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Le Conte

Tout sur les contes

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LA FEMME DANS LE CONTE ALGÉRIEN<br />

On pourrait ainsi prolonger l'analyse des stratégies de discours utilisées par<br />

les femmes et suivre l'aventure fascinante des femmes en territoire linguistique.<br />

Perversion des mots, effraction des lois de discours, falsification du référent,<br />

l'expérience linguistique est poussée à ses ultimes limites et donne à la femme une<br />

identité inédite et pourtant familière.<br />

Ce jeu de transgresion et de décodification du langage mériterait à lui seul<br />

tout un travail de réflexion sur le langage des femmes dans le conte algérien. Mais il<br />

n'est qu'un aspect d'un contre-discours plus vaste qui se manifeste aussi pour notre<br />

propos dans l'ordre du pouvoir.<br />

Tel est le deuxième thème que j'évoquerais maintenant.<br />

2. L'ORDRE DU POUVOIR<br />

Je retiendrai dans cette partie trois aspects de l'exercice du pouvoir : le<br />

pouvoir familial, le pouvoir de justice et le pouvoir du prince, en relation avec le<br />

personnage féminin.<br />

On peut avancer, de façon générale que si l'homme établit un certain ordre<br />

des choses, la femme intervient pour le contester. La lutte contre l'ordre familial est<br />

d'une telle violence qu'elle nécessite bien souvent le recours au symbolisme animal ;<br />

et les époux ou les pères sont quelques fois serpent ou lion, valeur ambigüe s'il en<br />

était besoin. <strong>Le</strong> conflit oedipien est décisif et l'on retrouve aisément les thèmes<br />

universels désignés par la psychanalyse. C'est d'ailleurs ce champ qui, comme on le<br />

verra, fonde le discours des femmes contre le pouvoir familial.<br />

<strong>Le</strong> personnage central, c'est bien sûr l'ogresse, Tsériel ou Ghoula, qui dévore<br />

et épouvante les enfants. La peur des femmes a eu pour conséquences leur<br />

séquestration et l'ogresse constitue en soi le principe de l'errance et de la liberté de<br />

mouvement. <strong>Le</strong> projet de Mkidèch, l'enfant nain et rusé, est justement l'histoire de<br />

son asservissement. Têter le lait de son sein gauche c'est marquer l'achèvement d'une<br />

lutte ; celle de Mkidèch dont l'ogrese est la risée, et celle de l'ogresse dont la cruauté<br />

fera place à la protection. N. Farès l'a bien dit, l'ogresse « c'est l'anti-phallus, le<br />

pouvoir de la femme contre le pouvoir de l'homme » 1 .<br />

Cette dichotomie est fondamentale et l'on peut noter dans les contes un<br />

contre- discours général qui s'oppose au pouvoir familial comme principe d'unité et<br />

d'intégration de ses membres :<br />

A la naissance de sa fille, le roi veut tuer ses fils qui parviennent à s'enfuir<br />

dans une grotte.<br />

<strong>Le</strong>s frères jaloux noient leur demi-frère dans le puits.<br />

<strong>Le</strong> roi sacrifie sa fille à l'hydre pour obtenir de l'eau pour les habitants du<br />

village.<br />

Dans la femme du serpent, le fils cadet empoisonne sa mère avec le venin du<br />

serpent qu'elle destinait au fils aîné.<br />

Dans Moumouche le chat aveugle 2 , Nounouche s'étouffe en avalant sa queue<br />

enflammée, après avoir goûté au plat préparé en cachette par la plus jeune des<br />

filles. Celle-ci tue sa marâtre et son enfant qui la privait de nourriture. <strong>Le</strong> père<br />

1 N. Farès, interview à la revue Fontaine, Aix en provence, 1979.<br />

2 Mouliéras, déjà cité.<br />

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