Un réservoir à pensées (Octobre 2016)

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EXPRESSO Enquête Réformer la justice et le code du travail pour rendre le pays plus attractif Relancer l’investissement, seul moyen de booster l’emploi Instaurer un contrôle rigoureux des plans d’investissements Former aux «soft skills» et à l’apprentissage des langues Revoir l’architecture d’un système économique largement basé sur la rente Neila Tazi Vice-présidente CGEM Notre économie décollera lorsqu’on parviendra à se transformer en modèle de société mobilisée, engagée, basée sur l’optimisme, la solidarité, le patriotisme économique, la méritocratie, le pragmatisme et l’honnêteté. La société marocaine a besoin de plus d’initiatives individuelles, de créations d’entreprises et de modèles de réussite inspirants pour la jeunesse. Il faudrait une loi programme pour accompagner et développer l’entrepreneuriat et ouvrir les voies de l’excellence dans la formation professionnelle en créant dans les régions de véritables campus des métiers. Saloua K. Belkeziz PDG GFI et présidente APEBI Les mesures habituelles pour la relance sont d’ordre budgétaire, réglementaire ou monétaire. En voici quelques propositions: Les lois de finances prévoient un budget d’investissement convenable qui n’est souvent réalisé qu’à 60%. Ne faut-il pas instaurer un contrôle rigoureux et permanent (trimestriel) des plans d’investissements. Et pour les projets engagés, instaurer un délai de dépassement maximum, par rapport au délai prévu sur les marchés, faute de quoi des sanctions sont à prévoir de part et d’autre selon la responsabilité. Cela améliorerait substantiellement la compétitivité des entreprises et l’efficacité des dministrations. Quelques mesures fiscales comme la baisse du taux de TVA pour les produits fabriqués localement ou l’harmonisation de l’IS avec le niveau européen (28%) concomitante avec le renforcement du niveau de sécurité peut augmenter les IDE et la production intérieure. Une série de mesures tangibles pour améliorer le taux d’activité des femmes améliorerait l’offre en ressources humaines compétentes et donc la productivité du pays. L’effort de digitalisation continu structurerait l’environnement économique, ce qui contribuerait à rationaliser les dépenses publics, réduire la corruption, etc. Youssef Chraibi Président Outsourcia Tout le monde semble partager le constat sur la faillite du système de l’éducation nationale. On sait aussi que la refonte qui a été initiée sous ce gouvernement, si elle fonctionne, ne sera de toute façon perceptible que sur du très long terme. Que fait-on entre temps pour améliorer l’employabilité de tous les jeunes qui arrivent sur le marché du travail avec souvent de bonnes capacités techniques mais un niveau de communication chaotique? A l’instar du modèle indien, par exemple, il me paraît urgent de mettre en place, de nouvelles formations gratuites dans toutes les régions, spécialisées uniquement dans les «soft skills» et l’apprentissage des langues, destinées exclusivement aux diplômés chômeurs. On arriverait ainsi à créer de nombreux emplois dans tous les secteurs qui ont besoin de ressources qualifiées, notamment en termes de savoir-faire. Omar Belmamoun PDG Platinum Power Je pense qu’il faudrait de toute urgence établir une interconnexion électrique entre le Maroc et la Mauritanie. C’est le jalon qui manque afin que le royaume devienne exportateur d’énergie électrique vers l’Afrique de l’Ouest. Il faut savoir que la Mauritanie est connectée au WAPT (West Africa Power Tool), un système d’échange qui couvre 14 des 15 pays de la CEDEAO. Il est constitué de sociétés privées et publiques de transport et de distribution d’électricité. Faire partie de ce réseau nous permettrait de diversifier nos marchés dans une logique de développement sud-sud. L’interconnexion avec la Mauritanie n’exige pas beaucoup de moyens. Le réseau arrivera à Dakhla en 2018 grâce à une décision royale. Dix-huit kilomètres seulement séparent Dakhla à Nouadhibou. L’extension du réseau ne nécessiterait par conséquent que quelques millions de dirhams. Qu’attendons-nous pour le faire? Ali Serhani Directeur associé Gesper Services La première des mesures phares reste l’emploi. Le gouvernement doit trouver des solutions très incitatives pour permettre aux entreprises d’embaucher, telles qu’offrir des facilités fiscales extraordinaires, rendre le CDD renouvelable plus de deux fois, accorder une exonération totale d’impôts en cas de recrutement de personnes handicapées, mise en application de la loi sur la grève et enfin veiller à avoir une excellente sécurité juridique des investissements, etc. La deuxième mesure phare consiste dans le contrôle de la masse salariale de l’Etat. Oui pour embaucher mais à la condi- 56 EconomieEntreprises Octobre 2016
Enquête tion qu’il faut recruter les personnes adéquates aux postes adéquats et avec les salaires adéquats. Taïb Aisse Président Amal Entreprise Je vois plusieurs problématiques à cerner. Néanmoins, il faut tout axer sur la création d’emplois. Pour cela, il est crucial de revoir l’architecture d’un système économique largement basé sur la rente et non sur la libre concurrence. Cette économie de rente est rendue possible grâce à la complexité du système administratif qui détériore sérieusement notre environnement. Tout ou presque est subordonné à des procédures, des autorisations et j’en passe. Cela confère un pouvoir énorme à la bureaucratie et ce, au détriment des entreprises. Il faut donc moderniser l’administration, la sortir de sa démarche sécuritaire actuelle et l’orienter vers l’essor économique. La décentralisation et la révision des procédures au niveau des communes sont, dans ce sens, un point déterminant. Encore faut-il qu’une réelle volonté politique soit au rendez-vous ! Mohammed Hdid Président Comission fiscale CGEM Ma priorité serait de relancer l’investissement, seul moyen de booster l’emploi. Les opérateurs doivent se sentir en confiance. Pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui a été fait sous le mandat Jettou, période où l’Etat s’engageait dans des projets d’investissement substantiels créant une dynamique positive à laquelle les acteurs du privé avaient aussitôt emboîté le pas. Mais rien de cela ne sera possible sans l’allègement du mammouth administratif, véritable entrave à la croissance et à la libération des énergies productives. Dire cela peut paraître une banalité, mais c’est une banalité dont on ne peut passer outre. «Il faudrait une loi programme pour accompagner et développer l’entrepreneuriat» Kamil Benjelloun PDG de CBI C’est une proposition que j’avais déjà faite à la CGEM il y a de cela quelques années et qui est la suivante: Il faudrait, à mon sens, scinder le code du travail actuel en deux codes distincts. Le premier serait destiné aux petits salaires, allant du SMIC jusqu’à une rémunération de 9.000 dhs/ mois et reprendrait le code actuel dans ses grandes lignes, avec pour objectif essentiel de protéger fortement l’employé en cas de rupture de contrat. La deuxième mouture serait, elle, réservée aux gros salaires. Car il n’est pas concevable qu’un responsable touchant dans les 30.000 dirhams par mois, se démobilise au bout de quatre ans de travail, déséquilibre le bon fonctionnement d’une entreprise, et croise les bras en attendant qu’on le licencie moyennant des indemnités de 4 millions de dirhams. Débourser ce genre de montant peut s’avérer suicidaire pour l’entreprise. Il est grand temps de remédier à cette aberration. Tarafa Marouane PDG SOMED L’économie marocaine souffre de faiblesses structurelles connues de tous et qui vont s’accentuer compte tenu des incertitudes économiques mondiales. La politique monétaire, à elle seule, ne peut engendrer de reprise. Il est nécessaire de réformer la justice et le code du travail pour rendre le pays attractif aux investisseurs de premier plan. L’éducation doit être érigée en priorité nationale avec des mesures effectives. L’administration doit se contenir uniquement à son rôle de régulateur et bien veiller à la répartition des richesses. La politique budgétaire doit soutenir la consommation des ménages et l’investissement, la fiscalité doit être optimisée pour les entreprises industrielles, car l’avantage donné à l’immobilier a fini par détruire le peu d’industrie qui existait. Les PME doivent être soutenues et accompagnées pour maîtriser les innovations technologiques, car elles sont le véritable moteur de croissance. 57 EconomieEntreprises Octobre 2016
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