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LE CONTE<br />
partie du conte, fait le conte, tout autant que l'inscription du réel, du moins en ce qui<br />
concerne les contes merveilleux - puisqu'il existe aussi des contes d'animaux, des<br />
contes de mœurs et jusqu'à des contes licencieux 1 . <strong>Le</strong> merveilleux, le réel, les<br />
variantes par rapport à un conte-type font ensemble et non séparément ce qu'est un<br />
conte.<br />
Il convient donc de questionner la relation entre rapport au réel et information<br />
sur le réel en posant qu'en ce qui concerne le conte, l'inscription du réel fonde la<br />
valeur du conte au même titre que le merveilleux ou que les variantes dont il<br />
participe d'ailleurs, ce que fait remarquer Henri Meschonnic :<br />
« Si les contes ont tant de variantes, est-ce seulement parce qu'ils sont oraux<br />
ou parce qu'ils sont des contes ? C'est-à-dire ce que justement on peut varier, à<br />
la différence du sacré ? 2 «<br />
Mon but n'est donc pas de prendre le conte comme un témoin du réel. Il y<br />
aurait là une certaine naïveté qui nous ferait régresser avant Benveniste et avant<br />
Saussure. Tout comme le langage, le conte re-produit la réalité, c'est-à-dire qu'il la<br />
produit à nouveau. Cette reproduction est soumise à une organisation propre. Dans le<br />
conte, le « réel » nous devient d'autant plus sensible qu'on étudie les variantes - non<br />
le réel en lui-même mais son utilisation par le conte.<br />
Si, dans l'optique structuraliste et post-structuraliste, ce qui importait était de<br />
trouver le même (c'est le sens des travaux de Propp), on peut se demander, dans ce<br />
qui ne peut être qu'une critique du semblable, dans quelle mesure les variantes ne<br />
sont pas davantage que des variantes. Dans quelle mesure les changements que subit<br />
un conte n'en font pas chaque fois un conte différent. Comme le dit si bien Luc<br />
Lacourcière, « le conte, c'est le conteur » et le conteur injecte dans son récit des<br />
références historiques précises afin de capter l'attention de son auditoire comme<br />
l'indique aussi Marc Soriano 3 .<br />
Dans un premier temps, je vais donc étudier comment l'inscription du réel<br />
participe du sémantisme intra-linguistique du conte. Ce n'est donc pas d'un réel<br />
événementiel qu'il sera question mais d'un réel linguistique d'ont j'essaierai montrer<br />
le fonctionnement dans deux contes canadiens : <strong>Le</strong> ruban vert 4 et Richard<br />
Crassé 5 . Dans un deuxième temps, j'analyserai le rapport entre inscription du<br />
réel et variante en comparant la Cendrillon de Perreault 6 avec son homologue<br />
québécois, Cendrouillonne 7 .<br />
1 J. BARCHILON, <strong>Le</strong> conte merveilleux français de 1630 à 1790, Paris, Champion, 1975.<br />
2 H. MESCHONNIC, « Qu'entendez-vous par oralité ? », Langue française, n° 56, <strong>Le</strong> rythme et le<br />
discours, Décembre 1982, p. 17.<br />
3 M. SORIANO, <strong>Le</strong>s contes de Perreault, culture savante et culture populaire, Paris, Gallimard, 1968.<br />
4<br />
Conté en 1948 par Hermel Tremblay, 70 ans, de Saint-Joseph- de-la-Rive, Charlevoix<br />
(Québec,Canada). Collection Luc Lacourcière et Félix-Antoine Savard. Transcription de James La<br />
Follette et Luc Lacourcière.<br />
5 Collection Luc Lacourcière. Enregistrement n° 2429. Conté le 10 Juillet 1955 par Benoît Benoît, 75<br />
ans, Chemin des Basques, Tracadie, Comté de Gloucester, Nouveau Brunswick (Canada).<br />
6 C. PERREAULT, <strong>Conte</strong>s de ma mère l'Oye, Paris, Gallimard, Folio Junior, 1977.<br />
7 Conté par Madame Béatrice Guimond et recueilli par C. Légaré, <strong>Conte</strong>s populaires d e la Mauricie,<br />
Montréal, Fides, 1978.<br />
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