11.01.2017 Views

Le Conte

Tout sur les contes

Tout sur les contes

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

LE CONTE<br />

sur le monde. <strong>Le</strong> mythe serait ainsi comme un aide-mémoire, permettant de prendre<br />

conscience de ce qui rattache les pratiques quotidiennes, les rituels, les normes et les<br />

usages sociaux à l'univers symbolique, grâce à la médiation du récit.<br />

<strong>Le</strong>s Grecs croyaient-ils à leurs mythes ? Certes, la vraisemblance ou<br />

l'invraisemblance du récit pouvaient conduire le destinataire à une réaction<br />

d'incrédulité, à se laisser séduire par le plaisir spécifique de la fiction, à épurer le<br />

mythe de son enveloppe merveilleuse ou à s'engager sur la voie de l'interprétation<br />

allégorique. Mais la réception du mythe nous paraît aussi mettre en œuvre une<br />

compétence particulière, une sensibilité intuitive permettant d'évaluer le degré de<br />

congruence du mythe avec les catégories symboliques de la culture : le destinataire<br />

était ainsi sensible au jeu d'échos, d'analogies, d'écarts entre l'univers du mythe et<br />

l'expérience religieuse, quotidienne, politique, sociale, familiale. <strong>Le</strong> propre de la<br />

réception du mythe, dans un contexte culturel déterminé, est peut-être que l'on ne se<br />

pose pas de questions sur les catégories symboliques mises en œuvre, car elles sont<br />

celles qui organisent la perception de la réalité. La réaction au mythe serait ainsi<br />

moins de l'ordre de la croyance que du sentiment d'une certaine familiarité devant un<br />

ordre qui va de soi, devant des rapports de causalité, une logique, des valeurs qui<br />

paraissent « naturels » précisément parce qu'ils sont culturellement validés et<br />

transmis.<br />

LE MYTHE COMME OBJET ET INSTRUMENT DE SAVOIR<br />

Paul Veyne, par son livre si stimulant, nous invite à compléter cette réflexion<br />

sur le mythe en abordant une modalité particulière de son énonciation : Veyne a en<br />

effet bien noté que souvent le mythe se présentait sous la forme d'un<br />

« renseignement », d'une information ponctuelle et factuelle livrant un nom propre,<br />

donnant l'origine d'un lieu-dit, d'un monument ou d'un élément du paysage 1 . <strong>Le</strong><br />

mythe relève alors d'un mode spécifique d'illocution où le destinataire du<br />

« renseignement » reconnaît préalablement au locuteur compétence et honnêteté. <strong>Le</strong><br />

mythe échappe ainsi à l'alternative du vrai et du faux, puisqu'il sera reçu ou rejeté sur<br />

la base d'un argument d'autorité. La mythologie et la mythographie supposent alors le<br />

personnage du spécialiste, maîtrisant ce savoir technique. Ce spécialiste est<br />

susceptible de diverses incarnations. Il peut être un indigène, un villageois<br />

perpétuant avec les siens les traditions des origines : l'ancrage dans le territoire est un<br />

gage d'authenticité et de mémoire bien transmise de génération en génération. <strong>Le</strong><br />

mythe, ici, est pure oralité. Il y aussi l'historien ou le périégète, qui recueillent ces<br />

traditions auprès des indigènes au fil de leurs voyages, puis les fixent par l'écriture :<br />

cette dernière, les méthodes critiques propres à l'historia, l'enquête par excellence,<br />

les sources locales et orales de l'information, tout cela contribue à donner au mythe<br />

écrit une présomption de vérité et d'authenticité. Autre mythographe, le poète, dont<br />

l'autorité peut s'appuyer sur la révélation des Muses ou encore sur un travail de<br />

documentation et de collecte des variantes mythiques qui l'apparente à l'historien<br />

(pensons à Callimaque et Apollonios de Rhodes). Ces différents personnages prêtent<br />

leur voix ou leur plume à un mythe qui leur préexiste.<br />

1 Paul VEYNE, op.cit., p.35.<br />

282

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!