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LG 195

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Economie & finance<br />

Être cadre supérieur au<br />

Luxembourg: un statut à part?<br />

Salarié classique ou cadre supérieur, ces deux types d’emploi ne sont pas protégés de<br />

la même façon par les mécanismes du droit. Il vaut donc mieux savoir à quelle catégorie<br />

on appartient, dans le cas d’un licenciement abusif par exemple. David Giabbani, avocat<br />

àla Cour et spécialiste des matières de droit du travail nous fait par des distinctions<br />

fondamentales entre ces statuts distincts, aux nuances parfois complexes.<br />

Quelle définition peut-on donner du<br />

cadre supérieur?<br />

Aux termes de l’article L.162-8(3), sont considérés<br />

comme cadres supérieurs, les salariés<br />

disposant d’un salaire nettement plus élevé<br />

que celui des salariés couverts par la convention<br />

collective, tenant compte du temps<br />

nécessaire à l’accomplissement des fonctions,<br />

si ce salaire est la contrepartie de l’exercice<br />

d’un véritable pouvoir de direction effectif ou<br />

dont la naturedes tâches comporte une autorité<br />

bien définie, une large indépendance dans<br />

l’organisation du travail et une large liberté<br />

des horaires du travail et notamment l’absence<br />

de contrainte dans les horaires.<br />

Cette définition est la résultante de la définition<br />

juridique dégagée par la jurisprudence<br />

au fil des années.<br />

Quelle distinction opérer entre un<br />

cadre supérieur et un salarié normal?<br />

Les cadres supérieurs sont en principe exclus<br />

du champ d’application des conventions collectives<br />

de travail. Exit donc certains avantages<br />

comme le paiement du 13 e<br />

mois (bien<br />

que rien n’interdit l’employeur de le lui verser),<br />

le paiement des primes de conjoncture<br />

et celui des primes d’ancienneté. Surtout, ils<br />

ne bénéficient pas du paiement des heures<br />

supplémentaires prestées. Pour schématiser,<br />

le cadre supérieur est étranger à la réglementation<br />

du droit du travail sur les questions<br />

relatives à la durée (dont le travail du<br />

dimanche). C’est ce qui d’ailleurs donne lieu<br />

àl’essentiel du contentieux devant les juges.<br />

Par exemple, un salarié est licencié, il décide<br />

d’agir pour licenciement abusif et demande en<br />

plus de la réparation matérielle et morale de<br />

son préjudice, le paiement d’heures supplémentaires<br />

dont il estime ne pas avoir été payé.<br />

Acet instant peut se jouer devant le juge une<br />

bataille intellectuelle consistant pour une<br />

partie (le salarié) à dire qu’il n’est pas cadre<br />

supérieur et pour l’autre (l’employeur) à<br />

avancer qu’il l’est.<br />

C’est une bataille d’arguments et d’analyse<br />

des faits pour le juge qui n’est lié par la signature<br />

d’aucun contrat qui plaiderait en faveur<br />

de telle ou telle thèse. Ce qui importe pour le<br />

juge, c’est la réalité factuelle de l’exercice du<br />

travail presté effectivement par le salarié.<br />

Quels sont les faisceaux d’indices auxquels<br />

s’attachent les juges pour révéler<br />

la qualité de cadre supérieur?<br />

C’est déjà et principalement la signature<br />

d’un contrat portant la mention de «cadre<br />

supérieur». Mais comme je l’ai souligné, ce<br />

critère n’est pas suffisant. Le juge ne se<br />

contente pas de ce que les parties ont<br />

convenu de mettre sur le papier.<br />

Le juge va en effet vérifier si le salarié bénéficie<br />

d’une rémunération dite «nettement<br />

plus élevée». On procède alors par comparaison<br />

avec la rémunération moyenne que<br />

touchent les salariés conventionnés d’une<br />

ancienneté plus ou moins équivalente. Il faut<br />

en général se situer au-delà de 10% pour<br />

parler de rémunération nettement plus élevée<br />

et ainsi entrer dans le champ d’application<br />

du salarié-cadre supérieur.<br />

Il faut ensuite que le salarié bénéficie d’un<br />

véritable pouvoir de direction effectif ou<br />

d’une autorité bien définie. L’employeur est<br />

alors bien conseillé de fournir un organigramme<br />

permettant de mettre en avant la<br />

qualité supérieure de la fonction occupée par<br />

l’employé. La production du «job description»<br />

peut s’avérer également très utile.<br />

Acela s’ajoute le critère d’indépendance et<br />

d’autonomie dans la gestion de sa tâche par<br />

le cadre supérieur. C’est par exemple la possibilité<br />

pour le salarié de gérer son temps de<br />

travail librement sans contrainte des horaires<br />

habituellement fixées pour les autres salariés.<br />

La jurisprudence retient également d’autres<br />

critères tels que la mise à disposition d’un<br />

smartphone et d’un véhicule de fonction.<br />

Par contre, et cela a été souligné récemment<br />

par la jurisprudence dans un arrêt du 28 avril<br />

2016, l’argument suivant lequel le salarié n’a<br />

pas d’autres salariés sous ses ordres n’est pas<br />

pertinent, dans la mesure où il a été décidé<br />

«qu’un salarié peut être en application de<br />

l’article susvisé du code du travail cadre supérieur,<br />

sans qu’il dirige une équipe déterminée».<br />

(Cour d’appel, 19 avril 2007, 30833).<br />

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<strong>LG</strong> - Février 2017

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