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LE CONTE<br />
Il nous a semblé trouver ici une illustration de ces lignes par A. J. Greimas :<br />
en tenant compte du fait que les qualités du monde naturel, sélectionnées, servent à<br />
la construction du signifiant des objets planaires, mais qu'elles apparaissent en même<br />
temps comme des traits du signifié des langues naturelles, on voit que les discours<br />
verbaux portent en eux-mêmes leur propre dimension figurative, à ceci près que les<br />
figures qui la constituent sont des figures du contenu et non des figures de<br />
l'expression 1 .<br />
L'étude du médaillon avec laquelle nous avons débuté a montré une double<br />
manière d'employer le figuratif. D'une part l'arche d'alliance illustrant un texte, et la<br />
rose Tudor en illustrant un autre, relèvent d'une approche verbale du mode visuel de<br />
représentation. L'image est alors une « métonymie », ainsi que nous l'avons rappelé,<br />
du discours qu'elle illustre, un « condensé » fondé sur la mémorisation des<br />
développements afférents. Son sens repose essentiellement sur les symboles<br />
communs à l'énonciateur et à l'énonciataire, c'est-à-dire à un ensemble culturel au<br />
sein duquel les images font système, non certes par rapport à un référent<br />
extralinguistique, mais par référenciation mutuelle à l'intérieur du système lui-même.<br />
La culture est en ce sens un monde clos et « homogène » 2 , servant de fond à<br />
l'identification d'une unité telle que l'arche d'alliance par rapport au code biblique ou<br />
la rose à larges pétales rouges en quinconce par rapport à l'histoire d'Angleterre. La<br />
symbolique de telles images est de même nature que celle du signe linguistique, si<br />
celui-ci est défini par rapport à un ensemble plus vaste, à savoir, la sémiologie 3 .<br />
D'autre part le médaillon montre comment la référenciation non plus<br />
culturelle mais par homologation à un ensemble perceptif ou « perçu », c'est-à-dire<br />
construit d'après le contraste qui fonde la perception d'un fond et d'une forme, d'un<br />
ton chaud et d'un ton froid, etc., est également productrice de sens. Ce type<br />
d'organisation sémantique qui fit la fortune de l'art abstrait lequel s'y était consacré<br />
entièrement, mais dont l'étude du médaillon maniériste prouve la pertinence à tous<br />
les arts plastiques, n'est cependant pas plus spécifique à ceux-ci que le précédent<br />
n'est propre au signe linguistique.<br />
En effet, alors que nous avons vu le visuel emprunter au discours verbal le<br />
procédé de la métonymie, de même le discours verbal offre des exemples d'emprunts<br />
du principe d'homologation.<br />
<strong>Le</strong> modèle qu'offre sur ce point le conte populaire français en est un exemple<br />
intéressant, car il est fondé sur une utilisation particulièrement riche des éléments<br />
figuratifs, de telle sorte que l'on y retrouve le décalage observé entre le figuratif<br />
iconique et le figuratif abstrait dans le médaillon. Chaque fois que les occurrences<br />
« noisette », « amande », « noix », constituent un ensemble par référentialisation, se<br />
faisant écho l'un l'autre du fait de la communauté du signifié contenant vs. contenu,<br />
elles produisent un système repérable indépendamment du récit, à la manière d'un<br />
ornement 4 . Ce qui les isole en un ensemble aisément reconnaissable 1 et leur confère<br />
1 A. J. GREIMAS, « Sémiotique figurative et sémiotique plastique », op. cit., p. 13.<br />
2 Dict., op. cit., p. 174. Dans un sens restreint, s'appliquant à des unités de même niveau.<br />
3 F. de SAUSSURE, C.L.G, éd. T. de Mauro, Paris, Payot, 1981, p. 32 et suiv.<br />
4 <strong>Le</strong> repérage se fait en même temps par l'itérativité syntagmatique. J. Courtés cite par exemple : « Elle<br />
ouvrit sa noix. _Petit Cendron ouvrit son amande. _ Petit Cendron ouvrit sa noisette. » p. 129. Ou<br />
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