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Le Conte

Tout sur les contes

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POUR L'INTERPRÉTATION D'UNE ETHNOLITTÉRATURE<br />

Elle est d'ailleurs sauvée par son frère ou son père comme la fille du conte tchadien<br />

est sauvée de la Mort par son père 1 .<br />

D'autres figurèmes comme les souillures que produit la peur chez la jeune<br />

fille, la tache de sang laissée par le monstre sur le sol, la cuisse dégoulinante de sang<br />

que Baba interprète comme souillure, sont des traces de figures plus explicites en<br />

relation avec les qualités maléfiques et impures du sang menstruel.<br />

<strong>Le</strong> conte des Grands Lacs est donc, quant à cet épisode, une transformation,<br />

au sens ou l'entend <strong>Le</strong>vi-Strauss, du conte tchadien. En effet au lieu qu'une femme<br />

enceinte (donc féconde) soit épargnée par le monstre parce qu'elle était en brousse,<br />

c'est une jeune fille inféconde qui est dévorée. <strong>Le</strong>s raisons logiques de cette<br />

transformation des figures à l'intérieur d'une même structure thématique seraient trop<br />

longues à développer ici, mais la parfaite symétrie de celles-ci prouvent leur origine<br />

commune. Par ailleurs si l'on s'attache à examiner, toujours à la manière de <strong>Le</strong>vi-<br />

Strauss, les médiations ou en termes sémiotiques les transformations d'état qui<br />

affectent les acteurs du conte, on retrouve le flip-flop décrit par P. Maranda 2 . Si l'on<br />

envisage les catégories consanguinité/alliance et assistance/oppression telles qu'elles<br />

investissent le début, le milieu et la fin du conte, l'inversion canonique signalée plus<br />

haut est facilement repérable. En effet au début du conte nous avons un frère et une<br />

sœur (consanguinité) qui ne bénéficient d'aucune assistance, et sont opprimés par<br />

leur village. Au milieu du conte se succèdent une consanguinité opérante ; une<br />

relation d'assistance, une oppression de la part d'un étranger et une absence d'alliés.<br />

La fin du conte brise la relation de consanguinité et lui substitue une relation<br />

d'alliance : le frère et la sœur se trouvent des conjoints.<br />

consanguinité assistance oppression alliance<br />

DEBUT 1 1<br />

MILIEU<br />

0 1<br />

1 0<br />

FIN 0 1<br />

L'acte de libération des êtres dévorés par le monstre n'est plus vraiment un<br />

acte symbolique de procréation, c'est une mutilation qui symbolise à la fois la<br />

castration de l'étranger, la séparation et la division de l'Unité, division différentiatrice<br />

qui permet à l'oncle et à la tante paternelle de se constituer en hiérachie lignagière.<br />

On retrouve ici l'ambiguïté du héros démiurge et civilisateur, à la fois créateur d'un<br />

1 Cf. « Rusarubanya est mariée à une hyène » in E. HUREL, La poésie chez les primitifs ou<br />

contes,fables, récits et proverbes au Rwanda (lac Kivu),Goemaere,Bruxelles,1922 ; « La belle<br />

indifférente » et « la fille et le serpent » in J. FORTIER, Dragons et sorcières, A. Colin, 1974.<br />

2 Cf. COLLECTIF, Sémiotique narrative et textuelle, Larousse, 1973.<br />

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