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POUR L'INTERPRÉTATION D'UNE ETHNOLITTÉRATURE<br />
société productrice de céréales, mais comme on peut le voir, la fécondation a glissé<br />
vers la gestation bien que la catégorie fécondité/stérilité reste le noyau invariant de<br />
ses virtualités textuelles et que la problématique des rôles mâle et femelle dans la<br />
reproduction soit inscrite dans sa nature et son utilisation quotidienne.<br />
Une étude passionnante mais difficile mettrait sans doute en relation la<br />
noisette des contes indo-européens et la calebasse africaine, la noix et le mortier, le<br />
canari et le coffre... <strong>Le</strong> paradigme existe et les connotations sont semblables.<br />
Une analyse sémantique mettrait en évidence que les sèmes de la figure<br />
nucléaire de la calebasse tchadienne sont d'origine végétale alors qu'au Rwanda et au<br />
Burundi ils sont d'ordre animal. On trouve d'ailleurs la calebasse qui contient les<br />
eaux de pluie dans le ventre d'un lion mythique, dans cette région où hier encore le<br />
pâtre se douchait dans le jet d'urine de sa vache.<br />
<strong>Le</strong> monstre dévorant, au Rwanda et au Burundi, prend la forme d'une hyène.<br />
Si les thèmes et motifèmes sont moins nombreux, ce sont toujours des jumeaux<br />
sotériologiques qui redonnent vie à tous les êtres avalés et dévorés par le monstre qui<br />
est assimilé à un esprit malfaisant, un « kizimu ». Il y a cependant une différence<br />
fondamentale : la calebasse avale comme on avale une bouillie de céréale, alors que<br />
le monstre rwando-burundais mâche et démembre ses victimes.<br />
La récupération se fait au Tchad par une partition en deux, ou bien<br />
arithmologique et au Rwanda par un démembrement du monstre qui renvoie sans<br />
doute à une époque lointaine où la chasse était la moyen privilégié de se nourrir,<br />
aussi bien pour les hommes que pour les animaux.<br />
Ce démembrement, qui apparait sous forme de figure ou de conduite, est lié à<br />
une autre figure qui est celle du rire. La démonstration complète de l'existence d'un<br />
paradigme de figures qui sous-tend une thématique sexuelle serait trop longue, nous<br />
n'indiquerons que les points de repères essentiels. Il s'agit pour une logique mythique<br />
universelle de relier la sexualité féminine, l'animalité mordicante, la consommation<br />
de viande, et le rire.<br />
L'influence arabe, facilement repérable au Tchad, au Rwanda et au Burundi<br />
est sans doute, pour partie, responsable de l'existence de cavernes dont l'entrée en<br />
forme de fente s'ouvre et se referme ; le héros Rwandais qui vit avec sa sœur dans<br />
une telle caverne, qui s'appelle BABA, et qui redonnera vie à l'ensemble de sa<br />
famille en coupant le pouce du kizimu est celui-là même qui confondra la cuisse<br />
dégoulinante de sang de sa sœur avec une miction. Point n'est besoin de développer<br />
pour lire le code sexuel. C'est avec des graines ou des pépins qui éclatent dans le feu<br />
que l'héroïne trompera par deux fois le kizimu ; l'une des particularités des bazimu<br />
(hyènes), est justement d'effrayer les humains par leur rire. Une des épreuves<br />
favorites imposées aux héroïnes est l'interdiction de rire. <strong>Le</strong> rire qui découvre les<br />
dents renvoie à la manducation férale. Cette gueule dentée renvoie à la sexualité<br />
féminine, à la castration, au temps dévorant, à une figure indo-européenne que nous<br />
connaissons sous le nom de Chronos, et à une figure africaine assez connue pour son<br />
vagin denté et le sadisme dentaire de la menstruation, celle de la déesse lunaire et<br />
mortifère des Bambara, Mousso-Koroni 1 .<br />
1 Cf. G. DIETERLEN, Essai sur la religion Bambara, PUF, 1951.<br />
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