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Le Conte

Tout sur les contes

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LE STATUT DES VARIANTES<br />

A. Van Gennep adopte un point de vue ethnographique :<br />

« Il explique le nombre des contes d'animaux par l'importance qu'ont pour les<br />

primitifs les rites totémiques » 1 .<br />

<strong>Le</strong> folkloriste du début du XXe siècle adopte un comparatisme sans<br />

complexe : on passe d'un récit oral d'une culture donnée à un autre récit ou rite d'une<br />

autre culture sans crier gare. La voie était déjà d'ailleurs tracée par le grand J.G.<br />

Frazer : Frazer qui compare imperturbabement un mythe grec (Oreste, par exemple)<br />

avec un rite africain ou américain. Pour étudier Dionysos, il compare les mythes<br />

grecs relatifs à l'usage de mettre en pièces les corps d'animaux avec les rites et les<br />

pratiques des Indiens de la côte de la Colombie britannique et les fêtes orgiaques<br />

avec des pratiques marocaines des Aïssawa qui, dans leur frénésie, se lancent sur les<br />

chèvres et les déchiquettent pour manger leur chair crue 2 .<br />

On le voit donc, ce comparatisme est quelque peu naïf : un récit, un mythe ou<br />

un rite ne peut être isolé de son milieu culturel pour le balader et le comparer à une<br />

autre pratique ou à un autre mythe étranger. <strong>Le</strong> comparatisme conséquent a des<br />

règles strictes : il ne doit opérer qu'à l'intérieur des cultures voisines ou apparentées.<br />

Un autre aspect de ce comparatisme, était de rechercher l'origine d'un thème,<br />

ou d'un motif. G. Germain, dans sa thèse sur la Genèse de l'Odyssée éclaire le trésor<br />

des croyances humaines les plus reculées, tantôt par l'histoire, tantôt par le folklore.<br />

« Il faut donc admettre, dit-il, un inventeur et un lieu d'invention unique à<br />

partir desquels il y a eu transmission par emprunts successifs » 3 .<br />

G. Germain parle de « contamination des motifs ». C'est ainsi qu'il compare le<br />

thème du cyclope du chant IX de l'Odyssée d'Homère avec quatre récits berbères<br />

ayant trait à l'un des voyages du saint Sidi Ahmed O. Moussa, textes reueillis par E.<br />

Laoust dans la revue marocaine Hespéris 4 , et par Justinard.<br />

<strong>Le</strong> récit du cyclope et celui relatif à la légende du saint marocain (attesté<br />

historiquement), présente en effet les mêmes structures narratives et les mêmes<br />

motifs : la caverne, le monstre à l'oeil unique, la pointe passée par le fer qui sert à<br />

l'aveugler, la fuite des personnages, etc... L'enchaînement des épisodes est<br />

sensiblement le même. <strong>Le</strong> projet de G. Germain était d'analyser ce qui rapprochait<br />

l'oeuvre poétique du folklore et de montrer comment peuvent être expliqués certains<br />

motifs de l'épopée d'Homère par d'autres récits venant d'autres cultures.<br />

En face de ces grands projets comparatistes, il nous semble plus modeste et<br />

peut-être plus pertinent de s'interroger sur ce que j'appellerais un comparatisme<br />

interne : voir par exemple comment évolue un thème ou un motif à l'intérieur d'une<br />

aire culturelle donnée. En elle-même, la tâche n'est pas facile : à l'intérieur d'un<br />

même territoire existent des textes collectés à des époques et à des espaces<br />

différents, des récits (écrits) et des récits oraux... Comment s'y prendre ? Quelle<br />

méthode utiliser ?<br />

1 Michèle Simonsen : même ouvrage cité, même page.<br />

2 G. Frazer : <strong>Le</strong> Rameau d'or (traduction française), tome 3, ed. R. Laffont, col. Bouquins, 1983, p. 34-<br />

36.<br />

3 G. Germain : Genèse de l'Odyssée : le fantastique et le sacré, Paris, P.U.F., 1954, p. 3.<br />

4 Revue Hespéris : tome I, 1ère année, 1er trimestre, ed. Larose 1921 (Paris).<br />

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