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Le Conte

Tout sur les contes

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PROBLÈMES DE LECTURE DU MYTHE GREC<br />

contexte spécifique qui motivait la référence à ce corpus de récits, les réactions des<br />

auditeurs et leur degré d'adhésion intellectuelle. Nous devons donc nous demander si<br />

la mythographie est identique à la mythologie, si la fixation par l'écriture de ces<br />

récits fugaces est un enregistrement objectif et sans conséquences, permettant de<br />

retrouver cette parole vivante, ou si, au contraire, elle modifie la nature, la finalité et<br />

la logique intrinsèque de ces traditions, artificiellement figées dans un moment de<br />

leur devenir. Et toute étude monographique, consacrée à un personnage ou un cycle<br />

particulier, ne peut éviter cette question déterminante pour sa pertinence : le corpus<br />

mythographique est-il représentatif de la mythologie perdue ? N'a-t-il pas<br />

accidentellement négligé une variante qui aurait invalidé ou infléchi les conclusions<br />

de l'analyse ?<br />

Si le mythe n'a pas de lieu caractéristique dans la littérature grecque, peut-on<br />

au moins en définir la forme ? <strong>Le</strong> mythe correspond-t-il à un type particulier de<br />

récit ? Il s'avère qu'un mythe se réduit souvent à un simple nom propre, à une<br />

allusion elliptique, voire à une expression proverbiale. Très rares sont les récits<br />

complets : nous ne trouvons généralement que des épisodes isolés de leur contexte,<br />

une péripétie ponctuelle. C'est grâce aux mythographes et poètes de l'époque<br />

hellénistique et romaine que nous pouvons lire dans leur intégralité la geste des<br />

différents héros. On serait presque tenté de considérer que la structure narrative n'est<br />

pas un des constituants primordiaux du mythe : un mythe peut ne pas se présenter<br />

sous la forme d'un récit. La mythologie vivante des cités grecques n'avait sans doute<br />

rien à voir avec la mythographie des érudits, ou encore avec nos dictionnaires<br />

modernes, où la biographie des différents héros est artificiellement reconstituée<br />

grâce à la synthèse des variantes et des traditions. Il nous faut donc en conclure que<br />

les récits fragmentés et allusifs de la mythographie présupposent de leurs lecteurs un<br />

savoir partagé, la connaissance plus ou moins approfondie des grandes traditions<br />

mythiques : l'objet de notre réflexion est précisément la nature de cette compétence<br />

implicite.<br />

<strong>Le</strong> mythe n'a pas de lieu. <strong>Le</strong> mythe n'a pas d'auteur ni d'origine. On pourrait le<br />

définir comme une parole que l'on répète inlassablement, sans avoir gardé le<br />

souvenir de son énonciateur originel. Une seule certitude, on ne peut être l'auteur du<br />

mythe que l'on raconte 1 . Poètes, tragédiens et historiens ne font que reprendre les<br />

mythes hérités de la tradition. Et lorsque l'on recherche l'origine de la tradition, les<br />

Grecs désignent la Muse, savoir, voix et mémoire à l'origine de tout chant humain.<br />

L'enquêteur et l'antiquaire, collectant les mythes de villages en villages, ne se<br />

prononcent pas sur leurs origines : les mythes sont aussi anciens que la collectivité<br />

qui les perpétue et la tradition permet seulement de relier le récit à l'événement<br />

originel dont elle fixe le souvenir, un exploit d'Héraklès ou l'étape d'un voyageur<br />

divin 2 . Mythologues et mythographes ne sont que les porte-parole du mythe, les<br />

relais de sa transmission. Il est naturellement crucial de déterminer leur marge de<br />

liberté, d'innovation et d'improvisation par rapport à la tradition dont ils sont les<br />

1 Comme le note très justement Paul VEYNE, <strong>Le</strong>s Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paris, Seuil, 1983,<br />

p. 34.<br />

2 Sur la collecte des mythes par Pausanias, voir C. JACOB, « Paysages hantés et jardins merveilleux. La<br />

Grèce imaginaire de Pausanias », L'Ethnographie, LXXVI, 81-82, 1980-1, p.35-67.<br />

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