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LE CONTE<br />
<strong>Le</strong> glissement de ces figures vers un psychodrame permettant aux hommes de<br />
s'attribuer le beau rôle dans la procréation ne serait alors qu'un état second du mythe<br />
primitif et les différentes inclusions de ces figures dans des contes aux structures<br />
thématico-narratives variées ne serait dues qu'aux différents conteurs, à leurs<br />
sociétés, et à leurs préoccupations.<br />
<strong>Le</strong> problème revient à celui de savoir ce qui préoccupe et a préoccupé le plus<br />
l'homme : le cosmologique ou le noologique ; ce qui est absolument indécidable.<br />
<strong>Le</strong> fait que le conte soit fort répandu atteste de la virulence du besoin ressenti<br />
par les hommes de ne pas laisser aux seules femmes le prestige de la fécondité et de<br />
la naissance, car l'isotopie sexuelle y est toujours décelable.<br />
12. LES FIGURES DU CONTE AU RWANDA ET AU BURUNDI<br />
Là, le conte se trouve à un stade d'érosion mythique peut-être plus avancé que<br />
le conte tchadien : un certain nombre de figures typiquement mythiques ont disparu<br />
tels la vieille femme, la Mort, l'autre village.<br />
Par contre, la structure thématico-narrative a pris la forme d'un schéma<br />
initiatique, qui imite bien sûr un schéma mythique. <strong>Le</strong> frère et la sœur exclus du<br />
village (la chute) troquent l'habitat culturel pour une caverne, habitat naturel, ventre<br />
primordial que l'on retrouve toujours comme manifestation de la figure de la mère<br />
primordiale. <strong>Le</strong> schéma initiatique, est évident : abandon brutal du village, retraite en<br />
brousse, avalement symbolique par un rocher, nourriture spéciale_ Il y a bien là tous<br />
les éléments d'une régression rituelle.<br />
En outre le symbolisme du rocher qui s'ouvre et se referme aux ordres de la<br />
sœur réintroduit le code sexuel ; rappelons que c'est contre un rocher, qui souvent<br />
contient une jeune fille que le bélier s'escrime de la tête ou du sexe dans de<br />
nombreux contes africains 1 . L'inceste sacré est sans doute évoqué implicitement par<br />
cet artifice du rocher, par la cohabitation, par les graines utilisées par la sœur. Ces<br />
figurèmes et la conduite de l'hyène qui par trois fois trompe l'occupante de la caverne<br />
et se fait ouvrir en se faisant passer pour un parent ne sont pas sans similitude avec<br />
des motifs arabes et européens 2 .<br />
Quant à la nature du monstre, à la fois sorcier, esprit et hyène, ce figurème<br />
syncrétique appartient au principe mâle et adulte. Sa gloutonnerie est double et doit<br />
s'interpréter sur le plan sexuel et gastronomique. Il représente pour la sœur, à un<br />
niveau thématique, le danger exogame, et à un niveau métapsychologique, il est<br />
l'adulte dont les désirs sexuels effrayent l'adolescente. Il est à rapprocher d'un motif<br />
souvent rencontré, celui de la fille difficile qui finit par épouser un animal, serpent,<br />
hyène ou un végétal (arbre en général) qui s'est transformé en beau jeune homme<br />
pour la conquérir après qu'elle ait refusé tous les partis que lui a présentés sa famille.<br />
1 Cf. D. Paulme, op. cit.<br />
2 Cf.Ch. PERRAULT, Histoires ou contes du temps passé, 1697 et plus particulièrement le conte intitulé<br />
« La chèvre et ses sept petits biquets » où se retrouvent de nombreuses figures incluses dans le motif du<br />
Monstre dévorant. <strong>Le</strong> conte animalier a subi, encore plus que les contes africains les effets de l'érosion<br />
mythique et profanisante.<br />
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