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ENQUETE CBN59_36-57

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Cover<br />

story<br />

groupes de com’ :<br />

chacun<br />

cherche son<br />

modèle<br />

Il aura fallu, comme dans d'autres secteurs, l'arrIvée<br />

de technologIes et de son corollaIre, la concurrence<br />

pour que les groupes de com' se secouent. enquête.<br />

c<br />

ette fois-ci, c’est la bonne. Depuis le temps<br />

que les organisations cherchent à abattre<br />

les silos qui les entravent, il semble bien<br />

que le mouvement soit véritablement engagé<br />

dans la bonne voie. Depuis quelques<br />

mois, les annonces se sont multipliées et<br />

d’Havas à Publicis en passant par Ogilvy<br />

ou TBWA, tous les groupes ou presque ont<br />

revu leur manière de travailler et de s’organiser.<br />

Bien sûr, en fonction des tailles et des cultures,<br />

on verra dans les pages qui suivent que chacun a fait à<br />

sa manière poursuivant le processus de simplification de<br />

manière plus ou moins radicale.<br />

Ce mouvement salvateur est largement dû à l’évolution<br />

du paysage dans lequel les groupes publicitaires évoluent.<br />

Certes, comme le dit Vincent Leclabart, président<br />

de l’AACC et de l’agence Australie, “ pour la première fois<br />

depuis 8 ou 9 ans les clignotants sont plutôt au vert”, et le<br />

début de reprise économique observé tend à donner plus<br />

de marges de manœuvre aux agences. Mais plus que ce<br />

climat favorable, l’évolution de l’environnement concurrentiel<br />

est fondamentale. La révolution numérique, la<br />

plateformisation sous la pression des géants Google et Facebook,<br />

et la montée en puissance des groupes de consulting<br />

ont sorti les groupes publicitaires de leur splendide<br />

isolement. C’est un transfuge de la publicité vers le<br />

consulting qui le dit : « le danger qui guette les groupes<br />

publicitaires, c’est la “ commoditization ”, autrement dit<br />

la banalisation des services qu’ils procurent », explique<br />

Claude Chaffiotte, ex-patron de JWT Paris, devenu directeur<br />

d’Accenture Interactive France. Lier le conseil, l’optimisation<br />

de l’achat et la création est le salut des groupes<br />

publicitaires. D’où la recherche d’un nouveau modèle qui<br />

traduise une vision stratégique. Pas facile, mais comme le<br />

dit Vincent Leclabart, « les agences sont agiles, réactives<br />

et elles ont par ailleurs un avantage compétitif sur tous les<br />

autres secteurs, c’est leur capacité de création ».<br />

…<br />

CB NEWS . 37 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

Together » (Havas), « The<br />

Power of One » (Publicis),<br />

« Next Chapter » (Ogilvy) :<br />

des slogans anglais qui<br />

illustrent la volonté des<br />

groupes de communication<br />

de simplifier leur<br />

organisation. La révolution numérique<br />

oblige les agences à repenser<br />

leur modèle sous la pression de ces<br />

technologies qui s’imposent à tous :<br />

créatifs, planneurs, commerciaux,<br />

etc. La nécessité de casser les silos<br />

– un marronnier de la profession<br />

depuis des lustres, qui n'est jamais<br />

appliquée – s’est cette fois imposée<br />

pour faire pièce aux GAFA devenus<br />

les véritables concurrents des Publicis,<br />

WPP, Havas ou Omnicom, sans<br />

oublier les grands cabinets de consulting,<br />

en embuscade. Il s’agit pour les<br />

géants de la pub de regrouper physiquement<br />

leurs talents afin de proposer<br />

une offre « sans couture » à leurs<br />

clients, depuis l’élaboration de la<br />

stratégie de communication jusqu’à<br />

sa diffusion sur tous les médias, en<br />

particulier les réseaux sociaux, en<br />

passant par la transformation en<br />

magasin, sur le Web, le mobile ou par<br />

l’événement. Des opérations dites à<br />

<strong>36</strong>0 degrés rendues possibles par les<br />

outils digitaux. L’autre levier d’intégration,<br />

c’est la mise en place d’un<br />

P&L unique pour chaque pays, et non plus par réseau,<br />

pour éviter les concurrences internes entre agences.<br />

Le groupe Havas a été pionnier de ce mouvement vers<br />

l’intégration en lançant Together, son plan de transformation<br />

impulsé par Yannick Bolloré dès sa prise de<br />

fonction en 2013 (voir aussi interview, p. 43). Résultat :<br />

la création de 47 Villages Havas. Le Village France regroupe<br />

2 000 personnes sous un même toit à Puteaux<br />

près de Paris, réparties en trois pôles créatif (Havas Paris,<br />

les Gaulois et Fullsix), média (Havas Média, Arena<br />

“ je suis une sorTe de<br />

casTing direcTor<br />

capable de créer<br />

des dream Team<br />

par clienT ou<br />

problémaTique. ”<br />

raphaël de andréIs,<br />

havas vIllage france<br />

Media et Agence79) et événementiel<br />

(Havas Sport Entertainment, Havas<br />

Event). BETC, agence créative historique,<br />

reste autonome. Pour Raphaël<br />

de Andréis, président du Village<br />

France, « la grande leçon que l’on<br />

peut retenir des industries qui ont<br />

réussi leur désintermédiation, c’est<br />

qu’elles se sont toutes concentrées<br />

sur le consommateur final ». Celui qui travaille dans le<br />

groupe depuis 20 ans (excepté une parenthèse chez Canal<br />

+ de 2011 à 2013), rappelle que, contrairement à ses<br />

concurrents, Havas est une société familiale (la famille<br />

Bolloré est actionnaire majoritaire), « qui n’a pas eu de<br />

travail à faire sur une culture commune, ce qui nous a<br />

permis de gagner du temps ».<br />

CB NEWS . 38 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

“ nous avons<br />

réorganisé<br />

l'agence pour<br />

casser les silos<br />

enTre les experTs<br />

du sToryTelling eT<br />

ceux du digiTal. ”<br />

valérIe hénaff, publIcIs conseIl<br />

PHOTOS : DR.<br />

un village de geeks<br />

Reste qu’il faut désormais faire collaborer des talents<br />

divers sans froisser les égos, très développés dans le<br />

monde de la publicité. Les stars de la création vontelles<br />

accepter sans rechigner de se plier aux exigences<br />

d’un data scientist ou d’un UX designer à peine sorti de<br />

l’adolescence ? « Il faut que nous soyons un village de<br />

geeks dans tous les univers, avec des labels pointus. Et<br />

capables d’activer plusieurs expertises pour couvrir le<br />

parcours consommateur. Pour le client ou le prospect, le<br />

point d’entrée peut être en création, média, événementiel,<br />

performance, etc. Et cette personne-là doit être capable<br />

de mobiliser autour d’une table tous les talents qui<br />

vont permettre de définir la bonne stratégie et la bonne<br />

exécution de la réponse. »<br />

La thématique de la table, une tradition française issue<br />

de notre culture gastronomique, est très importante<br />

pour le président d’Havas Village France. « Grâce à mon<br />

expérience de tous les métiers du groupe – et de mon<br />

passage à Canal+, qui m’a apporté une humilité quant<br />

à la difficulté à produire des contenus de qualité – je<br />

peux rassembler des gens qui sont des geeks dans leur<br />

domaine. Je suis une sorte de casting director capable de<br />

créer des dream team par client ou problématique », estime<br />

Raphaël de Andréis. Ces équipes pluridisciplinaires<br />

mettent en scène le Hello Show d’Orange depuis cinq<br />

ans. Elles ont également imaginé l’intégration d’images<br />

live du match de Ligue des Champions FC Barcelone –<br />

PSG retransmis sur Canal+ dans un spot de pub diffusé<br />

sur C8 pour inviter les téléspectateurs à suivre le reste<br />

du match sur la chaine cryptée.<br />

Deuxième phase de cette intégration : inventer de nouvelles<br />

solutions qui n’existent pas encore et qui naîtront<br />

de ces connexions voulues ou impromptues. « Nous<br />

avons par exemple été pionnier du native SEO, en faisant<br />

travailler des spécialistes du native advertising et<br />

du référencement » décrit le patron du Village France<br />

d’Havas qui est en train de mettre en place un « Village<br />

des Millenials » et pense avoir « cinq ans d’avance » sur<br />

ses concurrents.<br />

Parmi ceux-ci, Publicis a regroupé il y a quatre ans ses<br />

multiples agences et entités dans quatre grands pôles :<br />

Publicis Communications (Publicis Worldwide, Saatchi<br />

& Saatchi, Leo Burnett, BBH, Marcel, Fallon, MSL, Prodigious),<br />

Publicis Media (Starcom, Zenith, Mediavest |<br />

Spark, Blue 449, Performics), Publicis.Sapient (Sapient-<br />

Nitro, Razorfish, DigitasLBi, Sapient Consulting) et<br />

Publicis Health. L’expertise de ces pôles est relayée par<br />

Publicis One qui rassemble sous un même toit l'ensemble<br />

des agences du groupe (voir aussi la Grande Interview<br />

d’Arthur Sadoun).<br />

aucune discipline prédominanTe<br />

En France, Publicis Conseil, dirigée par Valérie Hénaff,<br />

qui rassemble 650 personnes dans les bureaux histo-<br />

Une des<br />

problématiques est<br />

de faire collaborer<br />

les talents sans<br />

froisser les égos, très<br />

développés dans le<br />

monde de la pub…<br />

CB NEWS . 39 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

Hervé Brossard,<br />

président<br />

d'Omnicom Media<br />

Group : “ C'est une<br />

volonté de la maison<br />

mère d'avoir trois<br />

réseaux autonomes<br />

maîtres de leur<br />

positionnement. ”<br />

riques des Champs-Élysées, est issue<br />

de la fusion entre cette agence de<br />

création et de l’agence digitale Nurun.<br />

Comme son collègue d’Havas,<br />

la présidente de Publicis Conseil<br />

pense que le moteur de l’évolution<br />

des groupes, c’est le consommateur :<br />

« la façon dont les usages de consommation<br />

évoluent, grâce, entre autres,<br />

au digital, opèrent des transformations<br />

chez nos clients et chez nous<br />

». La nouvelle entité est chargée de<br />

couvrir l’expérience client de A à Z et<br />

d’accompagner les consommateurs<br />

sur tous les points de contacts : web<br />

design, plateformes ecommerce, UX, etc.<br />

“ on peuT se redéfinir<br />

en ce qu'on voudra,<br />

si les annonceurs<br />

sonT resTés sur<br />

de vieux schémas,<br />

ça foncTionnera<br />

moyennemenT. ”<br />

hervé brossard, d'omg<br />

Mais pour que tout cela fonctionne, il faut une organisation<br />

interne efficace. « Fusionner des P&L est une chose,<br />

mais faire travailler des gens qui possèdent des expertises<br />

différentes en est une autre. C’est pourquoi nous avons<br />

réorganisé l’agence physiquement et géographiquement<br />

pour casser les silos entre les experts du story telling et<br />

ceux du digital, et nous les avons rassemblé dans neuf business<br />

unit construites autour des clients, copilotées par<br />

un dirigeant de Publicis Conseil et un autre de Nurun »,<br />

détaille Valérie Hénaff. Autre aspect important : aucune<br />

discipline ne prédomine. « Chacun se rend compte que son<br />

terrain de jeu s’agrandit. Par exemple, la dernière campagne<br />

d’Orange réalisée à Noël a abouti à un objet connecté,<br />

une boîte cadeau qui permet de<br />

capturer les émotions de celui qui le<br />

reçoit, et d’envoyer la vidéo à celui qui<br />

l’a offert ». Pour BNP Paribas, il s’agit<br />

d’une opération qui mélange télévision,<br />

radio, digital, etc. autour de<br />

Roland Garros, un cauchemar pour<br />

les jeunes puisque le tournoi se passe<br />

toujours à l’époque du bac. « Nous<br />

avons créé une application qui permet<br />

de suivre Roland Garros en coupant<br />

le son, avec des profs qui commentent<br />

les matchs en direct sur des<br />

sujets de géographie, philosophie,<br />

économie, etc. » évoque la présidente<br />

de Publics Conseil. Le rapprochement des deux agences a<br />

aussi permis d’apporter de nouvelles solutions. Nurun a<br />

ainsi monté une news desk dans l’immeuble Publicis, qui<br />

permet d’apporter de la data consommateur pour nourrir<br />

le planning stratégique. Le Loft est une structure de brand<br />

content qui rassemble créatifs, planneurs et commerciaux<br />

qui travaillent avec des Youtubeurs, designers, Instagramers<br />

ou journalistes sur des périodes courtes d’environ<br />

trois semaines. « Il y a un brief par jour, une dizaine d’idée<br />

produites dans la journée, deux ou trois retenues par le<br />

client et produites directement dans le Loft, puis diffusées<br />

de manière ciblée sur les réseaux sociaux » détaille Valérie<br />

Hénaff. Après une phase de test and learn avec Renault,<br />

d’autres clients comme Rowenta ou Garnier ont été séduits<br />

par cette nouvelle offre.<br />

PHOTOS : © ERIC LEGOuHY.<br />

CB NEWS . 40 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

PHOTO DR.<br />

les cabineTs conseil en embuscade<br />

Chez l’américain Omnicom, les réseaux créatifs (DDB,<br />

TBWA, BBDO) vivent leur vie séparément. En France,<br />

la liaison se fait à travers la structure Omnicom Média<br />

Group, qui rassemble les agences médias (OMD, Remind/<br />

PHD) et le brand content (Fuse). Pour Hervé Brossard,<br />

président d’Omnicom Media Group France et vice-président<br />

de DDB Worldwide, « c’est une volonté de la maison<br />

mère d’avoir trois réseaux autonomes maîtres de<br />

leur positionnement et qui sont équivalents en termes de<br />

tailles et de moyens. Cette dimension entrepreneuriale,<br />

c’est dans nos gênes et c’est très américain. En France,<br />

on peut citer Jean-Marie Dru chez TBWA, ou Philipe<br />

Michel pour CLM BBDO comme exemples d’entrepreneurs<br />

et créateurs ». TBWA a d'ailleurs également adopté<br />

le P&L unique récemment sous l'impulsion de Guillaume<br />

Panaud, son patron. Chez OMG, les agences ont été regroupées<br />

sous le même toit avec les services experts. « En<br />

matière de data, nous avons une société du groupe, Analec,<br />

qui a un centre à Londres, sur lequel nous sommes<br />

connectés toute la journée », détaille Hervé Brossard. La<br />

stratégie d’OMG est celle de l’apport mutuel : « je travaille<br />

avec toi, je connais ta valeur mais sans chercher de prédominance<br />

» précise le président d’OMG.<br />

Pour l’ancien président de l’AACC, les deux problèmes de<br />

fond sont la nature des concurrents des groupes de communication<br />

et la question de savoir pourquoi les annonceurs<br />

n’ont pas fait leur révolution interne en matière<br />

d’organisation. « On peut se redéfinir en ce qu’on voudra<br />

: apport mutuel, villages, together, etc. Si les annonceurs<br />

sont restés sur de vieux schémas, ça fonctionnera<br />

moyennement. On voit encore des directions marketing<br />

séparées des directions de la communication, digitale, des<br />

achats, etc. Où sont les CCO (chief content officer) dans les<br />

entreprises ? C’est notre rôle de conseil de les éclairer sur<br />

ce sujet de l’organisation », estime Hervé Brossard. Et pour<br />

lui, comme pour Laurent Habib de Babel (voir p. <strong>57</strong>), les<br />

vrais concurrents des publicitaires ne sont pas les GAFA<br />

mais les géants du conseil : Accenture, Deloitte, EY, PWC.<br />

« Ils viennent de l’audit, donc ont accès aux dirigeants de<br />

haut niveau, ils maîtrisent la data, et se sont rendus compte<br />

que la notion de service et de performance n’était pas chez<br />

eux mais chez nous. Ils achètent donc des agences ou des<br />

hommes issus de ces agences, comme Mathieu Morgensztern<br />

(passé de Digitas à Accenture NdA) et des sociétés<br />

de production », avertit le président de DDB Worldwide,<br />

pour qui « le vrai champ de bataille est là ». Remettre ses<br />

troupes en ordre de bataille est donc une réaction positive<br />

de la part des groupes de publicité. Et mieux reconnaître<br />

les talents, surtout ceux qui sont issus du digital, est aussi<br />

un moyen de réduire le turn-over, conséquent dans ces<br />

métiers de la communication, pour les empêcher d’aller<br />

chez les sociétés de consulting.<br />

embrasser la complexiTé<br />

Chez Dentsu Aegis, le modèle est encore différent. La<br />

filiale française du groupe japonais, présente sur les médias,<br />

le digital et la communication spécialisée, a choisi<br />

de proposer à ses clients des agences « pure player »<br />

réparties en sept réseaux (Carat, iProspect, Isobar,<br />

l’agence, Tiers de confiance<br />

l’image du marché, Ogilvy France a opéré en mars dernier sa propre mue<br />

à au terme duquel l’agence dirigée par Natalie Rastoin a pris la dénomination<br />

d’Ogilvy Paris. Ce changement s’inscrit dans le cadre du programme global<br />

Next Chapter initié dans l’ensemble du réseau par John Seifert, Worldwide<br />

CEO & Chairman d’Ogilvy. À Paris donc, l’idée était de simplifier pour les<br />

clients l’accès à l’agence qui réunissait jusque-là une dizaine d’enseignes spécialisées<br />

(dont Ogilvy & Mather, Ogilvy One, Ogilvy Public Relations, Neo@<br />

Ogilvy, etc.). “ Plus qu’une réunification, il s’agit de simplifier, unifier, hybrider<br />

les compétences et les intelligences nous permet de franchir un nouveau cap<br />

pour nos clients”, explique Natalie Rastoin. Une évolution rendue possible par<br />

“ l’intégration des nouveaux outils du marketing moderne qui nous permet de<br />

rassembler des disciplines qui créent une continuité qui n’existait pas auparavant.<br />

Il n’y a qu’aujourd’hui, parce que nous avons seulement maintenant les<br />

outils, que l’on peut relier le CRM, le social CRM et le programmatique média ”,<br />

explique la patronne d’Ogilvy Paris.<br />

Concrètement, l’agence est désormais organisée autour d’un planning stratégique<br />

unifié qui regroupe une quarantaine de personnes, un département<br />

créatif qui rassemble 80 personnes, un team social de 55 personnes et un département<br />

production et delivery. Cette évolution doit répondre à l’interrogation<br />

de clients sur le rôle de l’agence. “ Ce qui fait la différence entre une agence et<br />

les autres acteurs de ce marché, c’est qu’elle est un tiers de confiance. Elle est<br />

aussi payée pour dire ce qu’il ne faut pas faire, ce qu’il ne faut pas acheter, mais<br />

aussi pour gérer des temporalités différentes dans la création et la vie d’une<br />

marque ”, affirme Natalie Rastoin. Un rôle dont doivent s’imprégner tous les<br />

personnels de l’agence. “ Comme toujours en période de changement, il y a trois<br />

types de population : ceux qui sont ouverts à l’incertitude, ceux qui sont plutôt<br />

en frein et puis au milieu, ceux qui sont attentistes. C’est un vrai travail de culture<br />

interne. Cela demande exigence et humilité. Il faut reconnaître que l’on a des<br />

choses à apprendre ”, explique Emmanuel Ferry, ancien dg de Fred & Farid qui a<br />

rejoint Ogilvy comme Head of Branding & Advertising. Un enjeu qui a conduit<br />

à la création de la “ Leap Frog Academy ”, un cycle diplômant de deux ans qui<br />

concerne tout le personnel. F.R.<br />

le comex d'ogilvy paris, de gauche à droite sur la photo : Anne Leperre, Talent & HR Director. éric Maillard,<br />

Managing Partner, Head of Influence & Reputation, Natalie Rastoin, présidente d'Ogilvy Paris, Benoit de<br />

Fleurian, Chief Strategy Officer (assis), Gilles Bordure, Chief Operations Officer, Guillaume de la Fléchère,<br />

Head of Engagement, Emmanuel Ferry, Head of Branding & Advertising (assis).<br />

CB NEWS . 41 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

Thierry Jadot,<br />

président de Dentsu<br />

Aegis Network : “ Le<br />

groupe est né en<br />

France par Carat,<br />

devenu anglo-saxon<br />

en s'appelant Aegis<br />

Media, puis asiatique<br />

en étant racheté par<br />

Dentsu. ”<br />

“ le mulTiculTuralisme<br />

esT<br />

source de diversiTé,<br />

eT c'esT la diversiTé<br />

qui esT à l'origine<br />

de l'innovaTion. ”<br />

thIerry Jadot,<br />

dentsu aegIs network<br />

Mcgarrybowen, MKTG, Posterscope et Vizeum) et cinq<br />

agences spécialisées (Amnet, Amplifi, data2decisions,<br />

Dentsu Aegis North et Dentsu Aegis Régions). Soit l’inverse<br />

de la tendance actuelle au regroupement sous une<br />

même marque ombrelle. « Le monde n’est pas en train<br />

de se simplifier mais de se complexifier. Il est donc nécessaire<br />

d’avoir des expertises de plus en plus pointues.<br />

Pour attirer les bons talents, elles doivent exister dans<br />

des agences pure player. Les millenials, qui constituent<br />

80 % de nos collaborateurs, aiment travailler en mode<br />

projet, être entourés de gens qui partagent les mêmes<br />

valeurs et les mêmes usages », estime Thierry Jadot,<br />

président de Dentsu Aegis Network. À partir de l’agence<br />

média Carat, le groupe s’est développé autour du média,<br />

puis de la data et de la performance digitale. « Il faut<br />

apporter des réponses à des enjeux business. Notre défi<br />

est de trouver les bons experts et les leaders capables<br />

d’embrasser cette complexité en réunissant autour d’eux<br />

les talents qui vont proposer des solutions intégrées », détaille<br />

le président de Dentsu France. Exemple avec iProspect<br />

qui vient de gagner le budget médias monde on et<br />

off line du groupe Accor. Sur les 1200<br />

clients de Dentsu France, 800 ne sont<br />

pas entrés dans le groupe par l’agence<br />

média historique Carat Vizeum.<br />

Le recrutement de talents curieux et<br />

ouverts aux autres métiers est un enjeu<br />

majeur pour que ce modèle fonctionne.<br />

Dans le bâtiment de Courbevoie,<br />

31 nationalités se côtoient, et le<br />

taux de mobilité interne (nombre de<br />

postes offerts et pourvus en interne)<br />

est supérieur à 33 %, soit 10 points<br />

de plus qu’il y a trois ans, pour un<br />

turn over de 20 %. Une collaboration<br />

facilitée par un P&L unique « mis en<br />

place il y a dix ans ». « Notre particularité<br />

est d’être un groupe multiculturel.<br />

Il est né en France par Carat,<br />

est devenu anglo-saxon en s’appelant<br />

Aegis Media, puis asiatique en étant<br />

racheté par Dentsu. Si on pense que le multiculturalisme<br />

est source de diversité, et que c’est la diversité qui est à<br />

l’origine de l’innovation, ce n’est pas un hasard si notre<br />

slogan est « inovating the way brands are built (innover<br />

de la manière dont on fabrique les marques) », analyse<br />

Thierry Jadot. Dentsu France emploie 1300 collaborateurs<br />

(+ 500 depuis 2012), et connaît une croissance<br />

organique de + 10 % ces trois dernières années. « Nous<br />

assistons à une convergence grandissante du média, de<br />

la data et du contenu qui oblige à imaginer des solutions<br />

simples pour nos clients », estime Thierry Jadot, qui ne<br />

croit pas à un modèle d’agence « qui fait papa maman.<br />

Je crois que les gens veulent des structures à taille<br />

humaine ».<br />

L’avenir dira quel modèle choisi par les groupes de communication<br />

récoltera les suffrages des annonceurs, arbitres<br />

ultimes de cette course à la transformation.<br />

PatRick caPPelli<br />

PHOTO : © ERIC LEGOuHY.<br />

CB NEWS . 42 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

cbn_ Le digital horizontalise les structures de<br />

management et bouscule les manières de travailler :<br />

qu'est-ce que ça change dans le groupe Havas ?<br />

y.b._ Le digital représente 100 % des réflexions de nos<br />

collaborateurs partout dans le monde. On ne peut pas<br />

concevoir aujourd’hui une campagne de communicastory<br />

“ les villages havas<br />

Illustrent notre modèle<br />

totalement Intégré ”<br />

sIlos, vIllages, dIgItal, p&l… la posiTion d'havas en troIs questIons.<br />

yannik<br />

bolloré<br />

est p-dg d'Havas :<br />

“ nous sommes un<br />

groupe très jeune,<br />

avec une moyenne<br />

d'âge de 34 ans sur<br />

les 20 000<br />

collaborateurs ” .<br />

cbn_ Havas s’est engagé depuis 2012 dans une<br />

réorganisation avec la création en particulier des<br />

Villages Havas. Pour quels résultats ?<br />

yannick bolloré_ Nous sommes fiers de dire que nous<br />

avons désormais achevé la phase de mise en place des Villages<br />

partout dans le monde. Ils illustrent concrètement<br />

notre modèle totalement intégré et agile qui nous permet<br />

de mieux accompagner nos clients dans leur transformation.<br />

Début 2017, nous avons inauguré notre dernier village<br />

à Londres. 24 agences dans un immeuble impressionnant<br />

à King’s Cross, à deux pas de la Gare Internationale<br />

Saint-Pancras. Près de 2 000 talents travaillent ensemble,<br />

répartis sur 10 étages en face de la prestigieuse école d’art<br />

et de design Central Saint Martins, et à côté de Google,<br />

YouTube et de « The Guardian ».<br />

PHOTO DR.<br />

cbn_ Les groupes de communication cherchent<br />

depuis longtemps à “ casser les silos ” : pourquoi ?<br />

y.b._ Nous croyons qu'il faut transcender la séparation<br />

traditionnelle entre création et médias pour nous centrer<br />

sur les clients. Nous poursuivons donc dans notre ambition<br />

d'être le groupe de communication le plus intégré<br />

du marché. Passer d’une organisation de réseaux à une<br />

organisation centrée sur le client représente un tournant<br />

dans la transformation<br />

de notre groupe<br />

et dans notre approche<br />

client. Établir<br />

un P&L unique<br />

par région assure<br />

aux clients le service<br />

agile, fluide<br />

et intégré qu’ils recherchent<br />

face aux<br />

nouvelles ruptures<br />

que l’évolution permanente<br />

de notre<br />

secteur ne manquera<br />

pas de provoquer.<br />

“ éTablir un p&l<br />

unique par région<br />

assure aux clienTs<br />

le service fluide<br />

qu'ils recherchenT<br />

face aux nouvelles<br />

rupTures. ”<br />

tion ou un produit sans penser à sa déclinaison digitale.<br />

Depuis 10 ans nous l’avons intégré au cœur de<br />

toutes nos activités et nous avons recruté des spécialistes<br />

dans ce domaine. Nous ne publions pas la part<br />

du numérique dans notre chiffre d'affaires, mais<br />

il fait partie intégrante de tous nos métiers. Nous<br />

sommes un groupe très jeune, avec une moyenne d’âge<br />

de 34 ans sur les 20 000 collaborateurs), la société, ses<br />

talents, y compris moi-même sommes « digital natives ».<br />

Propos recueillis par<br />

PatR ick caPPelli<br />

CB NEWS . 43 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

les 4 commandements<br />

de l'agence<br />

qui veut rester<br />

en vie<br />

les 4<br />

commandements<br />

en vérité, on vous le dit, les agences qui ne<br />

changeront pas ne mourront pas toutes,<br />

mais toutes seront frappées ! 4 voies sérieuses<br />

pour rester sur la scène. EnQUêtE.<br />

àl’heure où les frontières entre les métiers<br />

de la communication s’abaissent, les<br />

agences doivent trouver une manière de<br />

se réinventer en permanence. C’est vrai<br />

pour les groupes comme pour les structures<br />

indépendantes qui font la richesse<br />

du secteur. Trouver de nouvelles sources<br />

de business, inventer de nouveaux métiers,<br />

aller au-delà de son savoir-faire traditionnel,<br />

le tout sans s’égarer dans de mauvaises voies,<br />

tel est le challenge inédit des agences dans cette deuxième<br />

décennie du XXIe siècle. Un challenge pris à bras-le-corps<br />

par les acteurs de ce marché qui doivent répondre à des<br />

demandes inédites des clients, comprendre et s’adapter<br />

au renouvellement constant qu’impose le numérique et<br />

faire face à la concurrence de nouveaux acteurs technologiques.<br />

Tout ceci implique également de nouvelles façons<br />

de s’organiser, de travailler, là encore, sans perdre la cohérence<br />

et l’intelligence du groupe. Des défis que la plupart<br />

relèvent avec panache et souvent, avec succès.<br />

CB NEWS . 44 . JUIN-JUILLET 2017


Fabien Teichner (à<br />

gauche) et Dimitri<br />

Guerassimov<br />

(à droite),<br />

respectivement DG<br />

et DC de Serviceplan<br />

France encadrent<br />

Alain Roussel,<br />

président de l’agence.<br />

Photo : © CéDRiC DELSAUX.<br />

1- tU divErsifiEras<br />

tEs rEvEnUs<br />

Les agences de pub ne font plus vraiment de « campagnes<br />

». En 15 ans elles ont profondément changé<br />

de métiers… « Elles font de la création/production<br />

de contenus en continu, ce qui les oblige à revoir leur<br />

métiers, leurs organisations, leurs offres, à se réinventer<br />

pour répondre à leurs clients et à l’atomisation et<br />

à la multiplication des points de contacts », souligne<br />

Nicolas Gondeau au sein du cabinet The Observatory.<br />

Les annonceurs sont devenus des « marques médias »,<br />

avec leurs propres canaux de diffusion (chaînes You-<br />

Tube, pages sur les réseaux sociaux, sites Internet, etc.)<br />

qui proposent elles-mêmes de plus en plus de services<br />

à leurs clients finaux. Résultat, les agences doivent<br />

suivre le mouvement : être plus agiles, devenir des<br />

chefs d’orchestres dirigeant de multiples compétences,<br />

proposer de plus en plus de coworking avec -voire chezles<br />

clients, intégrer ou chasser en permanence tous les<br />

nouveaux métiers ou encore se diversifier de manière<br />

parfois assez inattendue ou radicale... « C’est ce que font<br />

R/GA ou Anomaly aux états-Unis, en développant directement<br />

des produits et des services pour le compte des<br />

annonceurs (montre connectée Nike, produits au cannabis,<br />

etc.). Si leur lancement est un succès, l’agence se<br />

rémunère alors sur les droits de propriété intellectuelle,<br />

explique Stéphanie Pitet chez Pitchville. Aujourd’hui la<br />

création n’est plus toujours rémunérée à sa juste valeur,<br />

les agences de pub sont de plus en plus concurrencées<br />

par les GAFA, les cabinets de consulting ou les régies<br />

des grands médias qui proposent la création de contenus<br />

directement aux annonceurs. Alors elles doivent<br />

changer de modèle économique ». Elles inventent ainsi<br />

de nouvelles relations avec les entreprises clientes et de<br />

nouvelles formes de rémunération à la performance,<br />

non plus en honoraires classiques.<br />

CB NEWS . 45 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

Ci-contre, le<br />

casque de réalité<br />

olfactive lancé<br />

par Productman<br />

pour Ubisoft, et<br />

ci-dessous, Pokémon<br />

Go ! créée par la startup<br />

Niantic aidée par<br />

You & Mister Jones.<br />

les 4<br />

commandements<br />

« Nous offrons plus qu’un dispositif<br />

de communication, explique Guy<br />

Chauvel président fondateur de<br />

WNP. Nous offrons aux annonceurs<br />

de résoudre leurs problématiques business.<br />

Nous faisons de l’innovation<br />

produit dont nous sommes coresponsables<br />

avec nos clients. C’est ainsi<br />

que nous construisons des marques<br />

fortes ». Lancer une banque en ligne<br />

pour PSA qui se met à vouloir capter<br />

de l’épargne. Ou un compte de fidélisation<br />

mondiale pour des grands<br />

comptes. Chez Productman, le nouveau<br />

spin off de Buzzman les six personnes<br />

de l’entité créent aussi des produits. Comme un<br />

casque de réalité virtuelle olfactif pour Ubisoft, industrialisable<br />

à grande échelle. « Cette forme de diversification<br />

est a priori 100 % business, explique thomas Granger<br />

le vice-président de l’agence. Il y a de la rémunération,<br />

puisque nous vendons de la ressource (un concept de nouveau<br />

produit) et que nous nous rémunérons par la cession<br />

de droits de propriété industrielle ». Rien de nouveau en<br />

soi, le modèle existe depuis toujours dans l’industrie,<br />

sauf que les agences de communication et de marketing<br />

s’y mettent et poussent aujourd’hui leurs capacités créatives<br />

très loin. Piquant sans doute au passage quelques<br />

ressources aux agences de design produit… « Nous en<br />

sommes venus à créer Productman car tous nos clients<br />

parlaient d’ubérisation de leur marché, de start-up<br />

disruptives qui siphonnaient leur plates-bandes, ajoute<br />

Thomas Granger. Sauf qu’en même temps ils n’avaient<br />

pas toujours les ressources en R & D ou les compétences<br />

créatives pour innover et contre-attaquer. Nous le faisons<br />

donc pour et avec eux ».<br />

D’autres choisissent d’investir directement chez les<br />

disrupteurs de marchés, les redoutables start-up innovantes.<br />

« Les agences comme FaberNovel, Made by many<br />

(GB) et F & F font toutes fait évoluer leur business model<br />

PrOdUCtMan, LE sPin<br />

Off dE BUZZMan, a<br />

CrÉÉ Un CasQUE dE<br />

rÉaLitÉ OLfaCtivE<br />

POUr UBisOft,<br />

indUstriaLisaBLE à<br />

GrandE ÉCHELLE.<br />

et certaines investissent dans ces start-up, ajoute Nicolas<br />

Gondeau… Elles tissent ainsi des liens privilégiés dès le<br />

départ avec des entreprises innovantes et à forte croissance<br />

». Les agences peuvent alors y puiser de l’inspiration<br />

(car ces jeunes pousses sont hyperconnectées, jeunes,<br />

agiles, à l’affût de toutes les tendances et nouvelles formes<br />

de gouvernance et de management). Et miser dès à présent<br />

sur les entreprises à haut potentiel qui seront – pour<br />

une poignée — sans doute demain les nouvelles reines de<br />

la bourse et du CAC 40 !<br />

L’agence de brandtech, You & Mister Jones, fondée par<br />

David Jones, l'ancien président d'havas, a ainsi visé<br />

juste en investissant très tôt dans Niantic, la start-up à<br />

l’origine de l’appli Pokémon Go ! Le Fred & Farid Digital<br />

investment Fund soutient depuis 2013 des start-up en<br />

France comme en Asie (telles que GoV, Markelys, Littel<br />

Big Data ou encore la plateforme Fancy Cellar dédiée à<br />

la vente on line de vins en Chine).<br />

Enfin, d’autres comme Sid Lee Paris ou Mazarine, indirectement,<br />

lancent ou reprennent des magazines... Des<br />

titres de presse vus comme de nouvelles sources d’inspiration,<br />

de nouveaux modes créatifs, mais pas franchement<br />

comme de nouvelles sources de revenus !<br />

PhotoS : DR.<br />

CB NEWS . 46 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

les 4<br />

commandements<br />

Ci-dessus, image<br />

de One Shot de La<br />

Chose, un service “ all<br />

in one ” qui propose<br />

une production<br />

particulière pour<br />

certains profils<br />

d'annonceurs,<br />

comme les start-up.<br />

2- Tu proposeras<br />

de nouvelles offres<br />

« Nous avons été la première à intégrer tous les métiers<br />

et à mettre le digital au cœur de l’offre », explique Pascal<br />

Grégoire coprésident de La Chose. On parlait alors<br />

de « communication à <strong>36</strong>0° » et les<br />

campagnes embrassaient aussi bien<br />

la pub TV que l’événementiel, les<br />

sites Internet ou les premiers réseaux<br />

sociaux. 10 ans plus tard les canaux<br />

se sont démultipliés, les start-up<br />

deviennent de nouveaux clients<br />

potentiels et La Chose arrive avec<br />

une nouvelle offre encore inédite en<br />

France... « Nous lançons One Shot,<br />

un service all in one (tout en un) qui<br />

propose à certains profils d’annonceurs<br />

comme les start-up, une production<br />

de qualité, agile, pas du tout<br />

low cost, rapide et pour un besoin<br />

bien précis à un moment clé de leur<br />

histoire d’entreprise. Nous devenons<br />

ainsi la première agence à proposer une offre totalement<br />

sans engagement qui devrait libérer le marché publicitaire<br />

dans les mois et les années à venir ». Comme Free a<br />

libéralisé le marché des télécoms avec ses offres illimitées<br />

et sans engagement. Là, les clients de One Shot auront<br />

accès à toutes les ressources créatives et de production<br />

disponibles à l’agence, pour conduire à la réalisation et<br />

à la diffusion d’une idée, d’un concept à un moment T.<br />

Une créa, qui répond à une problématique, avec un prix<br />

déterminé. « Mais si cette idée est ensuite reprise l’année<br />

suivante, alors le client qui n’est pas engagé avec l’agence<br />

devra payer des droits pour la réutiliser. C’est ultra simple<br />

et efficace, transparent», ajoute Pascal Grégoire.<br />

Autre style, autre modèle, autre agence… « Nous avons<br />

mis en place au cœur de l’agence un modèle unique en<br />

des agences<br />

invesTissenT<br />

dans des sTarT-up<br />

pour y puiser de<br />

l'inspiraTion.<br />

France où les patrons sont propriétaires de la structure<br />

et sont les chefs d’orchestre de groupes qui travaillent<br />

tous ensemble sur la création, l’analyse off et on line et<br />

sur la stratégie, explique Alain Roussel, président de<br />

Service Plan France (où le nouveau team créatif Dimitri<br />

Guerassimov et Fabien Teichner vient de débarquer en<br />

provenance de chez Marcel). Le secteur de la publicité est<br />

en train de passer d’un métier de fainéants talentueux<br />

à un métier de talents experts essentiels. Et il y aura<br />

bientôt un cimetières des agences qui n’auront pas pris<br />

ce virage ». C’est dans cette perspective de changement,<br />

que Serviceplan vient de lancer la Maison de la data, une<br />

nouvelle offre de solutions puisées dans les compétences<br />

du groupe (études quali, veille, etc.).<br />

D’autres encore misent plutôt sur l’hyperspécialisation.<br />

« La limite du modèle des agences traditionnelles c’est<br />

qu’elles disent savoir tout faire, avec tous les médias on<br />

et off line, explique Yannick Wittenauer cofondateur de<br />

l’agence pure player Tube Reach. Les clients trouvent<br />

que cette posture est de moins en moins crédible, ils se<br />

méfient et en concluent que plus les grandes agences se<br />

diversifient plus elles gonflent leurs marges. Or, parallèlement,<br />

les annonceurs changent aussi de modèle et<br />

se recentrent de plus en plus souvent sur une expertise<br />

ou un monoproduit ». C’est ce que la jeune agence, de<br />

8 personnes, lancée il y a deux ans leur propose : une<br />

expertise inédite de YouTube. Le média est dans le top<br />

3 des sites les plus consultés au monde, c’est le deuxième<br />

moteur de recherche après Google… « Mais 99 % des<br />

marques françaises l’utilisent encore<br />

comme une étagère à vidéos. Nous<br />

leur proposons un travail d’artisan<br />

sur-mesure pour leur communication<br />

sur ce média. Car je pense qu’en<br />

communication, comme en restauration,<br />

on est meilleur quand on est<br />

hyper spécialiste d’un sujet (veille et<br />

formation continue) et qu’on ne peut<br />

pas proposer à la carte à la fois de la<br />

PhOTOS : DR.<br />

CB NEWS . 48 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

les 4<br />

commandements<br />

Debouts, au centre<br />

de toute leur<br />

équipe, de gauche<br />

à droite, Fabrice<br />

Courdesses et<br />

Yannick Wittenauer<br />

de TubeReach, une<br />

agence pure player.<br />

à côté, la dernière<br />

campagne pour<br />

France Info signée<br />

par l'agence<br />

Movement,<br />

spécialiste du motion<br />

design et des textes<br />

vidéos.<br />

choucroute, des sushis et du couscous<br />

»… ou alors c’est louche et les<br />

clients passent leur chemin ! « Nous<br />

sommes les grands spécialistes du<br />

motion design et des textes vidéos<br />

de plus en plus utilisés sur les réseaux<br />

sociaux, en TV, sur les sites Internet<br />

ou les appli, explique de son côté Jean-Noël Perrin, directeur<br />

strategy & content de l’agence Movement, lancée il y<br />

a 2 ans. Notre spécialité : intégrer création et production<br />

et travailler en direct avec les clients. Cela permet de maîtriser<br />

totalement les idées sans disparités avec l’exécution.<br />

Chez nous les scénaristes sont aussi les réalisateurs ». Et<br />

ça change tout. Cette maîtrise du concept de bout en bout<br />

a déjà valu quelques prix à la jeune agence, dont l’un pour<br />

le logo, positionnement et la campagne de lancement de<br />

France Info et l’autre pour l’événement Hermès hors les<br />

murs (ouverture des ateliers au public à Paris, Mexico,<br />

Milan, Vancouver ou Tokyo). La force de ces nouvelles<br />

offres ultra spécialisées c’est de pouvoir aller chercher les<br />

meilleurs talents et spécialistes de leur domaine (artistes,<br />

réalisateurs, designers, experts en réseaux sociaux, etc)<br />

et de pouvoir répondre immédiatement aux briefs les<br />

plus pointus. « Nous choisissons de nous diversifier en<br />

proposant une nouvelle offre à partir de juin, nommée<br />

Colloquial, explique Virgile Brodziak, directeur général<br />

de JWT. Une solution qui permet aux marques de créer<br />

un contenu stratégique et créatif, grâce à une équipe hyper-agile<br />

qui accompagne les annonceurs sur l’éditorial,<br />

la création et l’amplification de leurs contenus ». L’offre<br />

est dite « full pack » et comprend tout depuis les insights,<br />

en passant par la création du brand content jusqu’à l’analyse<br />

des performances des contenus (en live). « Content<br />

strategist, planneur stratégist, Audience Manager, rédacteur<br />

en chef… de nouveaux métiers, tout droit venus<br />

du publishing débarquent à l’agence et se mêlent à des<br />

“ On ne peut pas<br />

prOpOser à la<br />

carte à la fOis de<br />

la chOucrOute,<br />

des sushis et du<br />

cOuscOus. ”<br />

yannick Wittenauer, tubereach<br />

experts des marques. Colloquial est<br />

un modèle hybride, à la croisée des<br />

chemins entre l’éditeur et l’agence de<br />

communication ».<br />

Et puis il y a le modèle ultime, celui<br />

des agences qui s’offrent toutes<br />

entières et s’intègrent désormais<br />

carrément chez le client. Pour lui<br />

apporter en permanence et sur un<br />

plateau des solutions globales ou<br />

(plus souvent) très spécifiques. C’est<br />

ce que fait Big Spaceship une agence<br />

digitale newyorkaise dite « highly collaborative », beaucoup<br />

plus agile et légère. « Pour l’instant nos bureaux<br />

sont toujours chez nous, mais cette agence représente<br />

le modèle vers lequel nous pourrions tendre, explique<br />

Ivan Pierens fondateur de John&Jones, devenue Blake<br />

Paris. Nos clients sortent beaucoup de contenus et nous<br />

devons être très réactifs. Nous ne pouvons plus attendre<br />

3 semaines pour sortir des créa. Nous intégrons la production<br />

et travaillons en co-construction avec le client<br />

dès le brief de départ. C’est la fin du « mur des commerciaux<br />

», les équipes créatives sont pluggées et en open<br />

source directement avec/chez les clients ».<br />

De nouvelles offres qui s’adaptent au plus près aux besoins<br />

immédiats des clients mais qui ne remettent –pour<br />

l’instant- pas en cause les grands fondamentaux du secteur.<br />

Le brief ou les compétitions et les appels d’offres<br />

restent de mise même si ces nouveaux modèles les<br />

bousculent de plus en plus. Et le one shot ne remet pas<br />

en question l’accompagnement de longue durée pour lequel<br />

se battent toujours les agences, petites ou grandes.<br />

« Nous continuons évidemment à travailler à long terme<br />

pour nos clients, que nous souhaitons accompagner le<br />

plus longtemps possible, poursuit Pascal Grégoire (La<br />

Chose). Mais nous voulons pouvoir répondre à d’autres<br />

types de clients, des start-up ou de grands annonceurs<br />

qui n’ont pas de budget à long terme pour un sujet et<br />

qui ont des besoins ponctuels de communication. Nous<br />

croyons dans les deux relations à long et à court terme.<br />

PHoToS: © LUDoVIC LE GUyADEr. Dr.<br />

CB NEWS . 50 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

Les nouveaux locaux<br />

de BETC, à Pantin,<br />

où “chacun est libre<br />

de s'installer où<br />

il veut ”.<br />

PHoToS: © HErVé ABBADIE. © PHILIPPE GArCIA.<br />

Nous devenons une agence hybride ». Capable de répondre<br />

et de s’adapter à tous les besoins, de toutes les<br />

typologies de clients. Et de diversifier ses revenus grignotés<br />

par de nouveaux concurrents (Gafa, régies publicitaires,<br />

agences pure players, etc.).<br />

3- tu<br />

déclOisOnneras<br />

tes espaces de<br />

travail<br />

Les locaux, les bureaux, ces entités physiques et bétonnées,<br />

sont aussi des lieux d’inspiration, d’échange et<br />

incitent à de nouvelles formes de management et de<br />

gouvernance, dès qu’ils sont appréhendés comme tels<br />

par les architectes et les managers…<br />

L’agence BETC a très tôt pris conscience de l’incidence<br />

de l’architecture et de la conception de ses locaux sur<br />

ses salariés en termes de créativité, de collaboration,<br />

d’échange… Après avoir déménagé de Neuilly à l’Est<br />

Parisien, puis avoir créé un village doté de 5 maisons<br />

reliées par des petits vélos rouges, l’agence vient d’emménager<br />

à Pantin dans un bâtiment de 18 000 mètres<br />

carrés, installé dans les anciens Magasins Généraux<br />

et capable d’accueillir 900 salariés en mode « 100%<br />

bureaux libres ». « Il ne s’agissait pas juste de déménager,<br />

explique Muriel Fagnoni, vice présidente de BETC.<br />

Mais de se réinventer en même temps. Et de démontrer<br />

comment un lieu, un bâtiment, peut incarner la stratégie,<br />

le fonctionnement et les valeurs de l’entreprise ». Ici<br />

“ des métiers venus<br />

du publishing<br />

débarquent<br />

et se mêlent à<br />

des experts de<br />

marques. ”<br />

virgile brodziak, JWt<br />

les bureaux sont donc libres. Partant du principe que le<br />

confort et l’espace sont les luxes des salariés, BETC octroie<br />

l’équivalent de 2,25 bureaux à chaque collaborateur (et<br />

non 0,8 bureau comme dans certains espaces de coworking).<br />

Mais chacun est libre de s’installer où il veut dans<br />

le bâtiment ou de ne pas venir du tout et de télétravailler.<br />

« Tout est entièrement décloisonné, les espaces sont totalement<br />

ouverts. Chacun est logé à la même enseigne et<br />

la hiérarchie n’est pas « visible », pas affichée », ajoute<br />

Muriel Fagnoni. Un modèle qui en désoriente plus d’un.<br />

Aussi les managers sont-ils invités à organiser des temps<br />

de rencontre autour de bases, de bureaux communs à<br />

l’équipe, où des rDV hebdomadaires sont proposés…<br />

« Le lieu de travail devient un lieu de vie, explique Jean-<br />

Noël Thiollier, DrH chez Dentsu Aegis. Parmi nos 1 300<br />

CB NEWS . 51 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

Pour se reposer, la<br />

Zen Room de Dentsu<br />

Aegis. “ Le lieu de<br />

travail devient le lieu<br />

de vie ”, argumente<br />

Jean-Noël Thiollier,<br />

DRH chez Dentsu.<br />

les 4<br />

commandements<br />

salariés, 80% ont désormais<br />

moins de 35 ans. Les millennials<br />

veulent que leur entreprise leur<br />

offre plus de flexibilité, d’autonomie,<br />

c’est ainsi qu’ils se sentent<br />

plus engagés dans leur travail.<br />

Nous leur proposons donc<br />

un nouveau modèle qui casse<br />

la logique de bureaux fermés et<br />

attitrés pour aller vers la logique<br />

du « home », ils sont ici comme à<br />

la maison ». Zen room pour se<br />

reposer, salles de sport, ostéo et<br />

massages à toutes heures, et en<br />

septembre un service de restauration<br />

24h/24 leur sera même accessible de jour comme<br />

de nuit (armoires réfrigérées accessibles avec un badge).<br />

Dentsu Aegis va même beaucoup plus loin et revendique<br />

son ambition d’être l’une des toutes premières agences<br />

françaises à tendre vers le concept d’entreprise libérée.<br />

Elle a commencé en laissant ses salariés libres de télétravailler<br />

quand (et où) bon leur semble ou en rebaptisant<br />

sa DrH en « direction des richesses humaines ». Mais elle<br />

tend, in fine, à quitter définitivement le modèle traditionnel<br />

de management top-down. « Nous ne voulons plus de<br />

managers mais des leaders, ajoute Jean-Noël Thiollier.<br />

Et entrer dans une logique de projets multiples pour chacun,<br />

en dehors de tout diplôme ou hiérarchie ». En plus de<br />

leurs sujets habituels, les salariés doivent aussi pouvoir<br />

proposer leurs idées et compétences en matière de rSE,<br />

de création de projets de quartier (comme une crèche<br />

intergénérationnelle, par exemple) ou d’environnement.<br />

chacun est libre<br />

de s'installer Où<br />

il veut dans le<br />

bâtiment (chez<br />

betc), Ou de ne<br />

pas venir et de<br />

télétravailler.<br />

« Nous intégrons aujourd’hui une nouvelle population<br />

de collaborateurs, les millennials, qui ont un tout autre<br />

rapport au monde du travail, explique<br />

Elisabeth Billiemaz, présidente de<br />

l’agence Les Gaulois. Il y a encore 10 ans,<br />

la communication était un secteur très<br />

attractif pour les jeunes diplômés et les<br />

nouveaux talents. Aujourd’hui ils sont<br />

plutôt attirés par l’entrepreneuriat et<br />

les start-up, leurs nouveaux modèles et<br />

leurs rythmes de travail en workshop, en<br />

coworking en équipes ultraconnectées<br />

et dans des locaux décloisonnés. Ces nouveaux modes<br />

de travail, très collaboratifs, nous poussent à réinventer<br />

notre manière de travailler en interne comme en externe<br />

avec nos clients et partenaires ». De nouvelles formes<br />

d’organisation et de gouvernance qui passent aussi par les<br />

locaux et qui réclament des bureaux décloisonnés, modulables<br />

à l’envi, parfois dématérialisés ou même carrément<br />

déportés chez les clients ou ailleurs, dans de nouveaux<br />

lieux externes à l’agence : chez le particulier travailleur<br />

jusque dans des cafés ! « Nos collaborateurs peuvent tous<br />

aller travailler à l’Anticafé (lieux de coworking installés<br />

à olympiades, Beaubourg, Quincampoix, etc.) nous<br />

pensons que cette liberté de travailler où ils veulent en<br />

mode projet leur apporte de l’ouverture, de la créativité,<br />

des ambiances de travail différentes et inspirantes. C’est<br />

très stimulant de travailler hors les murs ». Et les Gaulois<br />

pousse le modèle encore plus loin en ouvrant dès fin juin<br />

un Anticafé cobrandé aux couleurs de l’agence au sein de<br />

la Station F (le plus grand campus de start-up au monde<br />

installé à la Halle Freyssinet à Paris). « Cet espace restera<br />

PHoToS: © ErIC LEGoUHy. Dr.<br />

CB NEWS . 52 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

phOtOs : © patRICk tOURNEBOEUF. DR.<br />

ouvert à tout le monde, mais nous pourrons y organiser<br />

des réunions avec nos clients, y rencontrer toutes les startup<br />

présentes, leurs proposer des conseils, faire du mentoring,<br />

répondre à leurs briefs et besoins immédiats».<br />

Mais avec tant de libertés, de distances instaurés entre les<br />

salariés de plus en plus libres et leur employeur, quid de<br />

la culture d’entreprise et du fameux sentiment d’appartenance<br />

? « Une entreprise qui vous responsabilise vous<br />

offre des opportunités, vous fait confiance, vous donne<br />

autant de liberté, ça vous donne envie de vous impliquer<br />

et cela crée énormément de lien aussi entre les collaborateurs,<br />

répond Muriel Fagnoni. Mais il faut nourrir ce<br />

lien avec un management très à l’écoute en mesurant<br />

régulièrement la satisfaction de ses salariés (enquêtes de<br />

test and learn), en formant ses managers ». Ces nouveaux<br />

locaux donnent aussi des occasions de multiplier les liens<br />

et la convivialité : petits déjeuner, instauration de l’apéro<br />

général, fêtes, soirées, potagers d’entreprise...<br />

4- tu accueilleras<br />

de nouveaux<br />

métiers<br />

Directeur du social média, UX et UI designers, directeur<br />

des relations avec les influenceurs, data analysts et scientists…<br />

Les nouveaux métiers sont légion dans les agences<br />

de communiction. « Beaucoup sont des évolutions de<br />

métiers déjà bien connus vers ceux du digital, comme le<br />

graphiste qui devient UX ou UI designer », explique Bruno<br />

Langlade au sein du cabinet conseil en choix d’agences<br />

Feat’R. Mais les enjeux ne sont pas vraiment dans ces<br />

nouveaux métiers et leurs appellations parfois barbares.<br />

C’est de savoir comment les faire travailler tous ensemble,<br />

des plus technologiques aux plus créatifs… « Notre valeur<br />

“ nos collaborateurs<br />

peuvent<br />

aller travailler<br />

à l'anticafé. c'est<br />

très stimulant<br />

de travailler<br />

hors les murs. ”<br />

elisabeth billiemaz, les Gaulois<br />

à gauche, travaux<br />

dans la Station F, le<br />

plus grand campus<br />

de start-up au monde<br />

à la Halle Freyssinet,<br />

à Paris. à droite,<br />

l'Anticafé au Louvre,<br />

pour les réunions,<br />

les briefs, etc. des<br />

Gaulois.<br />

ajoutée c’est de savoir hybrider tous les nouveaux talents<br />

qui aiment tous travailler tous les sujets depuis la pub,<br />

les événements, en passant par les réseaux sociaux, le<br />

produit ou les services, explique Christophe Lichtenstein<br />

CEO de Romance. Nous rejetons l’hyperspécialisation<br />

et n’avons pas de fascination extrême pour le digital (la<br />

question du digital ne se pose plus !), notre fascination<br />

c’est la stratégie ». L’agence créée en 2015 emploie 45 personnes<br />

aujourd’hui et intègre de nombreuses expertises.<br />

« Nous restons avant tout un grand hub généraliste indépendant<br />

où les hyper spécialistes viennent se plugger au<br />

fil des projets et des sujets ». Un point de vue partagé par<br />

d’autres jeunes et « nouvelles » agences. « Le problème<br />

dans les modèles traditionnels c’est que les métiers indispensables<br />

comme ceux de la création, de la data, des technologies<br />

ou de la stratégie ne se parlent pas, expliquent<br />

Julia Drupt, directrice générale de l’agence Kiss the<br />

bride lancée en avril 2017 et Olivier Bertin, directeur<br />

de la stratégie du groupe Loyalty Company. Chez nous<br />

ils sont tous intégrés et interagissent. Nous organisons<br />

de petites agences dans l’agence autour d’un client ou<br />

d’un projet, avec un chief client officer, responsable de<br />

la stratégie, qui orchestre tous ces métiers pendant toute<br />

la durée du projet. C’est un modèle malin, agile, rapide<br />

et efficace ». Cette nouvelle forme d’organisation, loin<br />

les 4<br />

commandements<br />

CB NEWS . 55 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

“ nous restons un<br />

hub généraliste<br />

où les hyper<br />

spécialistes<br />

viennent<br />

se plugger. ”<br />

christophe lichtenstein,<br />

romance<br />

les 4<br />

commandements<br />

des teams en binôme Da/DC, est celle qui semble faire<br />

l’unanimité dans les « nouvelles agences » et qui permet<br />

de faire converger la foule de nouveaux métiers parfois<br />

très éloignés mais indispensables à la création. « a la<br />

différence d’une agence de pub traditionnelle, nous ne<br />

réfléchissons plus en « campagnes », mais en actions de<br />

communication et d’amélioration de l’expérience client,<br />

soulignent alban Callet et stéphane Gazzo, DG de tribal<br />

(spin off de DDB, lancé il y a un an). Nous travaillons<br />

au quotidien l’amélioration des parcours en prenant en<br />

compte absolument tous les canaux d’influence et d’expérience<br />

(pub, événementiel, réseaux sociaux, points de<br />

vente, etc.). Cette organisation est optimisée et organisée<br />

autour d’un planeur stratégique de spécialistes de la data<br />

et d’UX designers qui travaillent tous ensemble à définir<br />

par la data et les insights consommateurs les meilleurs<br />

parcours pour les clients ». aux côtés des experts en technologies,<br />

travaillent donc aussi des experts en stratégie et<br />

en marques. « Ensuite c’est aussi à nous d’aider nos clients<br />

à découvrir qui sont les talents qui se cachent derrière ces<br />

nouveaux noms de métiers bizarres, ajoute Olivier Bertin.<br />

Via la Digital academy lancée par DDB plus de 3000<br />

personnes, clients comme collaborateurs en interne, ont<br />

été formées ces dernières années pour comprendre ces<br />

métiers et acquérir un langage et un savoir commun à<br />

tous ». Mais chaque entité fait aussi émerger ses propres<br />

nouveaux métiers. « Regardez les annonces, chaque<br />

agence a sa définition d’un social media strategist, ou<br />

d’un brand content manager, explique Lionel Curt fondateur<br />

de MNstR. Nous créons notre propre modèle et nos<br />

propres métiers en permanence en fonction des clients et<br />

de leurs projets». Chez Darwin, agence spécialisée dans<br />

l’entertainment, les talents sont recrutés sur leurs compétences<br />

et leur expérience si elle est compatible avec le<br />

Darwin Code. Comme dans les start-up, l’agence crée des<br />

événements conviviaux (l’English Friday pour inciter les<br />

salariés à parler en anglais chaque vendredi) et a aussi<br />

créé un poste de Mojoffice manager, dont l’ambition est<br />

de faire de Darwin l’agence la plus cool du monde !<br />

De gauche à droite,<br />

Gilles Fichteberg,<br />

Jean-patrick<br />

Chiquiar, Jean-<br />

François Sacco, les<br />

trois fondateurs de<br />

Rosapark.<br />

Au -dessus,<br />

Christophe<br />

Lichtenstein, CEO de<br />

l'agence Romance.<br />

Quel que soit le modèle choisi, les nouveaux métiers<br />

intégrés ou castés en externe, les nouvelles agences (ou<br />

celles aux modèles réinventés) disent remettre l’humain<br />

au cœur de leur business. « La création c’est avant tout<br />

une aventure humaine, de gens qui ont envie de travailler<br />

ensemble, explique Jean François sacco co-fondateur de<br />

Rosapark. Nous avons fondé Rosapark (en 2012, 85 salariés<br />

aujourd’hui) dans cet état d’esprit, pour nous l'agence<br />

idéale c’est une boîte où les gens sont heureux, les clients<br />

satisfaits, une entreprise qui rayonne dans son quartier.<br />

alors l’aventure est belle à vivre dans sa globalité ! ».<br />

sOPHIE sTADLER<br />

phOtOs : DR.<br />

CB NEWS . 56 . JUIN-JUILLET 2017


Cover<br />

story<br />

“ les silos permettent<br />

de protéGer les éGos. ”<br />

pour laurent habib, ancien d’havas et fondateur de l’aGence<br />

indépendante babel, la rationalisation des orGanisations des<br />

Groupes de communication ne va pas de soi.<br />

phOtO : DR.<br />

“<br />

bon courage à ceux qui ont<br />

décidé cette année de réunir<br />

leurs équipes au même<br />

endroit. Il faut beaucoup de temps<br />

pour réussir une telle fluidité »<br />

déclare Laurent Habib, président<br />

fondateur de Babel. Créée en 2012<br />

par celui qui a dirigé pendant près<br />

de quinze ans Euro RsCG C&O, la<br />

branche corporate d’havas, Babel<br />

est une agence indépendante de 200<br />

personnes qui a su attirer de grands<br />

comptes comme Aéroports de Paris,<br />

henkel ou haribo.<br />

si Laurent habib a quitté havas<br />

pour se lancer dans cette aventure,<br />

c’est justement parce qu’il ne croyait<br />

pas les groupes de publicité capable<br />

de se débarrasser des pesanteurs et<br />

des silos propres à leur mode d’organisation.<br />

« Réunir sept ou huit<br />

personnes autour d’une table en<br />

amont d’un brief, c’est coûteux en<br />

termes de temps et d’énergie. Il y a<br />

obligatoirement des affrontements<br />

de points de vue, une confrontation<br />

qui peut être épuisante », analyse le<br />

patron de Babel. Or, sans hybridation<br />

des talents, il ne peut y avoir<br />

de réponse satisfaisante aux clients<br />

estime l’auteur de « La Communication<br />

transformative et La Force<br />

de l'immatériel » (pUF). pour l’excadre<br />

d’Havas, dans l’agence du<br />

21 e siècle, le social média dialogue<br />

avec la publicité, qui elle-même se<br />

pense dans l’activation, la digitalisation<br />

est omniprésente, les rapports<br />

entre les métiers sont égalitaires.<br />

Une vision qui s’impose avec dureté<br />

aux groupes de communication,<br />

qui s’efforcent de pousser les gens<br />

à travailler ensemble, de mettre en<br />

place un P&L unique par pays et de<br />

supprimer les silos.<br />

decoupling et consultants<br />

« Mais il faut que les égos aient appris<br />

à coexister et qu’on ait trouvé des méthodologies<br />

de travail en commun.<br />

Les silos permettent de protéger les<br />

égos. Il faut avoir envie de travailler<br />

ensemble, ce qui n’est pas toujours<br />

évident dans un grand groupe »,<br />

estime Laurent Habib, pour qui c’est<br />

en revanche possible dans une structure<br />

de 200 personnes car « nous<br />

parlons très bien l’hybride, qui est la<br />

promesse de Babel : mettre en place<br />

un langage universel ».<br />

Laurent Habib avertit aussi du danger<br />

de « decoupling », soit séparer la<br />

phase de conception et d’élaboration<br />

de la stratégie de la marque, de<br />

sa réalisation. « En gros, vous avez<br />

une agence centrale qui va poser les<br />

concepts d’expression de la marque<br />

dans le monde entier, et derrière<br />

vous dispatchez la réalisation au Venezuela,<br />

à taïwan, à singapour, etc.<br />

où une petite boîte de production va<br />

effectuer le decoupling de la stratégie<br />

décidée à Los angeles ou paris »,<br />

décrit le fondateur de Babel, qui ne<br />

croit pas du tout à ce type d’organisation<br />

internationale centralisée pour<br />

la décision et décentralisée pour<br />

l’exécution.<br />

Autre menace pour les groupes de<br />

publicité : l’arrivée de nouveaux<br />

concurrents que sont les entreprises<br />

de conseil. « Elles ont compris que<br />

la communication est un enjeu majeur<br />

pour les entreprises. Du coup,<br />

les Mckinsey, les EY, les BCG arrivent<br />

sur ce marché en essayant de<br />

le comprendre, avec ses bizarreries,<br />

comme les créatifs qu’il faut bien traiter<br />

même s’ils donnent l’impression<br />

de ne pas faire grand chose de leur<br />

journée, mais tout à coup trouvent<br />

l’idée géniale », explique Laurent<br />

Habib, pour qui les groupes de communication<br />

ne sont pas préparés à<br />

affronter ces cabinets de consultants<br />

aux moyens considérables. P.C.<br />

laurent habib<br />

qui a créé Babel<br />

en juin 2012 : “ Les<br />

groupes vont<br />

souffrir. ”<br />

CB NEWS . <strong>57</strong> . JUIN-JUILLET 2017

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