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Le Conte

Tout sur les contes

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LE CONTE<br />

valeurs du bien et du mal, de la parole de vérité et du mensonge. <strong>Le</strong> conte est ainsi<br />

prétention d'un ordre dé-rangé ou d'un cahot conçu en vue de l'exploration de limites<br />

qui, pour notre propos, seraient celles du monde féminin.<br />

Mes investigations m'ont conduit à évacuer deux approches que je présente<br />

brièvement ici :<br />

La première consiste à découvrir dans le conte ce que j'appellerais un « ethnodiscours<br />

» qui serait le discours du quotidien donnant au récit sa charge spécifique<br />

d'originalité spatio-temporelle. <strong>Le</strong> principe de reconnaissance étant au centre de cet<br />

ethno-discours, il s'agirait en quelque sorte de reconnaître du déjà connu. La femme<br />

y serait reflet du quotidien, de l'identité désignée par l'éhique, le rituel social de<br />

l'infériorité, de la réclusion et de l'activité domestique... Avec l'image de la femme<br />

tout l'écheveau social pourrait se dévider pour redonner le sens du sens, une manière<br />

de se dire de la société.<br />

L'éthno-discours prendrait ainsi statut d'argument culturel enracinant les<br />

conceptions de la femme dans l'épaisseur de l'imagerie populaire. Mais alors<br />

pourquoi le conte ? L'économie propre à l'imaginaire n'est-elle qu'un doublet<br />

structurel de l'expérience sociale qui en baliserait les contours ?<br />

La seconde approche consisterait à repérer dans les contes les fragments d'un<br />

« géno-discours », source originelle de récits que l'humanité se fait à elle-même. <strong>Le</strong>s<br />

images de femmes se télescoperaient dans un jeu infini de miroirs, comme des<br />

variantes récitatives d'un dire initial. <strong>Le</strong>s nomenclatures-enquêtes, caractéristiques de<br />

cette démarche répondent à un souci de codification de cette polyphonie universelle<br />

dont les contes se feraient l'écho.<br />

Entre l'un et le multiple, mon propos est de rendre compte des modalités qui<br />

inscrivent le propos sur la femme comme un jeu de dérèglement des codifications de<br />

l'ordre établi, recréant par le drame, la farce et l'humour, la vie imaginaire de la tribu.<br />

Trois aspects ont été retenus pour cette analyse :<br />

1 - L'ordre de parole - nature et fonction de la parole féminine dans les<br />

contes.<br />

2 - L'ordre du pouvoir - dérision par les femmes du pouvoir établi.<br />

3 - L'ordre naturel - perversion féminine de cet ordre (amour, sexe, beauté).<br />

<strong>Le</strong> corpus est fondé sur l'ensemble des publications (cf. la bibliographie) ; les<br />

contes qui recoupent mon expérience personnelle ont bien entendu été sélectionnés.<br />

1. L'ORDRE DE LA PAROLE<br />

On sait depuis Austin que le langage est le substitut des actions 1 pouvoir de<br />

faire par l'entremise des mots. Cette conception est généralisable au conte, lieu des<br />

formules magiques qui font advenir les faits. Je me propose d'étudier ici un aspect<br />

particulier des femmes en relation avec le conte, celui de la parole.<br />

Parole de la conteuse qui transmet l'héritage, mais aussi défis, mensonges ou<br />

trahisons qui divulguent le secret, malédictions qui inscrivent l'angoisse au coeur du<br />

héros ; la parole des femmes n'est jamais simple commentaire des actions, elle est<br />

l'une des dimensions constitutives de l'identité féminine. Espace où se joue<br />

1 J.L. Austin, Quand dire c'est faire, Seuil, Paris 1970 (la formule est de A. Berrendonner, Principes de<br />

pragmatique linguistique, <strong>Le</strong>s éditions de Minuit, Paris, 1981).<br />

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