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POUR L'INTERPRÉTATION D'UNE ETHNOLITTÉRATURE<br />
En règle générale, les contes recueillis par les premiers missionnaires ont<br />
moins souffert de l'érosion mythique que ceux récoltés plus récemment, mais il s'est<br />
instauré une censure, où la pudibonderie, les préjugés, l'hypocrisie, la peur d'être mal<br />
jugé se côtoient, qui hier comme aujourd'hui ont gommé certains motifs et exclu<br />
certains thèmes et récits.<br />
La thématique centrale à tous ces corpus africains est constituée par des textes<br />
qui relèvent tous d'un nombre réduit de catégories dichotomiques telles que hommes<br />
/ femmes, animaux / hommes, individus / société, enfant / adulte, échange / don,<br />
exogamie / endogamie, et bien sûr vie / mort.<br />
La place faite aux enfants et aux différents types d'ogres évoque<br />
irrésistiblement les problèmes de nourriture et de sexualité ainsi que les conflits entre<br />
générations. La scène familiale est le lieu de prédilection de ces affrontements et de<br />
leurs solutions. Il semble que les sociétés africaines, comme bien d'autres, aient une<br />
vive conscience des inégalités naturelles auxquelles s'ajoutent les systèmes<br />
hiérarchiques sociaux inégalitaires et que bien des contes mettent en scène des héros<br />
persécutés qui par la ruse, le hasard et l'aide d'animaux ou d'objets magiques<br />
réussissent à l'emporter sur leurs oppresseurs. Enfants, femmes, infirmes constituent<br />
des héros qui ont été soit négligés, soit abusivement avantagés par la nature et qui<br />
dans un cas comme dans l'autre sont en but à la malignité des autres membres de la<br />
société.<br />
La femme occupe une place centrale dans la plupart des contes et si elle est<br />
souvent cause de bien des malheurs, de bien des convoitises, il lui arrive parfois<br />
d'incarner des modèles de vertu et de constance. Elle apparaît sous les trois espèces<br />
féminines : vierge, matrone et vieille femme ; chaque âge lui conserve son<br />
ambiguïté : vierge candide ou entêtée, matrone sage ou gourmande, vieille femme<br />
secourable ou ogresse. Sur l'axe dipôle nature/culture elle est indiscutablement du<br />
côté de la nature ; elle incarne aussi bien la mort que la terre nourricière et féconde.<br />
Source de vie, source de mort, sa nature animale et numineuse fait d'elle une<br />
magicienne capable du pire comme du meilleur.<br />
<strong>Le</strong>s objets magiques sont plus rares que dans les contes européens ou arabes,<br />
mais calebasses, mortiers, fouets, couteaux de jets et tambours jouent bien un rôle de<br />
premier plan dans certains contes. Dans les sociétés qui ont subi le plus l'influence<br />
arabe les anneaux et les coffres retrouvent la place qu'on leur connaît.<br />
Par contre, animaux et plantes ont des vertus et des pouvoirs magiques : la<br />
souche que l'on heurte du pied ou qui vous fait trébucher est toujours de bon conseil,<br />
certains oiseaux peuvent être contraints à révéler des secrets qui assurent puissance<br />
et sécurité aux héros ; les éléphants peuvent devenir hommes ou esprits, le lion se lie<br />
d'amitié avec l'enfant, le python et l'hyène se changent en beaux jeunes hommes pour<br />
enlever des jeunes filles imprudentes, le taureau est sorcier ou divin, l'araignée tantôt<br />
machiavélique, tantôt stupide. La liste est longue mais la plupart des animaux<br />
interviennent dans des contes qui constituent le genre conte-fable que nous avons<br />
repéré plus haut.<br />
<strong>Le</strong>s rois et les reines sont remplacés par les chefs et leurs co-épouses ;<br />
chasseurs, guerriers, forgerons, potières, pêcheurs, gardiens de troupeaux,<br />
marchands, agriculteurs, messagers constituent le reste de la troupe des acteurs du<br />
conte africain.<br />
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