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Le Conte

Tout sur les contes

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LES CONTES DE PLATON OU L'ÉLOGE DE LA RATIONALITÉ NARRATIVE<br />

dehors, grâce à des caractères étrangers, non point au-dedans et grâce à euxmêmes,<br />

le moyen de se ressouvenir ; en conséquence, ce n'est pas pour la<br />

mémoire c'est plutôt pour la procédure du ressouvenir que tu as trouvé un<br />

remède. Quant à la science, c'en est l'illusion, non la réalité, que tu procures<br />

à tes élèves : lorsqu'en effet, avec toi, ils auront réussi, sans enseignement, à<br />

se pourvoir d'une information abondante, ils se croiront compétents en une<br />

quantité de choses, alors qu'ils sont, dans la plupart, incompétents ;<br />

insupportables en outre dans leur commerce, parce que, au lieu d'être<br />

savants, c'est savants d'illusion qu'ils seront devenus ! » (274c-275b).<br />

Theuth, inventeur de l'écriture, éliminateur du conte et de sa sagesse. <strong>Le</strong><br />

conte, en effet, est implanté dans la mémoire, non seulement individuelle mais<br />

surtout collective. <strong>Le</strong> conte se souvient d'un passé irrécupérable et non-objectifiable.<br />

La logographie, le « discours par écrit », constamment attaquée par Socrate-Platon,<br />

trahit non seulement l'authentique élévation vers la vérité mais également la<br />

spontanéité d'une activité qui par essence est orale, notamment la narrativité. <strong>Le</strong>s<br />

considérations que Thamous formule contre l'écriture et sa défense de l'oralité, en<br />

relation privilégiée avec la mémoire et la sagesse, peuvent être lues comme l'éloge de<br />

la narrativité.<br />

<strong>Le</strong> chant-récit est un don des Dieux. C'est ce que Socrate et Phèdre constatent<br />

lors de la pause de midi.<br />

Ce n'est assurément pas, à ce qu'il semble, le loisir qui nous manque ! Et c'est<br />

en même temps mon opinion que les cigales, qui, comme il se doit au fort de<br />

la chaleur, au-dessus de nos têtes chantent et devisent entre elles, nous<br />

observent aussi ! Si donc elles nous voyaient, nous deux justement, à l'heure<br />

du midi, pareils au commun des hommes, laisser tomber en avant notre tête,<br />

au lieu de nous entretenir, et subir, par fainéantise de pensée, leur charme<br />

magique, elles se riraient à bon droit de nous, se croyant en présence<br />

d'esclaves qui sont venus dans cette retraite chercher à dormir, comme des<br />

bestiaux, leur méridienne contre la source ! Si au contraire elles nous voient<br />

en train de nous entretenir et de voguer le long d'elles, comme au long de<br />

Sirènes, sans subir leur charme, alors, ce privilège que les Dieux leur ont<br />

donné d'accorder aux hommes, peut-être, contentes de nous, nous<br />

l'accorderaient-elles !<br />

- Quel est donc ce privilège qui leur a été donné ? Il me semble bien en effet<br />

que jamais je ne me suis trouvé à en entendre parler !<br />

- Voilà qui, assurément, ne convient pas à un homme ami des Muses, de<br />

n'avoir point entendu parler de telles choses ! Jadis les cigales étaient, dit-on,<br />

certains hommes de l'humanité antérieure à la naissance des Muses. Puis,<br />

quand furent nées les Muses, et que l'on connut le chant, dans cette humanité<br />

d'alors il y eut, à ce qu'on raconte en effet, des individus que la jouissance<br />

éprouvée mit à ce point hors d'eux-mêmes que, se mettant à chanter, ils ne<br />

songèrent plus à manger ni à boire, et qu'ils cessèrent de vivre sans s'en être<br />

eux-mêmes aperçus ! c'est de ces individus, une fois morts, qu'est né le peuple<br />

des cigales doté par les Muses de ce privilège de n'avoir, après avoir vu le<br />

jour, nul besoin de nourriture, mais tout de suite, sans manger ni boire, de se<br />

mettre cependant à chanter jusqu'au terme de la vie ; puis, ce terme venu, de<br />

se rendre auprès des Muses pour leur faire connaître quelle est celle d'entre<br />

elles qui est honorée ici-bas par tel ou tel. A Tepsichore donc, faisant<br />

connaître ceux qui l'ont honorée par des chœurs de danse, elle rendent plus<br />

particulièrement chers ces gens-là ; à Erato, ceux qui l'ont honorée dans les<br />

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