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Economie & finance<br />
Être cadre supérieur au<br />
Luxembourg: un statut à part?<br />
Salarié classique ou cadre supérieur, ces deux types d’emploi ne sont pas protégés de<br />
la même façon par les mécanismes du droit. Il vaut donc mieux savoir à quelle catégorie<br />
on appartient, dans le cas d’un licenciement abusif par exemple. David Giabbani, avocat<br />
àla Cour et spécialiste des matières de droit du travail nous fait par des distinctions<br />
fondamentales entre ces statuts distincts, aux nuances parfois complexes.<br />
Quelle définition peut-on donner du<br />
cadre supérieur?<br />
Aux termes de l’article L.162-8(3), sont considérés<br />
comme cadres supérieurs, les salariés<br />
disposant d’un salaire nettement plus élevé<br />
que celui des salariés couverts par la convention<br />
collective, tenant compte du temps<br />
nécessaire à l’accomplissement des fonctions,<br />
si ce salaire est la contrepartie de l’exercice<br />
d’un véritable pouvoir de direction effectif ou<br />
dont la naturedes tâches comporte une autorité<br />
bien définie, une large indépendance dans<br />
l’organisation du travail et une large liberté<br />
des horaires du travail et notamment l’absence<br />
de contrainte dans les horaires.<br />
Cette définition est la résultante de la définition<br />
juridique dégagée par la jurisprudence<br />
au fil des années.<br />
Quelle distinction opérer entre un<br />
cadre supérieur et un salarié normal?<br />
Les cadres supérieurs sont en principe exclus<br />
du champ d’application des conventions collectives<br />
de travail. Exit donc certains avantages<br />
comme le paiement du 13 e<br />
mois (bien<br />
que rien n’interdit l’employeur de le lui verser),<br />
le paiement des primes de conjoncture<br />
et celui des primes d’ancienneté. Surtout, ils<br />
ne bénéficient pas du paiement des heures<br />
supplémentaires prestées. Pour schématiser,<br />
le cadre supérieur est étranger à la réglementation<br />
du droit du travail sur les questions<br />
relatives à la durée (dont le travail du<br />
dimanche). C’est ce qui d’ailleurs donne lieu<br />
àl’essentiel du contentieux devant les juges.<br />
Par exemple, un salarié est licencié, il décide<br />
d’agir pour licenciement abusif et demande en<br />
plus de la réparation matérielle et morale de<br />
son préjudice, le paiement d’heures supplémentaires<br />
dont il estime ne pas avoir été payé.<br />
Acet instant peut se jouer devant le juge une<br />
bataille intellectuelle consistant pour une<br />
partie (le salarié) à dire qu’il n’est pas cadre<br />
supérieur et pour l’autre (l’employeur) à<br />
avancer qu’il l’est.<br />
C’est une bataille d’arguments et d’analyse<br />
des faits pour le juge qui n’est lié par la signature<br />
d’aucun contrat qui plaiderait en faveur<br />
de telle ou telle thèse. Ce qui importe pour le<br />
juge, c’est la réalité factuelle de l’exercice du<br />
travail presté effectivement par le salarié.<br />
Quels sont les faisceaux d’indices auxquels<br />
s’attachent les juges pour révéler<br />
la qualité de cadre supérieur?<br />
C’est déjà et principalement la signature<br />
d’un contrat portant la mention de «cadre<br />
supérieur». Mais comme je l’ai souligné, ce<br />
critère n’est pas suffisant. Le juge ne se<br />
contente pas de ce que les parties ont<br />
convenu de mettre sur le papier.<br />
Le juge va en effet vérifier si le salarié bénéficie<br />
d’une rémunération dite «nettement<br />
plus élevée». On procède alors par comparaison<br />
avec la rémunération moyenne que<br />
touchent les salariés conventionnés d’une<br />
ancienneté plus ou moins équivalente. Il faut<br />
en général se situer au-delà de 10% pour<br />
parler de rémunération nettement plus élevée<br />
et ainsi entrer dans le champ d’application<br />
du salarié-cadre supérieur.<br />
Il faut ensuite que le salarié bénéficie d’un<br />
véritable pouvoir de direction effectif ou<br />
d’une autorité bien définie. L’employeur est<br />
alors bien conseillé de fournir un organigramme<br />
permettant de mettre en avant la<br />
qualité supérieure de la fonction occupée par<br />
l’employé. La production du «job description»<br />
peut s’avérer également très utile.<br />
Acela s’ajoute le critère d’indépendance et<br />
d’autonomie dans la gestion de sa tâche par<br />
le cadre supérieur. C’est par exemple la possibilité<br />
pour le salarié de gérer son temps de<br />
travail librement sans contrainte des horaires<br />
habituellement fixées pour les autres salariés.<br />
La jurisprudence retient également d’autres<br />
critères tels que la mise à disposition d’un<br />
smartphone et d’un véhicule de fonction.<br />
Par contre, et cela a été souligné récemment<br />
par la jurisprudence dans un arrêt du 28 avril<br />
2016, l’argument suivant lequel le salarié n’a<br />
pas d’autres salariés sous ses ordres n’est pas<br />
pertinent, dans la mesure où il a été décidé<br />
«qu’un salarié peut être en application de<br />
l’article susvisé du code du travail cadre supérieur,<br />
sans qu’il dirige une équipe déterminée».<br />
(Cour d’appel, 19 avril 2007, 30833).<br />
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<strong>LG</strong> - Février 2017