit cinquante des plus réfolus , pour forcer<br />

la porte qu'il trouva fermée ; il avoit commandé aux<br />

autres d'inveftir la maifon de toute <strong>par</strong>t, afin que Philotas<br />

ne pâtéchaper <strong>par</strong> aucune iffue dérobée. Cependant f<br />

foit fécurité de cônfcience foit accablement de laffîtude,<br />

il dormoit profondément ; & il étoit dans cet état quand<br />

Attarras le faifit. A la fin s'éreillant tout à fait lorsqu'on<br />

le chargeoit de fers ; Ah ! SâgMeur t s'écria-t-il t<br />

la méchanceté de mes ennemis a prévalu fur voire bonté !<br />

Il fe tut, on lui couvrit la tête, & on l'amena au palais.<br />

Le lendemain le roi fit affembler en armes 'tous les macédoniens<br />

: ils fe trouvèrent au nombre d'environ fixmille,<br />

outre quantité de goujats & de valets qui remplirent<br />

le palais ; la troupe des gardes couvroit Philotas,<br />

pour le dérober aux ieuxde la multitude jufqu'à ce que<br />

le roi eût <strong>par</strong>lé aux foldats. Quand il s'agiflbit de crimes<br />

capitaux, c*éteit chez les macédoniens une coutume<br />

ancienne que l'armée, en temps de guerre, ou le peuple »<br />

en temps de paix, en fût informé ; & les rois à cet égard,<br />

s'a voient aucun pouvoir s que quand ils avoient été autorifés<br />

<strong>par</strong> ce préliminaire : ainfif on apporta d'abord le<br />

corps de Dymnus, la plu<strong>par</strong>t des fpeftateurs ne fâchant<br />

si ce qu'il avait fait si pa* quelle aventure il étoit<br />

mort» Q ij


364 LIBER FI. CAP. IX.<br />

IX. Rex deinde m concionem procéda 9 vdm<br />

pmftrms dolorem animi : amicorum quoque<br />

maftitia exfpeêatwnem haud <strong>par</strong>vam rei fccerat.<br />

f<br />

Dm rex, demijfo in îerram vultu 9 attonito flu-<br />

enùqut fimilis ftttiî j tandem recepto ammo :<br />

'enè 9 inquk, Milites , paucorum hominum<br />

fcelere vobis ereptus fiim : deûm providentiâ<br />

& mifericordià vivo ; confpe&usque veftrî venerabilis<br />

cogit ut vehementiùs <strong>par</strong>ricidis irafceîer,<br />

qnoniam fùpremus , immo unus vitae me*<br />

ftuâus eft, tôt fortiffimis viris & de me optimè<br />

meritis referre adhuc gratiam poffe. Interrupît<br />

orathnem militum gemitus , obormque funt omnibus<br />

lacrimœ. Tum rex 9 Quant©, inquk , majorem<br />

in animis veftris motum excitabo , quum<br />

tanti fceleris auôores oftendero ? Quorum mentionem<br />

adhuc reformido , & , tanquam falvi<br />

cffe poflint, nominibus abftineo : fed vincenda<br />

eft memoria priftinse caritatb , & conjurari©<br />

impioram civium detegenda. Quomodo autem<br />

tantum nefas fileam ? Parmenio , illà aetate ,<br />

tôt meis, tôt <strong>par</strong>entis mei meritis devinons ,<br />

omnium nobis amicorum vetuftiffimus , <strong>du</strong>cem<br />

tanto fceleri fe praebuit : minifter ejus, Philotas<br />

, Peucolaum 9 & Demetrium, & hune Dymnum<br />

cu*|us corpus afpicitis , ceterosqoe ejus<br />

amentia in caput meum fubomavit. Fremitus<br />

undique indîgnantium querentiumque totâ concumt<br />

ebftrepebat , qualis filet ejfè multkudbûs & ma~<br />

ximè milkaris, ubi aut ftudio aptur aut ir£<br />

Nicomachus deinde 9 & Metron , & Cebalimus<br />

pro<strong>du</strong>Bi 9 qum quisque demkrat exponunt : nuttius<br />

eorum ïndicio Philotas <strong>par</strong>tietps fceleris deflina*<br />

èatur ; itaque indignatione prcjfâ, v&x iudicum<br />

s


LIVRE Vï. CHAP. IX. 365<br />

IX Le roi vint enfuite à l'affemblée g portant fur le<br />

vifage les marques d'une profonde affli&ion : celle de (QS<br />

courtifans contribuoit de même à tenir les efprits dans<br />

une grande attente. Le roi, les ieux baiffés contre terre f<br />

fut long temps comme interdit ; enfin s'étant remis , Peu<br />

s'en eft fallu, dit-il, hravts Soldats , que je ne vous aye<br />

été ravi <strong>par</strong> F attentat de quelques méchants : c'eft à la pro~<br />

vidence & à la compaffion des dieux que je dois la vie ; &<br />

la vue de cette refpeSable ajemblée juftifie d'autant plus<br />

mou indignation contre les <strong>par</strong>ricides, que le principal, ou<br />

mime tunique avantage que je trouve dans la vie t eft de<br />

pouvoir marquer encore ma reconnoiffance à tant de braves<br />

hommes à qui j 9 ai les plus grandes obligations» Ce difcours<br />

fut interrompu <strong>par</strong> les gémiffements des foldats, & il<br />

n'y en eut point à qui les larmes ne vinffient aux ieux.<br />

Combien augmenterai-je votre indignation, reprit alors le<br />

roi, quand je vous aurai fait connaître les auteurs d'un<br />

fi horrible attentat? Cependant je crains encore d'en <strong>par</strong>ler,<br />

& je m'obtiens - de les nommer > comme s'il étoit poJJibU<br />

de leur faire grâce : mais enfin il me faut oublier mon<br />

ancienne affeBion, & mettre au jour le projet de ces citoyens<br />

<strong>par</strong>ricides. Comment en effet pafferois~je fous filence un fi<br />

grand crime ? Parminion% à l 9 âge ou il eft, comblé de mes<br />

bienfaits, des bienfaits de mon pire, le plus ancien de nos<br />

confidents, s 9 eft mis à la tête ii cette abominable entreprife :<br />

• le miniftre de fis vues f Philotas f a engagé <strong>par</strong> fé<strong>du</strong>âion, •<br />

dans un complot contre ma vie , Peucolaûs > Démétrim, ce<br />

Dymnus dont vous voye\ le corps éten<strong>du</strong> devant vous ,<br />

& d'autres malheureux agités de ta mime fureur. On entendoit<br />

de toute <strong>par</strong>t dans 1*affemblée un murmure d'indi-.<br />

gestion & de'reffentiment, comme il arrive d'ordinaire<br />

dans une multitude, furtout de gens de guerre, lorfqtfelle<br />

eft tranfportée de zèle ou de colère. Nicomaehe,<br />

Métron, & Cébalinus, ayant enfuite été amenés, exposèrent,<br />

ce que chacun d'eux avoit rapporté : aucune de<br />

leurs dépofitions ne chargeoit Philotas d'avoir eu <strong>par</strong>t à<br />

^attentat ; de forte que , l'indignation générale fe calmant<br />

f iâ déclaration des témoins fut reçue dans ua<br />

Q ïl )


366 LIBER VI. CAP. IX.'<br />

fiknûo exeepta eft* Tum rex , Qualïs, înquït 9<br />

erg© animi vobis videtur , qui hujus rei delatum<br />

indicium ad ipfum fuppreffit f quod non<br />

fuiflfë yanum Dymni exitus déclarât ? Incertain<br />

rem deferens fermenta non timuit Cebalinus ;<br />

Metron ne momentum quidem temporîs diftulit<br />

exonerare fe, ut eo ubi lavabar irramperet ;<br />

Philotas folus nihil timuit, nihil credidit. O i<br />

inagei animi viram ! iftes fi régis periculo<br />

commoveretur , vultum non mutaret ? indicem<br />

tantae rei folicitus non audiret ? Subeft<br />

nimirum filentio facinus , & avida fpes regni<br />

prsecipitem animum ad ultimum nefas impulit.<br />

Pater Mediae praeeft ; ipfe , apud mpltos copiarum<br />

<strong>du</strong>ces meis praepotens viribus , majora<br />

quam capit fpirat; ©rbitas quoque meaf quod<br />

fine liberis fiim 9 Ipernitur : fed errât Philotas ;<br />

in vobis liberos, <strong>par</strong>entes, confanguineos haieo<br />

; vobis falvis , orbus effe non poffum.<br />

2,7. Epiftolam demie Parmentonls interceptant %<br />

quam ad films Nïcanorem & Philotan ferip ferai ,<br />

jteitat, haud fane indicium gravioris confilù pm~<br />

ferentem, namquefumma ejus hœc erai : Primum<br />

veftrî curam agite , deinde veftroram ; fie<br />

enim quœ deflinavimus efficiemus. Adjecitquc<br />

rex, fie effe fcrïptam ut, five ad films perveniffet,â<br />

confiais poffet intcUigi ; five Intercepta effet,<br />

faÛertt ignaros. At enim Dymnus , quum ceteros<br />

<strong>par</strong>ticipes fceleris indicaret, Philotan non<br />

nominavit ! Hoc quidem illius, non înnocentiae<br />

9 fed potenti» indicium eft, quod fie ab<br />

iis timetur etiam à quibus prodi poteft, ut f<br />

quum de fe fateantur , illum tamen cèlent»<br />

Ceteram , Philotas ipfius indicat vita : hic


LIVRE VI. CHAP. IX. 367<br />

morne filence. Quelle penfe^-vous donc, dit alors îc roi,<br />

qu l ait héla difpofition d'un homme, qui a fupprimil'avis<br />

qu*&n lui avait donné, & dont la fin de Dymnut met em<br />

évidence la vérité'?''Quoique chargé d'un rapport incertain9<br />

la crainte des tourments n f a pas empêché Cébalinus de le<br />

faire ; Métron n'a pas per<strong>du</strong> un moment pour s*en dibarraf»<br />

fer , puifqu f il s'efl empreffé de venir me chercher jufque dans<br />

h bain : il n'y a que Philo tas qui n'ait rien craint 9 qui<br />

n'ait rien cm, O quelle magnanimité! Quoi9 s'il étoii<br />

touché <strong>du</strong> péril de fin roi, il ne changeroii pas de vif âge ?<br />

il ne donneroit pas une attention inquiète au dénonciateur<br />

d'un projet de fi grande conféquence ? N'en doute\ pas , ce<br />

fiknce couvre un deffeià criminel 9 & le défir de régner s.<br />

forte fin cœur au dernier des forfaits. Le père commande<br />

en Médie ; le fils f abufint, auprès de la plu<strong>par</strong>t des chefs<br />

de mes troupes, de l'excès <strong>du</strong> pouvoir que lui ont donné<br />

mes propres forces, porte fis prétentions au delà des fienmes;<br />

il me méprifi même comme ifiU9 <strong>par</strong>ce que je fils<br />

fans enfants : mais Philotas fi trompe; je trouve en vous<br />

des enfants» des <strong>par</strong>ents 9 des proches; tant que vous<br />

vivre\ 9 je ne fiurois être fins famille,<br />

27. Il fit enfuite leûure d'une lettre Interceptée, que<br />

Parménloa avoit écrite à fes fils Nicanor & Philotas,<br />

& qui certainement ne donnoit pas le moindre Indice<br />

d'aucun deflein de conféquence, puifque telle en étok<br />

la fubftance : Àyeifiim de vous d'abord, puis des vôtres ;<br />

car voilà le feul moyen de réaiïfer nos deffeins* Et îe roi<br />

ajouta qu'elle étoit conçue de manière f fi elle <strong>par</strong>venoit<br />

à fes enfants, à être enten<strong>du</strong>e des complices , &<br />

fi elle étoit interceptée s à ne rien apprendre à ceux qui<br />

t n'étoient pas <strong>du</strong> fecret. Mais Dymnus f continua-t-il ,<br />

en fefant connoure les autres complices s n'a point nommé<br />

'Philotas ! c'efi véritablement un figne, non de fin inno»<br />

ttnce, mais de fin pouvoir', puifqu'il efi fi redouté de ceuxmimes<br />

qui peuvent h dénoncer, qu'en avouant leur propre<br />

crime, ils cachent la <strong>par</strong>t qu'il y a. Du refle f on a affe\,<br />

pour apprécier Philotas , de la vie qu'il a menée : c'efi<br />

hit qui fi rendit l'affocié & k complice d'Âmymast<br />

Q iv


i68 LIBER VL CAP. IX.<br />

Amyntee , qui mihi coiîfobrinus foit & in Ma—<br />

cedoniâ capiti meo impias com<strong>par</strong>avit infidias,<br />

focium fe & confcium adjunxit ; hic Attalo ,<br />

quo graviorem inimicum non habui, fororem<br />

iuam m matrimonium dédit; hic, quum fcripfiffem<br />

ei , pro jure tam familiaris ufûs atque amicicitiae<br />

, quaîis fors édita effet Jovis Hammonis<br />

oraculo, fuftinuit refcribere mihi , fe quidem<br />

gratulari quod in numeram deoram receptus<br />

effem , ceteram mifereri eoram quibus viven<strong>du</strong>m<br />

effet fub eo qui mo<strong>du</strong>m hominis excèderet.<br />

Haec funt etiam animi pridem alienati à<br />

me & inyidentis gîoriae meae indicia : quse quidem,<br />

Milites, quandiu licuit, in animo meo<br />

prelli ; videbar enim mihi <strong>par</strong>tem vifcerum<br />

meorum abrumpere , fi in quos tam magna<br />

contuleram vîliores mihi facerem. Sed jam nos<br />

verba punienda font, linguae temeritas pervenit<br />

ad'gladios ; hos, fi mihi creditis, PhOotas<br />

In me acuit. Id fi ipfe admifit, quo me conferam<br />

, Milites ? cui caput meum credam ï<br />

Equitatui, optima exercîtûs <strong>par</strong>ti, principibus<br />

nobiliffimae Juventutxs unum prafeci ; ialutem ,<br />

fpem, vicloriam meam fidei ejus tutelaque commifi<br />

: patrem in idem faftigîum in ouo me ipfi<br />

pofoîftis admovi ; Mediam y quâ nuÈa opulentior<br />

regio eft, tôt civium fociorumque millia imperio<br />

ejus ditionîque fubjeci. Unde prxfidium<br />

petieram, periculum exftitit. Quam féliciter m<br />

acie occidiffem , potiùs hoftis praeda quam civis<br />

viclîma ! nunc fervatus ex periculis qua<br />

fola timui, in haec incidi quae timere non debui.<br />

Soletis identidem à me, Milites, petere ut<br />

ialuti me« <strong>par</strong>cam ; ipfi mihi praeftare poteftis


LIVRE VI. CHAP. IX. 369<br />

lequel f quoique mon ceufin germain maternel 9 conjura<br />

pmdkmrmttm ma mort en Macédoine; c*eft lmit qui<br />

donna fa fmur en mariage â Àttalus, le plus déterminé de<br />

mes ennemis ; c'eft lui, qui, lorfqu f â raifin de notre liai»<br />

fon & de notre amitié je lui eus mandé la réponfe de Voracle-éU<br />

Jupiter Mammon en ma faveur, eut l f impudence de<br />

me récrire, qu f il me féUckok de ce que j'avois été admis<br />

au rang des dieux , mais que d s ailleurs il plaignoit ceu»<br />

qui avoient â vivre fous un prince fupérieur à l'humanité»<br />

Telles font les marques de fin ancienne indijpofiimn contre<br />

moi & de l'envie qu f il porte à ma gloire : & j'avoue f Sol"<br />

dais s que, tant qu'il m*a étépoJfible9je les ai diffimuUts à<br />

mon cœur ; <strong>par</strong>ce qu'il me femblok que -ce fer oit m 9 arracher<br />

une <strong>par</strong>tie des entrailles, que de me repréfenter comme mépri»<br />

fables des hommes fur qui j'avois accumulé de fi grands<br />

bienfaits. Mais il ne s f agit pas aujourdhui de punir des<br />

propos § de l'indifirétion des <strong>par</strong>oles on en cfi venu jtifqu'aux<br />

poignards; & as poignards, croyez-moi, c'eft.<br />

Philotas qui les a aiguifés contre moi» Mais s'ils*eft<br />

porté â un tel attentat, que deviendrai-je, Soldats ? à qui<br />

confierai-je ma vie ? Je l'ai misfeul à la tête de ma €ava~<br />

Une, de la meilleure <strong>par</strong>tie -de mon armée s de l'élite de<br />

la jeune Noblejfe; mon fa lut, mes efpérances, mes vie»<br />

toires , j'ai tout confié à fa garde, à fa fidélité : quant<br />

à fon père, je l'ai élevé aujjî haut que vous m'avt\ élevé<br />

vous-mêmes ; j'ai mis fous fis ordres & en fa puijfance la -<br />

Médie, qui eft la plus riche de toutes les provinces , avec'<br />

des milliers de nos concitoyens & de nos camarades. C'eft<br />

ou j'avois efpéré de trouver <strong>du</strong> ficours f que je rence-ntrt<br />

le danger. Qu'il m'eût été heureux de pair dans une bataille 9<br />

maffaçré <strong>par</strong> un ennemi plus têt qu'immolé <strong>par</strong> un citoyen !<br />

Echappé aux périls qui font les fiuls que j'aye eu à.<br />

craindre, je me trouve aujourdhui expofé à ceux dont je<br />

n'ai pas dû me défier. Vous ave\ coutume, Soldats, de<br />

m'exhorter fréquemment à ménager ma vie; c'efi vous qui<br />

pouf ei faire pour moi ce qui vous me recommandez ; j'ai<br />

Qv


370 -LIBER FL CAP. IX.<br />

quod fuadetis ut faciatn : ad reliras mairof ;<br />

ad veftra arma confogio ; invitis Yobis falvus effe<br />

nolo ; volentibus , non poffum , nifi vindicor.<br />

28. Tum Philo tan, religatis pofi termm ma~<br />

nibus, obfoUto amiculo veiatum , jujftt in<strong>du</strong>cl<br />

Facile ap<strong>par</strong>ebat motos effe tam miftrabili habitu ,<br />

non fine invidiâ patdo antt confpeBi : <strong>du</strong>cem<br />

equitatûs pridk videront, [cubant régis interfuifft<br />

tomvivio ; repente non reum modo 9 fia ~eûam damnation<br />

, immb vinBum ïntuebantur ; fubibat animos<br />

Parmenionis quoque, tanti <strong>du</strong>cis , tam clari<br />

civis , fortuna ; qui, modo <strong>du</strong>obusfilus ,HeBore &<br />

Nicanore > orbatus, cum eo quefn reliquum calami*<br />

tas fecerat abfins diceret caufam» Itaque Amyntas,<br />

régis prcttor , inclinatam ad mifiricordiam<br />

concionem rursus a/perd in Phïhîan oratione cornmovit<br />

: prodhos eos effe barbaris ; neminem ad<br />

eonjugem fuam , neminem in patriam & ad <strong>par</strong>tntes<br />

fuiffe rediturum ; vetut truncum corpus<br />

demto capite , fine fpiritu , fine nomine , aliéna<br />

terra ludibrium hoftis futuros. Moud quaquam pro<br />

fpe ipfius Amynm oratio grata régi fuk ; quod<br />

conjugum, quod patria admonitos , pigriores ad<br />

cetera munia exfequenda fecijfett Tune Cœnus %<br />

quanquam Philom fororem matrimonio ficum cou»<br />

junxerai, tamen aerius quam quisquam in Philotan<br />

inveBus efl , <strong>par</strong>ricidam effi régis, patria 3<br />

exercitus clamitans ; faxumque quod firte ante<br />

pedès jacebaf eripuit, emiffurus in eum, ut pieriqut<br />

credidêre 3 tormentis fubtrahere cupiens : fid<br />

rex manum épis inhibuit , dicendi prias caufam<br />

debere fieri poteflatem reo, me aliter judicari pafi<br />

furum fi ajjirmans. Tum dieere juffus Philotas 3


LIVRE VI. CBAP. IX 371<br />

Titmrs à v&s bras, à vos armes ; je ne prétends pas à im<br />

vie malgré VOUS ; mais quoique vous le voulU\, il mUfi<br />

impojflble de la c&nferver, fi je ne fuis vengé»<br />

2S. H fait alors amener Philotas, qui avoit les mains<br />

liées derrière le dos & la tête couverte d'un voile mal<br />

propre. II étoit aifé de voir qu'on étoit touché de la mîférable<br />

fîtuation d'un homme, quon ne regardoit pas<br />

fans envie un peu au<strong>par</strong>avant : on l'avoit vu la veille<br />

Général de la Cavalerie, on favoit qu'il avoit été <strong>du</strong><br />

feftin <strong>du</strong> roi -, & tout à coup on le voyoit accufé , condamné<br />

f chargé de chaînes : on fe figutoit en même<br />

temps la fortune déplorable de Parménion, ce grand<br />

capitaine , cet illuftre citoyen ; qui, après avoir per<strong>du</strong><br />

récemment deux de fes fils , Heftor & Nicanor» étoit en<br />

fon abfence impliqué dans le même procès avec celui<br />

qui pour fon malheur lui étoit refté. Àuffi Amyntas , un<br />

des lieutenants <strong>du</strong> roi, voyant que l'affemblée inclinoit<br />

"à îa compaffion, la ranima .<strong>par</strong> une Inve&ive violente<br />

contre Philotas : il leur dit qu'ils avoient prefque été<br />

livrés aux barbares; qu'aucun d'eux n'auroit revu fa<br />

femme, fa patrie* fes <strong>par</strong>ents; que devenus comme<br />

un corps fans tête , fans vie, fans nom, ils auraient été<br />

4ans une terre étrangère le jouet de l'ennemi. Ce difcours<br />

d'Amynîas ne fut pas auffi agréable au roi qu'il<br />

l'avoit efpéré ; <strong>par</strong>ce qu'en rappelant aux foldats le fouvenîr<br />

de leurs femmes & de leur patrie, il leur avoit<br />

infpiré <strong>du</strong> froid pour les autres opérations auxquelles il<br />

les deftinoit. Alors Cénus , quoiqu'il eût époufé la foeur<br />

de Philotas, s'emporta centre lui avec plus de violence<br />

qu'aucun autre, criant fans ceffe qu'il s'étoiî ren<strong>du</strong> coupable<br />

de <strong>par</strong>ricide envers le roi f envers îa patrie ,<br />

envers l'armée ; là-deflus il faifit une pierre qui étoit<br />

à fes pieds pour la lui jeter, dans l'intention, comme<br />

plufieurs l'ont cru, de le fouftraire aux tourments :<br />

mais le roi lui retint la main, déclarant qu'il falloit<br />

d'abord donner, à l'accufé la permûTiôn de fe défendre t<br />

& qu'il ne permettroit pas qu'on le jugeât fans cela.<br />

Philotas | quoiqu'autorifé à <strong>par</strong>ler, étoit alors fi trou-


37^ . LtBE.R VI.,CAF. XJ<br />

five confcunûâ fcelem, five perkuli magnkuSnê<br />

amens & attonkus , non attothre Qcuhs, non hh~<br />

cere audebat ; lacrbnis de'mde manantibus, linqueute<br />

anima , in eum a quo tenebatur incubuit :<br />

abjlerfoque amiculo ejus oculis, paulatim recipiens<br />

fpirhum ac vocem, diêurus videbaiur. Jamque<br />

rex , intuens eum , Macedones , inquit, de te<br />

judicaturi font ; quaero an patrio îermone fis<br />

apud eos ufuras l Tum Philotas, Prêter macedonas<br />

, inquit % plerique adfont, quos faciliùs<br />

quae dicam percepturos arbitror, fi eadem linguâ<br />

faero mus qui tu egifti, non ob aliud,<br />

credo » quam ut oratio tua intelligi poffet à plu*<br />

ribus. Tum rex : Ecquîd videtis adeo etiam îermonis<br />

patrii Philotan taedere ? folus quippe fa£<br />

tidit dicere. Sed dicat fané utcumque coté, eft %<br />

<strong>du</strong>m' memineritis aequè iîîum à noftro more<br />

atque fermone abhorrere. Atque ha conciont<br />

excejpt.<br />

X. Tum Philotas, Verba , inquit, Innocent!<br />

îêpêrîre facile eft ; mo<strong>du</strong>m verboram mifero<br />

tenere difficile : itaque, inter optimam confcieiir<br />

tiam & iniquiffimam fortunam deftkutus, ignoro<br />

quomodo & animo meo & tempori <strong>par</strong>eam.<br />

Abeft quidem optimus caufse meae judex : qui<br />

cur me ipfe audire noluerit non, nie Hercule !<br />

excogito ; quum illi, utrimque cognitâ causa,<br />

tam damnare me liceat quam abiolvere, non<br />

cognitâ vero, lîberarî ab abfente non poffum<br />

qui à praefente damnatus foin* Sed quanquam ,<br />

vinûi nominis , non foperyacua ^folum , fed<br />

etiam invifa defenfio eft , quae judicem non<br />

doçcre videtur, fed arguere ; tamen utcumque v<br />

Hcét dicere 9 memet ipfe non deferam , nec \


LIVRE VI. CMâF. X 371<br />

blé » fi interdit f foit <strong>par</strong> les remords de fa confcience,<br />

foit <strong>par</strong> îa grandeur <strong>du</strong> péril, qu'il n'ofoit ni lever les<br />

ieux ni ouvrir la bouche ; puis fondant en larmes , il<br />

s'évanouît entre les bras de celui qui le te noit : on lui<br />

efluyà les ieux avec fa mante, la refpiration & la voix<br />

lui revinrent peu â peu, &• il <strong>par</strong>oiflbit fe difpofer à<br />

prendre la <strong>par</strong>ole. Le roi f le regardant alors, Ce font<br />

les macédoniens, lui dit-il , qui vont te juger ; je veux<br />

/avoir fi tu se ferviras de la langue <strong>du</strong> pays pour leur<br />

<strong>par</strong>ler? Outre les macédoniens, répliqua Philotas, la<br />

plu<strong>par</strong>i de ceux qui font ici m f entendront, je crois 9 plus<br />

aifémentffije me fers de la même langue dent vous vous<br />

êtes fervi vous-même, dans l'unique vue, je penfe, d'être<br />

compris <strong>par</strong> le plus grand nombre. Eh bien t dit le roi v<br />

voye^-vous â quel point Philotas hait le langage même<br />

de fon pays ? car il efi h feul qui dédaigne dt s'enfervir»<br />

Mais qu'il <strong>par</strong>le comme il voudra, j'y confens , pourvu<br />

que vous vous fouvenie\qu'ila également en horreur nos<br />

ufages & notre langue. Et là-deflus il fortit de l'affemblée.<br />

X. Il efi facile à un Innocent,' dit alors Philotas , de<br />

trouver des <strong>par</strong>oles pour fa défenfe ; mais il efi difficile â uti<br />

homme malheureux de <strong>par</strong>ler avec retenue .* ainfe, livré à moimême<br />

entre une bonne confcience & une fituation déplorable<br />

9 je ne fais comment concilier ce que je dois à mon<br />

cœur avec ce qu f exige la conjoncture préfente» Il efi vrai<br />

que le meilleur juge de ma caufe n'efi point ici ; & en<br />

vérité je n'imagine pas pourquoi il n f a pas voulu m'eny<br />

tendre ; puifqu'après avoir enten<strong>du</strong> le pour & le contre $ il<br />

efi autant le maître de me condamner que de m'abfoudre ,<br />

au lieu que, ma défenfe n'ayant pas été enten<strong>du</strong>e fje ne puis<br />

pas efpérer qu'abfent il me décharge, puifque préfent il m'a.<br />

déjà condamné. Mais quoique la défenfe d'un aceufé qui efi<br />

dans les liens foit, non feulement fuperflue , mais encore<br />

oiieufe , <strong>par</strong>ce qu'elle <strong>par</strong>oi t moins infiruire le juge que<br />

le cenfurer; cependant, à quelque intention qu'il me fois<br />

permis de <strong>par</strong>ler, je m m'abandonnerai pas moi-même,. &


374 'LIBER VL CAP. X<br />

committam ut damnâtes etiam meâ fententii<br />

videar.<br />

Equidem cnjus criminis reps fim non video:<br />

inter conjurâtes nemo me nominat ; de me Nicotnachus<br />

nihil dixit ; Cebalinus plus quam audierat<br />

fcire non potuit. Atqui conjurationis caput<br />

fuiffe crédit rex ! Potuit ergo Dymnus eum<br />

praeterire quem fequebatur , praefertim quum<br />

quaerenti focios vel falfo ftierim nominan<strong>du</strong>s,<br />

quo faciliùs qui verebatur poffet impelli ? non<br />

enim, deteûo facinore , nomen meum praeteriit<br />

ut poffet videri focio peperclffe ; fed Nicomacho<br />

, quem taciturum arcana de femetipfo<br />

credebat, confeffus , aliis nominatis, me unum<br />

fubtrahebat. Quafo , Commilitones , fi Cebalinus<br />

me non adiffet , nihil me de conjuratis<br />

fcire voluiffet ; num hodie dicerem caufam ,<br />

nullo me nominante ? Dymnus fané & vivat<br />

adhuc & velit mihi <strong>par</strong>cerê' : quidcerteri, qui defe<br />

€onfitebuntor, me videlicet fubtrahent ? Maligna<br />

eft calamitas ; & ferè noxius , quum fuo<br />

îupplicio cracietur, acquiefcit alieno : tôt confcii<br />

, ne in equuleum quidem impofiti, veram<br />

latebuntur ? atqui nemo <strong>par</strong>cit morituro, nec<br />

coiquam moriturus, ut opinor.<br />

Ad veram crimen & ad unum reverten<strong>du</strong>m<br />

mihi eft : cur rem delatam ad te tacuifti ? cur<br />

tam fecurus audifti ? Hoc , qualecumque eft ,<br />

confeffo mihi, ubicumque es, Alexander, remififti<br />

; dextram tuam amplexus réconciliât!<br />

pignus animi, convivto quoque interfîu : fi cre-


LIVRE VI. CHAP. X 375<br />

je ne laifferai pas croire quej'aye autorifé ma condamnation<br />

de mon propre fuffrage*<br />

En effet je ne vois pas de quoi F on m'accufe ; perfonm<br />

ne me nomme <strong>par</strong>mi les conjurés ; Nieomacht n'a pas<br />

dit un mot de moi ; Cèhal'mus n'a pu Javoir que ce<br />

qu'on lui avoit 'appris. Cependant le roi me croit le chef<br />

de la conjuration ! Dymnus a donc pu oublier celui qu f il ne<br />

fefoit que fuivre, dans un moment furtout ou, fur la de*<br />

mande qu'an lui fefoit de fis ajfociês, il aurait dû me<br />

nommer mime à faux,, pour engager plus aifiment un homme<br />

qui avoit des craintes ? car après l'aveu <strong>du</strong> complot s s'il a,<br />

paffé mon nom fous filence, ce n* était pas pour <strong>par</strong>aître<br />

ménager fon affacié; mais ayant tout révélé à Nicomache9<br />

fur la difcrétion de qui il comptait pour lui-même, il<br />

nomma les autres, & il n'y eut que moi dont il ne <strong>par</strong>la<br />

point. Je vous le demande , chers Camarades, fi Cébalinus<br />

ne fe fût point adreffé à moi, s'il n'eût rien voulu m'apprendre<br />

fur le compte des conjurés ; ferais-je aujaurdhui<br />

dans le cas de me défendre, n'y ayant perfanne qui m'ac»<br />

cufe ? Suppafans, j'y confens, que Dymnus vive encore &<br />

qu'il veuille me ménager : Quoi ? les autres, qui avoueront<br />

et qui leur eft perfannel% croit-ôn de banne foi qu'ils fe<br />

tairont fur mon compte ? Le malheur infpire de la malignité<br />

; & un criminel, dans les douleurs <strong>du</strong> fupplice f fe<br />

confok prefque <strong>par</strong> le fupplice d 9 autrui ; tant de corn*<br />

plices§ mime fur le chevalet, n'avoueront'ils pas la vérité?<br />

mon opinion efi que perfonne ne ménage un homme deftiné<br />

à mêurirt & qu'un homme dejliné à mourir ne ménage<br />

perfonne.<br />

Il me faut donc revenir au véritable, au feul crime<br />

qu'on puijfe m'imputer', pourquoi a$~tu gardé h filence 9<br />

me dit-on ffur l'avis'qu'on t'avoit donné ? pourquoi l'as»<br />

tu enten<strong>du</strong> avec une fi grande tranquilké? Cette faute, dt<br />

quelque manière qu'on en juge s je vous en ai fait l'aveu s 4<br />

Alexandre, en quelque endroit que vousfoye\ maintenant,<br />

& vous me l'ave\ <strong>par</strong>donnée ; vous m'avc^ donné la maim<br />

pour m'en ajfûrer, &j'ai mime été admis à votre table :fi .<br />

tous m'en avei cru, je fuis abfout j fi vous m'arei fait


376. 'LIBER VL CAP. X.<br />

didifti mîhi , abfolutus fum ; fi peperdftl, dîmiffus<br />

; vel judicium tuum ferva. Quid hac<br />

proximâ* noâe, quâ digreflus fiim à mensâ<br />

tuâ, feci ? quod novum facinus delatum ad te<br />

mutavit animum tuum l Gravi fopore acquiefcebam<br />

, quum me malis indormientem meis inïmici<br />

vinciendo excitârunt; unde & <strong>par</strong>ricidae<br />

& prodito tam alta quies fomni ? Scelerati confcientiâ<br />

obftrepente quum dormire non poffint ,<br />

agitant eos furiae, non cogitato modo fed & confummato<br />

<strong>par</strong>ricidio : at mihï fecuritatem primum<br />

innocentia mea , deinde dextra tua obtûlerant ;<br />

non timui , ne plus' aliéna cradelitati apud te<br />

liceret quam démenti» tuae.<br />

Sed ne te mini credidhTe pœniteat : res ad me<br />

deferebatur à puero , qui , non teftem , non<br />

pignus indicii exhibere poterat, impleturas omnes<br />

metu fi cœpiffet audiri amatoris & fcorti<br />

jurgio interponi aures meas credidi infelix ; &<br />

fidem ejus uifpeâam habui, quod non ipfe deferret,<br />

fed fratrem potiùs fubornaret : timui ne<br />

negaret mandaffe le Cebalino,' & ego viderer<br />

multis amicoram régis fuiffe periculi caufa.<br />

Sic quoque quum Jaeferim neminem , invenï qui<br />

mallet perire me quam incolumem effe ; quid<br />

inimicitiarum creditis excepturam fuuTe, fi infontes<br />

lacefliffem ? • At enim Dymnus fe occidit<br />

! Num igitur faâurum eum divinare potui î<br />

minime : ita, quod foîum indicio fidem fecit,<br />

Id me , quum a Cebalino interpellâtes fum ,<br />

movere non poterat. At Hercule ! fi confcius<br />

Dymno tanti fceleris fuiffem , bi<strong>du</strong>o illo proditos<br />

effe nos diflimulare non debui: Cebalinus<br />

Ipfe tolli de medio nullo negotio potuit ; deinde


Lï-VRE VI. CHJP. X 377<br />

grâce f je fuis hors de procès ; tene^-vous-en <strong>du</strong> moins à<br />

votre propre jugement. Qu'ai-jefait la nuit dernière , depuis<br />

que je fuis fini de votre table ? quelle imputation nouvelle<br />

vous a fait changer de penfée ? J'émis enfeveli dans un pro»<br />

fondfimme'd & endormi fans aucune défiance des maux<br />

qui m 9 attendaient % lorfqu 9 on m 9 a éveillé en me mettant<br />

dans les liens ; comment pourroit repofer fi paifiblement<br />

un <strong>par</strong>ricide qui fe voit découvert ? Les criminels, harcelés<br />

<strong>par</strong> les remords de leur confidence, loin de pouvoir dor~<br />

mir3fint agités <strong>par</strong> les furies , non feulement tandis qu'ils<br />

projettent mais même quand ils ont confommé leur crime :<br />

au lieu que je jouïffais de la fécurité que mon innocence<br />

d 9 abord & votre main enfui te m 9 avaient ajfurée ; & je ne<br />

'craignais pas que la cruauté des autres remportât fur votre<br />

clémence.<br />

Mais n 9 ayei aucun regret de m f avoir cru : Pavis me<br />

venoit d'un jeune homme, qui ne pouvoit fournir ni témoin<br />

ni preuve de fin dire f & qui alloit répandre un effroi<br />

général fi on eût commencé <strong>par</strong> l 9 écouter : j 9 ai eu le mal"<br />

heur de croire qu 9 il me venoit rompre les oreilles d'un diffé*<br />

rend entre deux infâmes ; & je me fuis d 9 autant moins fié<br />

à lui, que Nicçmache, au lieu de faire lui-même fin<br />

rapport, aimait mieux mettre fan frère à fa place ij'aj donc<br />

craint qu'il ne défavouât Cébalinus, & que je ne <strong>par</strong>uffe<br />

avoir voulu compromettre plufieurs 'perfirmes de la Cour.<br />

Quaiqu 9 en me comportant ainfi je n f aye offenfi perfinne,<br />

je ne -laiffs pas d'avoir trouvé quelqu 9 un qui défirc ma perte<br />

beaucoup plus que ma confervation; combien eroyei-vous donc<br />

que je me ferais fait d'ennemis ffij 9 eujfe attaqué des inno*<br />

cents ? Mais enfin Dymnus s'efi tué ! Pouvsis-je donc<br />

deviner qu'il le ferait ? non apurement : ainfi, la feule chofe<br />

qui juflifie l'avis , ne pouvais faire fur moi aucune imprejpon<br />

dans le temps que Cébalinus me h donna. Mais, fi<br />

j'avais eu <strong>par</strong>t à ce crime- énorme de Dymnus f je n'au»<br />

rois certainement pas caché pendant deux jours à mes<br />

complices que nous étions découverts ; rien n'étoit plus<br />

aifé que de fe défaire de Cébalinus : d 9 autre <strong>par</strong>t depuis la<br />

dénonciation qui devoii me faire périr, je fuis entré fine


3 7 8 • L I B E R F I . C A P . X<br />

poft delatum indicium quo perituras eram, eubiculum<br />

régis foins intravi 9 ferro quidem cinctus<br />

; cur diftuli facinus ? an fine Dymno non<br />

fiim aufus ? ille igitur princeps conjurationis fbit ;<br />

fub illius umbrâ Philotas latebam , qui régoum<br />

macedonum affeâo. Et quis è vobis corruptus<br />

eft donis ? quem <strong>du</strong>cem, quem prsefefbm impenfius<br />

colui ?<br />

Mihi quidem objicitur quod focietatem patrii<br />

fermonis afperner , quod macedonum mores<br />

faftidïam ! Sic ergo Imperio quod dedignor<br />

Immineo ? Jam pridem nativus ille ferai©<br />

commercio aliarum gentium exolevit ; tam<br />

vicloribus quam viclis peregrina lingua difcenda<br />

eft. Non , me Hercule ! ifta .me magis lae<strong>du</strong>nt,<br />

quam quod Amyntas , Perdictae filius,<br />

infidiatus eft régi : cum quo quod amicitia<br />

fuerit mihi non recufo defendere , fi fratrem<br />

régis non oportuit diligi à nobis : fin autant<br />

in illo fortune gra<strong>du</strong> pofitum etiam venerari<br />

neceffe erat ; utram, quaefo, quod non diyinavi<br />

9 reus fiim ? an impiorum amicis infontibus<br />

quoque morien<strong>du</strong>m eft? quod fi «quum<br />

eft, cur tam diu vivo ï fi -mjuuum, cur nunc<br />

demum occidor ?<br />

At enim fcripfi, mifereri me eoram quibus<br />

viven<strong>du</strong>m effet lub eo qui fe Jovis filium crederet!<br />

Fides amicitia*, veri confilii periculofa libertas ,<br />

vos me decepiftis ! vos quae fentiebam ne reticerem<br />

impuliftis ! dcripfifle me haec fateor régi, non de<br />

rege fcrîpfiffe : ' non enim faciebam invidiam ,<br />

fed pro eo timebam; dignior .mihi Alexander<br />

videbatur qui Jovis ftirpem tacitus agnofceret,<br />

cpiam qui pradicâtione jaâaret. Sed quoniam


LIVRE VI. CM A p. X. 379<br />

élans la, chambre <strong>du</strong> roi 9 & Pépie au côté ; pourquoi<br />

ai-je différé de confommer le crime ? efi~ce que fans<br />

Dymnus je n'aurois ofé ? c f efi donc lui qui étoit le chef de<br />

la conjuration ; & moi, Philotas, qui prétends, dit-on, à<br />

la couronne de Macédoine, je me cachois à P ombre de ce<br />

nom. Mais qui d'entre vous ai-je effayé de corrompre <strong>par</strong> des<br />

préfents ? quel efl le chef quel efi Vofficier â qui j'ayc<br />

donné des marques extraordinaires d 9 attention ?<br />

On me reproche â la vérité que je refufe de <strong>par</strong>ler comme<br />

les autres le tangage de ma patrie, que je miprife les coutumes<br />

des macédoniens ! € 9 efi donc ainfi que je brigue um<br />

Empire en le dédaignant ? Il y a long temps que le<br />

commerce des nations étrangères nous a fait perdre Pufage<br />

de notre langue maternelle ; vainqueurs & vaincus,<br />

tous font contraints d'apprendre un langage nouveau. Je<br />

vous jure que cela me nuit aujjî peu, que la conjuration<br />

d 9 Amyntas , fils de Perdiceas , contre le roi : je ne pré"<br />

tends pas me défendre de mon attachement pour lui f fi c*efi<br />

un crime â 9 avoir aimé un frère <strong>du</strong> roi ; mais fi Pélévation<br />

eu la Fortune Pair oit placé exigeoit même le plus profond<br />

refpeB ; comment, je le demande, fuis-je coupable<br />

pour n'avoir pas été devin ? Les amis des ' coupables t<br />

quoiqù % innocents, doivent~ils fubir la même peine capitale ?<br />

Si cela efljufte, pourquoi ai-je vécu fi long temps ? s 9 il ne<br />

Pefi pas f pourquoi veut-on ma mort aujourdhui?<br />

€*eft que j 9 ai écrit, que je plaignois ceux qui avoient à<br />

vivre fous un homme qui fe croyoit fils de Jupiter! Ofidé~<br />

l'ti de P amitié t ê périlleufe franchife â donner des confeils<br />

vrais, e 9 efl, vous qui m i ave\ trompé ! c f eji vous qui<br />

m'avei encouragé à ne pas déguifer mes véritables fenti»<br />

mente ! J'avoue que j 9 ai écrit en ces termes au roi s mais<br />

fans P entendre <strong>du</strong> roi : car loin d'irriter P envie contre lui9<br />

je la redoutois pour lui; il me femblokplus convenable<br />

è Alexandre de f avoir fans en <strong>par</strong>ler qu'il étoit fils de<br />

Jupiter, que de s % en vanter en le publiant. Mais puifqu'om<br />

doit une foi entière à P oracle, que Jupiter fait le têmoim


380 . LIMER VI. CAP. X<br />

©raculi fides certa eft, fit deus caufae meae teftis<br />

: retinete me in vinculis , <strong>du</strong>m . confulitnr<br />

Hammon in arcanum & occultum fcelus ; inte^<br />

rim 5 qui regem noftram dignatus eft filium ,<br />

neminem eorum qui ftirpi iuae infidiati funt latere-<br />

patietur : fi certiora oraculis creditis eflê<br />

tormenta, ne banc quidem exhibendae veritatis<br />

fîdem deprecor.<br />

Soient rei capitis adhibere vobis <strong>par</strong>entes.<br />

Duos fratres ego nuper amifi ; patrem nec ©ftendere<br />

poflum nec invocare audeo, quum & ipfe<br />

tanti criminis reus fit ; <strong>par</strong>um eft enim tôt<br />

modo liberoram <strong>par</strong>entem, in unie© filio acquiefeentem,<br />

eo quoque orbari, ni ipfe in rogum<br />

meum imponitur. Ergo, cariffime Pater,<br />

& propter me morieris & mecum ! ego tibi<br />

vitam adimo , ego feneâutem tuam exftinguo !<br />

Quid enim me procreabas infelicem advertantibus<br />

diis ? an ut hos ex me fructus perciperes<br />

qui te manent ? Nefcio adolèfcentia mea riiiferior<br />

fit , an feneâus tua : ego in ipfo robore<br />

setatis eripior ; tibi carnifex fpiritum adimet,<br />

quem, fi Fortuna exfpeâare voluiflet, natura<br />

repofcebat.<br />

Admonuit me patris mei mentio, quam timide<br />

& cunftanter qua Cebalinus detulerat ad me<br />

indicare debuerim. Parmenio enim, quum audiffet<br />

Tênenum à Philippo medico régi <strong>par</strong>ari »<br />

deterrere eum voluit epiftolâ feriptâ quominus<br />

medicamentum biberet quod medicus dare conftituerat<br />

: num creditum eft patri meo ? trnm<br />

ullam auôoritatem ejus literae habuerant' ?' Ego<br />

ipfe, quoties quae audieram detuli, eum luaibrio<br />

cre<strong>du</strong>jitatis repulfùs ium. Si, & quum indi-


LITRE VI. CMAP. X. 381<br />

•de mon innocence : retenez-moi ions les fers, jufqu'à ce<br />

qu'on ait confulté U 'dieu fur cet attentat ténébreux &<br />

caché : après avoir reconnu notre roi pour fon fils, il ne<br />

laiffera échapper à votre connoiffance dans cet intervalle<br />

aucun de ceux qui ont confpirê contre fon fang : fi vous<br />

croye\ la voie de la queftion plus sûre encore que celle des<br />

oracles, je ne me tefuft pas même à ce moyen de faire pa~<br />

roître la vérité au grand jour,<br />

C'eft Vufage que ceux qui font prévenus d'un crime capital<br />

fajfent <strong>par</strong>oître leurs <strong>par</strong>ents devant vous. Je viens<br />

de perdre deux frères ; quant à mon père, je n'ai, ni le<br />

pouvoir de le <strong>mont</strong>rer, ni la hardieffe de réclamer fon<br />

intervention, puifqu'on Vaccufe lui-même de complicité;<br />

car après s 9 être vuf il m*y a pas long temps , père d'une<br />

fi nombremfe famille f & n'ayant plus aujourdhui d'autre<br />

appui qu'un fils unique, c'eft trop peu pour lui de h<br />

perdre, s'il n'eft encore immolé fur' le même bûcher. Il efi<br />

donc vrai, mon très-cher Père, que vous mourre\ & à<br />

caufe de moi & avec moi ! C*eft moi qui vous ôte la vie f<br />

qui précipite votre vieilleffe au tombeau ! Eh, malheureux<br />

que je fuis ! pourquoi dans leur colère les dieux ont~ils<br />

permis que vous me donnaffie\ le jour? étoit-ce pour vous<br />

tn faire recueillir les fruits qui vous attendent? Je ne fais<br />

lequel eft le plus digne de compaffion, ou moi dans ma jeu»<br />

neffe f ou vous dans votre vieilleffe : je fuis enlevé dam<br />

la vigueur de mon âge ;&un bourreau va vous ôter une vie s<br />

que la nature allo'u vous redemanderf fi la Fortune eue<br />

-voulu attendre.<br />

Ce que je viens de dire de mon père m'a rappelé avec<br />

quel ménagement & quelle circonfpeBion j'ai dû révéler<br />

ce que Cébalinus m'avoit rapporté. Parménion en effet 9<br />

• ayant eu avis que h médecin Philippe vouloit empoifon*<br />

mer le roi , écrivit â ce prince pour le détourner de<br />

prendre le remède que ce médecin avoit réfolu de lui donner:<br />

en crut


jS% LIBER FI. CAP. XL<br />

camus, invifi, & quum tacemusj fufpeôi fumus<br />

; quid facere nos oportet ? Quumqut unus<br />

è cirtumfiantium turbâ txclamajfit, Bene meritis<br />

non infidiari : PhMatas, Reôè, inquk, quifquis<br />

es , dicls. Itaque , û infidiatus ium , pœnam<br />

oon deprecor ; & finem facio dicendi, quoniam<br />

ultima Yerba gravia fiint vila auribus veftris.<br />

^.b<strong>du</strong>ckur deindc ab Ms qui cuftodkbanz eum*<br />

XL Erat mur <strong>du</strong>ces manu ftrenuus Selon qui~<br />

dam , pacis artium & avilis habitas rudis , vêtus<br />

miles , ab kumili ordine ad eum gra<strong>du</strong>m in quo<br />

tune erai promotus ; qui , tacentibus ceteris , fto*<br />

lidâ audaciâ ferox , admonere eos cctpit9 quoties<br />

puisque diverforiis qum occupaient proturbatus<br />

tjfit% ut purgamenta fervorum 'Philata reciperen-*<br />

tur eo unie commilkoms expuliffit : aura argentoque<br />

véhicula ejus onufta totis vicis fteùffè ; ac<br />

ne in vicinrn quidem dwerforïï quemquam commili*.<br />

tanum receptum effe ; fid per difpofitos , quoi ad<br />

fmmnum habtbat, omnes procul relegatas9 ne fimina<br />

Uh murmurantium inter fi filtntia venus<br />

quam fono excitaretur : ludibrio ei fiàjfi rujiicos<br />

hommes , phrygas^uf & papfalagonas appelhms<br />

; qui non embefieret, macedo natus, hommes<br />

lingua fum per interpretem audire : cm Hammo»<br />

nem confuU veUet ? eumdem Jovis arguiffi mem»<br />

dacium , AUxandrum filium agnofeentis ; feilictt<br />

veritum ne invidiofum effet quod <strong>du</strong> offerremt: quum<br />

mfidiaretur capiii régis &' amici, non confidmiffe<br />

tum Jovem : mine ad oraculum mittere , <strong>du</strong>m pater<br />

ejus falicitaretur qui profit in Media , &<br />

pecunm , cujus eufiodia commija fit 9 ptrdhos


LIVRE VI. CHAP. XL 383<br />

tu fi taijant 9 9tifi rtnâfufpecl; que faut-il donc faire ?<br />

Là-deffus quelqu'un des affiliants ayant dit à haute voix ,<br />

Ne pas conjpirer contrefis bienfaiteurs : C'eft très-bien dit,<br />

qui que vous puijjîêi être, répliqua Philotas. Aujfi t s'il<br />

efi vrai que j f aye conjpiré, je ne me défends pas <strong>du</strong> châ-*<br />

liment ; & je ceffe de <strong>par</strong>ler 9 puifque mes dernières <strong>par</strong>oles<br />

fimblent avoir choqué vos orsilles. Alors il fut emmené <strong>par</strong><br />

fes gardes,<br />

XL II y aYoiî <strong>par</strong>mi les chefs un certain Bélon f vaillant<br />

homme, n'entendant que la guerre & d'ailleurs<br />

groffier & incivil, vieux foldat, <strong>par</strong>venu <strong>du</strong> rang le<br />

plus bas au pofte qu'il occupoit alors; voyant que les<br />

autres gardoient le filence, il ôfe avec une audace<br />

brutale leur repréfenîer, combien de fois il étoit arrivé<br />

à chacun d'eux d'être chafTés de leurs logements, pour<br />

y voir mettre la lie des efclaves de Philotas à îa place<br />

de fes compagnons d'armes qu'il avoit expulfés : que<br />

fes chariots chargés d'or & d'argent avoient toujours<br />

rempli des villages entiers ; qu'il n'avoit jamais fouffert<br />

qu'aucun de fes camarades logeât dans le voifinage même<br />

de fon quartier 5 mais qu'on les écartoit au loin, au<br />

moyen des fentinelles prépofées à la tranquilité de fon<br />

fommeil, & chargées d'empêcher que le murmure des<br />

•voifins, plus approchant <strong>du</strong> lilence que <strong>du</strong> moindre<br />

bruit, n'éveillât cet efféminé : qu'il s'étoit toujours moqué<br />

des hommes peu polis., qu'il appeloit phrygiens &<br />

paphlagoniens ; lui qui, né en Macédoine, n'avoit pas<br />

honte de s'expliquer <strong>par</strong> interprète avec fes compatriotes<br />

: pourquoi vouloit-il que l'on confultàt Hammon ;<br />

puifque Jupiter ayant reconnu Alexandre pour fon fils f<br />

il avoit aceufé l'oracle de menfonge, fous prétexte de<br />

craindre que ce qu'offroient les dieux ne fît haïr le<br />

prince } que, quand il avoit confpiré contre fon roi cX<br />

fon bienfaiteur, il n'avoit pas confulté Jupiter: qu'au*<br />

jourdhui il vouîoit renvoyer à l'oracle, afin qu'on eût le<br />

temps de mettre en mouvement fon père qui commande<br />

en Médie, & de gagner d'autres complices de fon crime<br />

avec l'argent dont on lui avoit confié la garde ; qu'ils


•384 LIBER VI. CAP. XL<br />

homines ad 'focictatcm fcéleris ïmpellat : ipfos<br />

mijfuros ad oraculum, non qui Jovem interrogent<br />

quad ex rege cognoverint, fed qui gratias agant,<br />

qui vota pro incalumitate régis optimi perfolvant.<br />

Tum vero univerfa concio 'accenfa eft ; & à corports<br />

cuflodibus initium fa'Bum , clamantihus dif<br />

cerpen<strong>du</strong>m effè <strong>par</strong>ricidam manibus eorum. Id quidem<br />

PhUotas , qui gravipra fupplicia metueret $<br />

haud font imquo anima audiebat. Rex, in concionem<br />

reverfus, five ut in cuftadia quoque torqueret9<br />

five ut diligentius cunBa cognofceret, con*<br />

cilium in pofterum diem diflulit ; & quanquam in<br />

vefperam inclinabat dies, tamcn amicùs convocari<br />

jubet. Et céleris quidem placebat macedonum<br />

more obrui [axis : Hephaftion autem , & Crate"<br />

rus, & Cœnus , tormentis veritatem exprimendam<br />

ejje dixerunt ; & iili quoque qui aliud fuaferant<br />

in horum fententiam tranfeunt.<br />

31. Conc'ûw ergo dimijfo , Hephaftion cum<br />

Cratero & Cœno ad quœftionem de PhUotâ • habendam<br />

confutgunu Rex , Cratero accerfito , &<br />

fermone habita cujus fumma non édita eft % in intimant<br />

diverforii <strong>par</strong>tem fecejftt, & remotis arbitris<br />

, in multam noBem quaftionis exfpe&avit eventum*<br />

Tortares in confpeBu Philota omnia crudelitatis<br />

inftrumenia proponunt ; & Me ultra, Quid<br />

ceffatis, inquit$ régis inimicum , interfeftorem,<br />

confitentem occidere ? Quid quseftione opus eft ?<br />

cogltavi 9 volui. Craterus exigere $ ut qua confiteretur<br />

m tormmtis quoque diceret : <strong>du</strong>m corripitur,<br />

<strong>du</strong>m obligantur oculi, <strong>du</strong>m veftis exuitur ,<br />

deos patrios , gent'mm jura , nêquidquam apud<br />

furdas aures invocabat. Per ultimos dèinde cruciatus<br />

9 utpote damnatus & inimkis in gratiam<br />

dévoient


Li ru E Vt. CMâ P. XI.. 385<br />

Revoient effectivement envoyer à l'oracle, dans l'in.<br />

teotion, son pas d'interroger Jupiter fur ce qu'ils<br />

«voient appris de fa bouche <strong>du</strong> roi, mais _de lui rendre<br />

grâce, mais d'acquitter les vœux qu'ils lui avoient faits<br />

pour la conservation <strong>du</strong> meilleur des rois. Toute raflerailée<br />

devint alors furieufe ; & les gardes <strong>du</strong> corpsfurent<br />

les premiers à crier, qu'ils vouloient de leurs<br />

propres maies mettre en pièces ce <strong>par</strong>ricide. Cet emportement<br />

ne dépîaifoit point à Philotas, qui Penten-<br />

«foit, <strong>par</strong>ce qu'il appréhendoit de plus grands tourments,<br />

te roi t étant retourné 4 l'aflemblée f foit qu'il voulûtlut<br />

«îI faire fubir dans la prtton mêmes foit qu'il délirât<br />

-d'être plus exactement inftruit de toutes les <strong>par</strong>ticularités<br />

» remit la délibération au lendemain ; & quoique<br />

le jour baiflat, il fit aifembler fes confidents. La plu<strong>par</strong>t<br />

opinèrent à le faire lapider félon l'usage des macédoniens<br />

: mais Héphe'ftion, Cratère, & Cénus fou*<br />

tinrent qu'il falloir l'appliquer à la question pour avoir<br />

révélation de la vérité ; & ceux mêmes qui avoient été<br />

d'un autre avis revinrent au leur.<br />

31. Le confeîl étant donc fini, Hé'phêfHon avec Cratère<br />

& Cénus fortirent pour faire fubir la queftion â<br />

Philotas. Le roi ,• ayant rappelé Cratère & lui ayant<br />

•dit quelque chofe dont ©n n'a eu aucune connoiffance t<br />

fe, retira dans foh ap<strong>par</strong>tement le plus intérieur y &<br />

«'ayant gardé perfonne avec lui., il y attendit jufque<br />

biejî avant dans.la nuit le réfultat de la queftion. Les<br />

queftfonnaires ayant expofé aux ieux de Philotas tous*<br />

les înftruments de la cruauté la'plus atroce, il leur dit<br />

de lui-même : Que tarder-fous à faire mourir un homme f<br />

qui avoue qu*il efl Vennemi <strong>du</strong> roi & qu'il m woulm<br />

le tuer ? Q^efi-il befbm de queflioû ? oui, § f a été 0#A<br />

projet» ma volonté» Cratère voulut qu'il foutînt'à la<br />

torture ce qu'il avouait' èe fon propre mouvement :<br />

tandis qu'on le faifit, qu'on lui bande les ieuxs qu ? oii<br />

le


3-86 LIBER VI. CAP. XL<br />

.régis wrqumâbus , laceratttr.' Ac primo * quam~<br />

quam fane ignés, Mme verbtra , jam mm ad<br />

jjuaftiotum , Jed ad pœnam ingerebantur , mm vo-<br />

.cem modo, Jed etiam gemitus hmbukt m poteftattz<br />

Jed poftquam mtumefeens corpus ulceréus 9 fia* '<br />

geUorum ïBm nudb ojfibus încuffbs ferre non po~<br />

&rat $ fi tormenth adhibïturî mo<strong>du</strong>m ejfent, diBumm<br />

Je qum feire expturent poUicetur ; fed finem.<br />

qumfmmi fort jurare tes x <strong>par</strong> Akxandri falutem<br />

volebat , temoveriqm tenons* Et utroqut. împesram,<br />

Cratère mqtdt, Die quid. me yelis dicere*<br />

Jilo indignante ludificari • eum rurfusque revotante<br />

mrtorés, tempus petere tapit ium recipertt Jjpiri*<br />

tum j çun&a aum fcket mdicaturm*<br />

• 51, Intérim eqmm ; mobMiJJîmus qmsque , S<br />

M maxime qui Parmenhsem pmpinquâ cogtmwm<br />

tontmgeèam , poflquam Phihtan torqueû fams<br />

vulgaverat, îegem maeedormm verki, quâ camum<br />

mat ut propinqui eorum qui régi * imfidèad erant^<br />

mm ipfis neearentur, aUife intërficiunt, ain m<br />

devios'<strong>mont</strong>es va fiasque Joiitudims fugiunt'î. l mgenti<br />

per tota cafira terrort diWufo, aonet rex ,<br />

mmuim .cognito, legem fe de Jupplicio conjunBis<br />

fontmm remittere edixit. Philotas verone an mm~<br />

'dacjo Hberart fe à cruemia voiuerit aneeps corn*<br />

jeifara


LIVRE ri. CHAP XL -$f<br />

damné r& que c'étoient d'ailleurs fer ennemis qui, fous*<br />

le prétexte de l'intérêt <strong>du</strong> roi, dirtgeoient la torture*.<br />

' D'abercI, quoiqu'on employât alternativement Le feu &•<br />

les- fouet»,, moins <strong>par</strong> manière-dequeftion qpeée fup-plice»<br />

W ^ € poffécla jufqu'au point de ne pas éehaper r<br />

son- feulement une <strong>par</strong>ole f mais même une plainte r<br />

mais îorfqu'enfin, fon corps étant, couvert de plaies enflammées<br />

, il ne put plus en<strong>du</strong>rer les coups de fouet qui<br />

f ©notent à nud fur les os dépouillés de leurs chairs';<br />

à promit de déclarer tout ce - qu'on voulolî favoirr<br />

pourvu qu-oïi mit fin k fes tourments; mais-il demanda<br />

-qu'ils- juraffent <strong>par</strong> la vie d'Alexandre de ne plus le<br />

remettre à la torture &de renvoyer les- queftionnaîres»<br />

Quand il eut obtenu l'un & l'autre, il dit à Cratère-,.<br />

Dites-moi et que vous voulc^qut je dife» Ceîui-ci indigné<br />

qu'on ©fit le Jouer & rappelant les queftionnaîres ^<br />

Phiîotas demanda qu'on fui' donnât le temps de re~<br />

prendre 'haleine, avec promette'de révéler tout;<br />

32. Cependant les plus diftingués de la cavalerie $ Ut<br />

frincl<strong>par</strong>ement ceux qui ap<strong>par</strong>tenoient'de plus près à<br />

Parménion, ayant fo <strong>par</strong> le bruit public qu'on donmoit<br />

la fueftion à Phiiotas*, & craignant l'exécution i§<br />

la loi des macédoniens» qui- ©rdonnoit que les <strong>par</strong>ents<br />

des criminels de lèfe-majefté fuffent mis à mort avec<br />

euxr les uns Ce tuèrent eux-mêmes, les autres s'en»<br />

fuirent vers des <strong>mont</strong>agnes écartées & dans- des coiw<br />

trées déTertes ; de manière que l'effroi étoit générale^<br />

ment répan<strong>du</strong> dans tout le camp , jufqu'à ce que le roi r<br />

îiîftruitde ce trouble, fit publier qu'il dérogeait à I*<br />

loi de mort portée contre les <strong>par</strong>ents des coupables.<br />

Si ce fut en confeflant la vérité'- ou en fefant une<br />

fauffê déclaration, que PhUotas- voulut fe délivrer de<br />

la torture,, c'eft un point dont la décifion eft fort douteufe<br />

r <strong>par</strong>ce qu'en difant Yrai ou en difant faux, c'eft<br />

toujours- la fin de fes tourments qu'on- envifage.- Vmm<br />

m 3 ignort\ pas f àït-\\ au furplus, l'étroite liaifon de mon<br />

gère avec HégéUqut ; je <strong>par</strong>le de cet Hégéloque qui eft<br />

mmt en. comèaumm : ^ejthi qui- a- été'la caufi de tom<br />

Rij.


388 LIBER VI. CAP. XL<br />

.rum nobis caufa fuit. Nam qunm primum Jûvis<br />

-fitimm fe faktari juffit rcx, id indigné ferais<br />

flic, » ffknc ^tatr r*gw» agnofcimus , -inquit ,<br />

*» fni PMiippum dedipmtur patrem ? tfflkw f/î


LirRR. VI. CMAP. XI. 3§çf<br />

Wm'malheurs*- En effet H roi n'eut pas plus tôt'ordonné<br />

qvïon- l'Honorât comme- fils de Jupiter, qu % Mégéloque,<br />

révolté'contre cent prétention. »»Nous reconnoiflbns donc<br />

n- pour roi, dit-il, cet ambitieux qui dédaigne Philippe<br />

s»' pour fon père } c'en eu fait de nous, fi nous l'en<strong>du</strong>rons.<br />

»- Cèft méptifer » non feulement les Hommes-, mais les<br />

?» dieux;mêmes, que de vouloir paffer pour un dieu*<br />

n-Nous-avions per<strong>du</strong> Alexandre, nous avons per<strong>du</strong><br />

s* notre roi j^nous fommes-à îa difcrétion- d'un tyran-,<br />

n- dont l'orgueil eft également înfupportable aux dieux,<br />

*»• à qui-il s'égale r& aux hommes,-, à qui il renonce,<br />

*• N*avons-fîous répan<strong>du</strong> notre fang que pour faire ua<br />

n di«u, qui nousméprife , qui dédaigne de communiquer<br />

» avec des mortels? Croyez-moi ; & nous'auffi, fi nous-<br />

?f femmes gens de cœur, nous ferons adoptés <strong>par</strong> lesn<br />

dieux.-Qui- a' vengé* le" meurtre de fon bifaïeuî<br />

M Alexandre , d'Archélaus, de Perdrccar?" lui-même a<br />

»* fait grâce aux meurtriers de foif père ««. Tels furent<br />

Its propos d'Régélbque à le fin d f unfouper>; &--k Unie~<br />

maM-t à la- pointe- <strong>du</strong> jour, mon père-me*, fit appeler;- il<br />

étoit triftt\ & me• voyait conflerné ;: car nous avions es»<br />

ten<strong>du</strong> des chofes propres â jeter dans l'anxiété.-Afin donc.'<br />

de juger, fi ce qu'Hégéloque-avoit-dit étoit fimplement une.mdifçréûon<br />

d'ivreffe, ou fi c'était le réfukat d'un deffem-*.<br />

plus approfondit,nous fumes d'avis it l f envoyer cher-cher-<br />

: il vint ;•& après nous avoir répété lès mêmes chofes'dit<br />

fùn propre mouvement, il ajouta ' que, fi nous ' avions Ii'<br />

courage de nous mettre 4* là tête ,. il 'm manqueront pas de<br />

nous féconder, &fi noms nous y refufions, il enfev éliraitfom<br />

projet dans un filensce éternels Parménien'jugea-quer dm<br />

rivant de 3afius*f tentrepeife éoif hors de propos ; <strong>par</strong>ce*<br />

fuesee ferait9 nom pas nous-^mair-Darius qui profiterais dé,<br />

la mon <strong>du</strong> roi-: au -lieu q$'aprh h mort, <strong>du</strong> perfan r VAfit-<br />

& tout l'Orient obéiraient a ceux, qui fi. déferaient d*Ak~xaadre~-Ccr<br />

avis ayant- été approuvé r on s'engagea réù~yroquement'pour<br />

l'exécution* Quant au fait èe D'ymnusy<br />

jp-nlèn-ai aucunecmnoi£anM$&'• après-les aveux? queff.


$$o LIBER VI. CAP. XL<br />

fcîo; & hac confeffiiSj întelKgo non ptocfeUe<br />

mihi quod hujus fceleris expers fimu<br />

33. Wi t rursus tormtntîs aimons , quum ipji<br />

§u@§m haflk os oadosquê- ejus tverberarent , ut<br />

koc quoque crimen confiurctur exprejfêre* Exigent'eus<br />

demie ut orimem cogkati fcekrîs exponeretf<br />

quum iiu BaËra retenmra regem viderentur, //•<br />

muiffh refpondit m pater, ixx mtus annos 9 tanû<br />

txerçitûs iux, tantm ptçunim cuftos , intérim exfiingueretur<br />

, ipfique , fpoliato tamis viribus , occidenii<br />

régis cou/a non effet ; 'fijiina£èé ergo fe ,<br />

<strong>du</strong>m pmmium haberet in manibusj reprafentareçonfiuum<br />

; confcium patrem non fidjfe nifi codèrent<br />

9 tarrmnta quanquam tolerare non poffet,<br />

tamm non recufare* Mi, coUoquuêi fatis quafitum<br />

videri, ad regem revertuntur ; qui pofteradie, &<br />

$um confefus erat Phibtas recitari y & ipfum %<br />

quia ingredi nom poterat, jujpt affèrrL Omnia<br />

agnofcente eodem, Demetrius , qui proximi fce~<br />

hris <strong>par</strong>ticeps ejje arguebatur, pro<strong>du</strong>citur : multâ<br />

affirmatione, ammique <strong>par</strong>iter confiantiâ, & vultm<br />

wrwens quÙquam fibi in regem cogitatum ejfe ,.<br />

tormenta etiam iepofcebat mfêmetipfum Quum,<br />

Phibtas circumlatis ocuiïs incident m Câlin quemdam,<br />

haud procul ftantem , propiàs eum }u£ît<br />

scceiire : iUô perturbai® & recufanie tranfire ad<br />

mm, Patieris , înquit » Demetriom 'mentiri rarsùsque<br />

me excraciari} Câlin vox fanguisque de~<br />

feceram : & macedones PMhtan inquinare inmo~<br />

xios velle fufpicabantur » quia nec à Nicomacho »<br />

me 4b ipfo Pàibtd quum mrqutretur > nmmnmus •


LIVRE VL CM A P. XL 391<br />

9 Uns de faire f je conçois ajfe[ qu'il'ne Me fin âttunic<br />

s'avoir aucune <strong>par</strong>i à fin forfait,<br />

3 j. Les trois feigpeurs , l'ayant fait là-deHus appliquer<br />

de nouveau à la queftion, & le frappant eux-mêmes<br />

de leurs javelots fur la bouche & fur les ieux, le forcérent<br />

encore à confeffer ce crime. Comme ils exigèrent<br />

enfuite qu'il leur expoiat le plan de la conjuration;, it •<br />

répondit, que le roi <strong>par</strong>oKTant être arrêté pour long,<br />

temps dans la Baâriane, il avoit craint que fon père,,<br />

âgé de foixante & dix ans', ayant en fon pouvoir une fi.<br />

belle armée & en fa garde .un îréfor fi considérable, ne<br />

vînt cependant à lui manquer» & que, privé de ces puiffantes<br />

reffourcess il n'eût plus le moyen de faire périr<br />

îe roi ; qu'il s'étoit donc hâté de mettre fon projet à<br />

exécution , tandis qu'il pouvoit encore en profiter 5. que<br />

fon père ignoroit fa réfolution, & que, fi on ne l'en*<br />

croyoit pas , quoiqu'il ne fût plus en état de fupporter<br />

la queftion, il -ne laiffoit pas de s'y foumettre. Ayant<br />

conféré entre eux & jugé que les informations étoient<br />

fuffîfantes, ils retournèrent chez le roi ; & il ordonna<br />

que le lendemain on lût les dépofitions de Philotas dans<br />

l'aflemblée, & qu'on l'y apportât lui-même, <strong>par</strong>ce qu'il<br />

ne pouvoit marcher. Quand iî fut demeuré d'accord de<br />

tout, on amena Démétrius,. accufé d'avoir trempé dans<br />

la dernière conjuration j mais , <strong>mont</strong>rant un courage<br />

ferme & une contenance affùrée, il nia avec de grands<br />

ferments qu'il eût jamais rien projeté contre le roi ; il demanda<br />

même d'être mis- à la queftion. Cependant Philotas<br />

, promenant fes regards de tout côté,. apperçut, à<br />

peu de diftance , un certain Calis, à qui il dit d'approcher<br />

: celui-ci, dans le trouble où il étoit, refufant<br />

d'avancer, Quoi ! lui dit-il, tu fiuffriras que Dimârius.<br />

m impofi & qu'on me remette à la torture ? Calis étoit<br />

Cans voix & à demi mort : & les macédoniens foupçonnoieat<br />

Philotas de vouloir charger des innocents »<br />

<strong>par</strong>ce que ai Nicomache% ni Philotas même dans laquef- .<br />

tion» n'avoieat fait aucune mestiorkdê ce jeune homme i


J9* LIVR-K FT CAP.- -XX<br />

effer adblêfiensj qui w m prmfeëm' FCjps'circum^<br />

JBtntes fe vMk % Dememum & femtûpfum'M fa^<br />

cinus cogiïaffh'- confejftis efti Omnes ergo* £ Nhcomacho<br />

nomihatùs, morcpatrio , datojtgrnrr faxh<br />

wbrwnm. M'agno, non modo f<strong>du</strong>tïs, fiitetiamvim<br />

perkulo liberatus' erat Mexandèr ? quïppf<br />

ParmenÎQ- & Ph'dotas y. principes amicorum, nijf<br />

palÀm fônim r fine indignatiom totiïu exerehus non<br />

potuiffent' damnant Itaque. anceps quaftîài fiât r<br />

<strong>du</strong>m-inficïatuf efl-facinus 9. crudeîker wrquerïvide--<br />

Baiur ;• pofl' confejfionem, PhUotas ne màcomm<br />

éffddem mïferkordiam' mruiu-<br />

Mais- primi Vôfiimims*-


LIVRE VI. CM A p. XL 395<br />

maïs f dès qu'il fe vit environné des officiers <strong>du</strong> roi, if •<br />

avoua que I>émétrius & lui-même étoient entrés dans<br />

la conjuration. On donna donc le lignai t & tous ceux<br />

que Nicomache avoit dénoncés furent lapidés, félon la<br />

coutume <strong>du</strong> pays. Alexandre étoit délivré <strong>par</strong> là d'ua<br />

grand danger de perdre, non feulement la tranquilité »<br />

mais même la vie ; car Parmémon & Phiiotas r qui étoient<br />

les premiers de fa cour, à moins d'être publiquement<br />

convaincus t n'auroient pu être condamnés fans irriter<br />

toute l'armée. Àuffi la recherche en fut-elle inquiétante<br />

: tant que Phiiotas nia le crime, la queftion <strong>par</strong>ut<br />

pleine de cruauté ; quand il en eut fait l'aveu , il n'obtint<br />

pas la moindre pitié de fes amis mêmes*<br />

Un <strong>du</strong> premier Fokm»

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!