Un réservoir à pensées (Octobre 2016)

L’année 2016, c’est un euphémisme, ne fut pas glorieuse. Pire taux de croissance depuis 1999, des investissements en berne et, plus généralement, une perte de confiance des opérateurs, qui compromet la dynamique générale de l’Economie. Pis, le modèle de développement même, sur lequel repose le Maroc depuis quinze ans, a été enterré par la patronne des patrons Miriem Bensalah herself. Face à ce constat, et à quelques jours des élections législatives, EE a décidé de mettre les cerveaux économiques les plus brillants du royaume à contribution pour trouver un remède au mal. Notre appel à l’écosystème des affaires a tout de suite fait mouche, au point où, submergés par l’afflux de propositions, nous avons dû procéder à une sélection pour ne garder que celles que nous avons jugées les plus pertinentes. Toujours est-il que parmi ces «100 idées pour relancer le Maroc», plusieurs pistes de redressement seraient immédiatement applicables par le gouvernement, si tant est qu’il se forme enfin (sic). L’année 2016, c’est un euphémisme, ne fut pas glorieuse. Pire taux de croissance depuis 1999, des investissements en berne et, plus généralement, une perte de confiance des opérateurs, qui compromet la dynamique générale de l’Economie. Pis, le modèle de développement même, sur lequel repose le Maroc depuis quinze ans, a été enterré par la patronne des patrons Miriem Bensalah herself. Face à ce constat, et à quelques jours des élections législatives, EE a décidé de mettre les cerveaux économiques les plus brillants du royaume à contribution pour trouver un remède au mal. Notre appel à l’écosystème des affaires a tout de suite fait mouche, au point où, submergés par l’afflux de propositions, nous avons dû procéder à une sélection pour ne garder que celles que nous avons jugées les plus pertinentes. Toujours est-il que parmi ces «100 idées pour relancer le Maroc», plusieurs pistes de redressement seraient immédiatement applicables par le gouvernement, si tant est qu’il se forme enfin (sic).

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Enquête à son actif 59 travaux d’analyse, parmi lesquelles 35 études économiques et sectorielles, réalisés pour son client numéro un en Afrique». Et selon un dossier préparé par notre confrère Yabiladi.com, sur un total de chiffre d’affaires de 700 à un milliards de dirhams annuel du secteur du conseil en stratégie et en organisation au Maroc, les deux tiers sont l’apanage de l’Etat. Le recours systématique à des organes externes serait arrivé à tel point où dans certains cas ce sont les représentants de ces cabinets qui présentent au public les stratégies nationales qu’ils élaborent au lieu et place des responsables publiques de tutelle qui devraient être leur porteur et les responsables de leurs mise en place en dernier ressort. Cette externalisation de la réflexion et de la décision souvent à des étrangers ferait-elle perdre au Maroc le sens de ses réalités? C’est du moins ce qui semble ressortir de la faiblesse des rendements relatifs de l’économie marocaine des 20 dernières années avec sa multitude de plans sectoriels et ses 55 Accords de libres échanges. Ce qui pousse Raymond Benhaim à souligner: «L’intensité des choix et des réalisations économiques des deux dernières décennies impose une évaluation concertée des plans sectoriels. Et optimiser et élargir les résultats positifs des évaluations de ces plans par la diffusion de leur raccordement». Abdellatif L’externalisation de la réflexion à des étrangers ferait perdre au Maroc le sens des réalités Jouahri pousse le bouchon encore plus loin lors de la conférence de la TGR en insistant sur le fait de revenir à «une planification stratégique de l’économie dans son ensemble, même les USA le font…». Une recommandation réitéré par Mohamed Bastaoui, président de la deuxième chambre de la Cour des comptes pour qui il faut «une révision des politiques sectorielles lancées jusqu’à aujourd’hui, associée à une planification stratégique sur les 10-15 années à venir». Dans le même sens, Brahim Benjelloune Touimi, directeur général de BMCE Bank, propose même la création d’une instance d’évaluation dépendant du Conseil économique, social et environnemental chargée de la consolidation et de l’évaluation des divers plans sectoriels, une «Instance d’évaluation des actions et stratégies de développement coordonnées pour l’emploi». Justice et gouvernance A cette faiblesse de la planification stratégique et de suivi et évaluation des politiques publiques s’ajoute un autre point noir de l’économie qui est en lien avec le Jouahri insiste sur le retour à «une planification stratégique de l’économie dans son ensemble, à l’instar des USA». cadre de la gouvernance et l’indépendance et l’efficience de la justice. «Comment peut-on investir lorsqu’une simple autorisation moisit dans les tiroirs pendant plus de six mois?» relève Youssef Douieb, directeur général adjoint de l’assureur crédit Euler Hermes. Une question rhétorique qui revient souvent dans la bouche de nos interlocuteurs. «Les lourdeurs administratives ne sont pas de nature à fluidifier l’économie et beaucoup trop d’investisseurs et de porteurs de projets en souffrent», résume pour sa part Khalid Ayouch, directeur général d’Inforisk. De dépit ou de rage, nombreux sont ceux qui ont soulevé le problème de la bureaucratie et de la justice pour expliquer l’atonie économique ambiante. Des questions plus largement liées à la gouvernance et à la qualité des institutions qui fait que l’investissement, l’emploi et la boucle économique ne suivent pas des courbes vertueuses. Fouad Abdelmoumni, économiste et secrétaire général de Transparency Maroc, ne préconise pas seulement une simplification et une dématérialisation croissante des procédures, comme beaucoup d’autres l’ont fait, mais surtout «que le prochain gouvernement prenne des mesures pour interdire les interférences sur les décisions des organes de contrôle et de justice». La rente et la prébende constituent donc encore un des freins à la croissance économique et se substitue souvent à la création de richesse et de valeur soutenable sur le long terme. Cela alors même que le gouvernement sortant en a fait une de ses priorité majeures (sur le papier du moins) mais qui reste un phénomène prégnant du monde des affaires comme semble l’affirmer Taieb Aisse, président d’Amal Entreprise. «Il est crucial de revoir l’architecture d’un système économique largement basé sur la rente et non sur la libre concurrence. Cette économie de rente est rendue possible grâce à la complexité du système administratif qui détériore sérieusement notre environnement des affaires», 34 EconomieEntreprises Octobre 2016

Enquête<br />

<strong>à</strong> son actif 59 travaux d’analyse,<br />

parmi lesquelles 35<br />

études économiques et<br />

sectorielles, réalisés pour<br />

son client numéro un en<br />

Afrique». Et selon un dossier<br />

préparé par notre confrère<br />

Yabiladi.com, sur un total de<br />

chiffre d’affaires de 700 <strong>à</strong> un<br />

milliards de dirhams annuel<br />

du secteur du conseil en<br />

stratégie et en organisation<br />

au Maroc, les deux tiers sont<br />

l’apanage de l’Etat. Le recours<br />

systématique <strong>à</strong> des organes<br />

externes serait arrivé <strong>à</strong><br />

tel point où dans certains cas<br />

ce sont les représentants de<br />

ces cabinets qui présentent<br />

au public les stratégies nationales<br />

qu’ils élaborent au lieu<br />

et place des responsables<br />

publiques de tutelle qui devraient<br />

être leur porteur et<br />

les responsables de leurs<br />

mise en place en dernier<br />

ressort. Cette externalisation<br />

de la réflexion et de la décision<br />

souvent <strong>à</strong> des étrangers<br />

ferait-elle perdre au Maroc le<br />

sens de ses réalités? C’est du<br />

moins ce qui semble ressortir<br />

de la faiblesse des rendements<br />

relatifs de l’économie<br />

marocaine des 20 dernières<br />

années avec sa multitude de<br />

plans sectoriels et ses 55 Accords<br />

de libres échanges. Ce<br />

qui pousse Raymond Benhaim<br />

<strong>à</strong> souligner: «L’intensité<br />

des choix et des réalisations<br />

économiques des deux dernières<br />

décennies impose une<br />

évaluation concertée des<br />

plans sectoriels. Et optimiser<br />

et élargir les résultats positifs<br />

des évaluations de ces<br />

plans par la diffusion de leur<br />

raccordement». Abdellatif<br />

L’externalisation de<br />

la réflexion <strong>à</strong> des<br />

étrangers ferait perdre<br />

au Maroc le sens des<br />

réalités<br />

Jouahri pousse le bouchon<br />

encore plus loin lors de la<br />

conférence de la TGR en insistant<br />

sur le fait de revenir<br />

<strong>à</strong> «une planification stratégique<br />

de l’économie dans<br />

son ensemble, même les<br />

USA le font…». <strong>Un</strong>e recommandation<br />

réitéré par Mohamed<br />

Bastaoui, président<br />

de la deuxième chambre de<br />

la Cour des comptes pour<br />

qui il faut «une révision<br />

des politiques sectorielles<br />

lancées jusqu’<strong>à</strong> aujourd’hui,<br />

associée <strong>à</strong> une planification<br />

stratégique sur les 10-15 années<br />

<strong>à</strong> venir». Dans le même<br />

sens, Brahim Benjelloune<br />

Touimi, directeur général de<br />

BMCE Bank, propose même<br />

la création d’une instance<br />

d’évaluation dépendant du<br />

Conseil économique, social<br />

et environnemental chargée<br />

de la consolidation et de<br />

l’évaluation des divers plans<br />

sectoriels, une «Instance<br />

d’évaluation des actions et<br />

stratégies de développement<br />

coordonnées pour l’emploi».<br />

Justice et<br />

gouvernance<br />

A cette faiblesse de la planification<br />

stratégique et de<br />

suivi et évaluation des politiques<br />

publiques s’ajoute un<br />

autre point noir de l’économie<br />

qui est en lien avec le<br />

Jouahri insiste sur le retour <strong>à</strong> «une planification stratégique de<br />

l’économie dans son ensemble, <strong>à</strong> l’instar des USA».<br />

cadre de la gouvernance et<br />

l’indépendance et l’efficience<br />

de la justice. «Comment<br />

peut-on investir lorsqu’une<br />

simple autorisation moisit<br />

dans les tiroirs pendant plus<br />

de six mois?» relève Youssef<br />

Douieb, directeur général<br />

adjoint de l’assureur crédit<br />

Euler Hermes. <strong>Un</strong>e question<br />

rhétorique qui revient<br />

souvent dans la bouche de<br />

nos interlocuteurs. «Les lourdeurs<br />

administratives ne<br />

sont pas de nature <strong>à</strong> fluidifier<br />

l’économie et beaucoup<br />

trop d’investisseurs et<br />

de porteurs de projets en<br />

souffrent», résume pour sa<br />

part Khalid Ayouch, directeur<br />

général d’Inforisk. De<br />

dépit ou de rage, nombreux<br />

sont ceux qui ont soulevé le<br />

problème de la bureaucratie<br />

et de la justice pour expliquer<br />

l’atonie économique<br />

ambiante. Des questions<br />

plus largement liées <strong>à</strong> la<br />

gouvernance et <strong>à</strong> la qualité<br />

des institutions qui fait que<br />

l’investissement, l’emploi et<br />

la boucle économique ne<br />

suivent pas des courbes vertueuses.<br />

Fouad Abdelmoumni,<br />

économiste et secrétaire<br />

général de Transparency<br />

Maroc, ne préconise pas<br />

seulement une simplification<br />

et une dématérialisation<br />

croissante des procédures,<br />

comme beaucoup d’autres<br />

l’ont fait, mais surtout «que<br />

le prochain gouvernement<br />

prenne des mesures pour<br />

interdire les interférences<br />

sur les décisions des organes<br />

de contrôle et de justice». La<br />

rente et la prébende constituent<br />

donc encore un des<br />

freins <strong>à</strong> la croissance économique<br />

et se substitue souvent<br />

<strong>à</strong> la création de richesse<br />

et de valeur soutenable sur<br />

le long terme. Cela alors<br />

même que le gouvernement<br />

sortant en a fait une de ses<br />

priorité majeures (sur le papier<br />

du moins) mais qui reste<br />

un phénomène prégnant du<br />

monde des affaires comme<br />

semble l’affirmer Taieb Aisse,<br />

président d’Amal Entreprise.<br />

«Il est crucial de revoir l’architecture<br />

d’un système économique<br />

largement basé sur<br />

la rente et non sur la libre<br />

concurrence. Cette économie<br />

de rente est rendue possible<br />

grâce <strong>à</strong> la complexité<br />

du système administratif qui<br />

détériore sérieusement notre<br />

environnement des affaires»,<br />

34 EconomieEntreprises <strong>Octobre</strong> <strong>2016</strong>

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