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Le Conte

Tout sur les contes

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L'ÉNONCÉ ET L'ÉNONCIATION<br />

DANS LE CONTE POPULAIRE TURC<br />

Je commencerai par réaffirmer une banalité que nous avons quelque peu<br />

oubliée. C'est que la littérature a toujours fait partie intégrante de la vie des hommes<br />

et que le conte populaire qui a satisfait, pendant des siècles et des siècles, au besoin<br />

que l'homme avait de la littérature, est d'abord et surtout un genre littéraire. Son<br />

caractère oral, opposé à cette forme relativement récente qu'est le conte écrit, ne<br />

devrait pas nous tromper. Pourtant, c'est en nous référant à cette forme récente que<br />

nous disons que le conte populaire n'est qu'une forme « impure » et « partielle ».<br />

Ainsi, A.J. Greimas affirme que « le passage de la littérature orale à la littérature<br />

écrite est marqué par l'introduction du sujet de la narration dans le texte » 1 , et<br />

soulignant par là « l'importance des structures de l'énonciation énoncée, propre au<br />

discours littéraire », s'opposant à « l'effacement de l'énonciateur (et de ses marques)<br />

dans le discours ethnolittéraire » 2 , il estime que dans le cas de la littérature ethnique<br />

« le narrateur "ignore" lui-même ce qu'il raconte », alors que dans le cas de la<br />

littérature écrite, « l'interprétation de la signification profonde du récit » peut être<br />

assumée « par l'auteur - sujet de la narration » 3 . C'est sans doute à cause de<br />

semblables considérations que nombre de chercheurs travaillent en général non pas<br />

sur le conte populaire lui-même, mais sur une sorte de résumé qu'ils en font en le<br />

réduisant à la succession logico-sémantique de ses séquences pour rejeter comme<br />

non-pertinent le texte qui le porte.<br />

Toutefois, on ne peut s'empêcher de se demander quel critère peut nous<br />

autoriser à affirmer qu'un récit hautement littéraire commençant par les mots<br />

« Longtemps, je me suis couché de bonne heure » est nécessairement plus complexe<br />

et plus complet qu'un conte populaire qui s'ouvre par les mots « Dans ces temps-là,<br />

alors que j'étais dans ma trois cent et unième année, nous allâmes à la chasse du<br />

lièvre qui n'est pas encore né, sous le buisson qui n'a pas encore poussé ». On se<br />

demande, d'autre part, si cette distance qui est censée séparer le savoir du narrateur<br />

du texte littéraire moderne de l'« ignorance » du narrateur du texte ethnique ne<br />

constitue pas une différence de nature, mais de degré. Car, le structuralisme nous<br />

ayant habitués à ne pas privilégier le contenu pour ainsi dire conscient du texte par<br />

1 A. J. GREIMAS, Sémiotique et sciences sociales, Paris, Seuil, 1976, p. 209.<br />

2 A. J. GREIMAS, J. COURTÉS, Sémiotique, dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris,<br />

Hachette, 1979, p. 135.<br />

3 A. J. GREIMAS, Op. cité, p. 209.<br />

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