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Le Conte

Tout sur les contes

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LE CONTE<br />

imprévisible dans l'homme (allez savoir, avec toutes ces mésalliances obscures),<br />

repentirs imprévisibles dans le loup ; ambiguïté du bénéfique et du maléfique. Une<br />

dialectique paradoxale et agile entraîne continûment le sujet dans les spirales de sa<br />

conscience et de sa mémoire. Cette inquiétude d'un sujet à advenir sous-tend l'oeuvre<br />

de Boudou, romans compris.<br />

<strong>Le</strong>s lignes de force de son imagination, de toute son oeuvre, s'inscrivent dans<br />

ses contes. <strong>Le</strong> couple du dernier conte du Drac - mari et femme « òme et femna »,<br />

après tribulations et avatars, - égaré, par amplification épique de la géographie, dans<br />

la Montagne Noire, « demande le chemin de la Plancade »_ Il ne quitte donc pas la<br />

légende. Renseignons-le : il va vers la maison des <strong>Conte</strong>s del meu ostal, des <strong>Conte</strong>s<br />

dels Balssas. « L'ostal » : maître-mot de la culture d'oc. L'homme qui s'informe du<br />

chemin de la Plancade, de la maison, comme qui demanderait le chemin d'Ithaque, y<br />

ramène une femme qui a été sorcière, authentique fille du Diable ; elle a jeté, par<br />

amour, son dernier talisman, et elle a été bénie par un vieux prêtre ; mais elle détient<br />

virtuellement l'initiative de quelque belle saga familiale.<br />

L'ostal est le lieu où s'origine le souvenir :<br />

Me soveni d'aquel ostal<br />

Tot fendasclat de fons a cima.<br />

mais aussi la contradiction. Lieu du conflit avec le père, avec le frère. Polarité<br />

centrifuge ; d'où, chez Jean Boudou, cette série impressionnante de marcheurs, de<br />

fugueuses, dans la tension contradictoire de l'enfermement (le préfixe en est poétique<br />

chez Boudou, associé à la marche labyrintique, ou à la définition du JE sur le patron<br />

de la première phrase du Libre de Catòia :<br />

« Oc, soi Catòia. Catòia, l'En farinat. »)<br />

Ne laissons pas « l'enfant polit » sans observer qu'il circule explicitement du<br />

conte aux romans, l'expression désignant, à leur débuts, le héros de la Quimèra ou le<br />

Lézin de las Domaisèlas - qui jamais ne reviendront à la maison 1 , non plus que les<br />

autres héros de Boudou.<br />

Je proposerai maintenant, dans une énumération arbitraire, certains aspects de<br />

la poétique de Boudou, sans toujours les rattacher aux thèmes des contes, soit parce<br />

que c'est désormais évident, comme pour le sous-terrain (et la noyade), la<br />

métamorphose, soit pour ne plus répéter - à propos de la talvera, du galérien - que la<br />

poétique de Boudou est tout une.<br />

La maison est le lien avec la mère. Ce sont ici les contes du fils de la femme.<br />

« <strong>Le</strong>s contes qui suivent, dit l'avertissement, je les tiens de ma mère, née à la Rivière<br />

(_) La Rivière, en Albigeois, était paroisse de la Plancade, en Rouergue. » Il y a trois<br />

figures de la mère, chez Boudou : la « despoderada », la « Draquessa negra » que<br />

nous connaissons déjà, et que le fils rétablit dans sa nature radieuse ; la « filha<br />

blanca », qui est la mère de Lézin dans las Domaisèlas : la mère de Lusignan, la<br />

mère de l'amour ; du même roman, « la dolorosa », la mère de Gilbert, suppliciée du<br />

1 Notons un cas remarquable de l'imagination de l'enfermement : le clôture du couvent, qui, par ses<br />

résistances mêmes, est un lieu de la liberté. Lieu d'asile du fugitif (qui ne fuit parfois que lui-même), du<br />

poursuivi, du galérien. C'est donc le seul endroit où l'on sache que le droit se déplace. On y change de<br />

métier, de fonction, de nom ; et même de sexe, dans le couvent de das Domaisèlas. En ce couvent<br />

débouche le sous-terrain par où va réapparaître Clément (Clé- mence), escorté par Germaine et sa cour de<br />

filles, les mains accoucheuses de deux vieilles soeurs, ridées et riantes, l'attendent. L'oeuvre de Boudou<br />

s'arrête énigmatiquement sur cette vision sororale. En une phrase inachevée - ou plutôt : commencée.<br />

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