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MILOUD CHAÂBI L’INDOMPTABLEEE n 192

Avec le décès de Miloud Chaâbi, c’est un long chapitre de l’histoire du capitalisme national qui se tourne. EE a voulu rendre hommage à ce chef d’entreprise exceptionnel qui, sauvé d’une vie d’anonymat par un coup du sort, aura, par la force d’une audace surhumaine, su se hisser au firmament du monde des affaires, dominé par les grandes familles fassies, symboles d’une aristocratie de sang. Chaâbi aura été le démenti vivant d’un système de reproduction des élites qui, aujourd’hui encore, paralyse les velléités de promotion sociale du marocain moyen. Mais l’ascension de ce «roturier» n’a jamais été du goût du Makhzen, qui lui a tourné le dos jusqu’à la fin de ses jours. EE révèle qu’au crépuscule de sa vie, Chaâbi a tendu la main au Palais, par le biais d’un courrier…resté lettre morte.

Avec le décès de Miloud Chaâbi, c’est un long chapitre de l’histoire du capitalisme national qui se tourne. EE a voulu rendre hommage à ce chef d’entreprise exceptionnel qui, sauvé d’une vie d’anonymat par un coup du sort, aura, par la force d’une audace surhumaine, su se hisser au firmament du monde des affaires, dominé par les grandes familles fassies, symboles d’une aristocratie de sang. Chaâbi aura été le démenti vivant d’un système de reproduction des élites qui, aujourd’hui encore, paralyse les velléités de promotion sociale du marocain moyen. Mais l’ascension de ce «roturier» n’a jamais été du goût du Makhzen, qui lui a tourné le dos jusqu’à la fin de ses jours. EE révèle qu’au crépuscule de sa vie, Chaâbi a tendu la main au Palais, par le biais d’un courrier…resté lettre morte.

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Entreprises<br />

Avec la mort de Chaâbi, c’est<br />

une idée égalitaire de la<br />

réussite qui disparaît<br />

alors que les avocats de Fives décident<br />

de vendre le «bébé» de L’haj, Asswak<br />

Assalam, aux enchères afin de récupérer<br />

le montant du litige. Seulement,<br />

des rumeurs de redressement fiscal<br />

découragent les acheteurs potentiels,<br />

et seules 40.000 actions seront cédées<br />

pour une transaction de 2,92 millions<br />

de dirhams, soit 1% du capital<br />

du supermarché. Le répit n’est que<br />

de courte durée car, quelques mois<br />

plus tard, patatras, une autre affaire<br />

du même, acabit éclate. Ynna Steel,<br />

filiale du groupe, est condamnée par<br />

la Cour d’arbitrage de Genève à payer<br />

la somme de 26 millions de dirhams<br />

à Bascotecnia, entreprise espagnole<br />

sollicitée en 2006 pour la construction<br />

et l’équipement d’une unité de laminage<br />

à froid servant à la production de<br />

bobines d’acier. Encore une fois, l’haj<br />

fait le dos rond mais ces deux crises<br />

qui s’enchaînent laissent des traces<br />

indélébiles sur le patriarche et le profil<br />

de son empire. D’autant qu’on dit son<br />

groupe très endetté.<br />

Ci-gît le rêve marocain<br />

Self made man forgé par la dureté<br />

d’une jeunesse démunie, on lui<br />

reproche d’être un patron très impliqué<br />

et très peu enclin à la délégation.<br />

Certes, ses sept enfants sont très<br />

impliqués dans la gestion du groupe,<br />

l’haj ayant confié à chacun d’eux la<br />

responsabilité de la conduite d’un pôle<br />

d’activité, mais ses reflexes enracinés<br />

de patron omniprésent ne donnent<br />

aucun signe d’épuisement.<br />

Sauvé d’une vie d’anonymat par<br />

un coup du sort, il aura, par la force<br />

d’une audace surhumaine, su se hisser<br />

au firmament du capitalisme marocain,<br />

dominé par les grandes familles<br />

fassies, symboles d’une aristocratie<br />

de sang. Il aura été le démenti vivant<br />

d’un système de reproduction des<br />

élites qui, aujourd’hui encore, paralyse<br />

les velléités d’ascension sociale du<br />

Marocain moyen. Et c’est peut-être de<br />

là d’où vient sa forte notoriété. Combien<br />

de Miloud Chaâbi sont nés dans<br />

son sillage, combien de Marocains de<br />

condition modeste ont percé en l’absence<br />

d’un relationnel influent ou d’un<br />

coup de pouce familial? Si peu. Avec<br />

la disparition de Chaâbi, c’est une idée<br />

égalitaire de la réussite qui disparaît.<br />

Peu avant sa mort, l’haj décide de se<br />

retrancher de la scène médiatique, ne<br />

quitte plus sa villa du quartier Souissi,<br />

mais continue à appeler ses collaborateurs<br />

à des heures impossibles pour<br />

vérifier un détail, arrondir un ongle,<br />

exiger une explication, partager une<br />

idée d’expansion.<br />

Créer de la valeur pour le Maroc,<br />

sublimer son pays vaille que vaille,<br />

était devenue une véritable drogue. Il<br />

l’aura consommée jusqu’au bout de ses<br />

88 printemps.<br />

Quelques jours avant son décès,<br />

l’haj insiste pour rétablir un canal de<br />

communication avec la Monarchie en<br />

réaffirmant son allégeance au Trône<br />

Alaouite mettant ainsi fin à des décennies<br />

d’incompréhension. C’est là chose<br />

faite.<br />

Bien qu’ayant été marginalisé toute<br />

sa vie durant, il aura, à sa manière,<br />

oeuvré à servir son pays et son Roi.<br />

Envers et contre tous. Adieu Si l’haj.<br />

Adieu l’indomptable.<br />

rdalil@sp.ma<br />

La Fondation Miloud Chaâbi,<br />

sa véritable passion<br />

La réussite éclatante de Miloud Chaâbi dans<br />

les affaires a quelque peu calfeutré sa fibre sociale.<br />

Rarement évoquées dans les médias, les<br />

activités de bienfaisance que mène sa Fondation<br />

brillent à la fois par leur générosité et leur<br />

diversité. Créée en 1965, la Fondation a soufflé<br />

cette année sa 51 ème bougies. L’haj y consacrait<br />

une bonne partie de son temps. Son projet de<br />

base: aider des jeunes issus de milieux populaires<br />

à s’insérer professionnellement, les accompagner<br />

durant leur parcours académique<br />

en mettant, notamment à leur disposition des<br />

campus universitaires ultra-équipés, moyennant<br />

un loyer modique. L’année dernière, la<br />

résidence de Kenitra a fêté sa dixième année.<br />

Celle-ci héberge plus de 2.000 étudiants et organise<br />

des activités sportives, culturelles et sociales,<br />

mais également des actions caritatives<br />

pour des enfants sans abris et des malades<br />

démunis de l’hôpital Idrissi. Occupant une superficie<br />

de 5 hectares, la résidence bénéficiera<br />

de travaux d’extension à l’issue desquels une<br />

bibliothèque et une salle de sport couverte<br />

verront le jour. Feu Miloud Chaâbi consacrait<br />

10% de sa fortune à ses activités caritatives. Il<br />

lui tenait particulièrement à cœur de participer<br />

à l’amélioration des conditions de vie des<br />

chômeurs ainsi qu’à l’assistance médicale des<br />

nécessiteux. La fondation Chaâbi a également<br />

financé la construction de la cité universitaire<br />

Souss Al Alima d’Agadir, d’une capacité d’accueil<br />

de 1.200 lits, de salles de télévision, de<br />

salle de sport et d’une bibliothèque. Une troisième<br />

résidence estudiantine, située à Tanger,<br />

comprend plus de 3.000 lits. Avec ses 2.000<br />

employés et sous la direction énergique et déterminée<br />

d’Asmaa (photo), fille du patriarche,<br />

la fondation Miloud Chaâbi sert, bien souvent,<br />

de substitut à l’Etat dans bien des domaines.<br />

44 EconomieEntreprises Mai 2016

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