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Portrait du mois<br />

“<br />

Le marché immobilier<br />

ne répond plus aux besoins<br />

des résidents<br />

”<br />

L’immobilier social<br />

S’il a fallu dix ans pour que l’AIS trouve son<br />

financement, c’est parce que personne ou<br />

presque ne croyait en une agence immobilière<br />

sociale. Remplacer l’obsession du chiffre<br />

d’affaires par le nombre de toits au-dessus de<br />

ceux qui en ont besoin n’était pas uniquement<br />

une redéfinition de la notion de profit,<br />

c’était aussi un changement profond de paradigme.<br />

Certains considèrent que l’immobilier<br />

social est un oxymore utopique mais «combien<br />

de réalités ont d’abord été des utopies»?<br />

Il se souvient de l’époque où muni de son<br />

ordinateur portable, il était l’unique employé<br />

de l’AIS: «démarrer de zéro était difficile mais<br />

c’était également une chance de pouvoir<br />

tout créer». L’agence compte aujourd’hui<br />

27 employés qui œuvrent quotidiennement à<br />

faire de l’inclusion sociale par le logement:<br />

«140 familles ont déjà quitté les 400 logements<br />

dont dispose l’agence et 10% d’entre<br />

eux sont même devenus des propriétaires»,<br />

explique le directeur non sans fierté.<br />

Ces logements sociaux sont autant de stabilités<br />

temporaires sur lesquelles les familles en<br />

difficultés ont pu prendre l’élan qui les a<br />

menées vers de meilleurs avenirs.<br />

La Bête humaine<br />

En appliquant la sociologie urbaine à notre<br />

pays, il est possible de considérer la capitale<br />

comme un grand centre-ville. Les quartiers<br />

autrefois modestes, attirent désormais les<br />

jeunes hauts-profils des secteurs financier et<br />

informatique qui désirent s’installer au plus<br />

près de leur travail et des lieux de festivités.<br />

Ils déboursent un cinquième de leur salaire<br />

pour de petits appartements, occupés<br />

jusqu’alors par des familles qui y consacraient<br />

la moitié de leur budget. Dès lors, ces<br />

familles quittent le centre-ville pour la périphérie<br />

que sont nos villages. Les plus modestes<br />

d’entre-elles n’ont d’autre choix que de<br />

s’expatrier pour la banlieue, en traversant les<br />

frontières. «En repoussant le problème du<br />

mal logement toujours plus loin, la bulle ne<br />

fait que grossir et la question de son explosion<br />

se pose inévitablement». La sacro-sainte<br />

augmentation de l’offre n’est qu’une solution<br />

chimérique si on ne se pose pas la question<br />

de la demande.<br />

Quel visage pour un Luxembourg à un<br />

million d’habitants? Sera-t-il uniquement<br />

composé de fonctionnaires et de hautsprofils<br />

venus de l’étranger? Où ira se loger la<br />

croissance démographique garante des salaires<br />

de la fonction publique et de nos retraites?<br />

«En Autriche, les logements sociaux représentent<br />

24% du parc immobilier, ce qui agit<br />

véritablement sur la baisse mais au<br />

Luxembourg il ne représente que 2%». L’Etat<br />

ne dispose pas suffisamment de terrains qui<br />

sont la propriété d’investisseurs privés qui les<br />

utilisent comme des produits financiers. Pis,<br />

certains achètent des logements pour les<br />

garder vides, ils profitent de la garantie<br />

décennale, de l’amortissement accéléré,<br />

d’avantages fiscaux, ils déclarent même une<br />

perte de loyer et revendent le bien après dix<br />

ans en première occupation. Le résultat est<br />

une augmentation folle des prix.<br />

Le marché immobilier ne répond plus aux<br />

besoins des résidents et il en va de l’intérêt<br />

général de le sortir de la jungle libérale; Gilles<br />

Hempel milite pour «une législation qui<br />

encadre véritablement le secteur».<br />

N’en déplaise aux populistes, le vrai danger<br />

du vivre ensemble ce n’est pas la langue<br />

luxembourgeoise mais la misère invisible<br />

du logement qui s’invite à la table des abondances.<br />

JuB<br />

98<br />

<strong>LG</strong> - Avril 2017

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