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Le Conte

Tout sur les contes

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LE CONTE<br />

A défaut de donner d'emblée une définition satisfaisante du mythe, peut-on au<br />

moins en identifier le lieu spécifique ? Où rechercher le mythe dans le vaste corpus<br />

de textes hérité de l'antiquité ? L'intuition nous permet certes de reconnaître les<br />

mythes, mais force est de constater que le mythe ne correspond pas à une catégorie<br />

homogène de discours ou de récits. <strong>Le</strong> mythe n'est pas un genre littéraire. On le<br />

trouve dans les textes poétiques (cette catégorie, d'ailleurs, est elle-même hétérogène,<br />

et entre la lyrique archaïque et la poésie savante d'Alexandrie, il y a de grandes<br />

différences de nature, de public, de conventions littéraires), dans l'épopée 1 , dans la<br />

tragédie 2 , dans les textes historiques (notamment toutes les histoires locales, les<br />

traités des Atthidographes et des « érudits locaux », les « périégètes » 3 ), dans les<br />

manuels mythographiques (par exemple la Bibliothèque du Pseudo-Apollodore, les<br />

Métamorphoses d'Ovide, les Fables d'Hygin, la tradition hésiodique 4 , etc.) et enfin<br />

dans ces notes érudites et fragmentées qui commentent, vers par vers et souvent mot<br />

à mot les grandes œuvres de la littérature antique, les scholies 5 . On le voit, le mythe<br />

est partout : bien rares sont les textes grecs qui n'en renferment pas quelque trace.<br />

Tout le problème est dès lors de comprendre ce qu'il peut y avoir de commun entre<br />

l'Antigone de Sophocle, un Hymne de Callimaque, les renseignements elliptiques<br />

apportés par la glose d'un vers d'Homère, tel récit dans la Périégèse de la Grèce de<br />

Pausanias ou dans les fragments des Généalogies d'Hécatée de Milet.<br />

La réponse à cette question résidait certainement dans l'aptitude du public de<br />

ces différentes œuvres à percevoir l'identité de ces récits, leur appartenance à un<br />

ensemble de traditions héritées d'un passé immémorial, relevant d'un même domaine<br />

de savoir. Mais il nous faut aussi tirer une autre conséquence de la dissémination des<br />

récits mythiques dans l'ensemble de la littérature grecque : il est plus pertinent de<br />

parler de « mythographie » que de « mythologie ». Nous n'avons conservé que la<br />

fixation écrite des mythes, des variantes figées une fois pour toutes, parmi tant<br />

d'autres virtuellement possibles. <strong>Le</strong> grand absent serait ainsi le mythe comme parole<br />

vivante, orale et diffuse, surgissant au hasard d'une conversation, raconté entre<br />

parents ou amis, autour du foyer, sur l'agora, dans la campagne, à l'ombre des<br />

temples ou des cyprès. Nous avons ainsi perdu tout le cadre d'énonciation du mythe,<br />

l'ensemble des gestes et des commentaires qui en accompagnaient la narration, le<br />

1 Voir par exemple Gregory NAGY, The best of the Achaeans. Concepts of the Hero in Archaic Greek<br />

Poetry, Baltimore and London, The John Hopkins University Press, 1979.<br />

2 Voir Jean-Pierre VERNANT et Pierre VIDAL-NAQUET, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, Paris,<br />

Maspero, 197 ; Mythe et tragédie II, Paris, La Découverte, 1986. Sur l'utilisation tragique et comique du<br />

mythe, on se référera aussi à Nicole LORAUX, <strong>Le</strong>s enfants d'Athéna. Idées athéniennes sur la<br />

citoyenneté et la division des sexes, Paris, Maspero, 1981.<br />

3 Voir par exemple Lionel PEARSON, The local historians of Attica, Chico, Scholars Press, 1981<br />

(reprint de l'édition de 1942) ; Felix JACOBY, Atthis. The local Chronicles of ancient Athens, Oxford,<br />

1949.<br />

4 Voir M. VAN DER VALK, « On Apollodori Bibliotheca », REG, LXXI, 1958, p. 100-168 ; J.<br />

SCHWARTZ, Pseudo-Hesiodeia. Recherches sur la composition, la diffusion et la disparition ancienne<br />

d'oeuvres attribuées à Hésiode, <strong>Le</strong>iden, Brill, 1960 (ce dernier ouvrage nous apparaît comme l'une des<br />

meilleures introductions à la mythographie antique).<br />

5 Sur l'activité des grammairiens et des philologues grecs, le livre de référence reste celui de R.<br />

PFEIFFER, History of classical scholarship. From the beginning to the end of the hellenistic age,<br />

Oxford, 1968.<br />

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