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Le Conte

Tout sur les contes

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LE CONTE<br />

du profil et celle du regard (1. a) s'oppose au croisement des deux orientations dans<br />

le second (1. c), le 3/4 étant orienté à gauche et le regard à droite. Ainsi une même<br />

unité figurative, dans un système de signification non-verbal, peut-elle admettre<br />

simultanément une valeur iconique et une valeur catégorielle, « abstraite ».<br />

Toutefois il y a lieu de noter un deuxième plan sur lequel la miniature est en<br />

relation avec le « camée », le plan chromatique. En effet, tandis que les miniatures<br />

d'Hilliard dépendent le plus souvent du code chromatique des sonnets de Pétrarque<br />

pour les visages féminins, c'est-à-dire une gamme très restreinte dans laquelle entrent<br />

en composition le rouge, le blanc, le noir et l'or 1 , dans cette miniature ce schéma<br />

chromatique est simplifié de sorte que deux teintes dominent essentiellement : un<br />

blanc « chaud » pour la carnation, les roses et les lèvres constituant un semis de<br />

petites touches plus vives, de la même teinte, l'or même de la chevelure étant atténué<br />

de manière à obtenir une continuité avec le visage ; et un blanc « froid » pour la<br />

dentelle du col qui se détache sur le fond bleu réduit à un mince filet.<br />

<strong>Le</strong> tout est constellé, dentelle et chevelure y compris, de bijoux étincelants<br />

dont la valeur chromatique est minime en comparaison avec leur éclat. Sans doute le<br />

temps y est-il pour quelque chose, mais l'effet de simplification chromatique ressort<br />

néanmoins d'une comparaison avec d'autres miniatures contemporaines.<br />

<strong>Le</strong> portrait (1. c) manifeste par conséquent ce décrochement entre les couleurs<br />

et le figuratif iconique qui caractérise l'extérieur bleu et or (1. a). Une polarisation de<br />

l'espace ovale selon l'opposition chaud vs. froid s'opère de ce fait, laquelle s'intègre<br />

au niveau iconique du portrait de manière à superposer à la ressemblance<br />

présupposée avec Elisabeth 1ère, une « ressemblance » (spécifique au portrait) avec<br />

Diane vs. Vénus, ce qui entraîne un vaste agglomérat de connotations symboliques<br />

empruntées à la culture continentale.<br />

On remarquera que si le figuratif iconique représenté par le vêtement se<br />

caractérisait par une ambivalence impliquant une univocité du signifiant, le costume<br />

ayant soit la valeur /publique/, soit la valeur /privée/, le figuratif abstrait se<br />

caractérise par la pluralité des valeurs et la co-existence des contraires, puisque un<br />

même signifiant : le portrait, renvoie en même temps à la dimension iconique<br />

(univocité du signifié : Élisabeth) et à la dimension culturelle où la co-présence de<br />

Diane et de Vénus, du froid et du chaud, du fond et de la forme, de la terre et du ciel,<br />

est non seulement possible mais essentielle.<br />

<strong>Le</strong> passage qui est ainsi ménagé grâce à la communauté du figuratif dans les<br />

deux cas entre un code univoque fondé sur l'ambivalence des objets perçus et un<br />

code admettant l'articulation binaire des concepts construits permet de rendre compte<br />

d'effets de dé-sémantisation et de re-sémantisation dont le portrait en miniature nous<br />

donne un premier exemple : le portrait d'Elisabeth 1ère par sa large diffusion parmi<br />

les courtisans anglais et étrangers subit une « banalisation » perçue comme une perte<br />

de valeur, alors que l'encadrement du portrait, lequel va, dans ce médaillon, jusqu'à<br />

se refermer totalement sur l'image et l'occulter entièrement, en échappant aux<br />

contraintes du figuratif iconique univoque, permet de disposer d'un système<br />

signifiant aux valeurs multiples. De sorte que le portrait en miniature, par les<br />

1 Cf. notre thèse d'état : <strong>Le</strong> portrait élisabéthain dans l'oeuvre de Nicholas Hilliard, (1547-1619), Paris<br />

IV, 4 avril 1987.<br />

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