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LE CONTE<br />
perception et l'organisation de la réalité, dans une société donnée, au moyen du<br />
découpage lexical, des champs de savoir constitués, comme la botanique, la<br />
zoologie, la minéralogie, l'hydrologie, par le biais également de toutes les activités<br />
socialement ritualisées, la guerre, la chasse, l'agriculture, le jardinage. <strong>Le</strong> mythe<br />
s'éclaire donc de cette compétence sémantique particulière qui est celle de la culture<br />
où il est produit et reçu. Quelle est la nature des liens entre le mythe et les catégories<br />
symboliques ? <strong>Le</strong> mythe nous apparaît moins comme le lieu de fixation des<br />
catégories symboliques que comme le moyen d'en contrôler l'assimilation<br />
individuelle et collective, au même titre que les rituels religieux et tous les usages<br />
sociaux. <strong>Le</strong> mythe revêtirait ainsi une fonction sociale essentielle. <strong>Le</strong> symbolique<br />
évoque, par son étymologie, le « signe de reconnaissance », ce sur quoi on ne se pose<br />
pas de questions, qui cimente une identité, une connivence. <strong>Le</strong> symbolique fonde le<br />
lien social, il permet la communication, l'interaction, les échanges entre les individus<br />
qui partagent ses catégories. <strong>Le</strong> mythe serait donc un moyen, pour les membres d'une<br />
société déterminée, de mettre à l'épreuve leur maîtrise des catégories symboliques<br />
communes, de réactiver ce savoir partagé sur le monde. <strong>Le</strong>s destinataires du mythe<br />
pourraient vérifier leur propre compétence culturelle, mais aussi la congruence du<br />
récit et de ses catégories symboliques avec ce vaste savoir sur le monde, sur la nature<br />
(flore, bestiaire...) et sur les usages de la nature. Même le discours scientifique (les<br />
traités de sciences naturelles dans le corpus aristotélicien, par exemple) n'échappe<br />
pas à l'emprise des catégories a priori, qui informent et prédéterminent l'observation<br />
ou la description de la réalité. L'une des clés du mythe réside ainsi dans le contexte<br />
ethnographique, et C. <strong>Le</strong>vi-Strauss, après avoir tenté de dégager une grammaire<br />
formelle du récit mythique, a reconnu l'importance prépondérante de tout le savoir<br />
véhiculé par la société 1 . <strong>Le</strong> mythe est le moyen social de réactiver, de mettre en jeu<br />
les valeurs sémantiques du code culturel.<br />
Il nous faut dégager les conséquences méthodologiques de ce modèle où le<br />
mythe condense, sur un mode presque mnémotechnique, les catégories symboliques<br />
de la culture qui le produit. Comme l'a formulé naguère M. Detienne 2 , le principe de<br />
l'interprétation anthropologique des mythes est de se déployer à l'intérieur même de<br />
la culture étudiée, c'est-à-dire de n'utiliser comme « pièces justificatives » que les<br />
données, les traditions et les croyances attestée dans cette société. On renonce de ce<br />
fait à l'application de modèles théoriques extérieurs ou encore à une démarche<br />
comparatiste entre des mythes d'aires culturelles différentes. <strong>Le</strong> travail de l'interprète<br />
consiste à établir des relations entre ce que le mythe formule explicitement et les<br />
différents degrés du savoir implicite qui se trouvent convoqués. Detienne énumère<br />
les composantes de ce savoir implicite : il comprend tous les registres de la vie<br />
sociale, spirituelle et matérielle, les savoirs botanique, médical, rituel, zoologique,<br />
astronomique, etc., bref l'ensemble de l'expérience que l'on peut avoir de la réalité et<br />
qui se trouve médiatisée par la culture. L'interprétation consiste alors à reconstituer<br />
le système des relations existant entre le mythe et ce savoir englobant, à retrouver les<br />
1 Claude LEVI-STRAUSS, « La geste d'Adiswald », dans : Anthropologie Structurale deux, Paris, 1973,<br />
p.175-233.<br />
2 Marcel DETIENNE, <strong>Le</strong>s jardins d'Adonis. La mythologie des aromates en Grèce, Paris, Gallimard,<br />
1972, en particulier p. 9-15 et Dionysos mis à mort, Paris, Gallimard, 1977, en particulier p.18-47.<br />
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