You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
POUR L'INTERPRÉTATION D'UNE ETHNOLITTÉRATURE<br />
yanre) à ouvrir le ventre de la calebasse et à en faire ressortir l'humanité qui va ainsi<br />
entrer dans l'ère culturelle marquée par l'existence des héros sotériologiques.<br />
<strong>Le</strong> contenu initiatique et sexuel est toujours au premier plan, la calebasse<br />
ventre de vie et de mort, est une métaphore de la femme tandis que le couteau de jet<br />
est une métaphore du principe mâle ; c'est aussi deux magies qui s'affrontent, la<br />
magie noire féminine et la magie blanche masculine, la potière et le forgeron sont<br />
redoutés et tous deux sont des « sorciers » et des démiurges.<br />
C'est en faisant appel à la métapsychologie que l'on pourrait voir dans<br />
l'ensemble de ces figures du conte, le discours d'un inconscient masculin qui cherche<br />
à s'octroyer, à justifier le rôle principal qu'il désire jouer dans la procréation. <strong>Le</strong><br />
désordre institué par le pilonnage des testicules de la mort par une jeune fille met en<br />
péril la virilité du principe mâle, menace symbolique de castration, de phallophagie,<br />
traumatisante pour l'ego masculin et qui sera neutralisée par le constat de<br />
l'impossibilité de contenir, de faire réduire cette chaire ithyphallique toujours en<br />
expansion et qui fait éclater toutes les marmites féminines_<br />
La figure de la MORT, Eros et Thanatos confondus, est assimilable à la<br />
sexualité masculine débridée et seuls les hommes pourront la réduire en cendres et<br />
l'empêcher de mettre en péril l'ordre culturel en la dominant.<br />
Par contre l'avidité de la calebasse, incontrôlée et incontrolable déclenche une<br />
catastrophe eschatologique.<br />
<strong>Le</strong> danger pressenti que constitue ce ventre femelle capable de détruire<br />
l'humanité toute entière à l'exception d'une femme enceinte restée en brousse est<br />
typique de l'attitude de l'homme devant la femme : peur et respect jaloux devant son<br />
pouvoir de séduction et de procréation ; maîtresse de la vie, de toute évidence, aux<br />
yeux de tous, elle ne peut que devenir maîtresse de la mort dans le secret de ses<br />
mystères.<br />
La mère des deux jumeaux, restera ou sera la gardienne de la tradition<br />
puisqu'elle initiera ses fils, puis disparaîtra, laissant au double principe mâle (le droit<br />
et le gauche) 1 , le soin de recréer l'humanité.<br />
Avec le nom des héros (le droit et le gauche) la boucle est bouclée : le jeu des<br />
figures telles les testicules de la mort, le couteau de jet, le jus gluant de la liane<br />
yanre, la calebasse, les marmites, la viande qui gonfle, assurent la victoire<br />
civilisatrice du principe mâle sur le principe femelle et contraignent à une lecture<br />
paradigmatique du conte suivant un code sexuel.<br />
Comme on accuse souvent la métapsychologie de voir et de mettre du sexe<br />
partout, nous voudrions préciser que dans d'autres versions africaines de ce conte,<br />
c'est un bélier, principe mâle s'il en est, qui fendra la calebasse ; on retrouve dans<br />
d'autres contes ce bélier qui s'ouvre un chemin, à coups de tête ou de sexe, dans des<br />
cavernes pour amener à la vie des êtres qui y sont enfermés. Mais effectivement il est<br />
possible de lire ces contes suivant une isotopie moins sexualisée, moins axée sur<br />
l'attitude ambigüe envers les femmes et plus investie par une visée didactique sur les<br />
phénomènes atmosphériques : le bélier est en effet le dieu de l'orage et du tonnerre,<br />
celui qui par les coups de son front sur le roc provoque la pluie fécondante.<br />
1 Ngakol et Ngagel signifient le droit et le gauche.<br />
29