11.01.2017 Views

Le Conte

Tout sur les contes

Tout sur les contes

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

CONTE ET NOUVELLE<br />

floue, de façon relative : en somme, plutôt comme contradictoire que comme<br />

contraire de longueur. D'où, naturellement, l'impossibilité de fixer, même de façon<br />

très grossière, une limite à cette non-longueur qu'est la brièveté ainsi comprise. Il y a<br />

des contes et des nouvelles de quelques lignes : Félix Fénéon a cultivé le genre de la<br />

« Nouvelle en trois lignes », en jouant d'ailleurs sur l'ambiguïté du mot nouvelle...<br />

Inversement, il y a eu au XVIII° siècle des « nouvelles » de plusieurs centaines de<br />

pages : monstruosité typologique, qui s'explique par une éclipse provisoire du<br />

roman !<br />

A cette exception près, la brièveté est un trait constant du conte et de la<br />

nouvelle. Elle est fréquemment conditionnée (ou déterminée ?) par des contraintes<br />

éditoriales, notamment la publication, préalable ou exclusive, dans des journaux.<br />

Maupassant a publié la quasi-totalité de ses <strong>Conte</strong>s et nouvelles - titre propre à<br />

torturer l'infortuné descripteur ! - dans des journaux, ce qui leur impose une<br />

dimension assez étroitement limitée. Aujourd'hui, le léger renouveau de la _ nouvelle<br />

s'explique (ou se manifeste ?) par le fait que des quotidiens - <strong>Le</strong> Monde jusqu'en<br />

1986, La Croix - et des périodiques - les défuntes Nouvelles littéraires, le défunt<br />

Contreciel, les vivantes Nouvelles nouvelles, Brèves et N comme nouvelles - publient<br />

des nouvelles, généralement très brèves : souvent entre 10 000 et 25 000 signes, soit<br />

une page plus ou moins serrée de quotidien, ou 5 à 12 pages de revue.<br />

La brièveté entraîne des conséquences non négligeables. La plus importante<br />

est qu'on publie les nouvelles et les contes en recueils, individuels, ou, plus rarement,<br />

collectifs. Se posent alors des problèmes de titrologie, pour lesquels on observe<br />

différentes solutions : parfois c'est la simple désignation du genre (Trois <strong>Conte</strong>s, de<br />

Flaubert, les Cent Nouvelles nouvelles) ; parfois c'est le titre d'un des éléments de<br />

l'ensemble - <strong>Le</strong> Mur, de Jean-Paul Sartre ; on observe aussi des titres qui font<br />

apparaître le nom du genre accompagné d'une détermination : <strong>Conte</strong>s de la bécasse,<br />

<strong>Conte</strong>s du chat perché, Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar, etc. Enfin on<br />

recourt parfois à un titre global, qui peut faire allusion plus ou moins directement à<br />

la spécificité du genre - c'est le cas des Instantanés de Robbe-Grillet - ou qui,<br />

inversement, peut l'occulter : certains recueils de nouvelles ne sont pas signalés<br />

comme tels par leur titre, et peuvent donc être pris pour des romans.<br />

La publication des contes et nouvelles en recueils a des implications<br />

immédiates sur le régime de leur lecture : les textes ne se lisent pas indépendamment,<br />

mais dans leurs relations réciproques. <strong>Le</strong> recueil de <strong>Conte</strong>s ou de Nouvelles est l'un<br />

des lieux privilégiés de l'intertextualité. Sans entrer dans les débats qui se tiennent<br />

encore autour de ce concept, j'entends simplement par là que la lecture d'un texte -<br />

c'est-à-dire, toujours, d'un fragment de texte - ne se fait pas de la même façon<br />

lorsqu'il est isolé et lorsqu'il apparaît dans un ensemble d'autres textes. Il se construit<br />

alors un système de relations qui modifie le sens de chaque texte - occurrence, sous<br />

tous ses aspects. Je ne vais prendre qu'un exemple, aussi simple que possible,<br />

puisqu'il concerne une unité de la manifestation figurative : la bécasse, dans le<br />

recueil de contes de Maupassant pour lequel la bécasse, précisément, est éponyme :<br />

<strong>Le</strong>s contes de la bécasse.<br />

<strong>Le</strong> premier de ces contes exerce une fonction spécifique : il décrit les<br />

conditions d'énonciation des contes du recueil. Je reviendrai, plus bas, sur ces<br />

problèmes d'énonciation. Pour l'instant, c'est la bécasse qui m'intéresse. <strong>Le</strong> rôle qui<br />

233

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!