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Le Conte

Tout sur les contes

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LES CONTES DE PLATON OU L'ÉLOGE DE LA RATIONALITÉ NARRATIVE<br />

un raisonnement ne produisent pas automatiquement des inférences puisque ces<br />

inférences doivent être assumées par les personnes qui raisonnent. Il y a une<br />

généralité dans l'activité raisonnante mais cette généralité n'est pas basée sur la<br />

généralité de la réalité objective ou d'un ensemble stable d'entités ontologiques : c'est<br />

bien plutôt la généralité des structures internes de ceux qui raisonnent et<br />

argumentent. <strong>Le</strong>s « raisons » sont des directives dont l'observation et la non-violation<br />

sont désirées par la communauté de ceux qui raisonnent. Avancer un argument se fait<br />

toujours au nom d'une valeur conçue et désirée. C'est ainsi que la validité des<br />

principes inférentiels est basée sur la reconnaissance de la qualité épistémique et<br />

érotétique du procès raisonnant en argumentation. On pourrait même affirmer que<br />

toute rationalité argumentative (même au niveau du discours scientifique) est en fait<br />

une pratique : l'argumentation elle-même est une action pratique - jamais purement<br />

théorique - puisqu'elle sert l'achèvement de buts humains dans une communauté<br />

argumentative. Ces quelques caractéristiques marquent l'épistémologie sous-jacente<br />

à toute théorie de l'argumentation depuis Aristote.<br />

Si l'on se tourne maintenant du côté des présuppositions épistémologiques de<br />

la narratologie (sémiotique), on entre dans une constellation toute différente. Propp,<br />

<strong>Le</strong>vi-Strauss, Greimas considèrent que tout processus signifiant, qu'il soit culturel ou<br />

naturel, théorique, pratique ou esthétique, est un programme narratif. L'objet<br />

musical, le texte journalistique, la forme urbanistique d'une cité sont tous des<br />

narrations ou des chaînes de fonctions narratives. Ceci n'est pas une position<br />

métaphorique mais bien plutôt conceptuelle. Bien sûr, la théorie narratologique<br />

commence comme étude de contes populaires ou folkloriques qui sont de véritables<br />

prototypes de la narrativité, et les résultats les plus convaincants ont été obtenus dans<br />

le domaine de la mythologie et de la fiction romanesque. Mais le point de vue<br />

narratologique exige que tout système de sens, paradigmatiquement et surtout<br />

syntagmatiquement soit soumis à des contraintes narratives. On sait que le<br />

programme narratif se présente comme la quête d'un sujet, en relation<br />

d'intentionnalité (ou de « tensivité ») avec un objet de valeur ; les actants sont en fait<br />

des rôles qui fonctionnent comme les éléments dynamiques du progrès narratif : ils<br />

sont définis uniquement par les actes qu'ils réalisent ou qu'ils provoquent. En<br />

sémiotique narratologique, on donne une caractérisation modale des actants : les<br />

actants sont des concaténations de modalités. <strong>Le</strong>s actions réalisées ou provoquées<br />

sont le résultat d'une faculté ou d'une compétence modalement spécifique de l'actant.<br />

On sait que les sujets actantiels instaurent quasi-automatiquement des « anti-sujets »<br />

et des « co-sujets », et il faut noter que, dans le schéma sémiotique, toute relation<br />

intersubjective est originairement et nécessairement conflictuelle. Ajoutons à cette<br />

esquisse de la narratologie sémiotique cette particularité qui consiste à faire<br />

fonctionner un modèle de profondeur : le programme narratif n'est pas<br />

nécessairement manifesté : la structure sémio-narrative est reconstruite, et c'est dans<br />

ce sens seulement qu'elle est universelle. Cette structuration en profondeur manipule<br />

des niveaux qui doivent être considérés comme en relation de conversion. La plupart<br />

des narratologues estiment ainsi que l'argumentation est un phénomène de surface :<br />

on peut le décrire, mais pour l'expliquer il faut projeter en profondeur des catégories<br />

qui sont d'une toute autre nature que ce que l'on « perçoit » à la surface.<br />

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