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Le Conte

Tout sur les contes

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LES CONTES DE PLATON OU L'ÉLOGE DE LA RATIONALITÉ NARRATIVE<br />

de systèmes épistémiques (surtout des croyances, des convictions et des<br />

présomptions). Il n'y a pas de frontière claire et précise entre la connaissance et la<br />

croyance, et toutes les propositions doivent être évaluées sur l'axe de la certitude<br />

vers la probabilité et enfin vers l'incertitude. La détermination cognitive du discours<br />

argumentatif est énormément complexe, et c'est un mythe bien dangereux de poser<br />

que les systèmes de croyances n'affectent en rien la connaissance propositionnelle.<br />

En plus, les systèmes de croyances eux-mêmes sont radicalement dépendants de<br />

positions axiologiques non-objectivables, ces positions étant enracinées dans des<br />

facultés humaines confuses tout comme l'inconscient. Dans ce domaine également,<br />

l'analyse narratologique combat la naïveté épistémologique.<br />

Il paraît donc possible et nécessaire d'homologuer narrativité et<br />

argumentativité, narratologie et théorie de l'argumentation. Il n'y a pas de solution<br />

radicale et finale, mais la confrontation des deux disciplines pourrait nous mener à<br />

l'inspiration réciproque et à la modification des corps de doctrine par amendement.<br />

L'avenir des deux approches dépend (partiellement du moins) de leur intégration.<br />

II<br />

Changeons de ton à présent. Que narrativité et argumentativité se soient<br />

paradigmatisées, est inscrit dans l'histoire intellectuelle en Occident. Il semble bien<br />

qu'il y a une scission radicale entre la rationalité narrative et la rationalité<br />

argumentative, et une hiérarchisation entre ces deux types de rationalité se dessine<br />

évidemment en faveur de la dernière. C'est, paraît-il, un polemos entre logos et<br />

muthos, et les Grecs en portent la responsabilité. <strong>Le</strong>s grands penseurs grecs ne<br />

dénient pas toute rationalité à la narrativité, mais ils qualifient la « rationalité » du<br />

récit, du conte, du mythe, comme radicalement spécifique à l'égard de la rationalité<br />

de l'argumentation, en philosophie et en science par exemple. Ceci n'est sans doute<br />

pas totalement vrai : Platon et Aristote n'ont pas la même conception concernant la<br />

relation du mythique et du logique, du narratif et de l'argumentatif, et c'est ce que je<br />

voudrais « mettre en scène » pour votre et mon divertissement dans les pages qui<br />

suivent. Je fabulerai un petit drame où Platon, merveilleux conteur, incarne le héros<br />

du paradis où récit et philosophie s'interpénètrent, où muthos et logos ne sont que<br />

deux facettes d'une même médaille. Aristote, faux mythophile, par contre, instaure le<br />

mal en condamnant le mythe et le récit comme porteurs d'une rationalité dangereuse.<br />

C'est donc bien Aristote qui est à l'origine de la paradigmatisation dont on souffre<br />

toujours. Un retour à Platon transcende ainsi la scission que l'épistemè<br />

aristotélicienne a inaugurée. En tant que metteur en scène de la saynète, je décline<br />

toute responsabilité quant à l'authenticité de mes deux personnages : ni la philologie,<br />

ni l'exégèse (exhaustive ou même fidèle) de l’œuvre de nos deux géants ne<br />

m'intéressent vraiment. Soyons sincère : ce n'est que pour le plaisir, le vôtre, le mien,<br />

mais un plaisir qui touche le cœur, le fond de l'être raisonnable en nous, que j'ouvre<br />

le rideau sur nos deux protagonistes et que j'écoute avec vous quelques contes de<br />

Platon.<br />

D'UNE PHILOMYTHIE BIEN SUSPECTE<br />

Introduisons Aristote, et c'est Michel de Certeau qui nous tient la main :’<strong>Le</strong><br />

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