11.01.2017 Views

Le Conte

Tout sur les contes

Tout sur les contes

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

LE CONTE<br />

nouvelles comporte une formule très intéressante, sous deux formes variables selon<br />

les sources textuelles :<br />

- « S'ensuit la table de ce présent livre, intitulé des Cent Nouvelles nouvelles,<br />

lequel en soi contient cent chapitres ou histoires, ou pour mieux dire nouvelles » ;<br />

- _ et la variante : « (_) lequel en soi contient cent chapitres ou histoires, ou<br />

pour mieux dire contes à plaisance ». Formules doublement intéressantes. D'abord le<br />

rédacteur a jugé utile d'expliquer le mot nouvelles, qu'il semble considérer comme _<br />

nouveau, et lui donne des équivalents référentiels : chapitres et histoires. Et d'autre<br />

part la variante donne l'expression contes à plaisance comme substitut de nouvelles,<br />

ce qui fait d'emblée surgir l'une des difficultés de notre sujet : les possibilités de<br />

neutralisation entre les deux mots.<br />

Il faut, sans doute, se méfier de l'étymologie. Pourtant, ici, ce bref parcours<br />

historique n'aura pas été inutile, car il aura indiqué quelques directions pour<br />

l'essentiel exactes. J'insiste sur la grammaire. De son origine adjectivale, la nouvelle<br />

conserve sans doute un ancrage référentiel, ou présenté comme tel : la nouvelle sera,<br />

dans son histoire ultérieure, rarement tout à fait coupée des événements - les<br />

« nouvelles » - qu'elle est censée rapporter, et qu'elle aura à présenter comme réels.<br />

Inversement, le conte tient son origine du verbe conter, c'est-à-dire d'une opération<br />

énonciative en œuvre, susceptible de rompre ses relations avec le référent : d'où la<br />

propension du conte à s'orienter du côté de la fictivité.<br />

Reste que les mots ne conservent pas leur sens étymologique : il leur arrive<br />

même de l'inverser. Il convient donc maintenant d'essayer d'indiquer les relations qui<br />

s'établissent, essentiellement dans la modernité, entre les deux notions. Je le ferai en<br />

utilisant successivement quatre critères, par ordre de difficulté, et, sans doute,<br />

d'importance croissantes. Il s'agit 1) de la longueur matérielle du discours ; 2) de la<br />

conformité (et de la non-conformité) entre niveau thématique et niveau figuratif ; 3)<br />

de la véridiction opposée à la fictivité ; 4) du statut énonciatif des deux types de<br />

discours. Inévitablement, ces quatre critères sont liés entre eux : ce qui, pour nous,<br />

entraîne le risque de redites.<br />

1. LONGUEUR MATÉRIELLE DU DISCOURS<br />

Du signifiant, il faut, après Saussure, répéter qu'il est linéaire : écrire, ça<br />

occupe de l'espace, de même que parler, ça prend du temps. C'est l'implication<br />

inévitable de la manifestation matérielle du signifiant : dans le cas de l'écrit, une<br />

ligne d'encre disposée sur une surface, qu'elle investit. De façon plus ou moins<br />

abondante : il y a des discours brefs et des discours longs. Naturellement, ce trait<br />

intervient de façon non négligeable (même si on a souvent tendance à l'occulter)<br />

dans la typologie des discours. Il intervient aussi de façon capitale dans l'institution<br />

littéraire : le critère de la longueur d'un texte est celui qui intervient en premier lieu<br />

dans la procédure d'accès à la littérarité, c'est-à-dire, institutionnellement, à<br />

l'édition 1 . Qu'en est-il, à cet égard, de nos deux types de discours ? Ils sont à n'en pas<br />

douter du côté de la brièveté. A condition d'entendre cette notion, par elle-même<br />

1 Chacun sait par exemple qu'un roman de 100 000 signes (50 pages) ou de 2000 000 signes (1000<br />

pages) n'a aucune chance d'accéder à l'édition, c'est-à-dire à la littérarité (ou, ce qui revient au même, à la<br />

condition préalable de la littérarité). Il y a lieu de réféchir là-dessus !<br />

232

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!